Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article FERULA

FERULA, NâFOT . Les férules sont de grandes et belles plantes herbacées (du genre des Ombellifères, section du genre Peucédan), dont l'aspect ressemble beaucoup à celui du fenouil. La tige est creuse et renferme une sorte do moelle fibrineuse très peu compacte. Les différentes variétés de férules servaient, surtout dans l'antiquité, à un certain nombre d'usages médicinaux, notamment laFerula assa foetida et la Ferula Narthex qui produisent les assa foetida de la Perse et de l'Inde'. Mais ce n'est pas seulement dans ces contrées lointaines que croissent les ombellifères de ce genre; on les trouve dans tout le bassin de la Méditerranée, en particulier en Algérie, on Sicile, dans les pays helléniques; aussi n'est-il pas étonnant que les férules tiennent une place dans les mythes grecs, et dans les usages des Grecs et des Romains. 1. C'est dans une tige de narthex que Prométhée, disait la légende, avait caché et conservé le feu céleste, prenant soin d'agiter ce récipient peu ordinaire pour que l'élément divin ne s'y éteignît pas2 [PHOMETHEUS]. Mais le narthex joue surtout un rôle dans le culte de Dionysos; une branche détachée de la plante sert d'attribut au dieu, et aux personnages de son thiase. Les véritables raisons de ce choix ne sont pas connues; Dionysos, sans doute, avait emprunté ce symbole aux régions de l'Inde où la plante croît en abondance, et où les usages en devaient être variés. D'après Plutarque, Dionysos aurait mis la férule entre les mains de ses suivants ivres, parce que les coups qu'ils pouvaient se porter mutuellement avec ce bâ ton léger et souple, étaient peu dangereux C'est aussi pour éviter les accidents, au dire d'Athénée, que les danseurs de pyrrhique, au temps où elle n'était plus qu'une simple danse dionysiaque, remplaçaient les lances d'autrefois par des férules"; on connaît d'ailleurs, par le récit de Xénophon, cette bataille pour rire où Cyrus arma l'un des partis adverses d'épaisses, ruais inoffensives, tiges de narthex 5. La férule dionysiaque était un attribut analogue au thyrse [THYRSUS]; les usages en étaient les mêmes, mais la forme du moins peut en être distinguée sur les monuments, quoique, dans beaucoup d'exemples, le bâton servant de hampe au thyrse soit visiblement une tige de férule terminée par une pomme de pin ou des feuilles de lierre e; mais ordinairement la férule est une simple tige de la plante en son état naturel. Nous croyons retrouver la férule réduite à une tige, d'où se détache une branche secondaire, entre les mains de Dionysos Bassareus et d'une Ménade peints sur un vase de la collection de Luynes (t. 1m, p. 682, fig. 805). Les férules que portent Dionysos et le Satyre qui le suit dans la figure 700 (t. I°°, p. 622), se terminent au sommet par plusieurs tiges secondaires, et ces tiges ellesmêmes se renflent au bout, comme si le dessinateur avait voulu représenter des boutons encore fermés'. Mais d'ordinaire, au lieu de ces boutons, on voit à l'extrémité des fé rules des fleurs épanouies, figurées conventionnellement au moyen d'une série de petits points disposés en masse FER 1095 FET arrondie (fig. 2971)'. La férule qu'on voit dans la main d'Ariane (fig. 2.972), est plus près de la nature, et la fleur y garde l'aspect commun des ombellifères 2. Comme au thyrse on pouvait suspendre à la férule des bandelettes, des masques grotesques en guise d'oscilla; nous connaissons une peinture de vase où paraît une Ménade dont la férule porte attachée une clochette'. D'ailleurs Dionysos et tous les personnages de son thiase tiennent indifféremment le thyrse ou la férule; nous avons vu armés de cet instrument le dieu d'abord, des Ménades, des Satyres; le vieux Silène s'en sert comme de boussine pour frapper son âne et l'exciter à la poursuite des Bacchantes, ou pour soutenir son ivresse titubante Ariane les porte comme son amant divin, et nous la reconnaissons à la main d'une des filles de Proetos, mise par hasard en relation avec Dionysos (t. II, fig. 2367). Enfin, dans certaines orgies nocturnes, comme aux thyrses, on adaptait aux férules des torches enflammées que le choeur bacchique secouait en courant et en poussant des clameurs 5. Probablement à cause de sa flexibilité et de sa mollesse, la tige de férule était devenue, chez les Grecs et chez les Romains, la baguette avec laquelle on châtiait les enfants et les esclaves. Elle était l'attribut et l'insigne, le sceptre, comme on disait, des pédagogues Il n'en est pas souvent question dans les textes helléniques, et nous n'en connaissons pas de représentation figurée, car c'est probablement une baguette plus dure et plus rigide (pi6ôoÿ) que tiennent, sur les coupes de Douris et de ses émules, les maîtres de palestres ou les élèves moniteurs7. A Rome, les maîtres d'école étaient, à ce qu'il semble, moins sobres de coups; on connaît la réputation d'Orbilius et de ses collègues 8 ; on sait les plaintes d'llorace et de Juvénal qui, souvent, sentirent au bout de leurs doigts la férule des cuistres °. Et la main n'avait pas seule à redouter l'instrument; Apulée nous parle d'une partie du corps moins délicate, et l'on a quelques détails sur le châtiment appelé catomidio io Les auteurs ont bien soin de distinguer la férule, supplice assez bénin en somme, des verges, des lanières et du fouet". Les esclaves, comme les enfants étaient régis à coups de férule ; on ne la leur épargnait guère, non plus que les autres instruments de torture, comme les verges d'ormeau et le fouet 12. Signalons un emploi particulier de la tige de férule. Les chirurgiens, comme nous l'apprend Celse, s'en servaient, en guise d'éclisses, pour maintenir les os en place dans les fractures ; pour cet usage, on fendait un morceau de férule en deux, dans le sens de la longueur, et l'on fixait chaque partie de part et d'autre de l'os