Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article EQUITATIO

EQUITATIO, EQUITATUS (`I767re(a, 17c7611aaa(a). Légendes sur les origines. Les Dioscures furent probablement les premiers qui passèrent chez les Grecs pour les inventeurs et les patrons de l'art du cavalier ; mais cette attribution ne leur fut dévolue qu'après Homère; dans les poésies homériques Castor est représenté simplement comme un « dompteur » de chevaux'; le plus ancien monument connu, où il figurât à cheval, ainsi que son frère, est le trône de l'Apollon d'Amyclée 2, oeuvre du via siècle [DIOSCERi] 3. Quelquefois on a fait honneur de la même invention à Bellérophon ' ; mais l'idée n'en est venue qu'après le temps d'Homère, puisque la fable même de Pégase est inconnue au vieux poètes [BELLEROPHON] 6. Une tradition, qui ne remonte pas au delà d'Hérodote, suppose que les Amazones combattaient à cheval [AMAZONES] 7. Suivant d'autres, encore plus récentes, les temps mythiques auraient produit des écuyers consommés 3, tels qu'Adraste [ADRASTUS] ou l'Arcadien Jasios, à qui Hercule avait décerné le prix de la course dans les jeux olympiques°. On imagina aussi que le centaure Chiron avait donné des leçons d'équitation à Achille en le faisant monter sur son dos90; on chercha même, dès l'antiquité, à expliquer la légende des centaures [CENTAURI] en supposant qu'il y avait eu réellement en Thessalie, à une époque reculée, une race de hardis cavaliers, qui avaient porté leur art à sa perfection" cette hypothèse est née évidemment de l'évhémérisme ; elle s'est fait jour à une époque où des écrivains sceptiques s'efforçaient de détruire les vieilles fables et d'en donner une interprétation rationnelle; cette interprétation même est aujourd'hui repoussée par la science. Enfin, suivant une version reproduite par Virgile et par quelques auteurs latins, les Lapithes auraient eu les premiers l'idée de monter sur un cheval et de le faire évoluer à l'aide du frein f2, Ainsi, comme on le voit, il n'y a pas une seule de ces légendes, relatives aux origines de l'équitation, qui ne soit postérieure au temps d'Homère et d'Hésiode. Histoire et bibliographie. Aussi a-t-on été conduit à se demander jusqu'à quel point l'usage de monter à cheval avait été répandu chez les Grecs à cette époque. Il est remarquable que les héros d'Homère, lorsqu'ils ne combattent pas à pied, vont toujours à l'ennemi sur des chars ; c'est à cet équipage que l'on reconnaît, au milieu de la bataille, les princes et les chefs de troupes ; il est en campagne l'insigne de leur noblesse, comme le cheval EQU 74,7 EQ1J de selle l'était pour les seigneurs du moyen à.ge. Tous les textes qui représentent des personnages des temps héroïques combattant à cheval sont d'une époque très postérieure à celle d'Homère; le poète ne fait pas même paraître le cheval monté (x€)svç) dans les concours". Quoique ce trait de moeurs n'ait pas été observé par les auteurs plus récents, surtout par les poètes latins, qui ont rapporté les légendes de la Grèce primitive", il avait été noté, dans l'antiquité même, par les critiques f5. Mais il ne suit pas de là qu'au temps d'Homère on ne montât jamais à cheval. Diomède et Ulysse, ayant pénétré de nuit dans le camp des Troyens, se préparent à ravir les chevaux de Rhésus; Diomède a eu un instant l'idée d'emmener aussi le char; mais rappelé à la prudence par Athéna, il renonce à ce projet; tes deux compagnons sautent sur les chevaux et regagnent précipitamment le camp des Grecs 16. Ailleurs, dans une comparaison, Homère peint un habile cavalier poussant quatre chevaux de front, à travers la plaine, sur la voie publique qui mène à la ville ; tandis qu'ils courent, il saute légèrement de l'un à l'autre, à la grande admiration des passants ". Il faut donc conclure comme le fait un commentateur, qui probablement n'est autre qu'Aristarque93 : au temps d'Homère, les guerriers ne montaient pas à cheval au milieu d'une expédition, sauf en cas de nécessité; le char alors était seul en usage dans les armées des Grecs, comme il l'était à la même époque dans toutes celles de l'Orient [cuaaus]. Mais il en était tout autrement dans la vie civile et même il y avait déjà d'excellents écuyers capables de pratiquer la voltige ". Néanmoins l'art de l'équitation, dans les lointaines origines de la Grèce20, dut se borner à fort peu de chose. Pour qu'il se perfectionnât il avait besoin d'un double secours qui lui manquait encore : il fallait qu'on le mit en honneur dans les jeux publics et dans les armées. Ces deux progrès se firent successivement et à un assez long intervalle. Il y eut un prix pour le cheval monté, à Olympie en 680, à Delphes en 586 21 ; peu à peu cette institution fut imitée dans la plupart des grands jeux de la Grèce et elle devint une des parties essentielles de l'âywv .srsctx6ç. Au commencement du via siècle, le corps de cavalerie, que la constitution de Solon avait organisé à Athènes, ne comprenait pas cent chevaux 22; un siècle plus tard, l'armée qui défendit l'indépendance de la Grèce contre les Perses était presque totalement dépourvue de cavalerie montée. Vers 440, Périclès porta à mille hommes l'effectif du corps institué par Solon"; c'est alors seulement que l'on parait avoir donné quelque importance à la cavalerie montée, et ce fut vers le même temps que parut le premier traité d'équitation qui ait été écrit en langue grecque, le lisp: ibr71txŸç de Silnon 24. Un fragment de cet ouvrage a été découvert en 1853 par M. Daremberg dans un manuscrit de Cambridge25. Sui vaut toute apparence, Simon était d'Athènes ; M. Helbig n'hésite pas à l'identifier avec un personnage de ce nom qui fut hipparque en 424, et même à retrouver son portrait sur un vase peint (voy. t. far, p. 1640, la fig. 2219) 2e. Le sculpteur Démétrius avait fait une statue équestre de Simon, en bronze, qui avait été placée à Athènes près de l'lleusinium; le piédestal était orné de bas-reliefs dont les figures fournissaient l'application des principes exposés par Simon dans son ouvrageL7. Cet écuyer célèbre avait certainement une connaissance approfondie de son sujet; car il relevait des fautes d'observation dans les tableaux du peintre Micon, qui représentaient des chevaux28. A vrai dire, son livre était plutôt un traité complet d'hippologie; Suidas le cite comme l'auteur d'un `1767CGO'X07Ctx6v 20, c'est-à-dire d'un écrit où il indiquait les caractères d'un bon cheval, qu'il importe à l'acheteur de bien connaître pour ne pas se laisser duper. Les vétérinaires mentionnent son 'I7c7cota'rptxbv 30. Enfin certains passages qui nous ont été conservés se rapportent manifesternent à l'équitation proprement dite. Il est donc probable que ces titres s'appliquaient, non pas à des ouvrages distincts, mais aux grandes divisions d'un ouvrage unique : la théorie de l'équitation n'en formait qu'une partie; peut-être même l'auteur s'occupait-il encore des manoeuvres de la cavalerie Le flspl i7nttx'gç de Xénophon est plus connu et nous a été conservé dans son intégrité"; on suppose qu'il fut écrit, ainsi que 1"I7c7capZtX6gt entre l'an 364 et l'an 36132. L'auteur y a résumé toutes les connaissances que l'on possédait de son temps sur le cheval, en y ajoutant ce qu'il avait appris lui-même par une longue expérience, au cours d'une brillante carrière militaire ; comme l'ouvrage de Simon, c'est un véritable traité d'hippologie; l'équitation fait l'objet seulement des chapitres vu et ver; l'ouvrage de Simon ne nous étant parvenu qu'à l'état de fragment, il nous est impossible de déterminer ce qui fait la nouveauté de celui de Xénophon et en quoi il a pu, comme il l'espérait", surpasser son devancier. Les guerres d'Alexandre marquent le plus haut point de perfection oû ait pu atteindre chez les Grecs l'art de l'équitation : la cavalerie, qui, même depuis Périclès, n'avait joué qu'un rôle secondaire sur les champs de bataille, devint, à la suite de la conquête macédonienne, un élément essentiel de toute armée bien organisée [SQHITES]. Les Macédoniens étaient un peuple de cavaliers; leur goût pour le cheval, l'habileté avec laquelle ils le maniaient, se développèrent encore dans leur contact avec les Perses, qui de tout temps avaient excellé dans l'art de l'équitation et en avaient tiré une partie de leur force militaire 34. Il ne paraît pas qu'après la mort d'Alexandre , les peuples classiques aient fait faire de véritables progrès à la science du cavalier. Pline l'Ancien composa un traité « Sur la manière do -748 -EQU faut s'y prendre. Il y avait encore une autre ressource : on dressait ]es chevaux à abaisser leur croupe, au commandement, en écartant largement les jambes de devant des jambes de derrière; le palefrenier devait prendre l'habitude de leur faire exécuter cette manoeuvre; c'était ce qui s'appelait ûtccôtèzisrOz; Paul-Louis Courier assure avoir vu en Allemagne des chevaux à qui elle était familière : peut-être est-elle EQU lancer le javelot à cheval » (de Jacaieiione equestri) 3"; il fut officier de cavalerie et comme tel il prit part aux campagnes de Germanie ; il avait donc enfermé dans cet ouvrage, aujourd'hui perdu, ses observations personnelles; mais il est impossible qu'il n'eût pas mis à profit ceux de Simon et de Xénophon, comme Pollux l'a fait après lui; ce qui le prouve, c'est qu'il suivait le même plan ; les matières qu'il avait traitées dépassaient de beaucoup son titre ; ainsi il dit lui-même qu'il avait exposé les caractères auxquels on reconnaissait un bon cheval; c'est l'ir7cocxor'xIv de ses devanciers. On a enfin dans les chapitres de Pollux3" un résumé qui reproduit non seulement les connaissances accumulées avant lui, mais même l'ordre traditionnel dans lequel elles avaient été exposées. Toutes ces études, entreprises par des hommes pleins d'expérience et de talent, témoignent de l'intérêt que les anciens attachaient à l'équitation. On ne peut pas plus, dit Plutarque, se passer de leçons pour monter à cheval que pour jouer de la flûte 37. La théorie. -Malgré les progrès que l'équitation dut faire au cours des siècles, elle resta toujours, chez les anciens, différente, en un point essentiel, de ce qu'elle est aujourd'hui : ils ne connurent jamais l'usage des étriers [EUES]. Assurément il est bon de pouvoir s'en passer et c'est ce que l'on s'habitue à faire dans nos manèges à titre d'exercice; mais ils offrent un secours précieux au cavalier, surtout au cavalier armé, pour se mettre rapidement en selle et pour y conserver son assiette ; les écuyers de l'antiquité n'étaient peut-être pas moins agiles et moins souples que ceux de notre temps; mais ils devaient être beaucoup moins maîtres de leurs montures. Si l'on ajoute que, jusque vers la fin du v" siècle, en Grèce, on monta le cheval à cru, que longtemps après, on se servit, non de selles proprement dites, mais de simples coussins dépourvus d'arçons [e meemua, SELLA] et que le ferrage ne fut que fort tard et exceptionnellement pratiqué [soLEA], on comprendra quels avantages les modernes ont sur les anciens. Supposons, comme le'fait Xénophon3°, que le commençant se trouve en présence d'un cheval tout dressé et qu'il n'a à faire que sa propre éducation ; supposons aussi que le cheval lui est amené tout harnaché par le palefrenier. Voici quelle sera la série des exercices (iascaeïat). 1a Monter sur le cheval (ccvzàxtvsty, conscendere equum, escendere in equum). En l'absence des étriers, on pouvait, pour monter sur le cheval, choisir entre deux procédés : se faire enlever par un valet, ou s'enlever soimême à la force des bras. Le premier convenait mieux aux gens déjà mûrsS9; c'était celui qu'employaient chez les Orientaux, notamment chez les Perses, les hommes d'âge et d'un rang distingué 40; Xénophon l'appelle aepatxbç'tpdroç; il faut que le palefrenier soit dressé à enlever ainsi son maître («vax),Xuv, âvzàt~Oârety) ; lorsque les cavaliers vont en troupe, ils doivent se rendre mutuellement cet office. Les jeunes gens doivent sauter d'un seul bond sur leur bête (iisu riSâv); ils s'y exerceront tout seuls le plus longtemps possible ; mais il est bon aussi qu'ils aient quelqu'un pour leur montrer comment il représentée (fig. 2712) sur quelques monuments antiques". Mais il va de soi qu'elle ne pouvait jamais être qu'une exception ; elle dépendait beaucoup de la docilité du cheval et de l'empire que le palefrenier avait sur lui. Aussi Xénophon engage le cavalier à ne pas compter qu'elle soit toujours possible. On cite des chevaux fameux qui avaient été accoutumés à s'agenouiller pour recevoir leur maître, comme on le voit faire dans nos cirques à des chevaux savants'i3. Mais le moyen le plus ordinaire consistait à se servir d'une borne ou de tout autre marchepied. Lorsque C. Gracchus fit percer de nouvelles routes, on eut soin de placer de chaque côté, à des distances de moins d'un mille, des pierres uniquement destinées à cet usage pour les voyageurs qui n'avaient point d'écuyer avec eux [vIA]14. Quel que fuit le secours dont on s'aidât, le principe classique de la mise en selle était le suivant. Le cavalier étant placé à gauche de sa monture, la main gauche saisissait une poignée de crins près des oreilles, en tenant la longe qiu2ayolynéç) entortillée, mais assez lâche pour ne point tirer sur la bouche. La main droite saisissait à la fois les rênes (liivtat) et une poignée de crins près du garot. Dans cette position le cavalier pouvait prendre son élan pour sauter, ce qu'il devait faire légèrement et d'un seul trait sans poser le genou sur sa monture 4". Ainsi c'était unique ment en avant de l'ephippium que ses mains devaient chercher leurs points d'appui, au lieu que l'équitation moderne enseigne au cavalier à fixer sa main droite sur la partie postérieure de la selle; des connaisseurs affirment qu'en certains cas la méthode antique peut avoir ses avantages''". Dans le même endroit où Xénophon explique comment EQU 749 EQU le cavalier doit s'élancer pour monter a cheval il ajoute qu'il peut s'aider pour cela de la pique, scb Sdpatoç eval eSâv 67. Winckelmann u a rapproché de ce passage une pierre gravée de la collection de Stosch, sur laquelle on voit (fig. 2713) un guerrier qui monte à cheval en mettant le pied droit sur une petite barre fixée au bas de sa pique. On a cherché encore une autre explication : le cavalier, dit-on, s'enlevait à l'aide de sa pique, comme on apprenait à le faire dans les gymnases au moyen d'une perche pour franchir un large espace [SALTJJS]. Cet exercice est encore pratiqué de nos jours sous le nom de « saut de rivière ». Sur un vase peint du musée de Munich", on voit un jeune homme prêt à sauter ainsi en s'appuyant sur un long bâton ; on peut objecter que cette manière de s'enlever aurait eu pour inconvénient de rendre la chute du cavalier très pesante pour le cheval. Une fois monté, le cavalier ne doit pas, dit XénophonY°, se tenir assis comme sur un siège, mais droit, en écartant les jambes. Par ce moyen il étreindra plus fortement le cheval avec ses cuisses et, dans cette attitude droite, il aura plus de force, soit pour lancer le javelot, soit pour frapper de près. La jambe, depuis le genou, doit être, ainsi que le pied, pendante et libre ; car si l'on tient la jambe raide et qu'elle vienne à heurter, elle peut se casser; tandis que demeurant souple, si quelque chose vient à la heurter, elle cède sans déplacer la cuisses'. II faut encore que te cavalier s'habitue à avoir le haut du corps souple autant que possible : par là il sera plus libre pour agir et, qu'on le tire ou qu'on le pousse, on le fera difficilement tomber. II doit tenir le bras gauche près du corps; c'est l'attitude la plus convenable et qui donne à la main le plus de fermeté. 2° Les allures (gressus). Il n'y a pas lieu d'analyser ici en détail les conseils que donne Xénophon sur la position du cavalier (Tb xaO1 ealat, in equo sedere) et sur la façon dont il doit passer d'une allure à l'autre. Les allures les plus ordinaires, le pas (Tb (lzôrv 7copeéeaOat, gradus); le trot (Tb Sierpozeety, tolutim ire) et le galop (Tb intpxGSocpopety, equo concitato vehi) sont de la part de Xénophon le sujet d'observations très justes ; mais comme elles ne diffèrent en rien, pour le fond, de celles qui sont encore appliquées aujourd'hui, il n'est pas nécessaire d'y insister. Il faut noter seulement que, pour lui, le pied gauche est dans le galop le bon pied, Tb euôoxtu«iTepov, tandis que l'opinion contraire domine aujourd'hui dans nos manèges 68. Les Grecs ne semblent pas avoir remarqué que le cheval pouvait aller l'amble; ni Xénophon ni Aristote" n'en parlent ; peut-être jugeaient-ils cette allure défectueuse et contre nature. Mais elle est décrite par Pline l'Ancien ; c'est ce qu'il appelle, à défaut d'un terme technique, qui manquait à la langue latine, non vulgaris in cursu grades, sed mollis alterno crurum expli catit glomeratio. Et il ajoute que dans les manèges on s'exerçait à prendre cette allure ; l'idée en serait venue lorsqu'on eut éprouvé combien elle était agréable dans les chevaux d'Espagne, qui s'y mettaient d'eux-mêmes plus volontiers que les autres 6S. Enfin les anciens ont fort bien connu l'art des courbettes (minuti gressus) et te parti qu'on en peut tirer pour faire valoir surtout les chevaux de parade. Les écrivains spéciaux ont enregistré différents procédés qui étaient employés dans les manèges pour les forcer à s'enlever (u.ETEu)o( Etv); le plus facile consistait à faire courir à côté du cavalier un écuyer à pied, qui donnait des coups de poussine sous les cuisses du cheval ; il le forçait ainsi à les fléchir sous le ventre et à s'enlever de l'avant-main. Mais Xénophon réprouve ce procédé comme trop brutal. II veut (et il cite Simon à l'appui de son opinion) que le cheval soit amené à exécuter, comme de lui-même, les mouvements les plus brillants 56. 3° Les voltes (a'rpotpal, gyri). Les auteurs latins, aussi bien que les auteurs grecs, décrivent souvent cette partie essentielle des exercices équestres ; quelquefois même ils en font comme le symbole et le résumé de l'équitation tout entiere. Virgile rapporte aux Lapithes l'honneur d'avoir, en les imaginant les premiers, inventé du même coup toute la science de l'écuyer66. Ici l'important, ou plutôt le but même que l'on se propose, c'est de rendre le cheval docile aux changements de main ; c'est ce que Xénophon appelle tourner en tirant tantôt sur une barre, tantôt sur l'autre : bt' çtN.poTÉ paç Tâç yVaGUg arpitrecOat. A cet effet, il recommande surtout la volte qu'il appelle l'entrave (7cirl) parce qu'elle décrivait sur le sol la figure des entraves que l'on mettait aux deux pieds des prisonniers [coie vS] ; c'était exactement celle d'un 8. Cet exercice est encore universellement pratiqué aujourd'hui comme au temps de Xénophon ; il a en effet l'avantage de faire fréquemment alterner les deux mains dans un court espace de temps et de terrain. Mais Xénophon ajoute qu'il préfère l'entrave ovale, ETepoµ-,)xrlç, à l'entrave complétement circulaire, xoxaoTEpliç, « parce que, dit-il, le cheval tourne plus volontiers après avoir couru en ligne droite et apprend ainsi en même temps à marcher droit et à se plier » 4° Saut des obstacles (Tb ita7711Szv, exsultare). Dans un pays aussi accidenté que la Grèce, on n'était point un bon écuyer, et surtout on ne pouvait s'exposer aux hasards des combats de cavalerie, si on n'était dès longtemps rompu aux difficultés des terrains les plus variés 61. Quelques-uns craignaient de pousser leurs chevaux aux descentes ; Xénophon 69, fort de ce qu'il avait vu en Asie, veut qu'on soit sans inquiétude à cet égard : « Les Perses et les Odryses, qui font des courses de défi dans des pentes rapides, n'estropient pas plus leurs chevaux que les Grecs. » Mais ce n'est pas assez; le cheval doit être entraîné à sauter de haut en bas et de bas en haut, ainsi qu'à franchir les banquettes et les fossés. Xénophon enseigne par le menu les principes qu'il faut observer EQI.i --7d1) EQIî polir ne pas L.ecdre son assiette dans ces oercices difficiles. On remarquera qu'il recommande de saisir la crinière quand le cheval s'enlève; il n'entend point par là que le cavalier doit se préserver des chutes, mais qu'il doit alléger la, boucha: de sa monture « pour ne pas ajouter la gène du mors à la fatigue de l'action ». La chasse était considérée comme la meilleure école où l'on pût se perfectionner dans l'application de ces principes, lier armé qu'était destiné le traité de Xénophon, aussi bien que ceux de Simon et de Pline l'Ancien. Sans parler ici de l'exercice du javelot [sacunOM] ni des manoeuvres de la cavalerie [EQOITcsj, il importe de, noter ce qui s'a t à la théorie générale de l'équitation lorsqu'on 1 enseignait en vue du service militaire. Ainsi le soldat avait dans sa lance un secours précieux, soit qu'il mit en pratique, sur son cheval, les leçons quit avait. reçues 1 lur sauter à l'aide de la perche dans le gymnase; soit que la lance fét munie de cette saillie que Winckelmann a cru reconnailre sur une pierre gravée, comme on l'a dit plus haut, et qui devait permettre au cavalier d'y poser le pied; Paul-Louis Courier en nie l'existence et même la nécessité. La lance pouvait aussi bien servir à descendre qu'à monter L9, Néanmoins ce secours ne supprimait pas toutes les difficultés pour le soldat; car il avait de plus que les autres cavaliers le poids de ses armes. Aussi exerçait-on fréquemment les soldats romains à sauter tout armés sur leur monture". Une fois assis, le soldat devait faire passer sa lance de le 'nain gauche dans la droite, qui nécessairement ne la quittait plus punr lui épargner ce mouvement long et malaisé, Xénophon recommande qu'il s'habitue à monter du côté droit, en procédant du reste exactement comme il l'eût fait du côté opposé; e ainsi il se trouve tout d'un coup assis et prêt à combattre immédiatement en cas de surprise "i ». Ce précepte fut toujours suivi dans les armées romaines ". La partie inférieure de la lance servait encore au soldat pour toucher le flanc droit du cheval, en particulier lorsqu'il voulait le faire passer du trot au galop sur le pied gauche", Ayant la lance dans ia main droite, le cavalier était toujours obligé de tenir les rênes avec la main gauche seulement. Quelques peuples étrangers, qui fournissaient aux Romains des corps de cavalerie, notamment les peuples de race africaine, tels que les Numides, avaient des chevaux si dociles et si bien dressés, qu'ils n'employaient même pas de mors pour les conduire ; ils Ieur passaient simplement une longe, qu'ils laissaient flotter pendant la marche ; ils les contenaient par un coup de houssine donné sur le nez et les dirigeaient en leur touchant l'encolure à droite oa à gauche; quand ces animaux étaient lancés au galop, on les voyait courir le cou tendu et la tète en avant; le soldat montait absolument à poil, sans employer même la housse et le coussin, qui faisaient depuis longtemps partie du harnachement dans les armées des peuples classiques "' Cette cavalerie africaine nen était pas moins extrêmement redoutable et rendit de grands services aux Romains. Ceux du reste, pratiquaient aussi ia même méthode dans certaines occasions ; il arriva quelquefois que les officiers, au moment de charger l'ennemi, firent enlever la bride et le mors aux chevaux pour redoubler leur impétuosité ", En temps de paix, l'équitation tenait une grande place dans les exercices des troupes romaines ". . La plupart des capitaines fameux de l'antiquité, Alexandre, Pompée, Mithridate, César, furent des écuyers habiles leur exemple fut suivi par tous les empereurs qui se piquèrent de respecter les bonnes traditions de la, vie militaire ". L'équitation dans l'éducation de la jeunesse, Si les Grecs n'ont reconnu qu'assez tard l'importance que le cheval monté pouvait avoir dans les batailles, il n'en est pas moins vrai que l'equitatïon leur a, toujours paru un exercice éminemment digne d'un homme libre, un des plus propres à entretenir la vigueur et la beauté du corps, et, comme tel, un des plus utiles dans l'éducation de la jeunesse; c'est ainsi qu'en juge Platon". Hippocrate a relevé quelques-uns des inconvénients qui peuvent résulter de l'équitation pour la santé ; mais il ne parle que de l'abus. En général, les médecins de l'antiquité étaient d'accord pour déclarer que l'exercice du cheval avait une heureuse influence sur le développement des organes, sur celui de la poitrine en particulier 5s. Platon veut qu'on y soumette les enfants de très bonne heure70 ; Galien af firme qu'il peut leur convenir dès Page de sept ans". On voit sur un vase peint un entant de cet âge environ, qu'un maître aide à se hisser à cheval en le soutenant de la main (fig. 2714) . Mais, en réalité, on devait attendre qu'ils eussent un âge un peu plus avancé. Chez les Athéniens l'éphébie légale commençait à dix-huit ans; nous savons positivement que lorsque les adolescents y entraient, ils étaient déjà capables de diriger un cheval 1'3 ; en général c'était à l'âge où ils suivaient l'enseignement du pédotrïlie, c'est-à-dire entre quatorze et dix-huit ans, qu'ils recevaient pour la première fois les leçons d'un écuyer. Plusieurs peintures de vases°4 représentent des jeunes gens qui prennent des leçons d'équitation ;l'un(fig. 271â) tire un cheval par sa longe en le menaçant d'une baguette pour le faire avancer ; l'autre s'apprête à sauter à l'aide d'une perche sur un cheval entraîné par un camarade qui trotte à ceté. Ailleurs on voit les cavaliers déjà lancés sur la piste, excitant leurs montures avec des EQU -751 EQU bâtons garnis de lanières. Leur maître est généralement représenté au milieu d'eux, vêtu d'un manteau et tenant un bâton à la main; on voit à son attitude qu'il leur donne des conseils et surveille leur tenue u. Dans les grands jeux d'Olympie et, à Athènes, dans les Panathénées, il y avait un prix spécial destiné aux enfants pour la course à cheval ; c'étaitle prix du ne; zu), ct,ov [EOUITES? 7" ; le concours où ils se le disputaient est souvent représen Lé sur les monuments77. Une fois qu'il était entré dans l'éphébie, le jeune homme, désormais astreint à un service militaire effectif, pouvait être classé dans la cavalerie et en ce cas il avait à perfectionner par un exer cite journalier, en quelque lieu qu'il fût appelé pour la défense du pays, les connaissances qu'il avait acquises au manège 7". 11 est probable que dans l'éphébie on lui enseignait surtout ce qui lui manquait encore, e'est-à-dire le maniement des armes à cheval. Il était alors confié à un instructeur spécial, distinct des hipparques et des phylarques79. Les inscriptions de l'éphébie athénienne attestent que l'exercice du cheval n'y fut négligé à aucune époque 86, et ce sont probablement des éphèbes de la cavalerie qui figurent sur la fameuse frise du Parthénon S1. Chez les Romains l'équitation fut aussi comprise, de bonne heure, dans le cercle des études auxquelles devaient se livrer les jeunes gens de condition noble; Caton l'Ancien voulutl'enseigner luimême à son filsB2 ; c'est assez dire combien elle était en faveur auprès de ceux qui tenaient à la tradition nationale, au trios majorum. Lorsque, sous l'Empire, on vit des jeunes gens bien nés délaisser le cheval pour des jeux frivoles, ce fut aux yeux des bons citoyens un symptôme grave, qui n'annonçait rien moins que la décadence du peuple romain". Les femmes. Il est douteux que l'usage du cheval ait jamais été fort répandu parmi les Grecques et les Romaines ; les auteurs classiques en font un des traits caractéristiques des souveraines étrangères, telles que Didon " ou Sémiramis S5. C'est sans doute à leur exemple que Caesonia, femme de Caligula, chevauchait devant les troupes à côté de son mari, revêtue d'un costume militaire H6. On raconte qu'une jeune fille nommée Clocha s'échappa à cheval du camp de Porsenna, où elle était retenue comme otage, et rentra dans Rome après avoir traversé le Tibre avec sa monture ; pour perpétuer le souvenir de cet acte de courage, on lui éleva une statue équestre au haut de la Voie Sacrée, près de la porte du Palatin. Mais c'est là un fait unique comme l'honneur qui en fut la récompense; la conduite de Clocha fut admirée surtout parce qu'elle sembla plus digne d'un homme que d'une femme 87. Les Amazones de la légende sont toujours représentées jambe de-ci, jambe de-là (rtspiéxr(v`) (fig. 217 du tome Pe) et c'est encore ainsi que montent bien souvent les paysannes dans certaines contrées duMidi, surtout dans les montagnes, où les bêtes de somme prennent rarement les allures vives; mais si l'on excepte les Amazones, les femmes sont toujours figurées assises sur leur' monture, les deux jambes pendantes du même côté; c'est l'attitude que les artistes ont donnée à Europe sur le tau Néréides et à d'autres héroïnes de la fable qu'ils représentent portées par divers animaux " c'est ce qu'Ammien appelle muliebrifer insedere ft8. L'usage de la selle de femme fut connu, au moins en Asie, dès le ve siècle avant Jésus-Christ: sur le monument de Gjel Bachi90, récemment découvert, une femme est assise sur un siège muni d'un dossier et d'un marchepied (fig. 2716) ; niais l'usage ne paraît pas s'en être répandu dans la Grèce propre. Certaines divinités féminines ont été associées au cheval; ce sont surtout SÉLÉNÈ et à une époque plus récente EFONA ; on trouve mention d'une Artémis et d'une Vénus équestres ; Euripide parle aussi d'une Aurore µovd7u))oç". On a cru reconnaître ces diverses divinités, les unes avec raison, les autres à tort, sur un grand nombre de monuments où apparaissent des femmes acheva193 ; elles y sont constamment représentées dans l'attitude de nos amazones modernes; il est bien vraisemblable que le modèle en a été pris dans la réalité et que, par conséquent, les Grecques et les Romaines, lorsqu'elles montaient à cheval,s'y tenaient comme les femmes de nos jours. Le manège. Dans les pays du Midi, où les plaies sont rares, les leçons d'équitation se donnaient souvent en plein air. Sur un vase peint figuré plus haut (fig. 2715), qui représente des enfants apprenant à monter, on voit un arbre dans le champ de la composition. C'était généralement sur l'Agora, près des Hermès, que les Athéniens se li vraient à cet exercice 00. A Rome, le Champ de Mars en était le théâtre ordinaire ; il devait y avoir Ià un espace circulaire, dont le sol bien battu était réservé aux cavaliers ; c'est ce qu'Ovide appelle vertus orbis dans une description mythologique, où, pensant probablement au Champ de Mars, il dit : Planus erat, lateque patens prope moenia campus, Assiduis pulsatus equis 9t. Cependant les anciens ont aussi connu les manèges; une peinture de vase nous montre des jeunes gens à cheval courant dans un édifice couvert, dont la toiture EQU 752 EQU est supportée par des colonnes (fig. 2717)'5. Ce lieu est appelé par Xénophon 11=m-(x 96 ou ïo.µo6, arène, parce qu'il était sablé97. Les portiques de longue étendue pouvaient aussi servir au même usage 9s. Les soldats de la cavalerie romaine s'exerçaient en plein air pendant l'été ; mais, aux approches de l'hiver, on élevait près des camps des manèges, où ils pussent trouver un abri contre les intempéries de la saison; ce n'était souvent que des constructions légères qu'on couvrait de roseaux, de chaume ou d'herbes de marais, si on n'avait pas de tuiles sous la main; on les appelait porticus99; mais on éleva aussi des édifices plus durables, comme on le voit par les inscriptions, où des manèges sont mentionnés sous le nom de basilica equestris 100. Non seulement les soldats y amenaient leurs montures ordinaires, mais ils y trouvaient des chevaux de bois, sur lesquels ils s'accoutumaient à sauter toutarmés, tantôt du côté gauche, tantôt du côté droit foi