Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article FIDES

FIDES. Personnification divine de la bonne foi qui doit présider aux conventions publiques des peuples et aux transactions privées entre individus. Au point de vue moral Cicéron la définit : justifia in rebus creditis'. Quoique Théognis ait appelé Htatitg une grande divinité 2, il n'y a pas de traces d'un culte de la Bonne Foi chez les Grecs; ceux-ci en ont identifié l'idée tantôt avec Thémis ou avec Diké, tantôt avec Zeus gardien du serment et de la parole donnée, surnommé à ce titre fipxtos, ÉvtiPxtoç et 7ticrtoç 3. Les Romains qui, dans leur plus ancienne reli gion, comptaient en grand nombre les abstractions personnifiées, avaient donné une importance particulière à celle de Fides Ils en faisaient remonter le culte au roi Numa et le considéraient comme originaire de la pieuse nation des Sabins, de qui ils tenaient de même Hercules, Fortuna, Fors, Salus, Vesta et enfin Terminus s. Ce dernier garantissant le respect de la propriété territoriale, Fides est l'expression de l'équité dans les stipulations verbales. On sent que, à travers l'histoire et la poésie, elle fournit le trait caractéristique de la race, pour les temps du moins où celle-ci se distinguait par la vigueur morale G. L'observation religieuse de la foi jurée fait partie du patrimoine primitif et l'opinion exalte pieusement quelques-uns des héros qui s'y étaient immolés; ainsi Régulus durant les guerres Puniques 7. C'est la raison pour laquelle, dans l'épopée historique de Silius Italicus', l'idée de la foi punique évoque celle de l'antique Fides des Romains et lui vaut un rôle assez considérable. Le poète nous montre en effet Hercule protecteur dés Sagontins, qui va implorer l'appui de cette déesse en faveur de leur ville contre Hannibal. FID 1116 -FID D'autres poètes, dès l'époque d'Ennius 1, l'emploient dans leurs oeuvres comme un des bons génies qui représentent l'âge d'or ou le bon vieux temps : Ennius lui donne même des ailes comme les Grecs à leurs démons. De plus en plus rare avec la corruption des moeurs 2, elle rappelle Aidos et Némésis qui, chez Hésiode, s'enveloppant de leurs blancs vêtements, sont remontées dans l'Olympe pour ne pas assister au spectacle des crimes3. Dans les allégories des poètes qui ont cessé d'assez bonne heure de la considérer comme une divinité véritable, elle a pour compagnes la Concorde, la Vertu, la Piété, la Pudeur, la Justice ; durant la première guerre Punique son culte avait été remis en honneur en même temps que celui de Mens 6. Les épithètes qui la caractérisent appartiennent à cet ordre d'idées : on l'appelle cana, antiqua, rara; ou elles dérivent de sa nature : casta, sacra, sancta, incorrupta, et surtout alma que lui décerne pour la première fois Ennius, ce qui l'assimile aux divinités maternelles et bienfaisantes 6. Elle n'a eu, à vrai dire, qu'un seul temple dans le monde romain, celui qui au Capitole était voisin du temple de Jupiter et dont la construction était attribuée au roi Numa en personne'. C'est par erreur qu'on a admis l'existence d'un sanctuaire au Palatin, sur la foi d'une flatterie d'Agathoclès qui en faisait remonter la fondation à Roma, petite-fille d'Énée 8; par erreur aussi celle d'un autel de Fides candida sur le Forum 9. Le temple du Capitole avait été rebàti une première fois, au début des guerres contre Carthage, par Atilius Calatinus ; puis plus tard par Aemilius Scaurus, contemporain de Cicéron". Là on accrochait les tables d'airain sur lesquelles étaient gravés des documents publics, entre autres les diplomata militaria ou honestae missionis 11. Parmi les prodiges survenus à la veille d'un événement critique, un auteur cite une trombe qui renversa quelques-unes de ces tables 12. De même que Zeus chez les Grecs 13, Jupiter était le gardien de la foi jurée; le jour des ides, qui était celui de la pleine lune, était aussi appelé le jour de la Jovis fducia parce que, dieu de la lumière (Lucetius), Jupiter était naturellement celui des engagements clairs et sans réticence. Une fête spéciale de Fides était célébrée au Capitole le 19r octobre14; les Flamines de Jupiter, de Mars et de Quirinus y présidaient". Le rituel traditionnel, qui remontait, comme la déesse elle-même, au roi Numa, les obligeait à se rendre au temple sur un char couvert, attelé de deux chevaux (bigis arcuato curru); ils sacrifiaient, la main enveloppée jusqu'au bout des doigts de laine blanche16. Ce symbolisme naïf signifiait que la parole donnée doit être inviolable, secrète et qu'elle lie les deux parties. La main droite était d'ailleurs spécialement consacrée à Fides i7; sur un anneau du temps de l'empire on voit deux mains tendues l'une vers l'autre et jointes, encadrées par les mots FIDES CONCORDIA18. De là, dans la langue romaine, des expressions comme : per banc dexteram, per regni fidem moneo et aussi : con ferre se in fidem et clientelam, in amicitiam et /idem !9 etc. Le symbole des mains jointes, sur des monnaies impériales, accompagnées d'épis, de pavots ou d'un caducée, remplace quelquefois la figure même de Fides 20. Le vocable exact du temple est : açdes Fidei Populi Romani, et celui de la déesse : Fides Publica; c'està-dire qu'il était le siège religieux des conventions publiques et du droit international21. Le nom des FETIALES, considérés à ce point de vue comme les ministres de Fides pour le compte de la République, a été mis en rapport avec celui de foedus pour lequel on citait la forme archaïque de fidus Sous l'Empire l'appellation de Fides publica, avec sa signification démocratique, devient relativement rare"; Fides reçoit une application directe à la personne des princes et signifie moins la fidélité à la parole jurée que la fidélité à l'empereur, surtout de la part de l'armée 24. Les appellations les plus fréquentes sont sur les monnaies, depuis Vitellius : Fides exercitus, militum, legionum25. On trouve de même Fides equitum, praetorianorum et, exceptionnellement : Fides Victor[iae]. Déjà Pline l'Ancien, devançant les Pères de l'Église chrétienne, s'était élevé, au nom de la philosophie, contre la multiplicité d'êtres divins qui comme Fides, Pudicitia, Concordia, Mens, etc., ne pouvaient représenter rien de réel, mais seulement de vagues abstractions26. La Fides dont il est si souvent question sur les mon naies impériales n'a plus rien de commun que le nom avec celle que les vieux Romains honoraient au Capitole. L'inscription votive à la Foi conjugale : p'IDEI SUAE SACRUM, etc., par deux époux, paraît être jusqu'à présent unique en son genre 27. Les représentations figurées de Fides sont toutes empruntées à des monnaies; sous la République, sa tête laurée est sur des monnaies de la Gens Licinia (fig. 3031) FID avec le vocable, en légende, de Fides publica' ; une tête analogue avec F. maxima se retrouve sur des monnaies de l'empereur Probus Le plus souvent Fides est représentée debout, amplement drapée, la tête couverte d'un voile; dans ses mains elle tient des épis, une cor beille de fruits, un pavot, une image de la Victoire, un globe surmonté d'un phénix, plus rarement une patère, un gouvernail, une corne d'abondance (fig. 3032)3. L'emblème le plus ordinaire est l'aigle des légions ou l'étendard, quelquefois double. Une très belle pièce de Septime-Sévère porte Fidei militum sous un groupe composé de l'em pereur avec ses officiers, tandis qu'il harangue des soldats rangés devant lui et portant des étendards; au droit la tête du prince Ailleurs l'empereur, offrant un sacrifice à Jupiter, est couronné par la Victoire; comme légende : Fidei militum 6. C'est un groupe du même genre qui, sur une monnaie des Locriens d'Italie, nous montre la ville de Rome couronnée par IIfa¢tç Valère Maxime semble avoir en vue une oeuvre de plus grande dimension lorsqu'il nous dépeint l'image vénérable de Fides étendant la main droite en signe de pro tection 7. J. A. HILi).