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EPONA. Déesse protectrice des chevaux et des bêtes de somme, adorée chez les Romains
Origine. Un grand nombre de savants ont fait d'Epona une vieille divinité latine ; elle aurait eu place dans les INDICITAMENTA à côté de Mellona, de Pomona, de Bubons et de plusieurs autres, à qui les premiers ancêtres des Romains attribuaient le soin de veiller sur l'agriculture etlebétail; dans cette hypothèseEpona viendrait d'avals ; le changement de la gutturale en labiale s'expliquerait par l'influence d'un dialecte italique, qui aurait conservé la forme epus, plus voisine du grec 'ttruto, ; on en rapprochait palumbes, qui a survécu à côté de columba, et popiaa, dont la racine est identique à celle de requiers 2. La plupart des philologues sont aujourd'hui d'une opinion tout à fait opposée et ils l'appuient d'arguments si solides qu'il semble difficile de ne pas la considérer comme définititivement établie. D'abord il n'est nullement question d'Epona dans les textes anciens qui se rapportent aux INDIGITAMENTA le premier auteur qui en fasse mention est Juvénal et il ne parle de son culte qu'avec dédain, en l'opposant à celui des vieilles divinités nationales, qui étaient déjà en honneur au temps de Numa; si l'on s'en tient aux témoignages fournis par la littérature, nous n'avons aucune preuve qu'Epona ait été adorée par les Romains avant l'empire. Un écrivain grec, nommé Agésilas, racontait, dans son histoire d'Italie, qu'un certain a Fulvius Stellus, qui avait de l'aversion pour les femmes, s'unit avec une jument et en eut une fille très belle, à qui il donna le nom d'Epona ». Le pseudo-Plutarque, après avoir rapporté cette fable, ajoute : a C'est la déesse qui veille sur les chevaux»). Mais le témoignage dont il s'autorise est fort suspect; on ne sait ni qui est Agésilas, ni à quelle époque il a vécus ; à supposer qu'il soit antérieur à Juvénal, on ne peut admettre que cette fable, dont il. n'y a de trace que chez lui, ait eu en Italie une origine vraiment antique et populaire ; partout ailleurs Epona nous apparaît comme une divinité sans légende ; il est
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vrai que par là elle se rapproche des vieilles divinités italiques ; mais, d'autre part, on a des raisons tout à fait convaincantes pour la rattacher à un cycle qui n'est ni grec ni latin. Lersch a montré le premier qu'elle est venue des pays celtiques, et cette opinion est aujourd'hui généralement acceptée 8. En effet dans Epona, la terminaison ne peut pas être comparée à celle de Pornôna, de Bubnna ou de Mellôna, parce que l'o de ce mot est bref et non pas long, comme on le voit par les poètes qui l'ont fait entrer dans leurs vers' ; au contraire le nom d'L'pona est par là même tout à fait assimilable à celui de la déesse celtique Divona 8 et probablement aussi à quelques autres que mentionnent les inscriptions , Damna, /Motta, 1Vemetona, Ritona, Sirona, etc.0. Quant au radical il se retrouve dans un grand nombre de noms d'origine celtique, tels que Epomeduos, Epomulus, Eponina, Epora, Eporedia (Ivrée), Eporedoria, Eposognatus, Epotsorovidus S0, etc., qui supposent l'existence d'un substantif epo (cheval), formé de la même racine primitive que itnrsç et equus. Les Gaulois passaient pour être très entendus dans l'artd'élever les chevaux, et les auteurs anciens reconnaissent comme tirés de la langue de ce peuple plusieurs mots latins désignant diverses espèces de chariots et de voitures". Enfin il est à remarquer que le plus grand nombre des inscriptions relatives au culte d'Epona ont été découvertes en Gaule, en Germanie et dans la vallée du Danube; quelques-unes proviennent d'Espagne et d'Angleterre 12 ; l'Italie n'en afourni jusqu'à présent que neuf, trouvées à Rome même 13. Presque toutes ont été dédiées par des soldats; celles qu'on a signalées à Rome ont été exhumées pour la plupart sur l'emplacement dela caserne des equites singulares, cavaliers barbares qui formaient la garde des empereurs. Dans ces textes, Epona est souvent associée à des divinités gréco-romaines, mais aussi à des divinités barbares, telles que Celeia Sanaa, les Campestres, les Sulevae et le Genius Leucorum. 11 n'est donc plus guère permis de douter que son culte ait été apporté, à l'époque impériale, par des soldats venus des contrées celtiques.
Attributions. Même alors, il dut être surtout en faveur, en dehors de l'armée, auprès des gens d'écurie. Juvénal se moque d°un consul, passionné pour les chevaux, qui ne peut s'empêcher de jurer par Epona, même quand il accomplit, suivant les rites nationaux, un de ces sacrifices solennels auxquels ses fonctions l'obligent'. Parmi les rares textes littéraires où il est question d'Epona, quelques-uns nous viennent des auteurs chrétiens, parce que son nom leur a paru éminemment propre à caractériser ce qu'il y avait de moins relevé dans le paganisme ". Ses attributions devaient surtout consister à assurer aux bêtes de somme leur pitance quotidienne, à les protéger contre le mauvais oeil, contre les maladies
auxquelles l'espèce est sujette, enfin contre les accidents de tout genre. La croyance aux mairae norturnac, qui jetaient des sorts sur les écuries pendant la nuit, était commune dans les contrées où l'on pense que le culte d'Epona a pris naissance [1tAIBAE] 16. Il arrivait fréquemment. dans les courses. que des cochers peu scrupuleux usaient de maléfices pour s'assurer la victoire sur leurs concurrents, pratique superstitieuse qui a survécu au paganisme''. Une mosaïque romaine où est représentée une écurie porte ces mots : incredula, venila (vendis), bene fica (voie feca) ; il faut sans doute yajouter abi(va-t'en!) et y voir un exorcisme destiné à mettre en fuite une sorcière, dont on redoutait la pernicieuse influence 18. C'était dans une intention semblable qu'on chargeait d'amulettes les harnais des chevaux [PUALERAE] 10. La présence d'Epona dans une écurie était un prophylactique plus puissant encore. Dans les inscriptions elle est appelée Augusta et Regina scinda.
Monuments figurés. D'ordinaire son image était peinte à côté de la crèche?0; quelquefois on lui consacrait une statuette placée dans une niche, qu'on décorait de guirlandes de fleurs à certains jours 21. Dans les bas temps il put arriver qu'Epona fût représentée même dans les écuries des cirques, comme le montre (fig. 2705) une
peinture murale découverte à Rome dans le cirque do Maxence, sur la Via Appia 22. En général elle est entièrement vêtue, comme le sont les divinités d'un caractère grave, telle que Cérès ; elle porte une longue robe qui lui tombe jusqu'aux pieds, et parfois aussi un manteau ; elle a auprès d'elle une, deux, ou même trois paires de chevaux, d'ânes ou de mulets, qu'elle caresse de ses mains étendues, ou à qui elle offre de la nourriture ; c'est ainsi que la représente la peinture de la Via Appia23, Quelquefois on Iui a prêté aussi des attributs empruntés à d'autres divinités, tels que le flambeau de Cérès, la corne d'abondance, la patère et le sceptre (fig. 2708) 24. Mais les
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animaux qui l'entourent lui servent toujours de signe distinctif. M. R. Peter a dressé la liste exacte des monuments figurés, où l'on peut avec certitude reconnaître son image; il n'en compte pas plus de douze, dont la moitié trouvée en Italie 20.
Il en écarte un certain nombre d'autres, dont le sujet, suivant lui, a été mal interprété ; il y a en effet plusieurs divinités avec lesquelles Epona peut être facilement confondue : c'est notamment Vesta à cause de l'âne qui figure parmi ses attributs [VESTA]. Ainsi M. R. Peter exclut de sa liste une peinture qui décorait, à Pompéi, une niche entourée de l'image des Lares domestiques; on y voit une femme montée sur un âne et tenant un enfant
dans ses bras (v. t. Ier, fig. 570). Ce serait, si l'attribution était exacte, la plus ancienne image d'Epona que l'on connaisse ; Jordan pensait qu'elle représentait une Epona xouporp4oç2G, identique à l'E'pona ma(ter) d'une inscription trouvée en Suisse 27 ; mais son argumentation est assez fragile et on n'a point d'exemple du rôle qu'il prête à
cette divinité. D'une façon générale, M. R. Peter refuse de rapporter au culte d'Epona tous les monuments figurés où l'on voit une femme montée sur une bête de somme ; mais peut-être faut-il en appeler de son jugement et ajouter à sa liste quelques monuments qui n'avaient pas encore été bien étudiés, notamment des figurines gallo-romaines en argile, trouvées dans le centre de la France 28 (le musée de Saint-Germain en possède plusieurs spécimens) et le beau bronze du Cabinet des antiques de la Bibliothèque nationale, provenant du Jura, reproduit (fig. 2707 92).
Il semble que dans les pays du Danube le culte d'Epona ait pris, sous le bas empire, une extension particulière; de là proviennent plusieurs monuments où l'image de cette déesse est associée à diverses figures dans des compositions bizarres comme on se plaisait à en inventer à l'époque du:syncrétisme 3°. G. LAFAYE.