EPIRLEttOS ('B c(xhrpos). On appelle de ce nom dans le droit grec la fille appelée à hériter de la fortune de son père, ou, pour parler plus exactement, à la transmettre aux enfants nés ou à naitre de son mariage, qui doivent continuer la race et le culte domestique de leur aïeul. C'est là une vieille institution de la race aryenne. La fille n'est pas apte à continuer la religion paternelle. Aussi, dans presque toutes les villes grecques, elle est exclue de la succession quand il y a des successibles masculins dans la ligne directe descendante ; dans le cas contraire, elle est considérée comme un intermédiaire par lequel la famille peut se perpétuer; dépositaire de l'héritage, elle épouse le plus proche parent pour fournir un héritier posthume qui soit, autant que possible. du sang du défunt. Ce système s'est naturellement modifié en même temps que l'organisation mène de la famille ; Il a subi peu à peu de nombreux tompéraments et nous le trouvons dans différents États à différentes époques de son évolution.
A Athènes, à l'époque historique, la faculté qu'a le père de disposer par testament de sa fille et de sa fortune n'a pas autant restreint qu'on pourrait l'imaginer, le droit de la famille sur l'épicière, car, en fait, le père choisit toujours son gendre parmi ses plus proches parents; il s'exposerait autrernent à faire casser son testais menti, La fille épicière' est soit naturelle, soit adoptive'; le p'si'', de son vivant, est naturellement son xûptos ; il la marie à sa guise, mais surtout avec le plus
proche parent, pour éiter les revendications que nous verrons, et même, penéraieinent, pour rendre le mariage inattaquable, il adopte un fils dont ii fait son gendre. S'il. a, plusieurs filles, il peut choisir n'importe laquelle, même la plus jeune, pour la marier avec son fils adoptif, et ne donner aux autres qu'une dot". A la mort du père, si la fille épicière est encore mineure, elle passe sous la tutelle soit du. tuteur testamentaire, s'il y en a un, soit du plus proche parent dur côté paternel, grand-père, oncle, cousin germain, etc., selon l'ordre ordinaire de l'âyXin 2(a ; une fois majeure, elle continue à avoir ce plus proche parent pour xéptoc jusqu'à son. mariage. C'est ce xilptos, qui est chargé du soin de la marier, de procéder à l'éYyé' i;. II faut ici distinguer deux cas, selon que le père a ou n'a pas laissé de dispositions testamentaires sur le mariage de sa fille. Dans le premier cas, le père e pu, par testament, instituer un héritier en lui donnant en même temps sa fille en mariage ; ces deux clauses, en effet, sont liées l'une à l'autre; le testament n'est valable que si l'héritier épouse la filles ; cette institution d'héritier a généralement le forme d'une adoption °, cependant l'adoption n'est pas absolument nécessaire, il peut y avoir une simple institution'. A en croire Aristophane a, les héliastes ne tiennent pas toujours compte des dispositions du père, et en effet nous savons d'ailleurs avec quelle facilité ils cassent les testaments. Dans le deuxième cas, soit en l'absence de dispositions testamentaires, soit à la suite de la cassation du testament pour une raison ou pour une autre, il y a. une revendication de l'épicière en justice. Laissons d'abord de côté le cas particulier de l'épi:flère 61aaa. Quels sont ceux qui sont autorisés à revendiquer l'épicière? Les plus proches parents masculins, en dehors de la ligne directe descendante ou ascendante', c'est-à-dire, l'oncle de l'épicière 70, ses cousins germains (fils de cet oncle paternel'-""-), ses grands-oncles (oncles paternels du défunt" et ainsi de suite, en observant l'ordre des successeurs aux biens. Le plus proche parent n'est pas obligé d'user de son droit; en renonçant à l'épicière, il ouvre le droit des parents qui viennent après lui ". Nous ne savons au juste quelle règle on suit quand il y a plusieurs parent'° du même degré, avec des droits égaux. Est-ce le plus â,gé qui. l'emporte" Tire-t-on au sort t'? Il est plus probable que les heliastes en décident à leur guise.
11 doit donc y a-soir une revendication en justice après la mort du père ; t° quand la fille, mariée du vivant du père avec un citoyen, qui n'est pas son plus proche parent, est devenue ensuite épicière par la mort de ses frères; 20 quand elle a été mariée, étant déjà épicière, avec un citoyen qui n'est pas son plus proche parent, et que 1.e père n'a ni adopté ni nuis en possession de 'hé-
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ritage ; 3° quand il y a un testament donnant à un citoyen l'héritage et la main de l'épicière; lin quand. en l'absence ou à la suite dune cassation de testament, le plus proche parent réclame l'épicière en vertu de la loi. La revendication portée devant l'archonte éponyme
x?épou15; elle est soumise à la même procédure que la revendication d'héritage : la demande est affichée sur le tableau (a«vtçl, lue devant le peuple au jour de la principale réunion de la prytanie xup(a Éxxarla(n) ; au bout d'un certain délai que nous ne connaissons pas, un héraut invite les compétiteurs à faire valoir leurs droits, selon la
iiuz) lippu Tot So îvoç. Si personne ne se présente, le magistrat adjuge l'épicière à celui qui a fait la demande 16. S'il y a des compétiteurs, l'épicière devient, en quelque sorte, litigieuse (Én(Stxoç 17) et alors s'engage le procès, la 8taôtxaa(a, qu'après l'instruction l'archonte soumet aux héliastes". L'épicière, adjugée une première fois par l'archonte ou les héliastes, peut encore être revendiquée par un autre adversaire différent du premier, mais celui-ci doit alors consigner la 7rrap«aTaatç d'une drachme" et la zrap@xaTa60)7 qui est égale au dixième de la fortune de l'épicière 20, et qui doit revenir à l'autre partie s'il est battu. Nous ne savons pas pendant combien de temps cette seconde revendication d'une épicière est possible, mais il est peu probable qu'il y ait eu une aussi longue prescription que pour la revendication d'un héritage ; on a admis 21 avec assez de vraisemblance que la seconde action ne peut plus avoir lieu dès qu'il est né un enfant mate du manage de l'épicière.
Si les héliastes donnent gain de cause au plus proche parent qui réclame une épicière déjà mariée, elle est légalement obligée de se séparer de son mari pour épouser le gagnant 22. Aussi peut-il arriver ce que nous lisons dans Isée' qu'un mari abandonne l'héritage de son beau-père pour garder sa femme.
Il peut y avoir plusieurs tilles épicières; elles ont toutes les mêmes droits à la succession de leur père 24, à moins qu'il n'ait favorisé spécialement l'une d'elles en la mariant à son héritier testamentaire ou à son fils adoptif, Elles sont revendiquées en justice par les plus proches parents, par ceux du premier degré d'abord, puis par ceux du second et ainsi de suite selon leur nombre. On voit dans Andocide que les parents se concertent souvent à l'amiable pour exercer leurs droits et choisir les épicières; le jugement ne fait que ratifier cet accord".
Quand le défunt laisse à la fois des filles et des petitsenfants issus de filles prédécédées, les petits-fils viennent à la succession de l'aïeul par représentation de leur mère et le partage se fait non par têtes, mais par souches 26
Quand l'épicière appartient à la dernière classe des citoyens, qu'elle est une 87iaax, le plus proche parent est alors obligé ou de l'épouser ou de la doter". Diodore de Sicile23 attribue cette prescription à Solon qui l'aurait empruntée à Charondas Démosthène 29 nous donne les principales dispositions de la loi à ce sujet : le plus proche parent, s'il ne veut pas épouser l'épicière, doit la doter, la dot est de cinq cents drachmes s'il est de la classe des pentacosiomédimnes, de trois cents s'il est chevalier, de cent cinquante s'il est zeugite ; si la fille a plusieurs parents au même degré, ils contribuent chacun à la dot pour leur part ; s'il y a plusieurs épicières, elles sont attribuées d'après le degré de parenté aux différents parents qui doivent ou les doter ou les épouser; l'archonte est chargé de faire observer ces dispositions; s'il ne contraint pas le plus proche parent à épouser ou à doter l'épicière, il peut être puni d'une amende de mille drachmes consacrée à Héra. 11 n'y a aucune raison sérieuse de suspecter l'authenticité de cette loi, sauf pour la partie relative au chiffre de la dot. Car il n'y a que le chiffre uniforme de cinq mines dans tous les autres textes, dans des fragments du poète comique Posidippe et de l'orateur Dinarque 30, dans le Phornion de Térence 31, emprunté à l'É7tàtxatôpavoç d'Apollodore, et enfin dans la loi de Charondas 32. Il y a là une contradiction qu'on ne sait comment expliquer. Si le parent de la 6jaaa est lui-même un thète, il est probable qu'il doit l'épouser ou lui trouver un mari". D'après Aristophane de Byzance3«, le chiffre de la dot avait été élevé postérieurement de cinq cents à mille drachmes ; nous ne savons ni si ce renseignement mérite créance, ni à quelle époque a pu avoir lieu ce changement.
L'adjudication faite par l'archonte ou les héliastes remplace dans le mariage de l'épicière l'E'yyvr,atç ordinaire 30. Quelle est alors la situation de l'épicière? Elle a pour z' ptoç son mari jusqu'à la majorité de ses enfants, Mais .à ce moment garde-t-il ce rôle ou le cède-t-il aux enfants? Ce point est controversé. D'après un fragment d'Hypéride 36, les enfants prennent en même temps à leur majorité et la tutelle de leur mère et l'administration de la fortune laissée par leur grand-père; mais une loi citée par Démosthène et qui paraît authentique 37 dit seulement que les enfants prennent la fortune, sur le revenu de laquelle ils doivent des aliments à leur mère. et plusieurs passages d'Isée 38 ne parlent également que de la fortune. I1 vaut sans doute mieux accepter cette seconde théorie ; il peut n'y avoir dans le texte d'Hypéride qu'une solution d'espèce. Quand le gendre est en même ternpà le fils adoptif du défunt, il est naturellement le maître de la fortune, avec cette seule restriction qu'il ne peut en disposer par testament 39. Le fils de l'épicière, le u' 'cplSotç, passe pour être le fils de son grandpère qui peut mème demander par testament qu'on le
lui donne comme fils adoptif posthume "e. Le mariage de l'épicière et du plus proche parent ayant justement pour but de procurer au défunt un héritier de sa race, il n'y a pas de raison de nier l'existence de ces deux lois de Solon citées par Plutarque ", dont l'une ordonnait au mari de l'épicière de remplir ses devoirs conjugaux au moins trois fois par mois, sous peine de s'exposer à une action publique, à la xxx(oaw; ypal,ri, et dont l'autre permettait à l'épicière, dont le mari était impuissant, d'avoir des relations avec un des parents de ce mari. Mais on peut se demander si ces lois ont été jamais appliquées.
Les épicières ont un protecteur officiel, l'archonte éponyme qui peut d'abord frapper +d'une amende (iitteo),rj) quiconque les maltraite et, devant qui est portée l'action peut avoir lieu contre quiconque lèse ou maltraite l'épicière dans sa personne ou dans ses biens " ; elle a lieu en particulier contre les maris d'épicières pour mauvais traitement ou refus des devoirs conjugaux", contre les proches parents d'épicières pauvres qui ne veulent pas les épouser ou qui leur refusent la dot légale", contre le fils adoptif qui déjà mis en possession de l'héritage refuse d'épouser sa soeur adoptive "e. Tout citoyen peut l'intenter ", sans aucun risque ni danger : on ne dépose ni 7tpusxv5ia ni 7apâa'raat; ; on ne paye ni l'amende de mille drachmes, ni l'épobélie, quand on n'a pas le cinquième des voix. Cette action, qui revêt la forme d'une
eiaayyea(x 4e, est estimable ''9 ; elle peut entraîner des
condamnations pécuniaires considérables, mais le parent qui a refusé d'épouser l'épicière peut être simplement condamné à se marier avec elle, comme dans le Phonation de Térence. Il est probable que l'épicière qui attaque elle-même son mari doit se choisir pour ce procès un autre xipto; parmi ses parents ". Comme autre preuve de la sollicitude de l'État à l'égard des épicières, nous avons un décret d'une tribu athénienne prenant sous sa protection une épicière en récompense des services qu'avait rendus son père 51. Les épicières filles des métèques sont protégées par l'archonte polémarque et on leur applique sans doute à peu près le même droit qu'aux filles de citoyens ".
En dehors d'Athènes, la loi de Gortyne" fournit des renseignements étendus sur la situation des épicières 54 en Crète. Les parents qui doivent épouser les épicières sont les oncles paternels et à leur défaut leurs enfants, les cousins germains; s'il y a plusieurs épicières, ils se les partagent d'après leurs âges respectifs; s'il y a plus d'épicières que de parents autorisés à les épouser, chacun ne doit cependant en prendre qu'une ; les épicières restantes sont sans doute libres. Si l'épicière n'a pas l'âge requis, c'est-à-dire au moins douze ans, il y a un partage provisoire ; elle prend la maison avec la moitié des revenus, l'ayant droit prend l'autre moitié. Si l'ayant droit
est impubère ou qu'étant pubère, il veuille attendre jusqu'à sa majorité pour se marier, l'épicière pubère a jusqu'à cette époque la jouissance de tous les revenus. Si l'ayant droit, devenu majeur, ne veut pas épouser l'épicière pubère, les parents de cette dernière intentent une action et le juge ordonne que le mariage ait lieu dans les deux mois. Si l'ayant droit refuse, le second ayant droit, s'il y en a un, prend sa place ; il en est de même si le premier ayant droit est absent pour un temps illimité ; s'il n'y a pas de second ayant droit, l'épicière épouse celui qu'elle veut dans la tribu. Si, étant en âge, elle ne veut pas attendre que l'ayant droit soit pubère ou si elle refuse absolument de l'épouser, elle obtient sa pleine et entière liberté et peut épouser qui il lui plaît dans la tribu, à la condition de céder la moitié des biens à l'ayant droit, mais elle garde encore la maison avec ses meubles. S'il n'y a pas d'ayant droit, elle a tous les biens et épouse qui elle veut dans la tribu. Si personne dans la tribu ne veut l'épouser ou si le candidat proposé par la tribu ne l'épouse pas dans les trente jours, elle peut épouser qui il lui plaît (en dehors de la tribu).
Quand une fille déjà mariée devient épicière (par exemple par la mort de son père ou de son frère), il est probable que son mariage est rompu ipso facto ; mais alors il faut distinguer deux cas. Si elle a des enfants, le droit des proches parents étant alors éteint, elle peut ou garder son premier mari ou en chercher un autre dans la tribu, mais en laissant la moitié de ses biens au premier mari (ou aux enfants). Si elle n'a pas d'enfants, le droit des parents revit et, pour garder son premier mari ou épouser une autre personne que l'ayant droit, elle doit céder à ce dernier la moitié de la fortune. Si elle devient veuve, avec enfants, elle peut se remarier à sa guise, avec un homme de la tribu, mais sans y être obligée ; sans enfants, elle retombe dans la situation d'épicière. II faut sans doute assimiler au veuvage le cas du divorce quand il a été demandé par le mari. La loi renferme en outre quelques dispositions sur l'éducation des épicières et l'administration de leur fortune. Il est question à ce sujet de juges des orphelins, bptpavoiltxua.sai 55, mais nous ne les connaissons pas davantage. L'épicière, jusqu'à son mariage, est élevée auprès de sa mère, s'il n'y a pas d'ayant droit, et si la mère est morte, auprès de ses oncles maternels 56 ; elle jouit de tous les revenus " ; s'il y a un ayant droit, c'est sans doute lui qui est chargé de la garde de l'épicière et il a, comme on l'a vu, la moitié des revenus. Mais comment cela se concilie-t-il avec cette autre disposition que dans ce cas les oncles paternels ont la gestion des biens et la moitié des revenus ? On ne sait au juste ; peut-être ne touchent-ils cette moitié des revenus que pour l'entretien de l'épicière. Enfin on peut conclure d'un passage mutilé de la loi 58 que seuls les oncles paternels et maternels de l'épicière ont
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qualité pour hypothéquer ou vendre ses biens. On voit donc qu'à l'époque de la loi de Gortyne le droit des épiclères est moins rigoureux en Crète qu'à Athènes ; l'épicière reprend sa liberté par un sacrifice pécuniaire ; mais nous ne savons pas si le plus proche parent est obligé d'épouser l'épicière sans fortune ; la tribu joue encore un rôle dans le droit familial,
A Sparte l'épicière, qui s'appelle 7CaTpoüLoç, iict7tt'i(R0f'rt, u,
est sous la protection spéciale du roi lorsque le père ne l'a pas mariée de son vivant G0. Elle a dû avoir à peu près la même situation qu'à Athènes jusqu'à l'époque d' pitadée : le roi, comme l'archonte à Athènes, est chargé de l'adjuger quand il y a contestation 61. La loi d'lipitadée permet au père de donner l'épicière à qui il veut, même à un étranger et sans doute aussi même sans l'héritage ; d'autre part s'il meurt sans laisser de testament ou sans exprimer sa volonté au sujet de l'épicière, son héritier (soit testamentaire, soit légitime) est autorisé à la marier à sa guise, sans doute en lui donnant une dot G2. C'est la ruine totale de l'ancien système; il se maintient cependant dans la pratique, puisqu'Aristote parle des nombreuses et riches épicières qu'il y a de son temps à Sparte 63
Pour les autres villes de la Grèce, nous n'avons que des renseignements isolés. Dans la législation de Charondas l'épicière est aussi adjugée au plus proche parent; quand elle est pauvre, il doit ou l'épouser ou lui donner une dot de cinq cents drachmes et même, après Charondas, à partir d'une certaine époque, il perd cette liberté de choix et doit l'épouser; les épicières, comme les orphelins en général, sont élevées chez leurs parents maternels et leur fortune est administrée jusqu'à leur mariage par les parents paternelsG4. Nous trouvons des épicières à Mitylène, ville éolienne, chez les Phocidiens, dans les villes de la Chalcidique de Thrace des épiclères adoptives chez les Doriens d'Halicarnasse, à Cos 66 A Théra, île de population dorienne, au rue siècle avant Jésus-Christ il y aaussi des épicières G7; plusieursfontpartie avec leurs maris d'une espèce de corporation religieuse fondée par le testament d'une certaine Epictéta, tandis que les autres femmes en sont écartées dès leur mariage.