Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article EPISTYLIUM

EPISTYLIUM ('E7ttart))etov). Les Grecs appelaient épistyle la partie de l'entablement qui repose directement sur les colonnes et se trouve immédiatement au-dessous de la frise. Il y a lieu d'étudier la forme, les proportions, l'ornementation de la frise dans chacun des ordres d'architecture grecque ou romaine. L'épistyle dorique, en Grèce, est composé de blocs monolithes, de forme cubique, qui se joignent franchement au milieu de l'abaque du chapiteau, un peu en arrière du bord extérieur de l'abaque. A sa partie supé rieure l'épistyle est bordé d'un listel qui le sépare de la frise des triglyphes, et au-dessous du listel, au droit de chaque triglyphe, est disposée une série de seconds listels plus étroits d'où tombent six petits appendices de forme ronde ou conique, les gouttes (fig. 2699). Il est impossible d'établir un rapport fixe entre la hauteur de l'épistyle et la hauteur totale de l'entablement ou celle des colonnes. Les architectes grecs n'ont pas appliqué un canon inflexible à la construction de leurs édifices ; au contraire, plus on étudie les monuments de tout ordre, plus on s'aperçoit que toute liberté était laissée aux artistes. L'uniformité absolue eût passé pour un défaut, et les Grecs l'ont si bien évitée que souvent les proportions varient d'une partie d'un monument à une autre. Mais, si l'on en croit Vitruve, les architectes romains auraient adopté pour l'épistyle les proportions suivantes : « La hauteur de l'architrave (c'est le mot qui traduit le mieux i7tt6TéÀtov ou epistyl'ium) avec la plate-bande (le listel) et les gouttes, doit être d'un module ; la plate-bande, de la septième partie d'un module; les gouttes qui sont sous la plate-bande, au droit des triglyphes, y compris la tringle, doivent pendre de la sixième partie du module; la largeur du bas de l'architrave doit correspondre à celle de la gorge du haut de la colonne (hypotrachelium) 1. » Ces proportions n'ont certainement pas été constamment appliquées ; on les trouve, par exemple, au théâtre de Marcellus à Rome 2. L'épistyle dorique était lisse, mais il pouvait recevoir une ornementation qui consistait dans l'application de couleurs ou dans celle de figures en relief. Ainsi l'étude de l'épistyle du Parthénon a montré que les grands côtés étaient décorés de couronnes ou de guirlandes fixées par des clous, tandis que les petits côtés portaient des boucliers et des inscriptions ; le listel était orné d'un méandre peint ; le petit listel d'où tombent les gouttes étaient aussi peint Il reste sur l'architrave du temple d'Égine des traces de peinture rouge, et l'on sait que M. Garnier. dans sa belle restitution, a fait courir à la surface de cette surface rouge, pour la rehausser, une guirlande de couleurs variées'. E PI. 727 EPI d'honorer la sépulture d'un citoyen illustre, considéré comme un bienfaiteur de l'État. Telles étaient, à Sparte, la fête de Léonidas et du roi Pausanias, qui, au n° siècle de notre ère, était l'occasion de jeux et de discours ; en Chersonèse, la fête de Miltiade 2 ; à Amphipolis, celle de Brasidas a ; à Syracuse, celle de Timoléon"; en Carie, celle de Mausole'. Les cérémonies de ce genre se multiplièrent aux temps de l'hégémonie macédonienne : c'est ainsi qu'Alexandre fonda les jeux funèbres d'Héphestion6, et qu'a Sicyone on institua une fête de Demetrios Poliorcète'. Cette tradition se conserva sous la domination romaine : une inscription de Salonique atteste la fondation d'un èyciuv i7tti04toç consacré à la mémoire de Valérien 8. D'autres epitaphia se célébraient annuellement en souvenir de tous les soldats qui étaient morts pour la patrie et qui avaient été enterrés aux frais de l'État. On sait qu'après Platées les Grecs confédérés ensevelirent leurs morts sur le champ de bataille et chargèrent les Platéens de veiller sur les tombes; encore au temps de Plutarque, on y accomplissait régulièrement le sacrifice traditionnel'. De même, après Marathon, les Athéniens ne ramenèrent point leurs soldats morts : aussi fallut-il instituer en leur honneur une fête spéciale, qu'on célébra pendant des siècles 10. Mais, au témoignage de Thucydide", c'était là une mesure extraordinaire. Généralement, après chaque campagne, on rapportait ses morts et l'État faisait les frais des funérailles. A Sicyone, à Phigalie, par exemple, Pausanias mentionne des tombeaux publics de citoyens qui avaient péri à la guerre n. Chaque année, à une date fixe, on y accomplissait des sacrifices funèbres 13 La plus curieuse et aujourd'hui la mieux connue de ces epitaphia est sans contredit la fête funèbre qui se célébrait à Athènes le 7 du mois de pyanepsion (fin d'octobre 14). Cette cérémonie semble fort ancienne en Attique. Elle fut sans doute constituée ou réorganisée par une loi de Solon75. Pausanias vit encore dans le Céramique la sépulture commune de citoyens morts, avant les guerres Médiques, dans une bataille contre les Éginètes 1fi. Tous les tombeaux publics de soldats étaient réunis au cimetière du Céramique; vers le temps de Cimon on les enferma dans une enceinte particulière : c'est ce que Thucydide appelle è eoatov s~u.a n. C'est là, par exemple, qu'on ensevelit solennellement, en 464, les citoyens qui avaient succombé devant Drabescos en Thrace " ; vers le même temps, ceux qui moururent à Thasos 49 ; en 457, ceux que mentionne l'un des mar bres de Nointel2U ; et, au commencement de la guerre du Péloponnèse, ceux dont Périclès fit l'éloge 21. Toutes ces cérémonies avaient lieu le jour des .?.i ti4ta : ce jour-là on rendait les derniers honneurs à tous les soldats, citoyens, alliés ou esclaves qui avaient été tués dans l'année, et en même temps l'on offrait le sacrifice funèbre à leurs aînés. Ce qui caractérise surtout les epitaphia d'Athènes, c'est : 1° la relation qu'on établit entre cette fête funèbre et les THESETA ; 2° l'institution de l'oraison funèbre ; 3° l'importance donnée à l'«y(lsv àta-c ioç. On sait qu'en 469 Cimon ramena de Skyros à Athènes les ossements de Thésée 23. Pour recevoir les restes du héros national, on construisit le Theseion; en son honneur on institua une grande fête, à laquelle on rattacha tous les faits relatifs à sa légende, même le culte des bienfaiteurs de l'État et des citoyens morts pour la patrie 24. Cette grande fête, qui symbolisait surtout les incidents de l'expédition en Crète, se célébrait du 6 au 9 pyanepsion. On commençait, le 6, par les KueEpvojata, en l'honneur des pilotes du vaisseau de Thésée. Le 7, c'étaient les lluav64na et les'Ou foédptcc (sacrifices à Apollon ; procession de vingt éphèbes et de femmes au temple d'Athéna Skiras à Phalère), puis les 'E7rerdtptu. Le 8 et le 9, avaient lieu les O7;xeiu proprement dites. On voit que depuis le milieu du ve siècle la fête funèbre des soldats n'était plus qu'une des parties d'un grand tout ; et l'on s'explique ainsi pourquoi les inscriptions associent presque toujours les 'Earc«ptx et les Orlaei« 2u. D'ailleurs la fête funèbre en elle-même n'avait pas changé de caractère. Du 5 au 7, avait lieu la rrpuloo é ou exposition des morts; on y voyait dix cercueils, un par tribu, plus un cercueil vide pour ceux dont le corps manquait à l'appel. Le 7, jour des 'Ern rcipsn, se faisait l'ixtpopci ou levée des corps ; on plaçait les cercueils sur des chars, et on les conduisait solennellement au tombeau public du Céramique 2G. Dès qu'on avait accompli tous les rites des funérailles et les sacrifices, un orateur désigné d'avance par le peuple prononçait l'oraison funèbre des morts de l'année et de tous les braves qui les avaient précédés au tombeau public". Dans ce discours il était aussi de tradition de rappeler la gloire d'Athènes et de louer le citoyen qui avait jadis fait voter l'institution du ),oyôs iirrratptoç26. Quel était ce citoyen ? On ne saurait le dire. Suivant Diodore et Denys d'Halicarnasse, c'était un des hommes d'État du temps des premières guerres Médiques 29. L'oraison funèbre fut longtemps une institution particulière à Athènes 30 ; mais nous savons qu'on l'imita plus tard en d'autres villes, par exemple à Sparte". Au temps de la guerre du Péloponnèse, le aoyôs E7tTâ?tos était certainement prononcé au Céramique"; mais il paraît que, dans la suite, l'orateur désigné parla du haut d'un autel voisin du Theseion 33. Périclès fut chargé deux fois de l'oraison funèbre des soldats, d'abord au temps de la guerre de Samos 34, ensuite à la fin de la première année de la guerre du Péloponnèse :le second de ces discours nous est connu, au moins dans son plan, par Thucydide 36. Au siècle suivant, Demosthène prononça l'éloge funèbre des morts de Chéronée 3e; Hypéride, celui des morts de la guerre Lamiaque 37. Le seul discours authentique que nous possédions est celui d'Hypéride. Ceux qu'on trouve dans les oeuvres de Lysias et de Démosthène sont des pastiches de rhéteurs ; car de bonne heure le ?oyôs E7crTâtptosdevint un des lieux communs d'école. Après les cérémonies et les discours funèbres venait l'âybov ETtTâptos39. Ces jeux des epitaphia sont certainement distincts des ()'esta proprement dits que l'on célébrait à un jour ou deux de là99. Ils étaient dirigés par le polémarque 4° et comprenaient des exercices gymniques, des exercices équestres et des concours artistiques". Nous ne connaissons pas exactement tout le programme; nous pouvons mentionner seulement des courses d'éphèbes dont une en armes au Polyandreion 42, des lampadodromies d'éphèbes contre d'anciens éphèbes d'éphèbes entre eux", et d'hommes faits". Il est à remarquer que les éphèbes jouaient un rôle beaucoup plus considérable dans les jeux des epitaphia que dans les Theseia proprement dits. La plupart des inscriptions où est mentionné l'pba i7ttTCptos appartiennent à la fin du ne siècle avant notre ère et au commencement du ter i6. Nous possédons aussi quelques documents du temps d'Auguste ". Mais il n'est plus question, des epitaphia après le irc siècle de notre ère. P. MONCEAUX. EPITELOUNTES TA MYSTÊRIA ('EntTeaoûvTes Tâ 4UŒ 0pta). On appelait ainsi, dans les mystères d'Andania en Messénie', dix fonctionnaires (oi Sixx), élus par un vote à main levée de l'assemblée populaire dans la classe des BIÈRol âgés de quarante ans. Ils avaient la direction de toute la police de la cérémonie'. Leur rôle et leurs attributions étaient très analogues à ceux de l'Archonte-Roi assisté des épimélètes dans les mystères d'Éleusis [ÉLEUSINIA, p. 5541. Ils avaient sous leurs ordres des RIABDOPBOROI ou porte-bâton, sur lesquels ils se reposaient du soin d'assurer l'ordre matériel pendant la cérémonie', comme les épimélètes des mystères à Éleusis chargeaient les KÉRYKÈS de faire la police'. Les autres hiéroi devaient leur obéir; ils jugeaient toutes les con 31 Paus. III, 14. 32 Thucyd. II, 34. 33 D'après l'Anonyme de Vienne (Ross. Theseion, 1). Sur la destination militaire du Theseion, cf. Thucyd. VI. 61 ; Andocid. 1, 45. 31, Plutarch. Pericl., 28. 36 Thucyd. II, 35-46. 36 Plutarch. Devnosthen. 24-25. 37 Ilyperid. 'Eenèu.oç Siyoç, 1. 38 Plat. Mener. p. 249 B ; Pseudo-Lysias, Epitaphios, 80; Isocrat. IV, 74; Demosth. Conty. Lept. 141 ; Diodor. XI, 33 ; Pollux, VIII, 91; Corp. inscr. att. II, 467-471; III, 106-110 et 118. 29 A Mommsen (Heortol. p. 215 et suiv. 218 et suiv.) veut à tort identifier les Epitaphia et les Theseia. De l'étude des inscriptions éphébiques, Corp. inscr. att. II, 467-471, il résulte qu'on célébrait pendant la grande fête de Thésée deux séries de jeux entièrement distinctes, d'une part les Epitaphia, de l'autre les Theseia. Cf. A. Martin, Rer, de philo 1886, p. 25-32. 60 Pollux, VIII, 91 : Sis noSiSn9Xat... S,asit4os sbv t,sy 4v wv tv nel 1µ,p tosse asio v. 41 Plat. Mener. p. 249 B ; Pseudo-Lysias, Epitaphios, 80. 42 Corp. inscr. att. Il, 471. 43 Ibid. 470. 44 Ibid. III, 100. Bmusocsnrsss. A. Momm sen, Heortologie, Leipzig, 1864, p. 88, 215 sqq ; H. Sauppe, sellschuft der Wissenschaften su Gôttingen, 1864, p. 199-422; A. Martin, Notes testations et pouvaient même infliger des amendes [npiBoLÈ]6. Cette charge était annuelle et ne devait jamais être exercée deux fois de suite ; elle donnait le droit de porter comme insigne, pendant la durée des mystères, une bandelette de pourpre 6. F. LENORMANT.