Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article FIDUCIA

FIDUCIA. Les actes juridiques essentiels du droit archaïque (civilia negotia), tels que la mancipation et la cessio in jure, n'admettaient ni conditions expresses' ni limitations. Mais comme, dans l'inexpérience qui caractérise les législations primitives, on avait recours à ces actes solennels dans mille occasions où il ne s'agissait pas en réalité de transférer la propriété, mais de constituer un dépôt, un gage, d'émanciper un fils, etc., la pratique força d'en adoucir le caractère absolu, et pour ainsi dire tout d'une pièce, par l'admission de certaines clauses qui furent peut-être d'abord uniquement de confiance et de bonne foi, et sans force devant la justice, d'où elles tirèrent leur nom de fiducia, contracta fiducia. La fiducia est. donc, à l'origine du moins, un contrat accessoire ajouté à la mancipation ou à la cessio in jure, considérés comme moyens de transmettre la propriété, et par lequel l'acquéreur de l'objet transmis s'engage à en faire ou ne pas faire quelque chose. Ainsi l'acquéreur par mancipation du fils de famille s'engage à l'affranchir ou à le rémanciper à son père ; l'acquéreurde l'objet mancipé donné en gage s'oblige à ne pas s'en défaire et à le rémanciper au débiteur après payement de la dette; le dépositaire s'engageà rémanciper l'objet qui lui a été mancipé en dépôt, etc. La chose elle-même, objet du contrat de fiducia, se nommait fiducia 2 ou res fiduciaria. Primitivement il n'existait aucun moyen juridique de contraindre à l'accomplissement de la fiducie 3 ; mais les mœurs en faisaient un devoir sacré. Le seul auxiliaire donné alors par la loi à celui qui avait livré sa chose en fiducie, pour l'aider à la recouvrer, était la faculté qui lui était accordée, s'il venait à en reprendre la possession par une voie quelconque, d'en réacquérir la propriété par une usucapion d'un an, qui portait le nom spécial d'usureceptio, et pour laquelle on n'exigeait ni la bonne foi ni le juste titre 4 [usucAPlo]. A une époque incertaine, mais qu'on peut, suivant toute vraisemblance, fixer au moment des premiers développements du droit des jurisconsultes, on introduisit, pour combler cette lacune, FIG 1.118 FIG l'action fiduciae 1, action essentiellement de bonne foi, et dont la formule contenait ces mots : ut inter bonos bene agier oportet et sine fraudatione 2 ; et probablement aussi ceux-ci : titi ne propter te fidemve tuam cap tus fraudatusve sieur. La condamnation entraînait infamie3. Les applications connues du contrat de fiducie sont : 1° en cas de dépôt et de gage 4, dont il constitue les formes primitives; 2° en cas d'émancipation; 3° en cas de tutelle; 4° on peut supposer que la fiducie intervenait aussi de la part de l'emptor familiae quand il devint distinct de l'héritier, dans le testament per aes et libram. La fiducia disparut peu à peu sous l'empire, et il en reste peu de traces dans le Digeste, dont les compilateurs ont même interpolé en ce sens certaines lois 6. On a découvert récemment des textes et des monuments qui ont étendu la connaissance de la fiducia et donné lieu à de nouveaux débats. Ces documents sont le fragmentum atestinum 6, puis un autre trouvé en Espagne en 9867'; enfin des tablettes de cire découvertes à Pompéi en 1887 6. Tous ces textes sont reproduits et discutés par OErtmann', dans une monographie où il a élucidé la matière en analysant tous les systèmes antérieurs et exposé le sien propre (p. 72 à 259), que l'on peut résumer ainsi. La fiducia était un contrat annexé avec la clause fidi fiduciae causa à un acte solennel d'aliénation par cessio in jure, ou plus souvent par mancipation, comme lex mancipii. Mais ce n'était pas un contrat spécial, avec un nom et une nature propre et constante ; il recevait les applications les plus diverses en matière de droit de famille ou de propriété. Il devait donc être accompagné d'un pacte où étaient détaillées les obligations de l'accipiens, relatives par exemple à l'émancipation ou à la séreté fournie, etc. Ce pacte, combiné avec l'acte solennel qui le précédait, produisait, à raison des dispositions de la loi des Douze-Tables sur la lex mancipii, une action civile, personnelle, in jus, et analogue aux actions bonae fidei à cause de la nature du contrat, et de la clause ut inter bonos bene agier, ajoutée à la formule. F. BAUDRY. xEpaIEUTtx71 ' iy'yl. Termes généraux qui désignent l'art de travailler l'argile. Le nom latin de cet art vient du verbe fango, qui correspond exactement au verbe grec 7r),âaaw, et à l'origine s'applique exclusivement au façonnage des matières molles et facilement pétrissables, comme l'argile et la cire. C'est avec cette signification que les mots plastes et plastice sont passés dans le vocabulaire latin 1. Plus tard le sens des deux mots 7r)cllaaw et fingo s'est étendu de la même façon, et ils sont arrivés à désigner toute espèce d'art plastique, fingere s'opposant à pingere2. Le mot factor, comme le mot 7rÀâa'rr(ç, a pris la même extension. Mais figulus, fietilis et figlinus ont toujours été réservés à la plastique en argile. Les expressions grecques correspondantes, xepuEt.Eé; 3, xca(t.Etxil ou xspa(I.eu2txii ' É ,v'i , dérivent du mot xépatunç qui désigne d'une façon générale la terre employée dans les diverses branches de l'industrie céramique. On trouve aussi les mots yîl' xEpm uxri, xspaE,.iç, xEpap.'rtç, pour désigner la terre la plus fine, ou encore 7rrI1ldç4, (d'où 7rrioupyd; et 7rr(),o7raxOo;), pour désigner une terre un peu plus grossière, celle qui servait aux maçons, mais souvent aussi aux potiers. En latin, les mots qui correspondent à xépau.oç et à ,(,l xepau.(; sont argilla ou terra tout simplement, et crela figularis ou figulinarum. Les expressions XEpa.kEtx'1 tive et figlinum opus ont exactement la même extension, et s'appliquent à toute espèce d'objet fabriqué en terre'. Les mots xEpx),.ta, ô7Tpaxtv2, ô7cr71ç yïlç désignent en général les objets d'argile cuite : les expressions 7ri1),tvx ou ix 7rrO,o5 paraissent plutôt réservées aux objets d'argile crue'. 1. La terre est une matière si commune, ses propriétés plastiques sont si faciles à reconnaître, que l'art de la façonner et de la modeler ne dépasse pas les bornes de l'intelligence du sauvage le plus grossier. On trouve des produits de l'industrie céramique chez les Péruviens, les Mexicains, les Kabyles, et chez les peuples les moins civilisés; dans l'antiquité, chez les premiers habitants de la Troade. L'art de travailler la terre est donc une des plus anciennes trouvailles de l'industrie humaine. Le tour du potier et le procédé qui consiste à donner à la terre plus de solidité par la cuisson, ne furent peut-être pas inventés tout de suite. Pourtant, ce sont là certainement deux inventions bien anciennes. Déjà dans les peintures égyptiennes de l'Ancien Empire, nous trouvons des représentations de potiers travaillant au tour. En Grèce, le tour était déjà connu à l'époque homérique, comme le prouvent deux vers de l'Iliade 7. Diodore de Sicile attribue l'invention du tour à Dédale, qui représente probablement ici la personnalité artistique la plus ancienne aux yeux des Grecs'. Quant à la FIG 1119 FIG cuisson, on ne tarda guère non plus, sans doute, à en découvrir l'utilité. Les anciens se sont servis de l'argile pour les usages les plus nombreux et les plus variés : édifices publics et privés, briques, tuiles, chéneaux, colonnes et autres membres d'architecture; pavés, citernes et aqueducs; statues de dieux, figurines votives; petits objets servant à la vie privée, boutons pour les vêtements, pieds de fuseaux, tessères pour les amphithéâtres, amulettes; une foule d'ustensiles culinaires et domestiques : le tonneau dans lequel le vin était fait, conservé ou exporté, le vase dans lequel il était servi sur la table, la coupe dans laquelle on le buvait ; enfin, l'argile fournissait la matière de la plus grande partie du mobilier des tombeaux : bas-reliefs, vases, statuettes, bijoux d'imitation, etc. Il ne peut entrer dans le cadre de cet article de décrire en détail chacun de ces objets, et d'en étudier les différentes variétés. On trouvera les renseignements qui les concernent aux mots correspondants dans le cours du Dictionnaire. Notre point de vue, ici, est celui de la technique : ce qui nous intéresse, ce sont les procédés de fabrication. Quelle était la condition sociale des artisans qui ont façonné et peint les vases, modelé les figurines dont nos musées sont aujourd'hui remplis? Les anciens n'ont jamais établi de distinction profonde entre l'industrie et l'art : le même mot TÉxvri servait à désigner l'un et l'autre. Pourtant ils ne méconnaissaient évidemment pas qu'il y a une hiérarchie des oeuvres d'art. Le mot d'Isocrate le prouve : « Quel est celui, s'écrie-t-il, qui oserait comparer un Phidias à un modeleur de statuettes'? » Certains indices, d'ailleurs, nous permettent de croire qu'il y avait beaucoup d'étrangers, métèques ou esclaves, parmi les industriels qui exerçaient leur métier dans le quartier du Céramique à Athènes. Des noms comme Kolchos, Skythès, Lydos, Brygos, Sikélos, Sikanos, sont significatifs2. D'autre part, il devait y avoir aussi des hommes libres parmi eux. Pour qu'Euphronios pût consacrer ses vases sur l'Acropole et fît suivre, dans la dédicace de la base, son nom de la mention xepcq.c6;, il fallait qu'il ne rougît pas de son métier, et que ce métier fût entouré d'une certaine considération 3. Plus tard, une inscription nous fait connaître l'existence d'un collège de xepcgLc q à Thyatire, et nous apprend que ce collège avait élevé une statue à l'empereur Caracalla°. A. Rome, d'après Pline, Numa Pompilius avait institué un collège de gul'i5. Ces divers documents nous montrent quelle estime les anciens avaient pour l'industrie céramique : ils sont confirmés par une peinture de vase dont nous aurons l'occasion de parler plus bas (fig. 3041), où l'on voit deux Nikés et Athéna elle-même offrant des couronnes aux potiers qui travaillent devant elles. Quant aux coroplastes, nous savons peu de choses sur leur condition sociale. Un passage de Démosthène 6 nous apprend seulement qu'ils avaient sur l'agora des boutiques où ils vendaient leurs figurines. II. BRIQUES ET TUILES. La branche la plus simple de l'industrie céramique est la fabrication des briques; c'est aussi sans doute la plus ancienne. Dans l'architecture des Égyptiens et des peuples sémitiques, Babyloniens et Phéniciens, les briques cuites ou crues jouent un rôle important 7. En Grèce, une légende attribue l'invention des briques aux héros mythiques athéniens Euryalos et Hyperbios, qui auraient les premiers construit des maisons : avant eux, on ne connaissait d'autres habitations que les cavernes 6. D'après une autre version, l'inventeur des briques serait Toxios, fils de Koilos, qui aurait pris exemple sur les nids d'hirondelles 9. Les tuiles auraient été inventées par Kinyras de Chypre 10 Au point de vue de la fabrication, les briques se divisent en deux classes : les briques crues, 7r),ivOot tlly,cci, lateres ou laterculi crudi, et les briques cuites 7raivOot ètro(, lateres cocci ou coctiles [LATER]. L'emploi des briques crues, quoique beaucoup moins fréquent que chez les peuples orientaux ou plus tard chez les Romains, dura en Grèce jusqu'à la domination romaine". Pausanias cite un certain nombre de monuments sacrés et profanes construits en briques crues : la Stoa de Kotys à Épidaure, le temple de Déméter à Lépréos (Arcadie), le temple de Déméter Stiris à Stiris (Phocide), le hiéron d'Asklépios à Panopeus (Phocide) 12 Vitruve et Pline citent la cella du temple de Zeus et Héraklès à Patras, où l'architrave et les colonnes étaient en pierre; à Lacédémone, des murs décorés de peintures, qui furent transportés à Rome; en dehors de Grèce, le palais des Attales à Tralles, celui de Crésus à Sardes, les murs du mausolée d'Halicarnasse 13. Beaucoup de villes avaient leurs remparts construits en briques crues, entre autres Mantinée 16 : Vitruve cite à Athènes un mur également en briques crues 16; dans les Oiseaux d'Aristophane, les murs de Néphélococcygie sont en briques crues 16. Comme il est facile de le comprendre, nous n'avons rien conservé des édifices ainsi construits. D'ailleurs il est probable qu'en règle générale les briques crues ne servaient de matériaux que pour les habitations des pauvres gens17; pour les monuments publics, les cas cités sont des exceptions. A Rome, au contraire, jusqu'à la fin de la République, la brique crue était la matière la plus fréquemment employée pour les constructions privées et même pour les édifices publics". Pour la fabrication des briques crues en Grèce, nous trouvons peu de renseignements dans les auteurs. La terre (7t X6ç) était détachée avec des pelles (âp.ui) et déposée dans des auges O.syA.vat). Elle était ensuite humectée d'eau et pétrie (èpycI ctv), ordinairement avec les pieds 19. Nous ne savons pas si les Grecs avaient seulement des briques crues façonnées à la main, ou s'ils se servaient de moules20. Les représentations figurées manquent. Mais on petit se référer à une peinture murale égyptienne découverte dans une tombe de FIG 1120 -T FIG Thèbes', et où nous voyons des ouvriers travailler à la confection des briques, suivant des procédés très analogues sans doute â ceux employés par les Grecs. Des ouvriers, aux pieds maculés de boue, détachent la terre avec des instruments qu'il est permis de comparer aux pal des Grecs : d'autres portent sur l'épaule des vases remplis de terre, qui font l'office des XExxvat. D'autres façonnent des briques au moule et ont devant eux des briques déjà façonnées qui sèchent à l'air. Nous sommes mieux renseignés par Vitruve et quelques autres auteurs, sur les procédés employés par les Romains 2. On donnait le plus grand soin au choix de la terre (terralateraria). On évitait la terre sablonneuse ou chargée de gravier, parce que les briques faites de cette matière étaient trop lourdes, et se désagrégeaient sous la pluie. La terre usitée était une argile blanchâtre (terra albida, cretosa), ou rougeâtre (rubrica), ou bien encore une espèce de sable compact à gros grains (sabulo masculus). Cette terre était soigneusement épurée de toute matière étrangère, humectée d'eau, pétrie avec de la paille hachée 3, ensuite soit façonnée à la main, soit coulée dans des moules, et enfin séchée au soleil. On considérait que les saisons les plus propres à la fabrication des briques étaient le printemps ou l'automne. Les briques faites pendant les chaleurs, dit Vitruve, sont mauvaises. Le soleil dessèche trop vite la surface extérieure (corium, cutis) : elles paraissent ainsi sèches, quand elles sont encore humides à l'intérieur. Lorsque, plus tard, l'intérieur en séchant se contracte, la surface extérieure, déjà durcie, se fend; la brique est alors cassante et impropre à la construction. Vitruve recommande d'employer des briques fabriquées depuis deux ans déjà, afin d'être sùr qu'elles soient tout à fait sèches. Il insiste sur les inconvénients des briques encore fraîches : il cite une ordonnance de la ville d'Utique, d'après laquelle les briques employées dans les constructions devaient être vieilles de cinq ans, et leur parfait état de siccité constaté par les magistrats. Une autre espèce de briques crues était fabriquée dans quelques contrées d'Espagne et d'Asie Mineure. Elles étaient d'une telle légèreté qu'elles flottaient sur l'eau. Posidonius, cité par Strabon, dit que la matière employée était une terre argileuse dont on se servait pour polir l'argent'. Vitruve et Pline disent que c'était une terre ressemblant à la pierre ponce, et ajoutent que ces briques étaient excellentes à cause de leur légèreté, de leur solidité et de leur résistance à l'humidité E. Nous savons fort peu de choses sur l'emploi des briques cuites en Grèce. En tout cas, il semble probable qu'elles ne furent guère en usage avant le temps des successeurs d'Alexandre, ou même peut-être assez longtemps après. Il est vrai que, d'après Pausanias, le Philippéion d'Olympie était construit en briques cuites 8. Ce serait le premier bâtiment daté, ainsi construit sur le sol de la Grèce. Mais l'assertion de Pausanias est très suspecte. Les fouilles d'Olympie ont fait découvrir les restes du Philippéion : les membres d'architecture sont tous de marbre ou de tuf'. M. Treu, consulté par M. Blümner 8, déclare que, dans les environs du Philippéion, on n'a trouvé aucun débris important de briques, en tout cas, pas plus que dans les environs d'autres édifices qui n'étaient pas construits en briques, et aucun fragment qui, par sa forme ou par les marques inscrites, ait pu appartenir au Philippéion. Au contraire, à l'est du monument, le sol est jonché de morceaux d'architecture en marbre. A moins d'admettre que toutes les briques provenant du Philippéion aient été transportées ailleurs et employées à d'autres constructions, il faut que Pausanias se soit trompé ou que son texte ait été altéré. Pausanias cite encore un vabç ô7CT=!(ç 771(vOou à Argos mais sans dire à quelle époque il a été construit : le contexte permet de l'attribuer à l'époque macédonienne ou romaine. Le musée de Sèvres possède quelques briques cuites provenant d'Athènes, du Sunium et d'Éphèse : mais elles appartiennent à la période la plus basse de l'histoire grecque" A Rome, nous ne savons pas à quelle époque la technique des briques cuites commença à prévaloir sur celle des briques crues. Il est permis de croire que ce fut au moment où, la population s'étant accrue et les maisons à plusieurs étages devenant plus nombreuses, on eut besoin de matériaux plus solides ". Au temps de Vitruve, les matériaux dont on se servait pour la construction des habitations privées étaient : la pierre pour les fondations (pille lapideae), les briques cuites pour les murs (structurae testaceae), les moellons pour les cloisons intérieures (parietes caementicii), les poutres pour les toits et les planchers (contignationes) ". L'industrie romaine attint bientôt un tel degré de perfection que les briques cuites devinrent, sous l'Empire, les matériaux les plus employés pour les constructions privées et publiques. Dans les monuments les plus somptueux, les colonnes et la charpente étaient en marbre ; mais les murs étaient en briques revêtues de marbre ou de stuc. Les Romains portèrent leur habileté dans la fabrication des briques, partout où ils portèrent leurs armes. Dans les provinces, les légions furent souvent employées à construire des briqueteries 13. Les auteurs nous fournissent peu de renseignements sur les fours et sur la cuisson. On peut se faire une idée de ce qu'étaient en général les fours par les ruines d'époque romaine qui ont été découvertes en divers pays, surtout dans le sud et l'ouest de l'Allemagne, en France et en Angleterre ". La plupart sont des fours à cuire les vases, non les briques. Mais les poteries diffé FIG 1121 F'IG raient peu des briqueteries 1, et, en général, là où l'on cuisait des briques, on cuisait aussi des vases et en général toute espèce d'objets en terre. Les questions relatives à la construction des fours en général seront étudiées dans l'article FORNAX. Il nous suffit ici de dire que les fours à poterie se composaient de deux parties distinctes, de deux chambres superposées : le foyer, où était introduit le combustible, et le laboratoire, chambre où les pièces préparées pour la cuisson étaient placées, soit sur le sol même, soit sur des supports. La construction des fours eux-mêmes était une branche de la céramique : on trouve dans les auteurs les mots 17rvo7:Otd; et i7tvo ), Or)ç2. Ils étaient en général construits, partie en briques cuites, partie en briques crues Les produits qui sortaient des briqueteries étaient fort nombreux; parmi les principaux il faut citer : les briques ordinaires pour la construction des murs, 7raùùOot, lateres : elles étaient en général plus minces que celles dont nous nous servons aujourd'hui : on en trouve de carrées, d'autres en forme de rectangle oblong, d'autres encore en forme de triangle; les briques employées pour paver le sol, tantôt carrées, tantôt en forme de triangles allongées (tessera, spica) : certaines mosaïques était faites de morceaux de terre cuite peints de diverses couleurs ; les briques arrondies, employées à la construction des colonnes ou des murs circulaires, des fours, des tombeaux; les tuiles plates ordinaires, avec les bords relevés des deux côtés (x€pa~oç, xapau.Eç tegula); les tuiles creuses qui recouvraient les bords réunis des tuiles plates (xaau7rs~p, imbrex); les tuiles de faîtage ou antéfixes, en général, décorées de reliefs; les tuyaux pour les conduites d'eau [AQUAEDUCTUS], les calorifères, etc. (am)siva;, tubuli fictiles); les tuyaux employés pour les aqueducs, les égouts, étaient généralement ronds, ceux servant au chauffage carrés. Les briques romaines et autres membres d'architecture en terre cuite, portent souvent des inscriptions : tantôt le nom du fabricant, tantôt une marque de fabrique, ou dans les produits des ateliers militaires, le nom de la légion 5. Nous possédons quelques poinçons en terre cuite ayant servi à imprimer ces marques : il y en avait sans doute aussi en métal, en bois et peut-être en piètre. Les briques et tuiles provenant de Grèce sont plus rares. Pourtant nous en possédons un certain nombre portant des inscriptions. M. Pâris 6 a dressé le catalogue des briques et tuiles grecques estampillées, déjà publiées : il faut y joindre les fragments, au nombre d'une soixantaine qu'il a lui-même recueillis dans ses fouilles d'Élatée. En étudiant ces divers fragments, il est arrivé à quelques conclusions intéressantes. Il semble que l'inscription n'était pas obtenue, comme on pourrait le croire, à l'aide d'un cachet mobile, mais qu'elle était préparée en relief dans l'intérieur du moule; la tuile recevait ainsi l'empreinte en même temps qu'elle prenait sa forme dans le moule. Suivant M. Pâris, chaque tuile ne portait pas une estampille complète et spéciale. Dans chaque édifice on marquait de quelques lettres un certain nombre de tuiles, lesquelles, alignées dans un ordre prévu, formaient une inscription, indiquant d'abord si les tuiles appartenaient à une construction publique ou privée, et portant ensuite le nom du magistrat éponyme et de l'entrepreneur. II. VASES. A l'époque la plus ancienne, le potier (xapapaatlç) fabriquait non seulement des vases de toute sorte, mais aussi toute espèce d'objets en terre. Plus tard, les progrès de l'industrie amenèrent comme toujours une division du travail de plus en plus grande, au point que certains ateliers ne produisirent plus qu'une certaine espèce de vases. La preuve en est dans le grand nombre de dénominations spéciales que nous trouvons dans les auteurs grecs : xaôo7rotdç (fabricant de jarres), x(oOwvo rste,; (celui qui fabrique les cothons), )'o xuOoxotdç (fabricant de lécythes), ),uXvo1totd; (fabricant de lampes). La même division du travail s'introduisit aussi sans aucun doute àRome : mais les dénominations spéciales manquent: le mot figulus désigne indifféremment tous les ouvriers qui travaillent l'argile. Les opérations essentielles pour la fabrication des vases sont : 1° la préparation de la terre; 2° le façonnage; 3° la cuisson. Tout le reste; enduit, peinture, glaçure, vernis, décoration en relief est en quelque sorte accidentel, et varie suivant les temps et les espèces de vases. 1° Les auteurs anciens ne nous apprennent rien sur la confection des pâtes céramiques. Nous savons en tout cas qu'on attachait beaucoup d'importance aux qualités de la terre. A l'époque où l'on fabriquait chez soi les poteries destinées aux usages domestiques, les auteurs anciens demandaient qu'un bon maître de maison assistât lui-même à la préparation de la terre'. Comme pour la fabrication des briques on humectait d'eau l'argile, on l'épurait de tout élément pierreux, et on la pétrissait soigneusement. 2° Le façonnage pouvait se faire de trois façons différentes, au tour, à la main, ou au moule. Le tour ('rpoxbç xapap.txds, ou simplement 'rpoydç, plus rarement'rdpvo;, rota, rota figularis, orbis) a été connu dès l'antiquité la plus reculée. Nous avons peu de renseignements sur la forme et sur le mode d'emploi du tour en usage chez les anciens. Nous ne savons pas si les anciens le mettaient en mouvement avec les mains, ou, comme aujourd'hui, avec les pieds. Dans les vers de l'Iliade auquel nous avons déjà fait allusion Homère parle seulement des mains. Nous trouvons en effet des représentations du tour mis en mouvement avec les mains, sur les peintures murales égyptiennes et aussi sur un certain nombre de monuments grecs, en particulier sur deux on soumettait ensuite le vase au de Corneto, appartenant au musée de Berlin 9 (fig. 3035), nous montre un ouvrier travaillant à un skyphos déjà muni de ses anses, mais qui n'a pas encore reçu sa décoration peinte, tandis que d'autres vases déjà vernis sont posés près d'un four. Il tient à la main un outil qui a suggéré aux archéologues plusieurs hypothèses différentes. FWc 1122 FIG fragments de vases à figures noires (fig. 3033)', sur une plaque corinthienne du musée du Louvre E, et sur une hydrie à figures noires du musée de Munich 3 (fig. 3034). Dans la plupart de ces représentations, d'ailleurs, il s'agit de grands vases auxquels deux ouvriers travaillent en même temps : l'un, assis, tourne le tour avec ses mains, tandis que l'autre, debout, façonne la terre. Pour les vases plus petits, fabriqués par un seul ouvrier qui tournait et façonnait en même temps, la combinaison si simple en usage aujourd'hui devait être connue des anciens : le potier donne avec le pied l'impulsion au grand tour infé rieur (riss 'v autvcty) 4, tandis qu'avec les mains il fa çonne la masse de pâte placée sur le tour supérieur plus petit, et uni à l'autre par un arbre de couche 6. Cette dernière opération s'appelait Ëaxsty, ducere 6 : l'ouvrier enfonçait les deux pouces dans la masse de terre, et avec les paumes il façonnait les parois extérieures du vase à mesure qu'elles se formaient sous l'action du tour. Un fragment de vase à figures rouges, malheureusement en très mauvais état, trouvé dans les fouilles de l'Acropole d'Athènes, nous montre deux ouvriers assis près d'un tour : l'un d'eux a la jambe étendue, comme s'il mettait le tour en mouvement avec son pied : mais la roue inférieure du tour n'est pas suffisamment indiquée pour qu'on puisse rien affirmer On tâchait que les parois fussent le plus minces possible, pour rendre le vase plus léger, sans toutefois lui faire rien perdre de sa solidité. Au dire de Pline 8, il y avait dans un temple d'Érythres deux amphores remarquables par leur peu d'épaisseur : c'était le résultat d'un concours entre un maître potier et son élève. Les anses, et aussi le col et le pied des vases, étaient tournés ou moulés à part et ajustés après qu'on avait laissé sécher le vase à l'air libre. Pour obtenir une surface parfaitement lisse, et effacer toute trace de la soudure des parties rapportées, polissage. Une coupe La moins vraisemblable est celle de Birch, qui pense que l'ouvrier est occupé à modeler les anses de la coupe. Jahn, suivi par M. Blümner et MM. Rayet et Collignon, suppose qu'il polit le vase avec un morceau de bois ou de cuir. Mais la position et le mouvement de la main ne paraissent pas très bien s'accorder avec cette ex plication. Il est possible que l'instrument tenu par l'ouvrier soit un calibre, instrument de métal donnant la courbe du vase, dont les potiers se servent continuellement, encore aujourd'hui. Dans les fouilles pratiquées sur les emplacements des fours à poteries romains, on a souvent trouvé des outils en bronze et en ivoire, assez semblables à ceux qui sont FIG --1123 F1G en usage aujourd'hui, La figure 3036 représente des outils provenant d'Arezzo : les uns sont des ébauchoirs; un autre, celui qui se termine par une sorte de roulette, servait sans doute à enlever le superflu de la pâte pendant que la pièce tournait sur le tour. On peut reconnaître un de ces outils sur une pierre gravée (fig. 3037) a, où l'on voit un ouvrier probablement occupé, soit à modeler les anses d'une petite amphore, soit plutôt à effacer les traces de la soudure, après avoir ajusté les anses au corps du vase. Sous tous les rapports, les vases grecs se distinguent par une perfection technique qui n'a jamais été atteinte depuis. Certaines pièces présentent à l'ouvrier moderne le plus habile de véritables problèmes de fabrication'. Les anses offrent souvent des méplats tellement réguliers qu'ils sembleraient avoir été faits à la filière. Les collages des parties exécutées à part sont si bien faits que, dans les vases qui nous sont parvenus, les anses sont plus souvent cassées que décollées. Il n'en est pas tout à fait de même des pieds, qui sont souvent séparés et laissent voir le plan de section, piqué ou gratté au moyen d'un instrument tranchant (chiquetage) -, qui avait servi à recevoir la barbotine'. Les vases n'étaient pas tous façonnés au tour. Nous avons un nombre considérable de vases, surtout italiotes ou de provenance provinciale, dont la forme grossière et la surface rugueuse prouvent qu'ils ont été façonnés à la main. Ce procédé a toujours été une exception pour les petits vases, mais a été fréquemment employé pour les pièces de grande dimension, telles que jarres, cuviers, amphores, qu'il n'est pas facile de confectionner au tour. Celles-ci étaient en général montées rondes par le procédé du colombin et du façonnage à la main sur le plateau ou tournette : ici ce n'est pas la pièce qui tourne devant l'ouvrier, c'est celui-ci qui tourne autour de la pièce 6. La fabrication des grands vases passait pour difficile : on le comprend quand on voit comment les anciens savaient les faire à la fois minces et pourtant solides. Une autre catégorie de vases était façonnée non pas à la main, ni au tour, mais au moule. Ce procédé, qui est rare à la belle époque de la céramique grecque, a été employé pour un très grand nombre de poteries romaines et étrusques. 3° Une fois le vase façonné, le pied et les anses ajustés, on le faisait sécher à l'air. Les poteries les plus simples étaient alors terminées. En effet, nous savons que certaines poteries, surtout d'usages domestiques, étaient seulement cuites au soleil : on les appelait vasa cruda, IV. t;)u.x 6. Mais, dans la plupart des cas, les vases étaient cuits au four comme les briques. Cette opération était une des parties les plus importantes de la fabrication. Une température trop élevée peut faire éclater les vases, altérer les couleurs des fonds ou des peintures, par exemple changer l'enduit noir en rouge ou en brun 7. Quelquefois la fumée mal dirigée a noirci des endroits originairement rouges 6 : d'autres fois il se produit des boursouflures ou même des gauchissements de la forme qui viennent sans doute de ce que les vases; encore à l'état de mollesse, ont été mal disposés dans le four et comprimés les uns contre les autres. Une plaque corinthienne du musée de Berlin 9 (fig. 3038) nous montre le plan de l'intérieur d'un four garni de vases; il est probable que la perspective est tout à fait conventionnelle : car on a peine à croire que, dans la réalité, les vases fussent ainsi couchés sur le flanc : la flamme arrive par des ouvertures percées dans la circonférence du four. Il est vraisemblable que les vases étaient en général dressés, isolés, soit sur le plancher même du laboratoire auquel aboutissaient des tuyaux de terre cuite distribuan t la chaleur, soit même sur des supports en terre cuite S0. Les vases grecs que nous avons conservés nous fournissent de nombreux exemples d'accidents de cuisson ". Ces accidents étaient fort redoutés des potiers anciens : on les attribuait à l'influence de génies malfaisants que nous fait connaître le petit poème pseudo-homérique intitulé Le Four, Ko tvo; : Syntrips (celui qui brise), Smaragos (celui qui produit les craquelures), Asbetos (celui qui noircit). Pour détourner ces maléfices, on plaçait près des fours des â7zoTe67:0(ta : l'hydrie de Munich, déjà citée, nous montre un four placé sous la protection d'un masque de Silène (fig. 3031). La plupart des vases grecs, quoique beaucoup moins cuits que les poteries modernes, ont été soumis à deux cuissons successives ou même davantage. Les vases étrusques de bucchero nero étaient seulement exposés à une chaleur douce. D'ailleurs, il n'y a pas de règle générale, comme le prouvent les différences qu'on peut remarquer entre des vases de même espèce et de même fabrication. Les trois opérations que nous venons de décrire suffisaient à l'achèvement des poteries les plus simples, 142 FIG -41214FIG particulièrement des vases de ménage, qui sont restés à peu près semblables à toutes les époques de l'antiquité. Pour les vases plus compliqués, un certain nombre d'opérations prenaient place entre le façonnage et la cuisson. Nous les décrirons à propos des différentes catégories de vases que nous allons passer en revue au point de vue technique. Vases peints grecs. -La terre des vases peints grecs est en général très tendre : elle se laisse rayer facilement, ou même couper avec un instrument tranchant : elle est très fine et très homogène, mais de texture poreuse. Les éléments principaux qui entrent dans la composition de cette pâte sont la silice, l'alumine, l'oxyde de fer, la chaux, la magnésie. Les analyses, qui d'ailleurs ont été faites seulement sur des vases de provenance italienne, et principalement campanienne, donnent les proportions suivantes pour ces différents éléments'. La couleur de la terre est très variable. La plus ordinaire est l'ocre dans toutes ses nuances, depuis le blanc jaunâtre jusqu'au brun rouge. Les potiers antiques semblent avoir obtenu la belle coloration rouge, qui était la plus appréciée, par des additions d'oxyde de fer. D'après les auteurs, la terre d'Attique, et spécialement celle qu'on trouvait au cap Kolias, était renommée, non seulement à cause de sa finesse, mais aussi parce qu'elle se laissait facilement mêler au minium'. Pourtant les expériences les plus minutieuses faites sur les vases grecs n'ont jamais donné aucune proportion de minium ni de cinabre 3. Dans certains ateliers, on mèlait aussi, paraîtil, à la terre des substances odorantes. Une observation curieuse, faite sur quelques vases grecs, semble prouver que les anciens doublaient quelquefois leurs vases c'est-à-dire qu'ils les façonnaient avec deux pâtes différentes, la plus fine et la plus rouge occupant le tiers de l'épaisseur et formant la paroi extérieure destinée à recevoir la peinture, tandis que la paroi intérieure, plus épaisse, était d'une terre plus ordinaire, quoique encore assez fine'. Les vases les plus anciens, ceux de la Troade, d'Ialysos, de Théra, de Mycènes, et aussi les vases à décor géométrique, trouvés en Grèce et en Italie, montrent en général la terre avec son aspect naturel, tantôt jaunâtre, tantôt grisâtre, mais sans aucun mélange d'ingrédient colorant : la pâte est ordinairement d'une texture assez grossière, et incomplètement cuite. A la belle époque, la terre rouge devient dominante, et présente les tons les plus riches et les plus brillants. Avec la décadence de la peinture et du style, la qualité de la terre diminue. Dans les produits locaux de l'Italie méridionale, la couleur de la pâte devient plus pâle; c'est souvent un jaune rougeâtre d'aspect sale. Dans une classe de vases grecs de la Russie méridionale, décrits par Stéphani e, la pâte est une terre grossière, à gros grains, à surface rugueuse employée telle qu'elle a été trouvée : les parois sont très épaisses : les vases sont trois ou quatre fois plus lourds que les vases grecs ordinaires. Une fois le façonnage terminé, le vase passe aux mains de l'artiste chargé de le peindre. La technique employée pour les vases primitifs est très simple : les ornements sont directement appliqués au pinceau sur le fond naturel de la terre. La couleur la plus ordinaire est un noir qui, surtout dans les traits les plus fins, a pris souvent des teintes brunâtres, rougeâtres, ou jaunâtres, soit par l'effet de l'humidité et du temps, suivant l'hypothèse de M. Durand-Gréville, soit plutôt sous l'action du feu mal dirigé pendant la cuisson. La technique des vases qu'on a l'habitude d'appeler par excellence les vases peints est plus compliquée. Bien que ces vases nous soient parvenus en très grand nombre, nous trouvons sur eux peu de détails significatifs dans les auteurs. Les lécythes peints d'Athènes sont mentionnés par Aristophane Pindare cite les vases panathénaïques 8. Athénée, Pollux et les lexicographes ont laissé de nombreux renseignements sur les noms, les formes et la destination usuelle des vases'. Pour la technique les monuments seuls peuvent nous instruire. Le passage d'Aristophane auquel nous venons de faire allusion montre que l'artiste chargé de peindre le vase n'est pas toujours celui qui l'a façonné. Ce fait est prouvé également par les nombreuses signatures d'artistes qui nous ont été conservées. On trouve souvent sur le même vase deux noms différents : l'un, avec la mention h o(r)c;, l'autre avec la mention ï nia ; le premier désignant le potier, l'autre le peintre10. Mais cette division du travail n'a jamais été absolue, comme on peut s'y attendre dans un pays où l'industrie et l'art n'ont jamais été complètement séparés : les artistes les plus renommés ne dédaignent pas de s'exercer aux opérations techniques du façonnage; on rencontre souvent accompagné du verbe hro(viae le nom d'un artiste qui, sur d'autres monuments, signe comme l'auteur des figures. A part quelques groupes de céramiques exigeant une technique particulière, les vases peints grecs se divisent en deux grandes classes représentant deux méthodes qui furent successivement en faveur : les vases à figures noires sur fond rouge, et les vases à figures rouges sur fond noir. Le premier procédé a longtemps régné sans partage et a été employé jusqu'à la fin du ve siècle, et même plus tard ". Le fond est donné par la couleur naturelle de la terre. L'artiste cherche d'abord son esquisse au pinceau, en se préoccupant seulement de ne pas entamer la partie du vase qui ne recevra pas de couleur t2. Cela fait, il cerne le contour général des figures d'un trait incisé dans la terre au moyen d'une pointe, et il remplit ensuite avec un pinceau chargé de couleur noire l'espace ainsi délimité. Le dessin n'a encore que la valeur d'une silhouette. En se servant d'une FIG -112 FIG pointe aiguë qui fait reparaître le ton rouge de la terre, l'artiste indique alors avec la plus grande minutie tous les détails de la musculature et du costume. C'est une véritable gravure au trait qui rappelle les procédés employés dans l'art du métal, et en particulier pour les ornements gravés sur les plaques de bronze archaïques Évidemment' on ne pouvait procéder ainsi qu'avant la cuisson définitive. Si le vase avait été complètement cuit, le burin aurait fait éclater le vernis noir, et les traits n'auraient pas la pureté et la finesse, qu'on admire dans les vases grecs. Là-dessus tous les archéologues sont d'accord, mais il est difficile de décider si l'opération de la peinture avait lieu après un simple séchage au soleil, ou après une première et douce cuisson. Quelques savants ont même pensé que les vases étaient peints en sortant du tour, quand la terre était encore fraîche 2. Le plus vraisemblable est de supposer soit un séchage, soit une première cuisson à un feu très doux. Une pierre gravée publiée par Millin3 semble confirmer cette hypothèse (fig. 3039). On y voit un ouvrier qui place, sur le sommet d'un petit four de forme particulière, une amphore, sans doute pour la faire sécher; afin de ne pas imprimer ses doigts dans la terre encore molle, il se sert de deux petites baguettes, à l'aide desquelles il porte le vase sur le four. M. De Witte suppose qu'une autre cuisson, encore très modérée, intervenait entre l'application de la couleur noire et la gravure des détails à la pointe, ce qui porterait le nombre des cuissons à trois, et même peut-être à quatre, pour les vases à engobes e. L'examen des vases à figures rouges montre qu'eux aussi ont été seulement exposés, soit à un simple séchage, soit à une chaleur douce, avant de passer entre les mains de l'artiste chargé de les peindre. Le procédé est ici différent, les figures é tant réservées sur le fond qui devait être ensuite couvert de couleur noire. Un petit fragment de coupe inachevée, appartenant au musée de Sèvres (fig. 3040), nous donne un exemple significatif de la méthode employée par les potiers grecs. Une fois l'esquisse établie au crayon sur la terre encore un peu molle, l'artiste prenait un pinceau chargé de couleur noire, et cernait les contours d'un large trait destiné à les protéger contre tout écart maladroit, quand il s'agira de remplir le fond; il pouvait en même temps rectifier légèrement son ébauche primitive. Cette précaution prise, il dessinait au pinceau tout le détail intérieur des figures : ici les tâtonnements et les retouches sont impossibles : il a fallu à ces ouvriers-artistes une admirable dextérité de main pour tracer au pinceau des traits dont la finesse, la sûreté et la précision nous étonnent'. Le dessin terminé, il ne reste plus qu'à étaler la couleur noire entre les figures, opération facile et purement machinale qui était probablement confiée en beaucoup de cas à des ouvriers moins habiles'. Jamais les potiers grecs n'ont employé, comme on l'a supposé autrefois, ni pour les figures ni même pour les simples ornements, les procédés mécaniques du calque et du poncif, non pas même quand ils voulaient répéter un motif'. Nulle part on ne trouve deux dessins absolument identiques. Le musée de Sèvres possède deux fragments de vases, donnés par le duc de Luynes, qui représentent le même sujet, composé et dessiné de la même manière : mais on remarque de légères différences, suffisantes pour exclure l'hypothèse d'un procédé mécanique D'autres exemples montrent d'ailleurs avec quel soin les artistes grecs établissaient leur esquisse. En regardant à jour frisant certains vases à figures rouges, on distingue dans le fond noir des lignes brillantes qui suivent de près les contours des figures, mais sans concorder avec elles : ce sont les traces de l'esquisse primitive que l'artiste a cherchée sur la terre encore molle avec un crayon dur ou une pointe émoussée i° On n'est pas d'accord sur la composition de l'enduit noir qui forme le décor des vases peints grecs. Les nuances varient un peu d'un vase à l'autre : le noir foncé est la couleur dominante ; quelquefois, le noir tire sur le brun ou le rougeâtre, quelquefois même sur le gris ou le verdâtre. On rencontre souvent ces différentes nuances sur une même pièce. Ces teintes changeantes sont très probablement dues à des accidents de cuisson. L'éclat de cet enduit est très variable. Certains produits négligés sont tout à fait ternes : les produits soignés de la bonne époque se font en général remarquer par leur lustre brillant. L'épaisseur de cet enduit est loin d'être toujours la même : la couche de couleur est quelquefois si épaisse qu'on en sent le relief au doigt. L'enduit adhère très fortement à la pâte, sans cependant se combiner avec elle. Il tient mieux sur les vases d'un bon travail que sur les poteries ordinaires. Il n'est pas rare de voir des places entières d'où l'enduit s'est détaché en laissant reparaître le fond rouge de la terre. Les différentes expériences faites par les chimistes et les archéologues pour déterminer la composition de l'enduit noir ne sont pas très concluantes 11, Il semble que les éléments prin FIG 4426 FIG cipaux sont le manganèse et l'oxyde de fer. Mais les analyses chimiques ne permettent de rien affirmer. Une fois l'enduit noir étendu sur le fond, le vase était soumis à une seconde cuisson qui faisait fondre l'enduit et le faisait adhérer plus intimement à la terre. C'est après cette cuisson que, surtout pour certains vases archaïques à figures noires, on appliquait les différentes couleurs destinées à. mettre de la variété dans le décor noir, couleurs qui ont reçu dans la langue de la céramique le nom d'engobes. Ces engobes sont des couleurs opaques, d'une apparence terreuse, semblables aux couleurs de gouache : elles ne sont pas cuites, ou du moins, elles n'ont subi qu'une très légère cuisson ; aussi ontelles peu d'adhérence à la terre; elles s'écaillent facilement et sont solubles dans les acides. Les nuances les plus fréquentes sont un rouge foncé qui tire souvent sur le violet, le blanc, plus tard le jaune et un bleu verdâtre. Outre ces couleurs, certains vases ont reçu par place des dorures, surtout dans les parties représentant des armes, des instruments, des ailes, des parures, etc. Ces parties étaient d'abord recouvertes au pinceau d'une terre fine d'un rouge brun qui faisait une légère saillie, sur laquelle on appliquait ensuite une feuille d'or très mince. Dans certains vases de la décadence, on se sert non plus d'une feuille d'or, mais d'une simple couleur jaune imitant l'or, appliquée sur une première couche d'un blanc sale sans relief. De nombreuses altérations dans les procédés de la peinture des vases se remarquent dès le ive siècle. Les vases étrusques d'imitation grecque diffèrent des vases grecs beaucoup plus par le style et la qualité du dessin que par la technique. Mais, dans un certain groupe de vases provenant de la Russie méridionale, le fond noir n'est pas l'enduit noir brillant dont nous avons parlé plus haut : c'est une sorte de couleur d'aquarelle sans éclat, appliquée au pinceau entre les figures 1 . D'autres vases de même provenance, auxquels il faut joindre les vases trouvés dans l'Italie méridionale, connus sous le nom de vases de Gnathia2, et une série plus curieuse encore dont on possède de rares exemplaires. provenant pour la plupart des nécropoles de Vulci, Corneto et Orte 3, présentent une altération de la technique encore plus remarquable. La place pour les figures et les ornements n'est pas réservée : le vase entier, à l'extérieur et à l'intérieur, est couvert d'un enduit noir qui ne peut se comparer ni pour la pureté ni pour l'éclat à celui des vases de l'époque classique; les diverses couleurs servant à la décoration, qui sont le blanc, le jaune et le brun, sont, appliquées sur cette couverte noire. Dans le dernier groupe cité, composé pour la plupart des coupes à peintures blanches portant l'inscription latine pocolom (voy. t. II, p. 373, fig. 2535), les figures sont modelées comme pourrait l'être un dessin aux crayons blanc et noir sur papier teinté, les lumières étant accusées par un frottis blanc, les ombres indiquées par des hachures. Cette technique n'est d'ailleurs pas sans précédents, même à l'époque classique. Dans les exemples que nous venons de citer, elle se présente comme une tentative plus ou moins heureuse pour renouveler les procédés de la peinture céramique déjà en pleine décadence. Mais un certain nombre de vases de style archaïque, qui ont été étudiés par M. Six4 et dont les plus anciens sont en quelque sorte intermédiaires entre les vases à figures noires et les vases à figures rouges, nous montrent l'application d'une méthode analogue : les figures n'y sont pas réservées, mais peintes tantôt en blanc avec quelques touches de rouge, tantôt en rouge, par-dessus le fond noir. Cette technique marque alors une période de transition et de tâtonnements, et fut abandonnée dès que la véritable méthode des peintures rouges sur fond noir fut définitivement fixée. Il faut faire une place à part parmi les vases grecs au groupe des vases à fond blanc. L'emploi de ce procédé remonte à une époque très ancienne', comme le prouve la célèbre coupe d'Arcésilas, du Cabinet des médailles, où les figures noires se détachent sur une couverte d'un blanc jaunâtre. Au v° siècle, les exemples de cette technique se multiplient : tels sont les lécythes, improprement nommés vases de Locres °, et les coupes à fond blanc pour la plupart de fabrication attique, dont quelques-unes peuvent compter parmi les plus beaux spécimens de la céramique grecque''. Il faut y ajouter la nombreuse série de lécythes à fond blanc trouvés pour la plupart dans les tombeaux de l'Attique°. Ce fond blanc est une couverte de kaolin ou de terre de pipe, polie avant la cuisson, de telle sorte qu'elle présente souvent un remarquable éclat. Pour le décor, les vases à fond blanc suivent les phases du développement général de la céramique grecque. Dans les plus anciens, les figures sont des silhouettes noires exécutées suivant les procédés de la peinture à figures noires sur fond rouge. Puis, sous l'influence de la peinture à figures rouges, on arrive à dessiner au trait les contours et les lignes intérieures des figures : bientôt le dessin se relève d'une polychromie discrète, oà les tons principaux sont le brun, le jaune, le noir, le violet, le rouge pourpre et la dorure. Les vases grecs à figures noires et à figures rouges de la meilleure époque présentent, surtout dans les parties noires, un lustre brillant, qui contribue beaucoup à la beauté du décor. C'est une question controversée de savoir si ce lustre est un vernis spécial appliqué sur l'enduit noir, ou bien s'il est naturellement produit par la vitrification de l'enduit noir à la cuisson9. Sans doute cet enduit noir est lui-même une sorte de vernis; mais il ne suffit pas à expliquer l'éclat de certains vases, d'autant plus que, dans ces vases, les parties rouges elles-mêmes ont aussi une espèce de lustre. Quelques savants le ont pensé qu'un polissage soigneux, au moyen d'un corps tel que la corne, pouvait donner leur lustre aux parties rouges. Mais il semble plus vraisemblable d'admettre l'existence d'un vernis spécial incolore et fusible, composé probablement de soude et de salpêtre, étendu en une couche extrêmement mince sur toute la surface du vase, après l'achèvement des peintures et avant la cuisson définitive i1. Comme les couleurs d'en FIG 1127 FIG gobes étaient appliquées après la cuisson, on s'explique que Ies parties noires et rouges aient seules un éclat brillant, tandis que les engobes restent mats. Une hydrie grecque, trouvée à Ruvo, nous a conservé une représentation intéressante d'un atelier de potier, où nous voyons plusieurs artistes, assis sur des chaises ou des escabeaux très bas, leurs pots de couleur près d'eux, occupés à décorer des vases 1 (fig. 3041). On remarquera que, dans cet atelier, on semble peindre seuIement des ornements : partout la place des figures reste vide. Faut-il en conclure que l'artiste peignait d'abord les ornements et ensuite les figures, ou que ces deux parties de la décoration peinte étaient confiées à des artistes différents? Cette peinture nous montre aussi comment les potiers antiques manoeuvraient leur pinceau: ils le tenaient, non pas entre les doigts, comme aujourd'hui, mais à poing fermé. Dessinant ainsi par un mouvement du poignet, ils obtenaient sans doute une plus grande sûreté de trait. Enfin ce vase nous fait connaître quelle estime les anciens avaient pour la profession de peintre de vases : deux Victoires ailées, et Athéna elle-même, debout au centre de la composition, s'apprêtent à couronner les artistes laborieux qui travaillent devant elle 2. Vases à reliefs. La décoration ordinaire des vases grecs, depuis les temps les plus anciens jusqu'à l'époque où la céramique grecque disparaît, c'est la peinture, dont nous venons d'étudier les procédés techniques. Pourtant, dès une époque très reculée, on trouve exceptionnellement un autre système de décoration, celui de la décoration en relief, employé parallèlement à la peinture. Les vases à reliefs étaient autrefois considérés comme propres à l'industrie étrusque et romaine. Mais, bien que l'immense majorité des poteries de cette sorte ait été trouvée en Italie, le nombre des exemplaires découverts en Grèce est, dès aujourd'hui, suffisant pour qu'il ne soit plus possible de douter que cette technique ait été connue et pratiquée par les ateliers grecs. Depuis longtemps, les savants qui se sont occupés d'études céramographiques, se sont efforcés de restituer à la Grèce de nombreuses catégories de vases, autrefois attribuées à l'industrie étrusque ou romaine 3. Bien des questions sont encore pendantes, à propos des vases à reliefs. Mais ce qui paraît dès maintenant démontré, c'est que les ateliers étrusques et romains n'ont guère fait que perfectionner une industrie d'origine grecque. Cette industrie est née probablement vers le me siècle, au moment où la peinture de vases est en pleine décadence. Cependant les potiers grecs ne font alors que reprendre une technique fort ancienne, florissante dès le vile et le vie siècle, et qui a subi pendant les ve et ive siècles une sorte d'éclipse devant la vogue prépondérante des vases peints, mais sans jamais disparaître complètement. Une des applications les plus simples du procédé de la décoration en relief se montre dans une classe nombreuse de produits céramiques d'usage domestique, qui ont été fabriqués à toutes les époques de la civilisation grecque : les grandes amphores de commerce destinées à transporter le vin, l'huile et les autres denrées. Ces amphores, qui proviennent surtout de Thasos, de Rhodes et de Cnide, à part quelques différences de forme et de matière, sont d'une technique semblable : elles n'ont pas de couverte, et n'ont d'autre décoration que des sceaux imprimés en relief sur les anses au moyen d'un poinçon : ces sceaux portent tantôt les emblèmes des villes, tantôt une inscription au nom des magistrats éponymes ``. Les lampes en terre cuite appartiennent FIG 1128 FIG à une technique analogue. Mais la majeure partie des lampes trouvées dans les pays grecs ne remonte pas plus haut que l'époque impériale. Les plus anciennes sont très simples et sans ornements. C'est surtout à Rome que s'est développée l'industrie des lampes en terre cuite [LUCERNA] 1. Les véritables poteries à reliefs dérivent de l'imitation des vases en métal. Il faut citer d'abord de grandes jarres ou a(9ot, reposant souvent sur une base à trois pieds [DOLIUM]. On les a trouvées en grand nombre dans les plus anciennes nécropoles d'Étrurie, et particulièrement à Coeré, et elles sont, en effet, généralement connues sous le nom de vases de Coeré. Mais le décor de ces vases, où l'on rencontre tous les motifs familiers aux potiers corinthiens, frises d'animaux de type oriental, oiseaux aquatiques, chevaux, centaures à jambes humaines, montre qu'ils sont de fabrication hellénique 2, et sans doute imités des vases de bronze fabriqués à Corinthe. La pâte est d'une couleur qui varie du rougeâtre au jaune pâle; elle est d'une texture pierreuse, souvent mêlée d'éléments volcaniques, qui produisent quelquefois à la surface des taches noires. Malgré leur dimension, les 7t(Oot ont été le plus souvent façonnés au tour : quelquefois pourtant les inégalités et les aspérités de la surface montrent qu'ils ont été façonnés à la main 3. Ces vases sont décorés d'une ou deux zones de figures en relief, obtenues à l'aide d'un cylindre gravé, imprimé sur la terre encore molle'. Avec ces 7t(6ot ont été trouvés de grands bassins plats d'une terre généralement plus fine, et d'un rouge plus foncé, ornés de reliefs estampés par le même procédé. L'imitation du métal est encore plus visible dans plusieurs catégories de vases dont l'industrie se développe à partir du I1I9 siècle : les coupes dites mégariennes, généralement de forme hémisphérique, sans pieds ni anses, reposant sur un fond légèrement aplati, et décorées de reliefs à l'extérieur 5; les poteries étrusco-campaniennes à vernis noir, aux anses décorées de figures en relief 6 ; les phiales de Calés, ornées de reliefs disposés à l'intérieur autour d'un ombilic saillant'; les vases dorés ou argentés, provenant surtout de l'Italie méridionale, particulièrement d'Armento et de l'Apulie, et qui reproduisent non seulement la forme, mais aussi l'aspect de pièces d'orfèvrerie 8. Même, les produits les plus célèbres de la céramique romaine, la soi-disant poterie samienne, ou les vases à glaçure rouge qu'on désigne généralement sous ce nom, et dans lesquels M. Helbig reconnaît des imitations italiennes des vases mégariens 9, et les vases arétins, dont les plus anciens sont encore revêtus d'un vernis noir à l'exemple de la poterie campanienne}0, se rattachent par une filiation certaine à l'industrie grecque 11. Enfin, les vases noirs d'un aspect si particulier, connus sous le nom de vasi di bucchero nero, et de tout temps considérés comme une des plus indiscutables créations de l'industrie étrusque, ne paraissent plus si étrusques depuis qu'on en a trouvé en Grèce et à Rhodes 72. Mais malgré leur origine grecque, il reste vrai que c'est dans les ateliers étrusques et romains que l'industrie représentée par ces derniers groupes de vases a pris tout son développement. Les vases de bucchero nero, dont les plus anciens remontent au vlt° siècle avant notre ère et dont l'industrie dure jusqu'au me siècle, présentent, au point de vue technique, un intérêt particulier. Leur coloration noire est obtenue par un procédé encore imparfaitement connu; ce qui est sûr, c'est qu'il n'y a pas eu application d'une couche extérieure de peinture : c'est la pâte elle-même qui est imprégnée de couleur noire. Les cassures, qui sont rarement complètement noires, et dont la couleur va en s'éclaircissant vers l'intérieur, présentent souvent de petits grains de quartz qu'on peut remarquer aussi à la surface. Les analyses faites sur ces vases ont donné un corps organique carbonisé, quelquefois des corps gras et résineux. Quant à la manière dont cette substance a été mêlée à la pâte, on a supposé que ces vases, après avoir été chauffés légèrement, étaient enduits de bitume ou de résine, ou de quelque autre substance analogue : par la cuisson, cette substance se carbonisait et pénétrait dans l'intérieur même de la pâte. D'autres pensent que des substances organiques ont été pétries avec la pâte elle-même 13. D'après les analyses ", comparée à la pâté des vases campaniens, celle des vases de bucchero contient plus de silice et de magnésie, moins d'oxyde de fer et de chaux, et en outre du charbon. M. Klitsche de la Grange, qui s'est livré récemment à des recherches chimiques sur la fabrication de ces vases, a proposé une nouvelle hypothèse, qui paraît aujourd'hui la meilleuref6. Il pense que leur coloration noire est due à une fumigation très prolongée dans le four rempli de matières combustibles dégageant une fumée intense. Ils sont façonnés tantôt à la main, tantôt au tour : le décor est quelquefois gravé, le plus souvent en relief. Les ornements en relief sont tantôt poussés dans des moules, tantôt modelés à l'ébauchoir; ce décor est souvent un même motif plusieurs fois répété: mais, en beaucoup de cas, on ne voit pas entre Ies figures semblables, cette ressemblance mathématique qui indiquerait l'emploi d'un procédé mécanique. Quelquefois, pour mieux faire ressortir le relief sur le fond noir, on a incisé les contours, et même les linéaments intérieurs des figures, de traits gravés Ma pointe, qui, en entamant la surface du vase, se distinguent par un aspect plus mat et grisâtre. Les dénominations de vases samiens et de vases arétins, sont des termes conventionnels f6 sous lesquels on désigne les vases à reliefs revêtus d'une belle glaçure rouge brillante qui sont les produits les plus intéressants de la céramique romaine. Ces termes remontent d'ailleurs à l'antiquité : les vasa samia sont mentionnés FIG 1129 FIG par un écrivain du vile siècle de notre ère, Isidore de Séville', et aussi par Pline 2 qui les cite comme constituant la vaisselle de table d'usage courant : cette industrie n'était pas particulière à Samos : Pline énumère les fabriques les plus renommées, en Grèce, en Asie Mineure, en Italie, en Espagne. Le nom de vases arétins vient de la grande réputation de la ville d'Arretium (Arezzo) dont les ateliers, vers la fin du ne siècle avant notre ère, n'ont pas de rivaux pour la fabrication des vases à glaçure rouge. On a trouvé, en effet, un très grand nombre de ces vases sur le territoire d'Arezzo : mais on les trouve aussi répandus sur toute la surface de l'empire romain : c'est la poterie romaine par excellence. Et il n'est pas douteux que, dès l'antiquité, la dénomination arretina vasa ne désignât souvent des vases d'une certaine technique, sans égard au lieu de fabrication 3. La terre de ces poteries est connue sous le nom de terra lemnia ou sigillata, terre sigillée, à cause de la propriété qu'elle a de recevoir facilement toute sorte d'empreintes. Suivant les différentes combinaisons d'oxyde de fer, et le degré de chaleur obtenu à la cuisson, ces vases prennent les nuances de rouge les plus variées. La similitude de l'exécution et de la matière qu'on remarque dans la plupart des poteries à glaçure rouge, répandues sur toute la surface de l'empire, a frappé tous les observateurs. On s'explique difficilement comment les potiers romains pouvaient confectionner partout des pâtes si semblables avec des matériaux nécessairement différents. On ne peut pourtant pas supposer qu'ils apportaient avec eux leur provision de pâte. Brongniart suppose qu'ils choisissaient des argiles fines et presque sans couleur, et qu'ils leur donnaient la couleur rouge capucine qui est la caractéristique de ces vases par des combinaisons appropriées d'éléments colorants tels que l'ocre rouge'. Mais pourquoi ne pas supposer plutôt que ces vases étaient exportés d'un centre de fabrication unique? M. Pottier a bien voulu me communiquer son opinion à ce sujet. Il pense qu'on a tort de multiplier les centres de fabrication, et de croire qu'on faisait des vases pareils dans des ateliers différents sur toute la surface du monde ancien. Ils ne seraient pas pareils dans ce cas. On a cru longtemps qu'il y avait des fabriques particulières à Nola, à Cumes, à Vulci, etc. Puis on a reconnu que les poteries trouvées en ces divers endroits venaient d'un centre unique, la Grèce, ce qui explique les ressemblances très naturellement. M. Pottier est persuadé qu'on arrivera à la même conclusion pour les vases à glaçure rouge. Pourquoi des inscriptions trouvées en Espagne mentionneraient-elles des fgulinae arretinae si la fabrication d'Arretium n'avait pas eu une réputation universelle ? De même, aujourd'hui, nous ne nous donnons pas la peine de fabriquer des objets japonais : nous les faisons venir. On peut rapprocher de ces vases la plupart des lampes à glaçure rouge trouvées sur le sol italien. La glaçure rouge des poteries romaines est d'une grande perfection. Elle est si fine et s'adapte si exactement à toutes les aspérités du relief que les arêtes des contours ne sont jamais empâtées, comme il arrive souvent avec les glaçures modernes. L'ancienne opinion e que le bel éclat rouge de ces vases provient, non pas d'un vernis, mais de la cuisson après un polissage soigneux de la terre encore fraîche, est maintenant abandonnée. La terre a une couleur tout autre que la surface, plutôt jaune rouge, comme on peut le voir dans les cassures. Les ecailles qui se détachent souvent de la surface prouvent l'existence d'un vernis'. Mais il est. assez difficile de déterminer les éléments de cette glaçure. Les analyses chimiques ne sont pas d'accord'. Certains savants ne veulent voir aucun oxyde métallique dans cette glaçure 9. D'autres, au contraire, entre autres Brongniart, croient que ce lustre est dit à un enduit très mince d'un silicate à base alcalino-terreuse, coloré par un oxyde de fer 10. D'après les expériences les plus récentes faites à Spire par Keller, il semble que la matière employée soit le borax ". On a trouvé en Angleterre, à Wansford (Northamptonshire) un petit four qui servait à cuire ce vernis. D'après Keller, les petites pièces, refroidies après une première cuisson à feu doux, auraient été plongées dans une chaudière pleine d'une solution bouillante : les grandes auraient été vernies au. pinceau. Elles étaient soumises, après le vernissage, à une seconde cuisson qui faisait adhérer le vernis. Ce vernis est, en effet, d'une extrême solidité, et n'est attaqué ni par les acides, ni par l'humidité, ni par le feu. La glaçure des poteries romaines à reliefs fut très longtemps en usage. Brongniart croit la retrouver jusque dans des poteries dont il place la fabrication entre le vu° et le x° siècle ". Les reliefs des poteries romaines n'ont presque jamais été modelés à la main. Deux procédés différents ont été employés : le façonnage au moule, et le modelage au pinceau. Le premier est de beaucoup le plus fréquent. Le façonnage au moule nécessite trois opérations successives : 1° fabrication du poinçon en relief au moyen duquel on obtenait l'image en creux dans le moule négatif; 2° fabrication du moule ; 3° façonnage du vase dans le moule [FORMA]. La fabrication des poinçons ou estampilles était la véritable opération artistique. Le reste était purement mécanique. Même s'il a sous les yeux un modèle qu'il copie, l'ouvrier fait oeuvre d'artiste et exécute son sujet à l'ébauchoir. Les estampilles qui nous ont été conservées sont en terre fine de nuance rougeâtre. Elles ont une sorte de manche que tenait l'ouvrier pendant qu'il imprimait le poinçon dans la terre du moule, et se terminent par une surface légèrement convexe où le motif ornemental a été modelé en relief; rosaces, oves, perles, figures d'hommes ou d'animaux, masques, ou encore le nom du potier73. La figure 3042 en donne un exemple : estampille avec une inscription, de Lezouxu. Nous n'avons pas d'estampilles semblables en plâtre, en bois, ni en métal. Pourtant il est fort probable que la terre n'était pas la seule matière employée : FIG -1130-FIG les reliefs très plats de certains vases semblent avoir été obtenus à l'aide d'un poinçon en bois, tandis que les contours aux arêtes aiguës de certains autres paraissent dus à l'action d'un poinçon en métal'. Il est peu vraisemblable qu'il y eût partout où ces vases à reliefs étaient fabriqués des ouvriers capables de modeler les différents poinçons nécessaires. C'étaient probablement des articles de commerce. Les moules où l'on imprimait ces poinçons afin d'obtenir des images en creux, sont en général de la même terre fine que les vases eux-mêmes. L'essentiel était que la terre eût une perméabilité suffisante pour absorber l'humidité de la pâte qu'on y coulait. Souvent il y a au fond du moule un trou pour laisser échapper l'eau. Ces moules étaient façonnés au tour. L'extérieur restait lisse, sans autre ornement qu'un rebord saillant qui les rendait plus maniables (fig. 3043 et 3014) 7. On imprimait les poinçons dans la surface intérieure du moule, alors que la terre était encore molle. En général, la décoration consiste en deux rangées de motifs ornementaux très simples, et une zone de figures entre les deux. Dans beaucoup de cas le fond du moule restait uni, afin de réserver la place du pied, qui était ajusté au vase après la sortie du moule. Mais nous avons aussi de nombreuses coupes ou phiales sans pied, dont le décor couvrait entièrement la surface intérieure du moule. On remarque souvent des irrégularités dans le décor qui proviennent de la négligence avec laquelle les poinçons étaient imprimés dans le moule : inégalité de distance entre les figures, positions défectueuses : quelquefois les figures sont placées la tête en bas. Quelques archéologues pensent que ces moules étaient en deux morceaux : on trouve en effet, sur certains vases, des lignes en relief qui semblent être le point de suture des deux moitiés du moule 3. Brongniart fait observer que les moules qui nous sont parvenus intacts sont tous d'une seule pièce Les lignes de suture qu'on a cru remarquer seraient dans ce cas dues simplement à quelque défaut du moule. Pourtant, si Brongniart a raison quand il s'agit de poteries à reliefs très faibles, le retrait naturel de la pièce au séchage suffisant pour permettre de la retirer du moule, il semble impossible qu'on ait pu se servir de moules d'un seul morceau pour les vases à reliefs un peu saillants. Il est probable qu'alors on employait des moules en deux parties rajustées par des tenons, semblables à ceux que nous décrirons plus bas à propos des lampes. Une fois les empreintes formées, la surface intérieure était soigneusement polie, et le moulage obtenu était porté au four. Pour faire le vase lui-même, on poussait dans le moule la quantité convenable de pâte humide, et l'on façonnait au tour l'intérieur du vase. Quelques personnes ont pensé qu'on retirait la pâte du moule pour la porter sur le tour 5; mais l'action du tour sur la terre encore molle aurait sans doute endommagé les reliefs. Il est probable qu'on portait sur le tour la pâte encore engagée dans le moulee. On enduisait sans doute les parois du moule d'une substance grasse qui empêchait une adhérence trop forte de la pâte, et permettait de la détacher plus facilement'. Le vase une fois façonné et retiré du moule, on ajustait, suivant le cas, tantôt un pied, tantôt une base ronde, une moulure autour du bord supérieur, toutes pièces également faites sur le tour. Il ne restait plus alors qu'à vernir et à cuire. Les lampes romaines, dont nous possédons un si grand nombre d'exemplaires, étaient façonnées au moule par des procédés analogues. Elles étaient faites en deux parties coulées séparément dans deux moules différents. L'un de ces moules, décoré à l'intérieur d'images en creux par le procédé à l'estampille décrit plus haut, donnait la face supérieure de la lampe. L'autre donnait le corps de la lampe (fig. 3045) 8. Ces deux moules étaient ajustés ensemble au moyen de tenons placés sur le rebord du moule inférieur, et s'adaptant dans les cavités correspondantes du moule supérieur. Quelquefois les deux moules appartenant à une seule lampe sont marqués de chiffres ou de lettres sem blables. Les deux moitiés de la lampe se recollaient ainsi naturellement dans le moule pendant que la pâte était encore humide. Quand la pâte commençait à sécher, on retirait la lampe du moule, et on la portait au four où elle cuisait à une température modérée. Un autre procédé pour l'exécution d'ornements eu relief est tout à fait remarquable, et particulier àla céramique romaine. Avec un pinceau, une pipette ou une spatule en forme de cuiller chargée de pâte prise dans cet état de liquidité visqueuse qu'on nomme barbotine et qui ressemble à de la boue, on modelait sur la panse du vase des ornements divers, tiges, feuilles de lierre ou d'olivier, guirlandes, ou même des figures d'animaux. Les reliefs ainsi obtenus ont des formes lourdes et irrégulières. Comme le remarque M. Blümner, c'est à peu 1V. FIG 1131 FIG près le procédé qu'emploient les confiseurs pour décorer leurs gâteaux avec du sucre glacé La décoration en creux ne se présente guère qu'à l'éclat d'exception dans les poteries romaines : le procédé le plus simple, qu'on rencontre dans un certain nombre de vases de fabrication provinciale, n'exige pas d'autres instruments que le doigt et l'ongle, avec lesquels on trace dans la terre encore molle des incisions et des ondulations. Quelquefois cc sont des ornements très simples en forme de feuillages, incisés à la pointe. Pour obtenir des zones d'ornements en creux sur la circonférence de certains vases, on se servait aussi d'une roulette ou molette en terre ou en métal, décorée d'ornements en relief, et qu'on imprimait dans le vase tandis qu'on le faisait tourner sur le tour 2 (fig. 3046, roulette en terre cuite provenant de Lézoux 3). A côté des véritables vases à reliefs, il faut mentionner certains produits de la céramique grecque qui présentent une combinaison curieuse des deux systèmes de décoration, la peinture et le relief. Ce sont d'abord des vases analogues pour la forme et les motifs de décoration aux vases peints ordinaires, mais dans lesquels tout ou partie de la décoration peinte est remplacé par des figures en relief. Quelquefois les personnages principaux sont seuls en relief, les autres figures étant peintes, comme dans le vase du musée de l'Ermitage représentant la lutte entre Poséidon et Athéna 4. Dans d'autres, la scène entière est composée de figures en relief, appliquées comme une frise sur la panse du vase 5. Ces reliefs sont tantôt peints en blanc, tantôt décorés de couleurs variées, mêlées de dorures, et se détachent sur le fond de l'enduit noir. Il est peu probable qu'ils fussent façonnés au moule : ils étaient plutôt modelés à la main, et appliqués sur le vase, peut-être après la cuisson 6. Enfin il faut citer les vases en forme de figurines, bustes, masques, animaux, figurines entières ou même groupe de figurines; rhytons ou cornes à boire terminées en têtes d'animaux, chevaux, griffons, béliers, éléphants. Souvent le col de ces vases est décoré de peintures, suivant la technique des vases à figures rouges. Les deux parties du vase étaient sans doute travaillées à part, le col étant façonné au tour, les figurines au moule et les deux parties ajustées ensemble avant la cuisson'. D'autres monuments présentent une application curieuse du bas-relief à la décoration des vases. Ce sont des vases façonnés au tour comme les poteries ordinaires : une fois le façonnage terminé, on a collé sur la panse du vase tout un décor en relief, composé de rinceaux, de fleurons, de masques et de figurines en ronde bosse, le tout relevé de polychromie et de dorures. Le musée du Louvre en possède un exemplaire provenant de Sicile très richement orné, et d'une exécution très soignée 8. Les vases dits de Canosa appartiennent à une technique analogue, mais qui s'éloigne encore plus des méthodes et du style de la céramique classique. La panse des vases est bariolée de dessins de couleurs ternes où le rose domine, posées après la cuisson définitive : la véritable ornementation consiste en figurines modelées à part et fixées sur le corps du vase avec de la barbotine9. Les différents produits de ce genre se rattachent plutôt à l'art des coroplastes qu'à celui des potiers 10. Poteries émaillées. L'immense majorité des poteries antiques appartient à la grande classe des poteries en pâte tendre". Elles sont toutes plus ou moins absorbantes, même les poteries arétines et samiennes, dont les formes ont cependant un caractère évident d'utilité pratique 13. Pourtant, bien avant les premiers essais de l'art grec, les civilisations orientales connaissaient le secret de l'émail : il suffit de rappeler les briques émaillées de l'Assyrie, et les petites figurines funéraires recouvertes d'un enduit vitrifié dont la teinte varie du vert pâle au bleu d'azur, que les nécropoles égyptiennes nous ont livrées en si grand nombre. Les Phéniciens ont de bonne heure transporté dans les pays grecs les produits des ateliers égyptiens, et ceux qu'ils apprirent bientôt à fabriquer eux-mêmes, menus objets émaillés, figurines, flacons, vases à parfums. Dans les tombeaux de Camiros, appartenant au vine et au vue siècle, on a trouvé, à côté des céramiques indigènes, des poteries émaillées dont l'origine phénicienne n'est pas douteuse 13. Les Grecs ont-ils connu cette technique? La réponse est douteuse pour la période archaïque et classique, malgré l'existence de quelques monuments curieux, comme le vase émaillé en forme de sphinx, appartenant au musée de Berlin, et que M. Koehler attribue sans preuves concluantes à la fabrique d'Égine i4, ou l'aryballe bleu du Louvre en forme de tête casquée, trouvé à Corinthe, que M. Heuzey a ingénieusement expliqué comme un produit phénicien empruntant son prototype aux aryballes fabriqués dans les pays helléniques au vie siècle 15. Cependant d'autres monuments donnent à penser qu'au moins en certaines contrées plus particulièrement soumises à l'influence de l'Égypte, comme Rhodes ou les colonies helléniques établies en Égypte même, les artistes grecs ont connu et pratiqué exceptionnellement ce procédé familier aux Égyptiens. Tels sont un petit vase émaillé bleu, trouvé à Camiros, modelé en forme de dauphin, du style grec le plus pur, et portant une inscription grecque en caractères du vie siècle 16, et les figurines en terre émaillée sortant à n'en pas douter d'ateliers grecs, trouvées dans les fouilles de M. Flinders Petrie à Naucratisi7. Mais rien ne prouve que cette technique se soit implantée dans la Grèce propref8; cil FIG -1132 FIG tout cas elle semble avoir été délaissée après le vIe siècle. Au me siècle, elle reparaît à Alexandrie, au moment olé la peinture céramique est en pleine décadence. Nous possédons quelques monuments curieux appartenant à cette fabrication égypto-grecque, entre autres l'oenochoe revêtue d'un émail vert brillant, trouvée à Benghazi, et connue sous le nom de « vase de la reine Bérénice » 1. On a trouvé aussi hors de l'Égypte des poteries émaillées : un même tombeau de Tanagra en a livré deux spécimens intéressants2. Il est d'ailleurs vraisemblable qu'ils proviennent d'un des centres industriels de l'Égypte hellénisée. En revanche, les fragments trouvés à Tarse prouvent que, vers le let siècle avant notre ère, les ateliers grecs d'Asie Mineure ont pratiqué la technique des céramiques émaillées3. Le musée du Louvre possède aussi des figurines émaillées à couverte jaune ou verte, provenant de Smyrne et de Cymé t. M. Mazard pense que les centres industriels d'Asie Mineure ont exporté leurs produits émaillés dans tous les pays méditerranéens, et attribue une origine grecque aux poteries émaillées trouvées en Italie et en Provence5. Pourtant il est probable que cette industrie s'est peu à peu propagée sur tous les points du monde ancien. On a trouvé des poteries émaillées vulgaires dans des endroits que les exportations grecques n'ont pas dû atteindre, en pleine Gaule, dans le département de l'Allier, et sur les bords du Rhin. M. Mazard a fait le relevé des terres cuites antiques émaillées qui nous sont parvenues G. Ces monuments soulèvent encore bien des questions non résolues. Mais les travaux de M. Mazard permettent au moins d'établir, contrairement à l'opinion autrefois admise', que les anciens ont connu la glaçure au plomb. Les poteries dont nous venons de parler ont été revêtues d'un enduit à base métallique où le plomb est employé comme fondant : l'adjonction de matières telles que le minium, la litharge ou le protoxyde de cuivre permettent d'obtenir les différentes colorations, jaunes, brunes, bleues ou vertes'. comprend trois groupes d'objets : les grandes statues, les bas-reliefs, ayant pour la plupart une destination architecturale, et les figurines. La fabrication des grandes statues en terre remonte aux temps les plus reculés de l'art grec. Pausanias mentionne des statues très anciennes en terre crue et en terre cuite à Athènes' ; d'autres à Tritaea en Achaïe 10. Pline cite les statues en terre crue, cruda opera, exécutées par le potier Chalcosthènes ou plutôt Kaïkosthènes, dont l'atelier donna son nom au Céramique 1f. Peut-être même, l'argile étant la matière la plus commune et la plus facile à travailler, les statues en terre sont-elles antérieures aux plus anciennes statues de bois i2. De bonne heure pourtant l'art grec paraît avoir renoncé aux grandes statues en terre. On préféra à l'argile des matières plus solides, le bois, la pierre, le métal : et l'on n'employa plus la terre que là où on y était forcé par la nécessité, ainsi qu'il arriva, d'après Pausanias, au sculpteur Théokosmos 13. Il était en train d'exécuter pour l'Olympiéion de Mégare une statue chryséléphantine de Zeus : la guerre du Péloponnèse éclate : l'argent manque pour achever la statue avec des matières aussi précieuses que l'or et l'ivoire la tête était déjà faite, le sculpteur l'ajusta sur un corps de terre et de plâtre peint en trompe-l'oeil. L'usage de fabriquer des statues en argile dura plus longtemps en Italie. Chez les Étrusques tout est en terre cuite, les idoles adorées dans le sanctuaire, les statues du fronton, la décoration du toit 1{; il faut citer aussi les statues iconiques placées sur le couvercle des sarcophages et les bustes-portraits surmontant les canopes funéraires de Chiusi. La plastique étrusque en terre cuite emploie concurremment les deux procédés du moule et du modelage à la main. Les têtes des canopes paraissent avoir été modelées à l'ébauchoir. Quant aux grandes statues, elles ont été fabriquées en plusieurs pièces rapportées et travaillées avec plus ou moins de soin, suivant l'importance du morceau. Les bras, les mains et les pieds, qui sont en général sacrifiés, semblent avoir été simplement poussés dans le moule. Les artistes réservent toute leur attention pour les têtes et les détails du costume qui sont minutieusement traités à l'ébauchoir15. On peut citer comme exemple de cette technique le beau sarcophage du musée du Louvre provenant de Cervetri, qui est de la fin du vie ou du commences ment du ve siècle 15, et celui, plus récent, dit de Seianti Thanunia au British Museum 17. A Rome, avant l'invasion de l'art grec, les temples étaient ornés de statues en terre. Plus tard les dieux en marbre enlevés aux temples grecs remplacèrent les anciens dieux en argile. Mais jusque dans le dernier siècle de la République, on cite des statues en terre" ; le British Museum possède une série de statues de femmes drapées en terre cuite, trouvées à Rome en 1763 près de la Porta Latina, et dont la hauteur varie entre Om,70 et 4",30 i9. Deux grandes figures qui passent pour des représentations de Jupiter et de Junon ont été découvertes à Pompéi dans le temple d'Esculape 20. Aux monuments dont nous venons de parler il faut ajouter les maquettes en terre qui étaient la première pensée des oeuvres que l'artiste exécutait ensuite en bronze on en marbre. Le but est différent, mais la technique est la même. Alors comme aujourd'hui, le bronzier ne pouvait pas se passer d'une maquette en terre, ou en cire81. Mais elle était presque aussi indispensable au sculpteur qui employait le marbre, Voilà pourquoi les anciens appelaient la plastique en terre (plasties) mère de la toreutique (caelatura), de la sculpture en bronze et en marbre (statuaria, sculptera) 22. Les procédes employés par les maîtres antiques ne FIG -1133FIG différaient sans doute pas sensiblement de ceux qu'emploient aujourd'hui nos sculpteurs : bu bien l'artiste travaillait la terre humide morceau par morceau, rajustant ensuite les différentes parties une fois modelées ; ou bien, plus ordinairement, il se servait d'une sorte d'armature en bois pour soutenir la figure entière (xxvaos, stipes, eaux'), Il pétrissait la figure en gros avec les deux mains, et lui donnait ainsi la forme générale qu'il cherchait : c'est ce qu'on appelait pollice ducere2. Ensuite intervenait l'ébauchoir (en bois, en ivoire ou en bronze). Cet ébauchoir que nous voyons souvent dans la main de Prométhée, sur les monuments où il est représenté modelant l'homme dans l'argile3, se terminait d'un côté par une pointe qui servait à tracer les lignes dans la terre, plis des draperies, etc., et de l'autre par une petite palette plate destinée à polir les surfaces. On trouve le même ébauchoir figuré sur une pierre gravée qui représente un vieillard chauve assis sur un fauteuil devant un chevalet à trois pieds (ôxii(6aç ou, xtÀÀ(ea5 4), sur lequel est assujettie obliquement une planchette qui porte le buste d'une déesse coiffée du polos : l'artiste maintient la planchette de la main gauche, et de la main droite retouche son oeuvre à l'ébauchoir'. La figure était achevée avec les doigts, et surtout avec les ongles, l'artiste enlevant ici un peu de terre avec l'ongle, là en rajoutant, ou modifiant le modelé par une légère pression du doigt. Voilà pourquoi Polyclète disait que le difficile de l'oeuvre était quand la terre entre sous l'ongle'. La statue terminée était en général cuite, même celles qui ne servaient que des maquettes : elles échappaient ainsi à la destruction, et étaient vendues comme les autres statues Nous avons dit, d'après Pline et Pausanias, que des statues en terre crue s'étaient conservées longtemps : mais ce devaient être des exceptions : car la terre, en séchant, se fend : en tout cas, nous n'en possédons aucune. Nous n'avons pas de renseignements sur la cuisson de ces grandes figures : sans doute il fallait des fours plus grands que les fours ordinaires, et disposés de façon que la chaleur pénétrât également toutes les parties de la statue. Après la cuisson, les statues étaient peintes suivant les mêmes procédés employés pour les figurines'. Les reliefs forment une partie importante de la plastique en terre : la plupart ont une destination architecturale. Dès la plus haute antiquité, les Grecs firent servir la céramique à la décoration de leurs édifices. Les exemples nous en sont parvenus en très grand nombre : corniches, chéneaux, antéfixes, acrotères. Pendant toute la période archaïque, les procédés employés pour la décoration de ces pièces d'architecture sont ceux de la peinture de vases. Les parties hautes des temples furent recouvertes de revêtements en terre cuite peinte 9. Le style et la technique de ces pièces d'architecture en terre cuite suivent les phases du développement de la peinture de vases. Par exemple, l'acrotère colossal qui surmontait le fronton de l'Héraion à Olympie, avec son décor géométrique, sa couverte brun noir, rehaussée après la cuisson d'engobes rouge violacé, jaune orangé et blanc, rappelle les vases de style oriental10. D'autres monuments nous montrent l'emploi d'un style plus libre : les motifs principaux sont alors la tresse, la palmette figurant une fleur de lotus épanouie; avec trois tons très simples, un jaune clair servant de fond, un beau rouge vermillon très intense, et un brun rouge tirant sur le noir, l'architecte obtient un effet décoratif d'une grande richesse ". Nous avons aussi quelques exemples de revêtements en terre cuite décorés suivant le système des vases à figures rouges : les palmettes se détachent en jaune clair sur le fond noir, et le décor est rehaussé simplement de quelques touches de brun rouge 12. Enfin un groupe de curieux monuments montre d'une façon encore plus frappante l'influence de la peinture de vases sur la décoration architecturale. Ce sont des tuiles faîtières dont la face supérieure est décorée d'ornements imbriqués, et dont les deux faces latérales présentent un tableau occupé par des scènes à personnages, de tout point semblables à celles des vases peints !3. Plus tard la peinture cède la place à la plastique dans la décoration architecturale. Déjà quelques-unes des tuiles à tableaux que nous venons de citer sont décorées à l'extrémité d'un masque en relief. Certaines parties saillantes, telles que les gargouilles des chéneaux se prêtent naturellement au modelage en relief; Nous rencontrons dans quelques monuments l'alliance de la décoration peinte et de la décoration en relief : tels sont les chéneaux de Métaponte, dont le bandeau est orné de palmettes rouges et noires sur fond jaune clair, interrompues de place en place par des masques de lion en relief formant gargouilles ". Plus tard les motifs de décoration empruntés à la peinture des vases disparaissent peu à peu. L'Italie méridionale surtout nous a fourni un grand nombre de tuiles faîtières ou antéfixes, poussées dans des moules, et décorées en général de masques de gorgones ou de têtes de femmes. Le musée du Louvre et celui de Capoue en possèdent des collections très riches. Un certain nombre remontent à l'époque archaïque 15. La plupart sont rehaussées de couleurs non cuites, noir, rouge, brun et jaune doré. Les moules de ces antéfixes étaient des articles de commerce. Les dalles de frise en terre cuite nous offrent l'exemple FIG 4134 FIG d'un autre emploi de la plastique en terre dans l'architecture. L'usage de décorer les édifices de frises en terre cuite se développa surtout en Étrurie et à Rome. Parmi les bas-reliefs étrusques, il faut citer ceux qui ornaient les frises et les frontons des temples : ils paraissent avoir été modelés à l'ébauchoir : nous en possédons des exemplaires fort intéressants, entre autres, un bas-relief de style archaïque représentant Minerve donnant à boire à Hercule fatigué 1. Les sarcophages en terre cuite, dont nous avons parlé plus haut, ont aussi généralement leurs parois décorées de bas-reliefs. Tous ces bas-reliefs, ainsi que les grandes statues, sont entièrement peints. Dans les monuments les plus anciens, les couleurs les plus fréquemment employées sont le rouge, le jaune et le noir. Les statues plus récentes, comme celles de Luni, présentent une polychromie plus compliquée : les chairs des hommes sont rouges, celles des femmes blanches ou rosées, les draperies bleues, jaunes, violettes 2. Le moule est la règle pour les dalles de frise romaine. Le musée du Louvre possède un grand nombre de ces plaques recueillies par le marquis Campana, à Rome et dans les environs3. Elles ornaient les murailles des maisons, formant une frise continue à l'intérieur et à l'extérieur. Elles sont décorées de scènes à personnages, mêlées de motifs ornementaux de toute espèce, et portent ordinairement en haut et en bas, une corniche ornée d'oves ou de perles en relief. Ces bas-reliefs étaient peints de couleurs en teinte plate après la cuisson. Souvent on trouve seulement deux couleurs, le bleu pour le fond, le rouge pour les figures ; quelquefois des couleurs variées et même des dorures. La Grèce même n'a pas ignoré les frises en terre cuite, ainsi que le prouvent des monuments comme le basrelief de style archaïque du musée de Palerme, représentant un quadrige, lequel semble une imitation d'une des métopes de Sélinonte, et une plaque du Cabinet des Médailles". Parmi les bas-reliefs de pur style grec, il faudrait encore citer la classe intéressante des plaquettes archaïques : mais elles rentrent plutôt dans la catégorie des figurines, dans l'art des coroplastes. Pendant toute l'antiquité, des milliers d'ouvriers ont été occupés à la fabrication de ces figurines en terre cuite, dont tous les musées possèdent aujourd'hui de riches séries. Pourtant les auteurs anciens font à peine mention de cette industrie si florissante et qui nous a laissé tant d'oeuvres charmantes 6. Ces figurines avaient les destinations les plus diverses : ex-voto à bon marché pour les temples, ornements des chapelles privées dans l'intérieur des maisons, jouets d'enfants, dons faits aux morts. Le plus grand nombre de celles que nous avons conservées a été trouvé dans les tombeaux 6. Le nom de xopoa)a. n1ç ou xopo76110oç, que les auteurs donnent aux modeleurs de statuettes, semble avoir pour étymologie les jouets d'enfants, les poupées articulées (x6 pat) qui forment une branche de leur industrie. Le mot a pris ensuite une extension beaucoup plus grande, ainsi qu'il est arrivé à d'autres noms d'art et de métier, par exemple au mot w'1. poç 7. L'industrie des coroplastes ne comprenait pas seulement des figurines d'argile, mais aussi de cire ou de plâtre 3. Platon mentionne les xopoaAâ6Tat et les x-tIpo77)ci,rTat, mais sans faire entre eux de distinctions. Si aucune statuette de cire ou de plâtre ne nous est parvenue, c'est que la matière en était trop facilement destructible. Le nom générique des figurines sigillator pour désigner le modeleur. Les auteurs emploient souvent aussi les mots i dp'rl ou vûit.cp't,11, termes qui s'accordent bien avec la prédilection constante des coroplastes pour les types féminins. Les motifs traités sont très divers : divinités, personnages appartenant au cycle héroïque, sujets empruntés à la vie privée, imitations d'oeuvres célèbres de la grande sculpture, caricatures, masques, figures d'animaux. Pour la technique, nous avons peu de renseignements fournis par les auteurs. Nous trouvons seulement la mention des moules ('réuot) 12 dont se servaient les coroplastes, et Lucien nous parle de la polychromie des statuettes dont le rouge et le bleu formaient les principaux éléments 13. C'est aux monuments eux-mêmes qu'il faut demander de nous instruire 14. Au point de vue de la fabrication, les figurines de terre cuite se divisent en deux catégories : les objets façonnés à la main et les ouvrages au moule. Pour les uns comme pour les autres, la première opération était le pétrissage de la pâte. De mémo que les potiers, les coroplastes ont donné tous leurs soins à la confection de pâtes argileuses parfaitement homogènes et épurées. Ces pâtes ne sont pas partout les mêmes : elles présentent souvent des différences de coloration et de densité. Mais ces différences proviennent le plus souvent de la durée plus ou moins longue de la cuisson, et de la température plus ou moins élevée du four. La même localité fournit souvent des pâtes d'aspect très différent. M. Martha note cinq pâtes différentes pour la fabrique d'Athènes 15 ; MM. Pottier et Reinach en ont reconnu neuf pour celle de Myrina 16. On ne peut donc pas tirer des observations faites sur l'aspect de la terre un critérium certain pour distinguer les centres de fabrication. D'une manière générale, la terre des figurines grecques est plus poreuse encore que celle des vases : elle se laisse le plus souvent rayer au couteau, et varie du rouge foncé au jaune clair. La première catégorie, celle des figurines modelées à la main en pleine pâte, est de beaucoup la moins importante. Elle comprend seulement des figurines de petite dimension 17, des animaux, des jouets d'enfants, de petites idoles à bon marché, en général les produits les plus communs de l'industrie céramique. Dans ces ébauches souvent informes, et rapidement modelées, FIG 4435 FIG la terre est mal pétrie : comme la figurine est massive, il arrive qu'elle se fendille au feu. Pour les figurines dites en galette, l'ouvrier aplatissait un morceau d'argile et le réduisait en une sorte de galette d'un centimètre au plus d'épaisseur. Il la découpait de manière à former la silhouette de l'objet qu'il voulait représenter : une sorte de croix devenait ainsi un corps de femme vêtue d'une longue tunique, et les bras étendus : une boulette de pâte pincée entre les doigts formait la tête, d'autres boulettes appliquées sur le corps figuraient les seins. Les détails du costume étaient des rondelles en pastillage, des boulettes ou des rubans d'argile ajoutés après coup. Quelquefois la figurine est plus soignée, et il arrive qu'à ce corps en galette on ajoute une tête moulée à part t, La fabrication au moule est de beaucoup la plus usitée. Elle offre l'avantage de donner aux figurines une grande légèreté et en même temps une plus grande solidité, en permettant de faire les parois le plus minces possible, et en évitant ainsi un retrait trop considérable à la cuisson a, Le moule était en terre bien cuite et très dure : la plupart des musées en possèdent des spécimens. Le moulage se faisait par couches successives. L'ouvrier commence par prendre l'empreinte du moule en y poussant une première couche d'argile très mince, qui cède partout à la pression du doigt et pénètre dans tous les creux du moule. Il superpose ensuite d'autres couches jusqu'à ce que la paroi ait l'épaisseur convenable. Ce procédé est visible dans certaines statuettes qui s'écaillent par petites plaques minces : souvent on remarque à l'intérieur l'empreinte des doigts de l'ouvrier3 (fig. 3047) Si l'objet est un masque ou un petit bas-relief, comme les plaquettes archaïques estampées, on n'a qu'à retirer, après l'avoir laissé sécher à l'air, l'épreuve ainsi coulée tout d'une pièce dans le moule. Cette fabrication de la statuette poussée dans un moule sans revers est de règle pour beaucoup de terres cuites archaïques : les terres cuites babyloniennes et les xoana de Tanagra sont ainsi faits. Mais le plus souvent la figurine a un revers. Dans les produits les plus communs, il suffit, pour former le dos de la statuette, de coller au revers un morceau d'argile aplatie, en réservant une cavité intérieure. Mais pour les pièces soignées, le revers est façonné dans un moule comme la face : on ajuste ensuite les deux parties de la statuette quand la terre est encore fraîche, et l'on fait disparaître toute trace de suture avec un peu de barbotine. Dans la période la plus ancienne, les coroplastes grecs se contentaient de ce procédé, of". les deux moules donnent la statuette entière, face et revers, des pieds à la tête. Mais les produits de Tanagra, de Myrina, de Sicile et d'Italie supposent des opérations plus compliquées, et l'emploi de moules différents pour les différentes parties de la figurine. M. Pottier compte quatorze matrices pour un Éros ailé de Myrina 9. Les accessoires et les bases sont également estampés à part dans des moules : certains d'entre eux exigent même une double empreinte, face et revers e. Cet emploi de moules différents pour les différentes parties d'une figure a permis aux coroplastes de varier à peu de frais leurs motifs. Les exemplaires identiques sont extrêmement rares, mais beaucoup ont entre eux une étroite parenté. C'est qu'ils sont sortis des mêmes moules. Il a suffi, en ajustant les pièces du moule, ici d'incliner une tête, là de relever ou d'abaisser un bras, de changer de place un accessoire. Mais les modeleurs grecs ont été plus loin. Ils ont combiné ensemble des portions de moules appartenant à des figures différentes, et ont pu ainsi obtenir avec un outillage restreint, avec une dizaine de types par exemple, tout un inonde de statuettes diversifiées à l'infini 7. M. Martha et M. Pottier citent des exemples curieux en ce genre : un guerrier transformé en Hermès un Dionysos avec les ailes d'Éros et la lyre d'Apollon, une tête de Nikê ajustée sur un corps d'Éros 9. Quand les différentes pièces dont se compose la figurine ont été ajustées et soudées, dans la plupart des cas, il ne reste plus qu'à la porter au four. Mais, pour les pièces soignées, une opération délicate et importante précède la cuisson. C'est le travail de retouche, qui consiste à reprendre l'argile encore fraîche ou rafraîchie au moyen d'un linge humide, et à perfectionner avec l'ébauchoir les détails du modelé. C'est là que l'ouvrier fait véritablement oeuvre d'artiste. Ces retouches sont très visibles i0. Dans certains ateliers, comme ceux de Tanagra et de Myrina, les coroplastes ont montré dans leurs retouches une science consommée et une exquise finesse. Au contraire, l'infériorité des statuettes de Locride ou de Tégée, et de celles d'Italie, a pour cause principale l'absence ou la négligence des retouches. Les figurines d'ex-voto sont en général restées brutes au sortir du moule : au contraire, les terres cuites trouvées dans les tombeaux ont été le plus souvent retouchées t1. FIG -1136FIM La cuisson exigeait beaucoup de soin et d'attention. Si l'évaporation ne se fait pas bien, si la température est trop élevée, la figurine éclate ou s'effrite, les parties rajoutées se détachent. Les accidents de cuisson n'étaient pas rares, si l'on en juge par les fragments de Tarse dans lesquels M. lleuzey a reconnu des rebuts de fabrication détachés pendant la cuisson 1. Pour éviter les accidents on portait les terres cuites au four seulement après qu'elles avaient séché pendant quelque temps à l'air libre, ce qui déterminait un retrait lent et progressif de l'argile : les parois étaient d'ailleurs très minces, afin que ce retrait fdt aussi faible que possible. De plus, une ouverture assez large, de forme ovale, rectangulaire ou triangulaire, qu'on appelle le trou d'évent, était pratiquée au revers de la statuette, afin d'offrir un passage facile à la vapeur d'eau. Le feu du four était maintenu à une température modérée, les figurines n'ayant pas besoin de devenir très dures : on remarque en effet que la plupart des statuettes antiques sont très peu cuites 2. Après leur sortie du four, (les figurines étaient remises aux mains de l'ouvrier chargé de les peindre. Toutes les statuettes antiques ont été peintes. La figurine était d'abord passée dans un bain de lait de chaux qui servait de soutien aux couleurs. Les couleurs les plus souvent employées sont toutes les nuances du rouge, depuis le vermillon jusqu'au rose, le bleu, le jaune, le brun, le noir, le vert. Les différentes teintes du rouge et du bleu sont de beaucoup les plus fréquentes Elles sont appliquées sur toutes les parties de la statuette, à l'exception du revers. Le jaune est le plus souvent réservé pour servir de soutien à la dorure, qu'on rencontre exceptionnellement dans quelques produits de Tanagra et de Myrina, sur les ornements du costume, bandelettes, diadèmes, boucles d'oreille, colliers, bracelets. Dans une seule fabrique, celle de Smyrne, on trouve la dorure appliquée sur le nu : quelques figurines de cette provenance sont entièrement dorées, de manière à imiter les petits bronzes dorés, contrefaçon analogue à celle des vases en terre cuite revêtus d'une mince couche d'argent ou d'or4. Toutes ces couleurs étaient appliquées à froid, ce qui explique leur peu d'adhérence à la terre 6 Nous possédons de très nombreuses figurines de technique romaine et gallo-romaine 6. Les procédés de fabrication restent à peu près les mêmes, le façonnage au moule étant la règle, comme pour les terres cuites grecques Mais le modelé devient de plus en plus lourd et négligé : la science du coloris se perd : le revers est de moins en moins travaillé : le trou d'évent disparaît : les figurines ne sont ouvertes que par la base 7. L'industrie céramique se meurt : il paraît peu probable qu'elle ait persisté au delà du ive siècle de notre ère; en beaucoup d'endroits elle a dei décroître rapidement à partir du u° siècle P. JAMOT.