Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article FULMEN

FULMEN. Kcçauvdç. -L'apparition du feu céleste frappa les hommes primitifs comme la plus soudaine et la plus éclatante manifestation de la puissance divine. Ils l'ont interprété comme une vision surnaturelle, avant de songer à le concevoir et à l'expliquer comme un météore. Les croyances religieuses, dans ce cas particulier, ont précédé et même provoqué les théories des philosophes: celles-ci ne sont souvent que le commentaire spéculatif de la Fable. 1. C'est en Orient qu'il faut chercher le point de départ des croyances les plus anciennes des Grecs sur la foudre. Sous ses aspects divers, éclair, foudre, tonnerre, le feu céleste paraît tout d'abord avoir été considéré, non pas comme un phénomène extérieur à la divinité, comme fun effet de sa colère, mais comme l'apparition et le mouvement de la divinité elle-même. Avant d'être un attribut du dieu, elle était le dieu en personne. Ainsi, les Assyriens adoraient, semble-t-il, dans le dieu Bin, la puissance fulgurante. Chez les Phéniciens, Reshep-Kes était une personnification de la foudre, transportée en Égypte sous le nom de Reshpou'. A Chypre, le dieufoudre se dédouble en deux divinités de sexes différents, le dieu Kéraunios et la déesse Kéraunia de Cition Colporté dans les pays grecs par les tribus pélasgiques, le culte naturaliste de la Foudre s'est perpétué en Arcadie, au ve siècle, par le culte de Zeus Kéraunos à Mantinée', tuaire de Bathos à Trapézous, dans celui de Zeus Kataibatès', c'est-à-dire qui descend lui-même, incorporé sous une forme visible, à Olympie 6 et dans maint autre endroit. On voit revivre cette identification du dieu et du phénomène dans les cultes romains, à l'époque impériale, comme l'attestent les les dédicaces à Jupiter Fulgur, à Jupiter Fulrnen et à la déesse Fulgora7. Mais ces dieux récents n'appartiennent pas au fond propre de la religion romaine; ce sont des reflets de cultes orientaux, empruntés à des villes gréco-asiatiques, telle que Séleucie de Syrie. Dans cette ville, la foudre était l'objet d'un culte et les monnaies y représentent un foudre placé sur un autel 8. Néanmoins, le mot de saint Cyrille de Jérusalem : Graeci fulmen adorants, doit être réduit au sens le plus restreint. A la bonne époque, le culte de la Foudre est plutôt une exception, comme un reste de croyances primitives presque partout oubliées. Il y avait longtemps que, dans l'esprit des Grecs, la séparation de la personnalité divine et du phénomène était accomplie. Elle l'est déjà dans les premiers textes littéraires, dans Homère 10, dans Hésiode " et dans les Hymnes orphiques 12 où la foudre n'est plus que l'attribut ou l'arme de la divinité. Kéraunos y est déjà absorbé par Zeus, de qui relèvent tous les phénomènes célestes et qui manifeste par eux son omnipotence. Zeus est présenté comme le dieu qui assemble les nuages, qui fait gronder le tonnerre, briller l'éclair et jaillir la foudre 13. Comme tel il est adoré sous les épithètes d'irTOUnxioç, de xspadvtoç ou les Romains de Jupiter Fulminator, Fulgerator, Tonans. D'après la tradition hésiodique'S, la source du feu céleste était placée dans les profondeurs de la terre; la foudre n'était qu'une émanation du feu souterrain. Les fils d'Ouranos, ensevelis par leur père dans le sein de Gè, et délivrés par Zeus, avaient offert ce présent à leur libérateur. De cette conception dérivent certains détails de la légende de Prométhée ; le feu terrestre, ravi aux hommes au profit du maître de l'Olympe, leur avait été FUL 1353 FUL restitué par Prométhée, qui était allé, suivant la version la plus ancienne le reprendre à sa source, dans le Mosykhlos, volcan de Lemnos, où Homère 2 plaçait le séjour d'Héphaistos; il l'avait rapporté dans une tige de narthex ou de férule 3. Plus tard, les rôles furent intervertis: l'origine du feu terrestre fut reportée dans le ciel, où Prométhée fut censé être allé le dérober, soit en allumant une torche au char du soleil, soit en faisant tomber la foudre sur terre `' Mais si, dans cette légende, la foudre était considérée comme la source bienfaisante du feu terrestre et, par suite, de la vie et de la civilisation 6, elle paraissait d'ordinaire sous un aspect plus redoutable, comme l'instrument de la colère de Zeus. C'était grâce à la foudre que le dieu souverain avait établi sa suprématie dans l'Olympe et terrassé les Titans °. Hésiode et après lui de nombreux poètes grecs et latins désignent la foudre comme un trait (É),oç, Ç Dm i,vos, E'(zoç, ùrrs , telum). Elle était forgée dans les différents ateliers souterrains d'Héphaisios par les Cyclopes Drontes, Astrapès et Stéropès 8. Elle était portée à Zeus par Pégase, né de Neptune et de Méduse 9 ; Zeus la conservait dans une tige de férule 10. L'aigle avait pour mission de rapporter à Zeus les foudres lancées sur terre ". Nous n'avons pas à discuter ici le sens des différents mythes où des divinités autres que Zens sont en rapport avec la foudre 12. Il n'est guère de génie igné, solaire et ,même stellaire qui ne soit susceptible de rapports avec l'éclair, le tonnerre et la foudre : les fables relatives à ?thénaf3, à Héphaistosli, à Apollon '°, à Dionysos ", à Hélios 17, à Phoroneus 13, à Typhon 19, aux Cabires, aux Dioscures 70, aux Cyclopes 21, aux Gorgones Y2, confirment la parenté dans l'esprit des anciens, entre les phénomènes ignés de toute nature, célestes et volcaniques. II, C'est surtout comme expression de la volonté de Zeus (àiocrw.(ui) 23 et comme présage que la foudre, les éclairs, le tonnerre et leurs effets ont tenu une grande place dans les préoccupations des anciens, au même titre que les autres prodiges pour eux connexes, tels que apparitions de bolides, chutes d'aérolithes, éruptions volcaniques 24. Il y a à distinguer entre l'art d'interpréter les prodiges supérieurs (u.ErÉCùFu), qui constituait la divination météorologique, et celui d'en conjurer les effets, qui relevait de la magie. Les pythagoriciens pensaient, à l'instar des Chaldéens, que la foudre et le tonnerre étaient les manifestations des puissances divines éparses dans l'atmosphère". Mais les spéculations des philosophes et les observations des prognostiques2° enlevèrent de bonne heure en Grèce à des phénomènes aussi fréquents leur caractère prodigieux, et aux esprits la foi superstitieuse en la vertu fatidique des noce ou ar;i.azx 27. Il ne subsista que la terreur invincible des effets meurtriers du trait de Jupiter, perpétuelle menace de danger suspendue sur la vie des hommes et sur la durée des choses. L'art fulgurai en Grèce resta dans l'enfance. Il n'y avait pas, semble-t-il, d'école de devins spéciaux pour l'interprétation des foudres, ni un faisceau de traditions précises fondées sur un ensemble d'observations et de distinctions combinées dans le but de lire l'avenir des individus et des nations. Tout se réduisait à quelques règles générales. En principe, l'éclair et le tonnerre étaient les augures les plus forts, contre lesquels aucun autre présage ne prévalait". L'éclair marquait simplement l'assentiment ou la désapprobation du dieu à l'égard d'une entreprise projetée, selon qu'il se produisait sur la droite ou sur la gauche. L'éclair qui luit à leur droite est de bon augure pour les Grecs au moment de s'embarquer pour Troie"; il est interprété de même par Hector et les Troyens (v3 ia cf,.1x-2)30. Les Grecs ne semblent pas avoir attaché d'importance, au point de vue divinatoire, à la couleur et à la forme des éclairs, bien qu'ils en eussent, comme on le verra plus loin, distingué différentes espèces31. L'apparition des éclairs dans un ciel serein était considérée comme un heureux présage 32. Nombre de villes soutenaient qu'une semblable augure avait présidé à leur fondation". Les marins attribuaient aussi une vertu protectrice aux flammes du feu Saint-Elme, considéré comme les étoiles des Dioscures de Samothrace 3'`, et comme précurseur du beau temps après l'orage. Le feu d'Ilelène était au contraire de mauvaise augure 3S, sauf dans Euripide, qui l'associe à l'influence bienfaisante des Dioscures 3G. A Athènes, le collège des Pythaïstes était chargé d'observer, de l'autel de Zeus Astrapaios, l'apparition de l'éclair qui devait donner le signal du départ à la théorie sacrée de Delphes 37. Quand le tonnerre ou d'autres Jtocriu:at se produisait pendant une assemblée ou une conférence, les délibérations étaient suspendues, et les exégètes [EXEGCTAE] chargés de l'interprétation du prodige 38. A Sparte, les éphores, tous les neuf ans, devaient passer FUL 13~ FUL. une nuit claire et sans lune à guetter le ciel; s'ils apercevaient un bolide, ils pouvaient suspendre et mettre en accusation les rois'. Dans la plupart des cas, comme dans celui de Phidias, qui, ayant demandé à Zeus s'il était content de sa statue, était censé avoir vu tomber la foudre en signe d'approbation 2, on sollicitait la divinité de se prononcer par oui ou par non. D'une manière générale, le coup de foudre était considéré comme une marque de bienveillance'. Cyrus le Jeune voit en songe la foudre tomber sur la maison paternelle; il juge le songe favorable, puisque la lumière de Zeus lui était apparue au milieu de ses peines et de ses soucis. Les individus qu'elle touchait sans les tuer passaient pour les favoris des dieuxµ. Le feu céleste qui frappe les tombeaux de Lycurgue, d'Euripide, et les statues de l'athlète Euthimos, à Loues et à Olympie est également pris en bonne part, comme un témoignage honorifique. Même quand il tue ou détruit, c'est toujours au profit de quelqu'un 6, ne fût-ce que de la justice et de la piété, violées par des attentats ou des sacrilèges 7. Si le génie raisonneur et naturellement optimiste des Grecs s'est dérobé aux subtilités de l'exégèse fulgurale, il n'était guère plus inventif en matière de préservatifs contre la foudre. Les seuls prophylactiques dont les Grecs aient usé consistaient en incantations ou en amulettes, que la crédulité du vulgaire demandait aux charlatans Le centaure Chiron avait, disait-on, recommandé de crucifier sur les portes des fermes des oiseaux de nuit. Le fer, les clous, les peaux de phoque, d'hippopotame, d'hyène, les feuilles de laurier, de figuier et d'autres arbres qu'on croyait respectés de la foudre, les morceaux de corail, la pierre céraunia passaient pour éloigner le trait de Zeus'. Les lieux frappés par le météore (o étaient l'objet d'une terreur supertitieuse qui les rendait sacrés (il bç isriv). On croyait que Zeus se les était consacrés en y descendant et qu'il y était toujours présentf0. Aussi étaient-ils transformés en r'r'.luT« ou «T« ou ât~«uct«". A Olympie, la maison d'OEnomaos, brûlée par la foudre, fut remplacée par un autel de Zeus Kéraunios et tout près de là, l'autel de Zeus Kataibatès était en touré d'une barrière 1''. En Grèce, comme en Italie, la religion exigeait de transformer en-lieux clos (in),6ct«, ~~ONovT«ï«, x.sp«uvofi5),t«, xi «uv(A),r,T«), les endroits où la foudre était tombée 'µ. Artémidore rend é-:c-qN.« les endroits «ew«, à cause des autels que l'on y élève et des sacrifices que l'on y offre à la divinité'"; mais on ignore de quels rites était accompagnée la consécration des iv'i),det« à Zeus Kataibatès ou Zeus Kéraunios 16 Quant aux cadavres des foudroyés, ils étaient sacrés ; on devait, selon Euripide, les enterrer à part, ou, suivant d'autres, les recouvrir de terre, au lieu même où ils avalent été frappés, sans qu'il fût permis de les ensevelir dans une fosse. D'après Lucain, Artémidore d'Éphèse et saint Cyrille de Jérusalem, on leur rendait un culte et des honneurs divins 17. III. En Italie, l'art fulgurai était le monopole incontesté des Étrusques. La compétence hors pair de ce peuple dans l'exégèse des foudres reléguait dans l'ombre la science des augures romains, des astrologues orientaux, chaldéens, arméniens et égyptiens 'e. Les Romains, en peuple plus politique que philosophe, comprirent le parti qu'ils pouvaient tirer de cette réputation pour le gouvernement des affaires publiques. Tandis qu'en Grèce le rationalisme avait de bonne heure tué l'art de deviner l'avenir par les phénomènes naturels, à Rome, la politique s'appliqua à enrayer la décadence de l'haruspicine étrusque 70. Les fulguratores 20 faisaient remonter au héros Tagès leur science divinatoire. C'était lui qui avait révélé à Tarchon les livres fulgurau.x (libri fulgurales), sorte de colloque où les questions étaient en vieux latin et les réponses en étrusque21. Le reste de la doctrine était exposé dans les libri tonitruales, aruspicini, rituales 2'. A l'instigation du sénat, les secrets de l'haruspicine étaient soigneusement conservés dans certaines familles: il y avait des écoles d'exégèse fulgurale à Falérie, à Caeré, à Tusculum'3. Les Étrusques avaient observé avec minutie, de temps immémorial, les variétés de la foudre, les circonstances de sa chute, son point de départ dans le ciel, sa direction oblique ou verticale et son retour. Ils se disaient en mesure d'en retirer la connaissance des intentions et des influences dont chaque espèce de foudre était l'expression (manubiae), suivant la planète ou la divinité dont elle était censée émaner, et de conjurer ces influences, quand elles étaient néfastes, par des cérémonies expiatoires 2`, Mais ils n'avaient guère réfléchi aux causes physiques de ces phénomènes. Tout au plus admettaient-ils certaines causes secondes, découvertes par les philosophes, telles que le choc des nuages, mais pour les attribuer à l'intervention et à la volonté particulière de tel ou tel dieu, ce qui ne changeait en rien leur point de vue superstitieux20. Les opérations de l'art fulgurai, d'après Caecina cité par Sénèque, étaient de trois sortes : 1° la consultatio ou exploratio, c'est-à-dire, l'observation des manubiae et leur classification ;7.° l'interpretatio, la détermination de leur caractère, favorable ou non, et de leur sens fatidique; 3° l'exoratio, c'est-à-dire la conjuration de leurs effets 26. 1° L'observalio comprenait l'examen attentif de l'éclair (fulgur, fulgetrum), du tonnerre (tonitru) et du coup de foudre (fulnien) et l'identification de ces manubiae avec FUL -1355 FUL telle ou telle divinité, dont l'influence était connue comme bonne ou mauvaise. Les Étrusques distinguaient trois foudres diverses, attribuées à Jupiter, et une nocturne, attribuée à Summanus Les autres divinités fulgurantes, reconnues par les haruspices, étaient au nombre desept : Junon, Minerve, Mars, Vulcain, Saturne, Védius ou le Jupiter néfaste, dont les manubiae étaient déclarées exsecrabiles 2, plus une inconnue. Les indices qui permettaient d'identifier les manubiae et leur auteur, étaient: 1° la région du templuna céleste. Certains attribuaient à Jupiter les foudres des trois premières régions' 20 le moment et la saison. Les foudres du jour venaient de Jupiter, celles de la nuit de Summanus, celles du crépuscule et de l'aube leur appartenaient en commun (provorsa fulgura). L'équinoxe de printemps était l'époque de Minerve, l'hiver celle de Saturne ° ; 3° la couleur. Le rouge vif caractérisait la foudre de Jupiter, le rouge sombre celle de Mars, le blanc celle de Minerve, le fuligineux celle de Saturne 5; 4° les effets. Il y avait les foudres inoffensives et simplement comminatoires, que Jupiter pouvait dépêcher à son gré ; les foudres brisantes et explosives, pour lesquelles il devait consulter les dii consentes ou dieux assesseurs ; les foudres incendiaires, dont l'émission ne pouvait se faire que sur l'avis des grands dieux cachés ou dm, involuté. Chacune de ces espèces se subdivisait en une infinité de variétés secondaires : foudres qui percent sans briser, qui noir cissent, qui consument, qui décolorent, qui colorent, e te. 2° L'interpretatio des présages fulguraux, au point de vue fatidique, reposait : 1° sur l'intention de l'observateur : foudre conseillère (fulmen consiliarium), confirmative (f, auctoritatis), monitoire f. monitorium), etc.; 20 sur la qualité du lieu touché, suivant qu'il était public ou privé : foudre à l'adresse du prince, du général, de la cité tout entière, etc. ; 3° sur l'objet de la consultation: leçon concernant le passé, foudres prescriptives ou péremptoires (peremptalia), confirmatives; ou bien, pronostic pour l'avenir'. Il serait oiseux autant qu'impossible de condenser en un système le fatras des distinctions que les auteurs nous ont transmises. La doctrine toscane a subi des retouches à mainte reprise 8 : le fond primitif s'est trouvé disloqué par les réformes des simplificateurs, comme Nigidius, Figulus et noyé par les additions hétéroclites des compilateurs, comme Jean de Lydie. 3° Exoratio. Cette partie comprenait les pratiques destinées à réparer les effets passés de la foudre comme à en conjurer les effets à venir, à la fois par une purification liturgique des lieux touchés et par l'offrande d'un sacrifice à l'auteur du présage. L'ensemble de ces opérations est désigné par les termes d'exoratio, de procuratio ou d'expiatio, souvent employés comme synonymes 9. La procuratio devait être appliquée à tous les prodiges par les pontifes romains. Mais, pour la conjuration des fou IV. dres (procuralio fulguritorum), le collège s'en déchargeai t sur les haruspices étrusques, seuls qualifiés pour procéder suivant les prescriptions du rituel toscan 1D, dont le prestige était bien plus considérable dans l'opinion publique que le rituel romain. D'abord, en règle générale, les atteintes de la foudre n'étaient pas considérées par les Romains avec autant d'optimisme que par les Grecs. Tous les endroits touchés par elle (fulguritum) devenaient sacrés (fulgur sacrum) et inviolables, suivant la tradition grecque 11. Ils appartenaient à la divinité. Mais il fallait d'abord en exorciser les influences néfastes que le météore avait apportées dans sa chute. C'était l'objet d'une première formalité, l'enterrement des foudres (fulnien condere). Les fulguratores s'acquittaient de cet office. Il était admis par les livres fulguraux que la foudre ne pénétrait pas à plus de cinq pieds sous terre 12. Les haruspices ramassaient dispersos fulminis ignes, dit Lucain'', c'est-à-dire les traces du passage de la foudre, les débris des objets à demi consumés par elle, parmi lesquels, d'après la croyance accréditée, se trouvaient les restes mêmes du trait céleste sous forme de pierre t4. Puis il les enterraient avec des chants funèbres et les recouvraient d'un petit tertre dallé ou gazonné 15. L'endroit était entouré d'une margelle [PUTEAL], On s'imaginait ainsi avoir enterré la foudre elle-même (fulgur conditum) et l'avoir rendue inoffensive. Un sacrifice de brebis (bidens) apaisait la divinité, d'où le nom [BIDENTAL] souvent donné au puteal. D'après Ammien Marcellin 1s, les livres fulguraux exigeaient que les lieux frappés par la foudre fussent dérobés au regard et ne pussent être foulés aux pieds. Les sources qui étaient censées jaillir à la suite d'un coup do foudre étaient aussi enfermées dans un puteal couvert ". Mais il devait toujours subsister une ouverture (foramen apertum) qui fuît l'endroit consacré en communication avec le ciel 1e. C'est pourquoi le temple de Jupiter-Fulgur, cité par Vitruve, est hypèthre et. sub divo constitutum'9. Les objets frappés par la foudre en lieux clos devaient être transportés à ciel ouvert, avec certaines invocations 90. Mais on ne pouvait déplacer un puteal21. Ce rite toscan 22 de l'exoratio était plus compliqué et réputé plus efficace que le rudimentaire sacrifice expiatoire enseigné, d'après la légende romaine, à Numa par la nymphe Égérie ou par les faunes Picus et Faunus, et qui consistait dans l'offrande à Jupiter Elicius d'une tête d'oignon, de cheveux et d'un poissons'. Des rites analogues étaient célébrés quand la foudre avait tué un homme. Les haruspices ramassaient les membres de la victime 21., les enterraient sur le lieu même, mais sans lui accorder les justa obsequia25, et la tombe était sacrée comme un BIDENTAL26. Quand un homme était frappé dans le cirque, où l'érection d'un bidental eût été fort gênante, on obtenait un oracle qui autorisait son transport au dehors 27. 411 FUL 1356 FUL Les arbores fulguritae étaient réputés funestes et exigeaient une expiatio. On les entourait d'un PUTEAL, comme le ficus Ruminalis; on attachait à leurs branches des bandelettes, et les strufertariil déposaient près d'eux des gâteaux (tinta, strues) avec des formules propitiatoires à Jupiter 2. S'il -faisait partie d'un bois sacré, on remplaçait l'arbre avec force purifications [ARBORES En dehors de leurs attributions divinatoires, presque officielles, la crédulité populaire voyait aussi dans les haruspices toscans des mages en possession de talismans contre la foudre. Sur ce point, ils ne paraissent pas avoir été mieux pourvus que les thaumaturges grecs. Luchon, l'initié de Tagès, protégeait ses biens de la foudre en les entourant de vigne blanche 4, et Tagès employait dans le même dessein une tête d'âne. Certains sacrifices passaient pour avoir la même vertu contre la foudre. Se cacher dans des souterrains ou des grottes, tenir à la main la pierre de foudre (ceraunia)5 et les amulettes en usage chez les Grecs, telles étaient les précautions préconisées chez les Romains 6. La question de savoir si les Étrusques s'attribuaient réellement le pouvoir d'attirer la foudre (ehcere fulmen) a été discutée. Nous ne voulons pas parler des hypothèses de certains savants modernes qui ont dépassé sur ce point la crédulité antique en reconnaissant aux haruspices toscans le mérite d'avoir devancé Franklin7. Mais on peut se demander si le culte de Jupiter Elicius ne comportait pas certaines pratiques destinées à faire croire au vulgaire que les Étrusques étaient maîtres de faire descendre à leur appel le présage désiré ou d'attirer sur l'ennemi les feux de Jupiter. Quelques anciens l'ont affirmé, entre autres Tite-Live 8, Pline 9 et Servius 10. La légende contait que Tullus Hostilius avait été victime de cette tentative mal exécutée 11. Mais il se peut que les anciens eux-mêmes aient confondu l'art d'évoquer certaines divinités, entre autres Jupiter Elicius, que Numa avait su forcer à comparaître devant lui 12, avec un pouvoir supposé de provoquer la foudre. Quand les formalités rituelles de l'évocation étaient insuffisantes, le dieu se vengeait sur l'expérimentateur indiscret et maladroit : tel fut le cas de Tullus Hostilius 13. II est, de fait, probable que les haruspices se disaient être en mesure d'annoncer l'apparition de l'éclair et du tonnerre, et même de l'obtenir par leurs prières, comme Pline l'a constaté 14. La superstition populaire avait exagéré leurs prétentions miraculeuses : rien n'était plus facile que de les embarrasser en les sommant de justifier leurs promesses par des résultats immédiats, comme fit le pape Innocent en 408t5. Mais la croyance contraire n'était pas moins répandue, comme l'attestait le proverbe : « Il n'est pas possible de s'approprier la foudre de Jupiter 16» et le non imitabile fulmen de Virgile", IV. Aux idées religieuses des anciens sur la foudre se rattachent étroitement les spéculations qu'elles ont inspirées aux philosophes. Le débat entre la mythologie et la science se termine en Grèce par la victoire du rationalisme. A Rome, les esprits éclairés comme Caton et Cicéron n ne croyaient plus à la valeur intrinsèque de l'haruspicine toscane; ils ne la soutenaient que comme un procédé de gouvernement. C'est pourquoi Manilius n a pu dire que la science avait enlevé à Jupiter la foudre et le tonnerre pour en rendre le bruit aux vents et la flamme aux nuées : eripuilque Jovi fulmen vires que tonandi. Il n'en est pas moins vrai que certaines théories sur ce sujet n'étaient que la paraphrase des mythes antérieurs, parce qu'en cette matière la croyance et la philosophie étaient établies sur le même fond d'observations. Dans les hypothèses des anciens sur les phénomènes de la foudre sont distingués plusieurs éléments : 1° l'éclair, tantôt simple sillon lumineux des hautes régions atmosphériques, tantôt foudre quand il tombe à terre; 2° le tonnerre ou bruit qui accompagne l'éclair; 3° le souffle de la foudre : fulnlinis a f Hari ventis 20; 4° le choc et la rupture des nuages, cause de l'apparition de l'éclair. Les philosophes, comme les devins, distinguaient plusieurs cas dans la production de ces phénomènes : 1° les éclairs sans tonnerre et les tonnerres sans éclairs21; 2° éclairs, tonnerre et foudre sans nuages 22, cas exceptionnel nié par Aristote 23 et Lucrèce 2L, confirmé par Cicéron25 et Pline26 ; 3° les éclairs volcaniques, non suivis de foudre, que la fable attribuait au souffle impuissant de Typhoée 27; -4° les éclairs dus au passage des bolides ou à la chute des aérolithes, parfois accompagnés de détonation 28. On les confondait souvent avec la foudre; les débris des aérolithes étaient qualifiés de pierre de foudre (xsppauv(«). On croyait aussi que la foudre laissait un déchet de soufre29 ou se transformait en pierres30. La même origine était attribuée aux silex taillés et aux pierres polies de l'âge néolithique, ainsi qu'aux bétyles [BAETYLIA]. De là, à admettre avec la foudre la chute d'objets tels que fragments de bois, d'airain, d'armes, fers de hache, boucliers, etc., il n'y avait qu'un pas bientôt franchi par la superstition 31 ; 5° les foudres issues de terre et rampantes (fulmina atterranea) 33 qui se produisent en lieu clos (quae in incluso fluai). De même pour le tonnerre, Aristote33 et Sénèque36 admettent des variétés : 1° le fracas (fragor) qui suit la foudre; 2° le roulement (murmur) qui accompagne les éclairs simples. Sous le rapport de la couleur et de la forme, les Grecs discernaient trois sortes d'éclairs: 1° (clarum fui-. men) 3°, éclair mince et blanc ; 20 le Jro),o-11ç 36 (fulmen humidum) ou éclair rouge, fumeux et diffus; 3° l'alyiç 37, FUL 1357 FUL fulmen siccum, ou foudre en globe. Sous le rapport de la direction : 1° les éclairs verticaux, cx7,7rTd;, xxTatO9'-Tfi; et obliques; 2° les éclairs en zigzag, i'),txsç ou ËÀtx(at 3° les éclairs doubles3. Les épithètes trifdum, trisulcunl fulmen, employées par les poètes, ne se rapportent pas à une catégorie d'éclairs observés expérimentalement, mais au symbole du foudre trifide popularisé par l'art (voy. plus loin, § v) ; -4° la trombe enflammée 4, 7rp7l6'ri , presser On pensait généralement que la foudre remontait à son point de départ, verticalement si l'éclair avait été vertical, obliquement s'il avait été oblique, et suivant un angle de réflexion égal à l'angle d'incidence 6. Elle ramassait ses feux épars et causait non moins de dégâts en s'en allant qu'en tombant 7. Elle pouvait pénétrer à travers les murs dans un lieu clos 8. On avait aussi constaté le pouvoir que possède la foudre de déplacer les objets et de les projeter au loin. Sur ses ravages, tantôt imperceptibles, tantôt violents, sur ses facultés de perforation et de brisement, les physiciens s'accordaient avec les Étrusques, mais ceux-ci concluaient de la diversité des effets à celle des causes efficientes 10. Son action sur las liquides était celle d'un poison ", mais favorable à la végétation 12. Quelques-uns soutenaient que les cadavres des foudroyés étaient incorruptibles 13. Les effets stupéfiants de la foudre sur les personnes étaient observés", ainsi que la nature bizarre de ses coups et de ses blessures 15, dont les gens endormis passaient pour être exempts76. Th. II. Martin" ramène à quatre classes les hypothèses des anciens sur l'origine du feu céleste : 1° La foudre est un gaz (7rvsul,.a, spiritus) contenu dans les nuages et qui s'enflamme par l'effet de la compression, du frottement et du choc. C'était la théorie d'Anaximandre 19, d'Anaximène 19, d'tléraclite 20, de Métrodore de Chio 21, d'Aristote 22, de Posidonius 23, de Sénèque 2i, de Pline 25, d'Arrien26. Ce gaz est le produit de l'exhalaison sèche de la terre 27, théorie qui est déjà contenue dans le mythe des Cyclopes, de Prométhée, de Typhoë et de l'origine volcanique de la foudre. Quelques-uns le faisaient venir de l'exhalaison humide 28 qui constituait la substance même des nuages, conception déjà exprimée par le mythe de Pégase, être aquatique, portant la foudre à Jupiter 29. 2° Le feu céleste est une fraction du feu cosmique épars dans tout l'atmosphère, et qui se condense dans les nuages à la suite du vide produit par leurs chocs et leurs frottements; il s'en échappe alors avec violence, comme l'étincelle qui jaillit de deux pierres 30. 3° Le feu céleste dérive d'un feu supérieur, accumulé dans les nuages, soit celui des rayons solaires, d'après Empédocle 31, soit ceux des étoiles filantes, d'après Anaxagore 32, ou bien des planètes supérieures, suivant l'opinion des Chaldéens" peut-être admise par les Étrusques 34. I° Enfin les hypothèses mixtes qui combinaient les précédentes 35. Quant à l'éclair simple il apparaissait comme une foudre imparfaite ou comme une phosphorescence 36 Le tonnerre provenait du choc des nuages ou de la sortie violente du gaz qu'ils contenaient, et le bruit en était répercuté par l'écho que faisaient les cavités des nuages 37. Pour expliquer avec ces théories la chute rapide de la foudre sur terre et son prétendu retour à son point de départ, les anciens étaient fort embarrassés. Aussi leurs solutions de ce double problème sont-elles très vagues 38 : Socrate considérait ces recherches comme particulièrement oiseuses et stériles 39. Les phénomènes secondaires de l'électricité atmosphérique, tels que les aigrettes lumineuses, les feux SaintElme, les auréoles qui voltigent autour de la tête d'un homme avaient été remarqués, mais moins étudiés et nullement expliqués. Pline en déclare 40 la cause inconnue; Sénèque les rattache aux manifestations incomplètes de la foudre 41. V. Il nous reste à examiner les représentations figurées de la foudre, c'est-à-dire le type du foudre, à en résumer le développement, et à dégager les idées principales dont il est le symbole sur les monuments. On a vu que, aussi loin qu'on puisse remonter dans les textes littéraires, la foudre est désignée comme l'attribut de Zeus et comparée à un trait, forgé par Héphaistos et par les Cyclopes. La forme la plus ancienne de cette arme est celle d'un trident à long manche, que tient dans sa main, sur un cylindre chaldéen, le dieu de l'orage 42 : la dent médiane est rigide; les deux dents zigzaguées simulent l'éclair. Mais à côté de cette représentation conventionnelle, l'art chaldéo-assyrien en présente une autre d'un caractère plus réaliste. Sur un bas-relief de Nimroud", un dieu tient dans une main la double hache et dans l'autre un foudre composé de trois rayons ou flammèches .ondulées et entrecroisées par le milieu en forme de *. Ces deux types, celui du trident simple à manche, et celui du faisceau de rayons entre-croisés, se sont fondus dans le symbole du trident redoublé, tel qu'on le voit entre les mains du dieu Mérodach combattant le monstre Tiamat, sur un bas-relief ninivite 44. Les Grecs n'ont donc pas eu à créer le symbole du foudre en forme de double trident ( fulmen tri fidum, trisulcum) 46 ; ils l'ont seulement perfectionné et embelli. La figure 3307, empruntée à un vase à figures noires 46, reproduit le type primordial dans toute sa simplicité. Mais la fantaisie des artistes grecs se dégagea de bonne heure de la servile incitation de l'arme symbolique. Ils la transformèrent en un motif ornemental, susceptible de mille variantes sous lesquelles le schéma primitif du double trident est â peine reconnaissable. On pourrait voir dans un chapiteau du temple d'Athéna à Priène' la forme transitoire, dans une oeuvre de l'art gréco-asiatique, du trident assyrien au foudre héraldique des monnaies éléennes,s'il était sûr que l'ingénieuse adapta fion architecturale, qui a transformé ce symbole en volutes Fig. 3307. Fouioniques, ne fût pas une interprétation du are enannbletri-dessinateur. Le sujet sculpté qu'il domine Cependant, dans certains monuments, se distingue nettement un aspect particulier du foudre, celui du trait FUL 1358 FUL est la copie d'un motif chaldéo-assyrien, l'arbre sacré entre les deux personnages affrontés, sur lequel on voit d'ordinaire planer le symbole oriental du globe solaire aux ailes allongées 2. Cette parenté du foudre et du globe ailé a peut-être donné naissance à la fable de l'aigle porteur du feu céleste. Il n'est pas douteux qu'on ne doive lui rapporter la présence, sur les représentations du trident fulgurai, d'un autre élément, les ailes d'oiseaux'. Le foudre ailé est déjà ancien dans l'art, comme dans la littérature : Aristophane 4 l'appelle 7r epocpdpov 3abç [iao;. Les graveurs de monnaies, en particulier ceux d'Élis, se sont, complu dans l'accumulation de tous ces accessoires décoratifs; ils ont créé un type complexe, aux variétés aussi imprévues qu'élégantes, où l'on retrouve la figure générale du trident primitif, les ailes de l'aigle, emblème de la rapidité, les feuilles et les fibrilles de la' férule, emblème de la plante dont la moelle conservait, entre les mains de Prométhée et de Zeus, le feu céleste, et, couramment, entre celles des hommes, le feuterrestre 5. Ajoutons encore les rayons brisés (Coer veç, radii), emblèmes de l'éclair et peut-être des douze rayons, trois de vent, trois de feu brillant, trois de grêle, trois de pluie, qui, d'après les poètes, entraient dans la composition des foudres de Zeus, et les flammèches, symboles de la nature ignée du météore. Dans ces caprices composites de l'art, il serait difficile d'établir des catégories bien délimitées. Les figures 3308, 3309, 3310, 3311, 3312, 3313, empruntées à des monnaies grecques° et romaines', présentent quelques spécimens de ces représentations conventionnelles et décoratives. ,aupoeodaa, malleoli, falaricae) dont les anciens se servaient pendant les sièges pour enflammer les tours en bois, les machines de guerre et les boucliers d'osier de l'ennemi B. La comparaison de la foudre avec les traits incendiaires se présente souvent chez les poètes : 7rup7t26ov E),0ç 9, 7tup_ cpdpov Ey oç f0. Ils se ramènent à quatre types principaux : 1° La falarica incendiaire [FALARICA] qui se composait d'une javeline à dard unique ou multiple. Le manche en était garni, un peu au-dessous de la pointe, d'une grosse boule d'étoupes saturée de poix et de soufre qu'on enflammait avant de lancer le trait. On reconnaît un instrument de ce genre dans le foudre représenté par la figure 3314. C'est une falarica sans ornement parasite" ; les flammèches qui s'échappent de la boule d'étoupes sont seulement rabattues de chaque côté du manche de façon à reproduire l'aspect traditionnel du foudre trifide. Le foudre de la frise de Pergame12 (fig. 3315) est un dire un trident incendiaire; derrière les dents de métal, on aperçoit un brandon d'étoupes roulées en spirale comme celles des torches, dites funalia [FUNALE]; entre la base des dents et la poignée, un réservoir de matières incendiaires, d'où les flammes s'échappent de chaque côté et s'étalent en forme d'ailes. 2° Le malleolus ou pistillus, il7repoç, au double pilon de bois, décrit par Énée de Stymphale ". Les deux boules du pilon étaient hérissées de dards et entourées d'étoupes enflammées; on le lançait par le milieu, où une place était réservée pour la main. C'était une sorte de grenade double, qu'il est facile de distinguer, s'échappant comme un bour geon incandescent entre deux larges feuilles de férule. sur la figure 3316, tirée d'une monnaie d'Élis 14'. Un objet semblable est tenu par Zeus sur un vase peint de la collection de Luynes (fig. 3317)1. 30 Une autre espèce de malleolus consistait en une gerbe de joncs 2, ou en un paquet d'étoupes enduites FUL .-21359 FUI. de poix et munies d'une poignée au milieu_ Le foudre ailé de la figure 3318 3 en est un spécimen. 40 La double torche composée de deux fuseaux d'étoupes roulées en spirale [FDNALis] et rattachées, par leur base à une virole ou poignée. Ce fuseau incendiaire figure entre les serres des aigles romaines (fig. 3319) 4. Un très beau spécimen se trouve entre les serres de l'aigle que surmonte le buste en bronze de Claude, au musée de Madrid Cette forme fuselée offrait à la statuaire un attribut simple et commode. Aussi les sculpteurs en ronde bosse l'ont-ils adoptée de préférence àtoute autre pour les statues de Zeus ou des empereurs romains figurés en Jupiter Parfois, il est ailé et hérissé de dards des deux côtés. Très souvent, tous ces types sont amalgamés ; le brandon fuselé traverse de part en part une grosse masse d'étoupes, d'où font saillie des pointes de flèches ou des rayons'. Comme aucun attribut n'a été plus fréquemment représenté que le foudre, nous ne saurions en examiner ici tous les spécimens. Plus rarement, la foudre est symbolisée par un faisceau de flèches 8, ou bien de baguettes ou rameaux de narthex', ou encore, par une simple flamme 10, ou par des tiges de fer recourbées et entre-croisées". Le symbole du foudre a subsisté jusqu'aux derniers siècles du paganisme . Il alterne sur les monuments gallo-romains avec le maillet à, deux tètes, la croix gammée 12, la rouelle et autres emblèmes solaires ; il se retrouve sur des amulettes, des armes, des parures, des autels votifs provenant de camps romains, en Bretagne, en Germanie, en Scandinavie, en Angleterre et près des Pyrénées 13. VI. Depuis qu'Alexandre eut emprunté les attributs de Zeus, le foudre devient l'emblème de la puissance souveraine. A Lphèse, un portrait exécuté par Apelles, représentait le roi, nn foudre à la main i4. Les Diadoques imitèrent cet exemple; Démétrios fut honoré comme Zeus Kataibatès à Athènes 1J; un Ptolémée reçut le surnom de Kéraunos; l'aigle et le foudre figurent comme emblèmes sur les monnaies royales, entre autres sur celles de Ptolémée H Philadelphe, représenté en Ammon, de Philippe V en Hélios et de Persée. Les empereurs romains qui se firent, en plusieurs choses, les continuateurs des traditions monarchiques des rois hellénistiques, reprirent cette coutume. Auguste i6, Claude 11, Caligula f8, Dioclétien ta, furent représentés en Jupiter, avec le foudre pour attribut. Parfois, l'idée de la puissance souveraine se combinait avec le caractère fatidique des manubiae de Jupiter. C'est à ce titre qu'Antonin le Pieux, désigné, disait-on, à l'empire par un coup de tonnerre 20, faisait figurer la foudre sur ses monnaies. De même, nombre de villes grecques et gréco-romaines avaient adopté cet emblème, soit pour rappeler l'heureux présage qui avait précédé leur fondation, soit comme symbole de leur puissance, et non pas toujours pour un motif religieux et parce que Zeus était adoré chez elles sous une des épithètes commémoratives de sa nature fulminante 21 . Comme arme de Jupiter, le foudre devait être considéré comme l'arme par excellence, la plus terrible et la plus rapideE°. C'est pourquoi le foudre figure sur de nombreuses balles de fronde en plomb [GLANDES], ailé ou non ailé, isolé ou tenu dans les serres. d'un aigle 23. Il se transforme ainsi en un symbole guerrier; il se trouve associé à Mars sur les monnaies des Mamertins 21 et sur les premières monnaies d'or de la république romaine 25 ; il figure sur les cnémides de Mars46. Il devient les armoiries de l'armée romaine, porté au milieu des légions dans les serres de leurs aigles ou en écusson sur le bouclier des légionnaires, comme le signe de la force irrésistible 27. On le retrouve aussi dans une autre catégorie de monuments bien différents avec un tout autre sens. Sur des anses de réchauds en terre cuite 28 [Focus], le foudre qui accompagne une tête barbue et difforme, coiffée d'un FUN 1360 FUN bonnet pointu, est l'attribut soit d'Héphaistos, soit des Cyclopes. Il symbolise la nature bienfaisante du feu céleste, source du feu terrestre, à qui l'homme doit l'entretien de sa vie par la cuisson des aliments.