FIBULA, par contraction fibla 1, en grec 7zcp6v1 e,
vant de la même racine que figere, est donc, à proprement parler, synonyme d'épingle [Acus] et le grec 7te 6v7l s'emploie souvent dans ce sens; mais, par une métonymie fréquente, consistant à donner au tout le nom d'une de ses parties, la fibule désigne ordinairement un quelconque des objets servant à agrafer, dont l'ardillon, ou pointe métallique, est un élément essentiel'. Ces objets sont : 1° une épingle de sûreté ou une broche; 20 un fermoir ou une boucle ; 3° divers autres instruments moins employés. Nous nous occuperons successivement des objets ainsi désignés, mais, à cet égard, une remarque préliminaire s'impose. Les textes antiques n'ont pas la même précision que les monuments figurés; il est, la plupart du temps, impossible de savoir si un auteur a voulu désigner une agrafe ou une variété de boucle. De là, une certaine confusion à laquelle on ne saurait obvier et dont "il semble préférable de faire l'aveu dès le début du présent article.
1. L'usage de l'épingle de sûreté a été aussi répandu dans l'antiquité que l'est aujourd'hui celui des boutons.
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Par l'effet même de son emploi général, et du rôle qu'elle jouait dans la toilette des deux sexes, la fibule a subi, dans les diverses régions du monde antique, des modifications très importantes, affectant non seulement sa forme, mais sa décoration. Toutefois, ces modifications n'ont pas été livrées au caprice individuel : résultant de véritables modes, elles présentent assez de constance et de durée pour devenir un principe de classification chronologique, comme pour jeter quelque lumière sur les mouvements ethnographiques, sur les relations commerciales entre les peuples. C'est pourquoi l'on a pu dire que la fibule offrait le même intérêt archéologique que les monnaies, pour les époques que les trouvailles de monnaies n'éclairent pas encore, et que la fibule devait être considérée comme le « fossile directeur» de l'antiquaire, analogue à certaines coquilles qu'étudient les géologues pour distinguer les couches successives de l'écorce terrestre.
A l'époque de Tacite', les Germains se servaient encore, à défaut de fibules, d'une épine pour agrafer leurs saga ; des pièces de bois ou des alènes taillées dans l'os ou la corne peuvent avoir primitivement répondu aux mêmes besoins 2. La fibule métallique paraît dériver de l'épingle, pourvue d'un appendice pour la fixer dans l'ouverture où elle a été introduite 3. A cet effet, on a eu recours à des dispositifs divers : tels sont l'épingle à bouterolle qu'on trouve à Hallstatt'. et le serre-plis de même provenance 5, qui ressemble beaucoup à une fibule. De nombreuses épingles de l'âge du bronze présentent, dans leur renflement supérieur, une ouverture qui contient parfois les restes d'un fil métallique : ce fil servait aussi à fixer l'épingle et M. Undset le considère comme l'idée première de l'ardillon 6.
Il faut distinguer, dans la fibule proprement dite, deux parties essentielles, l'arc et l'ardillon. Le point où l'épingle se détache de l'arc, marqué par un ou plusieurs enroulements du fil et plus tard par une charnière, a été appelé la tête de la fibule; le point où elle s'engage dans l'arrêt, constitué par une gorge ou par une plaque, s'appelle le pied'. Dans l'Odyssée, les fibules du peplos donné par Antinoos à Pénélope sont pourvues de xXrifSE; Eüyvai.'s,rot a, ce qui signifie, d'après le scholiaste et Eustathe9, les crochets ou œillets destinés à retenir l'ardillon. Comme l'aiguille passe deux fois à travers l'étoffe pour en réunir les pans, elle reçoit l'épithète de Sf6o1o;l9; on compare aussi la fibule à une dent et il est question de sa morsure".
Les dimensions des fibules ont été variables ; on en connaît de très grandes, longues de 0m,20 et davantage ; il en existe aussi de très petites (Om,02), où le fil de l'arc est si mince qu'on a dù l'aplatir en lame de couteau pour le rendre suffisamment résistant". On a supposé que quelques fibules, à la fois très grandes et très lourdes,
ont pu servir à relever des rideaux ou des tentures dans l'intérieur des habitations13.
Les plus anciennes ' fibules sont en bronze; à l'époque historique, on en fabriqua également en fer. Les fibules en métaux précieux sont déjà mentionnées dans les poèmes homériques" et se rencontrent souvent en Italie dès le vie siècle". Telles sont les fibules en or et en argent rehaussé d'or trouvées à Préneste 16, la fibule en or à double disque enroulé de Caere 17, les fibules d'argent de Corneto et des tombes de la Certosa de Bologne". Suivant Mien, le luxe des fibules d'or et d'argent était familier aux femmes grecques dès la plus haute antiquité f9. De magnifiques fibules en or, décorées de filigrane et de granulé, appartiennent à la belle période de l'art étrusque (fig. 2837)2'; une des plus intéressantes, portant une inscription étrusque en granulé, est conservée au Louvre (fig. 2997) 21. A l'époque romaine, les fibules en or et en argent deviennent très fréquentes et leur surface s'enrichit de plus en plus d'émail, de pierreries, etc. 22 L'usage s'en généralisa à tel point que l'empereur Aurélien permit aux simples soldats, qui n'avaient encore que des fibules d'argent, de porter des fibules d'or 23 ; les tribuns en possédaient déjà du temps de César". Les Barbares qui envahirent l'empire romain poussèrent encore plus loin le luxe de la décoration des fibules, mais l'étude de ces productions est en dehors du cadre de notre travail25
A côté des fibules en or massif, il en est en argent doré (fabula argentea inaurata)26, ou dont la dorure n'est que superficielle; parfois il y a non pas une feuille, mais un fil d'or roulé autour de l'arc27. Les fibules dorées, argentées ou même étamées sont fréquentes à l'époque des invasions18. Ajoutons que les ardillons des fibules ont souvent disparu, ce qui tient à ce qu'on les faisait ordinairement en fer ou en bronze, alors que l'arc était d'un métal précieux 29. Il est question, dans la biographie de Claude le Gothique, d'une fibule en or avec un ardillon de cuivre 30
Les fibules italiennes antérieures à l'époque romaine sont très souvent décorées avec des morceaux d'ambre, tantôt insérés dans l'arc, tantôt juxtaposés alentour sous forme de disques et formant de la sorte comme un manchon31. Les disques d'ambre alternent quelquefois avec des disques d'or. On a signalé à Bologne des fibules dont l'are serpentant est entièrement recouvert de sections coniques d'ambre 32. L'emploi du corail pour rehausser les fibules se constate surtout dans les nécropoles gauloises de la Champagne33; celui des pâtes de verre émaillées s'observe déjà dans l'industrie italique la plus ancienne3' et l'on a même trouvé à Camiros, dans l'île de Rhodes, une fibule dont l'ardillon traverse quatre boules de verre 35. L'ère impériale vit aussi se développer le luxe des fibules d'or ornées de pierreries (gemmatae 36,
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atOoxd? syrct)1; déjà Antoine, au dire de Florus2, portait unerobe de pourpre agrafée d'énormespierres précieuses. Claudien attribue à Proserpine une fibule ornée d'un jaspe 3. Hadrien est loué par son biographe de s'être servi d'agrafes sans pierreries 4. La preuve que l'usage des fibules à pierreries passa longtemps pour efféminé, c'est que Vopiscus accuse Carin de s'en être servi exclusivement'. On raconte de Gallien qu'il fut le premier à se faire voir dans Rome avec une chlamyde de pourpre et des fibules d'or rehaussées de pierreries ; avant lui, les empereurs se montraient toujours en toge, vêtement qui ne comportait pas l'usage de fibules'. Les fibules ornées de pierreries, ou plus souvent de verres de couleur, sont fréquentes dans les sépultures des Barbares'.
VI. Dans l'épopée homérique, la fibule est employée pour agrafer la partie principale du vêtement fémi
nin, l'é«vés ou 7r€7r)■os 8. Le 7rls oç de Pénélope, don d'Antinoos, est pourvu de douze fibules en or9; l'Éavdç de Héra est maintenu au-dessus du sein, xcc'râ e r Oo;, à l'aide de fibules d'or i0. L'interprétation de ce dernier passage avait soulevé de nombreuses controverses lorsque M. Studniczka proposa", avec l'approbation de M. Helbig 12, d'en rapprocher plusieurs figures du Vase François1', où l'on voit de grandes fibules à bâton
nets transversaux, analogues à des spécimens découverts àTarquinii 14, réunir au corps de l'étoffe, vers la bau
du sein, un pan de vêtement ramené sur l'épaule droite (fig. 2976). La fibule d'Ulysse, dont il est question dans l'Odyssée1S, est plutôt un fermoir; nous y reviendrons en parlant de ces dispositifs. C'est à l'aide de fibules que les femmes grecques de l'époque la plus ancienne fixaient les manches de leurs chitons autour de leurs bras i6. Dans les statues féminines archaïques découvertes sur l'Acropole d'Athènes, les manches sont tantôt cousues, tantôt fermées à intervalles réguliers par des agrafes en forme de petits boutons circulaires i7. Les fibules servaient aussi à agrafer les langes des enfants; il est question dans Euripide des fibules d'or que portait OEdipe exposé sur le Cithéron 18
Hérodote raconte19 que les Athéniens ayant fait une expédition à Égine (au vie siècle), il ne revint qu'un
seul combattant; entouré, à son retour, par les femmes, de ceux qui étaient tombés à l'ennemi, il fut transpercé par les fibules qu'elles portaient et succomba. (Dans des textes poétiques relatifs à des époques plus anciennes il est souvent question de personnages blessés avec l'ardillon d'une fibule22.) Les Athéniens, poursuit Hérodote, ordonnèrent alors que leurs femmes renonçassent au costume dorien, qui avait été jusque-là celui de toutes les Grecques, pour adopter le chiton de lin ionien qui ne comportait pas l'usage d'agrafes, sinon, comme le montrent les monuments, pour fermer les manches 21. Les jeunes filles spartiates portaient un himatidion agrafé sur l'une et l'autre épaule2'. Les hommes employaient la fibule pour agrafer les vêtements de dessus, la chlaena, la chlanis, la chlamys [cIILAMYS, fig. 1417-1420] ; l'agrafe était généralement posée sur l'épaule droite et s'appelait
par suite i7rlllp.to;7rEpdv'r123. Un vêtement à fibules était dit
chlamydes fixées avec une agrafe", et quelquefois, à ce qu'il semble, l'agrafe elle-même", ou même la décoration de la '57(4=('7. En Thessalie, la chlamyde avec agrafe est dite X)a; 28, Ce genre de vêtement était porté en particulier par les citharèdes et est attribué à Apollon lorsqu'il est représenté comme musicien 29 [CITIIAROEDUS, fig. 1570-1572]. La fibule servait aussi pour agrafer l'bimation double porté à la guerre 31. On a proposé 31, mais sans doute à tort, de reconnaître une fibule, 7rEpdv'q, dans la cigale, TETTtrç, avec laquelle les Athéniens, avant les guerres Médiques, retenaient leurs cheveux nattés en crobyle [COMA, p. 1357.]
Dans l'habillement romain, la fibule ou broche ne servait pas pour la toge 32, mais seulement pour agrafer
SAGUM 33, ainsi que le manteau militaire dit PALUDAMEN
TU01. Scipion l'Africain portait à la guerre la sisyra gauloise munie d'une agrafe 34. Sur un buste de général romain 3', la lacerna paraît fixée par une attache oblongue munie de boutons qui s'appelait peut-être ligula ". Les Vestales agrafaient avec une fibule le voile blanc qu'elles portaient sur la tête en sacrifiant37 ; les Saliens s'en servaient pour relever leurs tuniques38. Les vêtements pourvus de fibules s'appellent, dans la basse latinité,
(pallia) fibulata39, (saga) fibulatoria•0, en grec cpt6? r6ltov, cpt6«T0Ûptov, cpt6aaTOÛpa "Al en est question, parmi d'autres
vêtements, dans l'édit de Dioclétien ". L'empereur Claude le Gothique, écrivant à Regillianus, gouverneur de l'Illyrie, lui demande deux saga pourvus de fibules, duo saga, sed fibulatoria", ce qui prouve que les saga n'étaient pas nécessairement pourvus de fibules. Dans une lettre de Valérien, il est question de duo pallia gallica fibulata : ce sont probablement, dit M. Waddington, les mêmes vêtements qu'il nomme sagochlamydes dans une
pendeloque. précieuses attachées au bout
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autre lettre et qui étaient portés habituellement par les tribuns militaires'. Les fibulatoria étaient aussi en usage chez les Perses, d'après une glose de Suidas 2.
Les fibules étaient offertes en cadeaux aux hommes et aux femmes', souvent aussi à des militaires`; on en connaît qui portent des inscriptions comme Ulere felix, Juliane vinas, expressions des voeux du donateurs, ou encore l(eg) I c(oh) V6, marquant qu'elles ont été données à un soldat. Nous avons déjà rapporté quelques textes concernant le luxe des fibules sous les empereurs; une inscription de Corinthe fait connaître, sous Alexandre Sévère, un fonctionnaire spécial préposé aux fibules impériales, praepositus a flblis7. Ces objets étaient donc considérés comme des bijoux, nécessitant une surveillance particulière, ce qu'explique la richesse de leur décoration. Aussi Ulpien est-il d'avis que les fibules appartiennent plutôt à la parure qu'au vêtement 8.
Dans le costume impérial du
bas-empire, la fibule à trois
franges est un attribut essen
tiel du pouvoir suprême ; à cet
égard, les fibules de ce temps
rappellent, comme on l'a fait
observer, les épaulettes d'au
jourd'hui «fig. 2975 et 2976)11.
Procope décrit le costume d'un
roi d'Arménie, avec une fibule ,r r d'or d'où pendaient trois pierres
d'un fil d'or '1. Corippus fait aussi porter à Justin des fibules d'or avec chaînettes ornées de pierreries 12. On sait le nom spécial d'une
fibule de ce temps-là, qui ressemblait à une corne d'abondance, le xopvoc,cd7stov 13, et on a cru la recon
naître sur le personnage placé devant Théodose, dans le grand disque d'Almendralejo 14. Une autre fibule très grande et très longue, munie d'un appendice plat et dentelé qui monte presque jusqu'à l'oreille, se voit sur plusieurs monuments du ve siècle, par exemple sur lei diptyque de Monza (p. 274, fig. 2158).
IX. La fibule n'a pas été connue des peuples de l'Orient avant qu'ils ne subissent l'influence des Grecs. Elle ne s'est pas rencontrée à Ilissarlik :'un objet découvert en cet endroit, et qu'on avait pris pour une fibule, est certainement une boucle d'oreille 75. C'est également par erreur que l'on a parlé de fibules dans les tombes phéniciennes de la Sardaigne 76. La présence d'une fibule d'un type particulier sur le vêtement d'un personnage dans un bas-relief d'Ibriz en Lycaonie 17 peut être alléguée à l'appui de la théorie qui fait venir d'Europe la civilisation dite héthéenneis ; un objet analogue, que M. Studniczka croit lydien, s'est rencontré dans un tumulus de la Troade 16. En l'état actuel de nos connaissances, on ne peut même pas affirmer que la fibule soit une invention des tribus grecques pendant leur séjour au nord de la presqu'île des Balkans 20 : peut-être faudrait-il en chercher l'origine plus loin vers l'ouest. La fibule se trouve, en effet, bien que rarement, dans les couches supérieures des terramares et dans les stations lacustres de l'âge de bronze, alors qu'elle manque dans les riches sépultures de l'époque mycénienne pour ne paraître, sous sa forme la plus simple, qu'à la fin de cette période.
Le type primitif de la fibule hellénique s'est rencontré à Mycènes en dehors des tombeaux de l'agora2t. Comme la fibule italienne des terramares, elle est de forme très allongée et présente un seul enroulement". Le même modèle a été signalé, non seulement dans les terramares du Bolonais, mais dans les palafittes de Peschiera et de Corcelettes ainsi que dans l'Italie Centrale; on en trouve même des dérivés immédiats en Hongrie et en Bosnie 23. Nos figures 29'7'7, 2978
et 2979, reproduisent une fibule de Mycènes 24, une fibule des terramares et une autre découverte dans le Picenum 26. A ce type, que l'on considère jusqu'à nouvel ordre comme le plus ancien, se rattache immédiatement celui de la fibule à arc simple (ad arco semplice), diffé
rente de la précédente par la forme demi-circulaire de l'arc, qui est presque toujours décoré de nervures parallèles. Ce type s'est rencontré non seulement dans toute l'Italie et dans la presqu'île des Balkans, mais sur la côte d'Asie Mineure (fig. 2980) 26, et dans les plus an
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donnes nécropoles du Caucase, en particulier â Koban'. La fibule grecque s'est développée de deux manières. Tantôt l'arc s'est décoré de renflements, de perles, etc., comme on le voit sur un spécimen provenant d'Athènes (fig. 2981)2; tantôt la plaque s'est agrandie et a reçu des gravures au trait. Ces fibules à grandes plaques gravées, dans le style des peintures céramiques du Dipylon, ne se sont guère rencontrées jusqu'à présent qu'en Grèce 3 ; nous donnons comme spécimen la plus remarquable de cette série,
pendant signalé, comme provenant de la campagne romaine, une fibule dont l'ardillon porte une plaque suspendue qui paraît être une imitation de la fibule grecque à plaque carrée 6, et des dérivés du même type ont récemment été découverts en Bosnie 6. Quelques fibules où la plaque est triangulaire (et non pas quadrangulaire) ont été recueillies en Italie et en Pannonie'. D'autre part, l'arc avec renflement se retrouve dans le nord de la péninsule balkanique, en Italie, en Carniole et en Hongrie; mais les renflements se réduisent quelquefois à de très petites saillies.
X. En Italie, la fibule arquée simple, très fréquente dans le nord', mais qui se rencontre aussi au sud de l'Apennin, se développa de deux manières9 : 1° la plaque s'augmente d'un appendice ou disque purement décoratif en forme de feuille, constitué d'abord par plusieurs tours de spire, plus tard uni : c'est un type fréquent dans l'Italie centrale et méridionale le (fig. 2983) ;
20 l'arc, d'abord tout uni ou rehaussé simplement de lignes gravées parallèles, se tord en câble, se décore de renflements, de noeuds, de créneaux (fig. 2984 et 2985), de disques en or
ou en métal, de` petits anneaux,
quelquefois de boules en verre émaillé " . Ces types, infiniment variés, sont rares au sud de l'Apennin et très fré
quents aux environs du lac de Côme et du lac Majeur f2. Parfois aussi, le centre de l'arc prend la forme d'une feuille ou d'un petit
bouclier, percé de trous sur les bords ou orné de gravures 12 : l'exemplaire que nous figurons provient d'un
grand dépôt de bronzes découvert à Tolfa (fig. 2986)13.
XI. Le second en date des types de fibules italiques est la fibule en forme de barque, a navicella, dite aussi en forme de sangsue, a sanguisuga14 ; elle est caractérisée par le très fort renflement
médian de l'arc, qui est quelquefois creux à l'intérieur 15 L'arc est généralement couvert de ciselures, lignes droites et courbes mêlées (fig. 2987)16. Ce type se développe de deux manières :
1° le pied s'allonge bien au delà de la longueur de l'ardillon et se termine souvent par une pommette 17; 2° l'arc se décore de saillies latérales, parfois de figures d'oiseaux (fig. 2988)18, et reçoit des incrustations d'ambre.
(Nous avons parlé plus haut, p. 2002, de l'emploi de l'ambre dans la décoration des fibules italiennes.) Nous signalerons, à cette occasion, une petite fibule dont l'arc
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est surmonté d'une figure d'oiseau, qui, découverte à Camiros, appartient au Musée britannique (fig. 2989) 1. Une fibule analogue à celles de l'Italie, mais où les têtes d'oiseaux sont remplacées par des têtes de mouflon, a été trouvée à Koban dans le Caucase 2. Il arrive que la forme bombée de l'arc est due à une multitude de petites rondelles métalliques très minces et de diamètre décroissant, qui ont été enfilées et serrées les unes contre les autres'. La fibule sanguisuga s'est également rencontrée à Olympie 4, mais il serait prématuré de dire, vu l'imperfection de nos connaissances sur les fibules grecques, que les concordances de ce genre s'expliquent par des importations.
A Villanova, à Corneto et dans les stations de cette époque, on trouve, en même temps que les fibules en barque, d'autres qui sont formées d'un simple fil métallique, présentant un arc surbaissé et un pied très court °. Leur simplicité pourrait les faire croire très anciennes, mais elle est moins réelle qu'apparente. ' L'arc est, en effet, généralement engagé dans des espèces d'olives ou de manchons en pâte de verre, en ambre, en os, en corne de cerf, qui sont décorés avec beaucoup de soin. Pourvues des manchons en question, ces fibules rappellent tout à fait le type sanguisuga : il est probable qu'elles sont un peu plus récentes (fig. 2990)6. XII. Avec la fibule en barque, on trouve aussi la fibule serpentiforme, dite serpeggiante, a cirage 7, dont les variétés sont extrêmement nombreuses, parce que les enroulements de l'arc présentent, dans les différents exemplaires, une complication très inégale'. A côté des types que caractérise seulement la torsion de l'arc (fig. 2991) 9, on en trouve où l'arc est enjolivé par la présence de bossettes, de disques (mobiles ou non) à tra
vers lesquels on a fait passer le fil métallique (fig. 2992)10. Les anneaux enfermés dans les arcs des fibules sont sans doute de simples ornements, remplacés ailleurs par des chaînettes, des spirales, des bulles", etc. Souvent, dans ces fibules, l'ardillon vient s'appuyer sur un disque ou sur une feuille (fig. 2993)12; ailleurs, il s'introduit dans une gorge allongée 13. Une classe de fibules à arc serpentant et à long pied, que l'on trouve aussi dans l'Italie du nord f4, est caractérisée par la présence de plusieurs
paires de bâtonnets latéraux s'opposant deux à deuxi3, A ce groupe appartient une fibule en or qui porte une inscription latine très archaïque, mentionnant le nom da
fabricant Marius, gravé sur le canal (fig. 2994) 16. Le sud de l'Italie a fourni d'autres fibules avec des appendices en forme de glands au lieu de bâtonnets 17. On en a signalé une semblable àOlympie 13; d'autres se reconnaissent sur les tuniques de plusieurs femmes du Vase François 13. Sur un vase publié par Millingen, on voit des
femmes portant sur chaque épaule une fibule à bâtonnets 20. A Vulci, dans une camera du vue siècle, M. Gsell a trouvé une fibule jusqu'à présent unique (fig. 2995) 21 : elle offre deux bâtonnets transversaux, un arc double et deux ardillons, qui s'engagent dans la double rainure d'un pied très allongé. On connaît d'ailleurs quelques fibules serpentiformes dont l'arc se divise au sommet en deux tiges; mais celles-ci se réunissent plus bas pour for
mer un seul ardillon. Ces fibules se sont rencontrées également en Italie et à Olympie".
Outre les disques et les bâtonnets, les arcs des fibules serpentiformes présentent quelquefois de petites cornes disposées par paires, analogues à des antennes, qui les ont fait appeler fibules cornues par les archéologues scandinaves (fig. 2996)". Tischler a fait observer que les
fibules serpentiformes les plus simples se rencontrent dans des nécropoles relativement récentes, comme celle de la Certosa, et paraissent moins anciennes que celles dont les enroulements sont très compliqués 24
XIII. Les fibules à arc simple, naviformes, serpentiformes, se rencontrent également dans toute l'Italie; mais à l'époque de la nécropole de la Certosa de Bologne,
par suite des progrès de l'art étrusque, il se manifesta une différence sensible dans l'industrie au nord et au sud de l'Apennin 2°. Les nécropoles de Caere et de Vulci ont fourni d'admirables fibules en or, rehaussées de granulé et de filigrane, les unes du type naviforme,
des spécimens permet de leur assigner comme date les environs de l'an 500 avant J.-C. Une fibule en or analogue a été trouvée à Chiusi°; 111. Gsell en a recueilli une dans une chambre de Vulci, et l'on en connaît d'analogues des Abruzzes et des Marches 6. Ce type est fréquent dans la région d'Este, dans les Alpes autrichiennes, dans les provinces de Côme, de Bergame, etc.'.
XV. Dans l'Europe centrale et occidentale, l'étude des fibules, comparées à celles de l'Italie, révèle l'existence de deuxprovinces8. Al'ouest de la Bavière, les plus anciens types italiques sont très rares, alors qu'ils sont fréquents dans l'Autriche actuelle, à. Hallstatt, à Watsch, etc. Tous les types demi circulaires, naviformes, serpentiformes, se sont
r rencontrés à Hallstatt, mais cette nécropole, que l'on croit celto-illyrienne, a aussi fourni des types nouveaux ou du moins fort rares en Italie, 1° Le type dit demi-lunaire par Tischler, caractérisé par une plaque en croissant fixée à un arc demi-circulaire (fig. 3000)9. Entre l'arc et l'ardillon, sur
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d'autres présentant des motifs d'animaux'; une des plus belles porte une inscription étrusque (fig. 299-i) qui ne laisse aucun doute sur le lieu de la fabrication, bien qu'on puisse encore l'attribuer à quelque atelier d'ouvriers grecs immigrés en Etrurie2. Nous donnons encore une belle fibule en or, dérivant du type a sanguisuga, que M. Martha décrit ainsi' : « L'étui allongé a disparu et
le fermoir où vient s'appuyer l'ardillon se termine par une capsule lenticulaire munie d'un appendice épanoui en rosette. Le décor est d'un style
fort élégant ; il se compose de fleurs à pétales, de tiges à volutes, de perles, de tresses, le tout exécuté en filigrane d'une délicatesse extrême (fig. 2998) n.
XIV. Dans les tombes récentes de la nécropole bolonaise, on trouve une forme nouvelle dite de la Certosa, tantôt en bronze, tantôt en argent, associée aux fibules serpentiformes les plus simples. Cette variété est surtout caractérisée par un pied court à bouton, formant un S avec l'arc (fig. 2999) '. Le style des vases grecs avec
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le bord interne de l'arc, on rencontre souvent des figurines grossières d'oiseaux ou de petits spirales. Les pendeloques, formées de chaînettes terminées par des plaquettes ciselées, sont suspendues à la plaque en forme de croissant. 2° La fibule dite à double disque, à spires ou à lunettes (Brillenfiebel), formée d'une ou de deux paires de cercles en spirale ou pleins, réunis par deux oeillets enroulés ou
par une plaque (fig. 3001)1°. Ce type, rare dans l'ouest, est extrêmement fréquent à Hallstatt et en Hongrie. Là où les
disques sont pleins, des cercles concentriques tracés à la surface rappellent les enroulements primitifs''. Bien que quinze fibules de ce genre aient été trouvées en Apulie, on peut dire qu'elles sont rares en Italie et que le type en est sans doute originaire de la vallée du Danube. M. Helbig a proposé d'assimiler à ces spirales, que l'on trouve parfois groupées au nombre de quatre, appliquées sur une lamelle de bronze en losange ou en carré (fig. 3002)12, les i? xeç mentionnés dans deux passages homériques comme des accessoires de la toilette féminine33. 3° La fibule dite à timbale (Paukenfiebel), où
l'arc naviforme est remplacé par une demi-sphère creuse (fig. 3003) 14. Cette fibule se rencontre souvent dans les tumulus de la vallée du Rhin, en compagnie de la fibule serpentiforme la plus simple et d'autres objets que l'on peut attribuer au ve ou au Ive siècle avant Jésus-Christ.
Dans ces mêmes tumulus paraissent les fibules en T, caractérisées par la présence d'un nombre égal d'enroulements du fil de chaque côté de l'arc, et que l'on appelle aussi fibules en arbalète (Armbrust flebel). Là, contrairement à ce que nous avons vu jusqu'à présent, l'arc forme une pièce à part, la spirale et l'ardillon une autre : c'est donc une fibule com
posite (fig. 3004) f6. Les arcs de ces fibules sont souvent ornés de demi-sphères creuses dites timbales, qui présentent de très nombreuses variétés16; d'autres fois,
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leur pied se termine par un bouton, une plaque, un crochet, affectant des formes très diverses Quelques fibules de cette classe se sont rencontrées dans l'Italie du Nord ; celle que reproduit notre figure 3004 provient de la Certosa (Servirolo). D'autres ont été recueillies dans la nécropole bolonaise dite Arnoaldi et à Marzabotto 2, mais il est probable que ce type est d'origine septentrionale et qu'il a été introduit en Italie par l'invasion gauloise.
XVI. On sait que les archéologues appellent période de la Tène ou 111arnienne celle qui est caractérisée par l'usage exclusif d'armes en fer et par la substitution du fer au bronze dans un grand nombre d'ustensiles et d'ornements. A cette époque appartient une série de fibules qui, malgré de nombreuses variétés locales, présentent d'incontestables caractères communs 3. Le plus constant, c'est que le pied, formant un S avec l'arc, remonte vers celui-ci, tantôt pour venir le rejoindre en formant un oeillet (fig. 3005) è, tantôt en se terminant par un disque, un bouton ou une série de boutons diversement ornés. La tête de la fibule est généralement en T. Nous donnons comme spécimen (fig. 3006) une fibule de Marzabotto, qui offre le type de la Tène dans sa plus grande simplicité. Les modèles plus compliqués sont souvent enrichis d'émaux d'applique, de cabochons de corail, etc. ; les fibules en fer sont quelquefois décorés de perles de verre ou de bronze. Les nécropoles à inhumation de la Champagne en ont fourni de très nombreux spécimens6. La fibule celtique, qui sert à fixer le sagum, analogue au plaid
écossais, constituait une partie essentielle du costume militaire. Les tombes celtiques fournissent souvent deux fibules pareilles, unies par une chaînette 2; de même, sur les bas-reliefs galloromains, on voit quelquefois des personnages portant une grosse fibule sur chaque épaule Le même détail s'observe sur plusieurs curieux bas-reliefs trouvés en Pannonie et conservés au mu
sée de Pesth ; nous reproduisons une partie de l'un d'eux (fig. 3007) 9. Le type de la fibule est celui que l'on trouve figuré plus loin (fig. 3009).
Les fibules du type de la Tène sont extrêmement répandues, des vallées de la Tamise et de la Seine à celle du Danube, ainsi que dans l'Allemagne du Nord, mais elles sont plus rares en Italie. Il ne paraît pas douteux que la civilisation à laquelle elles se ratta
chent doive, dans son ensemble, être cunsidérée comme gauloise. On est cependant encore fort embarrassé pour expliquer ),'étendue de son domaine et la rapidité de sa propagation".
XVII. En Italie, les objets d'époque romaine qui ne présentent pas un intérêt artistique ont été beaucoup trop négligés : il n'en est pas de même dans les provinces de l'empire qui sont pauvres en oeuvres d'art proprement dites. Aussi la grande majorité des fibules romaines que l'on connaît proviennent-elles de la vallée du Danube et de celle du Rhin; les musées de SaintGermain-en-Laye et de Mayence en possèdent de très riches collections. Bien que les provinces aient eu certainement des fabriques locales, les types des fibules qu'on y rencontre peuvent être considérés comme romains et l'on a même découvert de ces fibules, en compagnie de monnaies impériales qui servent à les dater, bien au delà des frontières les plus étendues que l'empire ait atteintes dans l'Europe du Nord!!.
On a remarqué que les fibules romaines proprement dites se rat
tachent moins aux anciens types italiques qu'à celui de la Tène; elles se distinguent cependant de ces
dernières : P par l'existence d'an appendice qui enserre la tête de l'ardillon ; 2° par la présence d'une
plaque d'arrêt, le plus souvent unie, quelquefois percée d'une ou plusieurs ouvertures (fig. 3008)". Au lieu d'un appendice qui se relève
vers l'arc, il y a le plus souvent un bouton. Du côté de la tête, à l'extrémité de l'arc, on remarque quelquefois deux petites cornes (fig. 3009)13. Dans d'autres fibules romaines, au type des fibules en arbalète, l'ardillon et 5 le fil roulé constituent une pièce séparée, l'arc et la plaque d'arrêt une
autre : la plaque devient carrée et l'arc s'enrichit de divers motifs d'ornementation (fig. 3010) 14.
Un autre type fort répandu se distingue : P par la
FI13 -1109 FII3
longueur et la forte convexité de l'arc; 2° par la forme évasée de la partie terminale, qui est plane ou très légèrement convexe; 3° par l'exiguïté de la plaque d'arrêt (fig. 3011)'. Un modèle différent, d'apparence encore plus massive, présente un arc cotelé et un grand disque entre la partie convexe de l'arc et l'appendice terminal (fig. 3012) 2 ; il s'est déjà rencontré dans les ruines de Bibracte au mont Beuvray (exemplaire au Musée de Saint-Germain).
Tischler a proposé de reconnaître une dérivation du type de la Tène dans certaines fibules fort répandues sur les bords du Rhin, où on les trouve avec des monnaies des Antonins3; le pied forme un oeillet et se prolonge par un fil roulé autour de l'arc; le reste présente généralement le dispositif des fibules en arbalète (fig. 3013) 4.
Au me et au Ive siècle ap. J.-C., la forme romaine dominante dans le Nord est celle de la fibule à arbalète, avec arc très convexe, appendice droit et allongé, très petite plaque d'arrêt (souvent remplacée par une gorge à la partie inférieure du pied). L'arc est parfois ciselé, orné d'incrustations diverses, d'émail niellé ou de dorure (fig. 3014) °.
Dans le Sud, on rencontre surtout la fibule dite cruciforme à charnière : le fil en spirale a été remplacé par une tige dont la décoration seule rappelle quelquefois l'origine. Ce type, appelé aussi romain provincial, s'est conservé très longtemps : il se retrouve dans la fibule en or du tombeau de Childéric IeC, qui a été découverte parmi des produits de l'art barbare et prise d'abord pour un graphium (fig. 3015) 6. Les extrémités de l'arc et de la crossette sont généralement ornées de boutons; la convexité de l'arc est très prononcée.
Longpérier a montré que, dans certaines fibules de cette classe, appartenant à la fin du ive siècle, l'ardillon est engagé aux deux tiers dans une gaine Fig.3015.-Typeromain faisant suite à l'arc et qu'une broche
à pas de vis, pénétrant dans la traverse en T, passe, pour la fixer, dans un oeil pratiqué à la
partie supérieure de l'ardillon. Pour ôter le vêtement, il fallait dévisser la fibule (fig. 3016) 7. M. A. Evans a acquis en Illyrie une fibule
où la gaine, dans laquelle s'insère le pied de l'ardillon, est munie d'an véritable fermoir, analogue à ceux qui sont encore en usage dans les bracelets 3
Une dernière forme, caractérisant les nécropoles gothiques, franques, burgondes, anglo-saxonnes, etc., est la fibule à tête demicirculaire, carrée ou ogivale, avec large pied en forme de parallélo
gramme ou de trapèze, uni à la tête par un col étroit formant l'arc (fig. 3017) 9. Il en existe de riches exemplaires en or et en argent, rehaussés d'incrustations, de granulé, de boutons et de bossettes couverts de ciselures. Mais ce sont là déjà des produits de l'industrie du moyen âge, dont l'étude ne doit pas nous occuper ici.
A côté des types principaux de fibules que nous venons de passer en revue, on citerait quantité de modèles de fantaisie, plus ou moins isolés, comme ceux de la fibule à pincette (fig. 3018)10, de la fibule en sandale, en bipenne, en trompette, en miroir, en vase à deux anses, en P ", sans parler des innombrables fibules zoomorphiques dont il sera question tout à l'heure. Toute classification de ces objets, dont on retrouve continuellement des modèles nouveaux, risquerait d'être incomplète au moment même où elle paraîtrait : ils ne présentent, d'ailleurs, indépendamment de la valeur artistique de quelques spécimens, qu'un intérêt de curiosité.
Toutes les fibules dont il a été question jusqu'à présent offrent plus ou moins le type de nos épingles de sûreté : élargi, tordu ou chargé d'ornements, l'arc conserve quelques-uns des caractères répondant à l'idée que suggère ce mot. Il n'en est plus de même dans les fibules analogues à nos broches ; l'arc y disparaît complètement pour être remplacé soit par un disque plein, souvent orné de rosaces et de rayons 'a, soit par une rosace ou un cercle évidé S3, soit encore par deux, trois ou quatre cercles juxtaposés, une plaque cruciforme' ,
FIB --1 110 FIB
urge croix gammée, une figure d'homme ou d'animal, etc. Dans les monuments de l'art antique, la broche, servant à agrafer le vêtement supérieur, est bien plus souvent représentée que la fibule. Par suite d'un changement de mode qui remonte au v' siècle, les fibules, que l'011 rencontre parfois au nombre de vingt et même davantage dans les anciennes sépultures étrusques, deviennent rares au ive siècle ; on trouve à leur place des broches en forme de médaillons, dont un des plus beaux spécimens connus est au Louvre (fig. 3019) 1. Les oeuvres grecques et romaines montrent les broches tantôt sur l'épaule droite2, tantôt au milieu de la poitrine des personnages 3 ou à leur ceinture tantôt (chez les femmes surtout) au nombre de deux, une sur chaque épaule
parfois enfin employées pour agrafer les manches des vêtements ° ou relever une tunique au-dessus du genou 7. Les grosses broches, le plus souvent dorées, étaient appelées BULLA 8. Les broches servant d'agrafes comportent de nombreuses variétés de forme et de décoration : signalons celles qui sont ornées d'un appendice en forme de feuilles ou de petits disques adhérents au grénetis qui constitue le pourtour (voy. p. 121, fig. 2344 et 2345.) Les broches de l'époque romaine ne doivent pas, du reste, être étudiées sur les oeuvres d'art, mais directement, car elles se trouvent en grand nombre dans les musées. Elles
sont souvent en métaux précieux, rehaussées de figures estampées f0 , de filigrane et de granulé, d'émaux champlevés ou d'autres inscrustationsi1. La fantaisie des ar
tisans s'est donné carrière dans la fabrication de ces petits objets, dont nous ne reproduisons ici que .deux spécimens (fig. 3020 et 3021) 12
Les fibules dont l'arc ou le pied est décoré par une figure d'homme ou d'animal (cavalier, chien, lion, lion ailé, sphinx, etc.) ont été de très bonne heure
en usage 13 : elles sont fréquentes en Italie dès l'époque des pozzi, plus communes encore aux époques suivantes, tant dans les nécropoles étrusques que dans le nord de la péninsule 14 ; on les trouve aussi, quoique plus rarement, au delà des Alpes 15. La fibule dite en arbalète présente quelquefois, sur l'arc ou sur le pied, des têtes d'hommes ou d'animaux grossièrement exécutées, rappelant le style d'imitation de monnaies gauloises'. Les fibules et surtout les broches zoomorphiques furent très en faveur à l'époque gréco-romaine : le musée de SaintGermain et la collection Evans à Nash-Mills en ont réunidenombreux
spécimens provenant, pour la plupart, de l'Europe occidentale 17. Nous figurons ici deux beaux exemplaires en or, conservés au Musée de Naples, et présentant, l'un, une tête debélieràl'extrémité du pied, l'autre un lion ailé et un sphinx à chaque bout de l'arc
(fig. 3022 et 3023) 10. On a récemment découvert à Rome une magnifique fibule en or, en forme d'aigle aux ailes déployées, rehaussées de pierres précieuses". Notre figure 3024 donnera une idée d'une fibule plus modeste appartenant à la même série2°. Nous pourrions citer de nombreux exemples de broches zoomorphiques, remarquables par l'élégance de la silhouette ou le luxe de la décoration.
XX. Il nous reste à dire quelques mots des fibules à pendeloques. Nous avons vu que l'on trouve de très bonne heure des fibules ornées de disques mobiles ou dont l'arc est entouré d'une sorte de manchon. Le goût des grandes pendeloques paraît avoir régné surtout dans l'Italie du Nord, aux environs de Bologne et de Côme, et, plus encore, au delà, des Alpes, dans la région de Hallstatt2' et en Hongrie". Nous donnons ici comme spécimen de provenance italienne une magnifique fibule à chaînettes découverte en 1858 près de Côme (fig. 3025)33; les chaînettes ne sont pas terminées par des disques, comme c'est le plus souvent le cas à Hallstatt, mais par des enroulements doubles que l'on trouve déjà dans les stations lacustres et les sépultures de l'âge du bronze 2S
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Du reste, le goût pour les grosses pendeloques de verre, d'ambre ou d'autres substances, attachées aux fibules comme des breloques, persista jusqu'à l'époque romaine: nous en donnons comme exemple une fibule en or du Musée de Naples trouvée à Herculanum «fig. 3026). XXI. La fibule destinée à fermer une ceinture2 ou un grand manteau3 se compose d'une plaque généralement ornée, à laquelle fait suite une tige munie d'une feuille à pointe recourbée 4; cette pointe entre dans un trou et assure ainsi la fixité de l'attache. Les fibules de ce genre vont généralement par paires: on en a déjà pu voir un spécimen (fig. 1481)5. Dans 1'Odyssée 6, Ulysse ferme sa chlaena de pourpre âvec une fibule (zeOv,) en or. Cette fibule a un double canal (aûao'ca ôGg.otrt) et est ornée sur le devant d'un groupe représentant un chien qui tient un daim entre ses pattes. Or, on a découvert en Italie plusieurs fermoirs ornés de sphinx qui ré
chaînettes. pondent à la description homérique. Les a
deux aiguilles de la partie droite entraient dans les deux tubes qui leur font face et le tout était maintenu par les crochets et les agrafes qui sont figurés
entre les aiguilles (fig. 3027)7. On connaît des boucles de ceinturon composées de deux pièces, l'une terminée
par trois tètes d'homme ou d'animal, l'autre par trois anneaux, lesquels viennent s'emboîter dans les saillies des prolomés qui leur font face'. Pour les différents modèles de fermoirs de ceintures, nous renvoyons aux articles
XXII. Les boucles, dont les modèles ordinaires sont
très communs (fig. 3028 et 3029) 9, répondaient aux mêmes usages et pré
sentaient les mêmes formes que les nôtres : on les employait dans le costume civil et mi
LuM], dans le harnache
ment des chevaux, etc. Elles servaient aussi à fixer les bandelettes destinées à retenir les cheveux( fig. 1820), mais lafibule d'or que Virgile place dans les cheveux de Camille' ° était probablem ent une simple aiguille [ACUS]. Des boucles d'un travail soigné, enrichies de ciselures et de reliefs, souvent en or ou en argent, quelquefois en ivoire et en métal", faisaient partie du costume d'apparat des grands personnagesi2 et des militaires, auxquels elles étaient
aussi offertes en cadeaux [DONA MILITARIA] 93. Le Musée
de Bonn possède une grande boucle argentée, donnée à un soldat romain, avec l'inscription NUMERUM OMNIUM1b Pline cite une lettre de M. Brutus, écrite des plaines de Philippes, où il s'indigne contre le luxe des fibules d'or portées par les tribuns 16. La magnifique boucle en argent, reproduite par notre figure 3030, provient d'Her
culanum 16; on y voit la représentation d'une scène fréquente sur les monuments antiques, la dispute d'Athéna et de Poseidon. Les grandes boucles de ce genre, enrichies de damasquinures et de verroteries cloisonnées, ou ornées de figures travaillées à jour, ont été particulièrement recherchées à l'époque des invasions 17.
XXIII. Un dispositif appelé fibula, en grec âyxT-tip, était
employé par les chirurgiens pour unir les plaies; la fibule diffère de la suture en ce que le lien établi entre les lèvres de la blessure n'est pas continu".
Il a déjà été question [ATULETAE, p. 521] d'un procédé appelé infibulatio, qui avait pour but de conserver leurs forces aux athlètes, leur voix aux chanteurs, leur pureté aux enfants. Les fibules employées à cet effet étaient généralement en argent f9. De là l'expression f bulam laxare desideriis 20, équivalant à la locution française : « Lâcher la bride à ses passions. »
Le nom de fibula est encore donné à des liens en fer ou en bois, à des chevilles destinées à réunir des poutres ou d'autres matériaux21, à celles qui fixaient le fer à la hampe du PILuM 23, à des cercles en bois servant à
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assurer la solidité des paniers 1. II6povr) désigne aussi l'esse d'un char, c'est-à-dire la cheville de fer que l'on place au bout de l'essieu pour empêcher la roue de sortir 2, et la cheville à l'aide de laquelle les marins fixaient les cordages sur les flancs d'un vaisseau 3. S. REINACH.