Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article EXERCITUS

E RCJTUS. ARMÉES GRECQUES. L Origines. Temps héroïques. -On sait que la guerre était l'occupation principale des Achéens de l'âge héroïque. Autour des rois légendaires, on voit se grouper presque tous les hommes valides de chaque région : c'était comme la tribu en armes. Dès cette époque, si l'on en croit les vieux poètes, des chefs entreprenants auraient réussi à faire agir en commun des forces militaires considérables. D'après les renseignements contenus dans l'Iliade', et d'après les indications de Thucydide 2, on calcule que les troupes achéennes, réunies sous les murs de Troie, ne comprenaient pas moins de 102 000 hommes. Mais c'était là une agglomération de combattants plutôt qu'une armée ; et l'on ne peut dire qu'il y eût dès lors de véritables institutions militaires. Pour bien comprendre cette naïve conception de la guerre aux temps héroïques, il suffit de se représenter les Achéens au siège de Troie. Pour cette grande expédition, ils n'ont rien organisé, rien prévu, presque rien changé à leurs habitudes. Leur camp a l'air d'une ville. Les vaisseaux, tirés sur le rivage et rangés sur plusieurs files, dessinent des rues et une agora'. Les tentes des chefs ressemblent à des maisons; celle d'Achille, qui renferme un vestibule (7[pdôoa.oç) et un portique (eifencx) est en effet expressément désignée par les noms de Séq.oç et d'olxoç6. Sur la poupe des vaisseaux qui marquent la limite du camp', on a élevé une sorte de palissade ou de retranchement (raïyoç)8 que protège un fossé (Tégpoç)', Sauf la différence des matériaux, voilà tous les éléments d'une ville fortifiée. Chaque roi, assisté du conseil de ses pairs (ou),' ' , les contingents de sa tribu. Agamemnon n'a d'autorité directe que sur quelques peuples du Péloponèse et des îles voisinesi6. Si les autres chefs lui obéissent, et souvent d'assez mauvaise grâce, c'est qu'ils s'y sont engagés par serment, et pour une circonstance déterminée". Au combat, les tribus et les phratries restent groupées et se disposent en lignes sur plusieurs rangs, chacune derrière son chef": ce sont autant de troupes isolées. La plupart des soldats sont assez légèrement équipés. Sauf le bouclier et le casque, ils n'ont guère que des armes offensives, surtout celles dont se servent rarement les héros : la hache (â (v7;, D ex.,ç)'° [sEcusls] ou la fronde Chaque peuplade a son arme favorite : les Thessaliens excellent au maniement de l'arc 23 ; les Abantes, au jeu de la lance"; les Locriens se servent également de la fronde et de l'arc". Mais les chefs de toutes les tribus portent une armure complète, dont voici les pièces essentielles : des jambières (xvaluGÔeç)" [OCREAE]; une cuirasse (O gq'ti) 27, composée de deux pièces d'airain qui protègent la poitrine et le dos [LORICA] ; une ceinture garnie de plaques de métal (p.érp-fi)28, placée sous la cuirasse, et, pour soutenir la cuirasse, un autre ceinturon (ace 'r p)" [clxsunuM, p. 1176] ; deux lances ou javelots (Sdeu, ~yXoç, Eyz:.61, aizp.rl, p.Ea(ri) 30 [RASTA], et une épée ( (cpoç, tpâayavov, iiop) 31, avec un fourreau (zou),Edv) sus hommes à pied (irpu).iEç) 34 se tiennent généralement à distance, en faisant pleuvoir sur l'ennemi les flèches, les javelots et les pierres. Mais les chefs, montés sur un char à deux roues [cuRRUS] que traînent deux ou trois chevaux", s'élancent dans l'espace qui sépare les deux armées ". Pendant que leur écuyer (i v(oyoç, OEpzitmv) tient les rênes37, ils menacent l'ennemi, l'injurient, provoquent un héros en combat singulier, se couvrent de leur bouclier, frappent de la lance ou de l'épée33. On le voit, c'est l'enfance de l'art militaire. Malgré toute leur bravoure, les Achéens sont malhabiles à diriger les opérations d'un siège, incapables d'approvisionner leurs troupes. Ils ne songent qu'à piller pour vivre39, à dresser des embuscades, à tenter l'escalade des murs ou à défendre leur camp contre les pierres et les torches ennemies, à pousser un char dans la mêlée, à éviter ou porter les grands coups des combats corps à corps ". II. Époque historique; caractère général des institutions militaires dans les divers pays grecs. Dès le début de l'ère historique, c'est-à-dire dès le vue siècle, on saisit la preuve d'une révolution presque complète dans la façon de comprendre la guerre et l'organisation d'une armée. Sauf à Cyrène et en Chypresauf quelque temps peut-être en Eubéek2 et en Béotieb3, on ne se sert plus de chars". Chez les populations helléniques de l'Asie Mineure, en Thessalie, et bientôt en Béotie et en Eubée, les chars de combat sont remplacés par la cavalerie43; dans tous les autres pays, par les corps d'hoplites ou l'infanterie légère66, Même en beaucoup de régions, partout, si l'on en croit Aristote b7, l'organisation militaire, depuis le vile jusqu'au ve siècle, a servi de base à l'organisation politique. A Magnésie du Méandre, à Colophon et Cymé, à Érétrie et Chalcis, même à Athènes et à Sparte, a existé longtemps une oligarchie des chevaliers (ilt7roïç) b8. Ailleurs, surtout dans les pays doriens, on trouve anciennement une oligarchie des hoplites (blr),(Tat)49. L'organisation militaire des Hellènes est allée se compliquant, s'étendant de plus en plus. Avant le Ive siècle, on ne trouve guère d'armées vraiment complètes, c'està-dire qui disposent de tous les moyens d'action. A cette époque, si nous laissons provisoirement de côté les services auxiliaires, nous trouvons que les éléments essentiels d'une armée en campagne sont : 1° la grosse infan terie des hoplites ; 2° les corps de troupes légères; 3° la cavalerie. Mais il n'en était pas ainsi généralement au vie et au ve siècle. D'assez bonne heure, il est fait mention de troupes de cavalerie en Thessalie, en Béotie, en Phocide et en Locride, en Eubée, en Achaïe, en Élide U0. Mais, dans les autres régions de la Grèce propre, la cavalerie a été longtemps à peu près inconnue, même des peuples qui avaient une classe politique des chevaliers (L7t7tEïç). A Marathon, à Platées, les Hellènes confédérés contre les Perses n'ont point de corps de cavalerie; à peine quelques hommes à cheval pour porter les ordres 51. En Attique, la. cavalerie ne prend quelque importance qu'au milieu du ve siècle62; en Laconie, elle n'apparaît pas avant l'an Plusieurs pays organisèrent assez anciennement quelques corps de troupes légères (c4tao(, yupo '7oç). Mais, sauf en Acarnanie et en Étolie, sauf peut-être aussi en Béotie et en Sicile 5a, ces troupes n'étaient recrutées que parmi les populations tributaires, les métèques ou les esclaves, tout au plus parmi les citoyens pauvres presque privés de tous droits politiques 55. Le plus souvent même, pour ce service, on engageait des mercenaires". Il faut donc voir là une mesure exceptionnelle ; et, jusqu'au ive siècle, ces divers corps de troupes légères n'ont joué qu'un rôle secondaire dans l'organisation militaire des Hellènes 57. A vrai dire, dans la plupart des cités, surtout dans la Grèce propre, l'armée nationale ne comprenait guère que des hoplites. L'invasion et les victoires répétées des Doriens avaient fait abandonner les traditions héroïques. Les différents peuples grecs copièrent à l'envi les institutions militaires des conquérants. Partout l'on prit pour modèle leur grosse infanterie d'hoplites, groupée en phalanges, mais sur une longue ligne très peu épaisse qui permettait à une grande partie des soldats de participer directement à l'action 68. Jusqu'à la guerre du Péloponèse, dans la plupart des régions, les hoplites firent la force presque unique des armées. II fallut la grande lutte entre Athènes et Sparte, puis l'expédition des Dix-Mille, et enfin les innovations d'Iphicrate et d'Épaminondas, pour changer les conditions de la guerre en diminuant l'importance relative des corps d'hoplites, en précisant le rôle de la cavalerie et des troupes légères, même en créant une véritable tactique 69. Voici les principes qui, jusqu'à la fin du ve siècle, dominent et expliquent l'organisation militaire des États grecs : 1° Tout citoyen doit le service personnel sur terre ou sur mer pendant presque toute sa vie, généralement de dix-huit à soixante ans 60. Les dispenses sont très rares, EXE 889 EXE nettement fixées par la loi, et toujours justifiées par l'intérêt de l'État, comme pour les prêtres ou les officiers de finances [DILECTUS]. 2° Chaque citoyen, à sa majorité, est inscrit sur un registre, et pendant deux ans au moins, reçoit une éducation civique et militaire [EPHEBOI]. Dès lors, il appartient à une certaine classe et devra répondre à tout appel. En cas de guerre, un décret du peuple ou du sénat, ou d'un magistrat compétent, ordonne une levée d'hommes et fixe le nombre des contingents appelés. Naturellement, ce sont les dernières classes qu'on enrôle les premières; car elles comprennent les plus jeunes citoyens 6f. 3° Chacun est enrôlé dans tel ou tel corps suivant sa fortune et la classe politique à laquelle il appartient". 4° Tout citoyen doit l'impôt de guerre u, proportionnel à sa fortune [EISPHORA]. 5° Les plus riches, outre le service personnel, sont astreints à certaines charges spéciales, à certaines liturgies, comme l'entretien d'un cheval de guerre 64 [EQUITES]. 6° Les populations tributaires et les étrangers domiciliés dans un pays doivent le service militaire, soit dans l'armée nationale, soit dans des corps spéciaux ou auxiliaires65. 7° Au besoin, l'État enrôle des esclaves ou engage des mercenaires, surtout pour le recrutement des troupes légères66. Mais, en principe, l'armée comprend avant tout des citoyens. Tel est le caractère général des institutions militaires, dans toutes les villes grecques. Mais ce ne sont ]à que les grands traits de l'organisation. Les différents États ne sont arrivés que peu à peu à constituer des armées complètes, telles que nous en trouvons à la fin du v° siècle et surtout au Ive. Partout se trahit le désir d'imiter les deux grands États qui ont joué le rôle prépondérant dans l'histoire de la race : Athènes et Sparte. III. Armée de Sparte. Les Spartiates furent les premiers à constituer un puissant organisme militaire, également propre à la défensive et à l'offensive. Jusqu'à la bataille de Leuctres, ils furent considérés comme les maîtres de toute la Grèce dans l'art de la guerre (TexvlTat comparer Sparte à un camp ; et l'on peut dire que l'armée y était la force vive, presque la raison d'être de l'État 68. Par des considérations militaires s'expliquent certaines dispositions rigoureuses de la constitution lacédémonienne, par exemple ces lois qui, sous peine de mort, défendaient à tout Spartiate en âge de servir, c'està-dire ayant moins de soixante ans, d'aller s'établir à l'étranger, ou même de s'absenter sans l'autorisation des magistrats69. Nulle part l'État n'a plus absorbé l'individu et ne l'a plus complètement sacrifié à la nécessité supérieure de la défense et de la grandeur nationales. La loi privait de tous droits politiques et vouait III. au mépris de tous quiconque n'avait pas reçu 1 éducation militaire, ou n'avait pas régulièrement participé aux repas de corps, ou n'avait pas exactement rempli ses devoirs civiques dans l'armée nationale 70. Pour façonner le futur soldat, l'État intervient dès l'enfance. Les anciens de la tribu examinent le nouveauné : s'ils n'y voient pas la promesse d'un vigoureux hoplite, ils le font jeter aux Apothètes ('A7co0érat), une gorge du Taygète 71. L'enfant qui a été reconnu valide est laissé jusqu'à sept ans entre les mains des femmes. Avec la huitième année commence l'éducation militaire, sous la direction du pédonome (7catSovdii.oç) 72, et plus tard des bidéens ((3(ô6o;, (3duot, taiot) 73. Désormais, et jusqu'à trente ans, le jeune Spartiate fait partie d'un des bataillons ((ioûai) et d'une des compagnies pat) où l'on apprend le métier de soldat 74. Chaque (3oCa, chaque Da, est dirigée par un (3oux.dp, un D,apyoç, choisis parmi les jeunes gens de plus de vingt ans75. Les membres de chaque oûa, suivant l'âge, sont partagés en trois catégories : les 7ca[SEs (de sept à dix-huit ans), les (J.EaatpavEç (de dix-huit à vingt), les ipaveç (de vingt à trente) 76. Les sraëSeç sont occupés en commun à des exercices de toute sorte, destinés surtout à fortifier le corps [EDUCATIO]. L'éducation militaire proprement dite est donnée aux melliranes, aux jeunes gens de dix-huit à vingt ans; elle est complétée par un service de gendarmerie [KRYPTEIA] 77, qu'ils accomplissent dans les campagnes de Laconie sous la surveillance d'un officier spécial (b E7d -cils xpu7cTe(aç zsTx l (.voç) 78. A vingt ans, tout en restant membre de sa [ioûa, on est incorporé dans l'armée active. Parmi les iranes, on distinguait encore deux catégories : les plus jeunes s'appelaient les 7cpmTtpaves ; les plus âgés, les otpacp6is 79. C'est à trente ans seulement que se terminait l'éducation et que l'on pouvait exercer ses droits de citoyen. Dès l'âge de vingt ans, le Spartiate devait se faire admettre dans l'une des associations que l'on désignait rence, la raison d'être de ces associations était de prendre en commun des repas [SYSSITIA] ; en réalité, c'était une institution toute militaire : tous ceux qui faisaient partie du même groupe s'appelaient entre eux compagnons de tente (aSax7lvot) 61, et la surveillance des repas appartenait aux principaux officiers de l'armée, les polémarques 82. Chaque groupe comprenait environ quinze membres et se recrutait lui-même ; pour y être admis, il fallait obtenir l'unanimité des suffrages88. Une fois reçu dans l'association, on ne pouvait se dispenser de prendre part aux repas communs, à moins que l'on n'eût à offrir un sacrifice à ses dieux domestiques ou que l'on ne fût à la chasse 84. Chacun d'ailleurs devait apporter sa quote-part fixée par la loi". Tout Spartiate devait le service militaire et pouvait être enrôlé dans l'armée active depuis vingt ans jusqu'à 112 EXE 890 EXE soixante n. Mais naturellement on ne prenait les classes que dans la mesure des besoins. Tous les hommes du même âge formaient un contingent. Pour chaque campagne, les éphores faisaient publier la liste des contingents appelés, et ils avaient soin de désigner d'abord les plus valides 87. Dès que les circonstances le permettaient, on licenciait une partie des troupes. Par exemple, en 41€1, les Spartiates avaient mobilisé toutes leurs troupes : au cours de la campagne, on renvoya en Laconie les derniers contingents et les premiers, c'està-dire les plus vieux soldats et les plus jeunes, environ la sixième partie de l'armée88. A l'origine, pour les expéditions dangereuses, on choisissait les hommes qui, en cas de mort, laisseraient des fils à la patrie", Au Ive siècle. au contraire, on exemptait du service les citoyens qui avaient trois fils90, C'était là une déviation du système primitif. Tant que se maintint à Sparte l'esprit militaire, tous les hommes de vingt à soixante ans purent être appelés sous les drapeaux et enrôlés dans l'armée active_ Les périèques de Laconie étaient de même astreints au service militaire91, C'est sans doute parmi eux que l'on recrutait surtout les corps auxiliaires et, en cas de besoin, des compagnies de troupes légères. Maïs l'élite ().o' lsç) des périèques étaient équipés etarmés en hoplites". Au temps des guerres Médiques, cette grosse infanterie des périèques formait des corps distincts93. C'est plus tard seulement, vers le milieu du ye siècle, que tous les hoplites, périèques ou spartiates, furent confondus dans les mêmes corps9'9. Les Laconiens de plusieurs districts jouissaient même de certains privilèges : par exemple, -. oa1 réservait au bataillon des Skirites la place d'honneur dans les combats36, et l'on autorisait toujours les Amycléens à revenir chez eux au moment de la fête des 1lyacinthies36.. A mesure que diminua le nombre des Spartiates, on vit augmenter la proportion des périèques qui servaient comme hoplites. A Platées, 5000 Lacaniens combattaient à côté de 5000 Spartiates97. A Leuctres, sur 1000 morts, on compta 600 périèques Sao Les hilotes pouvaient aussi être employés dans l'armée, D'abord chaque hoplite était accompagné d'un hilote qui portait son bouclier et lui servait d'écuyer99. Puis l'on recrutait parmi les hilotes les compagnies du train et les troupes légères10°; à Platées, chaque Spartiate était entouré de sept hilotes armés à la légère (tpoO, et l'armée lacédémonienne comprenait 35000 hilotes outre les Spartiates et les 5000 périèques Sol. Enfin, depuis l'époque de la guerre du Péloponèse, on enrôla souvent des hilotes dans l'infanterie des hoplites; en ce cas, on les affranchissait après la campagne, et ils entraient dans la classe sociale de ces Néodamodes qu'on voit souvent mentionnés à part dans les armées spartiates de la fin du ve siècle et qui, peut-être, y formaient des compagnies distinctes 302. L'organisation de l'armée lacédémonienne a été presque complètement transformée à plusieurs reprises. Il est donc indispensable de distinguer nettement les époques. Pendant longtemps, Sparte n'eut que des corps d'hoplites. Suivant un renseignement assez vague d'Hérodote103, cette grosse infanterie aurait été, à l'origine, divisée en évtiluot(at, en tep;' xéleç et rue ',h,a. On a vaine ment cherché à élucider ce texte16A. On n'a pu en tirer aucune conclusion certaine sur l'organisation primitive de l'armée spartiate. Mieux vaut nous en tenir à l'époque historique; car ici les renseignements se multiplient et se précisent de plus en plus. Au temps des guerres Médiques, l'armée spartiate proprement dite (abstraction faite des bataillons spéciaux de périèques, et des hilotes légèrement armés qui accompagnaient chaque hoplite) paraît s'être composée de cinq ),éyot, dont chacun portait un nom particulier190 Ces corps étaient commandés par des aoyzyo( et des Vers le milieu du ve siècle, l'année de Lacédémone fut presque entièrement réorganisée, sans doute en raison de la diminution du nombre des citoyens. On saisit la preuve de ce changement dés les premières années de la guerre du Péloponèse. L'innovation consista à réunir, dans les mêmes unités militaires, les Spartiates et les périèquesi07. Par une conséquence naturelle, le nombre des divisions fut augmenté. En 418, l'armée lacédémonienne, sans compter le bataillon des Skirites, se composait de sept adizct ; chaque n6yoç, commandé par un )oyayôç, comprenait quatre 'zoo lxse'eéeç; chaque 7rc0TTlxoa'ruç, commandée par un ;teo'n xOVTrlp, comprenait quatre iv(s o7iat, dont chacune était dirigée par un eŸW° to' é.py'ç. Au-dessus des )oyxyo( étaient des officiers généraux, les noaép.ap7ot, qui formaient l'état-major du rai108. L'effectif de chaque Ad/oç variait naturellement selon le nombre des contingents appelés169. Un peu plus tard, dans les dernières années de la guerre du Péloponèse, on voit se compléter l'organisation de l'infanterie spartiate. Désormais, elle se composa de six palpa;, la oépx de deux )dpot, le %a; de quatre nouveauté était cette fois dans la création des six zépat, que commandaient les six 770)sépapyot 116. Au ive siècle, ces polémarques paraissent avoir été assistés de lieutenants, qu'on appelait les compagnons du polémarque palpa, il est impossible de le déterminer exactement, pour la raison bien simple que cet effectif changeait sans cesse selon le nombre et l'importance des contingents enrôlés. C'est ce qui explique les contradictions qu'on observe à ce sujet dans les auteurs anciens'''. Ce qui résulte de tous ces témoignages, c'est que la pdpa, suivant les circonstances, pouvait comprendre depuis 400 jusqu'à 1000 hommes. En tout temps, plusieurs compagnies d'hoplites tenaient garnison dans les villes laconiennesi3, Chacun de ces détachements était commandé par un harmoste (zppoaTnç). Un de ces officiers est mentionné dans une inscription de Cythère, qui remonte à l'année 37016. On comptait en Laconie vingt harmostes 15. A l'époque de l'hégémonie spartiate en Grèce, on donna le même titre aux officiers qui commandaient les garnisons lacédémoniennes dans les divers pays helléniques Ife L'infanterie des hoplites fournissait aussi le corps d'élite des trois cents irnreïç, commandés par trois hippagrètes (i7r77aypiat). Malgré leur titre de chevaliers, ces (7r7reïç servaient à pied i7. Nous savons comment se recrutait ce bataillon privilégié : chaque année, les éphores choisissaient trois hoplites dans la force de l'âge et les nommaient hippagrètes; à leur tour, ces hippagrètes, parmi les citoyens qui avaient environ trente ans, choisissaient chacun cent hommes vigoureux, en alléguant les motifs du choix ou de l'exclusion 18. Les trois cents (7nrEïç ainsi désignés formaient la garde des rois ; en temps de paix, ils étaient souvent employés pour le service de police, et jouissaient dans Sparte d'une considération toute particulière l" Au bout de l'année, les cinq chevaliers les plus âgés prenaient le titre d'âyaOoepyo( et restaient à la disposition des magistrats, qui leur confiaient différentes missions diplomatiques 120. L'équipement et l'armement des hoplites lacédémoniens comprenaient : une casaque rouge (cpocvtx(ç); une cuirasse de cuir (Oo ctç), garnie de plaques métalliques; un casque ovale (7rGoç) ; une lance (li6pu); une épée courte et recourbée, avec un seul tranchant variété de la pâyacpa); un très grand bouclier d'airain (xr)ec uer(ç) qui couvrait le corps tout entier et était marqué d'un lambda de forme archaïque 1s' Outre les hoplites proprement dits et les i727vE1ç, l'infanterie lacédémonienne comprenait encore un corps spécial, le bataillon des Skirites (Ext)ïTat). Il se recrutait exclusivement dans le district de la Skiritide et tenait une place importante dans l'armée spartiate. Pendant les marches, il formait l'avant-garde. Sur les champs de bataille, il occupait le poste d'honneur à l'aile gauche et engageait l'action'22. Il est vraisemblable que les Skirites se distinguaient des hoplites par quelques détails de l'équipement. A en juger par le rôle qu'on leur assignait dans les marches et les combats, ils devaient être moins pesamment armés. Leur bataillon devait avoir plus de mobilité que les lourdes phalanges. C'est pour cette raison sans doute qu'il était si apprécié et si honoré des Spartiates. Il est à remarquer, en effet, que dans l'armée lacédémonienne on ne trouve pas, à proprement parler, de troupes légères. Celles que mentionnent les historiens, dans leurs descriptions des armées de Sparte, étaient composées soit de périèques et d'hi lotes armés à la hâte et pour une circonstance particulière, encadrés dans les corps d'hoplites, comme pour les guerres de Messénie et à Platées 123, ou groupés en compagnies spéciales, comme le corps d'archers organisé en 424 f26, soit de mercenaires, archers crétois 12s cavaliersl0s ou peltastes 127, soit de contingents alliés, commandés par des officiers spartiates (evxyo()12e. Mais, en temps ordinaire, l'armée régulière de Sparte ne comprenait pas de troupes légères constituées d'une façon durable en corps indépendants. On peut dire que, dans une certaine mesure, les Skirites en tenaient lieu. De plus, toute armée spartiate, qui entrait en campagne, emmenait avec elle une compagnie d'ouvriers du génie (XEIpOTcyvat), recrutée parmi les périèques, et une compagnie du train (axcuo(pdpot), composée d'hilotes. Le chef de ce service portait le titre d'àpxwv Tcûv axEUOcp6pcov'23. Enfin, il faut mentionner encore divers fonctionnaires qui suivaient l'armée : des trésoriers (' m.p.(at), des laphyropoles (),amupoitwaac) chargés de la vente du butin, des juges militaires (Ëaaavoô(xat); des devins, des médecins, des joueurs de flûte, et trois commissaires des Jusqu'à la guerre du Péloponèse, Sparte ne parait pas avoir eu de cavalerie. En 424, nous savons qu'elle disposait d'un corps de 400 cavaliers; elle en eut 600 depuis l'année 39413'. D'ailleurs cette cavalerie spartiate passa toujours pour médiocre. On n'en sera pas surpris, si l'on songe à la façon dont elle se recrutait : les citoyens riches devaient fournir un cheval en cas d'appel, et ce cheval était monté par un soldat que désignaient les chefs et qu'ils avaient toujours soin de choisir parmi les hommes les moins propres au service des hoplites132 La cavalerie formait six p.6pat, dont chacune était adjointe à une palpa d'infanterie. La µripa de cavaliers comprenait deux oôaap.o(; elle était commandée par un hipparmoste ((7r7rapp.oaTiiç), qui était placé lui-même sous les ordres du polémarque133 Les rois étaient les chefs suprêmes de l'armée. Aristote définit la royauté spartiate « une stratégie héréditaire et perpétuelle 136 n. Les rois exercèrent en commun cette autorité jusqu'à l'année 510 avant notre ère : à ce moment, une loi décida que, désormais, un des rois seulement pourrait entrer en campagneY35. En principe, ils conservèrent toujours le droit de déclarer la guerre à qui ils l'entendaient et de conduire l'armée où ils voulaientt36. Pourtant, dans la pratique, on apporta peu à peu bien des restrictions à l'exercice de ce droit. D'abord, on nous dit expressément que le roi, en fait, était seulement chargé de commander l'armée et de la mener « partout où l'envoyait l'Étati3R n : l'État, c'est-à-dire les éphores [EPeoRol]. Puis le roi devait rendre compte de EXE 892 EXE ses actes et de ses opérations militaires; en cas d'insuccès, on lui faisait son procès, et il pouvait même être condamné à mortf38. Peu à peu l'on prit l'habitude de lui adjoindre deux éphores, qui n'avaient point d'ordres à donner, mais qui étaient là pour tout voir de leurs yeux139; même, en certaines occasions, on lui imposait un conseil de guerre composé de dix ou trente membres (aduôouaot) 110. Par la création de la navarchie, on enleva aux rois la direction des flottesf6'. Agésilas est peut-être le seul qui ait commandé à la fois les troupes de terre et de mer 1". Enfin le roi avait un véritable état-major, composé des polémarques, des trois citoyens de la classe des "Oµotot chargés du service des vivres, des devins, des médecins et des joueurs de flûte: c'étaient les compagnons de la table royale (of 7cepi Sty.oat«v)143, auxquels se joignaient pour les conseils de guerre la plupart des officiers supérieurs1r6. Malgré toutes ces restrictions apportées à leur autorité primitive, les rois de Sparte n'en restèrent pas moins jusqu'au bout les chefs souverains de l'armée spartiate. Une fois en campagne, ils avaient sur tous leurs hommes droit de vie et de mort; et, s'il était prudent pour eux de prendre l'avis de leur conseil, ils n'en étaient pas moins maîtres de diriger à leur gré les opérations et d'engager la bataille fa5. Au moment d'entrer en campagne, le roi offrait dans sa maison un sacrifice à Zeus Agêtor. Si les présages étaient favorables, l'armée se mettait en marche, précédée par le 7cuptpd(Doç qui portait une torche allumée au foyer royal. Quand on arrivait à la frontière de Laconie, on procédait à un nouveau sacrifice (87cspaTs pta) en l'honneur de Zeus et d'Athéna. De cet autel le7tupyteo; emportait le feu qui devait servir pendant toute la campagne aux cérémonies religieuses'". Après cette pieuse halte, on franchissait la frontière. Le code militaire réglait en détail l'ordre de marche, l'emploi de la journée, les heures des repas et des exercices, et la disposition du camp, ordinairement circulaire et toujours protégé par des palissades 147. Quand l'ennemi était en vue, le roi immolait une chèvre à Artémis Agrotéra, les soldats se couronnaient de fleurs et exécutaient les manoeuvres au son de la flûte i68. Il était inutile d'exhorter les hommes: car tous étaient braves, tous au moins connaissaient la loi qui ordonnait de vaincre ou de mourir, qui vouait les lâches (Tpéaa0't1) au mépris public, les prit vait de leurs droits politiques, et même leur enlevait la libre disposition de leur fortune149. Si l'on avait battu l'ennemi, le roi arrêtait vite la poursuite pour offrir à Arès un grand sacrifice en actions de grâces'50 IV. Armée d'Athènes. L'exemple de Sparte entraîna les autres États à constituer régulièrement leurs forces militaires. Pour cela, ils ne crurent pas nécessaire, comme Sparte, de tout subordonner aux besoins de la défense nationale et de faire de la cité un camp. Après deux ans de service, l'éducation militaire une fois terminée, les citoyens rentraient franchement dans la vie civile, mais restaient presque toute leur vie à la disposition de l'État. Tel fut le système athénien. A l'origine, le chef de l'administration militaire était le polémarque (7toaéo.apyoç11" Plus tard, il conserva seulement des attributions religieuses, judiciaires ou honorifiques16' : il organisait la fête des EP3TAPIIIA en l'honneur des citoyens morts pour la patrie, il présidait aux cérémonies destinées à garder le souvenir d'Harmodios et d'Aristogiton, mais il n'intervenait plus dans les choses de l'armée, sauf peut-être en ce qui concernait les étrangers [POLEMARCHOS]. Depuis les guerres Médiques, les chefs de l'armée furent les dix stratèges (aTpaT-gyot). Institués sans doute par Clisthène, ils formèrent d'abord le conseil de guerre du polémarque. Peu à peu ils héritèrent de son autorité et finirent par devenir, au Ive siècle, les magistrats les plus importants d'Athènes [STI;ATECOS]. Ils étaient élus à main levée par l'assemblée du peuple, pour un an, mais indéfiniment rééligibles 163. Anciennement on en prenait un de chaque tribu; mais au Iv° siècle ils étaient choisis indistinctement sur l'ensemble des citoyensf5b. A chaque prytanie, le peuple procédait à un vote de confiance ou de méfiance sur leur gestion (É7ctyetpOTOV(x) ; s'ils étaient mis en minorité, ils étaient traduits devant un tribunal qui instruisait leur procès 155. Les stratèges avaient la garde des fortifications, de la marine, du matériel de guerre 106 Ils levaient les taxes militaires, enrôlaient les soldats et les marins, présidaient les tribunaux pour les actions relatives aux choses militaires 157. Ils négociaient et signaient les traités 168. Ilspouvaient requérir les prytanes de convoquer l'assemblée159. Primitivement ils commandaient à tour de rôle pendant un jour 100. Plus tard l'usage s'introduisit de n'envoyer à l'armée que deux ou trois stratèges, et souvent le peuple désignait parmi eux un généralissime (akoxpâTnlp). Nous savons d'ailleurs qu'au Ive siècle le vote de l'assemblée assignait ordinairement à chaque stratège des attributions spécialeslol. L'un devait commander les hoplites (b éhci Toû; b7t)ALTaç). Un autre était chargé de la garde de l'Attique et devait repousser les invasions ennemies (b iil TTv ydpIV). Deux portaient le titre de stratèges du Pirée ; ils surveillaient la côte et les arsenaux, l'un à Munychie, l'autre à l'Actê. Un cinquième, le stratège des symmories, dirigeait le service de la triérarchie et de l'antidosis1fi2. Les cinq derniers stratèges, du moins au temps d'Aristote 163 n'avaient point de titres particuliers, et on les employait suivant les exigences du moment : c'est seulement depuis la fin du Ive siècle que l'on détermina d'avance leurs fonctionsf64. Malgré l'importance de leur rôle politique, les stratèges n'en étaient pas moins, avant tout, les chefs de l'armée : aidés par les dix taxiarques 10-11 ; Corp. insu. att. II, 334. 157 Demosth. XXXV, 48 et 72; XXXIX, 8; LII, 51, 61 a; 71; Il, 55, 64, 90, 109, 112, 115; Mitth. des deutsch. Inst. in Athen, II, p. 139-144, 201, 211-212. 159 Thuc. 1V, 118; Corp. inscr. an. 1, 40. 160 Hero 1. IV, 109-110 ; Diod. X[II, 97, 106. 161 Dinarch. Philocl. 1 ; Arist. Athen. polit. 60; Instit. in Athen, IV, 79 sqq.; 'E83pr.p\ç ap2aioao;uh, 1890, p. 69 sqq., p. 112. pour l'infanterie, par les deux hipparques et les dix phylarques pour la cavalerie, ils enrôlaient et conduisaient les contingents, décidaient toutes les questions d'organisation, d'approvisionnements, de justice militaire 166. Les Athéniens devaient le service de dix-huit à soixante ans, depuis leur inscription sur le registre du dème (À-gtxpxtx'ov ypxµµxTEfov), qui leur avait conféré les droits civiques 166. Avant tout, ils prêtaient serment de fidélité et de dévouement à l'Étatf67. Puis, de dix-huit à vingt ans, ils étaient soumis à une éducation militaire, que surveillaient les stratèges, et que dirigeaient spécialement dix sophronistes (awtppovu-r ((, deux pédotribes (7cxtôoTp(6xt) et divers maîtres d'armes tous désignés par le peuple 168 A. la fin de la première année d'éphébie, ils étaient solennellement passés en revue au Théâtre, et recevaient le bouclier et la lance ; pendant la seconde année, ils faisaient fréquemment des marches à l'intérieur de l'Attique, apprenaient le service en campagne, au besoin maintenaient le bon ordre, ou tenaient garnison dans les places fortes169 [EPREBOI]. Les jeunes gens de moins de vingt ans, comme les citoyens de plus de cinquante ans, ne servaient point ordinairement au dehors de l'Attique : ils formaient une sorte d'armée territoriale (di TE 7rpE60ÛTxTOt xxi Oi vE0éTx'0t)f70. Au-dessus de soixante ans, l'on était exempté de tout service (oi 1'27[Ep Ttv xaTâaoyov)171. L'armée active proprement dite comprenait donc les hommes de vingt à cinquante anse Les métèques devaient également le service militaire, mais, en général, on ne les employait pas hors de l'Attique 172. On n'enrôlait d'ailleurs les contingents qu'en raison des besoins de l'État [DILECTUS]. L'organisation militaire avait pour base l'organisation politique de Solon et de Clisthène. Les soldats d'une même tribu étaient incorporés dans les mêmes compagnies 173. Suivant sa fortune, on appartenait à telle ou telle arme. Les plus riches servaient dans la cavalerie ; les autres citoyens des trois premières classes censitaires, dans l'infanterie des hoplites ; les pauvres gens de la quatrième classe, les thètes, dans les troupes légères ou la marine 174. Dans chaque tribu, le taxiarque tenait registre des citoyens qui pouvaient être appelés comme hoplites; le phylarque tenait un registre semblable pour les cavaliers ; sans doute, d'autres officiers pour les thètes, et le polémarque pour les étrangers175. Sur chacun de ces catalogues (xxTxaoyoç), qu'on transcrivait sur des planches blanchies à la craie (ÀE),EUxwp.€va p. 198, 12. 17e Thuc. Il, 31; IV, 90 et 94. 180 Thuc. VI, 31 et 43; VIII, 24; ypxµ4.xTEfx) f76, les citoyens étaient divisés en quarante-huit contingents; chaque contingent comprenait les hommes de la tribu inscrits la même année à l'état civil des dèmes, et pour cette raison était désigné par le nom de l'archonte sous qui s'était faite l'inscription177. L'ensemble des listes de recrutement formait le catalogue militaire (b xxTéÀoyoç) 170. En cas de besoin, un décret de l'assemblée du peuple ordonnait la levée en masse (rmva•TOxTtx, 7cxvôriu.EO179, ou simplement l'appel de quelques contingents (ix xx' x),dyou) 1°o Ces levées partielles se faisaient de deux façons : on y comprenait soit des contingents complets (trrpxTEfxt iv Toi; i Cuvé o;ç)1"1, soit des portions de contingents (srpxTEfxt iv Tofç pipeet) 1°20 Les stratèges, assistés des taxiarques pour l'infanterie, des phylarques pour la cavalerie, du polémarque pour les étrangers, procédaient, suivant le cas, à l'enrôlement des classes désignées 183, ou au choix des hommes dans chacune des classes1B'. Lors des levées partielles, les listes de convocation étaient affichées par le soin des éponymes correspondantsf80, Quiconque se considérait comme indûment appelé pouvait adresser une réclamation aux stratèges, qui examinaient la question et au besoin la faisaient trancher par un tribunal 186. Étaient exempts, de droit : les sénateurs de l'année f 87, les fermiers de l'impôt 188, les choreutes des Dionysiaques 189, les triérarques i9o, et souvent les marchands de blé 191. On dressait avec soin la liste des hommes enrôlés pour la campagne i92. Avant le départ, on faisait l'appel, et l'on passait une revue au Lykeion ou sur quelque place publique 193. La plus grande partie des citoyens des trois premières classes censitaires et les plus riches métèques 194, c'està-dire la portion la plus influente de la population, servaient dans la grosse infanterie des hoplites (b7c),OTx;(, organisée sur le modèle de Sparte. Chaque hoplite devait s'équiper lui-même. Son armure complète (rxvo7c) 1x)195 comprenait : un casque (xuvir), x0voç)196 [GALBA] ; par-dessus la tunique rouge (xtTdiv potv(xtoç) 101, une cuirasse (6oopx)198 [LORICA], ou bien une casaque de cuir (67co),âç), munie de feuilles métalliques (7cTÉpuyEç), et un ceinturon ou quelquefois une sorte de tablier gwdir-i,p, [OCREAE] ;. un bouclier (â.67t(ç, 61ÙOv) 200 [cLIPEus] ; une lance (ôdpu) 201 longue d'environ deux mètres et pointue aux deux extrémités (xixp.'i) [HASTA] ; une épée droite ((po;) 202, à deux tranchants (â.uprixeç), suspendue au côté gauche à l'aide d'un baudrier [GLADIUS] 283. Cette armure complète pesait environ trente-cinq itilogrammes. Aussi 1 hoplite devait-il entretenir no valet (bnatrzsta-dn;, £uea), qui pendant la marche portait ses armes et des vivres pour trois jours264. Nous savons que les éphèbes avaient un uniforme particulier, composé surtout de a chlamyde (»ilg,Lç) et d'une coiffure légère (-ntTliac;) ; leur armure parait n'avoir compris que le bouclier et la lance 266. Les hoplites constituaient la principale force de l'armée athénienne, comme de toutes les armées natienaïes des cités grecques. Athènes, au commencement de la guerre du Péloponèse, put mettre en ligne `9000 hoplites; à ce moment, la première ?portion des contingents de grosse infanterie comprenait 13000 citoyens; la seconde portion, formant réserve, se composait de 10000 citoyens au-dessous de vingt ans ou au-dessus de cinquante, et de 6000 métèques206. Tous les hoplites d'une m:ème tribu étaient réunis en une -cj:l; ou uul'r, que commandait le taxiarque de la tribu (tiatiŒfyoç) élu par le peuple : il y avait donc dix'crlEetç et dix taxiarques 201. Lataxis se divisait en compagnies (Xi'zo d'un nombre variable, dirigées par des Iochages ('Aoyagoi) que nommaient les taxiarques 2°3. Les Iochages, à leur tour, avaient probablement sous leurs ordres des sousofficiers, qu'on appelait les décadarques (lr céixpxot) et les pempadarques (7C6(d.77,'lapyot), et qui commandaient à des pelotons de dix et cinq hommes 009. Naturellement, le nombre des 3,o, ot et l'effectif des Ti-1 riç variaient à chaque campagne suivant le nombre et l'importance des contingents dont l'assemblée du peuple avait ordonné la levée 213 hu ydide nous ail que de son temps Athènes ri avait pas d'infanterie légère (4)oO régulièrement organisée 2i1 Cependant, dès le ye siècle, il était bien rare qu'une armée en campagne ne comprît pas quelques-uns de ces corps spéciaux. D'abord nous savons qu'Athènes entretint de bonne heure une troupe de 1000 archers (rviérxx), qui étaient chargés de maintenir le bon ordre dans la ville ; on les appelait les Scythes (ex Exilait:), parce glue c'étaient des esclaves publics (DEMosior] généralement originaires des régions barbares du Nord 212. Puis, des compagnies spéciales de mercenaires, les tepi o7,ot, 1ue commandaient Un. oit plusieurs cpsa rio rot; e€aient t'h argees du service de gendarmerie dans l'intérieur de .'Attique 213, De plus, on joignait presque toujours aux bataillons d'hopli.t,es divers corps de troupes légères 214 Des archers figuraient déjà dans les rangs des Athéniens à Salamine 2i6~et à Platées 246. Au début de la guerre du Péloponèse, Pt riclès, énumérant les forces militaires d'Athènes, comptait une troupe de 1600 archers 21r Dans les différentes campagnes que racoid,e Thucydide, on voit paraltrt des détachements de 300, de 400, de 600 archers 218, On ne peut dire exactement comment se recrutait cette troupe. Nous savons qu'on y enrôlait Ides mercenaires(µtaotocidpot) 219 ; peut-être faut-il yjoindre les métèques pauvres, ceux qui ne pouvaient s'équiper en hoplites. Il est certain d'ailleurs que des Athéniens ont été souvent incorporés dans ces compagnies d'archers. Les citoyens de la quatrième classe, les thètes, étaient dispensés, en principe, du service militaire227. Il est vrai qu'en cas de besoin, on ne les enrôlait pas moins dans les hoplites221 ; mais c'était là une mesure tout à fait exceptionnelle, et généralement les thètes ne servaient que dans la marine ou les troupes légères. En tout cas, plusieurs inscriptions du va siècle attestent la présence de citoyens dans les compagnies d'archers ; ils y sont même désignés par le nom caractéristique de-coarat 0% hottxoi, et il est fait mention des tribus auxquelles ils appartenaient'''. Les officiers qui commandaient les corps d'archers, portaient le nom de toxarques (oi eo apyot) 223. De plus, à l'époque de la Confédération athénienne, des contingents alliés venaient souvent s'ajouter à l'infanterie légère des Athéniens : tels étaient, par exemple, les peltastes d'Aenos 224, Les mercenaires qu'Athènes enrôla pendant la guerre du Péloponèse étaient en général armés à la légère : tels sont les peltastes de Thrace", les archers crétois 226, les frondeurs rhodiens 227, les mercenaires étoliens, acarnaniens et iapygiens 228. Enfin l'on sait qu'Athènes, au commencement du ut siècle, eut à son service des corps réguliers de peltastes239. Dès lors ses armées furent, entièrement ou en grande partie, composées de mercenaires presque toujours équipés à la légère 230. Au temps de la guerre du Péloponèse, la cavalerie tenait mie place importante dans les armées d'Athènes. On sait qu'il n'en fut pas toujours ainsi. Pour l'histoire des origines de la cavalerie athénienne, pour son organisation, son armement et son rôle nous renvoyons à l'article EQUITES. En temps de paix, la plus grande partie des t7e'nr,; résidaient naturellement à Athènes. Nous savons pourtant qu'il y avait à Lemnos un détachement de cavalerie athénienne, sans doute recruté surtout parmi les clerouques de l'île, et commandé par un troisième hipparque, l'hipparque pour Lemnos 231. A la cavalerie civique s'ajoutaient aussi diverses troupes auxiliaires : d'abord, les 200 archers à cheval (ï7tnoro oTett), Scythes pour la plupart, qu'on employait principalement comme tirailleurs 232, puis, un corps d'éclaireurs (7cpoôpotxot)233 enfin, les cavaliers thessaliens, qui sont souvent mentionnés dans les armées d'Athènes au ve siècle, et qui y apparaissent dès la fin du vie siècle à la suite du traité d'alliance conclu par les Pisistratides avec la Thessalie 23'. De tout cela se formait une puissance militaire considérable pour l'époque, étant donné surtout le petit nombre des Hellènes. Au début de la guerre du Péloponèse, Athènes met en ligne, sans compter tous les contingents alliés, une armée active de 13000 hoplites, 1600 archers à pied, 1000 cavaliers citoyens, 200 archers à cheval ; et une armée territoriale de 16 000 hommes pour le service des places fortes 235. C'est sans doute Périclès qui fit établir pour l'armée une solde régulière ((t.tollôç) 236 payable jusqu'au jour de la cessation du service effectif. Cette solde était généralement de deux oboles pour un fantassin, de six pour un cavalier. Chaque soldat recevait, en outre, des frais de subsistance (rriv4wéeriov, eïzoç) ; et, de plus, l'hoplite avait droit à une indemnité pour son valet, le cavalier pour son cheval. Au total, l'hoplite recevait, par jour, de quatre oboles à une drachme ; le cavalier touchait au moins lé double de l'hoplite, souvent le triple, mémo le quadruple 237 [sTIPENDIUM]. En effet, la solde variait suivant les circonstances. Vers le commencement de la guerre du Péloponèse, on éleva la solde des citoyens envoyés en expédition lointaine : on donna jusqu'à deux drachmes par jour à l'hoplite, pour lui et son valet'''. Ce salaire était considérable, surtout si l'on tient compte de la valeur de l'argent à cette époque et du bon marché des choses nécessaires à la vie. Aussi l'on dut bientôt réduire cette solde, Mais les dépenses étaient toujours très lourdes239. Aussitôt une guerre commencée, il fallait prélever l'impôt sur le revenu [EISPnOHA] ; dans la troisième année de la guerre du Péloponèse, on imposa de 200 talents les citoyens des trois premières classes 215 Au ve siècle, c'étaient les hellénotames qui administraient les fonds de guerre 2'°'. Plus tard, on créa une caisse militaire, que gérait un magistrat appelé t RalAiuç v v atpaTt et c vv 10 1, Démosthène fit décider qu'on y verserait en temps de paix tous les excédents de recettes243 Nous connaissons assez bien le caractère de la discipline dans l'armée athénienne. Aux soldats qui avaient accompli une action d'éclat, on accordait quelque récompense militaire, par exemple une couronne 244 ou une armure 245. Les fautes légères étaient punies par les officiers [POENAE MILITAHF:5]. Les stratèges avaient le droit de mettre aux fers tout soldat insubordonné, de le chasser de l'armée (ixxr(pû at), ou de lui infliger une amende 2°G. Mais il n'était pas toujours facile de conduire ces citoyens habitués à diriger l'État dans les assemblées populaires, à élire tous les magistrats, même leurs officiers supérieurs. Les manquements graves à la discipline étaient punis après la campagne. On intentait au délinquant une action criminelle, soit pour n'avoir pas répondu à l'appel [ASTRATEIAS GRAPHE], soit pour désertion («elpill aetaoraiou), soit pour lâcheté [DEILIAS GRAPHE] 247, Le stratège instruisait l'affaire et en saisissait l'assemblée; qui renvoyait le prévenu decaot un composé de ses compagnons d'armes, et présidé, suivant les cas, par un officier d'infanterie ou de eavtillerie, ou par le stratège lui-mémo. La condamnation entraînait une amende etlaperte d'une partie des droits eiviques00G, Athènes rendait de grands honneurs à ceux de ses citoyens qui avaient succombé pour la patrie, A Marathon et à Platées, on enterra les morts sur le champ de bataille, et, pendant des siècles, on offrit régulièrement des sacrifices sur leurs tolnieau.02A9; ruais e était là une mesure exceptionnelle. Généralement, après chaque campagne, on ramenait les corps â Athènes, et on leur faisait des funérailles oflicielles20e. Trois jours avant la cérémonie, les ossements sacrés étaient ex14 sous une tente, où les parents apportaient les fu nèbres fit étetrir). Le jour des funérailles, on .lier rait. les restes dans dix cercueils de es ail par tribu, qu'on plaçait sur des chars; on y joignait un lit vide pour les soldats dont on n'avait pas retrouvé les corps, Le cortège était conduit par le poïérnarque, suivi des magistrats, des officiers, des femmes qui avaient perd;: un parent, puis de la foule des citoyens et des étrangers (ixc?op). On se dirigeait vers le Céramique extérieur, le long de la voie des Tombeaux. Un orateur désigné ;par l'État montait sur une estrade et prononçait l'oraison funèbre (Xoyia é76a y7toç). La cérémonie se terminait pal' un banquet national, payé par l'État, organisé par les pères et les frères des morts. La cité prenait à sa charge L'éducation des orphelins'. On inscrivait sur des stèles spéciales les noms des citoyens qui cette annéeià avaient péri puer la patrie, . telles sont les stèles des soldats d'Athènes morts à Potidée, ou de ceux qui succombèrent en divers pays dans l'année 458812. Nous savons qu'il existait au Céramique une sépulture commune des Athéniens morts avant les guerres Médiques dans une campagne contre les Égine tes85. Vers le temps de Cimon, on réunit dans une enceinte particulière du Céramique les divers tombeaux publics ci 7 dr:ov silf.aj254. Le du mois de pyanepsion, on célébrait à Athènes la tâte funèbre des Epitaphia en l'honneur des héros de l'année et de leurs aînés. Cette fête était fort au.iemie;; elle fut sans doute organisée ou réorganisée par une Ici de Solon 205. A partir du milieu du ve ècle, on lui demie u52 éclat extraordinaire 208 ; oii rattacha les 9'pi(aphi ,.,a série des tètes où l'on honorait le souvenir de Thésée :.07, on développa l'c éirv i'ci'.zcotoç, et l'on institua régulièrement l'oraison funèbre [EPITLPHIA]. militaires de Sparte et d'Athènes, diversement imitées ou combinées, ont servi de modèles àttous les États grecs. EXE 895 . EXE Partout l'armée était organisée d'après les mêmes principes. Vers l'âge de dix-huit ans commençait l'éducation militaire 268 [EPIIEBOl]. Depuis vingt ans et jusqu'à soixante, on faisait partie de l'armée259. Les citoyens en âge de porter les armes étaient divisés en un certain nombre de contingents, et inscrits sur des catalogues de recrutement qui avaient pour base les registres d'état civil"» Les classes étaient enrôlées dans la mesure des besoins, en vertu d'un décret de l'assemblée ou de l'autorité compétente 2". D'une façon générale, les éléments de l'armée étaient les mêmes qu'à Athènes ou à Sparte : dans la plupart des pays l'on avait été amené à créer une grosse infanterie des hoplites, des corps de troupes légères, et une cavalerie" Seulement ces divers éléments n'avaient pas toujours la même importance relative. Il est des contrées où la cavalerie était particulièrement nombreuse et forte : c'est le cas de la Thessalie 2", de la Béotie 264, de l'Élide 265, de l'Achaïe 262 de la Phocide et de la Locride 267, de la Sicile 228, de l'Eubée et de quelques cités d'Asie 269. Ailleurs, au contraire, l'armée comprenait surtout de l'infanterie légère. C'est ce qu'on observe en Acarnanie 270, en Étolie "1, en Locride '12. Même la Béotie avait de nombreux contingents de tliiao(273, des corps réguliers de frondeurs (oepcvlsvTat) 274, d'archers (tpapéTptat) 275 et de peltastes (rts),TOtpdpcu)'16. Mais pour la majorité des cités grecques, au moins jusqu'au Ive siècle, la force principale de l'armée, comme à Athènes et à Sparte, était dans les bataillons d'hoplites. Sauf dans quelques pays de la Grèce centrale 2, l'infanterie légère ne se composait guère que de périèques, parfois de citoyens pauvres, le plus souvent d'anciens esclaves ou de mercenaires ". Mais la grosse infanterie et la cavalerie se recrutaient dans les premières classes de citoyens et parmi les riches étrangers domiciliés 279. Le service dans la cavalerie était partout une liturgie 285 à Corinthe, les veuves et les orphelins fournissaient de l'argent pour l'achat et l'entretien des chevaux'a1 L'équipement et l'armement des différents corps comprenaient à peu près les mêmes pièces qu'à Sparte ou Athènes. Mais, dans la forme de ces pièces, on observe quelques variations. Pour ces différences de détail on peut consulter les articles spéciaux relatifs à chaque arme. Dans l'infanterie et dans la cavalerie de toutes les cités grecques, les unités de combat et les cadres ruapellent ce que nous avons déjà trouvé en Laconie ou en Attique; le plus souvent même les noms sont identiques. Les corps d'hoplites se divisaient en cpuaat (Syracuse 28', Messana 283), ou en T«yp.vTa (Thespies 284, Chéronée 200) et Ils étaient commandés par des ' cc (apxoc (dans la plupart des pays289) ou des 7ciapxoc (Thessalie "», et des d'armées avaient, de plus, des corps d'élite, analogues à la garde royale de Sparte et à ce bataillon athénien des Trois-Cents, qu'Ilérodote mentionne dans sadescription de la bataille de Platées 295, mais qui ne paltaît plus dans l'organisation ultérieure de l'armée athénienne : tels étaient les Trois-Cents d'Élis (of Tptaxôotot ),oyâôEç 'c 'i 'HI),E(nv 296), les Trois-Cents de l'armée béotienne yE(tov 299), les Éparites (ai'E7cpoTo; 300) de la ligue arcadienne. La cavalerie comprenait des divisions (cpu),vL) et des escadrons (Dac). Elle était commandée par des i7cocapxoc 30f (Thèbes 302, Lébadée 303, Chéronée 304, Thespies 305, Elis 3vs Tégée 307, Syracuse 308 Cyzique 309, Thessalie 3f9, Épire 31), qui avaient sous leurs ordres des ?5aapxot 3f2 (Cyzique 313) ou des ia«pxot (Thèbes 314, Orchomène 395, Lébadée 312 Chéronée 317). Nous connaissons mal les cadres de l'infanterie légère : mais il est certain pourtant que les corps d'archers, de frondeurs, d'acontistes et de peltastes avaient des officiers spéciaux 318. Il faut encore mentionner, dans l'Afrique grecque, un curieux legs des temps héroïques. Au ive siècle, Cyrène employait encore des chars de guerre Max-il I'.ppEia) à un ou quatre chevaux ((F.ov(7t ooo , TEep(7nm v), qui formaient des compagnies distinctes sous la direction de Xoxayo( 389 Le commandement en chef de l'armée était confié à des orTpvTryo( (dans la plupart des cités grecques 325) ou à tinée 325, Phigalie 326, Andania 327, Thuria de Messénie 328 Ambracie 329, Kynaitha 335, lasos 331, Thessalie332). Comme les stratèges et les polémarques remplissaient à peu près les mêmes fonctions, il est rare que les deux titres se rencontrent dans la même cité. Le cas se présente pour EXE 897 EXE tant, non seulement à Athènes, mais encore à Érétrie 333 et à Paros''' Partout les polémarques et les stratèges, en dehors de leur rôle militaire, avaient d'importantes attributions politiques 335. Outre les armées particulières des différentes cités, les écrivains et les documents épigraphiques mentionnent souvent des armées fédérales. Ces armées fédérales se classent d'elles-mêmes en deux catégories très distinctes. Tantôt il s'agit simplement de contingents alliés qui viennent s'ajouter aux troupes d'un État plus puissant, tout en gardant leur organisation propre et leurs cadres. C'est ainsi qu'aux temps de l'hégémonie lacédémonienne les contingents de la plupart des cités du Péloponèse étaient placés sous le commandement des rois de Sparte". C'est ainsi encore qu'au v° et au Ive siècle les armées d'Athènes comprenaient le plus souvent un assez grand nombre de troupes auxiliaires 337. Mais c'est là, malgré tout, un fait accidentel, qui s'explique par l'hégémonie passagère des deux cités et qui ne modifie guère la physionomie de leurs armées. Sauf pour ce qui concernait la haute direction des opérations militaires, c'était une simple juxtaposition d'éléments dissemblables. Tantôt, au contraire, il s'agit de véritables armées fédérales, aux cadres fixes et uniformes, recrutées régulièrement sur tout le territoire d'une confédération permanente. Une organisation de ce genre a existé en Thessalie 338, en Épire 339, en Béotie 340, en Étolie 341, en Acarnanie 342, en Phocide 343 en Arcadie 344, en Achaïe 345. Dans chacun de ces pays, l'armée fédérale se composait des contingents fournis, d'après la même loi de recrutement, par toutes Ies villes de l'alliance. L'organisation militaire était d'ailleurs à peu près la même que dans les cités indépendantes. La seule différence essentielle était qu'ici l'État avait une base plus large. Chaque ville nommait les officiers de ses contingents particuliers; mais l'ensemble des troupes était commandé par le premier magistrat de la ligue, ordinairement un rrpx'r7fyds 346. Quelques-unes de ces armées fédérales méritent une attention particulière : d'abord, à cause de leur importance numérique et du rôle qu'à un moment donné elles ont joué dans l'histoire hellénique; ensuite, à cause de l'époque où elles se sont complètement organisées ou réorganisées. En effet, elles ne se sont développées qu'après le temps de l'hégémonie d'Athènes et de Sparte. III. Elles ont profité des exemples donnés par ces deux grandes cités ; elles ont profité aussi des progrès réalisés dans l'art de la guerre, et marquent un pas en avant dans l'histoire militaire de l'antiquité. Telles sont surtout les armées fédérales de l'Étolie, de l'Achaïe, de la Thessalie et de la Béotie. Les Étoliens, qui ont pendant assez longtemps dominé toute la Grèce centrale 347, ont eu certainement une forte organisation militaire. Mais nous la connaissons mal. Jusqu'au Ive siècle, l'armée étolienne paraît n'avoir compris que des corps de troupes légères, surtout des lanceurs de javelots (âxov-tcrTi34s). Beaucoup de gens du pays allaient même servir à l'étranger, comme mercenaires 349. Plus tard, quand les Étoliens se montrèrent en conquérants hors de leur territoire, ils avaient, de plus, comme tous les États grecs, une grosse infanterie, et même une excellente cavalerie 356. Aux contingents de l'Étolie proprement dite s'ajoutèrent ceux d'une foule de cités grecques incorporées dans la ligue 351 Les corps de cavaliers étaient placés sous la direction générale d'un hipparque ('i caaprs 35'). Le commandant en chef de l'armée était le stratège (arpz-rlyds) de la Confédération''3, qui, par un édit, ordonnait les levées d'hommes 354 Nous sommes mieux renseignés sur la composition de l'armée achéenne. Elle comprenait à la fois des mercenaires et des milices nationales 365. Dans toutes les villes qui faisaient partie de la Confédération, c'est-à-dire, à certaines époques, dans presque tout le Péloponèse 35s les citoyens étaient astreints au service personnel d'après les mêmes lois de recrutement 357; les hommes de plus de trente ans formaient une sorte de réserve pour ta défense du territoire 303. Un décret de l'assemblée fédérale ordonnait l'appel des classes 369. Sans compter les mercenaires, les Achéens pouvaient mettre sur pied jusqu'à 30000 ou40000 hommes366 Le premier magistrat de la ligue, le crpa-c'e) ç, élu annuellement, présidait à l'enrôlement36t, et commandait en chef l'armée commune 362. Il était assisté d'un hipparque fédéral (`itcaap,ros), qui dirigeait toute la cavalerie 363. Les contingents de chaque cité, fantassins (7tso() et cavaliers (ircuroîç), étaient pour l'infanterie et d'autres officiers (ai xar nt',;\ s xpyov,rES) 366 pour la cavalerie. Quelquefois on réunissait sous l'autorité d'un seul hypostratège les contingents de plu 113 sieurs -villes secondait es 30" Les'Er,(i,cxrct, que mentionne Polybe formaient sans doute un corps d'élite 36°. L'armée fédérale des Achéens, déjà fortement constituée par Aralos, fut réorganisée par Philopoemen et joua un rôle considérable dans l'histoire du temps's9 La Thessalie, suivant de vieilles traditions, aurait eu, dès le vu' siècle, une armée fédérale. C'est au premier chef commun de la ligue de Larissa, au iniviyç Menas le Ptouge, qu'on attribuait cette organisation militaire 370. Pour assurer le recrutement, il consacra l'antique division naturelle de la contrée en quatre provinces. Deux de ees tétrarchies (TETpapX(at), le Pélasgiotide et la Thessaliotide, qui relevaient directement du xotvdv, furent partagées en districts dont chacun fournissait 40 cavaliers et 30 L ïpltes341. Les deux autres tétrarchies, la Phthiotide et l'llestiaeotide, qui étaient habitées par des populations tributaires (eep(otxol), servirent surtout à recruter l'infanterie légère 372, Souvent l'armée fédérale se grossit encore de troupes auxiliaires fournies par d'autres peuplades sujettes (v,e7ixoot) ou alliées (adp.p.ayot) qui étaient cantonnées dans les monts de la Magnésie, dans le Pinde, dans la vallée du Sperchios ou sur les pentes de î'OE'ta"' L`armée thessalienne suivit naturellement les destinées de la Confédération. Aux époques de concentration politique, elle avait toujours pour chef le Txydç, sorte de dictateur militaire élu pour un temps indéterminé'', A la fin du vie siècle, nous la voyons intervenir dans les affaires de la Grèce : lors de l'expédition des Spartiates contre l'Attique, les Thessaliens, en vertu du traité conclu par leur sotvdv avec les Pisistratitïes, envoyérent au secours d'Athènes un corps de mille cavaliers sous le commandement de leur Taydç Cin.éas37' A partir de cette époque, on constate souvent à Athènes la présence d'un escadron thessalien 376, En effet, la Confédération de Larissa avait une cavalerie renommée '1" : à elle seule, en 454, cette cavalerie, sous les murs de Pharsale, put repousser une armée d'Athéniens, de Béotiens et de Phocidiens qui voulaient rétablir de force l'auto3 Orestès 378. Au. ive siècle, l'armée thessalie.r.lte fte.t quelques années la plus puissante de Grèce,. En mêle temps qu'ils transformaient la eayc(x en une espèce de dictature héréditaire", les tyrans de Phères faisaient revivre les vieux règlements d'Aleuas et enrôlaient pour leur compte les contingents de toutes les villes de la ligue r;,;xloi.e des populations tributaires. Xénophon nous dit que le xoivdv de Larissa pouvait aisément mettre en campagne G000 cavaliers et plus de 10000 hoplites 3s0 En engageant de plus une foule de mercenaires"", Jason put réunir 8000 cavaliers, 20000 hoplites et d'innombr.a,bess corps de peltastes 382 ~ aucun État ne pouvait 38.3 Demosth. VI, 22; IX, 26; X1X, 260; Diod. XVI, 14, 37-38. 52. --38? Pair b. alors lui opposer des forces égales. Entre les années 364 et 360 se place un intéressant épisode dans l'histoire militaire de la Thessalie. Les Thébains, après plusieurs campagnes , avaient réussi à ruiner la puissance d'Alexandre de Phères". Les Thessaliens en profitèrent pour reconstituer leur xotvdv et leur armée fédérale. Pour cela ils prirent comme modèle l'organisation militaire de la Béotie. Les contingents des quatre tétrarchies (TETpxç) furent commandés par quatre eoEN.apat, dont chacun avait sous ses ordres des officiers d'infanterie appelés 7cirxpyot. La cavalerie commune était conduite par des i7r,capyot. Le chef suprême de l'armée était l'pyw, héritier des Tayol et président de la confédération 384. Cette nouvelle organisation ne dura guère. Dès l'année 360, Alexandre de Phères avait recouvré son autorité sur tout le pays et rétabli la dictature héréditaire 386. Ce ne fut pas non plus pour longtemps. En 353, le dernier Tayoç, Lycophron de Phères, en se mêlant à la guerre de Phocide, fournit à Philippe de Macédoine un prétexte pour intervenir et causa la ruine de l'indépendance thessalienne 386. L'armée fédérale ne devait être vraiment reconstituée qu'un siècle et demi plus tard, après la victoire de Cynoscéphales qui rendit au pays une apparente autonomie 387. Les contingents thessaliens, commandés par le etipx'-rly6ç de la ligue nouvelle, sont mentionnés assez souvent dans les guerres des deux premiers siècles avant notre ère 388, mais l'armée de la confédération thessalienne n'a véritablement compté dans l'histoire qu'à l'époque des tyrans de Phères. De toutes les armées fédérales, la plus intéressante et la mieux connue de nous est, sans contredit, l'armée béotienne, On sait qu'à plusieurs reprises, dès le vie siècle, mais surtout au v' et au Ive, Thèbes a établi solidement son hégémonie sur presque toutes les cités voisines389. Mais elle légitimait en apparence sa domination en les faisant entrer de gré ou de force dans la ligue béotienne-90. Tous les États membres de la confédération devaient laisser enrôler tous leurs contingents dans l'armée commune. Aussi l'organisation militaire étaitelle la même dans toutes les cites de Béotie, et dans les villes voisines que le hasard de la guerre avait fait annexer à la ligue 391. A vingt ans (Ftxa'tF6T;5ç) 39`, en sortant de l'éphébie (i €cpri6ene) 393, tous les jeunes gens du pays étaient inscrits sur des registres militaires des catalogues de ce genre ont été trouvés a Acraephiae9', Chéronée 396, Chorsia 356, Hyettos V97, Kopae398, Lébadée38s Orchomène 600,Thespies 401, même dans les ruines d'xEgosthènes et de Mégare, qui ont fait partie quelque temps de la confédération béotienne 4°2. Ordinairement, ces jeunes soldats de vingt ans étaient d'abord armés à la légère et enrôlés dans des corps de peltastes (7cE),r.oyipxt)405. Quelques années plus tard, ils passaient dans les compagnies d'hoplites ou dans les escadrons de cavalerie4°'. L'armée béotienne comprenait 1° Une grosse infanterie d'hoplites (o7cn(Txt), divisée en un assez grand nombre de compagnies (? iyot) 400, que dirigeaient des noy«yol'«us Tous les ?,6yoc recrutés dans une même ville formaient des divisions que comman 2° De nombreux corps de troupes légères (gitno() où l'on enrôlait les jeunes citoyens, des métèques et des mercenaires186. Cette infanterie légère, que dirigeaient des officiers particuliersY02, était composée de peltastes (sre).icocpdpxt) 410 d'archers (cpxpo'ro(xt, To 6Tci') 411 et de fron 3° Une puissante cavalerie (liric6rxc, i7cresiç) recrutée dans les plus riches classes de la population' . Les contingents de chaque cité étaient groupés en une division commandée par un 'ir7rxayoç474. Chaque division de cavalerie se composait de plusieurs escadrons (lnxc) que dirigeaient des i),xpyot415. 4° Un corps d'élite, qui paraît avoir toujours compris trois cents hommes. Au ve siècle, cette compagnie se recrutait sans doute dans toutes les villes béotiennes; on la désignait sous le nom très caractéristique de ilv(oyoc xai 78xpxl rxt, qui rappelait la tradition héroïque des combats de chari16. Au Ive siècle, le corps d'élite de l'armée béotienne était le Bataillon sacré (iEpli néyoc), qui fut organisé en 379 après la délivrance de Thèbes et qui se composait de trois cents Thébains417. Les commandants en chef de cette armée fédérale étaient les principaux magistrats de la ligue, les béotarques ((3octil241yxt), dont le nombre varia suivant les époques et dont le collège se renouvelait chaque année °'3. A l'origine, tous les béotarques dirigeaient ensemble les troupes et commandaient à tour de rôle419. Mais plus tard, on n'envoyait à l'armée que quelques-uns d'entre euxk20. Au In° siècle, quoique l'on continuât de nommer des béotarques , le commandement suprême des troupes appartenait à un stratège unique (xrpx4-ry6c)"2. L'armée béotienne, qui avait déjà figuré avec honneur dans la guerre du Péloponèse 423, prit une importance exceptionnelle dans la première moitié du 10 ° siècle. A Leuctres, elle renversa pour toujours l'hégémonie spartiate; entre les mains d'Épaminondas, qui imagina une nouvelle disposition de la phalange et un nouvel ordre de bataille, elle contribua plus que toute autre à changer les conditions de la guerre et à créer une véri VI, Troupes mercenaires. -Les armées grecques, jusqu'à la fin du v siècle, étaient avant tout des i, lices nationales. Aussi est-ce un fait capital dans l'histoire militaire des Hellènes que l'importance toute nouvelle et le rôle prépondérant des mercenaire (t, ;?o?)74;) de puis les premières années du iv° siècle. Ce n'est pas que depuis bien longtemps i.l mercenaires dans les armées. Dès le vi° siècle, des rois, des tyrans avaient imaginé d'enrôler des aventuriers étrangers pour s'en faire une garde du corps : tels furent les Argiens de Pisistrate à Athènes 42°, les mercenaires de Polycrate à Samos 426, les Ioniens et les Cariens au service des rois d'Égypte''. En Sicile, les Groupes légères et la garde des tyrans étaient presque entièrement composées de soldats d'aventure : Gélon, et plus tard Denys, avaient au moins 10000 mercenaires42a. A l'exemple des tyrans et des rois, la plupart des cités avaient pris peu à, peu l'habitude d'engager à prix d'argent des étrangers pour recruter leurs corps de troupes légères. Athènes avait ses archers scythes 425, Sparte même se --ait, à l'occasion, de troupes mercenaires43o; et fié. ,phon mentionne dans l'armée lacédémonienne des aipxti(apyo;"3i. Pendant la guerre du Péloponèse, qui décima les milices nationales de presque tous les États, on voit augmenter beaucoup la proportion des mercenaires. Dès les premières années de la lutte, les Corinthiens envoyèrent à. Potidée des soldats enrôlés à prix d'argent432 A. Sphactérie, Cléon emmena des peltastes thraces et des archers13 Dans l'armée de Brasidas en Chalcidique, il. n'y avait guère que des lailotes et des aventuriers 434. Pour leur expédition en Sicile, les Athéniens engagèrent des archers crétois, des frondeur`'; rhodiens, des Arcadiens, des Étoliens, des Acarnaniens, des Iapygiens435. A cette époque, la plupart des États avaient à leur service quelques corps de mercenaires'°3", L'expédition des Dix-Mille présenta ce spectacle nouveau ' une armée entièrement composée de mercenaires, la plupart a.readiens ou achéensS37. L'exemple ne fut pas perdu. Sparte recueillit les débris de l'armée de Cyrus le Jeune, et c'est surtout avec des soldats d'aventure qu'Agésilas put guerroyer en Asie Mineure pendant plusieurs années466. C'est avec des troupes du même genre que Conon rétablit la fortune d'At.hènee' Les Athéniens_ prirent à leur :service cette armée use Conon, qui fut commandée successivement par Iphicrate et Chabrias440. Pendant la guerre de Corinthe, il avait souvent que des aventuriers en présencemdl. (In trouve aussi beaucoup de mercenaires dans l'armée béotienne442 et. 6000 au moins dans celle de Jason'43. Depuis le milieu du Ive siècle, les µtaloe6pot tiennent une place tout à fait prépondérante dans les troupes de tous EXE 900 EXE les États grecs : les Phocidiens, pendant la guerre Sacrée, appelèrent à eux tous les aventuriers, qu'ils payaient avec les dépouilles du temple de Delphes ; Athènes, dans ses luttes contre Philippe, enrôla jusqu'à 17 000 mercenaires; il y en eut de 6000 à 10 000 dans les troupes de secours envoyées à Olynthe, environ 17000 au service de la confédération que brisa Philippe à Chéronée, 10000 sous les ordres d'Agis en 330, 40000 encore dans la guerre Lamiaque444. Déjà Isocrate se plaignait de ne plus voir dans les armées que des aventuriers et des va.gabonds4''. Enfin Démosthène, dans sa Première Philippique, demandait aux Athéniens, comme une preuve de grand patriotisme, de fournir eux-mêmes, pour la composition de l'armée, 500 hoplites sur 2000, et 50 cavaliers sur 200, c'est-à-dire que les soldats citoyens devaient représenter seulement un quart de l'effectif total446 Les mercenaires étaient quelquefois équipés en hoplites : c'est ce que l'on constate, par exemple, dans l'armée recrutée pour le compte de Cyrus le Jeune 447 et, plus tard, même dans les armées de Sparte et d'Athènes' C'était pourtant là l'exception. Ordinairement, ils étaient équipés à la légère. Ils n'avaient pas d'armes défensives, quelquefois seulement le petit bouclier de peltaste"9. Ce qui les caractérisait et les distinguait les uns des autres, c'étaient leurs armes offensives, dont ils se servaient surtout pour combattre de loin. A cet égard, les contingents de mercenaires se classaient d'eux-mêmes en trois groupes : 1° Les archers ('ro rat). Ils portaient l'arc (TÔav), le carquois (cpapéTpa) en cuir ou en jonc tressé, suspendu au côté gauche par une courroie qui tombait de l'épaule. Chaque homme avait toujours avec lui une provision de 12 à 15 flèches (To,Ellp.xTx), qu'on pouvait lancer à 2° Les frondeurs (vrpEviovirlTon). Ils emportaient partout une poche à projectiles (Sep9Epa). Avec leur fronde (cl;evUv) munie de brides, ils pouvaient lancer une pierre à 5o pas, une balle de plomb (pi.o).uél(ç) à 100 pas 45' 3° Les lanceurs de javelots (âxovTtrrx(). Le javelot (iexé'w tov), long d'un mètre et demi à deux mètres, était muni d'une courroie (àgadlen, N.Eayxu),ov), au moyen de laquelle on imprimait un mouvement rotatoire. Le javelot portait à 40 pas"' [JACULUM, AMENTUM]. Certains pays étaient renommés pour l'habileté à manier telle ou telle arme de jet. C'est là surtout qu'on allait recruter les différents corps de troupes légères. On estimait principalement les archers de Crète453 et de Scythie 454 ; les frondeurs de Rhodes 456, d'Achaïe 4ss d'Acarnanie 457 d'Élide 456 et de Thessalie 459 ; les acontistes d'Étolie460 d'AcarnanieY6f, d'Arcadie463, de Thessalie 463 et de Thrace". Les mercenaires, ainsi armés, ne pouvaient former que des corps auxiliaires. On ne pouvait songer à mettre en face de la grosse infanterie une armée uniquement composée d'archers, de frondeurs et d'acontistes. C'est pour cela que, dans l'armée grecque au service de Cyrus le Jeune, on avait dû équiper la plupart des mercenaires en hoplitesL65. Mais c'était là forcément une mesure exceptionnelle; car généralement les soldats d'aventure n'avaient pas les moyens de payer un équipement complet. Ce qui fit triompher définitivement l'institution des mercenaires, ce fut une réforme d'Iphicrate. Dans la guerre de Corinthe, ce général eut l'idée de créer, avec ses soldats de rencontre, une troupe intermédiaire entre la grosse infanterie et les compagnies légères : il imagina les corps de peltastes (75e),TorTa() 466 Dès longtemps, il existait en Thrace467, même en Thessalie466 et en Locride469 des troupes d'acontistes armés de la 7tX'n [cLIPEus]. Pendant la guerre du Péloponèse, les Athéniens avaient même eu à leur solde des peltastes thraces670. On en trouve aussi dans l'armée de Cyrus le JeuneS79. Mais jusqu'alors on n'avait point songé sérieusement à en tirer parti. La grande innovation d'Iphicrate fut d'organiser, sur le modèle de la grosse infanterie des hoplites, une autre infanterie, plus légèrement armée, plus facile et moins coûteuse à équiper, capable de rendre à peu près les mêmes services, et pourtant plus souple, plus mobile. Voici la tenue et l'armure d'un peltaste au Ive siècle 472 1° La 7ré);r1l, petit bouclier en bois ou en osier couvert de cuir, qui avait la forme d'un croissant et était beaucoup moins encombrant que celui des hoplites [CLIPEUS] ; 2° Une cuirasse de lin (atvoAwpa,) ; 3° Des jambières de cuir, plus légères que les cnémides et désignées désormais sous le nom d'iphicratides 4° Un javelot (âxôv,rtov) ou une lance (S6pu); et une épée (,'poç) plus longue que celle des hoplites. Cette création d'Iphicrate eut pour conséquence de modifier peu à peu la physionomie des armées, même leur composition et les conditions de la guerre. Désormais, aux corps d'hoplites l'on substitua souvent des peltastes. Les citoyens de beaucoup d'États en profitèrent pour se soustraire de plus en plus au service personnel". Dès lors, il fut possible de mettre régulièrement en campagne des armées uniquement composées de mercenaires : à côté de l'infanterie légère proprement dite, acontistes, archers et frondeurs, les peltastes pouvaient à la rigueur remplir le rôle des hoplites. C'est ainsi qu'il put se former, en dehors des États, des armées complètes et indépendantes, toujours prêtes à servir plus ou moins fidèlement qui pouvait les payer, à combattre pour le compte d'une cité, à seconder les coups d'État'''. Pour recruter une troupe de mercenaires (e)a),éyety erpTEUl.a), on s'adressait ordinairement à des individus qui en faisaient métier, véritables entrepreneurs d'enrôlement (;Evo),tiyot, auaaoysïs) 475 Souvent c'était un homme de guerre renommé, comme ce Cléarque qui recruta une armée pour Cyrus le Jeune476. On remettait à cet aventurier la somme d'argent nécessaire 477, moyennant quoi il se chargeait à forfait d'organiser la troupe demandée 478. Lui-même en devenait le commandant en chef (eTpx t yoç) 479. Il s'adjoignait un lieutenant général (u7:oaTpâTllyoç) 480, et choisissait lui-même ses futurs officiers481, taxiarques ('tz (apyot)482 ou lochages (aoyayot) 483. A chaque officier il appartenait de recruter ses hommes Pour cela, il se rendait généralement dans le pays où il était personnellement connu : là, il appelait à lui tous les aventuriers disponibles, citoyens pauvres, proscrits, affranchis ou barbares 485. Mais il ne pouvait procéder à l'enrôlement qu'avec l'autorisation de l'État sur le territoire duquel il se trouvait48s Quelquefois ce privilège était l'objet d'un acte diplomatique entre deux cités, comme le prouve un curieux traité conclu entre Rhodes et Hiérapytna487. Souvent aussi le futur officier gagnait simplement un des marchés de mercenaires, dont les plus célèbres se tenaient à Corinthe 488 et au cap Ténare 489. Si l'on désirait d'habiles tireurs, on allait les chercher dans certaines régions où l'on était sûr d'en trouver, en Arcadie 490, en Crète 491 à Rhodes 492 en Thrace 493. L'officier recruteur promettait une solde fixe et des frais de subsistance, sans compter les parts de butin 494. Mais les soldats ne s'engageaient que pour un certain temps et pour combattre un ennemi déterminé 495. Chaque aoyaydç nommait lui-même son lieutenant (into),oyayôç)496 et ses sous-officiers, pentécontères (7CEVTYIXOVTŸIpEç) 497 et énomotarques (ivw~.oTotpyat) 498. Au lochage ou au taxiarque de prendre ses mesures pour n'être pas abandonné de ses hommes, pour organiser sa compagnie et la tenir en bon état'''. Au jour fixé, les différentes troupes se rencontraient à un endroit déterminé d'avance pour la concentration (â6po(ECV 'CO TTp«.TEUN.a) 500; et parfois l'on accordait des prix aux officiers qui présentaient les plus belles compagnies 501 Le stratège ou les stratèges (car il y en avait souvent plusieurs) prenaient le commandement, et la La solde des mercenaires variait naturellement suivant la loi de l'offre et de la demande. En général, chaque homme recevait un darique par mois, ou une drachme environ par jour : soit, à peu près, quatre oboles par jour pour la solde proprement dite (p.tadç) et deux oboles pour les frais de subsistance (a;T77piatov, CtTOç, a;T«PxEta) 50°. Les lochages touchaient le double, et les stratèges le quadruple504. Chacun devait s'équiper soi-même ; beaucoup de soldats ne le pouvaient qu'en engageant à l'avance une partie de leur solde, car un armement complet coûtait environ 150 drachmes ; mais on touchait souvent une indemnité d'entrée en campagne 505. Quand la guerre se prolongeait, l'État qui entretenait la troupe mercenaire (.uaOoSr ç) devait envoyer de nouveaux fonds pour la solde des troupes. Pans ces occasions, les stratèges ne se faisaient pas faute de chercher à tromper la ville intéressée sur le nombre de leurs hommes ; aussi les cités étaient-elles devenues méfiantes et déléguaient-elles des inspecteurs (iETaaTat) chargés de contrôler par eux-mêmes l'effectif réel des troupes 5os La seule armée de mercenaires que nous connaissions assez en détail est celle qui fut recrutée en différents pays grecs, surtout en Arcadie et en Achaïe J07, pour le compte de Cyrus le Jeune. L'effectif en varia naturellement au cours de la campagne, par suite des pertes ou des renforts 568. Au commencement, cette armée comprenait plus de 13000 hommes. En voici les éléments, suivant les indications de Xénophon 509 : On le voit, cette armée de mercenaires était composée surtout d'hoplites. Xénophon nous décrit leur armement : comme la grosse infanterie d'Athènes ou de Sparte, ils portaient des tuniques rouges (y rl vaç cpomvtxo(h), de grands boucliers (âa7t(Sao), de lourdes cnérnides (xv,i i.t6zç), des casques d'airain (rp«v'ei yaXxâ), des cuirasses ou des casaques de cuir of0. Il n'y avait pas de cavalerie : seulement quarante Thraces à cheval amenés par Cléarque 5f1. Après les hoplites, les corps les plus nombreux étaient ceux des peltastes de Thrace, équipés à la manière de leur pays. Comme tireurs, on ne trouve à mentionner que 200 archers crétois : encore doit-on remarquer qu'ils portaient des boucliers de 1 EXE 902 EXE peltastes 512 Ces troupes légères, sur les champs de bataille, étaient placées soit en avant, soit en arrière des hoplites, quelquefois dans les intervalles des compagnies, ou en colonnes dispersées; dans les marches, elles étaient employées pour le service d'éclaireurs513 Toutes les décisions importantes, dans l'armée des Dix-Mille, étaient prises en commun par les dix stratèges 514, ou par le conseil de guerre (Tb xocvdv), oïl siégeaient un certain nombre d'officiers élus par les troupes 515. Mais chaque stratège, secondé par son lieutenant général (tir orvpdTryoç) 516, dirigeait comme il l'entendait son corps particulier. Chacune des divisions d'hoplites, suivant son effectif, comprenait plus ou moins de compagnies (),6xoc, ' é otç) 517. Chaque compagnie, composée en moyenne de 100 hommes 516, avait à sa tête un T«iapxoç 599 ou un ),oxaydç 520, assisté d'un lieutenant (u to),oxaydç) 521, de pentécontères (7tsvTr, peltastes, les archers et les cavaliers formaient des corps distincts, avec des officiers spéciaux dont nous ne connaissons pas les titres 525. L'armée était suivie d'un certain nombre de chars qui portaient les vivres et les bagages 526 Dans le cours du Ive siècle, l'organisation générale et les cadres des troupes mercenaires sont toujours restés à peu près ce que nous venons de les voir dans l'armée des Dix-Mille. Mais on constate un changement assez considérable dans l'importance relative des divers corps, Les troupes légères ont de plus en plus remplacé les hoplites. Pour s'expliquer cette différence, il ne faut pas oublier que l'expédition des Dix-Mille est antérieure de plusieurs années aux réformes d'Iphicrate et à l'organisation définitive des compagnies de peltastes. Cinquante ans plus tard, la proportion entre les différents corps était absolument renversée dans la plupart des armées VlI. -Une armée grecque en campagne au Ive siècle. On peut dire que, jusqu'à la fin du ve siècle, il n'y a pas eu, à proprement parier, d'art militaire. Ce qui décidait les batailles, c'était presque uniquement le nombre et la solidité des corps d'hoplites, enrôlés pour une circonstance déterminée, le plus souvent pour une seule campagne, organisés et naïvement alignés suivant les traditions plus que simples de la vieille phalange dorienne : toute l'habileté stratégique des chefs consistait à réunir en face de l'ennemi les plus gros contingents de vaillants soldats. Il en est tout autrement au Ive siècle. La longue guerre du Péloponèse, qui avait mis aux prises presque toutes les cités, avait beaucoup contribué à unifier et à développer dans tout le monde grec le système d'organisation militaire. L'expédition des DixMille, les campagnes d'Agésilas, la guerre de Corinthe, la lutte entre Thèbes et Sparte, l'affaiblissement de l'esprit civique dans la plupart des États et le rôle de plus en plus considérable des mercenaires : voilà autant de causes qui modifièrent presque complètement les conditions de la guerre, la composition des armées et l'importance relative de leurs divers éléments. Les milices nationales furent comme reléguées au second plan; on vit naître un nouveau métier, le métier de soldat. Les campagnes furent plus longues, plus lointaines ; l'organisation devint plus complexe et plus savante ; on dut se préoccuper davantage de préparer les expéditions, d'exercer et d'approvisionner les troupes : désormais il y eut un art de la guerre, et une tactique. Nous renvoyons aux chapitres précédents ou aux articles spéciaux qui y sont indiqués, pour tout ce qui concerne dans cette période l'enrôlement, l'organisation des divers corps, la solde, la composition des cadres, et l'armement : sur tous ces points nous n'aurions à signaler rien de nouveau. Les armées du Ive siècle comprenaient, soit uniquement des mercenaires, soit un mélange de mercenaires et de milices nationales. Mais, entre ces deux catégories de troupes, la différence essentielle était dans les conditions mêmes du recrutement. Une fois formées, on peut dire que toutes les armées se ressemblaient. Dans les contingents de mercenaires, les titres des officiers comme les noms des corps, les services auxiliaires comme la tactique, tout trahit l'imitation des armées de citoyens. En campagne nous n'avons donc plus à distinguer la provenance ou la nationalité des soldats. Les armées du Iv' siècle traînaient ordinairement à leur suite un bagage très considérable (-ci sxcûrl) 527. Le Grec emportait avec lui ses ustensiles de cuisine et de table, une provision de couvertures et de vêtements, sans compter les tentes (ax•1vr)) 528, les vivres (Ti &reniSeta) 529, et les armes (-ri 6r),a) 530. Tout cet attirail encombrant était entassé sur des chars («p.a.;a, EÛyoç) 531 ou des bêtes de somme (i7roVriai) 532 que conduisaient les soldats du train (ax€uo pot) 533. Le service des équipages avait d'ailleurs ses officiers spéciaux (pyov.7eç s'rpa'roû axouopo1ixo7) 531. Chaque division emmenait avec elle son bagage 535. Ordinairement il était placé au centre de la colonne, avec deux détachements de troupes sur les côtés : c'est à l'arrière-garde principalement qu'il appartenait de veiller sur le convoi". Quand on s'avançait en ordre de bataille, le bagage était en queue ou sur l'un des flancs, avec borine escorte 537. Pendant le combat, il restait dans le camp, sous la surveillance et la protection de gardes particuliers53s Mais, de toute façon, il était toujours un embarras pour l'armée, la retardait dans sa marche et forçait souvent le stratège d'allonger la route pour éviter les chemins de montagne 539 [IMPEDIMENTA]. Autour du bagage se serrait une nuée de non combattants (G47Cd saxoc) 5"0 : soldats du train (axouop(Ipot) 5"1, ordonnances des officiers (û7tr hzt), écuyers 1 EXE ..903 -. EXE tGVapâno8x) 508, C'était encore une cause sérieuse d'embarras pour les chefs, de retards dans les marches, de difficultés pour les approvisionnements'''. Toute armée avait sa caisse particulière, son trésor (zb xotvdv). Il contenait de l'or et de l'argent, monnayés ou en lingots, et des objets précieux ; outre les fonds que fournissait plus ou moins régulièrement la cité, il s'enrichissait des contributions de guerre, surtout de la vente du butin. Il servait 1. payer la solde (p.tcéç), les frais de subsistance (60 'tpe'inov), à indemniser les guides et les bateliers, à acheter des chevaux et des armes "0. Le service des approvisionnements (Ertmfiotx, et-roç) 651 laissait beaucoup à désirer. Quelquefois, mais seulement lors des expéditions lointaines, on emportait du blé et des vivres pour plusieurs mois J52. Ordinairement les généraux ne s'occupaient guère d'y pourvoir : chaque soldat touchait une somme fixe pour sa nourriture (etrr,céetov), le plus souvent deux oboles par jour 553, et se tirait d'affaire comme il l'entendait 654. Én beaucoup de circonstances on ordonnait à toutes les troupes d'emporter une réserve de vivres pour un nombre de jours déterminé 655 Dans le voisinage des villes amies on ouvrait pour l'armée un véritable marché (âyop«) 5". D'ailleurs, de nombreux marchands (ïixmropet, âyopxtoç ®y),oç) suivaient les troupes, vendaient aux soldats du blé, du vin, des provisions de toute sorte, leur achetaient leur part de butin, et s'enrichissaient à leurs dépens'", malgré la surveillance des officiers agoranomes (âyopavdu.ot) "5 Quand l'argent manquait, ce qui arrivait souvent, les soldats allaient à la maraude (hKl ).s(av, xce8' âonxys)v) : la nuit, des bandes affamées ou rapaces couraient la campagne, munies de perches, d'outres et de sacs 55s. Naturellement la discipline souffrait beaucoup de cette organisation des subsistances. On ne ménageait pas d'ailleurs les châtiments corporels, coups de poing (zains rre,) et coups de bâton (1t' «?ç watetv), surtout dans les armées de Sparte ; mais un officier n'avait le droit de frapper que ses subordonnés G60 [roarr.a MILIT'ARRS ]. Quand un soldat citoyen avait commis une faute grave, on lui intentait, à la fin de la campagne, une action publique devant les tribunaux de la cité : il était traduit devant un jury composé de ses pairs et présidé par un officier 561 Mais les mercenaires n'avaient à redouter rien de semblable. Aussi étaient-ils souvent fort indisciplinés. A tout moment ils menaçaient d'abandonner leur chef pour offrir leurs services à un autre 554. En réalité, ils formaient comme une république ambulante, très houleuse, qui avait la prétention de s'administrer elle-même, qui décidait les questions importantes dans des assemblées communes, et qui toujours risquait de se dissoudre : on ne les gardait que par l'espoir du butin 563 Pourtant les Grecs étaient en général de bons soldats. On les tenait en haleine par de fréquents exercices. Un certain nombre d'officiers et de sous-officiers étaient spécialement chargés des fonctions d'instructeurs (ô7raop.âxot) 664. On dressait les troupes au maniement des armes, aux marches, aux mouvements et conversions (xa( (rets), de phalange 40,1y) 565 On apprenait tout d'abord à manier les armes. Le soldat, au port d'arme, laissait reposer à terre le bouclier et la lance : il maintenait le bouclier avec les genoux, et la lance avec la main droite près du pied droit (iz Xe. xxrxc(OeoOxt) 566. Pendant les marches, on portait le bouclier sur le dos et la lance sur l'épaule droite oG7. Pour combattre, on levait ou l'on abaissait les armes, suivant le cas. Ces divers changements s'exécutaient aux commandements de : « Levez armes! » ("Avta rie ®para) « Armes sur l'épaule ! » ('E7c' ô zou If 6épara) es« Abaissez armes ! « (Kàleç 'tôt iépa'ca) 668. Les soldats des troupes légères, suivant le corps auquel ils appartenaient, s'exerçaient à lancer le javelot, ou à tirer de l'arc, ou à faire tourner la fronde. Les marches, les mouvements à droite (âérl ldpu) ou à gauche (éhr'âer.(ôa), les conversions (xa(cetç), les demitours (p.e-aâoaxO, les changements de direction (ixte:poipa(), étaient indiqués paries commandements (xapiyyéap,.atiz de o; En avant, marche! » (7rpézye) « Par le flanc droit! » (xatvov Lin cdpu) --« Par le flanc gaucho! » « à gauche ! » (i e' uxe(8a) « Changement de direction à Dans les manoeuvres de peloton, on étendait le front (pircazro) en se déployant à droite ou à gauche (7rapd.yoty 7expie ldpu, 7rxpe â.uxils.), par énomotie ou par pentécostie, de façon à former une, deux ou quatre files (e'r(yot) "a. Dans les manoeuvres de compagnie ou de division, le adyoç pouvait avoir 100 hommes de profondeur sur un de front (ip'iv6ç), ou inversement; mais d'ordinaire il était rangé par pelotons, avec un front de douze hommes sur huit de profondeur (oiç lord, Ë7c'ix'r.4 ou un front de vingtquatre hommes sur quatre de profondeur 674. Le premier homme de chaque file, s'appelait le chef de file (you;t.ovoç, ~yau v; 71:pcntoe°caz'tlç) ; la réunion des chefs de file constituait le front (p. motos) de la compagnie 52. Le dernier homme de chaque file se nommait le serre-file (oép«y®ç) ; la réunion des serre-file formait la queue (oipa) 673, L'aile ad;toç étaient représentées par les chefs de file des deux EXE 9044 EXE flancs (sùsupa(). Les chefs de file, comme les serre-file, étaient toujours de vieux soldats expérimentés". Les manoeuvres les plus compliquées étaient naturellement les manoeuvres de phalange (é7Ci tpâ),ayyos), qui mettaient en mouvement l'armée entière. Au commandement de « A vos armes ! » (âys sis Tx 67c4 575, les divisions se rangeaient en file l'une à côté de l'autre et formaient la phalange proprement dite, ordinairement profonde de quatre à huit rangs (uyoi), parfois de douze ou seize, même de vingt-cinq ou cinquante 576..Dans la position de marche (7ropsu'txâ l; 'r',;t.z'z), chaque soldat était à six pieds de ses voisins; dans la position de combat (7tûxvw61;, 6uva6uta'p.5;), à un pied et demi ou trois pieds 57. Chaque journée de marche était ordinairement précédée et suivie d'une journée de repos, consacrée à des revues (i iT«GIV rxi ptOp.bv 7COtsïv) "8, à des sacrifices, parfois à une fête et à des jeux, surtout aux exercices et aux manoeuvres 59. Les jours de route, on faisait halte vers cinq heures du soir. Si l'on se trouvait dans le voisinage d'une ville amie ou d'un bourg important, toute l'armée s'y logeait 580. Sinon, l'on traçait un camp (6TEXT07rESEé s6Oat, xa0Ÿlroat) 561. Chaque bataillon, chaque compagnie y alignait à part ses tentes (6x7v,1) couvertes de peaux (StcpOépa) 582. Au centre se dressait la tente du stratège, entourée d'une place où aboutissaient toutes les rues (Tb µ560v Toü 6T97.TO755ôou) : c'est là que se faisaient généralement les proclamations et que se tenaient les assemblées 563 Le camp était circulaire ou carré, rarement fortifié à main d'homme, à moins qu'on ne s'y établît pour quelque temps; on choisissait, pour s'y installer, soit les hauteurs, soit le bord des fleuves, tous les endroits défendus par leur situation naturelle 58'. Devant le camp s'étendait une place d'armes (Tâ txt),a) ois l'on déposait les boucliers et les lances 686 ; près de lit on réservait aussi un emplacement pour le marché (éyop«), qui par cette disposition était accessible aux soldats et aux marchands du dehors 586 [CASTRA]. Dès que le camp était tracé, une partie des hommes allaient chercher du bois et du fourrage, pendant que les camarades préparaient le souper (Ti Sstitvov )587. Le stratège donnait le mot d'ordre (GUVOTIIµa) : par mesure de précaution, on employa même souvent, depuis Iphicrate, un double mot d'ordre, différent pour les sentinelles et pour les patrouilles 588. Tout autour du camp on plaçait des postes (péaaxs;) et des avant-postes (7spopu),axss) 589. La nuit, des sentinelles veillaient dans l'intérieur et au dehors (vuxTOtpé),axs;) 590. Souvent même on envoyait des patrouilles assez loin et dans plusieurs directions 599. Ces précautions prises, le stratège faisait donner le signal du repos (é.va7tau6Tri ptov) 592 : les soldats ôtaient leur manteau et se couchaient 599. La nuit comprenait trois veilles, dont la longueur variait avec les saisons : la première veille durait jusqu'à minuit; la seconde, de minuit au crépuscule; la troisième, de l'aube au départ. On renouvelait donc deux fois les postes; et des feux restaient allumés jusqu'au matin 59'. Beaucoup de commandements étaient transmis par la trompette (r ).7tty, xipaçi "5, ou par quelque signe convenu (cgµsiov)596, ou de bouche en bouche suivant la hiérarchie militaire (âab 7tapayyé).6sw;) 597. Mais régulièrement c'étaient les hérauts (xipuxss) qui étaient chargés de communiquer les ordres du général, surtout de convoquer les assemblées, et de faire connaître le moment du départ 598. Les marches militaires étaient toujours précédées de sacrifices (iepx xal Gtpzyta) 599. Dès l'aube on se préparait à lever le camp (xtvsw Tb 6TpaT6ircloV). Au premier signal, on démontait les tentes et l'on disposait les bagages (6uexsuesty) 600 Au second signal, on chargeait les bêtes de troisième signal et ail commandement de « A vos armes ! (xyc si; Tâ èxtaa), chacun prenait sa place dans le rang 602. Le stratège passait la revue de ses troupes'. Puis il fixait l'ordre de marche et prenait la tête de la colonne «ptrTOV) 605. Puis l'on se remettait en route, et l'on allait jusqu'au soir 056 Les étapes (6TaOµoi) étaient, en moyenne, de 150 à 200 stades 607. L'armée était toujours accompagnée de guides (rysµdvs;) 608 et précédée d'éclaireurs Ordinairement, dans les marches de jour, la cavalerie et les troupes légères étaient placées en tête et en queue de la colonne. Mais, la nuit, pour éviter une dislocation de l'armée, la grosse infanterie des hoplites précédait tous les autres corps el'. Les stratèges étaient presque toujours à l'avant-garde, quelquefois à l'arrière-garde 611. Chaque officier précédait sa division, sa compagnie ou son peloton; et, dans chaque colonne, chacun d'eux, à tour de rôle, ouvrait la marche (ilysµovl«) 612. On adoptait, suivant les circonstances, divers ordres de marche dans le détail desquels nous n'avons pas à entrer ici. Les armées en campagne disposaient ordinairement d'une compagnie d'ouvriers. Les Athéniens, dans leur expédition de Sicile, avaient avec eux des maçons (atAo),dyoi) et des charpentiers (T3xTOVE;) 613. Dans sa description de l'armée de Sparte, Xénophon mentionne des ouvriers du génie (retpo'r€zv«t) 614 Enfin, dans les derniers temps de la Grèce indépendante, on voit apparaître une véritable artillerie de campagne (xaT«7211Mt, Td x«T17r«aTtxdv, (1€a'1). Denys de Syracuse avait employé déjà de nombreuses machines dans ses guerres contre les Carthaginois 615. Dans la Grèce proprement dite, il n'est pas fait mention d'engins de ce genre avant le milieu du Ive siècle sis Mais, à partir des guerres de Philippe, surtout depuis l'expédition d'Alexandre en Asie, l'artillerie de campagne prit partout un rapide développement 617. On distinguait deux classes de machines : 1° celles qui lançaient seulement des traits (xaTa7râar«t i u6s)ei , c. Oéçaie 616; 2e celles qui, en outre, pouvaient lancer des pierres ou d'autres lourds projectiles (zz-rz n«nrat );Boeé),ot, 7tETpOee0t) 619. On trouvera la description de ces divers engins dans l'article où il sera traité de la balistique Souvent une armée en campagne avait à défendre ou à attaquer une place. Nous n'avons point à parler ici de de l'attaque ou de la défense des places. A la guerre de sièges, les Grecs préféraient de beaucoup la guerre en rase campagne. Le commandant en chef, après avoir consulté son conseil 626 fixait l'ordre de bataille (oiç µâ rw TaxOi~vat) 621. Les hoplites tiraient leur bouclier du fourreau; s'ils étaient Spartiates, ils se couronnaient de fleurs 622. Dès que l'ordre de bataille était constitué, on procédait aux sacrifices 623. Le général haranguait ses troupes 624. Puis il donnait le mot d'ordre (sSvOriµ«), qui circulait de groupe en groupe 625 : c'était le plus souvent un nom de divinité ou une maxime 626. Enfin le général entonnait le péan que tous les soldats répétaient en choeur (7nzizv(Ety) 627. On invoquait Arès, les trompettes sonnaient (aa),a(5;v TL 7noaEptxdv)628, et l'on s'avançait, d'abord lentement (1]su s;), puis au pas de course (âpép.w) 629, en poussant le cri de guerre : « Alala ! Eleleul » ('Aaaa«, 'E),EXEÛ) 630. Souvent les troupes légères engageaient la bataille, que soutenaient les hoplites et qu'achevait la cavalerie 031. Selon le sort du combat, on poursuivait les vaincus 632, ou la trompette donnait le signal de la retraite (Ti) âvaxaaetrGat r' sâaatyyt) 636. En cas de victoire, on élevait sur le champ de bataille un trophée [TROPAEUM]. Puis on enterrait les morts, en élevant un cénotaphe (xevoté ;ov) pour les soldats dont les corps s'étaient perdus 634. On transportait les blessés et les malades dans les maisons des habitants, en ayant soin de les faire protéger par des postes'. Enfin l'on partageait solennellement le VIII. Armées macédoniennes et hellénistiques. Les progrès accomplis par les Grecs au ive siècle ont profité surtout aux Macédoniens. Philippe, puis Alexandre, n'ont guère fait qu'appliquer en grand et combiner, en les développant grâce aux ressources d'un vaste royaume unifié, puis d'un immense empire, les institutions militaires d'Athènes et de Sparte, de la Béotie et de la Thessalie, comme les inventions d'Iphicrate et la tactique d'Épaminondas. En ce sens, les armées macédoniennes sont la conséquence logique de l'évolution que nous avons observée dans l'art militaire des Hellènes. Nous connaissons mal la composition des armées de la Macédoine avant l'avènement de Philippe II. Au temps des guerres Médiques, Alexandre I°r, malgré ses relations amicales avec Athènes, fut contraint de mettre ses troupes au service des Perses 636. Son fils, Perdiccas II, qui osa entrer en lutte à la fois contre les Athéniens et contre le roi thrace Sitalcès6S7, disposait déjà de forces importantes, surtout des contingents d'hoplites grecs fournis par les villes de la côte, et d'une nombreuse cavalerie recrutée soit dans la Macédoine proprement dite, soit chez les populations tributaires638 : à cette époque, l'équipement réglementaire des cavaliers macédoniens comportait la chlamyde (CHLAMYS), un bouclier rond, une épée, une lance, et le casque appelé xausta, qui avait la forme d'un large chapeau et ressemblait beaucoup à la coiffure nationale des Thessaliens ou des Étoliens [CAUSIA] 639. A la fin du ve siècle, Archélaos, fils de Perdiccas, donna tous ses soins à la réorganisation de l'armée640 : mais nous ne pouvons dire avec précision en quoi consistèrent ces réformes. Il n'en resta pas d'ailleurs grand'chose au milieu des guerres civiles qui affaiblirent la Macédoine pendant toute la première moitié du ive siècle. Nous savons seulement qu'en 382, Amyntas II, à moitié dépossédé de ses États, et devenu l'allié des Spartiates contre la confédération d'Olynthe, mit à leur service sa cavalerie et ses mercenaires641 Mais on peut dire que, pour l'organisation militaire comme pour le reste, tout était à créer quand Philippe II prit le pouvoir. Philippe, dans sa jeunesse, avait connu personnellement les deux hommes de guerre qui avaient le plus contribué à renouveler en Grèce l'art militaire. Tout enfant, sa mère l'avait présenté â Iphicrate, qui commandait l'armée d'Athènes, et dont elle sollicitait la protection 642. Plus tard, il avait été emmené comme otage par Pélopidas et avait vécu plusieurs années à Thèbes dans la société d'Épaminondas643. Devenu roi, il mit hardiment en pratique les idées de ces habiles généraux sur l'organisation de l'armée et la tactique. Il commença par déterminer les lois de recrutement. Tous les Macédoniens sans exception, nobles ou non, furent astreints au service militaire 644. Pour la conscription, le pays fut partagé en districts, probablement au nombre de six; les hommes de chaque district étaient EXE -906 -EXE enrôlés dans un même corps de cavaliers ou de fantassins 685. Au roi seul appartenait le droit d'appeler ou de licencier l'ensemble ou une partie des contingents, d'accorder les dispenses ou les congés pour raisons d'âge ou de maladie686. Même en temps de paix, les hommes étaient souvent convoqués pour des périodes plus ou moins longues d'exercices et de manoeuvres 6"7. Pendant tout le temps qu'ils restaient sous les drapeaux, ils recevaient une solde régulière 668 et étaient dispensés de toute autre prestation 649. La cavalerie se recrutait dans la classe noble ; c'est pour cela qu'on la désignait ordinairement sous le nom caractéristique de ot Ë,aipot, « les compagnons du roi ». Les contingents de chacun des cercles de conscription formaient un escadron (i)vj), commandé par un i),lex•tiç. Il y avait donc sans doute six DAat. Il faut y joindre l'iX-t royale ou .yrip.a, corps d'élite où se rencontraient des nobles de tous les districts 656. Quant à l'équipement de cette grosse cavalerie, il semble que Philippe renonça à la chlamyde et à la causia nationales, et qu'il imposa simplement à ses hétaires la tenue ordinaire des cavaliers grecs'''. La plupart des hommes libres de Macédoine, tous ceux qui n'appartenaient point à la noblesse, servaient dans l'infanterie. Philippe, et ce fut là une de ses plus fécondes innovations, organisa régulièrement une double infanterie de citoyens : 1° Les pézétaires (7re~€Tripot} 652. Ils étaient équipés à peu près comme les hoplites grecs : ils s'en distinguaient pourtant par la chlamyde, la causia, et l'énorme lance, longue de dix-huit pieds, qu'on appelait la sarisse (a'tictcca) 653. Les pézétaires de chaque district formaient un régiment (Td. tç, yâAay ), dirigé par un sarç(apxoç, et plusieurs compagnies ou bataillons (),dxot), dont chacun était commandé par un Aoxaydç et comprenait plusieurs pelotons ((salivai, "'a 2' Les hypaspistes (tneaarcie•Ta() 655. Ils étaient plus légèrement équipés et ressemblaient beaucoup aux pcltastes des armées grecques ; ils portaient la causia, un bouclier, une épée et une lance moins longue que celle des pézétaires656. Ils formaient plusieurs bataillons de mille hommes chacun, qu'on appelait chiliarchies (xtAfapx(et) et qui étaient commandés par des xt):i'apxot 667. Parmi les hypaspistes se recrutait aussi un corps d'élite (xyr;p.a) qui, avec l'agêma de cavalerie, constituait la garde royale 658 Pour se ménager une pépinière d'officiers, Philippe imagina de créer une sorte de compagnie des cadets : c'était la troupe dite des Enfants royaux (BestÀtxol 3tailaç), qui comprenait des jeunes gens de familles nobles. Ils servaient à pied et étaient équipés en hypaspistes659. Les eEnfants royaux », les deux agêma, la grosse cavalerie des hétaires, la grosse infanterie des pézétaires et les bataillons moins pesamment équipés des hypaspistes : tels furent désormais, en Macédoine, les éléments essentiels de l'armée nationale. Mais, dans les guerres de Philippe, on voit figurer bien d'autres troupes. D'abord, il engagea beaucoup de mercenaires (p.tcsOs9dpot ivot) us Puis il disposait de nombreux corps auxiliaires, contingents grecs de la côte, contingents des populations tributaires d'Illyrie et de Thrace661. Enfin, depuis 344, son armée se grossit encore de l'excellente cavalerie thessalienne 662. Philippe sut tirer bon parti de tous ces auxiliaires. Aux troupes thessaliennes et grecques, il laissa leur organisation traditionnelle ; il se contenta de leur donner pour chefs des Macédoniens663. Mais, avec ses mercenaires, ses Illyriens et ses Thraces, il créa divers corps d'infanterie légère : des chiliarchies d'ar tistes (éxovstsse()666, d'Agrianes ('Aïptâv6ç)667 Il constitua même une cavalerie légère (7tp6ipop.ot)66s qui comprenait les contingents des Péoniens (Iia(o scç) 6'9, et les escadrons des Sarissophores (Eeptaaotpdpot), armés de la sarisse et équipés à la façon des cosaques". Avec tous ces éléments d'origine différente, Philippe se fit une armée d'environ trente mille hommes, la plus fortement organisée qu'on eût vue jusqu'alors en Grèce67'. Il la tenait en haleine par de fréquents exercices'''. Il doublait ses moyens d'action en créant une artillerie de campagne et un corps d'ingénieurs673. Il imposait à tous une sévère discipline, fondée sur une savante gradation des punitions et des récompenses674. Enfin il donnait plus de mobilité à ses troupes en simplifiant le bagage, qui avait souvent paralysé tant d'armées grecques, en interdisant même aux officiers l'usage des chars, en n'accordant qu'un valet par cavalier, et tin seul par un groupe de dix fantassinsse' Toute cette organisation militaire trahit l'influence des idées d'Iphicrate et d'Épaminondas ; et les apparentes innovations ne sont ici le plus souvent que des ressouvenirs ou d'habiles perfectionnements. Comme Iphicrate, Philippe, en dehors de l'armée nationale, voulut avoir toujours sous la main une armée permanente composée de mercenaires. Comme Iphicrate encore, il s'attacha à augmenter la rapidité des marches et des manoeuvres, en constituant de nombreux corps de troupes légères, infanterie et cavalerie. Quant aux deux agêma et I. la compagnie des le aXtxol otefi6ç, la première idée en a été fournie sans doute par le souvenir du bataillon Sacré de Thèbes. Enfin, pour l'importance donnée à la cavalerie, pour l'organisation de la phalange et pour la tactique, Philippe s'est évidemment inspiré des traditions d'Épaminondas. La phalange proprement dite des Macédoniens (il Maxeôovtxr] yciXf y) a été créée par Philippe 676. Elle se distinguait surtout de la phalange thébaine en ce qu'elle était mieux armée, et souvent encore plus profonde. Elle était formée par la grosse infanterie des pézétaires. L'effectif variait de dix mille à vingt mille hommes ; il était généralement de seize mille. En ce cas, les soldats étaient ordinairement rangés sur un front de mille hommes et une profondeur de seize; mais fréquemment l'on diminuait le front pour augmenter le nombre des rangs. Tous les hommes qui composaient la phalange étaient armés de la sarisse. Ils constituaient le centre de la ligne de bataille. A droite et à gauche se déployaient les compagnies d'hypaspistes. A l'extrémité des deux ailes étaient placées la cavalerie et les troupes légères proprement dites, acontistes, archers et frondeurs 677 Philippe réussit à augmenter la force d'impulsion et la solidité de l'armée, en développant beaucoup l'infanterie légère, en créant une véritable cavalerie légère et une artillerie de campagne, en réduisant le bagage et le service du train, surtout en assurant à l'offensive le plus solide des points d'appui par l'institution de la phalange679; cette phalange macédonienne, soutenue à droite et à gauche par de nombreux bataillons plus mobiles, servit, pendant deux siècles, de modèle à toutes les armées d'Orient : c'est le plus puissant organisme militaire qu'ait connu le monde antique avant la constitution définitive de la légion romaine., Pour l'étude des armées d'Aiexandre,ii faut distinguer nettement deux périodes. La première, qui va de l'avènement de ce prince à la mort de Darius (336-330), ne nous présentera presque rien de nouveau : pendant ces années si bien remplies, le jeune conquérant n'a fait que se servir, avec une incomparable énergie, de l'instrument préparé par son père. Au contraire, la seconde partie du règne (330-323) sera féconde en innovations : nous verrons les troupes macédoniennes se transformer par l'importance croissante des contingents asiatiques et par de nombreux emprunts à l'Orient. L'armée qu'Alexandre conduisit à la conquête de l'Asie n'était autre que l'armée de Philippe, à peine accrue et complétée en quelques détails. Nous n'avons donc pas à en décrire ici l'organisation. Il nous suffira d'en indiquer, autant que nous les pouvons connaître, l'effectif et les cadres. Pour assurer la tranquillité de ses États et tenir la Grèce en échec, le roi laissa en Macédoine, sous les ordres d'Antipater, une troupe d'environ douze mille fantassins et quinze cents cavaliers679. L'armée conquérante qui, au printemps de 334, franchit l'Hellespont et qui, en trois ans, renversa l'empire perse, paraît s'être composée de trente mille fantassins, et de quatre mille à cinq mille cavaliers680. Au cours de la campagne, elle se grossit de divers contingents envoyés d'Europe ou levés en Asie681. Bien qu'elle eût laissé des détachements et des garnisons en Carie, en Lydie, en Égypte, et sans doute dans la plupart des provinces conquisesfi82, elle put mettre en ligne, sur le champ de bataille d'Arbèle, quarante mille hommes d'infanterie et sept mille cavaliers 683 Voici le relevé des divers corps qui, jusque vers l'année 330, formèrent l'armée d'Alexandre. L'état-major et la maison du roi comprenaient : I° Les "E'rxtpo;, au sens restreint du mot, C'étaient une trentaine d'officiers hors cadre, la plupart macédoniens, quelques-uns originaires de Thessalie ou de Grèce, à qui le roi confiait différentes missions spéciales, militaires ou diplomatiques, le commandement d'une troupe auxiliaire ou d'une place forte, une ambassade, le gouvernement d'une province 060 2° Les Eo wgaiecs pûXx coç ou gardes du corps. Ils étaient au nombre de sept ou huit, tous choisis parmi les "E-1tp01. C'étaient, en réalité, les commandants de corps d'armée. Mais, de plus, chacun d'eux, à tour de rôle et pendant un jour, était de service auprès du roi. S'ils venaient à. être chargés de quelque commandement lointain, ils étaient immédiatement remplacés, dans le groupe des Etni.x'ropG)axEç, par un autre officier général66s 3° Les deux 'Arip.aia, corps d'élite, l'un de cavalerie, l'autre d'infanterie, qui constituaient la garde royale'''. 4° Le bataillon des Baot),txoi aa?IEÇ ou Enfants royaux. garde particulière du roi et pépinière d'officiers, qui se recrutait surtout parmi les jeunes gens des familles nobles G97. Voici maintenant la composition de l'infanterie : 1° Les Ils,retlpol, ou la grosse infanterie nationale. Elle formait six irx Etç, commandées par des tiet ète ot. Chaque tiâçtç, d'un effectif moyen de mille hommes, renfermait plusieurs ndxol, dirigés par des ).oxayoi. Le )dxoç se subdivisait en pelotons de dix hommes, qu'on appelait 2° Les 'T7ea677;6Ta(, la seconde infanterie créée par Philippe, entièrement composée de Macédoniens, mais plus légèrement armée que celle des pézétaires. Le corps des hypaspistes comprenait, outre ou compagnie d'élite, plusieurs bataillons de mille hommes yt)ta.pxat, que comrnandaient des xt),(aoxot680 3° Des EuN.ps.x 6I 7LECo(, ou alliés grecs, enrôlés en vertu des décrets panhelléniques qui avaient nommé Philippe et Alexandre généralissimes pour la guerre contre les Perses. Dans cette troupe sont nommés particulièrement les Péloponésiens et les Argiens. Les contingents de chaque cité avaient pour chefs des officiers spéciaux, leurs compatriotes (31ycµÔVEi tc;iv vu)Lp.âxtnv). Tous ensemble constituaient une seule division ('7«; ,), commandée par un Macédonien690. 4° Les Mie0otpdpot ioo;, appelés aussi "Ea),7prEç gxtaOoq dpot. Ces mercenaires, au nombre de cinq mille à six EXE 908 -EXE mille étaient, pour la plupart, des Péloponésiens, surtout des Achéens. Ils étaient équipés sans doute en pelta.stes et avaient leurs chefs particuliers (fyyEN.dveç Twv f,ta60tpdpe v çÉvwv 691) 5e Les OpixEç ou 'AxovTtaTa(, compagnie de lanceurs de javelots, que commandait leur compatriote Sitalcès. On ne peut dire s'ils servaient en qualité de mercenaires ou de sujets682. 6° Les To;Tat ou archers, les uns macédoniens, les autres crétois. Ils formaient plusieurs bataillons de mille hommes (xt),tapÉat), sous la direction d'un errpaTriydç et de T651p-et''' 7° Les 'AyptivEç, armés de l'arc ou du javelot, mentionnés le plus souvent avec les To dTat 69s. 8° Les EpovIov iTat ou frondeurs 695. La cavalerie d'Alexandre comprenait les corps suivants : Les °ETatpot, ou la grosse cavalerie macédonienne, composée de 1'1y7w,a et de sept Psat, que commandaient des iXapxat. L'effectif de chaque ) était sans doute de cent cinquante hommes, ce qui donne un total de douze cents hétaires. L'ensemble des escadrons était placé sous les ordres d'un hipparque 696 2° Les OEaaa),ol i7r7rEïç, qu'Alexandre avait enrôlés en sa qualité de stratège de la confédération thessalienne. Chaque cité ou territoire de la région avait fourni une UAai; le contingent le plus considérable était l'escadron de Pharsale. Toute la cavalerie thessalienne avait pour commandant un Macédonien 697. 3° Les `Irriretç abN.uaxot, cavaliers grecs qui avaient suivi Alexandre en vertu du traité d'alliance. La plupart des cités de la Grèce propre avaient fourni leurs contingents : nous connaissons ceux des Péloponésiens, des Phthiotes, des Maliens, des Locriens, des Phocidiens, de l'Achaïe et d'Élis, de Thespies et d'Orchomène en Béotie. Les cavaliers de chaque ville étaient commandés par un de leurs compatriotes (iXapxoç). Mais un Macédonien dirigeait l'ensemble des contingents alliés 608. 4° Les Mtaiopdpot 17r7teïç, mercenaires à cheval, recrutés surtout en Thrace 699. 5° Les Eapteaotpdpot, cavalerie légère, armée de la sarisse. Ils formaient plusieurs D,at, et étaient surtout employés, comme les Péoniens, pour le service d'éclaireurs (7rp66pou.ot) 700. 6° Les IIa(ovEç, cavaliers péoniens légèrement équipés. Ils sont le plus souvent mentionnés avec les sarissophores 701. Aux troupes de combattants s'ajoutaient différents services auxiliaires : i° Le train (axsuocpdpa); chaque division emmenait avec elle son bagage, limité d'après les règlements mis en vigueur par Philippe. Le service du train comprenait des chars (âla.a;at), des bêtes de somme (ûiroUyta), des valets d'armée (Û7CTIpETat), et sans doute une compagnie 691 Arrian. 1, 24, 2; II, 9, 3-4; 1 0 , 2 ; 20, 5 ; III, 5,1; 6, 8 ; 9, 3 ; 12, 2 ; Diod. XVII, 57, 3. 692 Arrian. I, 27, 8 ; Il, 9 , 3 ; 1 1 1 , 9 2 , 3 ; 13, 5. 693 Ib. I, 8, 4; 22, 7; 28, 4; 28, 8; II, 9, 3-5; III, 5, 6; 12, 2; IV, 24, 10; V, 14, 1; 23,7; Diod. XVII, 57. 694 Arrian. 1, 14,1; II, 9, 2; IV, 24. 10; 25, 6; 30, 6; V, 23, 7 ; Polyb. Vlll, 79, 6; Q. Curt. V, 3, 6. 695 Arrian. IV, 4, 5; 12, 2; 30, 1; Q. Curt. III, 3, 9. 696 Arrian. 1, 2, 5; 12, 7; 24, 3; II, 2, 3; 9, 3-4; III, 9, 3-6; Diod. XVII, 57. 691 Arrian. I, 11. 3 ; 17, 7; 24, 3; 25, 2 ; II, 8, 9 ; 9, 1 ; III, 11, 10 ; 11, 20; 19, 5. 698 Ib. I, 15, 3; 22, 4; II, 8, 9; 9, 1 ; III, 6, 6; 1 t, 10; 19, 6 ; Diod. XVII, 57; 693 Arrian. 1 1 1 , 5 , 8 ; 12, 3-5; 20, 1 ; 25, 4; IV, 3, 7; 4, 6. 700 lb. I, 12, 7; 14, 6; 1I, 9, 2 ; III, 7 , 7 ; 8 , 1 ;1 2 ,3;4 ,6 . 701 Ib. II, 9, 2; Ili, 12, 3 ; Q. Curt. spéciale de axeussdpot. L'ensemble est désigné par ces mots : izua at Xat exeuo dpa Xal b x),),.oç ïii; oç 702. 2° Le génie militaire, composé surtout de Thraces, sans doute appelé xEtpot sot comme dans l'armée spartiate. Les pionniers thraces d'Alexandre construisaient des routes, des ponts de bateaux, etc. 703 3° L'artillerie de campagne et de siège (1.7ixaocd), sous la direction de ,unlyavr7roto( ou officiers-ingénieurs 764 4° Le service des approvisionnements, pour les hommes (in sSEta) et pour les bêtes (xtAbç Toïç ï7r7rotç). Autant que possible, l'armée s'approvisionnait dans le pays où elle se trouvait, par des achats ou des réquisitions ; dans certains cas, l'on devait faire des réserves, quelquefois pour plusieurs mois. Ordinairement, un officier général était chargé de ce service ; il se faisait aider par les gouverneurs macédoniens ou les satrapes; et toujours des détachements de troupes escortaient les convois'''. 5° L'administration du trésor (Tb xotvdv). Nous n'en connaissons pas l'organisation. Mais le trésor de l'armée était certainement très riche. Il était alimenté surtout par les contributions de guerre ; et Alexandre y fit verser une partie des trésors trouvés dans les capitales de l'empire perse. Il servait surtout au payement de la solde (µcaOdç) et des frais de subsistances (a;Tr,piatov). Suivant l'arme, et suivant les époques, chaque soldat recevait de cinq à seize statères par mois. Nous savons qu'en 330, avant de licencier les contingents grecs et thessaliens, le roi leur fit verser régulièrement le montant de la solde promise et y joignit même une gratification 706 6° Les ambulances ((iaat),txii 00pa77E(a), dirigées par des officiers spéciaux qu'assistaient des médecins. Diodore mentionne l'envoi de tpâpi.axa iaTetx«707. 7° Le service des dépêches. Alexandre utilisa et réorganisa ce service, qui existait déjà dans l'empire perse. Pour transmettre ses ordres en Macédoine, pour rester en communication avec les gouverneurs de provinces ou les commandants de colonnes détachées, il employait une chaîne de signaux optiques (7rupaoO, ou des courriers (p;6),tacpdpot). Les nouvelles et les ordres traversaient l'empire avec une grande rapidité 708. Pendant cette longue campagne d'Asie, l'armée macédonienne eût fondu peu à peu, si l'on n'avait pris soin d'en renouveler les cadres et d'entretenir les effectifs au complet. D'abord, elle perdait nécessairement beaucoup d'hommes dans les marches et lesbatailles703. Puis, tout le long de la route, en Asie Mineure, en Syrie, en Égypte, il avait fallu laisser de nombreuses garnisons et divers détachements, pour assurer les communications avec la Macédoine790. Enfin le roi avait dû accorder beaucoup de congés : des congés temporaires, dans l'hiver de 334 à 333, aux nouveaux mariés"1'; des congés illimités aux hommes hors de service, blessés, malades ou trop âgés (àle€p.ot)9i2; même, à. Ecbatane, un congé définitif aux contingents grecs et thessaliens qui, sous bonne escorte, IV, 12, 22. 703 Arrian. 1, 24, 3; III, 9, 1 ; 23, 2; IV, 19, 1. 703 lb. I, 26, 1: IV, 30, 7; V, 7, 1.704 lb. I, 6, 8; 19, 2; 20, 6; 22, 2; 23, 6; II, 18, 6; 26, 3; 27, 4; IV, 2, 3; 3, 1; 4, 2; 25, 6; 29, 7; V, 24; Indic. 24. 705 Arrian. III. 7, 3; 20, 4; 28, 4;V. 9, 1 sqq.; 21, 1; 21, 4; VI, 20, 5; 23, 4 sqq.; 27, 1. 706 lb. III, 19, 5; VII, 23, 3; Diod. XVII, 64 et 74; Q. Curt. V, 1, 45; cf. H. IV, 16,6; Diod. XVII, 95. 703 Aristot. De mundo, p. 195; Diod. XIX, 57, 5; Arrian. III, 6, 3; 16, 10; Q. Curt. VII, 4, 32; Justin. XII, 1, 4. -709 Arrian. 1, 20, 10 ; VI, 24,5; cf. H. Droysen, Untersuch. p. 77. 710 Arrian.l, 17, 7; 23, 6 ; III, 5, 3 sqq. ; 16, 9 ; 19, 7 ; 25, 2 ; 29, 1 ; IV, 22, 3. 711 Ib. 1, 24, 1. 712 Ib. H, 29, 5; VI, 17, 3; VII, 12, 1; Diod. XVII, 111. EXE 909 EXE furent reconduits jusqu'à la côte1f3 Pourtant en 330, l'armée était plus forte que jamais. Antipater présidait en Macédoine au recrutement régulier (xaT1aoy-r1) de la population; de plus, Alexandre faisait lever des mercenaires dans le Péloponèse, en Illyrie et en Thrace, et il usait de ses droits de généralissime pour exiger des Thessaliens et des Grecs de nouveaux contingents; en Asie même, on fit plusieurs fois des levées de troupes 714. Nous connaissons quelques-uns des renforts qui vinrent grossir l'armée conquérante. En Phrygie, elle fut rejointe par des Macédoniens, des Thessaliens, des Éléens, et sans doute d'autres Hellènes, puis par des mercenaires péloponésiens, des Cariens, des Lydiens7 . En Égypte, Alexandre reçut d'Antipater quatre cents mercenaires grecs et cinq cents cavaliers thraces 716. A Suse, après la bataille d'Arbèle, Amyntas arriva avec des mercenaires et de nouveaux contingents macédoniens717. Nous connaissons mal le service en campagne. D'ailleurs, dans la conduite de l'armée, Alexandre paraît n'avoir rien changé aux traditions helléniques adoptées par Philippe. Le camp (a,cpœ-rd c 0V), très rarement défendu par un fossé ('topos) et une palissade (x«p«)7'e, était tracé à la mode grecque ; et la sécurité des troupes était assurée par le même système de veilles (pu),axil), de postes et d'avant-postes (itpocpé),axEs)719 : le seul fait nouveau est l'institution de quartiers-maîtres (aT«AµoôôT71s), chargés sans doute de régler la disposition du camp et la place de chaque division 720. Après la bataille d'Arbèle et la prise des capitales perses, surtout après la mort de Darius, Alexandre, devenu maître de l'Asie, sentit la nécessité de modifier la composition et l'organisation de son armée. Désormais, les contingents de Macédoine et de Grèce ne pouvaient suffire. D'ailleurs l'on considérait comme terminée la guerre contre les Perses; et dès l'année 330, à Ecbatane, Alexandre avait dfl licencier les troupes helléniques et thessaliennes721. Le recrutement devenait donc difficile, surtout à distance. Or, pour conserver et poursuivre ses conquêtes, pour soumettre l'Asie centrale, Alexandre avait plus que jamais besoin de soldats. Il s'en procura en appelant à lui tous les aventuriers et en enrôlant une partie de ses nouveaux sujets722 Par la force des choses, la présence de tous ces Asiatiques, même de ceux qu'on équipait à la grecque, changea quelque peu la physionomie de l'armée macédonienne. Elle devint à demiorientale, comme le roi lui-même". Depuis l'année 330, Alexandre reçut, à plusieurs reprises, des renforts de toute provenance : conscrits envoyés de Macédoine, contingents helléniques, illyriens ou thraces 724, mercenaires grecs728; Thessaliens et Hellènes congédiés à Ecbatane qui, pour rester à l'armée, s'engagèrent individuellement726; troupes de Cariens, de Lydiens, de Ciliciens, cavaliers barbares de l'Asie Centrale'''. Pour sa campagne de l'Inde, 713 Arrien. III, 19, 5-6; VI, 17, 3; Diod. XVII, 74; Q. Curt. VI, 2. 714 Arrian. 1, 24. 2. 715 Ib. I, 24, 1-2; 29, 4; II, 20, 5; Q. Curt. I1I, 1, 24; 7, 8; 9, 8; IV, 1, 35. 716 Arrian. III, 5, 1. 717 Ib. III, 16, 10-11; Diod. XVII, 65; Q. IV, 7, 2; 17, 3.4; 24, 1; Diod. XVII, 95; Q. Curt. V, 7, 12. 723 Arrian. VII, 6, 2 sqq.; Il, 2 sqq. 724 III, 16, 11; IV, 7, 2. 723 Ib. III, 20, 1; IV, 7, 2; 16, 6; V, 12, 1; Diod. XVII, 95. 726 Arrian. III, 19, 6; 25, 4; 29, 5; Diod. XVII, 74. 727 Arrian. IV, 7, 2; 17, 3.4 ; 24, 1 ; Q. Curt. V, 7, 12. 728 Arrian. Indic. 19; Plutarch. Alex. 66. 729 Arrian. Anab. III, 18, 5; 25, 6; IV, 22, 1; VI, 6, 1; cf. H. Droysen, Untersuch. p. 12-14. 730 Arrian. III, 16, 11. le roi put réunir jusqu'à cent vingt mille hommes 728. L'incorporation de tant de contingents hétéroclites eut pour conséquence de modifier profondément l'organisation militaire. A partir de cette époque, la grosse infanterie nationale des Macédoniens est presque méconnaissable : les six ,rx on de pézétaires disparaissent l'une après l'autre, tandis que sont mentionnées d'autres 'r« E;c en beaucoup plus grand nombre 729. La grosse cavalerie des hétaires se transforma complètement. Déjà, après la bataille d'Arbèles, chaque (ar avait été divisée en deux i,ôxot commandés par des ),oy«yot. 730 Dans les années suivantes, le corps des hétaires, placé sous les ordres de deux hipparquos, fut partagé en huit i7rnrapy(at, dont chacune comprenait plusieurs I),at; 1'71rl fut subdivisée elle-même en escadrons de cent cavaliers (ixaro 'ris) 731. Il est probable que, vers le même temps, fut augmenté aussi le nombre des iaat de sarissophores 732 et des hipparchies de mercenaires (17t7capy(at Tuv c ) 7 3 3 . 733 Mais l'innovation principale fut la création d'une cavalerie légère indigène, recrutée surtout dans l'Asie centrale ou orientale, en Bactriane, en Sogdiane, en Arachosie, en Paropamise, en Scythie, jusque dans l'Inde734. Désormais figurèrent dans les armées macédoniennes des corps nouveaux d'(7rnctxovTtaTa( (lanceurs de javelot à cheval) 738 et d'i7nroTtloTat (archers à cheval) 738. Le bagage devint plus considérable : aux chars et aux bêtes de somme ordinaires vinrent s'ajouter des chameaux (xs.o'Àot)737 et des éléphants (iXipav'Es) 738 ; la proportion des non combattants s'accrut beaucoup dans les colonnes expéditionnaires, où l'on vit de longues bandes de marchands phéniciens, même beaucoup de femmes et d'enfants 739. Même la guerre changea de caractère. On n'avait plus à combattre en rase campagne ; il s'agissait de poursuivre les dernières bandes ennemies, de dompter des peuplades à demi barbares, de garder les provinces lointaines. Aussi les troupes d'Alexandre, depuis la mort de Darius, ne furent plus concentrées en une seule armée, sous la main du roi. Elles formèrent plusieurs colonnes indépendantes, souvent fort éloignées les unes des autres, composées surtout de cavalerie et d'infanterie légère740. Même réunies pour une campagne commune, elles marchaient en colonnes distinctes, quelquefois à plusieurs journées l'une de l'autre : c'est ce que l'on observe dans l'expédition de l'Inde, à laquelle prirent part tous les contingents disponibles, tous ceux du moins que le roi put retirer des provinces sans cornpromettre leur sécurité". Pour ces guerres de sièges et de surprises, on abandonna les anciennes dispositions tactiques. Même sur le champ de bataille, la phalange ne joua plus qu'un rôle secondaire : les troupes légères à pied et à cheval engageaient l'action, et la grosse cavalerie décidait la fortune'''. Dans les deux dernières années de sa vie, Alexandre 7311b. 11I, 27, 4; IV, 4, 7; 23, 1; 24, 1; 27, 5; V, 11, 13; 12, 2; 16, 3; 21, 5; prépara et accomplit en partie une nouvelle transformation, plus profonde encore, de son armée. En revenant de l'Inde, à travers les montagnes et les déserts de Gédrosie, il avait perdu ou usé presque toutes ses troupes. Arrivé à Suse, en 324, il entreprit, d'après de nouveaux principes, l'ceuvre de réorganisation. Il fit venir des renforts de Macédoine'" et engagea encore des mercenaires?"". Mais, pour le recrutement de l'armée, il voulut tirer de l'Asie même les plus gros contingents : il enrôla ainsi vingt mille Perses740 et trente mille barbares des satrapies de l'Est?"6 sans compter les nombreuses recrues des satrapies de l'Ouest'''. Dans la grosse cavalerie des hétaires, maintenant divisée en cinq ixzapx(at et commandée par un 7dt(04pxaç, il mêla les Asiatiques aux Macédoniens; des barbares furent promus aux grades d'officiers, furent admis même dans l'agêma7". Le corps des hypaspistes fut remplacé par la troupe des 'Ac-(up tnrGsç, qui comprenait des bataillons de mille hommes(yt),tapy(at) et des compagnies de cinq cents hommes (7cEVTxxorstapx(at) 7"9. Des Perses furent enrôlés dans les TEL; de pézétaires7u0. Alexandre imagina même d'introduire des troupes légères dans la phalange. Les hommes y furent disposés sur seize rangs ; mais, seuls, les trois premiers rangs et le dernier étaient formés de Macédoniens armés de la sarisse ; les douze rangs intermédiaires comprenaient des archers ou des acontistes, presque tous des barbares. Si Alexandre ne put mener jusqu'au bout toutes les réformes qu'il méditait, il en traça du moins les grandes lignes. Et cette nouvelle organisation militaire, où se mêlaient les traditions de la Macédoine et celles des pays d'Orient, a servi de modèle, au moins en Asie, pour la plupart des armées de l'époque hellénistique. A la mort d'Alexandre commence une période de confusion extrême, dans l'histoire militaire comme dans l'histoire politique. Les prétendants et les ambitieux se préoccupèrent de constituer chacun une armée sur laquelle il plat compter'''. Nous n'avons point à étudier en détail toutes ces troupes qui, d'ailleurs, se ressemblent fort. Il nous suffira de dégager rapidement les principaux traits de l'organisation militaire à cette époque. Ce qui frappe tout d'abord, c'est l'importance numérique des armées en présence : Antigone, en Cilicie, met en ligne soixante-dix mille hommes ; pour sa campagne contre l'Égypte, quatre-vingt-dix mille; Démétrios commande à cent dix mille hommes; sur le champ de bataille d'Ipsos, on voit en face l'une de l'autre deux troupes de quatre-vingt mille hommes et de soixantequatorze mille; enfin le second Ptolémée en réunît jusqu'à deux cent quarante mille 7''. Si l'on étudie la composition de ces armées, on constate partout les mêmes faits. D'abord elles renferment peu de Macédoniens 708, elles sont formées surtout de mercenaires grecs ou asiatiques qui, parfois à eux seuls, constituent les deux tiers de l'effectif total?"; et elles s'ouvrent de plus en plus aux contingents orientaux, équipés les uns à la mode macédonienne, les autres suivant la coutume de leurs 762 Ib. XVII1, 50 XX. 73, 82; Plut. Demetr. 28, 43. 753 Diod. XVIII, 12, pays respectifs'''. On tenait d'ailleurs peu de compte de la nationalité; le plus souvent, c'étaient simplement la tenue et l'armement qui décidaient de l'enrôlement dans tel ou tel corps 756. Quant aux éléments mêmes de l'armée, la plupart nous sont déjà connus : ce sont des hétaires, des hypaspistes, des pézétaires, des argyraspides, des bataillons de aaGeç, des frondeurs, des archers et des acontistes à pied ou à cheval757. Nous avons à signaler seulement quelques nouveaux corps de cavalerie légère : les 'E7c(Xexrot, escadrons d'élite ; les EutcTOpcpot, ainsi appelés du nom de leur lance (çrunTdç) de forme spéciale ; les TapEVTïvot, une variété des acontistes à cheval, et les "Appt unrst, qui menaient en bride un cheval de réserve 708 [EQDITES]. Le changement le plus important est peut-être dans l'emploi de plus en plus fréquent des éléphants de guerre [ELEPHAS]. Après la bataille d'Ipsos, le monde macédonien coinm.ence à sortir du chaos. Outre quelques États secondaires, on voit se dessiner trois grands royaumes, ceux d'Égypte, de Syrie et de Macédoine. En ce qui concerne l'organisation militaire, les différents États qui sont nés du morcellement de l'empire d'Alexandre, forment deux groupes assez distincts: le groupe oriental ou asiatique, auquel il faut rattacher l'Égypte, et le groupe occidental ou européen, représenté surtout par la Macédoine. Les armées du groupe oriental se développent dans le sens des transformations inaugurées pendant les dernières années du règne d'Alexandre; c'est ce que l'on constate surtout dans l'organisation militaire de l'Égypte et de la Syrie. Les troupes égyptiennes, constituées par Ptolémée ter, appartenaient à trois catégories différentes. Il y avait d'abord une armée permanente : elle comprenait la garde royale, dite des « macédoniens », qui tenait garnison dans Alexandrie759, et des corps de mercenaires, péloponésiens, crétois, étoliens, thraces, galates, cantonnés soit à Alexandrie, soit dans les villes de l'intérieur760. En cas de besoin, on enrôlait les contingents indigènes, égyptiens et libyens qui, pour la plupart, étaient équipés en macédoniens 761. Enfin, il existait une sorte de réserve, formée par les membres des colonies militaires (xarotxlat). Alexandre et les Ptolémées avaient établi, dans la vallée du Nil, des groupes d'anciens soldats, Grecs, Macédoniens, Thraces, Galates, Juifs. Eux et leurs fils restaient toujours à la disposition du roi qui, en cas d'appel, faisait les frais de l'équipement et qui, même en temps de paix, semble leur avoir payé une solde. Dans chaque nome égyptien, ils formaient une ou plusieurs compagnies (anp.Eïxtj, que commandait un ilyop.t v ou un `17971axoç, assisté d'un êicrlpErnç pour la tenue des rôles'''. L'Égypte entière était divisée en trois grandes circonscriptions militaires : la Thébaïde, 1'Heptanomide et le Delta. Dans chacun de ces districts résidait un intendant général (ypaN.p.aTSUz T/iiv 3uv«p1.Et»v). Les troupes et les contingents disponibles de chaque nome étaient placés sous l'autorité ou la surveillance d'un arparnyoç, dont les bureaux étaient dirigés par un EXE 941 EXE âpiru7tr,ET'tiç et un ypayp.ncEilq 63. L'armée égyptienne atteignit souvent un effectif considérable, jusqu'à deux cent quarante mille hommes sous le second Ptolémée. Elle comprenait des corps très divers : deux agêma., l'un d'infanterie, l'autre de cavalerie; une phalange dite des « Macédoniens », et une autre d'Égyptiens; des Libyens armés de la sarisse, des colons militaires, des hypaspistes et des peltastes, des mercenaires et de nombreux éléphants 764 La Syrie, comme l'Égypte, était partagée en circonscriptions militaires, que commandaient des stratègesTf6 L'armée des Séleucides renfermait aussi des contingents d'origine et de physionomie très différentes : corps de troupes équipés à la façon des Macédoniens, mais recrutés un peu partout 786; indigènes en tenue nationale"' ; colons militaires (X5TOtxot) 7E8; hoplites et cavaliers fournis par les cités grecques 765. Le roi ordonnait des levées d'hommes; pendant la durée du service, il faisait payer à chaque soldat une solde et des frais de subsistances i7'. L'administration centrale de la guerre paraît avoir été installée dans la ville d'Apamée; mais la plus forte garnison était à Antioche'''. Rien de plus bigarré que les armées syriennes. En dehors de la phalange, des hypaspistes et des argyraspides, l'infanterie comptait des Agrianes, des mercenaires grecs, des Crétois, des archers et des frondeurs perses, des acontistes lydiens, des Mysiens, des Cariens, des Cappadociens, des Mèdes, des Thraces, des Caramaniens, des Ciliciens, des Galates, des Scythes, des Arabes ; la cavalerie se composait de l'aghas, des hétaires, des xystophores, des escadrons de kataphractes tout bardés de fer, des Tarentins, des archers à cheval originaires de Galatie ou de Scythie, des Arabes montés sur leurs dromadaires"2. Les contingents de barbares, presque tous légèrement équipés, formaient plus de la moitié de l'armée totale. En avant de la ligne de bataille, les Séleucides rangeaient non seulement des troupes d'éléphants, mais encore des chars à faux, renouvelés de ceux de Darius'''. Cette organisation militaire de la Syrie et de l'Égypte a été imitée, dans la mesure de leurs ressources, par les divers royaumes qui se sont succédé dans l'Asie Antérieure, depuis l'Arabie et l'Euphrate jusqu'à l'Euxin et au Bosphore. La plus puissante et la plus intéressante de toutes ces armées est celle que créa presque de toutes pièces Mithridate Eupator, roi de Pont. Il enrôla d'abord une foule de mercenaires, Grecs ou barbares, Crétois, Galates, Thraces, Celtes, Bastarnes, Scythes, SarmatesR7'. Puis il astreignit au service militaire tous ses sujets, anciens ou nouveaux, c'est-à-dire les populations du Pont, de la Paphlagonie, de la Tauride et du Bosphore cimmérien, de la Cappadoce, de l'Arménie et, à certains moments, de l'Asie Mineure presque entière "5. Dans les derniers temps, il eut même des compagnies nombreuses de transfuges italiensf7'. L'armée permanente, maintenue dans des garnisons ou exercée dans des camps retranchés, avait à elle seule un effectif considérable, qui se doublait encore ou se triplait en cas de guerre'''. En 88, Mithridate put entrer en campagne avec deux cent soixante mille fautas-sins, cinquante mille cavaliers et cent trente chars"' . L'infanterie comprenait des corps d'hoplites, d'abord armés de la sarisse et constitués sur le modèle de la phalange macédonienne, plus tard, de la légion romaine; des compagnies de Paphlagoniens, de Cappadociens, de Thraces, de Colques, de Mèdes, de Scythes, tous avec leurs costumes et leur armement indigène; des a.contistes, des archers, des frondeurs". La cavalerie, qui constitua souvent la force principale des armées de Mithridate, se composait surtout d'Arméniens, de Sarmates et de Scythes, équipés à la macédonienne ou en tenue nationale, les uns avec la longue lance et l'épée, les autres avec l'arc78°. Ajoutons à cela les chars à faux, l'artillerie de campagne et de siège, un énorme bagage, les files de mulets et de chameaux, et tous les non-combattants, pionniers, soldats du train, ordonnances des officiers, infirmiers, médecins, marchands78' et nous aurons une idée assez complète des armées de Mithridate. Comme on le voit, elles présentent les mêmes traits généraux que toutes les autres années de l'Asie hellénistique782. Dans la péninsule des Balkans, c'est-à-dire en Macédoine, en Thrace, en Épire et en Grèce, on était resté beaucoup plus fidèle à l'organisation primitive de l'armée macédonienne, telle que l'avait constituée Philippe et que l'avait laissée Alexandre jusqu'à la mort de Darius. Le faitest frappant, surtout au iW et au ue siècle, dans la Macédoine proprement dite. On y avait conserve les anciennes circonscriptions et les mêmes lois de recrutement. Les milices nationales, qui formaient toujours le gros de l'armée, et les populations tributaires de Thrace ou d'Illyrie, n'étaient appelées qu'en cas de guerre', Mais le roi disposait de quelques troupes permanentes les deux agêma d'infanterie et de cavalerie, et les mercenaires grecs, thraces, celtes et galates "h Pendant la durée de leur service, tous les hommes recevaient une solde régulière et des frais de subsistances 785. La dernière armée macédonienne, celle qui fut vaincue avec Persée, avait environ trente-neuf mille fantassins et quatre mille cavaliers, les Macédoniens constituant à peu près les deux tiers de l'effectif total. L'infanterie comprenait la phalange des pézétaires, des corps de peltastes ou d'hypaspistes, de chalcaspides, des compagnies légères d'Illyriens, d'Agrianes, de Péoniens, de Thraces, d'Odryses, de Galates, de frondeurs achéens ou créma, tois; dans la cavalerie figuraient les hétaires, les escadrons thessaliens, des contingents grecs et des merce naires7 0. En somme, l'armée macédonienne, telle que nous pouvons l'étudier à la fin du m' siècle ou au commencement du second, ne différait que par quelques détails secondaires de celle de Philippe II. Les voisins ou les ennemis de la Macédoine, qui avaient souvent éprouvé à leurs dépens la force de son organisation militaire, furent naturellement amenés à l'imiter. Cléomène à Sparte 787, puis Philopoemen en Achaïe"', pour l'armement et la disposition de leurs troupes, prirent modèle sur la phalange macédonienne. Athènes même suivit cet exemple, si l'on juge de l'ensemble de ses troupes par les cadres de sa cavalerie au IIe siècle avant notre ère 789 L'armée de Pyrrhus, roi d'Épire, présente un intérêt tout particulier, à cause de l'influence qu'elle a exercée sur l'art militaire des Romains. En ses éléments, elle était conforme aux traditions d'Alexandre et de ses successeurs. Elle renfermait des contingents épirotes et macédoniens 79°, des alliés grecs et thessaliens "e4, des mercenaires étoliens, acarnaniens, athamanes792, sans doute aussi des Galatesu0. Elle se grossit, en Italie, d'auxiliaires tarentins, 1ucaniens,messapiens, samnites79'. L'état-major du roi comprenait des gardes du corps (atqi.ceroipûaaxtç) X95, et un agêma de cavalerie ((iaatatxrl it-t)796. L'infanterie se composait d'hypaspistes797, d'archers et de frondeurs 798, surtout de la phalange, où combattaient côte à côte des Macédoniens et des Épirotes armés de la sarisse 799. Dans la cavalerie on ne mentionne guère que les hétaires800, et les contingents thessaliens 801 Avant de s'embarquer pour l'Italie, Pyrrhus avait envoyé à Tarente trois mille hommes. Lui-même arriva bientôt avec vingt mille fantassins, deux mille archers, cinq cents frondeurs, trois mille cavaliers, vingt éléphants804. Plus tard, il reçut de Ptolémée Kéraunos un renfort de cinq mille fantassins, quatre mille cavaliers et cinquante éléphants B0'. Et il enrôla, de gré ou de force, tant d'Italiens, qu'à la bataille d'Asculum il mit en ligne soixante-dix mille hommes 894 Placé en face d'un ennemi nouveau qui, par son armement et sa méthode de combat, différait beaucoup des Grecs comme des barbares d'Orient, Pyrrhus fut amené par les nécessités de la lutte à rompre sur quelques points avec les traditions hellénistiquese95 D'abord, au lieu d'engager l'action avec les éléphants, il en forma une réserve qui, au fort de la bataille, devait intervenir pour jeter l'épouvante dans les rangs de l'ennemi. Puis, au lieu d'attaquer avec une des ailes, comme c'était la coutume en Grèce depuis Épaminondas et Alexandre, il se servit, pour l'offensive, de la phalange. Pour cela, il arma du PILUM une partie de ses troupes, sans doute les Italhotes ; et dans la phalange il disposa alternativement un manipule d'Italiens (a't ua(a) et une division de la phalange épirote (aaEipa (paaayyt2txr)) 806. Cette phalange hétérogène de Pyrrhus rappelle la phalange mixte imaginée par Alexandre à Suse en 324; et elle annonce l'organisation complexe de la légion romaine. En effet, si Pyrrhus, pour lutter avec avantage contre les Romains, avait dû modifier quelque peu la stratégie hellénistique, il est probable que les Romains lui empruntèrent bien plus encore. Cette armée de Pyrrhus a dû jouer un rôle considérable dans l'histoire de l'art militaire. Quand les Romains entreprirent leurs campagnes d'Orient, contre Antiochus, contre Persée ou contre la ligue achéenne, leur légion était solidement constituée au moins dans ses traits essentiels : ils n'ont donc alors presque rien emprunté à leurs adversaires. Au contraire, à l'époque de la guerre contre Pyrrhus, Rome ne s'était point encore montrée hors de l'Italie : elle n'était point organisée pour la conquête. Vaincue par le roi d'Épire, elle profita de la leçon et s'inspira de son exemple pour la constitution définitive de la légion. C'est donc par Pyrrhus que l'art militaire des Grecs et des Macédoniens a été révélé aux Romains, les vrais héritiers de Sparte, d'Épaminondas et d'Alexandre807. II. ROME. Les Romains ne concevaient pas, à l'origine, une armée distincte de la société civile ; pour eux, tout citoyen était soldat et nul ne pouvait être soldat qui n'était pas citoyen : le service militaire n'était point une profession, mais un devoir. Aussi la constitution de l'armée primitive de Rome ne différait-elle en aucune façon de celle de la société civile; et comme l'organisation de celle-ci était modelée sur celle du patriciat qui y dominait, le patriciat avait aussi servi de type pour l'organisation de celle-là. La conséquence d'un tel état de choses est que le jour où une révolution fut dirigée contre les patriciens, elle eut nécessairement un contre-coup sur l'organisation militaire de la cité. C'est ce qui se produisit avec le roi Servius Tullius, à qui les historiens s'accordent pour attribuer des réformes importantes; il créa une armée où les rangs ne furent plus marqués par la naissance mais par la richesse, en même temps que l'aristocratie de fortune prenait place à côté de l'aristocratie de caste ; la révolution de 510, qui fut une revanche du patricien dans l'ordre politique, ne modifia en rien l'organisation de l'armée, telle que l'avait conçue le roi Servius; celle-ci subsista sans modifications essentielles jusqu'à Marius. Avec ce général, les prolétaires pénètrent dans l'armée, dont ils avaient été écartés jusqu'alors; toutes les distinctions antérieures, qu'elles fussent fondées sur la naissance ou sur la fortune, disparaissent d'un seul coup : tous reçoivent le droit de servir l'État les armes à la main ; l'armée devient un corps entièrement démocratique. En même temps, Marius introduisait une autre innovation : il créait l'engagement volontaire. Dès lors on fut soldat, non plus parce qu'on devait l'être et qu'il n'était pas possible qu'on ne le fût point, mais parce qu'on le souhaitait et qu'on espérait trouver, dans le métier des armes, un profit matériel. On a qualifié depuis longtemps cette EXE -913EXE période de l'armée romaine par les mots de « période des armées mercenaires ». C'est la fin du régime militaire républicain, le début de celui que l'empire trouva tout organisé et qu'il conserva. La reconnaissance seule lui en aurait fait un devoir; car c'est lui qui l'avait créé. En effet, par cela même qu'elles n'étaient plus composées que de mercenaires, les armées de la fin de la république étaient à la disposition absolue de celui qui les payait soit en argent, soit en butin; il y avait là pour les ambitieux une tentation à laquelle il n'était que trop aisé de succomber; et, de fait, le jour où il se trouva un général assez puissant et assez habile pour imposer sa volonté par les armes, d'une façon durable, l'empire fut fondé sur les ruines de l'oligarchie. Avec l'empereur Auguste commence pour l'armée romaine une nouvelle période. Pendant toute la durée de la république, le service des soldats n'était pas permanent; une fois la campagne achevée, chaque homme redevenait simple citoyen jusqu'à la campagne suivante. Mais un pareil régime ne pouvait guère être appliqué quand les expéditions entraînaient les soldats par delà les mers et duraient plusieurs années de suite; aussi fut-on amené, tout en sauvegardant en théorie le principe, à le violer dans la réalité. Quand la composition de l'armée eut été modifiée et que les citoyens firent place aux mercenaires, il devint très facile de les maintenir sous les drapeaux, tant que l'on avait besoin d'eux ; on les faisait passer d'une contrée dans l'autre, suivant les nécessités de la guerre, mais c'étaient toujours, somme toute, les mêmes soldats, et le service pour eux était a peu près permanent; ils se prêtaient volontiers à une combinaison qui augmentait leurs profits en leur offrant de nouvelles occasions de butin. On concevrait, au reste, difficilement l'occupation de provinces éloignées avec le renouvellement perpétuel des effectifs chargés de les garder. Aussi, quand Auguste organisa l'empire, son premier soin fut-il de décider la permanence de l'armée. En même temps, il la divisa en un certain nombre de corps répartis dans les différentes provinces du monde romain. Cette seconde mesure, indispensable pour la bonne organisation de la défense, était grosse de dangers, comme on le vit dans la suite. En effet, tout alla bien tant que les Italiens continuèrent à peupler les légions et à maintenir dans les diverses armées une certaine unité d'origine et de tendances. Mais lorsque, après Vespasien et surtout après Hadrien, l'un des grands réformateurs des choses militaires, il fut établi que chaque corps d'armée suffirait à son propre recrutement, il ne tarda pas à se former autant d'armées que de provinces, ayant chacune des aspirations et des prétentions égales et qui n'hésitaient pas à se détacher du pouvoir central. pour y donner satisfaction; elles étaient d'ailleurs réparties en deux grands groupes, celui d'Orient et d'Occident. La fusion de tous les pays du monde en un seul tout, qui avait été l'oeuvre de l'armée républicaine, fut donc assez vite compromise par l'armée de l'empire. Les changements que Septime Sévère apporta dans les institutions militaires, ne furent pas non plus pour consolider l'État romain. Grâce aux facilités qu'il accorda aux légionnaires, ceux-ci se déshabituèrent peu à peu du service aux frontières et le laissèrent aux auxiliaires, c'est-à-dire aux populations moins civilisées; bientôt même on imagina de donner des terres aux barbares le long du limes imperii afin de se décharger sur eux de la protection des provinces. De là le régime en vigueur après Constantin : à cette époque la vraie armée est, presque partout, répartie dans l'intérieur des provinces et l'on ne fait appel à elle que dans les cas graves; la défense journalière de l'empire est, sauf sur quelques points, entre les mains de barbares-colons installés à la frontière, et de leurs voisins, les fédérés. Ce n'est point à des troupes de cette sorte que l'on pouvait demander de résister aux invasions chaque jour plus menaçantes de populations guerrières, avec lesquelles elles avaient plutôt intérêt à pactiser. L'histoire de l'armée romaine et l'étude de son organisation peuvent donc se diviser en plusieurs grandes périodes, qui devraient se subdiviser elles-mêmes en plusieurs autres, si l'on avait à sa disposition un nombre suffisant de documents pour le faire avec quelque succès : la période antérieure à Servius Tullius; la période républicaine jusqu'à Marius ; la période postérieure à Marins jusqu'à Auguste; la période impériale jusqu'à Dioclétien; et la période post-dioclétienne. Nous étudierons successivement la constitution de l'armée romaine à chacune de ces époques; puis nous examinerons son organisation et son administration, en signalant les différentes réformes apportées à l'une et à l'autre aux différents âges de l'État romain. mitive. On dit que l'armée de Romulus était composée de trois cents cavaliers et de trois mille fantassins, chacune des tribus entre lesquelles se partageaient la cité formant le tiers de cet effectif et les trente curies constituant trente compagnies 808. Cette armée aurait été portée ensuite à un chiffre supérieur de cavaliers d'abord, puis de fantassins Bos 2° De Servius Tullius â Marius. L'armée créée par Servius Tullius comprenait tous les citoyens jouissant des droits politiques [LOCUPLETES] jusqu'à soixante ans'to à l'exception de ceux qui sont dispensés pour des raisons spéciales [vACATIO MILITIAE]. Ils se divisaient d'après leur âge en deux catégories : les juniores 81 et les seniores 812 ; ceux-là formant l'armée active et astreints au service en campagne, ceux-ci constituant l'armée de réserve (legiones urbanae) 810. Les plus fortunés seuls faisaient partie de la cavalerie [EQUITES] ; les autres de l'infanterie. Dans celle-ci même on distinguait plusieurs catégories qui se différenciaient par leur armement comme par la place qu'ils occupaient dans le combat. L'ordre de bataille de l'armée servienne rappelait celui de la phalange macédonienne, dont il a été question plus haut, avec quelque développement 814 [PHALANx]. En dehors des troupes destinées au combat, des cent quatre 115 EXE -914EXE vingt-huit literies d'hommes armés [CENTURIA,, l'infan l ite e, n nq autres centuries d'hommes non arme -e.r à des services spéciaux : deux centuries mers [FABII, une de musiciens [couac], une de que de Camille vit se produire une réforme mita,ire importante; elle se traduisit par l'établissement d'une solde pour la cavalerie comme pour l'infanterie I.PENDit .tl], par des modifications dans l'armement, nécessitées par les guerres contre les Gaulois emploi du casque en métal [GALEA], blindage du bouclier [CLIPEOS, et par l'introduction dela disposition manipulaire dans la légion [LECio]; le manipule devint dès lors, et resta jusqu'à Marius, l'unité tactique 870 A côté des légions qui formaient sinon le seul élément du moins l'élément le plus solide de l'armée romaine, il faut citer, pour cette période, les contingents fournis par les sneli. Uri traité conclu par Sp. Cassius, en 261 de Rome, obligeais: les Romains et les Latins à réunir leurs troupes pour former l'armée alliée: le commandement devait être exercé alternativement par un représentant de chacun des contractants818, mais les Latins perdirent ce privilège en 416, à la suite de la guerre Latine, et dès lors ceux d'entre eux qui n'appartenaient pas à un municipe indépendant, servirent dans les légions romaines; les autres. qu'ils fussent citoyens de cités fédérées ou de colonies latines, constituaient des corps particuliers 611 dont l'importance était fixée chaque année [socu] 8". On choisissait lut tiers de la cavalerie et un cinquième de l'infanterie pour en former un corps d'élite [EXTRAORDI's (;r5i1. Ces contingents allies ne constituaient en aucurie façon des corps indépendants, mais étaient partie intégrante de l'armée romaine dont ils formaient les ailes [ ALA1. De phis, le jour où la guerre fut transportée hors de l'Italie, on n'hésita pas, pour grossir l'armée romaine, à faire appel à des troupes locales fournies par les pays mêmes où se passait l'action [AuxILIA]. Enfin, le général avait soin de s'entourer d'une troupe d'élite formée de fantassins et de cavaliers, et recrutée, soit parmi les citoyens romains, soit parmi les alliés, soit des deux côtés à la fois ; on la nommait eohors praetoria et9 Tous ces éléments mélangés constituaient en temps ordinaire un total de troupes assez élevé et pouvaient, à un marnent donné, fournir à l'État des armées considér°ables. Du temps de Polybe, on levait chaque année quatre légions nouvelles S36 [entre dix-huit et vingt-quatre mille hommes) 321 qui constituaient deux corps d'armée consulaires; si l'effectif de ces nouvelles légions suffisait, on licenciait celles qui avaient été formées l'année précédente; si, au contraire, les besoins militaires étaient plus grands, on les maintenait sous les drapeaux. C'est ainsi que pendant la deuxième guerre Punique, on conserva dix-huit'", vines'', vingt et une8' et jusqu'à vingt-trois légions 8a'. Le nombre des socii était sapé rieur à celui des troupes de Rame820. Polybe dit que l'infanterie des alliés était à peu près égale à celle des légions, mais que leur cavalerie était trois fois plus forte. Il en résulterait que pour une armée de quatre légions, et y compris les exira.ordinarii, il faudrait compter seize mille huit cents fantassins alliés et trois mille six cents cavaliers. Mais Marquardt a prouvé que les assertions de Polybe ne sont qu'approximatives et il a admis, à bon droit, ce semble, qu'en fait l'effectif des troupes fournies par les alliés, était au moins deux fois plus élevé que celui des troupes de Rome 827. Il arappelé, à ce sujet, un renseignement important qui nous est parvenu par l'annaliste Fabius, d'après des documents officiels : c'est le relevé des forces dont les Romains disposaient en l'an 529 de Rome 876. On peut en dresser le tableau suivant: Ce qui donne un total de soixante et onze mille six cents hommes d'armée active, + cinquante-trois mille cinq cents hommes de réserve, -;quatre-vingt-quatorze mille alliés supplémentaires + cinq cent cinquante-huit mille disponibles 777100 hommes. On comprend qu'avec de telles ressources les Romains aient pu faire face à toutes les entreprises guerrières de l'époque républicaine. L'ordre de marche (agmen) et l'ordre de bataille (actes) de l'armée romaine, à cette époque et postérieurement, ont été étudiés dans des articles spéciaux [AGMEN, AcIES]. 3e De Marius à Auguste. L'abaissement du chiffre minimum du cens, qui s'était déjà produit avant l'époque de Polybe [CENSVS], avait préparé les voies à la réforme de Marius. Sous celui-ci, il fut établi que la fortune ne serait plus la base du recrutement et que les ce pile censi pouvaient être admis dans les légions e3° ; ils les remplirent bientôt complètement, attirés par l'appât de la solde et du butin 831. En même temps, la tex Julia de l'an 664 de Rorne ayant conféré à tous les alliés italiens le droit de cité romaine, les socii cessèrent de servir à part et furent incorporés dans les légions où les citoyens avaient accès838. On alla même plus loin; pendant les troubles des guerres civiles, pour compléter les effectifs dans des cas pressants, on composa certaines légions de provinciaux (legiones vernaculae) à qui on accordait en masse, pour la circonstance, le droit, de cité E33, et même d'esclaves 834. Il devint aussi habituel, au lieu de renvoyer les soldats dans leurs foyers à l'expiration de leur temps de service, de les garder sous les drapeaux, comme vétérans [VETERANI], ou de les rappeler au bout de quelque temps comme évocats [EVOCATI]. Ces changements en entraînèrent d'autres : homogénéité plus complète de la légion, abandon de la formation manipulaire qui fit place à la formation par cohortes, perfectionnement dans l'armement, substitution de l'aigle aux enseignes comme insigne de la légion, introduction d'une numérotation donnée aux légions; disparition de la cavalerie légionnaire qui est, désormais et pour quelque temps, composée d'auxiliaires seuls. I1 sera question de tout cela avec plus de détails aux articles spéciaux [EQEITES, La lex Julia, dont il a été question plus haut, ayant fait disparaître la catégorie militaire des socii, il ne resta plus pour compléter l'armée que les auxiliaires. Ceux-ci étaient fournis comme impôt par les rois et peuples soumis ou levés, moyennant solde dans les régions encore indépendantes [MINIMA]; une partie de la cavalerie auxiliaire était attachée à la légion; le reste, avec l'infanterie, formait des corps à part, que l'on employait suivant les circonstances. Toutes ces troupes n'étaient pas armées à la romaine; on vit apparaître, dès cette époque, ces corps d'auxiliaires si fréquents au temps de l'empire qui gardaient, au service de Rome, le costume et la manière de combattre des peuples auxquels ils appartenaient. Il est impossible de dire à quel total s'élevait l'effectif de l'armée romaine pendant cette période: il variait avec le nombre des généraux qui se disputaient le pouvoir et avec les besoins de chacun d'eux; il est bien évident, d priori, que la suppression des entraves légales apportées jusqu'à Marius à la composition de la légion, et l'extension de la puissance romaine dans toutes les parties du monde, mettaient à la disposition des chefs d'armée un nombre de soldats considérable. L'armée de terre pouvait être soutenue, à cette époque, par une armée de mer importante [DLASSIS]. 4° D'Auguste à 'Dioclétien. A l'époque impériale, l'armée romaine était constituée par cinq éléments différents, les légions, les troupes auxiliaires, les flottes, les troupes cantonnées à Rome même, et les milices provinciales et municipales qui prennent part, à leur façon, à la défense de l'empire. Le nombre des légions dont Auguste après Actium, avait ramené le total de cinquante et plus à dix-huit d'abord, d'après M. Mommsen, et postérieurement à vingt-trois, fut porté par le même empereur à vingt-cinq, en l'an 5 avant Jésus-Christ â35. C'est le chiffre qui nous est donné pour l'an 23 après JésusChrist836. Claude ajouta une nouvelle légion à celles qui existaient lors de son avènement et Néron trois autres; Galba en créa une trentième ; Vespasien en licencia quatre qu'il remplaça par trois; Trajan en augmenta encore le nombre d'une unité, si bien que, dès [ors, le total des légions s'éleva à trente; depuis Septime-Sévère jusqu'à Dioclétien, il est de trente-trois. Toutes ces transformations qui ne sont rappelées ici que pour mémoire seront étudiées à l'article LEGIG, Ces légions étaient cantonnées aux différentes frontières de l'empire, presque toutes dans les provinces dites impériales, à l'exception de l'une d'entre elles, la deuxième Parthique qui fut établie en Italie, à AlbeA17. Leur organisation différait peu de celle que Marius avait introduite; pourtant Auguste y avait apporté quelques changements : il y introduisit à nouveau un certain nombre de cavaliers [EQCITES] et donna désormais à chacune d'elles, un chef permanent [LEGATas LEGIONIS]. Les auxiliaires se composaient d'éléments réguliers et d'éléments irréguliers. Les éléments réguliers comprenaient: 1°les cohortes, qui pouvaient renfermer cinq cents ou mille hommes, dont les uns étaient formés exclusivement de fantassins, les autres d'un effectif mixte d'infanterie et de cavalerie [(touons; ; 2° les ailes de cavalerie, qui comptaient également cinq cents ou mille soldats [MA]; ces troupes différaient essentiellement des légions en ce qu'elles ne renfermaient, sauf dans des cas exceptionnels, que des pérégrins, du moins jusqu'au jour oh la distinction entre ceux-ci et les citoyens romains perdit toute valeur juridique; 3° °des troupes d'infanterie et de cavalerie composées de vétérans, que l'on retenait au service après le temps légal, soit pour utiliser encore leurs services, soit pour échapper quelques années à la nécessité de lelis' payer une retraite : ces troupes se nommaient vexilla veteranorum [VEXILLATIO]. Les irréguliers appartenaient à des contingents levés dans les parties de l'empire les moins civilisées on fournis par les rois alliés : ils conservaient leur costume et leur armement national et étaient répartis, pour la plupart, à partir du In° siècle en numeri, cunei, vexillationes (voir ces mots). La flotte fut réorganisée par Auguste, comme, l'armée de terre; il en régla les cadres et la constitution, il lui assigna des ports d'attaches fixes, en Italie, dans les différentes provinces et même sur certains fleuves. Il a été parlé avec détail de cette question au mot classas. Pour remplacer les légions de réserve qui veillaient à la sécurité de Rome, l'empire créa deux sortes de troupes, les cohortes urbaines et les vigiles. Les cohortes urbaines, établies par Auguste et définitivement organisées par Tibère, furent d'abord au nombre de trois, puis peut-être de sept, et enfin de quatre. Deux autres tenaient garnison à Lyon et à Carthage [LRBANAE COHORTES]. Les vigiles avaient pour missinn de veiller aux incendies et de faire la police de la ville; ils étaient répartis en sept cohortes dont chacune avait la surveillance de deux régions de Reine avec un corps de garde [ExciBITORILM3 dans chacune [vieil.cs]. ils envoyaient aussi un détachement à Ostie. A ces troupes s'en joignaient d'autres, dont le rôle principal était de former la garde du palais ou la garde personnelle de l'empereur. Ce sont surtout les cohortes prétoriennes, qui n'étaient qu'un développement de la EXE 916 EXE cohors practoria des généraux républicains; elles campèrent à Rome parce que le praelorium de l'empereur y était fixé ou bien dans certaines résidences impériales italiennes où il était établi temporairement. Le nombre de ces cohortes varia entre neuf et seize ; il était de dix pendant le ne et le Juv siècle. Réorganisé par SeptimeSévère, ce corps ne fut supprimé que par Constantin [PRAETORIANI]. Les statores étaient aussi attachés au service de l'empereur, comme gardes [STATORES], à côté des Germani [GERMANT] auxquels succédèrent les equites singular es [EQOITES SINGULARES] et des frumentarii, dont les fonctions sont assez difficiles à déterminer [FRUMENTARII]. Enfin certaines provinces ou certaines cités entretenaienta leurs frais et avec l'autorisation du pouvoir suprême des milices locales destinées à assurer la police dans les différentes parties de l'empire, comme les diogmites d'Asie 638, la cohorte orge maritimae 839 de Bétique, les hastiferi civitatis Mattiacorum 840 et quantité d'autres corps analogues'''. Après avoir indiqué brièvement la constitution de l'armée romaine en général, sous le haut empire, il convient d'examiner chacun des corps d'armée provinciaux qui la composaient. La plupart d'entre eux étaient formés d'une ou de plusieurs légions complétées par des auxiliaires; on peut admettre, d'après certains témoignagesttt, que le nombre des soldats auxiliaires était égal en moyenne à, celui des légionnaires. Les autres ne se composaient que d'auxiliaires ; c'était la minorité. Ces différentes armées se distinguaient l'une de l'autre par une épithète tirée du nom du pays qu'elles occupaient; elles sont mentionnées non seulement par les auteurs, mais par les inscriptions 843 et même les monnaies; c'est ainsi que toute une suite de pièces frappées au temps de l'empereur Hadrien, et à l'occasion de ses voyages, portent au revers, avec le nom d'un corps d'armée, l'image de l'empereur en train de haranguer les troupes qui y tenaient garnison 844 (fig. 2857 et 2858). Grâce aux nombreuses inscriptions que l'on possède sur les légions, d'une part, et, de l'autre, aux diplômes militaires qui nous font connaître la composition approximative de chaque corps d'armée, en auxiliaires, à certaines époques, on peut se faire une idée des effectifs réunis dans les différentes provinces militaires; le tableau suivant suffira à fixer les idées à cet égard'''. [Trois légions, six ailes, vingt et une cohortes] Legio II Augusta. Legio VI Victrix. XX Valeria Victrix. Ala 1 Hispanorum Asturum. 1 Qu...ru... a lis. Picentiana. Petriana. (Manque une aile.) Cohors I Hispanorum. I Frisiavorum. I Hamiorum sagittariorum. I Sunucorum. I Vangionum miliaria. I Baetasiorum. I Delmatarum. I Tungrorum miliaria. III Bracaraugustanorum. II Lingonum. I Aquitanorum. I Menapiorum. I Ulpia Trajana Cugernorum Civium Iloma norum. I Fida Vardulorum Civium Romanorum. I Batavorum. II Asturunz. II Dongonunz. II Nerviorum. 111 Nerviorum. VI Nerviorum. Civium Romanorunz. [Deux légions, cinq ailes, six cohortes, trois numeri.] Legio II Fulminata. XV Apollinaris. Ala Isauriana. Colon.orum, I Raetorum. Allactica? Getarum. Cohors 1111 Raetorum equitata. Cyrenaica equitata. Italica equitata. Bosporanorum. Numidarum. Ituraeorum equitata. Numerus Petraeorum sagittariorum. Celtarum equitum. Acaeorum. [Une légion, trois ailes, dix cohortes.] Legio XIII Gemina. Ala I Hispanorum Campagonum. Ala I ? (Manque une aile.) Cohors I Vindelicorum. I Flavia Commagenorum miliaria. I? I Ubiorum. I Thracum sagittariorum. I Gallorum Dacica. I Augusta. (Manquent trois cohortes.) Pedites singulares Britannici. [Deux cohortes.] Cohors III Alpinorum. Cohors VIII Civium Romanorum. [Une légion, trois ailes, sept cohortes.] Legio III Cyrenaica. Ala Augusta. Apriana. Commagenorum. Cohors 1 Pannoniorum. 1 Hispanorum. I Flavia Cilicum. I Thebaeorum. II Thebaeorum. II Ituraeorum. III Ituraeorum. [Deux légions, deux ailes, dix-sept cohortes.] Legio VIII Augusta. XXII Primigenia. Ma I Flavia Gemina. I Scubulorum. Cohors I Germanorum Civium Romanorum. I Flavia Damascenorum. I Ligurum et Hispanorum Civium Romanorum. I Civium Romanorum. I? I Aquit anorum veterana. I ? Thracum Civium Romanorum. II Hispanorum pia fidelis. II Raetorum Civium Romanorum III Delmatarum pia fidelis 1111 Aquitanorum. V Delmatarum. VII Raetorum. (Manquent quatre cohortes.) [Deux légions, deux ailes, quatre cohortes.] Legio VI Ferrata. X Fretensis. Ala II Veterana Gaetulorum. 1 Thracum Mauretana. Cohors I Augusta Lusitanorum. I Thracum. Il Thracum. II Cantabrorum. [Trois ailes et dix cohortes.] Ma I Nerviana Augusta fidelis miliaria. II Thracum Augusta pia fidelis. Parthorum. Cohors 1 Augusta Nerviana velox. I Corsorum civium romanorum. I Pannoniorum. I Nurritanorum. I Flavia Musulamiorum. 1 Flavia Ilispanoruna. I Brittonum. Il Breucorum. Il Gallorum. HII Sugambrorum. [Deux légions, six ailes, treize cohortes.] Ala Gallorum Flaviana. 1 Pannoniorum. II Hispanorum et Aravacorum. I Asturum. I Fl. Gaetulorum. 1 Vespasiana Dard anorum. Cohors I Sugambrorum veterana. I Bs'acaraugustanorum. 1 Hispanorum veterana. II Mattiacorum. II Gallorum. III Gallorum. VII Gallorum. Ubiorum. I Lepidiana Civium Romanorum. I Tyriorum. I Lusitanorum Cyrenaica. II Flavia Brittonum. II Chalcidenorum. 4 ailes dont l'ala Il Flavia miliaria. 14 cohortes. EXE 918 EXE [Une légion, cinq ailes, treize cohortes.] Legio II Adjutrix. Ala I Thracum. I Veterana Civium Romanorum. Britannica miliaria Civium Romanorum. (Manquent deux ailes.) Cohors I :? Lusitanorum. II Asturum et Callaecorum. I Alpinorunz peditata. VII Lusitanorum. II Augusta, voluntariorum Civium Romanorum. I Thracum Germanica Civium Romanorum. Batavorum. I Thracum equitata. (Manquent quatre cohortes.) [Trois légions, cinq ailes, cinq cohortes.] tegio I Adjutrix. X Gemina. XIV Gemina. Ala I Ulpia Contariorum miliaria. I Thracum Civium Romanorum victrix. I Canninefatium Civium Romanorum. I Hispanorum Aravacorum. III Augusta Thracum sagittariorum. Cohors I Ulpia Pannoniorum miliaria. I Thracum Civium Romanorum. II Alpinorum. V Callaecorum Lucensium. XVIII Voluntariorum. [Quatre ailes, onze cohortes.] Ala I Hispanorum Auriana. 1 Augusta Thracum. I Singularium Civium Romanorum. Il ['laviez miliaria. Cohors 1 Breucorum. 1 Raetorum. II Raetorum. III Bracaraugustanorum. III Thracum. III Thracum Civium Romanorum. III Britannorum. III Batavorum miliaria. 1111 Callaecorum. V Bracaraugustanorum. VII Lusitanorum. [Deux cohortes.] Cohors II Gemina Sardorum et Cursorum. II Gemina Ligurum et Cursorum. Ces différents corps d'armée constituaient l'armée permanente de chaque province. Mais il pouvait arriver que, pour faire face à un danger subit ou à une guerre importante, on eht besoin de renforcer un corps d'armée, temporairement. Alors on mobilisait des troupes d'une autre partie de l'empire et on les envoyait sur le lieu du combat. Ces armées mobilisées portaient également le nom d'exercitus 860. Ainsi, l'on sait par Tacite 864 que Cécina emmena contre Vespasien une armée composée de détachements empruntés aux légions de Germanie (le, Ive, xve, xvle), bientôt rejoints par d'autres que fournirent les légions du Rhin, les ve et xne, la xxie Rapax et la le Italica, ainsi que les légions de Bretagne, les ne Augusta, Ixe et xxe Victrix; sans compter les auxiliaires attachés à chacune de ces légions. Septime Sévère, en marchant contre Pescennius Niger, avait des vexillations de légions d'Illyricum862, de Mésie868, de Germanie8"; les noms de ces légions sont cités sur les monnaies que l'empereur fit frapper pour leur solde 865. Naturellement, la composition et l'importance de ces armées mobilisées variait avec les circonstances. Il suffit d'en avoir indiqué 4° Période postérieure à Dioclétien. Nous avons déjà indiqué, au commencement de cet article, le caractère de la révolution qui se produisit dans la constitution de l'armée, après Dioclétien. Les troupes de Rome comprennent encore à cette époque des légions [LEGIO] ; mais celles-ci ne sont plus que l'ombre des légions de l'époque précédente; elles sont fractionnées en nombreux détachements, et ont un effectif beaucoup moins considérable (mille hommes) ; en dehors des légions, on rencontre des auxilia de cinq cents hommes [AUXILIA] et des cohortes de cinq cents hommes aussi, [COnoRS] qui sont des corps à pied, des cunei, des alae, des vexillationes qui se composaient de cavaliers et comptaient chacun cinq cents hommes. Toutes ces troupes portaient le nom de NUMERUS indistinctement; elles étaient réparties en grande partie dans l'intérieur des provinces, quelques-unes pourtant sur les frontières; mais celles-ci étaient surtout défendues par des corps sédentaires, mi-soldats, mi-agriculteurs, les LIMITANEI, les castriciani ou CASTELLANI, les EURGARII, sans compter les fédérés, unis à Rome par un pacte en vertu duquel ils avaient à pourvoir à la défense du limes [FOEDUS]. Les numeri n'étaient pas tous égaux entre eux; il y avait une hiérarchie nettement marquée : les plus élevés (troupes de première classe) COMITATENSES, successeurs des cohortes prétoriennes, et destinés à accompagner partout l'empereur, enfin les scolae [scoLA], sorte de gardes du corps du souverain, auxquelles il faut joindre encore les protecteurs et les domestiques [PROTECTORES]. Néanmoins, en cas de danger, les palatini, les comitatenses et les pseudocomitatenses se portaient à la frontière pour soutenir les troupes sédentaires; elles en formaient, en réalité, la ré serve 866 Enfin certains États indépendants et royaumes clients fournissaient des corps irréguliers dont les effectifs venaient grossir ceux de l'armée régulière [GENTILES ]. 18 légions. 2 vexillations. O aucilia. 7 vcxillations. 8 légions. '2 eunei. 7 numeri equituno. 16 ailes. 9 cohortes. 2 légions. 12 numeri equitum. 7 ailes. b cohortes. 10 légions. 21 auxilia. 7 vexillationes. 8 légions. 14 auxilia, 5 légions. li auxilia. 2 légions. '2auxilia. 3 vexiilations. 1 aile. 7 cohortes. Des Iitnitanei II légions. 1 auxilium. I légion, 12 nurneri equitum. li ailes. 11 cohortes. I légion. 9 numeri equitum. G ailes. 2 cohortes. 2 légions. 10 nilIneri eqoitum. 3 ailes. 2 cohortes. 2 légions. 8 numeriequitum. 6 ailes. S cohortes. 19 vexillations. Des limitauei. 2 légions. '2 auxilia. 9 vexillations. li numeri. 4 cohortes. 18 ailes, Des limitanei. Des Iimitanei. 3 légions. 2 nunteri equituin. O ailes, 9 cohortes. 7 légions. 7 cunei. 8 numeri equitum. 6 légions. 8 numeri equitum. 7 cunei. 3 légions. 8 cunei. 8 auxilia. .Ssottnieri militom. I numerus. 1 légion. 8 !autneri. I cohorte. I légion. 4 cohortes. 1 cohorte. 12 corps de tètes. EXE -919EXE Les soldats entretenus par les particuliers pour leur défense propre, se nommaient BUCELLAR1I. La Notice des Dignités permet de se rendre compte approximativement du nombre de corps de troupes dont l'empire romain disposait, au moins sur le papier, fo cette époque et de la façon dont ces différentes troupes étaient réparties dans les provinces. On peut en dresser, toutes réserves étant faites d'ailleurs sur ]a créance qu'il convient d'accorder aux renseignements de la No lice, le tableau suivant 20 légions. 4 légions. 10 nunoeri eqintu lu. 2 ailes. Onuineri equitum. 10 ailes. 9 cohortes. 9 légions. 9 cunei. 6 auxilia. 2 cohortes. 1 numerus milituns. 12 vexillations. G corps de cavalerie. 23 légions. 16 auxilia. Il numeri indétermi nés. 8 Légions. 2 cunei. 14 corps de cavalerie. 5 cohortes. taire. La durée du service était différente pour les diverses troupes r sous la république on servait aussi longtemps qu'on était capable de porter les armes, de dix-sept à quarante-six ans, mais on ne devait qu'un certain nombre de campagnes, seize dans l'infanterie, dix dans la cavalerie900. A partir de Marius, les soldats furent tenus de rester seize ans de suite à partir du jour où ils étaient appelés909. Sous l'empire, les prétoriens étaient astreints à seize années de service906, les soldats des cohortes urbaines h vingt années907, les légions à vingt ans également"; mais les troupes auxiliaires restaient vingt-cinq ans sous les drapeaux et les marins vingt-six et même vingt-huit ans 910 [sTIPENmUM] Mais il arrivait que les soldats n'ob tenaient leur libération que tardivement; dans ce cas, ou bien ils restaient au corps, ou ils étaient formés en corps spéciaux de vétérans [VEXILLUM]. Quand ils étaient renvoyés dans leurs foyers, ils recevaient un congé régulier [rlusslo], accompagné de la collation de certains privilèges [DIPL0MA]. Les vétérans étaient parfois établis soit dans des colonies militaires [CoLoRIA], soit sur les frontières de t'empire, où ils recevaient des terres [vETERANI]. Soldats présents au corps. Les soldats pouvaient occuper plusieurs situations. Ceux qui étaient soumis k toutes les corvées étaient les rnunifices9tt, ceux qui en étaient dispensés recevaient le titre d'immunes910. Ceux qui recevaient double ration étaient dits duplai'ii ou duplicarii9'3, et ses quiplicarii ceux qui recevaient une ration et demie ceux qui avaient une fonction spéciale leur donnant un rang intermédiaire entre les soldats et les officiers, portaient le nom de PRINCIPALES. De ce nombre étaient, par exemple, les musiciens [ARNEA gionnaires faisaient souvent vingt-cinq ans de service (Corp. issu'. bot. III, p, 1606; Eph. opigr. p. 24). 009 La formule donnés par les dipIbses mili 3° Officiers inférieurs jusqu'au grade de centurion.-On comptait dans les légions aussi bien que dans les autres corps un certain nombre d'officiers inférieurs : les porteenseignes aquilifer, signifer, imaginifer vexillarius, le premier portant l'aigle, le second le signum, le troisième l'image des empereurs, le quatrième le vexillum [SIGNA MILITARIA] ; le tesserarius, sorte de sergent-major [TESSERAmus] ; les options, officiers inférieurs de choix des centurions, qui les employaient soit dans les centuries, soit en dehors à des besognes particulières [orne]. A l'époque post-dioclétienne, il faut citer parmi les officiers inférieurs le draconarius, le semaforus, l'hexarchus. 4° Centurions. Il existait des centurions dans tous les corps de troupes, aussi bien dans les légions que dans les cohortes auxiliaires ; ils avaient le commandement d'une compagnie [LEGIO]. Le premier centurion de la légion était le primipile [PRIMIPILus], le second le princeps praetorii, qui avait surtout un rôle administratif [PRINCEPS PRAETORII]. Le principalis, proposé pour le grade de centurion, était nommé candidatus 915. L'officier de cavalerie qui répond au centurion est le décurion [DECURIO]. On trouve, au bas empire des centenarii et des ducenarii qui ont un rang à peu près équivalent; les seconds étaient au-dessus des premiers9ls 5° Préfets du camp. La création de camps permanents légionnaires à l'époque impériale amena celle d'une classe d'officiers tout à fait nouvelle, des praefecti castrorum legionis ou praefecti legionis, qui finirent, après Gallien, par remplacer les légats à la tête de la légion [P IiAEFECTUS LEGIONIS]. Ils avaient surtout la police du camp et des édifices qu'il renfermait [CASTRA], la répartition des gardes [EXCUBIAE, vIGILIAE], et le soin d'entretenir les armes et les machines [FABRICA]. 6° Chefs de corps. A l'époque primitive, l'infanterie était commandée par des tribuni militum, la cavalerie par des tribuni celerum. Dans la suite, quand le nombre des légions se multiplia, on établit que chacune d'elles aurait à sa tête alternativement deux des six tribuns qui y exerçaient l'autorité [TRIBUNUS LEGIONIS]. Les tribuns étaient donc à la fois commandants d'une partie de la légion d'une façon permanente et chefs de tout le corps, par intervalles. A l'époque impériale, les tribuns conservèrent leurs anciennes fonctions et leur ancien rang à la tête de la légion; mais ils furent soumis à un chef permanent, le légat, personnage d'ordre prétorien qui, sorte de général de brigade, avait autorité suprême en même temps sur les corps auxiliaires associés à la légion [LEGATUS LEGIONIS]. Postérieurement à Dioclétien, le commandement de lalégion réduite revient aux tribuns qui ont chacun mille hommes sous leurs ordres [TRIBUNUS LEGIONIS]. Quant aux auxiliaires, ils avaient aussi leurs chefs propres. A l'époque républicaine, les contingents alliés avaient à leur tête des officiers romains [PRAEFECTUS SOCIUM], nommés par les consuls, qui les commandaient à tour de rôle, l'autorité subalterne y étant exercée par des chefs indigènes. Sous l'empire, les ailes de cavalerie étaient sous les ordres de préfets [PRAEFECTUS], les cohortes auxiliaires sur les ordres de préfets ou de tribuns, suivant l'importance du corps [douons, TRIBUNUS]; les irréguliers étaient commandés par des préposés ou des curateurs, officiers appartenant soit aux légions, soit aux corps auxiliaires, mais détachés temporairement de leur corps [PRAEPOSITUS, cuRATOR]. Peu à peu, néanmoins, ces troupes se virent attribuer des chefs propres qui reçurent, eux aussi, le nom de praefectus ou tribunus, surtout ce dernier. Au bas empire, le titre de tribun était porté par tous les chefs de corps de troupes, sans distinction 7° Commandants en chef. Au début de l'histoire de Rome, le chef suprême de l'armée était le roi [REx] ; après l'établissement de la république, le roi fut remplacé, on le sait, par deux consuls qui héritèrent ses pouvoirs; ils commandaient en chef les troupes, soit alternativement de deux jours l'un, s'il n'y avait qu'une seule armée, soit indépendamment s'il y en avait deux [coNsuL]; quand le nombre d'armées était plus considérable encore, la troisième et les suivantes étaient placées sous les ordres de préteurs [PRAETOR]. Plus tard, quand les guerres se firent au loin et durèrent plus longtemps, le sénat en confia la direction avec l'autorité supérieure sur les troupes engagées dans l'action à des était aussi un chef d'armée, mais seulement dans des cas extraordinaires [DICTATOR], Quand l'empire fut établi, le droit de commander en chef échut de nouveau au souverain; le nom seul qu'il portait l'indique suffisamment [IMPERATOR]. Mais comme il ne pouvait suffire à toute l'administration de l'empire, il se réserva de n'exercer efficacement ce droit qu'en cas de guerre et dans des circonstances tout à fait spéciales. En temps ordinaire, les différents corps d'armée avaient à leur tête des légats propréteurs qui étaient de rang consulaire quand ils devaient commander à plusieurs légions, de rang prétorien si leurs troupes n'en comprenaient qu'une seule [LEGATUS PROPRAETORE]; au cas ois la garnison d'une province ne se composait que d'auxiliaires, le général n'était, d'habitude, qu'un chevalier [PROCURATOR]. Il va sans dire que l'empereur pouvait se faire remplacer à la tête des troupes par un homme de confiance, membre de sa famille, préfet du prétoire, légat de valeur éprouvée 917. Le prince, quand il prenait part à une guerre, emmenait avec lui tout un état-major d'of Au commandant en chef était attaché, comme aussi à certains officiers supérieurs, des commis d'état-major ou des officiers de grade peu élevé pour le seconder dans le commandement ou l'administration du corps d'armée Les troupes de Rome, dont le chef était également l'empereur, étaient en réalité sous les ordres d'un grand personnage nommé le préfet du prétoire [PRAEFECTUS PRAETORIO], choisi dans l'ordre équestre. Chaque cohorte prétorienne était commandée par un tribun, ayant audessous de lui des officiers et sous-officiers qui portent les mêmes noms que les officiers et sous-officiers légionnaires [PRAETORIANI]; les equites singulares, également par un tribun [EQUITES SINGULARES]; les statores n'avaient que des centurions [STATURES]; les peregrini et les frumentarii A la tête des cohortes urbaines était placé le préfet de la ville de Rome [PRAFECTUS URBI]; chaque cohorte avait son tribun et ses centurions [URBANAE COHORTES]; à la tête des vigiles était le praefectusvigilum [VIGILES], un tribun commandant chaque cohorte. Le commandement de la flotte n'était pas confié, sous la république, à un magistrat spécial, mais à un préteur ou propréteur, consul ou proconsul, parfois même à un légat; les capitaines de vaisseaux sont appelés par TiteLive praefecti navium. Plus tard, c'est l'empereur qui est amiral de la flotte, comme il est général en chef, mais il délègue ce commandement à des chevaliers (praefecti classis) [CLASSIS]. En sous-ordre, on trouve des sous-préfets, des stolarches ou chefs de stations [STOLARCHUS], des officiers supérieurs nommés ARCHIGUBERNUS, avec leurs commis d'étatmajor; des triérarques [TRIERARCRUS], et des navarques [NAVARCIIUS]; des centurions, des NAUPIIYLAX, des options, Une organisation toute différente du commandement est introduite par Dioclétien et ses successeurs; non pas que le prince cesse d'être le chef des troupes; mais ses représentants directs ne sont plus les mêmes. Les troupes mobiles, répandues dans l'intérieur du pays, sont soumises d'abord au préfet du prétoire, puis, à partir de Constantin, à des magistri militum, qui sont soit à la tête des fantassins, magistri peditum, soit à la tête des cavaliers, magistri equitum [MAGISTER MILITUM]. On peut les comparer à des ministres de la guerre. Quant aux troupes des frontières, quelle qu'en soit la nature, elles sont commandées dans chaque corps d'armée par des dux, dont les plus élevés en grade portent aussi le titre de comtes [GOMES, PROVINCIA] ; ducs et comtes relèvent directement de l'autorité impériale [LIMITES]. Les fédérés et les gentils sont également soumis aux ducs et comtes. Les scolae dépendent du magister officiorum [MAGISTER OFFICIORUM]. Les troupes de Rome sont sous les ordres du contes domesticorum [PROTECTORES]. L'armée romaine se recrutait à l'époque républicaine par des levées faites chaque année proportionnellement aux besoins du moment. A l'époque impériale on eut recours surtout aux engagements volontaires; au bas empire la fourniture de recrues devint un impôt. Tout cela a été expliqué avec plus de détail ailleurs [DILECTUS]. 2° Solde et ration. Les troupes ne recevaient pas de solde avant Camille. C'est pendant le siège de Véies qu'on décida de payer les soldats, par trimestre d'abord, puis par année; les sous-officiers et les officiers recevaient, ainsi qu'il est naturel, une solde plus élevée. A l'époque impériale on payait non seulement les légionnaires, mais aussi les auxiliaires ; on finit, au bas empire, par payer même les fédérés [STIPENDIUM]. Pour les personnages élevés, le stipendium était remplacé par un « salaire » [sALARIUM]. Le service de la trésorerie militaire était représenté, sous la république, par les questeurs attachés au commandant en chef [oUAESTOR] ; sous l'empire, il était assuré par des esclaves ou des affranchis appartenant à la domesticité impériale et employés à la division du FISCUS CASTRENSIS. Sur la solde, on prélevait par retenue, à l'époque républicaine, les vivres, les vêtements et les armes. Cet usage persistait encore à l'époque impériale, mais avec des adoucissements : ainsi il est probable que déjà, à la mort d'Auguste, les troupes III. touchaient des rations de vivres gratuites9f8 [ANNONA, CIBARIA]. Ces vivres étaient amassés dans des magasins militaires [HORREA MILITARIA], d'où ils étaient conduits ensuite dans les camps de la frontière [PRISIIPILARES, pécuniaires se joignaient les bénéfices que les soldats pouvaient retirer du butin [PRAEDA, SPOLIA] et surtout des distributions impériales [DONATIVUM]. 3° Habillement, équipement, armement, remonte. Les habillements et équipements militaires [vESTIS MILITARls] étaient fournis par l'État, confectionnés pour la plus grande partie à l'époque impériale dans les ateliers nationaux [GYNAECEA]. Les armes défensives et offensives ARCUS, FUNDA, SAGITTAE, etc.], étaient également et à plus forte raison fabriquées dans des manufactures de l'État [FABRICA]; mais, de plus, il y avait dans chaque corps des ouvriers spéciaux [FABRI] chargés des réparations et même des constructions urgentes. Le même régime administratif s'appliquait aux machines de guerre [TORMENTA]. LeS armorum custodes [ARMORUM CUSTOS] et les centuriones armamentarii étaient des officiers d'armement attachés aux divers corps (légions, ailes, cohortes). Le service de la remonte [STRATOR] est fort mal connu. 4° Baraquements, caserne, camps. L'armée en campagne se créait chaque soir un camp, c'est un fait les soldats faisaient séjour sur quelque point et qu'ils n'étaient pas logés chez l'habitant [nosPITIUM, METATOR], ils étaient établis dans des camps permanents (hiberna, stativa), où l'on installait des baraquements et des tentes [TENTORIA] et dans des casernes; ou bien encore, sur les frontières de l'empire, dans des forteresses [CASTELLUM, burgus]. Dans les grands camps, s'élevaient différents édifices nécessaires à l'armée : un arsenal pour les armes [ARMAMENTARIUM], des magasins pour les vêtements et les merie pour les bêtes de somme [VETERINABIUM], une prison, des bains, des salles de réunion pour les collèges de sous-officiers [scoLA]. La demeure du commandant se nommait le prétoire [PRAETORIUM]. 5° Transports et charrois. Pour transporter les bagages [IMPEDIMENTA], les vivres, les armes, les munitions, il existait dans l'armée romaine, comme chez nous, toute une organisation du train militaire; on se servait soit de voitures [CARRAGO], soit de bêtes de somme [JUMENTA], soit, dans certains pays, de chameaux [CAMELUS] ; les valets d'armée [LEXA] étaient surtout chargés de ce service. 6° Service de santé. Les hommes blessés ou malades étaient traités dans leur tente, ou dans des infirmeries, par des médecins attachés spécialement aux différents corps de troupes pour l'armée de terre, à chaque vaisseau pour la flotte [MEnICI]; les chevaux et les bêtes de somme étaient traités par des vétérinaires 7e Travaux de la paix et de la guerre. Pour occuper les soldats en temps de paix et pour les préparer aux fatigues de la guerre, on les soumettait à toute une suite d'exercices et de travaux. Les exercices militaires 116 EXE 922 -EXE ne différaient pas beaucoup de ceux qui se pratiquent de nos jours : marches et mouvements divers [DECURSlo], gymnastique, équitation et escrime [LuDUS]; les instructeurs portaient le nom de CAMPIDOCTOR pour l'infanterie, de EXERCITATOR pour la cavalerie. On les instruisait aussi naturellement dans toutes les parties de l'art de la guerre [TIRO]. Mais la durée du service étant considérable et le nombre des exercices militaires limité, on employait les troupes à des travaux de toute sorte, non seulement à la construction de remparts ou de retranchements [MUNITIO, vALLUM], mais à l'établissement de routes, de canaux, d'aqueducs, d'édifices de toute sorte [MANus MILITARIS]. Certains spécialistes jouaient le rôle de nos officiers et sous-officiers du génie [ARCnITECTUS, LIBRATOR]. 8° Discipline. La discipline fut très sévère à l'époque républicaine et pendant les deux premiers siècles de l'empire ; elle se relâcha à partir du m° siècle, alors que les empereurs cherchèrent à rendre la vie des camps moins dure pour les soldats010. Les peines[MILITuM POENAE] étaient les suivantes : la privation de solde STIPENDIUM], la dégradation et l'expulsion de l'armée [IGN03nNIA], le licenciement [EXAUCTORATIO], les châtiments corporels [cASTIGATIO], la mort [FUSTUARIUM]. Les récompenses étaient très variées; elles consistaient soit dans un avancement rapide [GRAnus], soit dans des avantages pécuniaires [DONATIvuM]9, soit dans des décorations [DONA MILITARIA]; parfois, à la suite d'un fait d'armes, on accordait le droit de cité à tout un corps de troupes composé de pérégrins (cohortes civium romanorum), parfois on l'autorisait à prendre un surnom rappelant ses victoires9"0 ou le pays qui en avait été témoinou. Pour les généraux, il était des récompenses spéciales; le titre d'imperator [IMPERATOR], le triomphe petit [ova'rio] et grand [TeluMPliuS], les ornements triomphaux [ORNAMENTA TRIUMPHALIA], qui remplacèrent généralement le triomphe, à l'époque impériale, pour ceux qui n'étaient point de la famille du prince et les statues honorifiques élevées sur le Forum, à Rome et dans les provinces [STATUA]. Les officiers prononçaient les sentences, chacun dans les limites de sa juridiction; ils avaient pour les aider dans l'instruction des affaires un auxiliaire, le QvAESTI0NARIVS. 9° Culte. -On sait quelle était l'importance des cérémonies religieuses dans la vie civile ; elle n'était pas moindre dans la vie militaire. Les troupes adoraient un certain nombre de dieux spéciaux, protecteurs de la 919 Herod. (III, 8), présente Septime Sévère comme ayant relâché les liens de la discipline militaire. 920 Wilmann, Exempla, 1459 : leg. VIII Aug... onm liberata esset Novia obsidione, legio Pia Fidelis Constans Commoda cognominata est; Eph. epigr. V, 41 [al]a i Flavia [Au]g(us ta) Britan[n(ica) miliaria] c(ivium) r(omanorum) bis to[rq]uata n[b virtulejm. Cf. Zonaras, VII, 21. 921 Ala I Thracum Mauretana (Hermès, XXI, p. 40, note 4); Cohors I Gallorum Dacica (ibid.); Coh. wesens, 1880; Haase, art. Phalanx dans le Realencyklopddie d'Ersch et Gruber; patrie et de l'armée, les empereurs dont les images étaient portées sur les enseignes [IMAGINES], l'aigle légionnaire, les enseignes elles-mêmes [sIGNA], la discipline militaire, le génie de la légion ou de ses différentes parties [GENIUS], sans compter les grandes divinités de l'Olympe romain, auxquelles on offrait, à certains jours, des sacrifices solennels. Pour célébrer ce culte, il fallait des prêtres : on les rencontre dans les armées sous le nom d'haruspices et de victimaires [HARusPEx, vICTtMARIUS]. 10° État légal des soldats. Du jour où les soldats furent distincts des citoyens, c'est-à-dire dès l'établissement d'une armée permanente, ils furent soumis à un régime légal spécial; cette différence se traduit surtout à propos du mariage et de la propriété. Le mariage, tout au moins le mariage romain [coNHBIUM], était interdit aux soldats sous les armes; il s'ensuivait que les enfants nés d'unions contractées au service, étaient illégitimes [spitants]; mais, pour favoriser le recrutement légionnaire, les empereurs accordaient très souvent le droit de cité à cette catégorie de bâtards [DILECTUS] ; les auxiliaires, de leur côté, quand ils recevaient leur congé, voyaient octroyer à eux et à leurs femmes la cité romaine et le conubiunz [DIPLOMA]. De la sorte, la faveur impériale corrigeait la dureté de la loi à l'égard des militaires. Par contre, les économies qu'ils réalisaient au service, formaient pour les soldats un avoir inaliénable dont ils avaient la libre possession ; ainsi ils pouvaient en disposer par testament, même quand ils étaient en puissance paternelle [PECuLIOM CASTRENSE]. 11° Sépulture des soldats. L'importance que les anciens attachaient aux rites funéraires et à la sépulture, avait engagé l'État et les soldats eux-mêmes à prendre à ce sujet des dispositions particulières; chaque légion avait une caisse d'épargne [FOLLIS] alimentée par les versements des hommes et destinée à faire les frais des funérailles des légionnaires mourant au corps. De plus, à partir de Septime Sévère, les sous-officiers formaient des collèges dont la principale préoccupation était d'assurer à leurs membres une sépulture honorable. Cette question sera traitée à l'article LEGIO. On ignore si les mêmes dispositions avaient été prises pour les troupes auxiliaires. Enfin les vétérans, dans les villes où ils étaient réunis en grand nombre, étaient constitués en collèges tout à fait analogues [VETERANI]. H. Bliimner et W. Dittenberger, Fribourg en Brisgau, 1888. t. Il, 2° partie. ARISÉES D. esses Rénoïq:Es. Buchholz, Die homerisch.Realien, Leipz. 1881; Relbi g, 1, p. 296 et s.; Arnold, De Atheniensium saeculi a. Chat. n. quinti praetoribus. Dresde, 1874; De Atheniensiunu praetoo'ibus dissertatio altera, End. 1876; EXE -923--EXE