Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article FUNALE

FUNALE. Chandelier, candélabre, propre à recevoir un ou plusieurs flambeaux de cire ou de poix [FUNALIS]. Quand c'était un chandelier, le flambeau y était généralement planté par la base sur une pointe (cuneus, stimulus, uncus); dans certains candélabres ces pointes étaient placées horizontalement, de telle sorte que les flambeaux y étaient piqués rte côté [CANDELABRUM, fig. 1071-à 1087]'. Il est probable que souvent dans l'usage funale désignait à la fois le chandelier et le flambeau dont il était garni; tel paraît être le cas notamment lorsqu'il s'agit des luminaires qu'on portait à la main pour s'éclairer dans les rues 2 ; il faut alors se représenter le support du flambeau comme un simple manche, analogue à ceux dont on se sert pour tenir les cierges d'une seule main dans les processions de l'église [CANDELABRUM, fig. 1073,1074 et 1084]. Peut-être les Romains ont-ils eu pour les bougies des lustres suspendus au plafond, comme ils en avaient pour les lampes [LrcliNus]; funale semble avoir été appliqué quelquefois à un appareil de ce genre 3. Lustres ou candélabres, les funalia étaient réunis en grand nombre dans les salles où l'on donnait des fètes, et c'était un des luxes qui distinguaient les maisons riches °. Engagés dans un simple manche, les flambeaux de cire ou de poix éclairaient les amoureux qui couraient les rues en quête d'aventures; c'était un des attributs de la jeunesse galante 5. En 260 av. J.-C., le sénat romain, pour récompenser Duilius de la grande victoire navale qu'il avait remportée sur les Carthaginois, lui accorda pour toute sa vie le droit de se faire précéder d'un joueur de flûte et de serviteurs portant des funalia, chaque fois qu'il sortirait de sa demeure ou qu'il y rentrerait la nuit tombée Cette décision est mentionnée comme un honneur nouveau et extraordinaire par les auteurs anciens et par une inscription, récemment découverte, qui avait été placée au forum d'Auguste sous l'image de Duilius [ELOCIUM]. On s'est demandé comment il pouvait y avoir là un privilège de nature à distinguer ce personnage de tous ses concitoyens; lorsque la nuit était sombre, il était impossible d'aller par les rues sans éclairer sa marche à l'aide d'un flambeau; non seulement les jeunes débauchés, comme nous l'avons vu, ne s'en faisaient pas faute, mais c'était une précaution que chacun jugeait indispensable, par exemple lorsqu'on sortait du théâtre?. Mais, au temps de la première guerre Punique, les moeurs étaient encore simples et rudes; il n'y avait pas de théâtre permanent dans l'enceinte de Rome; les gens paisibles avaient rarement l'occasion de se trouver hors de chez eux après la tombée de la nuit; un personnage, qui traversait la ville à la lumière des flambeaux et au son de la flûte, devait attirer sur lui l'attention publique. En outre, il est très probable que les funalia et ceux qui les portaient furent mis à la disposition de Duilius aux frais du trésor public, et c'était en cela surtout que consistait le privilège. Les auteurs classiques et l'inscription du forum d'Auguste ont conservé le souvenir de cette innovation, parce qu'elle devait être mentionnée comme un événement par les premiers annalistes. Mais il n'est pas douteux que l'honneur, dont Duilius avait joui autrefois à titre exceptionnel, fut depuis accordé régulièrement à certains magistrats, comme une des prérogatives inhérentes à leur charge; car, dès le temps de César, nous le voyons attribué aux duumviri et aux édiles d'une colonie romaine d'Espagne, et il est inscrit une fois pour toutes dans la charte de cette ville 8; il faut en conclure que cet usage fut introduit dans les provinces à l'imitation de ce qui se faisait à Rome pour les personnages revêtus de magistratures curules. Horace parle aussi d'un brasier [BATILLUM], qui devait être porté devant les duumviri municipaux 9 ; sans doute il servait surtout à allumer les funalia, quand le magistrat et son cortège étaient surpris au dehors par les premières ombres de la nuit. Sous les Antonins il est question, dans les textes, du feu et de la lumière (7uip, p(TS;, lux) que l'on porte devant l'empereur et devant l'impératrice 1° ; ces expressions doivent désigner à la fois les cierges et le brasier où on les allumait: A cette époque il semble que l'État ne conférait plus à aucun magistrat, en dehors de la maison impériale, le privilège des funalia officiels. G. LAPAIT.