AGMEN. Ce mot, qui signifie une troupe, en général, a un sens technique et précis dans la langue militaire des Romains, où il est opposé à ACIES. Tite-Live a nettement établi, dans plusieurs passages, la distinction des deux mots. Ainsi, il raconte' que deux armées en marche se rencontrèrent si inopinément, qu'elles en vinrent aux mains sans avoir le temps de se déployer, et durent alors rester formées en colonnes (agminibus mages quam acie pugnatum est). César ' a toujours soin d'employer le mot cries pour désigner une armée en bataille, et le mot agmen pour désigner une colonne en marche.
Polybe a donné des renseignements précis sur l'ordre de marche (ordo agrainais» adopté par les Romains à l'époque où leurs armées étaient le mieux organisées : « Pour l'avant-garde, on désigne habituellement les extraordinaires ; l'aile droite des alliés vient ensuite; après celle-ci, on place les bagages de tous ceux dont nous venons de parler; quand ces derniers sont partis, on les fait suivre par la première légion romaine ayant derrière elle ses propres bagages; puis vient la deuxième légion suivie de ses bagages, et puis ceux du reste des alliés qui sont placés à la queue de la colonne; car, dans la marche, l'aile gauche des alliés
est placée la dernière. Quant aux cavaliers, tantôt ils marchent à la suite du corps dont ils font partie; tantôt, répartis sur les flancs du convoi, ils marchent à côté de lui, obligent les bêtes de somme à rester dans la colonne, et se tiennent prêts à les défendre. Lorsque l'on craint pour l'arrière-garde, tout reste dans le même ordre, si ce n'est qu'on fait passer les extraordinaires de la tête de la colonne à la queue de celle ci. Chacune des légions ou des ailes des
alliés marche un jour en avant de l'autre, derrière laquelle elle est ensuite placée, afin que, en occupant successivement à leur tour la tête de la colonne, tous soient appelés également à profiter de l'eau et des fourrages intacts. Les Romains emploient un autre ordre de marche dans les circonstances dangereuses, et quand ils se trouvent sur un terrain découvert. Ils forment alors les hastats,
les princes et les triaires en trois colonnes parallèles, en mettant, en tête de tous, les bagages des manipules qui marchent les premiers, ceux des seconds après les premiers manipules, plaçant ainsi successivement, et suivant l'ordre que nous venons d'indiquer, les bagages et les manipules. En réglant ainsi leur ordre de marche, s'il survient une attaque, se tournant à gauche ou à droite, ils font sortir leurs troupes en dehors des bagages, du côté où l'ennemi se présente. Ensuite, l'infanterie de ligne se met en bataille en fort peu de temps et par un seul mouvement, à moins qu'il ne soit nécessaire de faire déployer les hastats. La foule des bêtes de somme et de ceux qui les suivent, se retirant derrière les troupes rangées en bataille, occupe l'emplacement le plus convenable pour être à l'abri du danger. n
Les détails donnés par Polybe sont confirmés et complétés par ceux qu'on trouve dans les écrits de l'historien Josèphe : « Lorsqu'il faut décamper, dit-il ', un premier sonde trompette en avertit; tout le monde alors se met à l'oeuvre, chacun plie sa tente et se prépare à partir. Quand la trompette sonne une deuxième fois, on met promptement les bagages sur les bêtes de somme et, comme dans les courses, chacun attend un nouveau signal; cependant, certains qu'ils sont de le refaire bientôt si c'était nécessaire, ils mettent le feu à leur camp pour empêcher l'ennemi de s'en servir. Enfin, chacun se rend à son rang lorsque la trompette, sonnant pour la troisième fois, en donne le signal, et afin que les pelotons soient toujours au complet, on ne tolère aucun traînard, Alors un héraut, placé à la droite du général, demande à haute voix si les troupes sont prêtes à combattre; les soldats réponddnt ensemble qu'ils
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sont prèts : souvent même ils préviennent le héraut, et font connaître par leurs cris ainsi qu'en élevant les mains l'ardeur qui les anime. Ils marchent ensuite en bon ordre, en silence et sans jamais rompre les rangs, comme s'ils avaient l'ennemi devant eux, s
Le même auteur indique encore ° l'ordre de marche adopté par Vespasien : « 11 partit de Ptolémaïs en observant l'ordre de marche qui était en usage chez les Romains. Il donna aux auxiliaires armés à la légère et aux archers l'ordre de prendre la tête de la colonne, pour éviter toute surprise de l'ennemi et fouiller les forêts où ce dernier aurait pu placer des embuscades. Après eux venaient une partie de la cavalerie et de l'infanterie des Romains, puis dix hommes par centuries portant, outre leur équipement, tout ce qui était nécessaire pour le tracé du camp ; ceux-ci étaient suivis par les pionniers qui préparaient la route, en détruisant les aspérités et coupant les arbres qui se trouvaient sur le passage de l'armée, afin d'épargner à celle-ci les fatigues occasionnées par les mauvais chemins. Vespasien plaça ensuite dans la colonne ses bagages et ceux de son état-major, avec de nombreux cavaliers chargés de veiller à leur sûreté; il se plaça après eux à la tête de la cavalerie et de l'infanterie des extraordinaires, ainsi que des soldats armés de lances; ceux-ci étaient suivis des cavaliers légionnaires (car cent vingt cavaliers étaient attachés à chaque légion), puis des bêtes de somme portant les hélépoles et les autres machines. Les tribuns et les chefs de cohortes venaient ensuite, escortés (le soldats choisis ; puis on voyait paraître, entourée des enseignes, l'aigle qui se montre toujours en tête de chaque légion ; car l'aigle, parce qu'il est le plus vaillant et le plus fort des oiseaux, est considéré par les Romains comme un présage de victoire et un symbole de puissance. Ces emblèmes vénérés étaient suivis des trompettes, puis de l'infanterie romaine formée en cohortes, marchant à rangs ouverts et par six, conduites chacune par un centurion, qui veillait au maintien du bon ordre et de la discipline. Chaque légion était suivie de ses esclaves conduisant les bêtes de somme chargées de ses bagages. Après les légions se trouvait la foule des marchands, et enfin l'arrière-garde placée pour la sécurité de l'armée et composée de fantassins ainsi que de nombreux cavaliers. » Josèphe admire tellement cet ordre de marche, que, dans la suite du même ouvrage', il le décrit de nouveau.
Ainsi, au temps de Vespasien et de Titus, on conservait les usages décrits par Polybe; seulement ce dernier ne parle pas de l'incendie du camp ni de la question adressée aux troupes par un héraut, pratiques pourtant déjà anciennes à l'époque où écrivait l'historien juif'.
Polybe nous indique deux ordres de marche. Dans le premier, l'armée ne formait qu'une seule colonne précédée par une avant-garde et suivie par une arrière-garde. Il était toujours facile d'y placer les troupes, la droite ou la gauche en tête, comme le dit cet auteur, grâce à l'ordre dans lequel elles étaient campées. De même que, dans une armée rangée en bataille, l'aile droite est celle qui se trouve à la droite du général quand il fait face à l'ennemi, de même dans le camp le côté droit devait être celui qui se trouvait à la droite du consul quand il regardait la porte prétorienne, celle-ci étant placée du côté de l'ennemi ; sur le côté droit se trouvait la porte principale droite, et sur
le côté gauche la porte principale gauche [CASTRA]. Donc l'aile droite des alliés était campée près de la porte principale droite : c'était elle qui, le premier jour, suivait les ordinaires; venait ensuite la première légion campée près d'elle, puis la deuxième légion, et enfin l'aile gauche des alliés. Le lendemain, le mouvement commençait par ce dernier corps, suivi de la deuxième légion, puis de la première, et enfin de l'aile droite des alliés. Ce que dit Polybe prouve que la porte prétorienne et non la porte décumane, comme l'ont prétendu quelques commentateurs, était la plus rapprochée de l'ennemi; du reste, Végèce le dit formellement 8. C'est pour cela qu'on faisait camper près d'elle les extraordinaires qui formaient l'avant-garde quand on marchait en avant, et l'arrière-garde quand on marchait en retraite. Végèce10 dit que c'est par la porte prétorienne que l'armée sort du camp pour marcher à l'ennemi. Il est vrai que c'était de ce côté que sortaient les extraordinaires chargés de commencer le mouvement; ruais si toute l'armée eût suivi cette voie, le défilé eût demandé beaucoup de temps, et il est probable que, surtout quand l'armée devait marcher sur trois colonnes, la sortie avait lieu, en outre, par les deux portes principales. Dans ce dernier cas, les hastats devaient sortir par la porte principale droite, les princes par la porte prétorienne et les triaires par la porte principale gauche : on trouve des exemples de cette sortie simultanée des troupes par les trois portes dont nous parlons, dans plusieurs passages de Tite-Live et dans les Cornmentaires sur la guerre civile 'c.
Le second ordre de marche dont parle Polybe consistait dans la formation de trois colonnes au lieu d'une seule : la colonne de droite était composée des hastats, celle du centre des princes, et celle de gauche des triaires. Les troupes étant ainsi disposées, l'ennemi pouvait les attaquer en tête, en queue, à gauche, à droite : 1° Si l'ennemi se présentait en tête, les hastats pouvaient se former en avant en bataille, pendant qu'il combattait avec l'avant-garde, qui était assez nombreuse pour lui résister longtemps; mais on se contentait souvent de faire soutenir l'avant-garde par les manipules placés en tête des colonnes 12; il en était de même quand on n'avait pas le temps nécessaire pour faire un déploiement 13. -2° Si l'ennemi se présentait en queue, pendant qu'il était tenu en respect par l'arrière-garde, les hastats pouvaient encore se former en bataille devant lui, en exécutant un changement de front en arrière sur le dixième manipule. Dans ce cas, comme dans le précédent, si l'on était attaqué par toute l'armée ennemie, les princes et les triaires, couverts par les hastats et par l'avant-garde ou l'arrière-garde, avaient tout le temps nécessaire pour prendre leur place de bataille. Mais ces deux premiers cas devaient se présenter assez rarement, attendu que l'ennemi, voyant la tête et la queue de la colonne garanties de toute surprise par une nombreuse avant-garde et une arrièregarde non moins considérable, devait attaquer de préférence les flancs, qui n'étaient couverts que par quelques pelotons de cavalerie. 3° Si l'ennemi se présentait à gauche, les trois colonnes s'arrêtaient et les triaires, quittant la leur, en faisant un à gauche, se portaient à la rencontre de l'ennemi. Polybe se sert du verbe x).(vecv, changer de direction, pour exprimer ce mouvement qui pouvait s'effectuer de trois manières différentes : soit par le flanc gauche ; soit en faisant un quart de conversion à gauche, après être sorti
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de la colonne, si l'on tenait à avoir le premier rang en tête; enfin, cette dernière condition pouvait être obtenue, tout en évitant de faire la conversion, quand on rangeait les troupes dans l'ordre adopté par Métellus, et dont nous allons bientôt parler (transversis principiis). 4° Si l'ennemi se présentait à droite, les trois colonnes s'arrêtaient encore, et c'étaient les hastats qui sortaient de la leur, après avoir fait un à droite. Si, dans ce dernier cas, par exemple, il était nécessaire de faire combattre toutes les troupes, les princes passaient dans les intervalles qui existaient dans la colonne de droite, par suite du départ des hastats, et les triaires traversaient également et sans difficulté les deux colonnes placées à leur droite. Les hastats ayant un effectif double de celui des triaires, on comprend que Polybe ait dit que le mouvement était plus long quand il s'effectuait de leur côté; il en était de même quand ils avaient à repousser l'ennemi dans le premier cas que nous avons examiné.
En outre, quand l'ennemi se présentait à droite, il y avait trois irrégularités dont la rectification, si on voulait la faire, demandait encore beaucoup de temps. Après avoir fait leur à droite, les manipules des hastats se trouvaient placés par inversion, les rangs étant devenus des files, et le nombre de ces dernières étant différent de celui qu'on voyait dans l'ordonnance habituelle. Cette observation permet de comprendre le passage de la Guerre de Jugurtha où Salluste raconte que Métellus, avant d'entrer dans une plaine où il prévoyait qu'il serait attaqué sur son flanc droit, prit les dispositions suivantes : au lieu de placer les manipules dans l'ordre habituel, c'est-à-dire le premier en tête, il changea leur disposition (cornmutatis ordinibus) en mettant à la tête le dixième manipule, puis le neuvième, etc. En outre, dans chaque manipule, au lieu de placer le premier rang en tête, il le fit marcher sur le flanc droit de la colonne, c'est-à-dire en travers par rapport à sa disposition habituelle (transversis principiis) ; de cette manière, quand l'ordre de faire par le flanc droit fut donné, toute l'armée marcha à l'ennemi dans l'ordre naturel, c'est-à-dire avec le premier manipule placé à l'extrême droite, et les soldats de chaque manipule occupant leur véritable place de bataille. Tout ceci revient à dire que Métellus, en entrant dans la plaine, rangea régulièrement son armée en bataille; puis, pour continuer sa marche, il fit faire un à gauche à toutes ses troupes ; enfin, quand il fut en présence de l'ennemi, il n'eut plus à faire exécuter qu'un seul mouvement, un simple à droite, pour que toute son armée fût de nouveau et régulièrement rangée en bataille. La lecture du chapitre suivant nous a confirmé dans cette opinion. Dans ce chapitre, l'auteur dit: 1° que les cavaliers de l'aile gauche, par suite de la disposition adoptée, marchaient en tête de la colonne; 2° que la cavalerie avait été placée sur les deux ailes, c'est-à-dire à la tête et à la queue de la colonne, de telle manière que le mouvement général par le flanc droit venant à être exécuté, cette cavalerie se trouva immédiatement à sa place habituelle dans l'ordre de bataille, c'est à dire aux cieux ailes. Il est probable que la disposition adoptée par Germanicus, dans des circonstances analogues, fut la même Is
Quand l'ennemi attaquait à la fois, et dans un terrain resserré, la colonne de droite et celle de gauche, l'armée s'arrêtait et les deux colonnes attaquées, après avoir fait
appuyer leurs bagages vers la colonne du centre, combattaient sur le terrain qu'elles occupaient 10
Nous devons aussi mentionner une manoeuvre fort intéressante dont parle Tite-Live 17. Dans l'expédition de Quintus Flamininus contre Nabis, Appius Claudius, qui commandait l'arrière-garde, s'attendant à la voir attaquer, avait fait marcher ses troupes en colonne et la droite en tête; quand l'ennemi se présenta, il fit faire une contre-marche au dernier manipule, et tous les autres ayant fait un quart de conversion à gauche exécutèrent au pas de course un changement de front en avant sur le dernier manipule, et se trouvèrent alors rangés en bataille dans l'ordre le plus régulier. Appius Claudius put donc arrêter, par un combat, la poursuite de l'ennemi ; mais quand celui-ci se bornait à harceler la colonne, la retraite était toujours fort pénible, surtout si la poursuite était faite par de la cavalerie. Dans ce cas l'arrière-garde, de même que l'armée qu'elle couvrait, ne pouvait avancer que bien lentement, attendu que les armes de jet avaient une portée trop minime pour maintenir l'ennemi à une grande distance et l'empêcher de réitérer ses attaques. C'est ainsi que César 16, poursuivi par la cavalerie numide, fut réduit, pendant une partie d'une journée de marche, à faire moins de cent pas par heure. Nous trouvons dans les commentaires sur la guerre civile 19 l'indication d'une retraite bien conduite par Afranius. 11 avait composé son arrière-garde de cohortes sans bagages qui s'arrêtaient fréquemment pour repousser la cavalerie de César : quand on arrivait à une hauteur, la moitié des cohortes y prenait position et protégeait ainsi la retraite de l'autre moitié ; quand ensuite il fallait que l'arrière-garde descendît dans la vallée, les légions s'arrêtaient à leur tour et tenaient la cavalerie ennemie en respect, jusqu'à ce que l'arrière-garde se fût retirée au pas de course.
Jules César 20, lorsque ses troupes étaient en marche, les plaçait habituellement dans le premier des deux ordres indiqués par Polybe, en faisant suivre chaque légion par ses bagages, excepté pour la dernière qui les avait devant elle. Mais quand il approchait de l'ennemi, il plaçait en tête les trois quarts de son armée sans bagages, puis tous les impedimenta de l'armée, et enfin le reste de ses troupes, comprenant surtout les légions de nouvelle levée; l'avant-garde était composée de la cavalerie et de l'infanterie légère. En outre, nous trouvons dans une autre partie des Commentaires S1, la preuve que Jules César employa la marche sur plusieurs colonnes dont parle l'auteur grec. La cavalerie de Vercingétorix, partagée en trois corps, attaqua l'armée romaine en tête et sur les deux côtés : César partagea aussi la sienne en trois corps et la porta à la rencontre de l'ennemi ; en même temps, il fit arrêter son infanterie et placer les bagages entre les légions. Lorsque, sur l'un des côtés, les troupes opposées aux Gaulois, venaient à faiblir, l'infanterie de ligné placée de ce côté se formait en bataille et arrêtait la poursuite de l'ennemi. Or, si l'armée n'avait formé qu'une seule colonne, les bagages se trouvant, suivant l'habitude en pareil cas, placés à la queue de chaque légion, il eût été inutile de donner l'ordre de les y mettre ; il faut donc qu'il y ait eu plusieurs colonnes séparées par des intervalles dans lesquels Jules César fit entrer les bagages. De plus, ce n'est pas une seule colonne qui eût pu faire face en même temps à droite et à gauche : nous sommes donc autorisé à croire qu'il y en avait plusieurs.
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Du reste, cette formation fut encore employée pendant bien longtemps: l'auteur du commentaire sur la guerre d'Espagne 22, semble la désigner quand il dit : « copias ad castra tripartito transduxit. s Corbulon en fit usage dans la guerre des Parthes 2t; les détails que Tacite donne à ce sujet rendent toute hésitation impossible.
Pour désigner l'ordre de marche sur une seule colonne, on se servait des expressions pilatinz iter facere, ou pilatim exercitum ducere 2i. Quant à la marche sur plusieurs colonnes, on la désignait par les expressions passim iter facere, ou passim exercitum ducere. Plusieurs historiens latins ont aussi parlé d'un ordre de marche qu'ils appellent quadratum agmen, et tous s'accordent à (lire que les généraux l'employaient en pays ennemi quand ils croyaient devoir redoubler de prudence L3; mais aucun d'eux n'a donné des renseignements précis sur cette formation, et Salluste est le seul qui en parle avec quelques détails. Dans son récit de la guerre de Jugurtha 26, cet auteur dit que Marius, par mesure de prudence, faisait former le quadratum agmen à ses troupes quand elles étaient en marche, et il ajoute : « Sylla, avec la cavalerie, couvrait la droite de l'armée, et Manlius en faisait autant pour la gauche avec les frondeurs, les archers et les Ligures; des tribuns étaient placés en tête et en queue avec des manipules sans bagages. n Ces détails, quoique fort incomplets, peuvent servir à faire comprendre la formation. D'un autre côté, dans les Commentaires sur la guerre des Gaules 27, on trouve mentionné un ordre de marche qui, selon l'auteur du récit, avait de l'analogie avec le quadratum agmen, et nous croyons que cette analogie provenait surtout de ce que des troupes sans bagages marchaient en bataille à la tête et à la queue de l'armée, parce que ce détail est le seul qui-soit rapporté par l'historien. Ammien Marcellin 28 appelle quadratum agmen un ordre de marche employé par Julien, et le décrit complétoment en disant que l'armée était formée sur trois colonnes, que les bagages étaient répartis entre les différents corps de troupes, et qu'il y avait une avant garde, une arrière-garde et des flanqueurs. Quant à Végèce, les dispositions qu'il indique 29 rappellent celles dont parle Salluste; mais, comme ce dernier, il ne dit pas dans quel ordre était placée l'infanterie de ligne.
Des divers exemples que nous venons de citer nous pouvons conclure que le quadratum agmen n'était qu'une modification de la marche sur trois colonnes, et qu'elle en différait par les détails suivants : 1° placement, à la tète et à la queue de l'armée, de troupes sans bagages : 2° adjonction de flanqueurs sur les deux flancs. Quant au nom de cette formation, nous pouvons l'expliquer de la manière suivante : dans la marche habituelle sur trois colonnes, le terrain occupé par l'armée était beaucoup plus long que large ; mais, quand on plaçait des flanqueurs sur les deux côtés, et quand, en outre, on faisait marcher, à la tète et à la queue de l'armée, des troupes d'infanterie de ligne rangées en bataille, le terrain occupé augmentait en lar geur; de plus, la profondeur diminuait, puisqu'on avait fait sortir de la colonne les troupes employées sur les flancs, et que celles qui marchaient en bataille occupaient moins d'espace en profondeur que lorsqu'elles marchaient en colonne. Pour ces différentes raisons, on quittait la forme d'un rectangle assez allongé pour se rapprocher de
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celle d'un carré, si toutefois on n'y arrivait pas exactement. Un bas-relief de la colonne Antonine 30 (fig. 179), où l'on voit des soldats d'infanterie marchant en formant le
carré autour des bagages, qu'ils protégent, paraît être une représentation abrégée de cet ordre de marche.
Le quadratum agmen, combinaison de la marche en bataille et de la marche en colonne, n'était donc pas la marche en carré proprement dite. Nous n'avons trouvé, dans les auteurs latins, qu'un seul exemple de cette dernière formation ; cet exemple est rapporté par Tacite 3L, qui raconte que Germanicus l'employa en Germanie. Chaque face du carré était formée par une légion, les impedimenta étaient placés au centre, et de plus, il y avait une avant-garde et une arrière-garde comprenant la cavalerie ainsi que l'infanterie légère, et toutes deux très-rapprochées de la première et de la quatrième face.
Végèce " nous apprend que, bien longtemps avant l'époque où il vivait, pour empêcher les esclaves et les bêtes de somme de porter le trouble dans les colonnes en cas d'attaque, on avait eu l'idée de les organiser militairement : on les partageait en bandes comprenant chacune deux cents animaux et leurs conducteurs, avec un signe particulier de ralliement, et un chef choisi parmi les esclaves les plus expérimentés et les plus intelligents.
L'avant-garde, dans les armées romaines, fut d'abord fournie par les EXTRAORDINARJI 33 campés près de la porte prétorienne, la plus rapprochée de l'ennemi 34, puis par les AUXILIARII32 : elle était composée de soldats de cavalerie et d'infanterie 36, car il fallait qu'elle pût prendre position et arrêter pendant quelque temps l'ennemi, si elle le rencontrait, afin de donner à l'armée le temps de se disposer au combat. Avec elle marchaient, au temps de Polybe, le tribun et les centurions chargés de déterminer l'emplacement du camp et d'en faire le tracé 37, puis plus tard, les CASTao0UM METATORES 3R avec leurs aides les mensores3B, et quelques hommes de chaque centurie portant, outre leurs armes, tout ce qui était nécessaire pour le
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tracé du camp 40. Elle détachait elle-même en avant, et formant ce que nous appelons l'extrême avant-garde, les anteeessores ou antecursores qui marchaient avec précaution, cherchaient à découvrir les embuscades et déterminaient la route à suivre. Dans la marche en carré, l'avant-garde se tenait très-rapprochée de la première face 4l.
L'arrière-garde (extremum agmen) 42 était habituellement fournie, sous la république, par la cavalerie des alliés; mais si l'on craignait une attaque de ce côté, on faisait passer les extraordinaires de la tête de la colonne à la queue 4'. Cette disposition se comprend facilement, si l'on remarque que l'armée marchant en retraite, c'est-à-dire laissant l'ennemi derrière elle, sortait du camp par la porte décumane [CASTRA] ; les extraordinaires établis à l'autre extrémité étaient les derniers à se mettre en marche, et se trouvaient ainsi naturellement placés à l'arrière-garde. Sous l'empire, l'arrière-garde était toujours composée de cavalerie et d'infanterie 48. MASO UEI,EZ.