Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article EPHESIS

EPHESIS (°Eaeatçl, D'après les grammairiens et les lexicographes, on donne généralement au mot iyeatç le sens d'un appel d'une juridiction inférieure à une juridiction supérieure, dans la législation des villes grecques, de même que dans le droit international de la Grèce on voit dans la 'cala; :xx),r(ro; la ville étrangère choisie comme tribunal d'appel. Cette théorie doit être sensiblement modifiée. D'abord le mot stpeat; ne signifie appel que dans quelques cas très restreints. Puis, dans le droit international, il n'y a pas en réalité d'appel, mais simplement l'arbitrage et parfois un renvoi soit facultatif soit obligatoire à un tribunal étranger. 1. Voyons d'abord l'É?8027. Nous n'avons de renseignements étendus que pour Athènes. A Athènes nous voyons dans le traité récemment retrouvé d'Aristote sur la Politique des Athéniens' qu'à l'époque primitive, tant que la juridiction civile a appartenu aux archontes, c'est-à-dire jusqu'à Solon, ils ont jugé en dernier ressort. Parlant ensuite de l'établissement des tribunaux populaires par Solon, Aristote désigne cette réforme, qu'il considère comme une des plus démocratiques de Solon, par les mots el; ir,ii Stxaarr,ptov 'mig2. Que faut-il entendre par là? Plutarque, paraphrasant ce texte d'Aristote', a cru que Solon, pour ménager la transition, avait laissé provisoirement la juridiction civile aux archontes, mais avait soumis leurs jugements à l'appel devant les tribunaux populaires. Cette opinion a été adoptée par beaucoup d'auteurs modernes. On peut se demander si elle est fondée et si Aristote a entendu parler d'un véritable appel; le commentaire qu'il ajoute à sa formule parait indiquer que Solon avait déjà donné au peuple beaucoup plus qu'une juridiction d'appel. En tout cas Aristote ne dit pas dans la suite de son traité à quelle époque cette juridiction d'appel serait devenue une juridiction de premier et de dernier ressort. A l'époque historique les archontes ne sont chargés que de faire l'instruction des procès et de présider les différents tribunaux. Alors, en principe, toute sentence judiciaire est définitive (xuO(a) ; tout jugement, une fois rendu, est parfait (hi' aûrorEaljç') ; on a seulement apporté quelques tempéraments à cette règle et autorisé certains recours. On peut les diviser en deux groupes : P l'action en nullité ou en restitution qui est donnée contre tous les jugements, même contre ceux des héliastes, dans deux cas principaux, quand le citoyen, condamné par contumace, justifie et fait excuser son absence dans le premier procès, et quand le perdant prouve que son adversaire a trompé les juges au moyen de faux témoins. Nous renvoyons pour l'étude de cette 2° L i'?Eaiç, appel d'un certain nombre de juridictions ou de quasi juridictions aux héliastes. Le procès porté à une instance supérieure, comme le procès recommencé pour nullité, s'appelle Six évâôtxoç, éidatv.oç ; l'appel rois Stx«aru6. Mais il faut remarquer que ces mots s'emploient non seulement dans l'appel, mais dans le cas où un juge, ne pouvant ou ne voulant pas juger pour une raison quelconque, renvoie les parties au tribunal supérieur, aux héliastes. C'est ainsi que, dans un discours de Démosthène °, un arbitre refuse de juger sous le prétexte qu'il y a un faux témoignage dans le procès. Pollux dans un fragment peut-être emprunté à Aristote, dit qu'il peut y avoir cÿmatç du jugement des arbitres, des magistrats et des démotes aux héliastes, du Sénat à l'ekklésia, de l'ekklésia aux héliastes, des héliastes au tribunal des étrangers. Voyons ces différentes catégories d'appels. Les jugements des arbitres privés, choisis par compromis, ne sont pas susceptibles d'appels; mais il y a ë4Eatç des arbitres publics aux héliastes. Cela ne doit pas nous étonner, car le jugement des arbitres publics n'est qu'une sorte de préliminaire de conciliation, et d'autre part le faux témoignage n est pas puni devant cette juridiction Il n'y a pas de procédure nouvelle ; le magistrat surveille le transport devant les héliastes des pièces qui ont déjà été utilisées devant l'arbitre; et les parties ne peuvent pas employer de nouveaux moyens de défenset0. Nous ne savons laquelle des deux parties parle la première devant les héliastes. A cet appel des arbitres on peut rattacher le cas parti révoqué par un jugement de son collège, peut en appeler à un tribunal d'héliastes". Il y a appel aux héliastes de l'amende (r n1g0),) prononcée par les magistrats 12. On sait qu'à Athènes, en effet, presque tous les magistrats ont le droit de frapper d'une amende certains délits, soit à la suite d'une plainte instruite sommairement, soit de leur propre initiative, ex officio ; on ne sait au juste jusqu'à quelle somme peut s'élever cette amende ; nous n'avons que des chiffres épars, 50 drachmes pour les proèdres, 500 pour le Sénat"; l'amende est levée ordinairement par les npâxropEç, ou, dans certains cas, par les trésoriers des caisses sacrées. On peut toujours appeler aux héliastes de cette punition infligée par les magistrats. C'est à tort que quelques auteurs veulent restreindre l'appel de l'Enieoari au cas où le fonctionnaire attrait dépassé le maximum légal. Il est possible que l'é7cteo«), du démarque ait toujours dû être confirmée par les héliastes, sans même qu'il y ait eu d'appel''`. Il y a appel aux héliastes du vote par lequel l'assemblée des démotes refuse d'inscrire le jeune homme âgé de dix-huit ans sur le registre du dème parce qu'il n'a pas l'âge légal ou qu'il n'est pas né libre et de deux parents athéniens, ou expulse un de ses membres comme étranger (aapéypa7croç) et le raye de la liste des citoyens (Gtatç) a pu être soit l'enquête ordinaire à laquelle sont soumis les jeunes gens, soit une enquête extraordinaire provoquée par un décret du peuple ordonnant une revision générale de la liste des citoyensf5, ou par la dénonciation d'un simple particulier. L'épEatç est ici une sorte de plainte ; aussi le citoyen qui l'intente est dit S(xrv aayyâvEty ri':; xotVOJ Tory Lp srnty le ; mais cepen dant, dans le procès, c'est le dème qui est le demandeur; ce sont ses représentants, les cinq euv,yopoi, nommés à cet effet, qui ont d'abord la parole, assistés peut-être du démarque"; l'appel est introduit devant les héliastes par les archontes thesmothètes 18. On peut le porter d'abord devant les arbitres qui servent de juridiction intermédiaire entre le dème et les héliastes et naturellement il y a encore possibilité d'appel du dème aux héliastes; ainsi dans un fragment d'Isée 10, le dème, battu devant les arbitres, en appelle aux héliastes. Si celui qui a intenté l'~çuatç triomphe, il est rétabli sur la liste des citoyens ; s'il perd sa cause, il est vendu comme esclave au profit de l'État et ses biens sont confisqués 20. On peut rattacher à cet appel des dénotes l'appel porté d'abord devant l'arbitre et ensuite devant les héliastes contre le yote des phratriarques ou des membres d'un yévoç, lorsque ceux-ci refusent d'inscrire un enfant sur le registre de la phratrie ou de la famille 21. Dans un discours de Démosthène', le refus de l'appelant de prêter devant l'arbitre le serinent que lui demandent les phratriarques amène la confirmation du premier vote. Remarquons que, dans les enquêtes faites par les démotes, le citoyen poursuivi peut renoncer d'avance à son droit d'appel 23 Il peut y avoir appel du Sénat à l'ekklésia dans deux cas : 1° pour la docimasie des sénateurs et des archontes. La Politique des Athéniens d'Aristote" nous donne à ce sujet des renseignements précis. Les neuf archontes subissent une double docimasie obligatoire devant le Sénat d'abord, puis devant les héliastes; jusqu'à une certaine époque qu'Aristote ne précise pas, l'archonte, exclu par le Sénat, était éliminé définitivement et ne subissait pas la seconde épreuve; mais à l'époque d'Aristote, il peut appeler de la sentence du Sénat aux héliastes qui jugent en dernier ressort. Les sénateurs ne subissent qu'une docimasie devant le Sénat; ils ont aussi la faculté qu'ils n'avaient pas auparavant, d'en appeler aux héliastes d'une sentence défavorable du Sénat. Dans le cas d'une sentence favorable, les opposants peuvent-ils en appeler aux héliastes? C'est une conjecture vraisemblable, mais à l'appui de laquelle il n'y a pas de texte. Les autres fonctionnaires sont tous astreints à la docimasie, mais seulement devant les héliastes. Pour les peines infligées par le Sénat. A l'origine, d'après Aristote, jusqu'à une date que nous ne pouvons déterminer', le Sénat avait le droit de frapper d'amendes, d'emprisonner et même de faire mettre à mort les citoyens. Mais à l'époque historique il n'a plus que des débris de cette juridiction primitive. Il lui reste d'abord un pouvoir disciplinaire sur tous les magistrats26. Un texte de Démosthène et plusieurs inscriptions montrent qu'il peut infliger des amendes en dernier ressort jusqu'à cinq cents drachmes27; c'est sans doute quand il veut prononcer une peine plus élevée, que, comme le dit Aristote, il y a appel de son jugement aux héliastes; mais dans ce cas il ne fait en réalité que soumettre au tribunal un projet de condamnation28. En second lieu il peut recevoir de tout citoyen des dénonciations (eiaayys)s(at) ; il condamne encore en dernier ressort à une amende de cinq cents drachmes; pour toute peine plus forte, il y a appel comme dans le cas précédent. Il n'y a guère de cas où il y ait vraiment appel de l'ekklésia aux héliastes. Ce serait contraire aux principes généraux de la constitution athénienne. Le jugement définitif prononcé par les héliastes sur un magistrat suspendu provisoirement par le peuple lors de l'épichéirotonie ne peut être considéré comme un appel au sens propre. On ne peut davantage attribuer ce caractère ni à la procédure de la ypuc ,capavdµwv, ni à la III. docimasie subie par les nouveaux citoyens devant les héliastes2s, ni à la ratification qu'on demande aux héhastes des traités conclus avec une puissance étrangère3o A la rigueur on peut voir un droit d'appel dans le droit que paraissent avoir eu les villes alliées, pendant la première confédération maritime d'Athènes, de faire réviser tous les cinq ans par un tribunal d'héliastes la taxe fixée par l'assemblée du peuple 3i. Quant à l'appel des héliastes au tribunal des étrangers ou aux arbitres étrangers, car les mots çavtxiv ' txaav7 p:ov comportent les deux sens32, on ne sait au juste à quoi Pollux fait allusion. Aucun autre texte ne mentionne l'existence à Athènes d'un tribunal des étrangers, et il est peu probable que les Athéniens aient jamais consenti à soumettre une sentence des héliastes à un tribunal ou à des arbitres d'une autre ville. Pollux 33 parle d'une somme 7rupaêéatov ou aaaâ:oaov déposée par l'appelant; nous n'avons pas d'autre renseignement à ce sujet. Les autres villes grecques ont-elles pratiqué l'lgieatç ? Les textes font défaut. Quelques inscriptions seulement mentionnent ['appel d'arbitres à un autre tribunal. A Éphèse, vers 83 avant Jésus-Christ, à propos d'estimations (le terres, il y a appel d'arbitres qui paraissent être des arbitres publics aux juges étrangers appelés comme conciliateurs 35. D'après un traité 63 conclu entre deux villes de Crète, [Iiérapytna etPriansos, et un traité analogue conclu entre l-lypata et Érythrée, les procès vont devant un ou plusieurs arbitres (7tpd'txoç) avant d'être portés aux juges arbitres étrangers; mais nous ne savons au juste si ce sont des arbitres publics eu privés, sils jugent en première instance ou s'il s'agit simplement d'un renvoi après une tentative infructueuse de conciliation. Ces textes sont trop peu nombreux pour que nous puissions en conclure qu'il y a partout un préliminaire de conciliation devant les arbitres. H. Nous arrivons maintenant aux conventions internationales. Les villes grecques ont pratiqué l'arbitrage sous différentes formes depuis la plus haute antiquité 3fi jusque sous la domination romaine, soit entre elles, soit entre citoyens d'un même État, pour des contestations de tout genre, soit de droit public, soit de droit privé. Établissons quelques catégories. Afj'aires publiques entre États différents. Il y a d'abord à distinguer, selon les époques, les États entièrement libres, ceux qui font partie d'une confédération et ceux qui, depuis la conquête macédonienne, sont soumis à des rois et plus tard aux Romains. Les États libres choisissent eux-mêmes leur arbitre, ville 87 81 EPE3 64,2 -EPH ou individu'", soit pour chaque cas particulier, et c'est là le mode le plus fréquent, soit à l'avance, pour une certaine période de temps, d'après un traité. C'est ainsi qu'en 117 les Lacédémoniens et les Argiens n, en 421 les Lacédémoniens et les Athéniens i0 s'engagent à soumettre leurs différends à une troisième ville choisie comme arbitre. Dans tes confédérations, c'est généralement l'assemblée fédérale qui juge les contestations " u entre les villes, mais elle peut en déléguer le jugement à une des villes ; les Achéens confient à Mégare un procès entre Épidaure et Corinthe »2. Les textes fournissent peu de renseignements à l'égard des rois macédoniens; Lv simaque parait juger un débat entre Samos et Priène "; Démétrius, en 288, remet sans doute un arbitrage aux Lamiens entre les Athéniens et la ligue béotienne". Les Romains agissent différemment selon les époques; invoqués comme arbitres par des cités qui sont encore libres ", ils jugent généralement eux-mêmes, mais cependant renvoient quelquefois l'affaire à une autre ville'" ; après la conquête ils décident presque toujours eux-mémes; ils délèguent cependant quelquefois l'arbitrage soit à une troisième ville soit à la confédération !xotvér) de laquelle relèvent les parties 47. Voici maintenant les principaux traits que présente l'arbitrage. Les parties sont deux villes ou deux nations, ou une ville et un roi, ou une ville et une confédération. Les causes de différends sont très diverses : revendications de territoires, de châteaux forts, de ports, pillages, violations de conventions, de traités de paix. Le mandat d'arbitrage est un grand honneur qu'une ville refuse rarement; souvent elle le sollicite''. Les parties cherchent, autant que possible, une ville ou un État qui appartienne à une race différente, qui ait une réputation de sagesse, comme Athènes et Sparte, ou d'honnêteté, comme les Achéens, l'amphictyonie de Delphes. Certaines villes paraissent avoir été invoquées plus souvent que d'autres; ainsi, dans nos textes, Paros et Mégare l'ont été trois fois, Carystos, Sicyone, Rhodes, Samos deux fois. Souvent on fait venir des arbitres de plusieurs villes en mèrne temps »'. Il faut naturellement que les parties se soient mises d'accord sur le choix des juges"; mais quand l'une d'elles a constitué un arbitre, si l'autre ne le rejette pas expressément, il semble qu'alors le tribunal doive être considéré comme formé et puisse juger, même en l'absence de l'autre partie 51. Le simple particulier, pris comme arbitre, porte le nom générique de StatrslTtjç 62 ; la ville arbitre s'appelle Èxx)roç 7cé)rt; u ; elle fournit des arbitres en nombre va riable, tantôt un, tantôt deux, cinq, six, et plus ; ils por cent à la majorité des voix, sans doute au bout d'un délai fixé à l'avance u ; ils reçoivent généralement, comme récompense, de grands honneurs, un éloge public, une couronne d'or, les titres de awrfip, (ior,eéç, tètpproédrie aux jeux, l'stalraouç xai t'arraouç en paix et en guerre ; le décret qui mentionne ces honneurs est exposé en public, souvent mis dans un temple; une copie en est remise aux arbitres. Souvent ce sont les parties qui se dérangent pour aller au tribunal d'arbitrage, et dans ce cas elles peuvent envoyer des nSvltxot pour soutenir leurs intérêts"; mais généralement on fait venir les juges dans les pays qui demandent leur intervention, surtout quand il s'agit d'un règlement de frontières. II est peu probable qu'on leur adjoigne des juges indigènes". Quelle est la sanction de l'arbitrage? Si la guerre est commencée, il y a trêve '7; les parties s'engagent à respecter le jugement, déposent quelquefois une caution, menacent d'une amende toute violation de l'accord '8. On remet souvent une copie du traité à un sanctuaire, tel que Délos, Olympie, pour le faire respecter; mais finalement l'exécution des jugements dépend de la bonne volonté des parties et nous avons plusieurs exemples d'infractions à l'accord, de nouveaux arbitrages après une première sentence o9. Les arbitres ne sont pas d'ailleurs à l'abri de la corruption, malgré le serment qu'ils ont prêté 60 Affaires privées entre villes différentes ou citoyens de villes différentes. -Il faut mettre à part quelques cas où l'arbitrage a été imposé par un roi ou par les Romains. Ainsi Antigone, ordonnant la fusion des deux communautés de Téos et de Lébédos, leur donne Mitylène comme 7réÂtç ixxagvoç pour le règlement de toutes les contestations 61. Un magistrat romain établit les Athéniens comme arbitres entre les Gypthéates et deux Romains 6z. Pendant la durée de l'indépendance de la Grèce, une troisième ville peut fournir des arbitres pour un cas particulier; ainsi les Cnidiens décident au sujet d'un prêt entre les Calymniens et deux citoyens de Cos 63. Mais le plus souvent c'est une convention qui a déterminé à l'avance le choix de la ville. La clause de l'arbitrage d'une troisième ville fait, en effet, partie de plusieurs de ces conventions internationales qu'on appelle a4teoAav, EPH -643 EPII in4eoaa 61. Ces accords, conclus entre deux ou plusieurs villes qui ont de fréquentes relations, assurent à leurs nationaux des garanties sérieuses pour leur liberté, leurs biens et surtout le jugement de leurs procès, des boni à z1i auu6ôaoty n. On applique à ces procès des règles déterminées ; il est probable, par exemple, que le défendedr est poursuivi devant le tribunal de son pays". Mais cette garantie ne parait peut-être pas toujours suffisante et le traité autorise encore pour certains cas l'arbitrage d'une troisième ville, d'une 76atç Éxxa-f,Toç. C'est ce que nous voyons dans des conventions conclues entre Arcésiné et Naxos, entre lliérapytna et Priansos61; dans ces deux dernières villes, nous' avons vu qu'on soumet d'abord les procès à l'arbitre local; c'est seulement quand son arbitrage échoue qu'on s'adresse aux arbitres de la ville désignée, auquel on adjoint des juges pris dans les deux tilles contractantes le ; mais cette adjonction de juges indigènes a dû être une exception. Affaires publiques et privées dans une même ville. ltfaut distinguer ici plusieurs sortes d'arbitrage et de juridiction. 40 Il y ad'abord les nombreux cas ou une ville demande l'intervention d'un ou de plusieurs arbitres étrangers, soit pour mettre fin à la discorde et à la guerre civile et réconcilier les partis, soit pour juger des procès privés. C'est ainsi que le Lacédémonien Charmidas intervient dans les discordes des villes crétoises, Démonax de Mantinée à Cyrène comme conciliateur (mnTaprtarr,p), les Achéens dans la Grande Grèce après le massacre des Pythagoriciens, les Priéniens à Alexandrie, à Laodicée, à lassos, à Érythrée et dans une ville éolienne, les Érythréens à Mitvlène, à Ténédos, les Mégariens à Orchomène de Béotie, les Clazoméniens à Smyrne 6D. On pourrait encore citer beaucoup d'autres exemples du même genre i0. Ils prouvent que ce mode d'arbitrage a été une des habitudes favorites des villes grecques. Elles invoquent généralement soit la ville, soit la confédération voisine ; celle-ci envoie un nombre d'arbitres variable ; ils jugent généralement seuls " avec l'assistance de scribes et d'autres collaborateurs (âxôaouiot) parmi lesquels il e a un ôtxaaraytoyôç, Ils ae oivant également tous les honneurs que nous avons énumérés plus haut. Les rois, invoques ou intervenant d'office, jugent rarement eux-mêmes ; ils délèguent le jugement à des arbitres 7T. Les Romains jugent eux-mêmes le plus souvent les conflits dans les pays réduits en province, mais ils autorisent encore parfois l'arbitrage de juges étrangers dans les villes libres et même dans des villes tributaires 73. Ces juges arbitres ont généralement pleins pouvoirs ; ils peuvent concilier, rendre une sentence arbitrale ou juger7°, à la fois d'après les lois du pays, et, comme l'indiquent quelques inscriptions, d'après un ii cap.ux, qui est sans doute une sorte d'édit indiquant les principes généraux qu'ils se proposent de suivre. 11 se peut d'ailleurs qu'ils ne jugent souvent que les affaires que les arbitres publics du pays n'ont pu arranger. C'est ce que nous avons trouvé pour le :evteàs 1txauT'l,ptov constitué à Éphèse à la suite d'une guerre qui avait bouleversé le pays". Cet arbitrage n'a pas de sanction précise. On se demande comment de petites villes, prises comme arbitres par de grands États, pouvaient faire respecter leur sentence. On peut rattacher à cette catégorie d'arbitrage les cas peu nombreux où les arbitres étrangers séjournent à demeure dans la ville et deviennent presque de véritables magistrats". 20 A différentes époques, certaines villes, comme Athènes, ont exercé en vertu de traités une forme particulière de juridiction sur des villes sujettes. Nous n'avons de renseignements que pour Athènes, mais il a dû y avoir ailleurs d'autres conventions du même genre. On sait que, dans la première ligue maritime, Athènes a réservé à ses héliastes le jugement de tous les procès et délits qui ont trait aux institutions fédérales". Il en est de même des crimes privés qui entraînent la peine de mort, l'atimie, l'exil ; l'instruction de l'affaire peut avoir lieu dans la ville soumise, mais le jugement appartient aux héliastes, présidés par les archontes thesmothètes ". C'est en ce sens qu'Athènes est oTdatç txx),' roç et qu'il y a lpeatç, c'est-à-dire renvoi des villes sujettes à la ville maitresse7°. Quant aux affaires privées, on ne sait au juste jusqu'où va la juridiction d'Athènes. mais elle a dû titre assez étendue, puisque lus 1-pr:2vei;t, c'est-à-dire les sommes déposées par les plaideurs dans les causes privées, suffisent, d'après Xénophon", à la solde des heHastes. Dans un traité conclu avec Milet vers 4A0, le chiffre de 100 drachmes parait être la limite de la juridiction milésienne; au-dessus, il y a renvoi à Athènes(t. Dans la deuxième ligue, il y a encore une restriction de la juridiction des villes confédérées au profit d'Athènes; malheureusement nous ne la connaissons que par des inscriptions mutilées ou d'une explication difficile. Ainsi d'après le traité de 376 avec Naxos" il est probable que les causes qui n'ont pu être arrangées à l'amiable par les arbitres de Naxos sont considérées comme àuiageli âtxxt et peuvent être portées à Athènes qui est 7rôatç Éxx)c-ri:oç. D'après un traité conclu avec les villes de l'île de Cens, sont fxxar Tot les affaires qui dépassent 100 draghlnes, et les citoyens fugitifs qui, à la suite de la révolte contre Athènes, avaient été condamnés en masse au bannissement par un décret du peuple athénien, peuvent faire reviser leur condamnation soit à Céos, soit dans la ville ixx).''osç, Athènes". I1 n'est pas question d'appel d'une ville à l'autre. Dans un autre EPH 644 EPH traité conclu entre Athènes et plusieurs villes de cette même île 6', au sujet de l'exportation du rouge de Céos, on peut dénoncer toute violation de l'accord par IvSet;t; ou ? iitiç soit à Athènes, soit dans chacune des villes insulaires; il peut donc y avoir E2eat; à Athènes; mais il n'est pas non plus question de l'appel. 11 ressort de cette étude que dans le droit international de la Grèce l'usais n'est pas l'appel, mais le renvoi, soit facultatif, soit obligatoire, devant les tribunaux d'une autre ville. La 7tiÀtç éxxÂrToç ne constitue pas un tribunal d'appel; c'est ou bien la ville choisie ou imposée comme arbitre soit pour un cas particulier, soit à l'avance, d'après un traité, entre villes différentes, ou entre ville et habitants d'une autre ville, ou entre partis et habitants d'une même ville; ou bien, dans les confédérations, la ville maîtresse qui s'est réservé le jugement de certaines causes, des ô(xat Éxx) 'rot. Tel est le résultat que fournit la comparaison des textes et des inscriptions. Il est contraire à la théorie des grammairiens et des lexicographes96 qui, suivis sur ce point par la plupart des auteurs modernes, voient dans l'tyeatç l'appel, dans la 7t6Âtç r.-.0r-oc la ville à laquelle on en appelle et dans les ôixat ixx)o ot les causes portées en appel. Mais cette théorie n'a aucune valeur; elle repose sur une série d'erreurs et de confusions. Harpocration, par exemple, tire une règle générale du cas particulier d'ioeatç renfermé dans le discours de Démosthène contre Euboulidès. On a vu ce que vaut et quelles restrictions comporte la définition de l'i(peatç dans Pollux. La plupart des définitions de l'Éxx)rToç 7td),tç viennent d'un passage mal compris d'Eschine et de la scholie de ce texte6°. Suidas fait d'fxx)sToç un substantif. D'autre part le changement de sens que subit le mot Exx)rTos à l'époque impériale oit il désigne l'appel (exx),r-ov Stxaa-r'Iptnv, tribunal d'appel, S(xr ixx),1 ro; cause portée en appel) a certainement influé sur les interprétations des scholiastes et des lexicographes8'. On a donc le droit de les corriger.