Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article FIMBRIAE

FIMBRIAE. Les Grecs appelaient 65aavot, xporaoi, xpxaasS«, quelquefois xdeu(r.Got ces mots s'expliquent les uns par les autres, dans les lexiques et les Romains appelaient fimbriae tout ce que nous désignons proprement par le mot franges. 1. L'emploi des franges remonte à la plus haute antiquité, et semble originaire de l'Orient asiatique. La présence en est très rare sur les monuments égyptiens; cependant nous ne pouvons douter que certains vêtements d'Afrique n'aient été bordés de franges 1, et c'est à la Libye qu'Hérodote voudrait rapporter l'origine du costume porté par Minerve et de son égide à franges 2 [AEGls]. Mais en Chaldée cet ornement était d'usage très ordinaire. De très anciens monuments chaldéens reproduisent l'image d'une étoffe recouverte de nombreuses rangées de mèches floconneuses imitant la fourrure des animaux'. Tel fut sans doute le point de départ d'une coutume qui devait rapidement prendre un caractère purement décoratif, mais qui, dans le costume primitif, était destinée à rendre le vêtément plus confortable et plus chaud. Du reste, comme l'a remarqué M. Heuzey t, les tissus de ce genre existent encore aujourd'hui en Orient et en Grèce, et donnent à distance l'illusion d'une peau de mouton. L'antiquité grecque connaissait sous le nom de persis ou kaunakès une étoffe ainsi faite, qui servait d'ailleurs plus souvent à draper des lits et des sièges qu'à confectionner des.habits5. Le musée du Louvre en possède un spécimen recueilli en Égypte 6. La même étoffe se voit sur les sculptures assyriennes, mais plus rarement 7, et elle est en général remplacée par le vêtement simplement bordé d'une longue frange qui n'est plus qu'un ornement. A toutes les pages, pour ainsi dire, des ouvrages relatifs à la Chaldée et à l'Assyrie, à la Phénicie et à Cypre, on voit représentés des personnages dont les robes et les manteaux sont bordés d'épaisses et lourdes franges, assez courtes, de type peu varié du reste, qui gardent de leur origine l'aspect de bandes découpées dans des toisons de laine 8. C'est donc l'industrie orientale qui a inventé les franges. L'industrie grecque les lui a empruntées, comme tant d'autres choses ; mais il ressort assez bien de l'étude des monuments figurés que la faveur de ces ornements, FINI -1137FIlif assez grande à l'époque archaïque, parce que la civilisation était encore toute proche de la civilisation asiatique, îut très restreinte à l'âge classique, sans doute parce que les Grecs montraient alors une certaine répugnance pour les usages barbares. Les franges n'étaient guère conservées, par respect de la tradition, que dans les costumes religieux, surtout dans ceux des personnages du thiase de Dionysos. Avant de confirmer ce principe par des exemples, il faut noter que, dans la pratique, les franges sont de deux genres, ou bien tissées dans l'étoffe même, ou bien rapportées comme une bordure fabriquée à part. Le premier genre est de beaucoup le plus fréquent, car il est produit naturellement par l'opération même du tissage. Dans la trame les extrémités des fils verticaux forment à la base du métier un effilé qu'on peut faire disparaître en le coupant, mais qu'on est souvent tenté de conserver pour en faire un ornement. La frange rapportée est nécessaire quand on veut faire de cet effilé un décor tout à fait riche ; alors il est composé de matières plus précieuses, de fils plus soyeux, teints de couleurs diverses, même de fils d'or et d'argent'; quelquefois aussi il se surcharge de pierres précieuses qui en font un véritable joyau2. II. La plus ancienne représentation de franges que nous connaissions en Grèce provient de Mycènes; les curieux guerriers, bien connus, qui décorent les fragments d'un vase, portent jusqu'à mi-cuisses une tunique qui est bordée d'une frange rare, tout simplement des touffes de fils tombant à intervalles réguliers (fig. 3048) 3. Mais c'est là une application des franges et un type tout particuliers; les franges, dans l'art archaïque, rappelant de bien près les longues franges asiatiques, servent le plus souvent à border les manteaux flottants des hommes, surtout lorsque ces manteaux sont amples et confortables (fig. 3049) 4. Ainsi une statue du Vatican qui reproduit un type archaïque, un Apollon lyriste assis, nous montre le manteau du dieu enrichi de cet ornement et des franges analogues se retrouvent dans maintes peintures de vases, par exemple sur un vase de Naples où est représenté l'enlèvement d'Oreithye par forées, sur un autre où l'on voit une joueuse de flûte avec une courte tunique de dessus ornée d'une frange d'effilés légers'. Dans l'art classique, les peintures de vases qui justifient notre assertion initiale sont très nombreuses; tous les personnages qu'on y voit revêtus d'habits frangés sont ou d'origine orientale, ou attachés au thiase dionysiaque. Ainsi, sur une belle pyxis à figures rouges trouvée au Pirée, où est représenté le Jugement de Pâris, le berger de l'Ida, en costume phrygien, porte une tunique à longues franges : ce sont de longs fils souples et voltigeants assez espacés, terminés chacun par une boule 8. Sur un vase de Naples, publié par Millingen, où est peint, entre autres scènes, un combat de Grecs et d'Amazones, l'une d'elles, qui, debout, ais. puyée d'une main sur sa lance et sonnant de la trompette, semble par la richesse de son costume tenir un grade élevé, porte une tunique courte et bordée d'une belle frange touffue '. La figure 1426 [CHORUS] nous montre un très bel exemple de vêtement à franges. Elle est empruntée à une amphore de Naples sur laquelle on voit, parmi de nombreux personnages, Dionysos et Ariane enlacés. Le dieu, à demi couché sur un trône luxueux, a le torse nu, mais tout le bas de son corps est perdu dans les plis d'un somptueux manteau brodé que borde un effilé long et épaisf0. Dans une peinture de vase béotien, deux Asiatiques groupés autour d'un joueur de lyre, Orphée ou Thamyris, portent une robe orientale bordée d'une frange légère que composent des pendeloques en forme d'olives; le musicien lui-même, qui est aussi vêtu à l'orientale, avec un bonnet phrygien, a le même ornement au bas de sa tunique ". Nous retrouvons même robe et mêmes franges portées par une danseuse12. Dans le même groupe de représentations, rangeons encore Déméter et Coré, qui, sur un vase où est représenté le départ de Triptolème pour sa mission bienfaisante, sont vêtues de longues tuniques talaires dont le bord inférieur est frangé; il y a de plus une bande de franges placée en travers de la poitrine, une autre plus bas, en travers des jambes 13. Enfin, quoique cette oeuvre appartienne à l'époque gréco-romaine, il est bon de noter ici un terme de Bacchus archaïsant recouvert d'une draperie à franges floconneusest4, et l'Ariane endormie du Vatican qui est couchée sur un himation dont le bout est frangéf5. En dehors de ces personnages orientaux ou en relations avec la mythologie orientale, on ne voit guère de franges qu'aux vêtements de quelques dieux et de quelques prêtres. Ainsi, sur un vase, Latone et Artémis portent des robes semblables à celle que nous avons vues tout à l'heure portées par Déméter et Coré"e; ailleurs Héra est drapée dans un ample péplos très riche FIAI 1138 F1M ment décoré que bordent de belles franges t ; les statues d'Hermaphrodite portent assez souvent un grand manteau frangé au bord 5; enfin il est de règle que, sur les monuments relatifs au vote d'Athéna devant l'Aréopage, on voie, en face de la déesse déposant son suffrage, un personnage vêtu d'une longue tunique frangée par le bas, et dans lequel M. Michaëlis reconnaît, avec raison sans doute, un héraut, un serviteur de l'Aréopage 3. Rapprochons de ce personnage religieux le mystagogue qui assiste, dans une peinture de vase bien connue, à l'initiation d'Héraklès aux petits mystères 4. En face de tous ces exemples, on en pourrait à peine citer un qui permette d'affirmer que les Grecs faisaient usage des franges pour orner leurs vêtements dans la vie ordinaire et civile : il s'agit d'une femme représentée sur une stèle funéraire ; encore cette stèle d'assez basse époque vient-elle d'l phèse, et cette exception pourrait servir à confirmer la règle 5. Les Grecs semblent, d'autre part, n'avoir évité les franges que dans l'ornementation des robes et des manteaux, car on en voit fréquemment adaptées à d'autres parties du costume, en particulier aux ceintures-la plus originale et la plus riche que nous connaissions est celle qui, dans une peinture de vase, recouvre l'ample tunique de Dionysos Bassareus 6 (fig. 3050) et aux écharpes à franges. Les exemples de ces dernières sont assez nombreux, depuis celles dont Schliemann a retrouvé des représentations à Mycènes', jusqu'à celle qui tombe devant Athéna sur un vase du musée de Berlin Bien entendu, les extrémités seules de ces écharpes étaient frangées. On trouve aussi les franges attachéesà des vêtements très particuliers, comme le petit tablier à forme de pagne que porte un guerrier 9,ou le caleçon d'un autre guerrier qui, dans une peinture de vase de Crimée,danse une sorte de pyrrhique 10; on peut rapprocher de ces derniers exemples une ceinture ornée de longues mèches floconneuses, donnée, sur un cratère du musée étrusque du Vatican, à une jolie figure de guerrier ", et aussi le vêtement que porte Héraklès furieux sur un cratère à figures rouges. Le type et l'accoutrement du héros sont du reste ici fort singuliers, et nous ne connaissons pas d'autre spécimen de la courte tunique transparente, ornée de perles, que lui a donnée le décorateur 12. En dehors des vêtements d'hommes et de femmes on voit les franges servir à orner, dès l'époque la plus reculée, des meubles et des ustensiles divers, comme des lits de banquetsf3 ou des trônes14, comme une plaque de poitrail de cheval 16, cornme ce parasol (fig. 3031), au bord duquel, suivant une mode qui s'est retrouvée de nos jours, est attaché un effilé long et souple, mais assez clairsemé 16 On connaît ces petits tabliers qui, dans quelques repré tient des boucliers de guerre; ils se terminent au bord par une dentelure dont nous parlerons tout à l'heure !7; nous le mentionnons seulement ici parce qu'on peut en rapprocher l'armure de Zeus ou d'Athéna, d'où suivant Homère, « pendaient cent franges d'or i8 ». Il ne faut pas entendre par ces franges, 9é'zvot (Hérodote a bien soin de faire la distinctionl1), les serpents qui bordent l'égide dans presque toutes les représentations, mais une véritable frange, telle que nous la montre la figure 141 du tome lei 20; dans la même catégorie rentrent les franges qui terminent souvent, dans l'armure grecque, la tunique plissée qui sort, depuis la taille, de la cuirasse 21. Enfin il est un objet symbolique que l'on voit presque toujours chez les Grecs terminé à ses deux extrémités par des franges plus ou moins longues et épaisses ; nous voulons parler de la bandelette [TAENIA] dont l'emploi religieux ou civil était si fréquent, surtout comme signe de victoire ou signe de deuil, pour décorer les athlètes triomphants, pour parer les lits funèbres ou les stèles des tombeaux ". Parmi toutes les franges que nous venons de signaler, il est assez difficile de distinguer celles qui étaient tissées à part et rapportées de celles qui étaient produites naturellement par le tissage, et qui devaient être de règle plus générale. Ces dernières conviennent tout particulièrement aux pièces d'étoffes destinées à servir de tapis ou de couvertures. Nous citerons celles qui bordent le tapis tendu comme un dais au-dessus du mort dans le cortège funèbre peint sur un vase bien connu d'Athènes23, et celle d'une draperie plus riche, peinte à une époque plus récente, sur une kélébé du Louvre; cette couverture est placée sur un lit de festin où repose Héraklès chez Eurytos 24. Un fragment d'étoffe, sans doute un drap funèbre, recouvrant un sarcophage, a été retrouvé, encore orné de sa frange, dans un tombeau de Crimée. L'âge de ce curieux débris est incertain, mais il est assurément bien antérieur à l'ère chrétienne, et il nous renseigne et encore n'est-il FIM 1139 --FIM très clairement sur les procédés de tissage en général, et particulièrement sur les franges qui nous occupent'. III. Si de Grèce nous passons en Italie et nous occupons d'abord des Étrusques, nous ne trôuvons pas que ce peuple ait fait un usage bien fréquent des franges, du moins dans le costume; on ne pourrait guère citer que des figurines de plomb trouvées à Amelia; ce sont des guerriers avec de courtes tuniques à franges; pas bien certain que ces images archaïques appartiennent à 1'Étrurie 2. En revanche les accessoires ornés de franges sont plus nombreux; nous avons remarqué les coussins d'un lit funéraire où repose une femme (fig. 3052)3, etles étendards samnites bordés de petits effilés en forme de houppes espacées qui sont figurés sur des peintures de Paestum °; on connaît aussi une image de la Campanie personnifiée qui porte un étendard du même genre 6. Les Romains, qui n'avaient pas les mêmes raisons que les Grecs de l'âge classique pour repousser les usages orientaux, et qui prenaient de toutes mains, ont adopté les franges avec assez d'empressement. Si l'emploi en est encore rare àl'époque de la République, il est très fréquent à l'époque impériale, mais il semble néanmoins réservé, en ce qui concerne le costume, à quelques personnages bien déterminés. Suétone cite commeun détail assez singulier que César portât une toge dontles manches étaient frangées sur les mains, mais la lecture de ce texte n'est pas certaine 6. Parmi les monuments figurés, nous ne voyons guère à noter que le manteau velu, à capuchon du petit pêcheur dormant de Naples et, dans une peinture de Pompéi, le manteau de Briséis $. Mais les franges sont caractéris IV. tiques de plus d'une divinité, comme Isis (fig. 3053)9 ou Hermaphrodite ",ou la Pudicité ", et de personnages que l'on représentait sous la figure d'une de ces divinités ; telle une femme romaine dans l'attitude de l'Hermaphrodite, retroussant sa draperie jusqu'en haut de ses jambes et enveloppée dans un manteau à longues franges 15, telle Julia Domna 13, et d'autres impératrices ou matrones 'b Par une conséquence assez naturelle, certains prêtres16, surtout des sacrificateurs 16, bordent aussi leurs vêtements de franges. Toutes ces franges sont à peu près semblables, courtes et touffues, posées au bord inférieur des robes ou des grands manteaux dont s'enveloppent les personnages. Les franges semblent donc un signe de dignité religieuse ou d'autorité, et il n'est pas étonnant qu'un grand nombre de bustes d'empereurs montrent le haut du torse couvert d'une draperie frangée tantôt avec des effilés floconneux, tantôt avec des brins roulés en torsades17. Il est, en outre, deux catégories de personnages dont les franges sont pour ainsi dire un attribut distinctif: d'abord des prisonniers Gaulois, Daces ou Germains que des statues, conservées en assez grand nombre, nous montrent enveloppés d'un manteau d'où pendent des franges longues et épaisses comme des toisons i8, et en second lieu des acteurs comiques. Pour les prisonniers, les franges ne font que reproduire un ornement de leur costume national; pou;' les acteurs, il faut sans doute retrouver dans ce détail un souvenir de leur origine dionysiaque. De nombreuses représentations nous font voir des histrions revêtus d'unpallium à franges i9 ; l'un des plus intéressants est l'acteur du relief Farnèse, dans son manteau bordé de grosses torsades (fig. 3054)2°, et l'on voit, sur une fresque de Pompéi, un pallium orné de franges en fils très longs et très espacés, comme on en a signalé sur des monu ments de l'époque archaïque 21. Il n'est pas étonnant que la Muse Thalie soit, elle aussi, sur une peinture d'Herculanum, représentée avec un vêtement à franges". En dehors de ces vêtements, on voit des franges, sous forme d'effilés très touffus ou de torsades, employées, suivant un usage emprunté à la Grèce, pour terminer la tunique que les empereurs et d'autres personnages portaient sous la cuirasse, et dont un beau spécimen est fourni 144 FIM -1140 FIN par la statue célèbre d'Auguste, au Vatican ' [LORICA]. Enfin, nombre de meubles et d'accessoires, chez les Romains comme chez les Grecs, recevaient une décoration de franges. Les housses et caparaçons des chevaux nous en fournissent d'assez nombreux exemples 2, et l'on trouve des franges, entre -1 i autres monuments, ornant ~h 1Zi' la serviette que porte un ,Pr e\ camillus 3, ornant des ri deaux dans une scène de I(tf i mariage4, ornant la chaise curule de l'empereurs, ainsi qu'un étendard (fig. 3033), et plus tard le Labarum Dans une miniature du Virgile du Vatican on voit un lit avec des franges 7. Du reste l'usage de cet ornement persista très tard, jusque sous le Bas-Empire, puisque l'art byzantin l'a recueilli; dans une Annonciation, la Vierge porte un vêtement à franges', et M. Heuzey fait remarquer qu'au moyen âge un certain vêtement ecclésiastique recevait encore le nom de (loquets. IV. Nous avons plus haut signalé un genre de bordures qu'il convient de rattacher aux franges, bien qu'elles en soient très distinctes et forment une catégorie à part. Nous voulons parler des découpures en forme de dents ou de languettes qui se voient sur des monuments figurés dont quelques-uns remontent à une très haute antiquité. Outre les tabliers de boucliers, dont on peut voir des spécimens à l'article CLIPEUS, on en trouve de nombreux exemples dans les figures déjà publiées dans le Dictionnaire. Ces découpures ornent tantôt des housses, des caparaçons de chevaux 10, tantôt le revers des embades 11, tantôt des manteaux, tel que celui d'un maître menuisier (fig. 734), ou le pallium d'un acteur comique (fig. 722). I1 arrive parfois, aux caparaçons des chevaux en particu lier, que les effilés ou les houppes sont employés de concurrence avec les dents u ; la figure 3056, assez curieuse à ce titre 13, nous présente une housse dont le bord est découpé en créneaux, et à chaque saillie est appendue une houppette. C'est probablement à ces ornements qu'Hésychius fait allusion en disant, au mot Ire rrsxTavri : ivh5p.RTa ofov 7Tptdvwv ôIovtrty ÉN.psp.71, c'est-à-dire : étoffes en dents de peigne ou en dents de scie 14. La bordure qui pare si fréquemment les tuniques collantes des soldats romains 15, et qu'on serait tenté de faire rentrer dans cette série, nous semble plutôt appartenir au genre des festons, à cause de la forme très arrondie et de la régularité des languettes. P. PARIS. ment de limites. Regere fines signifiait déterminer les limites 1 de deux fonds de terre (praedia rustica) 2. Cette action tire son origine de la loi des Douze-Tables, qui ordonnait de confier à trois arbitres le jugement de toute contestation sur les fines'. On entendait par finis l'espace de cinq à six pieds qui devait être laissé libre entre deux fonds contigus, en le prenant par moitié sur chacun d'eux, et que cette loi ne permettait pas d'acquérir par usucapion [usucAPlo]. Cette dernière règle fut d'ailleurs confirmée par une loi Mamilia 4, dont la date est incertaines. Les arbitres, qui devaient être sans doute des AGRIMENSORES, statuaient, d'après les règles de leur art, sur les controverses (jurgia) concernant le finis 6, après visite des lieux (ire in locum, ire de controversiis) 7. La loi Mamilia réduisit le nombre des arbitres à un seul, qui devait consulter les bornes, les livres du cens [anus], les titres (auctoritas, instrumenta) ', en un mot, ce qu'on appelait observabilia, sans statuer sur les questions de propriété, de loto, et d'usucapion On procédait donc à une visite, ou descente de lieux, en présence des parties qui étaient appelées à demonstrare fines 70. Un compromis des intéressés avait dû précéder la nomination de l'arbitre 11. Suivant Rudorff, il est probable que la loi Mamilia aurait substitué à la legis actio per judicis arbitrive postulationem, une procédure formulaire ; Rein pense qu'elle remplaça l'ancien arbitrium finium regundorum des Douze-Tables par une action ou judicium finium regundorumi2. Quand le débat sur les limites impliquait une question de propriété étrangère au finis quinque pedum, c'était une controverse dite de loto f3 : il fallait certainement recourir à un judex ordinaire, et l'agrimensor ne pouvait plus que donner des avis comme expert sur les questions techniques; le juge était tenu d'observer les règles de droit sur la propriété et l'usucapion 14, sans préjudice toutefois de la faculté pour les parties de choisir encore ici un arbitre par compromis S5. Le principe de cette différence fut main FIN 111 FIS tenu, avec quelques modifications, par le droit impérial. Ainsi Constantin conserva le caractère sommaire de la controversia de fine, en confiant la décision à l'agrimensor, tandis que le juge ordinaire dut trancher le litige (lis de loco 1), avec le concours seulement d'experts. Cependant certains empereurs tentèrent ensuite d'étendre la procédure sommaire et la compétence exclusive des agrimensores aux controverses de loto. C'est ce que firent Valentinien II, Théodose et Arcadius en 385 2; mais l'ancienne distinction fut rétablie peu de temps après, en 392 3. Néanmoins, le système de Valentinien paraît s'être maintenu dans l'empire d'Occident, ainsi que l'atteste Cassiodore 4. Plus tard, Justinien revint, dans son Code, à la législation simple de la loi des Douze-Tables, en réunissant les controverses de loco et de fine, pour attribuer seulement l'expertise aux mensores, et au juge la décision dans tous les cas. Cela résulte, suivant Rudorff 5 et Rein de l'ensemble des constitutions que cet empereur inséra, en les interpolant, dans son Code 7. Il va sans dire que les fragments des écrits des jurisconsultes classiques, admis au Digeste, ont dit subir des remaniements nécessaires pour les faire concorder avec le système adopté par Tribonien et par Justinien. Mais le fond doit s'en rapporter à l'époque où l'action finium regundorum avait été déjà réglementée par la loi Mamilia, en conservant la distinction entre les procès sur la propriété, et ceux relatifs au seul finis 8. Quoi qu'il en soit, dans l'état actuel des textes, l'action finium regundorum paraît pouvoir embrasser un triple objet : 1° le rétablissement des limites ou bornes déplacées ou arrachées 9 ; 2° le bornage, quand les limites sont confuses ou n'ont pas été déterminées par des signes apparents, ou ne sont pas commodément établies'0 ; 3° la délimitation, alors qu'il y a controverse sur l'étendue respective des deux immeubles contigus 11 (controversia de loco). Cela semble correspondre aux trois actions du droit français, savoir pour déplacement de bornes, en bornage, et action pétitoire, en délimitation. L'action finium regundorum était une action civile, in personam12, et arbitraire, en ce sens que l'office du juge lui permettait, après avoir résolu par une sentence interlocutoire (pronuntiatio) la question de l'intentio contre le défendeur, de lui prescrire par son arbitrium une certaine satisfaction, moyennant laquelle il éviterait la condamnation aux dommages-intérêts et serait, au contraire, absous. Cette restitution consistait, suivant les cas : 1° soit à abattre un arbre ou une construction empiétant sur la limite 13, soit à rétablir Ies bornes, ou les pieds corniers (arbores finales) ; 2° soit à subir le mesurage 14 et à poser des bornes; 3° soit à restituer le terrain usurpé 15. Quelquefois cependant, cette action tenait lieu de la revendication (pro vindicatione rei est 16), lorsque le procès présupposait une controverse de loco, à résoudre avant le placement des bornes, ou la restitution du terrain prétendu usurpé. En outre, l'action était une de celles qu'on appelle actiones duplices ou judicia duplicia, puisque la confusion des limites pouvait donner lieu à des obligations réciproques, et à la condamnation, à cette occasion, de l'une ou l'autre des parties ; cette action était dite aussi mixta, parce que chacune d'elles pouvait y jouer ainsi le rôle de défendeur''. En outre, cette action paraissait avoir mixtam causam 18, un double but, en ce sens que le juge y était autorisé par la formule à prononcer des condamnations, et, par l'adjudicatio, à transférer, en certains cas, la propriété de l'une à l'autre ; ainsi, quand pour remédier à la confusion des limites, ily avait nécessité d'établir une ligne plus régulière f9, sauf à obliger l'un des voisins, par une condamnation, à payer à son voisin une soulte pour le terrain enlevé à ce dernier 20. Remarquons que le déplacement frauduleux des bornes était un délit [TERMINUS MOTUS], donnant lieu à une action criminelle et à des peines publiques 21. G. HUMBERT. FISCELLA, FISCINA. Il est difficile d'établir d'après les textes et les monuments figurés une distinction très précise entre les différents mots qui servaient, chez les Romains, à désigner les corbeilles et les pa cella, fscellus 1, fascina. Tous ces ustensiles, dont la forme n'est pas indiquée par les auteurs, pouvaient être fabriqués en osier, en jonc, en paille tressée, en toute sorte de tiges flexibles, et servir à des usages identiques. Nous sommes seulement en droit d'affirmer que les fiscellae ou fascinae étaient tressées en osier, la matière par excellence de tous les objets de vannerie, en jonc2, ou en tiges souples, comme celles de la guimauve3; qu'elles servaient à recueillir les fruits', les grains5, les feuilles destinées à la pàture des animaux de la ferme 5, et principalement la vendange ; pour ce dernier usage, FIS 1142 FIS Columelle nous apprend qu'on les enduisait de poix 1. Ce sont là, comme on voit, des usages surtout rustiques; cela tient sans doute à ce que ces ustensiles pouvaient être facilement fabriqués par les paysans eux-mêmes, avec les vimes, les joncs, les plantes souples qu'ils recueillaient sur leur domaine, aux heures mortes de la pluie ou de la veillée, ou par les pâtres peu absorbés du soin de leurs troupeaux. Ces détails nous expliquent encore que le nom se soit transporté des paniers proprement dits à quelques objets rustiques faits de tiges tressées, les clayons, les éclisses ou les corbeilles destinées à égoutter ou conserver le fromage 2 [CASEUS], les muselières à boeufs ou à chevaux [CAPISTRUM], et les appareils qui servaient, comme le rapporte Varron, à protéger les brebis contre les ardeurs intempestives des mâles 3. P. PARIS.