Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article FISTUCA

FISTUCA. Instrument en forme de pilon qui servait à fouler et aplanir le sol' et à le paver2 [PAVIotENTUM] ou à mettre des pierres de niveau [STRUCTURA]. On trouve employés comme synonymes les mots pilum 3 baculus 4, virga 5, rectis e, et l'on peut en induire que cet instrument ne différait pas d'un lourd bâton. Nulle part on ne voit qu'il fût muni d'anses comme la « demoiselle » de nos paveurs. C'est un bâton de ce genre que l'on voit (fig. 3059), sur la colonne Trajane 7, dans les mains d'un soldat occupé à la construction d'un mur. Le même nom fistuca est donné par César 8 à un pilon ou mouton, mû peut-être au moyen d'un mécanisme, avec lequel on enfonçait des pilotis. E. SAGLIO. FISTUCA. I. Tube, tuyau. Il importe dès d'abord de distinguer nettement les fistulae, conduits fermés, des canalisations de toutes natures, gouttières, rigoles, chéneaux, etc., à ciel ouvert, aussi bien que des galeries souterraines taillées à même le sol sous forme de véritables tunnels de dimensions plus ou moins considérables, ou encore des conduites maçonnées telles que les specus des aqueducs', tous travaux rentrant au contraire sous la dénomination générale de CUNICULUS (voy. t. 1, p. 1589). Leur principal emploi chez les anciens était la distribution des eaux 2 ; mais, réduits même à ce seul usage, il ne saurait entrer dans le plan de cet article de suivre les différentes applications qu'en ont pu faire des peuples aussi habiles et bons ménagers de l'eau que l'étaient à un égal degré Grecs, Étrusques et Romains. Il suffira de dire que, quoique moins fréquemment employés dans la construction des aqueducs que les conduites de maçonnerie ou de briques, par suite des dimensions considérables qu'avaient le plus souvent les specus, ils n'y sont point pourtant inconnus là où des circonstances particulières contraignaient, tout en réduisant le volume d'eau, à porter à son maximum la résistance à la force d'impulsion, lorsque par exemple l'aqueduc, traversant une vallée, devait faire l'office d'un siphon renversé : la présence de tuyaux en plomb a été reconnue en particulier dans un aqueduc de Lyon 3 (voy. AQUAEDUCTUS, p. 341). Les fouilles d'une ville étrusque à Marzabotto, près de Bologne, ont fourni un exemple non moins intéressant de l'emploi de tuyaux, ici en poterie, destinés à la descente des eaux des gouttières d'une maison et témoignant du soin apporté à cette partie de la construction dès une époque qui n'est pas postérieure au v° siècle avant notre ère4 : la conduite qui traverse un mur se compose de deux tuyaux emboîtés, l'un horizontal, sortant au dehors et dont l'orifice à section elliptique débouche sur le trottoir de la rue, l'autre formant un coude et s'élevant ensuite verticalement à l'intérieur de l'édifice (fig. 3060) 5. La matière des tuyaux variait, on le voit, suivant les circonstances et il est difficile de s'expliquer comment Borghesi6 a pu nier l'existence en Italie de tuyaux d'eau en terre cuite. M. Lanciani en rapporte un certain nombre d'exemples remarquables, provenant des environs de Rome et des différentes régions italiennes7. Hors de l'Italie, on a déjà mentionné (t. II, p. 1260), à Athènes, des conduits en terre cuite formés de deux parties rattachées par des agrafes de plomb, et d'autres (fig. 3061) 8, d'une fabrication élégante et soignée, découverts en Troade. Vitruve 9 et Pline 10 d'ailleurs en recommandent l'emploi, comme particulièrement utiles pour l'adduction des eaux de sources, en leur donnant l'épaisseur de deux doigts et en les faisant s'emboîter l'un dans l'autre. Ils sont, ajoute Vitruve", à la fois plus économiques, d'une restauration plus aisée et à la portée du premier venu, et plus salubres. Cependant l'emploi des tuyaux de terre cuite semble, M. Lanciani le remarque 12, avoir été adopté plutôt pour les eaux d'irrigation que pour les eaux potables. Les conduits destinés aux eaux se faisaient encore en bois et même en pierre. Le pin, le picéa, les aulnes, dit Pline 13, se creusent en tuyaux pour la conduite des eaux ; recouverts de terre, ils durent des années; non enterrés, au contraire, ils vieillissent rapidement. En pierre sont l'aqueduc de Patara en Asie Mineure 1', dont les blocs de calcaire formant le specus, percés d'une ouverture circulaire et placés bout à bout, constituent ainsi une sorte de tuyau (voy. t. I, p. 340), et surtout une conduite des environs d'Arezzo, formée de tubes de pierre dure encastrés l'un dans l'autre, longs de 1m,20, d'un diamètre intérieur de Om,35, avec parois épaisses de 0m,18 f5. La pierre s'employait encore à former des anneaux destinés à renforcer les joints des siphons de terre cuite "Al est à noter toutefois que tous ces tuyaux, FIS 1117 --FIS aussi bien de terre cuite que de bois et de pierre, sont compris plutôt sous la dénomination de tubuli que sous celle de fistulae, réservée aux tuyaux de métal, et plus particulièrement de plomb, les tuyaux de bronze n'ayant jamais été employés qu'à l'état d'exception et pour supporter de très hautes pressions, tels que les fistulae soledae mentionnées dans une inscription d'Alatri 1. La distinction est nettement indiquée dans les textes suivants de Vitruve : « La conduite des eaux se fait de trois manières, par des canalisations en maçonnerie, ou par des tubes de plomb (fistulis plumbeis), ou par des tuyaux de poterie (tubulis fictilibus)2 »; et encore : « L'eau est beaucoup plus saine venant de tubuli que transmise par des fistulae; la raison en est que le plomb la vicie pour ce motif, semble-t-il, qu'il donne naissance à de la céruse»). Les tuyaux de plomb, de beaucoup d'ailleurs les plus fréquents, nous occuperont donc seuls dans ce qui suit. Le métal en était tiré pour la plus grande partie des Iles-Britanniques' [PLUMBUM] et remis aux plumbarii, [l.o),eaoupyol, uoaeoupyoi, formant à Rome une corporation nombreuse, chargés de fondre les tuyaux. La longueur en devait être de dix pieds 5, longueur à laquelle correspondent presque exactement, d'une soudure à l'autre, les tuyaux de la maison de Livie au Palatin (2°',$5)6. Le poids des différentes coupures n'était pas moins déterminé que leur longueur et nous est indiqué par Vitruve7, variant de 60 livres, pour la fistula quinaria, à 960 pour la fistula centenaria. Le procédé employé consistait à fondre le métal, sur des plaques de marbre, en lames dont, sauf peut-être pour les tuyaux des plus petits calibres dont plusieurs pouvaient être découpés dans la même lime 8, la largeur était déterminée par la dimension du tuyau à obtenir : les tuyaux, en effet, disent à la fois Vitruve' et Pline 10, prennent leur nom de la largeur en doigts qu'avaient les plaques avant d'être courbées et arrondies. L'on se servait pour cette dernière opération d'une âme de bois : à la différence toutefois de nos tuyaux, les tuyaux antiques ne sont pas d'ordinaire parfaitement cylindriques, mais légèrement ovoïdaux, non sans doute à dessein, mais par suite des exigences de la soudure rendue plus aisée par la superposition des deux bords ou leur repliement vertical, formant une sorte de gouttière où se pouvaient couler le plomb fondu et les alliages destinés à assurer le joint (fig. 3062) il Il est à noter d'ail leurs que la partie pointue ainsi obtenue était presque toujours placée sur le dessus, ainsi que le confirmerait d'ailleurs la seule disposition des inscriptions, sans doute parce qu'étant le point le plus faible on cherchait autant que possible à le soustraire au contact du liquide 12. Il va de soi que le calibrage des tuyaux n'était pas aissé à l'arbitraire, mais résultait des traditions et de IV. prescriptions administratives 13. L'empereur, en effet lorsqu'il accordait à un particulier une prise d'eau, la réglait d'après le calibre du conduit concédé". « Les modèles des tuyaux se fabriquent, dit Isidore de Séville, d'après la capacité et la quantité d'eau qu'ils doivent fournir et répartissent l'eau en un certain nombre de mesures fixées, telles que l'once, la quinaire, le doigt carré, le doigt rond et les autres mesures f5. » Le mode de calcul en effet varia avec les époques. L'ancienne computation se faisait en prenant pour unité le doigt ou l'once, l'un équivalant au 1/16, l'autre au 1 /12 du pied. Le tuyau du calibre d'une once avait 1 doigt 1/3'de diamètre 16. Le doigt lui-même était évalué de deux manières différentes, le doigt carré et le doigt rond : le doigt carré supérieur au doigt rond de 3/14, le doigt rond inférieur au doigt carré, par suite de l'abattement des angles, de 3/11 de leurs parties respectives 37 ; il en résulte que, tandis que le tuyau d'un doigt rond avait un doigt de diamètre 18, le diamètre du tuyau d'un doigt carré, réduit en doigts ronds, atteignait un doigt et un sixième et demi 10. L'époque impériale, au moins à Rome, les provinces en effet, une grande partie de l'Italie, et notamment la Campanie, semblent être restées fidèles aux anciens étalons 20, adopta une troisième unité différente des deux premières, la quinaire, dont Frontin s'occupe longuement 21, ainsi appelée sans doute, quoique les opinions variassent, de ce que le diamètre du tuyau de cette unité de capacité était de 5/4 de doigt". L'échelle des fistulae se régla alors sur cette unité nouvelle 23, le diamètre augmentant d'un quadrans ou quart de doigt d'une fistula à la fistula immédiatement supérieure, et les noms des différents calibres se tirant du nombre de quadrantes de leur diamètre, sénaire, septénaire, octonaire, dénaire, duodénaire, quinum denum, jusqu'à la vicénaire 2i, à partir de laquelle la raison de la progression devient différente : les fistulae augmentent alors en proportion de leurs superficies et s'appellent vicenum quinum, tricénaire, quadragénaire, etc., centénaire, centenum vicenum, d'après le nombre de leurs centimètres carrès28. La pratique d'ailleurs s'éloignait quelque peu de la théorie et Frontin remarque que, malgré la logique qui eût voulu le maintien de la régularité", les aquarii avaient modifié à leur profit et en commettant une véritable fraude 27 la capacité de quatre des calibres de fistulae,la duodénaire légèrement augmentée, la vicénaire ramenée d'un peu plus de seize à treize quinaires, la centénaire et le centenum vicenum au contraire singulièrement exagérés, la première de plus de dix quinaires déjà, le second de plus de soixante-six et égalé à ce qu'aurait dû être la double centénaire28. Les concessions, avons-nous dit, étaient faites aux divers impétrants d'après un calibre de tuyau déterminé et les exemples en fait de tuyaux communs à plusieurs possesseurs sont assez rares 20. Il avait fallu néanmoins tenir compte des nécessités matérielles qui imposaient de veiller au non gaspillage de l'eau, et, lorsque plusieurs quinaires avaient été obtenues, pour éviter le 1115 FIS 1148 FIS percement trop fréquent de la conduite elles pouvaient être réunies dans un même conduit aboutissant à un castellum, d'où chacun recevait, dans les conditions de meilleure régularité, la part à lui afférente 2. L'usage d'autres castella était différent. La jointure des différents tuyaux de plomb, en effet, ne se faisait pas autrement que pour les conduits de terre cuite, par emboîtement du tube supérieur dans le tube inférieur, légèrement évidé en entonnoir à son extrémité. Il en résultait que, lorsque les canalisations étaient assez longues, avec peu de pente, des fuites fréquentes pouvaient être à redouter. Las castella servaient alors, au cas où quelque point du parcours était endommagé, à en reconnaître plus facilement la position exacte, sans éventrer à l'aveugle toute la conduite 3 ; mais de tels regards, Vitruve le recommande 4, ne devaient se trouver ni dans une pente, ni dans une partie faisant ventre, ni dans une dépression, non en un mot dans une vallée, mais dans une partie de niveau continu. La fabrication des fistulae se compliquait encore de l'habitude où l'on était, surtout du règne de Tibère à celui d'Alexandre Sévère, habitude dont la fréquence atteint son maximum à la fin du ter siècle de notre ère d'y faire figurer une légende. La gravure en creux aurait eu le défaut d'affaiblir la paroi et deux tubes seuls6, parmi les trois cents et plus de la silloge aquaria recueillie par M. Lanciani, en offrent des exemples : encore remarque-t-il que la partie recevant l'inscription avait été dans ces cas renforcée 7. Il fallait donc réserver les caractères en relief et pour cela les couler en fondant le tuyau luimême. Les plumbarii employaient vraisemblablement à cet effet des plaques de marbre creusées de manière à recevoir une boîte à lettres, que l'on pouvait changer pour chaque conduit commandé au fabricant. M. Lanciani en trouve la preuve dans ce fait que, de tous les tubes examinés par lui, il n'en est pas où se trouve une seule lettre dépassant les autres : lorsqu'au contraire une lettre ou un chiffre doivent être surmontés d'un trait, comme CAESiVSER ou AVRELC1ES ET ET COMMiiCOS, 11S sont toujours rapetissés de manière à laisser place au traita. Il semble même que les caractères servant à la légende aient été mobiles, se rapprochant ainsi singulièrement de véritables caractères d'imprimerie, si l'on en juge par la fréquence des lettres retournées ou interverties, dont il serait trop long de rapporter ici les exemples 9. Il suffira également d'indiquer en peu de mots les éléments, invariables ou facultatifs, dont se compose la légende, nécessairement astreinte à une grande brièveté. Le premier est naturellement le nom du possesseur au génitif, non sans doute que la mention en fût obligatoire et imposée dans la concession même faite par l'empereur; mais l'impossibilité en son absence de se reconnaître, en cas de réparations, entre les innombrables conduites qui devaient sillonner le soussol de Rome en faisait une nécessité pratique 10. Telle est l'inscription des tuyaux de la maison de Livie au Palatin, IVLIIE. AVG 11, dont la présence, en faisant connaître le nom de la propriétaire, a renversé la conjecture primi qui aboutit à un sens légèrement différent. 2 Voir sur ces réservoirs et leur utilité pour la régularisation du débit des différents calibres, Lanciani, p. 409. 3 Vitr. Ibid. p. 209.6 Loc. cit. 5 Voir la courbe dressée par Lanciani, p. 412, 6 Sil tivement émise qu'on se trouvait en présence de la maison paternelle de Tibère i2 ; telle encore celle d'un fragment conservé au Louvre, MOPELLISEVERIDIADVMENIANI cAESPRINCIV, M. Opelli Severi Diadumeniani Caes(aris) princ(ipis) ju[v(entutis)] (fig. 3063), trouvé derrière les thermes de Dioclétien avec d'autres fragments, dont l'un également appartenant au Louvre, portant les mots CASTRISPRAETORIS et témoignant qu'ils proviennent d'une canalisation destinée par la libéralité du jeune prince à approvisionner le camp des prétoriens13. La mention du propriétaire, lorsqu'il s'agit d'une conduite impériale, est souvent suivie des mots SVBCVRA OU CVRAGEN(te) précédant le nom d'un procurateur, chargé par l'empereur de la direction du travails'. Une mention fréquente également est celle du fabricant, suivie du mot FEC(it) ou FAC(it) ou précédé d'Ex oFFICINA 16 ; tel est l'exemple donné par M. Lanciani du tube portant la légende Q. MVNATICELSII3FORMIANVS FEC 16, L'on ne rencontrerait au contraire jamais sur les tubes authentiques, d'après le même auteur 17, la mention de la nature de l'eau canalisée et la seule inscription qu'il n'ose absolument rejeter AQVA PINCIANA I DN FLVALENTINIA I NI AVG 18 ne s'explique selon lui 19 que par la substitution à une basse époque, à titre topographique, des mots Aqua Pinciana aux mots Hortorum Sallustianorum, jardins de Salluste, situés comme on sait, sur une partie du Pincio et souvent mentionnés sur des fistulae parvenues jusqu'à nous 20. Les dates consulaires ne se trouvent jamais non plus sur les conduites privées, qui, concédées à titre purement personnel, passaient par trop de vicissitudes pour qu'il y eût intérêt à fixer l'époque de leur octroi. Sur les conduites mêmes alimentant des établissements publics, une sévère revision en a singulièrement réduit le nombre 21 et leur présence, à un exemple près, n'est sûrement attestée que sur des tuyaux desservant les castra praetoria, où elles perpétuaient le souvenir d'une munificence impériale. Il faut noter encore que les inscriptions se terminent fréquemment par une indication numérale, mais le sens jusqu'ici n'en a été qu'imparfaitement établi : des exemplaires pesés montrent qu'il ne peut s'agir du poids, les nombres ne s'accordant ni avec les poids indiqués par Vitruve, ni avec les poids réels. L'hypothèse qu'ils exprimeraient des longueurs linéaires semble parfois admissible : tel serait le cas de deux tuyaux trouvés dans les environs d'Urbino portant les indications CCCXCV et CCCCX, soit qu'ils provinssent de canalisations longues de 395 et 410 pieds ou pas, soit qu'appartenant à la même ils fussent distants l'un de 395 pieds ou pas, l'autre de 410, de l'origine ou du terme de la conduite "La même explication toutefois ne saurait le plus souvent être admise, et, ne pouvant entrer ici dans de longues Bec. archéol. 1870, I, p. 328. M. Lanciani, à la différence de M. Renier, croit que l'inscription se rapporte à Julie, fille de Titus. 13 Silloge, n°• 117 et FIS 1149 FLA discussions, nous devons nous en tenir à la conclusion de M. Lanciani, qui, après avoir remarqué que des vingt-cinq calibres officiels, trois seulement, la quinaire, la dénaire et le quinum denum, débitaient un nombre entier, 1, 4 et 9 unités, et que par suite les chiffres III, XlII, XIV, XXII, XXXXIIII, figurant sur divers exemplaires, ne conviennent à aucun des moduli indiqués par Frontin, se résout, en attendant une interprétation plus certaine, à reconnaître dans ces indications des indications de capa cité 1. La pose enfin des conduites en plomb distribuant les eaux non seulement ne pouvait traverser un terrain que du consentement du propriétaire, mais devait, de par la loi, en règle générale, se faire sous les routes et chemins du domaine public, ainsi que nous l'apprend une inscription de Venouse : Ne... fistulae aut rivos nisi sub terra, quae terra itineris viae publicae limitisve erit, ponantur conlocentur neve ea aqua per locum privatum invito eo cujus is locus erit ducatur a. Il semblerait par suite que, pour éviter la perpétuelle destruction des chaussées, on jugera du nombre approximatif des conduites si l'on songe qu'à l'époque de Frontin il n'y avait pas moins de 3847 quinaires dans la ville de Rome, 2345 dans la banlieue, distribuées à des particuliers et de 3425 1/2 absorbées par les services publics relevant de la maison impériale 3, les rues, au moins les principales, à Rome notamment, dussent avoir été munies de galeries souterraines remplissant à l'égard des tuyaux le rôle que jouent actuellement nos égouts. M. Lanciani néanmoins avoue que dans sa longue expérience des fouilles romaines il a rencontré bien peu de substructions de ce genre et les quelques exemples qu'il rapporte sont loin d'être concluants". Il est bon toutefois de remarquer, et c'est là aussi une entre autres des raisons qui expliquent la faible proportion étant donné leur nombre immense, des conduits de plomb parvenus jusqu'à nous, que le plus souvent les fouilles, tant publiques que privées, s'arrêtent au niveau du pavement des édifices et du sol antique des rues, et qu'il y aurait peut-être par suite quelque péril à généraliser une expérience, qui, à le bien prendre, est encore aujourd'hui très imparfaite, des dispositions précises qu'affectaient les canalisations souterraines de la ville antique. Flûte, et particulièrement la flûte champêtre dite Roseau taillé pour écrire [CALAMUS]. Catheter, sonde pour la vessie [CHIRURGIA, fig. 1397]. Outil de cordonnier'. Rouleau à pâtisserie 7. Fistule farraria, instrument pour moudre le grain Fistula ferraria, partie du pressoir à huile [TRA FLABELLUni (PIIt(Ç, pt7ciitov '). L'éventail comptait parmi les pièces nécessaires du mundus muliebris des dames grecques et romaines. Dans l'énumération des objets qui composent un xoa..dç yuvouxtToç bien monté, Pollux 2 le cite à côté de l'ombrelle, axa. tov [UMBELLA]. Il est mentionné dans les poèmes galants et d'innombrables monuments, peintures de vases et figurines nous montrent avec quel art les élégantes savaient faire de cet accessoire pratique le complice de leurs coquetteries. I. L'habitude de se faire éventer ou de porter sur soi un objet spécial pour s'éventer la figure, ne paraît pas avoir été très ancienne en Grèce. Au ve siècle, elle n'était pas encore entrée dans les moeurs athéniennes, puisque Euripide fait clairement expliquer par l'esclave phrygien, éventant Hélène, qu'il accomplissait ce ser vice suivant la coutume barbare, pccpPâpotç vop.otaty 5. Il est probable que l'usage de l'éventail passa d'Orient en Grèce après le ve siècle. Il était, à l'époque la plus reculée, d'un emploi commun dans l'Inde, en Égypte, en Assyrie et en Perse. Les bas-reliefs du Rhamesseum, les tombeaux de Béni-Hassan et les fresques de MedinetAbou en fournissent de nombreux spécimens de la xixe et de la xxe dynastie'. Les Égyptiens ont employé simultanément les grands éventails en feuilles de palmier ou en plumes multicolores, munis de longs manches et tenus à deux mains, en guise de dais, sur la tête des Pharaons, et des éventails à manches courts et en forme de grands couteaux. Les rois assyriens 7 apparaissent souvent escortés d'eunuques portant un parasol et des espèces de chasse-mouches à gros manches courts. Des éventails carrés ou en forme de palmettes sont souvent entre les mains des rois et d'esclaves occupés à garantir des mouches ou à rafraîchir des vases remplis de boissons, sur les sculptures des palais de Ninive, de Khorsabad et de Persépolis. Mais, en Grèce, les textes et les monuments antérieurs au ve siècle paraissent ignorer l'éventail, sinon le chasse-mouches [MUSCARIUM]. C'est vraisemblablement à l'époque de la Nouvelle comédie qu'il se propagea. Ménandre, dans son Eunuque, et Philémon dans son Trésor, l'avaient fait intervenir au théâtre, comme on peut l'inférer par le Trinummus de Plaute et l'Eunuque de Térence, qui sont des traductions des deux pièces grecques 6. Quant aux monuments, terres cuites de Tanagra et de Myrina, de la Cyrénaïque et de l'Italie méridionale, lécythes et stèles attiques et de Rhénée, vases de la Grande Grèce et de Sicile, ou l'on trouve des représentations d'éventails, les plus anciens ne sont pas antérieurs au iv' siècle ; la plupart datent du nie et même du ne. FLA 4150 FLA II. La forme des éventails a beaucoup changé suivant les caprices de la mode et les fantaisies de la fabrication qui s'ingéniait à renouveler ses modèles. On relève sur les vases peints d'innombrables variantes dans le choix de la matière, la forme générale, la décoration et la monture. Mais toutes ces variantes dérivent d'un même type, celui de nos écrans à manche. Les anciens n'ont pas connu l'éventail à plis qui se ferme sur luimême pour se déployer en demi-cercle : cette invention est originaire de la Chine et du Japon. L'éventail le plus anciennement usité en Grèce se composait d'une simple feuille, en forme de coeur, avec le pédoncule pour manche. Les termes de feuille d'eau, de lotus, de liseron, de nénuphar, par lesquels on désigne le plus souvent cette forme végétale, sont botaniquement impropres. L'éventail des figurines de Tanagra n'est pas une feuille de nymphéacée, mais, une feuille d'aroïde', spécialement de l'espèce arum colocasia, que Dioscoride'appelle i pov avec la synonymie de xo)Loxârtov, empruntée au dialecte de Chypre'. Cette plante était cultivée comme potagère dans toute la Grèce, la racine en étant comestible 4. Ses feuilles étaient séchées et rendues rigides de la même façon que les éventails végétaux qui nous viennent aujourd'hui du Japon. La feuille en coeur était la plus ancienne et la plus répandue à cause de sa simplicité, qui en faisait un objet de fabrication facile et économique, et de sa légèreté qui la rendait très portative. C'est celle qu'on voit entre les mains de très nombreuses figurines. Elle est tantôt plate tantôt légèrement recourbée vers la pointe, de façon à mieux saisir l'air et à le déplacer plus vivement quand on agitait l'objet (fig. 3064) 6. La feuille de xo)oxâatov n'était pas la seule forme végé tale employée dans la fabrication des éventails. Sur des vases peints, on reconnaît la feuille de palmier, taillée et entourée d'une bordure végétale qui l'empêchait de se déchirer tout en la fixant solidement au manche. La figure 3065 7 reproduit un éventail analogue à ceux d'Égypte. La figure 3067 8 paraît bien représenter aussi un flabellum en feuille naturelle. Tous les éventails à forme végétale n'étaient pas formés d'une feuille naturelle'. On fabriquait despanneaux de bois mince à l'imitation de modèles naturels; on les peignait et décorait avec la plus grande variété et, sans doute, sans grand souci de la ressemblance exacte. La forme de feuille, en coeur ou en palmette, devenait un thème à variations décoratives pour les éventaillistes, comme elle l'était pour les archi tectes. Martial 70 cite un éventail vert (prasino flabello) ; l'éventail des figurines de Tanagra est généralement peint en bleu clair ou en blanc, souvent avec une bordure et une monture dorées "ou bien avec une monture de pistils peints en Fig. 306:. Éventail rouge brun (fig. 3067)'x. Il y avait aussi des éventails dorés 16. Ce sont peut-être des imitations de cette sorte, en feuillets de bois peint, qu'Ovide désigne par le mot tabella'e'. L'éventail représenté par la figure 306816 est, semble-t-il, une imitation de palmette, comme celle qui surmontait les stèles attiques, forme conventionnelle, devenue typique, et que l'on reproduisait avec toutes sortes de matières. Ily avait des éventails en paille tressée (le mot ptrr(ç avait aussi le sens de natte de joncs entrelacés) 16. On se servait sans doute pour ces éventails de fantaisie de toute matière légère susceptible de recevoir une ornementation peinte, telle que papyrus, peau ou étoffe légère, tendue sur un cadre de bois ou de métal, comme nos écrans à main (fig. 306917 et 307016). Mais de toutes les matières autres que les feuilles naturelles de xoaox«atov ou de palmier, celle qui séduisait le plus la clientèle élégante et riche, c'étaient les plumes tafl en plumes de chantée par les poètes, et aussi parce pa°"' que le paon était l'oiseau favori de Junon, que les taches de son plumage figuraient les yeux d'Argus et passaient pour éloigner le mauvais oeil [FAS FLA 1151 FLA d'oiseaux. Les éventails en plumes (7sTEp(va pt7iiç) i n'apparaissent qu'après les éventails végétaux; ils semblent avoir été en grande faveur à l'époque hellénistique, alors que l'antique simplicité des moeurs avait fait place à des goûts plus somptueux : c'était un article de luxe. Ils comportaient aussi une grande variété de types. Il y en avait en petites plumes, courtes, serrées les unes contre les autres, de manière à former un écran solide On recherchait particulièrement les plumes de paon, pour leur polychromie naturelle, si souvent cirrus]. Les paons de Phocée étaient renommés pour leurs belles plumes 3. Les pavonina flabella° sont facilement reconnaissables sur les monuments. Une peinture du musée de Naples en donne un beau spécimen (fig. 3071). On reconnaît aussi, à leurs formes bouffantes et légères, des plumes d'autruche sur plusieurs peintures de vases. Dans l'une d'elles, qui a conservé ses couleurs la masse des plumes est de couleur brune avec des taches bleu clair, la monture est ocre jaune et le manche brun. Les plumes étaient soit simplement plantées dans l'extrémité du manche (fig. 3072) 7, soit emboîtées dans une monture ouvragée de bois, d'ivoire, de métal ou de cuir qui terminait le manche (fig. 3073)8, soit enfin appliquées sur un fond qui leur servait à la fois de support et de cadreo. La figure 307410 montre un curieux éventail de plumes avec un cordon pour le suspendre à la ceinture ou au bras, et un large ruban qui.relie les plumes à mi-hauteur et les soutient. Les htrusques eurent aussi le goût des éventails et particulièrement des éventails de plumes. Des femmes sont souvent représentées (fig. 3075) sur leur tombeau ou leur urne cinéraire tenant un de ces éventails muni d'un manche richement orné". Sur un sarcophage où est figuré un cortège nuptial 12 on voit porter avec d'autres meubles ou ustensiles, un grand éventail de forme arrondie (Voy. t. II, p. 848, fig. 2844). Outre les éventails dont on se servait soi-même, il y en avait d'autres 13 de forme analogue, mais de dimensions plus considérables, portés sur de longs manches (fig. 3076) et maniés à deux mains par des esclaves spéciaux, hommes ou femmes, appelés flabrarii ou /labelli ferae. Les flabelli ferae faisaient partie des pedisequae ou suivantes; elles accompagnaient les dames romaines à la promenade avec le parasol et le flabellum 1k. Auguste avait un flabrarius pour l'éventer pendant sa sieste 15. A Rome, ces esclaves étaient souvent des eunuques attachés au service du gynécée f6. Claudien 17 flétrit les prétentions des affranchis insolents comme Eutrope, qui, après avoir tenu le parasol et le flabellum, aspirent à la trabée. Les monuments représentent de nombreuses scènes où des personnages réels ou allégoriques jouent le rôle de flabellifères 18. Vers le Ive siècle après JésusChrist on commença à faire des flabella ayant la forme d'une petite bannière: tel est (fig. 3077) celui Fig. 3077. -tresséÉventail de jonc qu'un jeune esclave agite auprès de sa maîtresse sur un verre doré de la bibliothèque du Vatican f 8 et qui paraît être un ouvrage tressé 2° III. Nous n'avons encore considéré le flabellum que FLA -1152 FLA sous le rapport de Informe et de la matière. Il nous reste à en indiquer les applications pratiques et symboliques, celles-ci dérivant des premières, et à montrer comment, accessoire de toilette et ustensile de cuisine, l'éventail a eu aussi le caractère d'instrument du culte. Dans la vie ordinaire, c'était pendant et surtout après le bain que le flabellum était employé pour rafraîchir l'air étouffant des thermes. Dans l'Eunuque de Térence, l'esclave chargé de l'éventail doit l'agiter dans la piscine où sont les femmes et pendant le sommeil de sa maîtresse après le bain t. Mais, tout en servant d'éventail, le flabellum jouait aussi le rôle de chasse-mouches. Les Grecs confondaient les termes de pta(ç et de adeO', ou ~ucoadôr 2, comme les Latins ceux de flabellum et de muscarium3, parce que, dans la plupart des cas, c'était le même objet qui remplissait simultanément le double office de rafraîchir le visage et d'en éloigner les mouches. Il existait cependant un objet spécial pour chasser les mouches, épousseter les meubles et les vêtements [MUSCAmuM] : c'était, soit un plumeau de plumes de paon, soit une queue de boeuf ou de cheval 4. Nous n'avons pas à le décrire ici, mais seulement à considérer l'emploi particulier du flabellum en tant que préservatif des mouches. Cet emploi était fréquent pendant les funérailles et il est pratiqué dès le ve siècle. La longue durée de la 7rp60seng, ou exposition du mort, exigeait des précautions spéciales. Il fallait éloigner les mouches du cadavre 5 ; d'où la présence, sur des scènes de 7rpd0eats, d'un ou deux personnages qui se tiennent près du lit funèbre avec un rameau ou un flabellum'. Cet usage passa à Rome. Il y avait un flabrarius près des corps exposés en public'. En ce sens, il est permis d'attribuer au flabellum un caractère funéraire, ainsi qu'à l'ombrelle tenue sur la tête des morts 3. Il figure aussi sur des lécythes comme offrande à la morte en souvenir de sa vie journalière'. Une autre application du flabellum dérive de l'emploi, ancien en Grèce, de l'éventoir à feu, encore en usage, en Orient surtout, pour attiser la braise des réchauds. Cet objet, qu'on désignait sous le nom de ptis(ç 1° tenait lieu du soufflet [FOLLIS], dont on ne se servait guère que dans les ateliers. Cet éventail culinaire était de la forme la plus simple, feuille, planchette ou écran de plumes communes. Il paraît avoir été connu en Grèce bien avant qu'on employât un objet analogue et de même nom pour s'éventer la figure. C'est pourquoi le mot ptx(W) signifie souffler le feu et cuire 11, et per(; est synonyme de pua-7,.1.11e 12. Dans les Acharniens 73, Dicmopolis, voulant faire cuire une anguille, réclame le réchaud et l'éventail. Le poète Euboulos, cité par Athénée 14, disait dans son Orthanès que l'éventail « réveille les chiens de garde d'Iléphiestos », c'est-à-dire les charbons du foyer. Enfin le cuisinier Spinther, dans une épigramme de l'Anthologiei6, dédie un éventail de plumes à Hermès avec d'autres outils de sa profession. De là aussi dans le langage figuré des locutions ou pts(sty et flabellare ont le sens d'attiser (la discorde ou le feu de la sédition)", On se servait du même éventail pour activer le feu des autels, pendant le sacrifice. Des peintures de vases nous le mon-. trent entre les mains de femmes qui sacrifient". Dans une peinture d'Herculanum1', on voit (fig. 3080) un prêtre activant le feu de l'autel avec ,un éventail triangulaire, et une statuette en bronze de même origine 19 représente un jeune servant de sacri fice tenant un éventail de plumes. Des cérémonies païennes, l'emploi liturgique du flabellum s'est longtemps perpétué dans les cérémonies de l'Église chrétienne20. Dans la mythologie, le flabellum est un attribut d'Aphrodite; tantôt il est entre les mains de la déesse, tantôt il est tenu par Éros21. Cléopâtre naviguant sur le Cydnus avec les attributs de Vénus avait pour flabellifères deux Amours 22. Sur les vases peints, il est assez souvent entre les mains de jeunes hommes. Le flabellum était, chez les monarques égyptiens, assyriens et persans, qui ne sortaient guère sans être escortés de flabellifères, un des insignes extérieurs de la royauté 2' Aujourd'hui, ce caractère semble subsister comme emblème de la souveraineté, dans les deux grands éventails en plumes de paon qui accompagnent le pape lorsqu'il