Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article EQUARIUS

EQUARIUS. Celui qui garde ou qui soigne les che chez les Grecs le terme général, par lequel ils désignaient toute enceinte où l'on entretient des animaux; par conséquent ce mot s'appliquait aussi aux écuries; isaôdv et i7771oGttir ov avaient une signification plus restreinte et plus précise. De même en latin STABULUM s'employait dans le sens le plus large ; mais à l'époque classique equile était le mot propre dont on se servait quand on voulait distinguer l'écurie de l'étable t ; c'est celui qu'emploie par exemple Vitruve2, lorsque, traçant le plan d'une exploitation rurale, il indique comment il faut loger dans la ferme les chevaux et les bêtes de somme ; dans le même passage il réserve stabulum pour l'étable. Nous rapporterons donc ici tout ce qui concerne les écuries des Grecs et des Romains. Xénophon recommande que l'écurie soit dans une partie de la maison que le maître puisse aisément surveiller; il doit pouvoir la visiter souvent pour s'assurer par lui-même qu'on ne lui dérobe pas son foin et que son cheval n'est pas malade. A côté il y aura une cour pour le pansage; on donnera au terrain une pente suffisante pour que l'humidité ne puisse s'y amasser; une partie sera pavée; dans l'autre on répandra quatre ou cinq tombereaux de cailloux gros comme le poing afin de fortifier les pieds du cheval 3. Dans les indications qu'il donne pour la construction de la maison de campagne, Vitruve prescrit' de bâtir l'écurie dans le lieu le plus chaud de la maison; Varron 6 veut même que l'on y fasse du feu dans les journées les plus froides de l'hiver. Tous les auteurs latins qui ont traité de l'agriculture et de l'hippiatrique sont d'accord avec Xénophon sur ce point, qu'il faut surtout préserver l'écurie de l'humidité et y faciliter l'écoulement des liquides. Néanmoins dans une ferme, par exemple, EQU elle ne devra pas ètre trop voisine de I'àtre, où le feu est constamment allumé ; car la santé des chevaux en souffrirait. La meilleure exposition est celle du midi; mais il faut du côté du nord des fenêtres, que l'on puisse ouvrir pendant l'été pour rafraîchir l'atmosphère. De toute façon on laissera pénétrer abondamment la lumière. Le plancher sera de chêne et non d'un bois mou et fragile ; on étendra à la surface une litière (stramen). A. quelque distance de l'écurie il y aura une fosse (tossa) pour recevoir l'urine, qui sera amenée par un canal (cuniculus). La mangeoire (alveus, patena, praesepe) sera toujours tenue avec la plus grande propreté ; qu'elle soit de marbre, de pierre ou de bois, elle sera divisée en autant de compartiments distincts (loeuli) qu'il y aura de bêtes, afin qu'elles ne puissent se disputer leur pitance. Le ràtelier (r lTba~, craies, jacta) ne doit être placé ni trop haut, pour ne pas obliger les chevaux à un trop grand effort, ni trop bas, pour qu'ils ne puissent s'y heurter les yeux et la tête. Ils seront séparés les uns des autres par de longues perches (longurii), qui les empêcheront de se battre. Il est bon qu'il y ait près de l'écurie un espace libre, où ils puissent prendre leurs ébats et se vautrer à l'aise quand on les mène boire', Au temps de l'Empire on voyait quelquefois, dans les écuries, des images de la déesse EPONA peintes sur le mur ou placées sous des édicules; on les ornait de fleurs les jours de fêtes'. Appien cite comme un ouvrage remarquable les écuries que les Carthaginois, au temps des guerres puniques, avaient édifiées pour leurs montures de guerre. Elles étaient établies dans les casemates des remparts; elles comprenaient deux étages; celui d'en bas renfermait trois cents éléphants, celui d'en haut quatre mille chevaux; à toutes étaient joints des greniers pour les approvisionnements de fourrage', Jusqu'à, la fin du n` siècle de notre ère l'usage des chevaux et des voitures à l'intérieur des villes fut interdit par les-lois romaines ; les attelages nécessaires au commerce et au transport des matériaux de construction furents seuls tolérés, mais à la condition de ne pas paraître dans les rues en dehors de certaines heures, à moins qu'ils ne fussent destinés à des travaux d'utilité publique'. Par conséquent les écuries privées, dans l'enceinte des villes, durent être beaucoup plus rares qu'elles ne le sont aujourd'hui. Vitruve ne place les écuries, comme les boutiques, que dans les maisons où on fait le négoce'. En effet, il s'est rencontré à Pompéi, dans les maisons particulières, très peu de pièces que l'on puisse avec certitude considérer comme d'anciennes écuries; on a même, en général, trouvé dans les ruines de la ville fort peu de restes de harnais". Cependant les personnes riches devaient avoir, au moins pour leurs voyages et pour leurs approvisionnements, des équipages tout prêts. Ainsi, à Pompéi, on a reconnu une écurie dans la maison de Pansa (fig. 2523, n° t0); il y en a une autre, mieux conservée encore, dans la maison de Popidius Secundus" ; elle comprend (fig. :2'709) quatre stalles séparées les unes des autres par des cloisons en maçon nerie ; au-dessus s'étend une soupente, qui devait servir de grenier à foin. L'écurie est précédée d'une cour qui communique immédiatement avec la rue par une porte cochère ; des traces de roues sont encore empreintes sur le sol en cet endroit. La porte est flanquée, des deux côtés, par les chambres des valets d'écurie. Dans les maisons riches un nombreux personnel était affecté au service des chevaux et des voitures. Le soin de l'écurie regardait principalement l'esclave appelé AGAso, hnrisot.t.oç (v. t. 1", fig. 172) ou STRATOR. Les palefreniers sont encore désignés sous le nom de (servi) a jumentis ou supra jumenta ; les inscriptions nous en font connaître plusieurs qui ont servi, au 1" siècle, dans d'illustres familles de Rome, telles que celles de T. Statilius Taurus Sisenna, de C. Annius Pollio, de C. Asinius Celer, etc. ". Certains métiers ne pouvaient se passer du secours des bêtes de somme et ceux qui les exerçaient devaient nécessairement avoir des écuries dans leur demeure : tels étaient par exemple les boulangers; d'ordinaire ils faisaient tourner par un âne les lourdes meules avec lesquelles, suivant l'usage antique, ils écrasaient le grain à côté de leur four. Dans une boulangerie de Pompéi on voit une écurie attenante à la pièce même qui contient le four et les meules; une mangeoire en pierre est encore apparente contre la muraille; Mazois y trouva une mâchoire de l'âne auquel ce lieu était destiné". L'écurie était encore indispensable, à l'intérieur des villes, dans les auberges ; on peut alléguer ici comme exemple celle qui se voit à Pompéi dans l'auberge de Vains, près d'une inscription où est mentionné le collège des muletiers". Mais c'était surtout en dehors et aux abords des portes des villes que les loueurs de voitures et les hôteliers avaient leurs écuries [cAUPONA, p. 974]"; on en peut observer une à Pompéi le long de la voie qui aboutit à la porte d'Herculanum ". Toutes ces écuries, de dimensions plus ou moins grandes, devaient, quand elles étaient intactes, présenter beaucoup d'analogie avec celle qui a été dessinée par Houel, à la fin du siècle dernier, à Cens torbi, en Sicile (fig. 2710) f8, L'édifice est voûté; il n'est point divisé en stalles ; mais chaque bête reçoit sa nourriture par un compartiment spécial pratiqué dans l'épaisseur du mur ((oculus) ; c'est exactement la disposition que recommande Végèce 1'. La longe du cheval passait par une petite ouverture pratiquée au-devant de chaque mangeoire et était. fixée à un billot de bois sur la partie opposée de la muraille dans le corridor qui longe l'écurie. EQli M. de Vogué a retrouvé à Mondeleia, en Syrie 20, une habitation du Iv° ou du v° siècle après Jésus-Christ, pourvue d'une écurie. « La partie inférieure, dit-il, a été taillée dans le roc vif, et les pierres extraites du sol par ce travail d'évidement ont servi à construire la partie supérieure des murs, l'arc central et les murs qu'il supportait. Les mangeoires sont creusees dans le roc; des anneaux évidés dans la pierre servaient à attacher les longes des chevaux (fig. 2711). Ailleurs, à Kokanaya21, on voit des écuries du même temps, où les auges servant de mangeoires sont placées entre les piliers qui soutiennent la volte. Les écuries de la poste [CURSUS PuBLICUS] 22 comptaient assurément parmi les plus vastes et les mieux montées; dans les stations importantes elles renfermaient parfois plus de quarante chevaux. Les écuries qui étaient comprises dans les dépendances des cirques [clans] méritent aussi une mention spéciale; à Rome, celles du circus Flaminius couvraient une superficie étendue ; car elles sont signalées comme un des édifices les plus remarquables de la neuvième région27; Caligula, dans sa passion pour les courses, y faisait de longues visites et même y prenait ses repas"; Vitellius les reconstruisit". III . 74b EQU Nous reproduisons ailleurs [EnuITIUM] une mosaïque dé couverte en Afrique qui donne une idée très complète des écuries où on élevait les chevaux de course 26. Enfin il y avait des écuries qui étaient la propriété particulière des empereurs; c'est là sans doute que fut logé le fameux cheval que Caligula nomma consul; les murs qui l'entouraient étaient de marbre et son râtelier était d'ivoire 2'. L'entretien des écuries formait un des grands services de la maison impériale, le service a jumentis; il était placé sous la direction d'un intendant (dispensatar) et d'un sous-intendant (vicarius dispensaloris)" ; au-dessous d'eux venait tout le personnel de palefreniers, qui était ordinaire même dans les maisons des riches particuliers29. Au début du v° siècle on voit apparaître à la cour une charge nouvelle, celle du comte des écuries (coules stabuli) 30, Stilicon, entre autres, en fut revêtu n. C'est à la charge du cornes stabuli qu'il faut faire remonter l'origine de celle du con