Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article EPINOMIA

EPINOMIA ('Ertvouia). L'éstvopia des cités grecques était le droit de pâture sur les terrains communaux. Les documents épigraphiques nous font connaître l'existence de cette institution dans la plupart des pays d'élevage de la Grèce propre : en Mégaride, à IEgosthènes';en Béotie, à Orchomène'; en Phocide, à Ambrysos, Élatée, Stiris et Tithronion ; en Phthiotide, à Halos, Lamia et Thaumaces' ; en Arcadie, à Tégée 5 ; en Laconie, à Cotyrtac, Geronthrae, Thalamae, dans une bourgade antique voisine du village actuel de Phiniki, et sur le territoire de la confédération des Éleuthéro-Lacones 6. L'organisation de l'épinomie nous est assez bien connue par des inscriptions d'Orchomène en Béotie, qui paraissent avoir été gravées vers le temps de la guerre du Péloponnèse'. Ce sont trois actes-relatifs au remboursement d'une somme d'argent prêtée à la ville par le Phocidien Eubule. Le troisième de ces actes se rapporte spécialement au droit de pâturage qui avait été concédé à Eubule dans les montagnes situées entre la Phocide et les plaines d'Orchomène 6. D'après ce document on peut se faire une idée assez précise de ce que les Grecs entendaient par êsctvo o a. En principe, les citoyens seuls avaient le droit de mener leurs troupeaux sur les terrains communaux. Mais les étrangers pouvaient obtenir le même privilège moyennant le payement d'une redevance annuelle qu'on appelait à Orchomène l'èvvô;l.tov, à Mégalopolis l'iintvôutov9. La ville affermait cet impôt à un entrepreneur (voµevs ). Chaque année, sous le contrôle du trésorier de la ville (ta p.12 q), le vo at,'ns c recevait les demandes, enregistrait les déclarations en spécifiant le nombre des bêtes et la marque de chaque propriétaire, et dressait ainsi la liste complète du bétail admis sur les communaux ". On payait un droit de tant par tête. Les choses se passaient à peu près de même à Rome, comme nous l'atteste Dans les pays grecs, l'étranger pouvait, par un décret spécial, être dispensé de cette taxe sur les troupeaux. C'est ainsi qu'Eubule d'Élatée, en reconnaissance de ses services et d'un prêt important, avait obtenu de la ville d'Orchomène l'épinomie. Dans l'acte qui nous est parvenu, ce privilège lui est renouvelé pour quatre ans 12. Ce décret interdit formellement aux fermiers de réclamer à Eubule l'impôt des pâturages; dans le cas où on l'inquiéterait à ce sujet, la cité lui garantit une indemnité annuelle de quarante mines d'argent avec un intérêt de deux drachmes par mine et par moisf3. Le contrat spécifie en même temps qu'Eubule ne pourra envoyer sur les communaux plus de deux cent vingt boeufs ou chevaux, et plus de mille moutons ou chèvres ". Naturellement le droit de pâturage n'était concédé qu'à des gens de pays voisins. C'est ce qu'on voit nettement dans les actes conservés. Par exemple, Ægosthènes accorde l'épinomie à un Mégarien 15 ; Halos, à un homme de Larissa 16 ; Thaumaces, à des gens de Larissa, de Callion oud'Héraclée 17 ; la confédération des Eleuthéro-Lacones et les villes laconiennes, à des citoyens de Sparte f8. Le plus souvent, ces étrangers qui obtiennent l'épinomie sont des hôtes publics, des représentants de la cité dans les contrées limitrophes. Les divers privilèges concédés aux proxènes d'une ville avaient pour objet de les assimiler plus ou moins au citoyen. Le droit de pâturage était pour eux le complément naturel du droit de propriété [EGKTESIS] et de l'exemption des taxes spéciales [ATELEIA]. Mais il est à remarquer que la loi de proxénie n'assurait pas l'épinomie à tous les hôtes pu btics : ce privilège devait être spécifié dans un décret particulier ou un amendement, comme on le voit dans un document d'tEgosthènest9. Et cela se comprend : parmi les proxènes, ceux-là seuls qui demeuraient dans un pays voisin pouvaient désirer cette faveur ou en profiter [PROXENIA]. P. MONCEAUX.