Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article FOSSARIUS

FOSSARIUS, FOSSOR. La qualification de fossor, dans son sens le plus large, s'étend à tous ceux dont le métier est de creuser des fossae et son extension, à le prendre ainsi, n'est guère moindre que celle duverbe fodere d'où il dérive'. Virgile appellera ainsi fossor l'ouvrier des champs qui travaille et retourne la terre'. Il sera aussi parlé de fossores dans le même sens, dans l'énumération des ouvriers qui sont spécialement nécessaires à la culture d'un vignoble 3 [vINUn]. Le travail de creusement, d'autre part, de toutes les conduites et galeries souterraines, qui, dans la Campagne Romaine spécialement, témoignent des efforts faits dès les temps les plus reculés pour l'assainissement du sol, a nécessairement occupé toute une population de fossores, et si nous n'avons pas grands renseignements sur les auteurs de ces durs travaux, les éléments au moins de leur outillage, qui sont les mêmes qu'emploieront plus tard les fossores des catacombes, nous sont cornus: au musée Iüircher notamment sont conservés une lampe, un crochet et une sorte de gros pic de fer sans manche (fig. 3279) retrouvés dans les cuniculi des environs de Rome 4. Les tranchées destinées à l'attaque ou à la défense d'une place sont encore des fossae et à ce titre sont encore des fossores les soldats spécialement chargés de cette partie ; mais la langue des camps avait forgé pour les désigner un terme plus précis; de cuniculus elle avait fait cuniculator0 ou eu nicularius,' [CuNlcuLus], et Végèce nous apprend qu'un corps de ces soldats était, du temps de l'empire, sous les ordres du praefectus fabrum 8. Le sens toutefois sous lequel il conviendrait d'envisager surtout ici le terme de fossor, parce qu'il se rattache le plus intimement à l'histoire des moeurs chez les anciens, sens auquel se rapportent, semble-t-il, exclusivement les exemples de la forme fossarius 9, est celui de fossoyeur. L'on sait qu'aux différentes époques de la civilisation grecque et romaine l'ensevelissement et l'incinération ont été côte à côte en usage, quoique dans des proportions variables suivant les temps; mais qu'il s'agît d'ailleurs d'un véritable cercueil ou d'une cassette cinéraire, il y avait lieu le plus souvent de creu ser un tombeau pour l'y placer. Les scènes funéraires, si fréquentes sur les vases peints, nous montrent rarement le moment de l'enfouissement proprement dit. Il faut citer pourtant la peinture d'une loutrophore trouvée aux environs d'Athènes et conservée au musée de la Société archéologique '0, où l'on reconnaît aisément (fig. 3280), dans les deux personnages vus à mi-corps et dont le buste seul émerge de terre, les deux fossoyeurs qui ont creusé la fosse et qui se préparent à recevoir le cercueil pour l'y descendre 1l. Nous ne sommes guère plus renseignés pour l'époque romaine, au moins en ce qui concerne les premiers siècles de l'Empire. L'entreprise de funérailles qui avait son siège au temple de Libitina et à laquelle il était d'usage de s'adresser, devait avoir dans le nombreux personnel qu'elle entretenait toute une troupe de fossores". FOS 4334 FRE Mais aucun texte ne nous révèle leur organisation, nulle mention d'un collège de fossores, par exemple, ne nous est parvenue, et une des seules inscriptions qui mentionne un fossor, un cippe trouvé dans la Vigna Amendola et conservé au musée du Latran, monument élevé par Ti. Claudius Cratinus à sa co-affranchie, ne le fait que dans la curieuse formule finale : Fesser parce hic jam cubai '. Il faut arriver jusqu'à la période chrétienne et aux sépultures des catacombes pour trouver sur les fossores de plus amples renseignements: Les fossores forment alors un certain nombre d'équipes attachées aux différents cimetières, où plus d'une fois ils se sont fait représenter par les peintres qui décoraient les tombeaux avec leur lampe et leur piochez : tel le fesser Diogène, contemporain du pape Damase, dans le cime tière de Domitille (fig. 3281) 3. II semble même qu'à quelque titre, ils fissent partie du clergé, sans toutefois avoir reçu un ordre religieux proprement dit', et leur importance s'affirme au cours du Ive siècle, où nous voyons le code Théodosien (qui les désigne sous le nom de copiatae, terme qui paraît se rattacher à un verbe ito7r(xo signifiant travailler 5), leur accorder de grandes immunités'. L'autorité ecclésiastique, en leur abandonnant le droit d'assigner les sépultures dans les catacombes, où se développe le désir de reposer près des tombes saintes des martyrs et où par suite certaines places sont particulièrement désirées, leur donne l'occasion de s'enrichir par toute une série de contrats, dans lesquels ils vendent des tombes moyennant finance'. Ils deviennent alors véritablement les maîtres des cime tières, dans lesquels leur domination abusive se traduit plus d'une fois par des dégradations ayant pour but, sans souci des peintures, de trouver des places recherchées pour de nouveaux défunts, jusqu'au moment oû, dans la première moitié du ve siècle, ils disparaissent et ne sont plus nulle part mentionnés'. ÉTIENNE MICRON,