Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article EPIDAURIA

EPIDAURIA ('E7tteat7pta). Nom d'une des fêtes célébrées à Athènes en l'honneur d'Asclépios [AESCULAPIUS]. Elle était intercalée au milieu des Éleusinies [ELEUSINIA, p. 366], et par là elle cessait d'être une fête spéciale au dieu d'Épidaure ; elle rentrait dans l'ensemble des cérémonies de la grande fête des Deux Déesses, et comptait parmi les journées préparatoires des Mystères d'Éleusis, D'après l'opinion admise par Preller, F. Lenormant et Nebe elle avait lieu le 19 du mois de boédromion, au matin, et formait la dernière phase des cérémonies ayant Athènes pour théâtre, attendu que la procession se mettait en route pour Éleusis dans la même journée du 19e. On expliquait l'origine des Épidauria par une légende, dont Pausanias' et Philostrate' nous ont conservé un écho. Elles avaient été instituées, semble-t-il, pour rappeler l'initiation d'Asclépios aux mystères des Deux Déesses et les circonstances singulières de cette initiation. Asclépios serait venu d'Épidaure, pendant la fête des Eleusinies, pour prendre part aux mystères et on l'y aurait admis, quoiqu'il fût arrivé en retard. Preller a montré, en effet, que les mots b4d euar77péov ne signifiaient point qu'Asclépios était arrivé trop tard, après que les mystères étaient terminés, et qu'on les avait recommencés pour lui; mais simplement qu'il était arrivé en retard et n'avait pas suivi toutes les cérémonies préliminaires. Il avait, en quelque sorte, bénéficié d'un sursis, Et ce sursis, chacun put, par la suite, en bénéficier pareillement ; l'exception admise pour le dieu devint une coutume. Ceux qui n'avaient pu arriver pour l'yupudc n'étaient point pour cela exclus des mystères : il suffisait qu'ils se présentassent le jour des Épidauria; il était temps encore. C'est bien ce que démontre la suite du récit de Philostrate : Apollonius, qui est arrivé ce jourlà, demande à être initié ; si l'hiérophante le repousse, ce n'est point sous prétexte qu'il est venu trop tard, mais à cause qu'il est un magicien et entaché d'impureté; d'ailleurs l'hiérophante se ravise et consent à admettre Apollonius, qui, à son tour, refuse. On doit supposer, d'après cela, que les Épidauria terminaient la série des diverses cérémonies préparatoires des grands mystères; et c'était, sans doute, la plus importante de ces cérémonies, puisqu'on pouvait, à la rigueur, se dispenser des précédentes, pourvu qu'à celle-là on fût présent. En quoi consistait-elle? on ne le sait pas avec précision. Cependant il n'est pas impossible d'en retrouver les parties principales. D'abord, il n'est pas douteux qu'on n'y offrît un grand sacrifice à Asclépios ; et ce sacrifice, qui avait lieu le matin, était précédé d'une veillée sacrée, 7tavvu/(ç. La 7tavvuy,(ç est, en effet, mentionnée dans une inscription relative aux Épidauria, qui a été découverte lors des fouilles de l'Asclépiéion d'Athènes, en 18'76'. Puis, du moment que cette fête marquait la fin de la période préparatoire des Éleusinies, on devait y accomplir les dernières et définitives purifications ; il était nécessaire que ceux des mystes qui n'avaient pas pris part aux premières cérémonies, et qui n'étaient arrivés que ce jour-là, fussent purifiés, eux aussi. C'est pourquoi, même en l'absence de tout témoignage des inscriptions et des écrivains anciens, nous devons admettre que les Épidauria étaient en bonne partie, sinon en majeure partie, constituées par des rites purificatoires. Enfin, l'inscription citée plus haut' donne la preuve que les errhéphores figuraient dans cette fête; et l'on apprend par une autre inscription 8 que les canéphores y figuraient aussi. On est en droit de conclure de cela qu'il y avait une procession. D'où partait cette procession, et où se rendait-elle? L'hypothèse la plus vraisemblable' est qu'elle se formait à l'Éleusinion10, qui était, selon toute apparence, le centre de la fête urbaine des Éleusinies, et qu'elle se dirigeait vers le temple d'Asclépios, et de là peut-être jusqu'au sanctuaire voisin de Déméter Chloé. En somme, ce que nous savons avec certitude de la fête des Épidauria, même augmenté de ce que nous en pouvons deviner, n'est pas bien considérable. Néanmoins le fait le plus important est acquis, à savoir l'alliance du dieu d'Épidaure et des deux déesses d'Éleusis 11. Parmi les bas-reliefs votifs qui ont été trouvés sur l'emplacement de l'Asclépiéion d'Athènes, lors des fouilles de 1876, il y en a deux qui nous montrent Asclépios associé à Déméter et Coré, et, par conséquent, sont relatifs aux Épidauria 12, Le premier de ces ex-voto est particulièrement remarquable : Déméter est assise sur un siège rond, une espèce de boisseau; derrière elle, Coré debout incline deux torches allumées ; Asclépios aussi est debout, un peu en avant de Déméter, la tête tournée vers une file de suppliants qui s'avancent vers lui (fig. 2693) i9. On EP1 -664EP1 pourrait, enfin, présenter comme un autre témoignage, mais indirect, de l'union qui existait entre ces trois divinités la découverte, qui a été faite dans l'enceinte d'As clépios à Athènes, d'une dédicace aux deux déesses d'Éleusis, Toiv Beoïv f4. Faut-il, maintenant, aller jusqu'à dire que le voisinage des sanctuaires d'Asclépios, de Déméter Chloé et de Gê Courotrophos, sur le versant méridional de l'Acropole 15, constitue en quelque sorte, une preuve matérielle de l'alliance de ces divinités ? Je ne le crois pas. A Mégare aussi, la description de Pausanias f 6 donnerait à penser qu'un temple d'Asclépios était voisin du mégaron de Déméter; mais cela non plus ne prouverait rien. II est plus important de constater qu'à Épidaure, dans la ville d'Asclépios, il existait réellement un culte de Déméter et de Coré. On les désignait, il est vrai, par les noms moins connus de Damia [DAMIA] et Auxésia. Mais l'étymologie même de ces noms f7 prouve l'identité des déesses à qui ils étaient attribués, avec les deux déesses d'Éleusis ; le culte qu'on rendait aux unes à Épidaure, aux autres à Éleusis, paraît avoir été le même, quant au fond 18. Et d'ailleurs, cette identité de Damia et Auxésia avec Déméter et Coré est attestée formellement par le témoignage d'un scholiaste ". Il est permis de croire que le même rapport qui unissait Asclépios, dans les fêtes athéniennes, aux deux déesses d'Éleusis, l'unissait aussi aux déesses épidauriennes Damia et Auxésia. Mais la raison mythologique de cette alliance nous échappe. II. LECHAT.