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FUNUS. GRÈCE. Les rites funéraires des Grecs, tout en se maintenant invariables sur les points essen
tiels, ont cependant subi, à travers les siècles, un certain nombre de changements qui correspondent aux différentes phases de la civilisation hellénique. On peut distinguer en gros trois périodes : l'époque mycénienne, l'époque homérique et l'époque historique, qui comprend elle-même la période ancienne et la période classique.
1. Période mycénienne. Nous désignons ainsi la période de plusieurs siècles représentée par les monuments de Mycènes et de Tirynthe, par les tombes à coupole et les tombes rupestres primitives de l'Argolide, de la Laconie, de l'Attique, de la Béotie, de la Thessalie, de la Phocide, par les nécropoles des îles de Crète, de Chypre et de Rhodes. Il est à peu près impossible, actuellement, dans l'état de nos connaissances, de remonter au delà de ces limites; les squelettes trouvés aux environs d'[lissarlik, dans de simples fosses en terre ou dans des jarres de terre cuite, en même temps que des outils de pierre et d'os, appartiennent encore à l'époque préhistorique et nous ne pouvons déduire de ces trouvailles que la pratique très ancienne de l'inhumation. L'hypothèse d'une nécropole à incinération à Hissarlik doit être abandonnée'. Les sépultures royales trouvées par Schliemann sur l'acropole de Mycènes comprennent six fosses rectangulaires cFeusées dans le roc, à une profondeur qui varie entre trois et cinq mètres, et fermées par des dalles et des plaques de schiste qui reposent sur des poutres protégées à leurs extrémités par des capsules de cuivre2. C'étaient donc de véritables chambres; elles renfermaient en tout quinze squelettes, dont deux ou trois de femmes et un d'enfant, qui y avaient été déposés intacts, peutêtre cependant après avoir été soumis, pour être conservés pendant la durée des obsèques, t une sorte d'embaumement sommaire3; ils avaient encore, chacune à sa place respective, les différentes pièces de leur toilette de parade; les femmes, le visage découvert, avaient le diadème, les colliers, les bagues, les broches, les pendants d'oreilles, les bracelets en or; les hommes la couronne, la ceinture, le baudrier en or, une bande d'or autour du fémur ; ils portaient en outre sur la figure des masques d'or qui avaient été façonnés d'après leurs traits mêmes. Ce sont les seuls exemples que nous ayons de l'emploi de ces masques dansla Grèce' Les vêtements deshommes avaient été cousus de plaques d'or; une fosse en renfermait plus de sept cents. Leurs armes étaient à portée de leur main. A côté des corps il y avait des vases dont plusieurs en or et en argent; le quatrième tombeau renfermait un autel cylindrique 4 et presque tous des résidus d'offrandes, cornes, os, cendres. Dans le remblai qui couvre les tombes, on a trouvé des ossements et des crânes humains qui peuvent provenir soit de l'inhumation d'autres personnes de condition inférieure, soit du
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sacrifice de prisonniers de guerre. Chaque tombe avait sans doute son tertre et sa stèle; on en a. retrouvé neuf, en entier ou en fragments, toutes orientées vers l'ouest, trois décorées de scènes de chasse et de guerre, une d'une sorte de méandre, les autres sans décoration'. Elles étaient dressées au milieu d'une enceinte circulaire,d'une sorte d'esplanade où Schliemann a vu avec une certaine vraisemblance l'agora de la cité primitive ; à l'époque classique, en effet, beaucoup de cités avaient ou croyaient avoir dans leur agora les sépultures de leurs héros.
Les tombes souterraines à dôme ou à coupole ont été trouvées, sur le territoire de Mycènes au nombre de huit,
l'Héraeon près d'Argos', à Vaphio et à Abbia en Laconie ',à Spata dans la Mésogée, à Ménidi près d'Acharnes,
Éleusis et à Thoricos dans l'Attique °, à Orchomène de Béotie' et à Dimini près de Volo en Thessalie7. Elles se composent essentiellement d'un couloir d'approche et d'une chambre ronde au-dessus de laquelle s'élève un dôme de forme parabolique; dans la tombe d'Orchomène et dans une des tombes de Mycènes ii y a, outre la rotonde, une charnbre latérale; à Palamidi il y a deux chambres, à Spata trois; à Vaphio on a trouvé après le couloir d'accès une fosse qui a peut-être eu pour but de recevoir les offrandes et les sacrifices et dans la rotonde une fosse inférieure dallée. Le sommet du cône devait dépasser la crête du terrain et peut-être portait-il un objet quelconque. Nous ne faisons qu'indiquer rapidement les dispositions essentielles des tombeaux, en renvoyant pour tous les détails d'architecture et d'ornementation à l'article suuucrtUM.
Ces tombes, pillées pour la plupart depuis longtemps, ne conservaient plus qu'une petite partie de leur mobilier funéraire, surtout des figurines de terre cuite, des pâtes de verre et des fragments d'ivoire, des perles de colliers en verre ou en pierre dure, des boutons, des vases de style mycénien; à Vaphio, dans la tombe restée intacte, on a trouvé un collier, des boules d'améthyste, des bracelets en pierres gravées, un gobelet d'argent et un gobelet d'or à portée de chaque main du squelette 8, vers la tête des instruments et des armes de bronze, des vases d'albâtre, d'argent et de terre, des lampes.
Les tombes creusées dans le roc de cette même période, plus ou moins analogues aux tombes de l'acropole de Mycènes, ont été trouvées à Mycènes dans la ville basse 9,
Palamidi" près de Nauplie, à Épidaure", à Athènes entre le Parthénon et le mur méridional de l'Acropole12,
Anticyra de Phocide", dans quelques-unes des Cyclades, en particulier à Mélos", à Rhodes dans la nécropole de Ialysos 15. Elles affectent différentes formes ; ce
sont tantôt des hypogées à une ou deux chambres, avec couloir d'approche, tantôt des caveaux taillés dans le roc et qui donnent directement sur le dehors; tantôt de simples fosses dallées ou recouvertes seulement de pierres". On y trouve des figurines et des idoles primitives, des vases de la période mycénienne, des armes ". Elles étaient peut-être en général surmontées de stèles". En Crète, les tombes de la période mycénienne ont fourni surtout des récipients funéraires en terre cuite, qui ont la forme soit de cuves, soit de caisses à parois rectangulaires, portées sur quatre pieds, avec un couvercle en forme de toit à quatre pentes, et qui devaient être enfermées dans des chambres voûtées19. Dans les nécropoles de Chypre, la sépulture comporte un puits vertical dé forme rectangulaire et un caveau creusé au fond du puits, soit dans l'axe même, soit sur une des parois latérales ; mais il y a trop d'incertitude sur le caractère et l'origine de cette période de la civilisation cypriote
pour que nous puissions l'utiliser pour notre sujet"Quels sont maintenant les rites funéraires révélés par
les monuments qu'on vient de voir? D'abord la plupart des tombes sont des tombes de famille 2', et l'on trouve toujours dans les hypogées un certain nombre de corps réunis; quand la tombe était pleine, on faisait de la place de différentes manières, tantôt en creusant des fosses dans le sol même ou des niches dans la paroi 22, tantôt en établissant une seconde chambre23, tantôt en empilant les os au fond du caveau et quelquefois peut-être en les brûlant", tantôt en les mettant dans des récipients tels que les cuves crétoises. Nous avons donc là la preuve d'une très forte organisation de la famille. En second lieu, nous ne trouvons de traces probables de l'emploi de l'incinération que dans les nécropoles de Chypre; mais ces tombeaux appartiennent plutôt à la civilisation phénicienne et orientale qu'à la civilisation hellénique; partout ailleurs nous ne rencontrons que l'inhumation. On a cru trouver quelques traces d'incinération sur l'acropole de Mycènes, à l'Héraeon, à Spatai6, mais elles peuvent s'expliquer par différentes causes accidentelles très postérieures, ou par l'habitude d'offrir des sacrifices dans la tombe, ou peut-être par la nécessité de brûler des os pour faire de la place t de nouveaux corps 26. L'inhumation a donc été la règle pendant cette période de plusieurs siècles. C'est d'ailleurs l'opinion qu'avaient les Grecs de l'époque historique : lorsque les villes grecques se mirent plus tard, aux vie et ve siècles, sur les conseils de l'oracle de Delphes, à chercher les restes de leurs fondateurs, elles rapportèrent non pas des cendres, mais des squelettes 27. En troisième lieu, la présence d'os, de cornes
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de taureaux, de moutons, de chèvres, de cerfs, au milieu de charbons et de cendres, dans les tombes de l'acropole de Mycènes, dans l'intérieur ou dans le couloir des tombes rupestres et des tombes à coupole prouve qu'on avait l'habitude d'offrir au mort des sacrifices, des victimes'. On peut sans doute attribuer aussi à cet usage des trouvailles de coquillages, d'huîtres, d'olives', et il devait y avoir des provisions du même genre dans les vases placés à côté des morts. La grande quantité de ces résidus de sacrifices et l'existence dans un des caveaux de_ Mycènes d'un autel creux ne s'expliquent que par une longue continuation de ce culte du tombeau. Les vases qui avaient servi aux apprêts du sacrifice étaient sans doute brisés et éparpillés dans la tombe 3. Offrait-on aussi des sacrifices humains? Égorgeait-on des captifs aux obsèques des chefs, comme on le verra dans l'Iliade? Les nombreux squelettes trouvés dans le couloir des tombes rupestres ou dans le remblai des fosses de l'acropole de Mycènes peuvent le faire supposer : mais il n'y a là qu'une hypothèse 4. En somme, nous trouvons déjà la conception de la vie posthume qui va persister chez le peuple grec jusqu'à la fin de son histoire et qui s'accorde mieux avec le rite de l'inhumation qu'avec celui de l'incinération le défunt continue dans la tombe une existence obscure, analogue à son existence antérieure, avec les mêmes besoins, les mêmes goûts, les mêmes plaisirs qu'il avait sur terre. C'est à cette idée que correspondent l'aménagement et l'ameublement de la sépulture, et toutes les précautions qu'on prend pour la protéger et la fermer. On enterre le mort avec sa plus riche toilette, ses objets de prédilection, surtout ses armes, avec ses trésors, si c'est un roi. Le mobilier funéraire comprend évidemment ce qu'il y avait de plus précieux dans la maison. On laisse en outre au mort de quoi se nourrir et se désaltérer et on renouvelle de temps en temps le repas funèbre. On n'oublie pas les idoles funéraires qui doivent protéger le défunts. Ces croyances auraient dû aboutir logiquement à l'embaumement, comme en Égypte; mais les habitants de la Grèce et de l'Asie Mineure n'avaient pas les substances nécessaires, telles que le nitre, les aromates. Ils ne sont arrivés qu'à cette sorte d'embaumement sommaire que nous allons retrouver dans l'épopée homérique et dont il y aura encore des traces à l'époque historique 6.
II. Période homérique. Nous retrouvons dans l'Iliade et dans l'Odyssée une partie des rites primitifs, mais ils ont subi sur certains points des modifications considérables L'ensemble des honneurs funèbres s'appelle xtips«8. Les morts y ont droit; c'est leur consolation; car du repos du corps dépend le repos de l'âme; la plus cruelle vengeance à l'égard d'un ennemi est le refus de sépulture'; les âmes de ceux qui ne l'obtiennent pas ne peuvent traverser le fleuve Hadès10; ceux qui ont négligé de rendre les derniers devoirs aux défunts encourent la colère des dieux11. Les cérémonies essentielles des funérailles sont celles qu'on retrouvera
à l'époque historique. Quand on a fermé les yeux et les lèvres du mort, le corps lavé, frotté de parfums par les amis ou les femmes 12, est exposé publiquement sur le lit funèbre (asxo;), les pieds tournés vers la porte ; c'est l'exposition (7rpé0srtç); elle dure plus ou moins longtemps selon la dignité du mort; ainsi Hector reste exposé douze jours, Achille dix-septf3. Cette longue durée de l'exposition ne peut s'expliquer que par cette sorte d'embaumement sommaire qu'on a vue dans la période mycénienne; c'est ce qu'indique d'ailleurs le sens primitif du mot Taoééety qui est plusieurs fois dans Homère14. Le corps est enveloppé dans une toile de lin, ;pipos ; il y a une toile de même matière sur le lit et une troisième qui recouvre le tout15. Pendant ce temps, tous les jours, les parents et les amis se livrent à différentes manifestations, généralement très violentes de leur douleur, les hommes se couvrent la tète et les vêtements de cendres, se roulent par terre, s'arrachent les cheveux18; les femmes s'égratignent les joues, se frappent la poitrine 17 ; on se prive de nourriture; on se coupe une partie ou la totalité de la chevelure pour la mettre sur le bûcher
II y a quelques gestes de douleur qu'on retrouvera sur les monuments figurés, par exemple l'extension de la main sur le cadavre 19. Les lamentations peuvent prendre la forme de véritables chants funèbres, Opr~vot, âo;i q ; il y a alors une ou plusieurs personnes, généralement les proches parents, qui sont Op-gvmv €,zpéot, c'est-à-dire qui chantent les premiers, à tour de rôle, des espèces de versets; les autres assistants, quelquefois le peuple entier, répètent une sorte de refrain 20. Après l'exposition on brûle le corps sur un bûcher, 7tups, 7tupxxn, de grosseur variable, selon le rang du défunt; on y brille en même temps les animaux et les autres objets préférés du mort (xtiipsx au sens primitif). On accompagne l'opération de lamentations, d'appels, d'adieux au défunt, de libations'', quelquefois d'holocaustes; ainsi Achille égorge en l'honneur de Patrocle douze Troyens, quatre chevaux, deux
chiens, un grand nombre de boeufs et de moutons 22 ; cette scène est représentée sur une ciste (fig. 3331) et sur un
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vase peint : au centre est un bûcher avec les armes du défunt; Achille égorge un prisonnier; d'autres, enchaînés, attendent leur tour'. On éteint ensuite la flamme avec du vin, on recueille les ossements et on les étend sur une double couche de graisse, pn les roule ensuite dans une toile et on les déposedans des récipients de différentes formes et de différentes matières,
urnes, vases, amphores (t t),rs, âu tpdpEuç), cassettes, cercueils (),zpvx;, corés) qu'on met dans un trou'; on élève par-dessus un petit monticule de terre, bordé de pierres, (tép.eios, 'rlp ov)3, à côté duquel on met une stèle; cet ensemble forme le monument, ailtt.x, zwp.x 4. La cérémonie se termine généralement par le repas funèbre (TéCpoV ôxa a;vat) 5. On célèbre ensuite différents jeux, surtout des courses de chars, en l'honneur des rois ou des personnages importants' [LUDI]. L'épopée homérique nous montre donc deux éléments nouveaux : l'usage de l'incinération et la croyance aux Enfers, où le corps du défunt se survit pour ainsi dire sous une forme vide et impalpable, comme une ombre, un fantôme'. Comment les populations dont l'épopée homérique reproduit les moeurs étaient-elles arrivées à l'usage de l'incinération? Sans doute c'était ce procédé qui permettait le mieux de ramener dans leur patrie les restes des guerriers morts' ; mais cette explication est insuffisante, puisque nous voyons les Troyens pratiquer également chez eux l'incinération; peut-être faut-il admettre que les Grecs d'alors ont voulu par l'emploi du bûcher refouler définitivement les esprits des morts dans les Enfers pour n'avoir plus à les redouter'.
III. Période historique. A. Époque archaïque. Nous
arrivons maintenant à l'époque historique. Les rites funéraires y sont toujours inspirés jusqu'à la fin par la même conception grossière et matérielle de la vie future. Elle résiste à tous les progrès de la pensée spéculative et de la philosophie, à l'influence des mystères, à la théorie de l'immortalité de l'âme, ou plutôt elle réussit tant bien que mal à se concilier avec ces nouvelles croyances. Si l'idée de la continuation de l'existence dans le sépulcre ne règne plus seule en maîtresse, c'est toujours elle du moins qui explique les cérémonies des funérailles, et le culte de la tombe beaucoup mieux que la croyance au séjour de l'âme dans les Enfers. L'accomplissement des funérailles est toujours, dans les idées des Grecs, un devoir essentiel. C'est ce qu'on appelle -r
voit une loi générale des Grecs, véE,os 77XVEX) 8 vuv 10. Après
chaque combat, les belligérants doivent régulièrement s'accorder une trêve pour ensevelir leurs morts, le plus souvent en masse [FOEDUS] ". Le procès intenté aux stratèges après la victoire des îles Arginuses, pour avoir négligé de recueillir les morts, montre avec quelle rigueur les Athéniens poursuivent cette sorte de sacrilège 12. Le passant doit jeter deux poignées de terre sur le cadavre
inconnu qu'il trouve sur son chemini3 et, d'après Élien, tourner sa tête vers l'Occidentf.. Dans l'Attique, la loi oblige les plus proches parents, d'abord ceux qui ont l'héritage, à recueillir, à ensevelir le mort, à purifier le dème; s'il s'agit d'un esclave, ce soin regarde le maître; c'est le démarque qui, dans chaque dème, veille'à l'observation de la loi; s'il trouve des récalcitrants, il procède lui-même aux cérémonies nécessaires et leur fait payer le double des dépenses; il s'expose pour toute négligence de ce devoir à 1000 drachmes d'amende''. Le fils qui n'a pas orné convenablement la tombe de ses parents peut être exclu d'une magistrature''', lors de la DOEIMASIA; s'il ne leur a pas rendu les derniers devoirs, il s'expose à une action publique, à une 7pxp'i pour xolzo ts rovéuv et il n'a même pas l'excuse, qu'il a en d'autres cas, d'avoir été maltraité par eux17; car même les enfants des courtisanes, même ceux que leurs parents ont prostitués ou à qui ils n'ont pas fait donner une éducation conforme à leur état, doivent à leurs parents une sépulture décente . Les gens frappés par la foudre sont ensevelis à l'endroit même de l'accidenti8. Dans toute la Grèce, les parents qui n'ont pas le corps du mort lui
élèvent cependant un cénotaphe, x6' Td. iov, XEVbV ~a9Ÿlp.a.,
qui a droit au même respect qu'un vrai tombeau19. Il n'y a que les criminels, surtout les traîtres, qui n'ont pas de funérailles ; leurs corps sont expulsés hors de la frontière20, ou jetés dans des lieux spéciaux, à Sparte dans le Céada, à Athènes à Mélité21. A Athènes on coupe la main droite aux suicidés et on les enterre sans cérémonie". A l'époque historique, les cérémonies funèbres ont été partout à peu près les mêmes; mais c'est sur celles de l'Attique que nous avons le plus de renseignements. Il y a eu presque partout des règlements sur les funérailles, surtout pour en restreindre le luxe et prohiber les manifestations excessives de la douleur. A Athènes, après les dispositions attribuées au légendaire Épiménide, est venue la loi de Solon que nous connaissons par des citations d'auteurs grecs, en particulier de Démosthène et de Plutarque 23 et par les emprunts que lui a faits la loi des Douze Tables2'°. Elle avait été adoptée par les Béotiens qui déférèrent les contraventions commises en cette matière aux magistrats appelés GYNAIxoNO3IOS''. Elle avait aussi inspiré la loi de Julis, ville de l'île de Céos, dont nous connaissions déjà quelques dispositions par l'historien Héraclide 26 et dont on a retrouvé le texte presque entier27. Nous avons, mais d'une époque postérieure, la loi de Gambréion, en Mysie 28. Les funérailles comprennent partout quatre actes essentiels : la toilette funèbre, l'exposition, le transport et la mise au tombeau.
1° La toilette funèbre. L'usage romain 29 de recueillir le dernier souffle du mort paraît avoir été étranger aux Grecs; les représentations de l'agonie même sont rares; on n'en connaît guère que deux, sur des stèles d'Oropos et du Pirée 30. Une épigramme de l'Anthologie fait allu
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sion à une scène du même genre On ferme la bouche et les yeux du morte; nous voyons, sur un vase peint du Louvre (fig. 3332), une sorte de mentonnière en forme
de bandelette qui lui serre le menton pour empêcher la bouche de s'ouvrir d'elle-même3. On ne voile pas la figure; c'est démontré par les monuments, où le mort a toujours le visage découvert ' ; c'est une des recommandations expresses de
la loi deCéos5. L'usage de mettre une obole dans la bouche du mort pour le nocher Charon n'est pas très ancienne; Homère et Hésiode ignorent encore Charon; on ne peut préciser à quelle époque cette légende a pris naissance en Grèce ; en tout cas, au
vie siècle, elle est établie dans les croyances populaires'. L'usage de l'obole n'a cependant pas été général; on ne trouve pas d'oboles dans la nécropole archaïque du Dipylon à Athènes, ni dans celle de Mégara Hyblaea7 ; elles sont très rares dans toute l'Attiques; un lécythe blanc attique du ve siècle paraît pourtant (fig. 3333) montrer une obole entre les doigts d'un éphèbe assis sur les degrés de son tombeau et prêt à monter dans la barque de Charon 9. Au contraire, il y en a dans
presque toutes les tombes des nécropoles de Myrina, des environs de Kertch et d'Anapa, à Céphallénie 10. On
a trouvé une pièce de monnaie dans la bouche d'un mort à Tarente ". Ces monnaies sont placées soit à côté, soit entre les dents ; il y en a une seule, ou plusieurs jusqu'à douze et même davantage 12. Pour empêcher une putréfaction trop hâtive, on lave et on frotte le corps de parfums et d'essences : ce soin appartient généralement à des femmes choisies parmi les plus proches parentes13, et il est bien nettement représenté (fig. 3334) sur un vase à figures noires représentant la mort d'Actéon 14. Le corps est ensuite entouré de bandelettes15 et enveloppé dans un linceul16 qui, pour les éphèbes, est remplacé par la chlamyde77 ; à Sparte on emploie plutôt pour les hommes le vêtement de guerre,
la ?otvtxtç16.L usagedes
masques funéraires a disparu; mais on con
. troue à orner le corps
° de différents objets de
toilette qu'on retrouve
souvent dans les tom
bes à. la place qu'ils
devaient occuper pri
mitivement, surtout
des colliers, des ba
gues, des broches,
des amulettes, des bracelets, des bandelettes d'or (arXsy '(ç) destinées à retenir les cheveux 19; la ténuité et la fragilité de la plupart de ces bijoux indiquent bien qu'ils étaient de destination purement funéraire 20. Les trouvailles d'objets de ce genre sont innombrables et prouvent que chaque pays a ses habitudes; la toilette du mort est beaucoup plus luxueuse, pari exemple, dans les colonies grecques du Pont-Euxin, dans l'Asie Mineure que dans l'Attiquee'; mais presque partout on orne la
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tête du mort d'une couronne qui est soit de fleurs, soit de métal, souvent d'or, imitant un feuillage [coxoNA] 1. L'État peut décerner une couronne d'or à un morte. Nous ne savons pas exactement quel sens avait cet ornement; le scholiaste d'Aristophane 3 y voit la récompense décernée à l'homme après le combat de la vie ; Lucien paraît croire que les fleurs de la couronne jouent le même rôle que les parfums, pour diminuer la mauvaise odeur4. A Myrina on a trouvé de petites plaques de bronze portant le nom du mort et destinées à être attachées à son corps 5; elles rappellent ces tablettes d'héliastes qu'on a souvent trouvées dans les tombeaux de l'Attique et auxquelles Aristophane paraît faire allusion 5; à Mégare on a trouvé également des plaques de marbre carrées avec les noms des défunts 7.
2° L'exposition, 7rpaEo-tç. Elle a lieu, du moins dans
l'Attique, le lendemain de la mort; il a dû en être de même dans le reste de la Grèce ; cependant à Thurii elle a lieu la nuit 8. Elle est absolument nécessaire; on expose même les ossements des gens morts au dehors qu'on ramène dans leur patries. Platon paraît y voir un moyen d'éviter l'ensevelissement de gens en catalepsiel0. Pour le détail, la loi de Solon laissait chacun libre 11. Le mort repose allongé, avec un coussin sous la tête 12 les pieds vers la porte 13, sur un lit (x),ivr)) qui est placé
soit dans la maison, soit dans l'atrium; dans la loi de Julis, ce lit doit être à pieds en forme de coin14; il est également à quatre pieds sur les monuments figurés15 Il est orné de branchages, à Sparte de feuilles d'olivieri', à Athènes d'origan et de vigne' 7; on l'entoure, à Athènes, de lécythes blancs à représentations funéraires, sans doute remplis de parfums et qui doivent être déposés au tombeau18, en même temps que les couronnes de fleurs, de feuilles d'ache ou d'olivier et quelquefois d'or envoyées par les parents 19. Le linceul du mort, le drap posé sur le lit et le drap qui recouvre le tout constituent les trois couvertures qu'autorise la loi de Solon20; la loi de Julis dit que les trois linceuls ne vaudront pas ensemble plus de 100 drachmes2S; mais dans beaucoup de pays ils sont plus luxueux ; un tombeau de Kertch renfermait plus de 300 plaques d'or qui avaient dû être cousues sur une étoffe23. Les linceuls sont généralement de couleur blanche 23,quelquefois noire ",quelquefois, comme l'indiquent les monuments figurés, violette ou verdâtre 25. On met devant la porte de la maison un vase rempli d'eau de source, Pôxvtov, pour que les personnes qui sortent de la maison puissent se purifier2G. A Julis la loi défend l'usage pratiqué jusque-là de mettre une coupe sous le lit et de répandre l'eau27. Les monuments figurés montrent encore d'autres objets dans la chambre mortuaire :
une ombrelle 23, un éventail qui sert sans doute à chasser les mouches 29. Parmi les assistants il y a généralement les proches parents et les amis invités; les hommes sont libres de rendre les derniers hommages à qui ils veulent; il n'y a de limitation d'aucune sorte30; mais, pour les femmes, la loi de Solon n'autorise à assister à l'exposition que celles qui sont âgées de plus de
soixante ans ou, au-dessous de cet âge, seulement les proches parentes jusqu'aux filles de cousins germains31 Ainsi il y a identité entre la liste des femmes admises à l'exposition et la liste des parents au degré successible ab intestat". Dans la loi de Julis les seules femmes qui doivent entrer dans la maison sont les parentes jusqu'aux filles de cousins et encore pas toutes, car au delà du
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degré de soeur on n'admet que cinq femmes nubiles et deux enfants; ce sont probablement les proches parentes jusqu'aux soeurs qui sont souillées par le contact du mort ((1.tatvou v«t)1. Sur une plaque du musée du Louvre «fig.
3336),lesfemmes sont désignées par les noms qui indiquentlesplus proches degrés de parenté; sur la plupart des monuments figurés, les femmes sont en majorité', car elles ont le rôle principal dans la cérémonie.Tousles assistants ont
des costumes de morte, t deuil, de couleur
noire 4 ou grise 3,
d'après les textes; mais nous ne voyons de vêtement absolument noir que sur un seul vase °; sur les lécythes, il y a des nuances violettes, vertes' ; à Argos la loi autorise les vêtements blancs'; à Julis, d'après Héraclide, les hommes n'ont pas de vêtements de deuil; à Gambréion, la loi fixe la couleur des habits de deuil, blancs et noirs (9a.os) pour les hommes et les femmes, mais les hommes peuvent les porter blancs.
C'est surtout pendant l'exposition, comme le montrent les textes et les monuments, qu'ont lieu les manifestations du deuil'. Les différentes législations ont essayé de les modérer. A Sparte, Lycurgue a interdit les plaintes 10. Charondas a fait des règlements du même genre". D'après Héraclide, la loi de Julis interdit aux hommes de se couper les cheveux. La loi de Solon interdit également les clameurs des femmes, les gémissements inarticulés (xc)xûetv), les thrènes composés à l'avance, l'emploi de chanteurs et de chanteuses étrangers12; mais elle laisse subsister les chants funèbresl3 et d'ailleurs les monuments (fig. 3337) prouvent qu'elle n'a pas été rigoureusement observée 14. Il est probable que le thrène de l'époque historique, chanté, d'après les grammairiens, sur le mode phrygien ou carien, ne diffère pas essentiellement de celui de l'époque homérique''; il s'appelle
O ivoçç ou É7rtx ietov (s.-ent. ü6u.x); les grammairiens
essayent inutilement d'établir une distinction entre ces deux mots". Pollux mentionne le Ofa vwôtiç, personnage loué pour chanter, ou qui conduit le chceurl7. Nous
n'avons pas d'autres renseignements sur ce sujet. Nous ne savons à quel moment on pouvait chanter les thrènes que Pindare avait composés pour de riches familles; on devait plutôt les chanter dans des cérémonies commémoratives 18.
Il faut citer aussi l'usage qui se maintient encore de se couper les cheveux, sans doute pour les mettre dans le tombeau"; la loi de Julis qui l'interdit aux hommes le laisse peut.être subsister pour les femmes.
Les monuments figurés représentent souvent la scène de l'exposition. Elle se trouve par exemple sur une série de vases dont les plus anciens, ceux du Dipy
lon (fig. 3338)20, remontent peut-être au vile siècle, sur des loutrophores à figures noires et rouges, sur des plaques de terre cuite (fig. 3336), sur de nombreux lécythes (fig. 3339), sur une stèle attique''. On y voit les différentes attitudes des assistants 22; ils sont en général debout,fontle simulacre de s'arracher les cheveux, tendent les bras vers le corps; plusieurs personnes tiennent des offrandes destinées au tombeau, surtout les bandelettes de deuil ('ratv(a) pour
du vie siècle montre à côté de l'exposition d'une morte l'intérieur du gynécée avec plusieurs femmes qui s'oc
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lesquelles il ne semble pas qu'il y ait eu da couleur obligatoire, car il y en a de rouges, de noires, de violettes ; sur un lécythe figure un oiseau sous le lit du mort; c'est sans
doute aussi une offrande'. Une plaque à figures noires
capent du petit orphelin (voy. p. 466, fig. 2397) 3.
3° Le transport (ïx?opc.). -Dans beaucoup de villes il y a encore, avant le départ, des libations et des sacrifices funèbres; à Athènes il n'y'a plus guère que des libations, D'après la loi de Solon, le transport a lieu le lendemain de l'exposition, à la fin de la nuit, avant le lever du soleil, pour ne pas en souiller les rayons On ne doit
même, dans cette fin de la cérémonie, prononcer le nom d'aucun dieu'. Le transport a lieu sur le lit de l'exposition, souvent surmonté d'un baldaquin et orné de branches et qui est porté soit à bras (fig. 3340), soit sur un char à quatre roues; dans le premier cas les porteurs sont, à l'origine, des parents ou des esclaves de la maison', plus tard des porteurs payés, vsxpopôpot, vExçoO07rrzt, x),t,taxrippot8; on peut sans doute prendre des citoyens pour les morts de distinction9. Le char est généralement traîné par deux chevaux, quelquefois par des mulets10 (fig. 3341). Les membres du cortège s'avancent derrière le corps dans un ordre qui n'est pas abso
lument déterminé, avec le norme costume qu'à l'exposition. Il y a en tête une femme, l'Éy7uTp(azpta, portant un vase appelé yu-:r(5, pour les libations''. Viennent ensuite les hommes revêtus soit du costume de deuil, soit du costume de guerre avec leurs armes, et qui, dans ce dernier cas, sont souvent montés à cheval. A l'époque ancienne, avant les lois de Solon, il y a eu sans doute beaucoup plus de magnificence dans le cortège, comme le prouvent les peintures des vases du Dipylon (fig. 3342) où les hommes sont souvent montés sur des chars et où la voiture funèbre a des proportions considérables". Mais on a dû, même plus tard, autoriser
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le costume militaire pour les hommes; car Platon demande dans ses Lois qu'à l'enterrement des premiers citoyens de l'État, les éphèbes marchent en tête en cos_ tume militaire', et il se peut que l'éphèbe armé, coiffé
du pétase et drapé dans l'himation, qui figure sur plusieurs vases 2, signifie primitivement cette assistance des hommes armés 3. Derrière les hommes il y a les femmes qui ont assisté à l'exposition'"; mais les peintures de
vases montrent souvent, pour l'époque ancienne, d'autres hommes derrière les femmes. La marche est fermée par des joueurs de flûte; la loi des Douze Tables en limite le nombre à dix 5, il est probable qu'il y avait la même
disposition dans la loi de Solon. Ces musiciens accompagnent-ils des thrènes? Nous ne savons pas exactement. Dans l'Attique, quand le défunt a succombé à une mort violente, on porte en tête du cortège une lance qui in
dique le droit de vengeance des, parents; on la plante ensuite sur le tombeau autour duquel on veille pendant trois jours. La loi de Julis recommande le silence pendant le transport'. A Athènes, dans les enterrements publics des soldats morts à la guerre, on recueille et on
expose les ossements sous une grande tente; on leur offre les hommages et les libations ordinaires, puis on les transporte dans dix cercueils et sur dix chars, un pour chaque tribu; un onzième char porte un lit vide pour les corps disparus; le cortège comprend les citoyens
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et les femmes'. La cérémonie du transport n'est représentée que surunpetitnombre de monuments figurés dont les principaux ont déjà été énumérés'. On y voit souvent le geste tradi
tionnel, l'extension de la main vers le défunt'. La figure du mort est toujours découverte, comme l'ordonne la loi de Julis4.
44° La mise au
tombeau. Cette cérémonie diffère selon les époques et, à la même époque, selon le mode de sépulture.
L'époque primitive est celle à laquelle correspondent les vases du Dipylon. Les fouilles ont prouvé qu'on y avait pratiqué presque exclusivement l'inhumation. On n'a guère trouvé qu'une tombe à incinération dans la nécropole du Céramique et une autre dans la plaine au sud-ouest du Pnyx5; les tombeaux caractérisés par les vases de la période géométrique à Éleusis ont donné les mêmes résultats'. Des deux tombes à incinération connues, l'une était une simple fosse en terre, l'autre devait avoir la forme d'un caveau ; les cendres y ont été trouvées dans des urnes en bronze; l'une était portée sur un trépied du même métal' ; la seule marque extérieure était sans doute le vase du Dipylon trouvé encore en place sur une des tombes'. Au Céramique, les fosses à inhumation sont simplement creusées dans la terre; à Éleusis elles sont entourées de dalles ou de briques ; quelquefois une décoration de plaques de terre cuite peintes forme le pourtour de la cuve funéraire 9; on connaît aussi l'exemple des sarcophages peints de Clazomènes f °. Le mort y a été déposé allongé, peut-être enveloppé dans les linceuls, comme on l'a vu à propos de l'exposition. La loi de Julis, qui ordonne de rapporter les linceuls à la maison", a sans doute été particulière à ce pays. II n'y a pas de cercueil. Le mobilier funéraire disposé autour du mort est plus ou moins riche; au Céramique il comprend des armes, des diadèmes, des rubans d'or, des vases, des hydries; en Béotie on trouve des fibules et d'autres ornements en bronze12
On rencontre en outre, à Athènes, à côté de tombes qui paraissent être du vie siècle des tas d'ossements de victimesi3. Ce sont là les indices d'un ancien culte des morts, tel que le décrit Platon''`, qui comporte ces holocaustes que va interdire Solon 15 et que la loi de Julis autorise encore d'après l'usage des ancêtres16. Les grands vases du Dipylon, trouvés dans les tombes,
n'étaient sans doute pas destinés à être brisés ; on devait plutôt les conserver, après les avoir utilisés pour la cérémonie funèbre, et en laisser un au dessus de la tombe comme marque exté
rieure i7.
Il ne semble pas qu'il y ait eu de règle fixepour l'orientation de la tombe ni du corps. Au Céramique, quelques corps, surtout d'enfants, ont été trouvés dans des vases, par exem
ple une am
phore, un grand
pithos'8.
La loi de Julis 19 interdit quelques pratiques qui devaient avoir cours plus anciennement, par exemple l'usage de por ter au tombeau les balayures de la chambre de l'exposition70. Les stèles, mises à côté des tombeaux, sont rares; celles qu'on a sont brutes, sans ornements2'. La présence de nombreux chars sur les vases peints du Dipylon fait croire qu'on continua à célébrer des jeux funèbres en l'honneur du mort, et cet usage persista
longtemps encore, comme semble l'indiquer une peinture (fig. 3344) où un char de course est représenté à côté d'une stèle qu'on achève de décorer 22
A l'époque historique, à partir du vie siècle, nous constatons dans les rites des funérailles des changements assez importants. Il est probable d'abord que, par suite des groupements politiques et de la concentration de la population dans les villes, les tombeaux de famille, souvent isolés jusque-là 23, s'agglomèrent de plus en plus pour former des nécropoles. Nous les trouvons toutes en dehors des villes, mais à peu de dis
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tance, et surtout le long des routes. Les exemples de cette disposition abondent '. A Athènes, en particulier, il est absolument interdit d'enterrer dans la ville2; il n'y a guère que Sparte, plutôt grand village que ville, qui fasse exception à cette règle3. L'usage des tombeaux de famille persiste jusqu'à la plus basse époque, car on trouve souvent plusieurs morts dans la même fosse, et d'époques différentes : on pouvait donc rouvrir une sépulture pour y enterrer successivement plusieurs personnes; les chambres funéraires de Panticapée et d'Olbia sont de véritables ossuaires où l'on a fait de la place à de nouveaux corps en creusant de nouvelles cavités pour les cendres et les os des premiers morts'. Or il était formellement interdit de mettre un étranger dans une tombe de famille; des centaines d'épitaphes sont suivies d'une formule interdisant de violer le tombeau ou d'y introduire une personne étrangère sous peine de malédiction ou d'une amende à payer à un temple, à la ville, au fisc, ou d'un procès pour TupAyEuf(a 5. Si le terrain où était situé un tombeau de famille passait à un étranger', le précédent propriétaire gardait peut-être, pour y accéder, un droit de passage. A l'époque romaine il y a des places dans ces tombeaux de famille non seulement pour les parents, mais souvent aussi pour les affranchis et les esclaves7. Ces tombes ont quelquefois un périmètre assez étendu' ; on les entoure d'arbustes, même de parterres'. Il va sans dire qu'en tout cela il s'agit surtout des familles riches; les tombes des petites gens sont beaucoup moins bien garanties; car la nécropole du Céramique nous montre des tombes presque contempo
raines établies les unes sur les autres"En second lieu, il y a maintenant emploi simultané de
l'inhumation et de l'incinération11. Mais sauf pendant les guerres ou Ies épidémies, l'inhumation qui est beaucoup moins coûteuse est la plus fréquemment employée 12 ; c'est seulement à l'époque romaine que l'incinération l'emportera pour disparaître ensuite sous l'influence du christianisme. Il n'est pas question du bûcher dans la loi de Julis. C'est l'inhumation qui prédomine dans les nécropoles de Megara Ilyblaea13, de Tanagra 14, de Myrinal5, d'Aegae en Éolide 16 ; à Athènes, au Céramique, l'incinération paraît dominer aux vie et ve siècles et l'inhumation au IVe17, et il en est de même à Érétriel8. Les deux modes paraissent avoir été également employés à Panticapée et à 01bia19.
La forme du tombeau varie selon les pays et surtout selon la nature du terrain; on peut distinguer dans l'ensemble les fosses creusées dans la terre et les constructions élevées au-dessus du sol. Les fosses sont sim
plement taillées dans le roc ou dans le sol, ou bien ce sont des récipients déposés en terre, sarcophages, cercueils, cuves, etc. 2'; il y avait au-dessus du sol quatre sortes principales de monuments, les tumuli, les stèles les édicules et les cippes 2t. Si la plupart des tumuli ont disparu 2G sous l'action du temps, du vent et à cause de la culture du sol, nous savons cependant qu'ils étaient très nombreux dans les nécropoles. Milchhoefer croit que ce monument a été le plus usité à Athènes au ve siècle et que cela explique la rareté des reliefs funéraires de cette époque23. Les peintures des vases et surtout des lécythes blancs reproduisent le tumulus sous la forme d'un petit monticule24. Platon, tout en restreignant le luxe des constructions, permet d'élever un tumulus qui exige le travail de cinq hommes pendant cinq jours 25. Le tumulus était généralement surmonté d'un vase funèbre (fig. 3345), d'abord en terre cuite 26, plus
tard, dès le ve siècle, le plus souvent en marbre 27. On trouvait encore au-dessus des sépultures des cippes, des colonnettes, des édicules, quelquefois de simples urnes2s. On mettait un loutrophore sur la tombe des personnes non mariées 29. Souvent les tombes de gens du peuple n'avaient aucun signe extérieur. A Clazomènes, dans l'île de Vourla en face de Clazomènes, à Rhodes, on a trouvé aussi des sarcophages en terre cuite, souvent peints, en forme de cuves30. Voilà les principaux types de tombeaux connus. Pour les détails de constructions, la décoration sculptu
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raie et les idées religieuses qu'on y attachait, nous renvoyons à l'article SEPULCRUM.
Les tombes à incinération sont naturellement de deux sortes, celles où le mort a été brûlé sur place, et celles où l'on n'a mis que le récipient des cendres et des os. Les tombes de la première sorte sont surtout des fosses spacieuses, qui ont encore
des traces du feu, des débris de bois, des cendres; quelquefois le corps a été brûlé dans le sarcophage déjà en place dans la tombe'. Cette opération pouvait se faire avec une quantité relativement petite de bois. Pendant la crémation on faisait des libations, puis on jetait dans le bûcher les morceaux des vases et ensuite, après l'extinction du feu, le mobilier fu
néraire.
Quand la cré
mation avait lieu en de
hurs du tombeau, elle se faisait sans doute à proximité de la nécropole dans un endroit spéciale. Les cendres et les os du corps sont souvent encore enveloppés d'un linge, comme à l'époque homérique3. Les récipients des cendres et des os, les ostothèques ont toutes les formes; on trouve au Céramique des amphores grossières, des hydries'', un grand cylindre avec un couvercle plat et renfermant une urne en bronze', une cassette de bronze sans doute enfermée dans un coffre de bois; dans l'Eubée des urnes de bronze 6 ; en Sicile, en Cyrénaïque, à Panticapée des vases et des urnes de différentes formes""; à Myrina des vases de terre ou de métal'. On n'a pu mettre dans les ostothèques que de petits objets et il y a également peu de mobilier funéraire dans les tombes qui les renferment. Au Céramique il n'y a pas de tombes d'enfants à incinération; il est donc vraisemblable qu'à Athènes comme à Rome, les enfants très jeunes sont tous inhumés 9.
Les tombes à inhumation peuvent se ramener, comme on l'a vu, à trois groupes : les fosses simples, les petits récipients de terre cuite et les sarcophages. Dans les fosses et les sarcophages, il y a généralement sous le corps, qui est couché sur le dos, les bras allongés 10, soit un lit de sarments ou de branchages ", soit un matelas en feutre 1Y, ou en diverses substances, varech, sciure de bois"; il se peut qu'on ait mis aussi un coussin sous la tête du mort. Dans les fosses simples,
rarement dans les sarcophages de pierre ou de marbre, il devait y -avoir comme premier récipient un cercueil
assez grand nombre pour qu'on puisse croire que cet usage a été général, au moins pour les fosses simples". La forme du cercueil est indiquée (fig. 3346) par un loutrophore attique à figures noires 16. Mais nous ne savons à quel moment précis on mettait le corps dans le cercueil. Les petits récipients de terre cuite sont tantôt des cercueils recouverts de briques plates ou en forme de toit'', tantôt des cuves allongées pour les enfants17, tantôt des vases, surtout de grandes amphores fermées, qu'on trouve couchées et où on introduisait le corps par un trou fait sur le côté ; mais, à l'époque postérieure, on ne met plus dans les vases que des enfants 13. Les sarcophages sont tantôt enfoncés simplement dans la terre, tantôt emboîtés dans une fosse de tuf, tantôt placés dans une chambre sépulcrale : cette dernière disposition est surtout celle des sarcophages en bois de Panticapée et d'Olbia "Al y a des exemples de tombes qui sont à la fois à inhumation et à incinération 20. On trouve souvent dans les sarcophages, audessus du corps, une quantité plus ou moins grande de terre : y avait-elle été mise intentionnellement ou faut-il y voir des sédiments laissés par les eaux 2' ? II est difficile de se prononcer. Il ne semble pas qu'il y ait eu de règle sur l'orientation des tombeaux ni sur celle des corps23 La scène de la déposition figure au naturel sur une amphore à figures noires 23 (fig. 3346), et avec les dieux funèbres Thanatos et Hypnos sur quatre lécythes blancs: ces dieux soutiennent le corps du défunt et s'apprêtent à le déposer au pied d'une stèle (voy. p. 18, fig. 2287) ; leur présence paraît exprimer une croyance populaire, le rôle du dieu de la Mort qui endort l'homme et l'enlève" Quand le mort a été déposé dans la tombe, on lui offre des libations; la loi de Julis n'autorise que trois conges de vin et un d'huile 2' ; on brise, en général, une partie des vases qui ont servi à cet usage et on en jette les débris, soit avec le corps, soit au-dessus du récipient; c'est un usage général; cependant la loi de Julis ordonne de rapporter ces vases à la maison 26. Les sacrifices
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proprement dits ont à peu près disparu dans l'Attique au v° siècle, mais ils subsistent encore dans d'autres pays; la loi de Julis, on l'a vu, les autorise encore et les colonies grecques du Pont-Euxin les pratiquent également à l'époque historique 1. Puis on dépose à côté du corps le mobilier funéraire ; il est généralement plus riche pour les hommes que pour les femmes. Les objets, surtout les vases, sont jetés habituellement au hasard, dans le fond de la fosse ou dans les grands récipients ; cependant, les objets de toilette sont souvent à côté de la partie du corps à laquelle ils étaient destinés; ainsi, les miroirs sont à portée de la main ou vers la tête. Les petits récipients ne contiennent naturellement qu'un très petit nombre d'objets. On retrouve souvent une partie du mobilier, par-dessus les plaques de la couverture, sous une petite couche de terre 2 ; c'est le cas des vases qui servent aux banquets funèbres. Beaucoup d'objets, non seulement en terre cuite ou en verre, mais en bronze, en métal, ont été brisés anciennement et sans aucun doute avec intention : cette coutume ne peut guère s'expliquer que parce qu'on les considérait comme souillés ou par la crainte d'une violation du tombeau; on brisait les objets pour décourager les voleurs.
Le mobilier ordinaire d'une tombe se compose de différentes catégories d'objets . 1° Les objets de toilette et les ornements fixés au corps du défunt que nous avons vus. 2° Les objets qui ont appartenu au mort et qui lui ont servi dans les usages journaliers de la vie 5 ; ils sont naturellement d'une variété infinie ; pour les hommes, ce sont surtout les armes 6, peu nombreuses dans les tombes de l'Attique, les fibules, les strigiles, les bagues, les cannes, des jeux divers, surtout de dés, d'échecs, d'osselets ' ; pour les femmes, les miroirs, souvent enveloppés dans du lin ou du papyrus 8, les boîtes et fioles à parfums, où on trouve encore souvent des matières odoriférantes°, les pierres ponces, les stylets, les aiguilles et les petites lames de toutes sortes, les cure-oreilles, les médaillons, les bracelets, les boucles d'oreilles, les petits objets en verre, bagues, perles, imitations de pierres précieuses 10; pour les enfants, surtout les jeux, les osselets, les gobelets. 3° Les objets destinés à recevoir la boisson ou la nourriture du mort, coupes et soucoupes, plats de terre cuite et de bronze, bouteilles de toutes sortes, oenochoés, alabastres; ce sont parfois de simples simulacres. On trouve souvent encore des débris des mets offerts au mort, os, châtaignes, miel, coquilles d'oeufs, blé, graines de melon 11. On sait qu'on offrait aussi au mort un gâteau de
miel destiné à adoucir Cerbère (fhE),1TOUTTa) 12. 4° Les
monnaies qui représentent l'obole de Charon. 5° Les figurines de terre cuite, la partie la plus intéressante du mobilier [sIGILLA]. 6° Les poteries et les verreries. Les
IV.
poteries appartiennent à tous les genres. Ce sont soit des poteries communes, bouteilles, amphores, cratères, oxybaphons, alabastres, aryballes, oenochoés, phiales, soit des poteries de luxe, coupes, vases peints, et, presque exclusivement dans l'Attique, les lécythes blancs à représentations funéraires dont nous avons vu le rôle dans l'exposition'', soit des lampes en terre cuite. 7° Des objets divers, des manches de fouet, des sacs en cuir, .un panier d'osier, un masque en or représentant Athéna14, des clochettes, des clous [cLAVUS], des hameçons, des plumes à écrire, des coffrets en bois i5, puis, toute la catégorie des objets dits de substitution, simples symboles des offrandes véritables, par exemple, des fleurs, des fruits, des tables servies en terre cuite, de petits modèles de constructions funéraires, stèles, colonnettes, des miroirs, des clochettes, des fauteuils en terre cuite. Il reste à signaler trois groupes particuliers d'objets. On trouve en plusieurs endroits des ossements d'animaux domestiques qu'on enterrait parfois avec le mort 'G, d'oiseaux dans l'Attique, de moutons, de chiens, de chevaux à llyrina et surtout dans les tombes gréco-scythes de Panticapée 17. Toutes les nécropoles préhistoriques et historiques du monde ancien ont fourni en nombre considérable des objets qui se ramènent à deux formes principales, des pyramides et des cônes en terre cuite, et des disques plus ou moins bombés, faits de différentes substances. Quelle qu'ait été la destination naturelle de ces objets, qu'il faille y voir des pesons de métiers ou des poids, nous savons pertinemment qu'ils ont été employés comme ex-voto religieux ; il n'est pas étonnant qu'ils aient servi d'offrandes funéraires 18.
La déposition au tombeau est le dernier acte des funérailles proprement dites. A l'époque historique, il n'y a plus de jeux funèbres; dans les enterrements publics on prononce alors le discours funèbre [EPITAPHIA]. D'après la loi de Julis, les femmes reviennent de la cérémonie avant les hommes 19. Puis on procède à la purification de la maison mortuaire et de ses habitants 20; à Julis, les personnes souillées sont purifiées le lendemain avec de l'eau, la maison avec de l'eau de mer et une autre matière dont le nom a disparu 21. Ensuite a lieu le repas funèbre, 7tep(1t7rvov, auquel prennent part les parents et ofi on fait l'éloge du mort 22. Solon avait restreint les dépenses des funérailles, mais nous n'avons pas les chiffres de sa loi 23. Platon les fixe à cinq mines pour les citoyens de la première classe, à quatre pour ceux de la deuxième, à deux pour ceux de la troisième et à un pour ceux de la dernière 2i. Gélon, à Syracuse, avait aussi diminué les frais 25. Quelques associations religieuses, des thiases font enterrer leurs membres, pauvres à leurs frais : nous avons des exemples pour Athènes et Tanagra 26. On célèbre, en outre, sur le tom
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beau, le troisième jour après les funérailles, les T?(-:z (sous-ent. ivTcnta) cérémonie qui consiste en un repas funèbre offert au mort' ; le neuvième jour les ivvzta 2, puis le trentième jour la Trtaxx; ou les Tptarles, qui comprennent un sacrifice et un repas Les textes qui nous donnent ces renseignements s'appliquent surtout à Athènes, mais ces coutumes sont générales en Grèce, comme vont nous le montrer les documents archéologiques ; on peut même dire qu'elles s'appliquent à toute. l'antiquité, puisque la loi des Douze Tables interdit à home ces cérémonies '. La loi de Julis interdit également l')ffrande du trentième jour (TPtYix06Tta) 5. On peut renouveler le repas à l'anniversaire soit de la mort
soit de la naissance; dans ce dernier cas, ce sont les revata pour lesquels les défunts ont souvent laissé par testament un certain capital'. A. Julis, le sacrifice annuel s'appelle ivtaéata ; il entraîne pour la maison et les parents une souillure de trois jours, pendant lesquels ils ne doivent pas aller au temple 8. Cette pratique aboutit dans beaucoup de pays à une sorte de culte des héros 9. Les vExéata, dont parlent les grammairiens, sont probablement une fête générale des morts, célébrée tous les ans dans chaque ville, à Athènes au mois boédromion '°; en Crète, il y a le mois vExuatoç. A Platées, on célébrait tous les ans une fête en l'honneur des Grecs morts à la bataille de Platées"; elle avait lieu le matin; le cortège se composait d'un joueur de flûte, de chariots pleins de myrtes et de couronnes, d'un taureau noir, de jeunes gens qui portaient les vases de vin, de lait, d'huile et de parfums pour les libations; l'archonte, en tunique rouge, l'épée à la main, allait chercher l'hydrie déposée au local des archives publiques, faisait sur les stèles des libations et des aspersions d'eau et de parfums, tuait le taureau, offrait des voeux à Jupiter et à Mercure, convoquait les morts au repas et à la libation de sang et vidait en leur honneur un cratère de vin. On offrait également des victimes aux héros nationaux
ainsi, d'après Pindare ", le héros Pélops recevait chaque année des libations de sang, et, à l'époque de Pausanias, on lui sacrifiait encore un bélier noir ". Platon demande dans ses Lois" qu'on célèbre tous les ans, pour honorer la mémoire des principaux magistrats, des concours musicaux, gymniques et équestres. Outre ces cérémonies régulières, les parents et même des étrangers font, de temps en temps, des visites aux tombeaux pour renouveler les offrandes 15.
Ce culte du tombeau a tenu dans la vie et dans l'art des Grecs une place considérable. Il faut y distinguer les offrandes au mort et les offrandes à la stèle. Parmi les offrandes au mort, il y a d'abord le repas funèbre. Les monuments qui le représentent ont fait l'objet de nombreuses controverses qui se ramènent à quatre hypothèses i° : P le banquet est un souvenir de la vie réelle
des défunts sur la terre ; 2° c'est l'image de la vie des bienheureux dans leur séjour ; 3° il représente les repas offerts à des divinités ; 4° il reproduit les repas funéraires offerts aux morts par les survivants. Cette dernière hypothèse est la plus vraisemblable. Nos monuments se rapportent surtout à l'Attique, aux Cyclades, â la Thrace, aux colonies du Pont-Euxin, aux côtes méridionales de l'Asie Mineure ; pour ces régions, le banquet figure sur plus de trois cents stèles, bas-reliefs, terres cuites de toutes les époques, sur de nombreux ex-voto à Esculape, sur beaucoup de lécythes blancs'. C'est la principale manière d'honorer le mort, de réjouir son ombre. On trouve sur les bas-reliefs et les stèles [sEPuLcRUM] d'abord le type simple, le mort assis sur un trône, ayant à côté de lui sa femme, recevant la libation et quelquefois se versant le vin lui-même, puis les complications ultérieures, nées sous l'influence d'idées nouvelles ; le mort est maintenant couché sur un lit, tandis que sa femme reste assise à ses côtés ; la libation devient un véritable banquet, servi sur une table et en présence
de toute la famille (fig. 3347) "; on mêle à cette scène d'autres sujets empruntés aux mythes funéraires, les Adieux, le Cavalier, etc.; à l'époque gréco-romaine, la table et les assistants disparaissent ; il ne reste en présence que le mari et sa femme et le caractère conjugal de la scène prédomine de plus en plus 19. Nous n'avons pas à étudier ici ces conceptions artistiques qui ne répondent pas à la réalité ; elles trouveront place à l'endroit où l'on doit traiter de la décoration du tombeau [sEPULCRUl1I]. Les peintures des lécythes blancs du v° siècle et les vases italo-grecs du ive 2° montrent mieux le véritable caractère et la simplicité de ce repas; il se compose de fruits et de gâteaux et d'une libation faite sur les degrés de la stèle avec de l'eau, ou du vin, ou du lait, ou un liquide miellé 21 ; mais il se peut que dans certaines régions, en dehors de l'Attique, it y ait eu un véritable repas 22. On offre ensuite au mort diffé
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rents objets qui lui rappellent sa vie passée, par exemple à un soldat une épée à un pêcheur une nasse et une rame 2, à une femme un miroir, un éventail', On offre encore des oiseaux 5, des vêtements
Parmi les offrandes à la stèle, il y a surtout les bandelettes6, les couronnes et les guirlandes de feuillage7, les fleurs 8, les lécythes à parfums posés sur le tumulus ou fixés à la stèle 9. On arrose et on frotte même la stèle avec de l'huile et des par
j' fums (fig. 3348) 'o
(( Tous ces objets offerts au mort ou à la stèle, étaient laissés sur place ;ils constituent évidemment une partie du mobilier qu'on
retrouve aujourd'hui à peu de profondeur dans la terre; et c'est pour cette raison qu'il y a sur plusieurs inscriptions funéraires des menaces d'amendes et des imprécations contre ceux qui oseraient les prendre ou les déranger"; d'après Lucien on les faisait quelquefois surveiller par un gardien ". Outre les objets que nous avons vus, il y a sur les peintures des vases les ustensiles nécessaires au culte du tombeau: la corbeille aux
offrandes, xavot v, xxvrÿ, xavicxtov, qui est toujours dans
les mains d'une femme", le coffret qui renferme les bandelettes, les objets de toilette" et les différents vases pour les libations (ptz)c )16 et un vase qui est particulier à l'Attique, soit une pyxis, soit une plémochoé".
Sur les peintures des vases, quoiqu'il y ait parfois des hommes", ce sont cependant les femmes qui jouent le rôle prépondérant dans ce culte du tombeau; les attitudes sont, en général, plus calmes que dans l'exposition ; il y a des gestes d'adoration [ADORATIO, p. 1181 qui consistent à étendre la main à plat vers la tombe ou à l'élever à la hauteur du visage, avec deux doigts, en général, le pouce et l'index réunis19; les vêtements ont souvent des couleurs claires qui indiquent que le temps du deuil est fini20. Le mort est souvent représenté sur les lécythes (fig. 3349 et plus haut fig. 3333) par un personnage assis qui reçoit les offrandesL1, quelquefois, comme sur plusieurs vases et bas-reliefs de l'Attique, par un éphèbe qui joue de la lyre 22; mais le personnage assis n'est pas toujours le mort". Enfin les vases indiquent encore la conversation des assistants avec le défunt 2' et la coutume de faire de la musique au pied du tombeau
pour le distraire; l'instrument est toujours la lyre 25. Il ne faut pas confondre ces repas funèbres qu'on vient de
décrire et qui sont offerts spécialement au défunt avec les vrais repas des survivants, faits à côté des tombeaux; ainsi en Thrace, à l'époque impériale, un thiase célèbre chaque année le jour des ROSALIA un repas funèbre près du tombeau de ses donateurs 26
La durée du deuil varie selon les pays ; à Argos, à Athènes et sans doute à Julis, elle est de trente jours 27 ; à Sparte de onze jours et le douzième jour il y a un sacrifice à Déméter 28 ; à Julis, les hommes n'ont pas de vêtements de deuil, ne doivent pas se couper les cheveux, et la mère porte une année le deuil de son enfant". A Gambréion de Mysie la loi fixe la durée du deuil à trois mois pour les hommes, à quatre pour les femmes, la couleur des vêtements de deuil, blancs et noirs, pour les hommes et les femmes; les hommes peuvent les porter blancs ; le magistrat compétent en ces matières est le gynéconome; les femmes délinquantes sont exclues pendant dix ans des sacrifices.
Ce régime des funérailles qu'on vient d'exposer subsiste sans changements essentiels jusqu'à l'époque romaine. On voit cependant reparaître les expressions exagérées de la douleur, l'habitude` ?mir les hommes de se couper les cheveux 30, ou, au contraire, plus tard, sous l'influence des idées romaines, de les laisser croître 39, les sacrifices coûteux, les jeux funèbres, l'emploi des chanteurs et chanteuses payés, toutes les pratiques que décrit Lucien dans un de ses Traités 32. Les constructions funéraires deviennent, comme à Rome, de plus en plus luxueuses. On voit de véritables monuments, des sarcophages décorés de sculptures et de basreliefs. A Athènes, Démétrius de Phalère avait inutilement renouvelé les prescriptions de Solon contre le luxe des funérailles et des tombes". Cu. LÉCRIVAIN.
ÉTRURIE. Les rites funéraires des Étrusques ne nous sont guère connus que par les monuments figurés. Pourtant l'Étrurie, comme l'Égypte, a eu son Livre des Morts où étaient consignées toutes les prescriptions et les croyances relatives à la mort ou à l'autre vie. C'étaient les Libri 'cheruntici' qui faisaient partie du grand recueil des rituels où était renfermée la législation religieuse et civile des Étrusques2. Les Livres Achérontiques avaient été traduits au me siècle de notre ère par Cornelius Labeo, sous le titre de De dis animalibus3. Mais il est impossible de se faire une idée nette de cet ouvrage d'après les rapides allusions qu'y font Arnohe et Servius. On y peut suppléer heureusement par l'étude comparée des nombreuses scènes funéraires qui sont représentées sur les bas-reliefs des sarcophages, des stèles, des cippes et des autels ou sur les fresques des tombeaux. Grâce à tons ces monuments, on peut reconstituer avec assez de précision les cérémonies des funérailles chez les Étrusques : toilette et exposition du mort, procession et déposition au tombeau, offrandes, banquets et jeux funèbres.
Toilette du mort et exposil ion. Entrons tout d'abord dans la chambre mortuaire. Sur une urne de Volterra est représenté le moment
qui suit immédiatement le décès : une femme ferme les yeux du défunt (voy. plus loin fig. 3339) ". A Corneto, sur le panneauprincipal de la Grotta del Morto, on voit le mort étendu sur son lit; une jeune femme, montée sur un escabeau, lui voile le visage ; une autre personne, debout au pied du lit, ramène le vêtement sur les jambes du dé
funt; à droite et à gauche, d'autres assistants font de grands gestes dP,.?î_ç,solation5 (fig. 3330). Sur un bas-relief de Chiusi (fg. 3331), des femmes entourent le lit; deux
mouches G. Souvent, sur les bas-reliefs funéraires, la chambre mortuaire est envahie par des êtres du monde infernal, qui semblent guetter leur proie : génies funèbres, Charons ou Furies'. Tantôt ces démons assistent simplement à la toilette du mort : par exemple, sur une urne de Volterra déjà citée, on voit s'approcher un génie qui conduit par la main un jeune homme et, dans le coin à droite, un autre génie attend, glaive en main 8. Tantôt, au contraire, cos démons cherchent à entraîner le mourant, et leur présence donne lieu à des scènes violentes ou attendrissantes. Sur un sarcophage de Vulci s'engage une sorte de lutte contre les divinités infernales: deux démons ailés, aux bras entourés de serpents, s'emparent d'une jeune fille; le père veut la retenir, la mère est debout derrière lui avec ses enfants Un sarcophage de Chiusi nous montre les adieux attendris de deux époux: à droite, la femme, entraînée par un génie ailé, se tourne vers son mari qu'accompagnent six personnes de la famille; à gauche, un autre génie sort du caveau10.
Après la toilette funèbre avait lieu l'exposition solennelle sur un lit d'apparat. On dressait ce lit dans le vestibule de la maison, comme on le voit sur un cippe de Chiusi, aujourd'hui au musée de Berlin, où le lit est placé
sous la colonnade d'un édifice à fronton ". Une fresque de la tombe dite del letto funebre représente le lit de parade vide: sur l'oreiller est encore le capuchon (tutu/us) qui couvrait la tête du défunt 12. C'est là, au seuil de sa maison, que le mort recevait les adieux solennels de tous les siens'". Un basrelief de Pérouse nous fait assister à une scène tou
chante, un enfant qu'on approche du lit et qui embrasse une dernière fois sa mère'''.
Le rite essentiel de l'exposition funèbre était la com
d'entre elles tiennent des vases contenant les parfums pour oindre le mort, une autre un éventail pour chasser les
plainte ou lamentation (conclamotio fane/iris), exécutée par les parentes et les pleureuses à gages qui faisaient
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le geste de s'arracher les cheveux et de se déchirer les joues (fig. 3352) Debout, au pied du lit, une femme interpellait le mort, tandis que d'autres femmes, les bras levés, répétaient le refrain. Ces chants se faisaient au son des instruments. On voit dans la figure 3352 un joueur de flûte au pied du lit; ailleurs les chants sont accompagnés par la cithare. Tous les personnages de cette cérémonie sont représentés sur des bas-reliefs de Pérouse, de Chiusi, de Florence.
Procession et déposition au tombeau. Au jour fixé pour les funérailles, un cortège solennel se formait devant la mai
son pour accompagner le mort.L'importance du convoi variait naturellement suivant la condition sociale et la fortune de la famille. Souvent le mort semble conduire luimême son convoi. Une fresque de la tombe del Ti
fone à Corneto fait défiler sous nos yeux un groupe très animé ' au premier plan, le défunt vêtu d'une toge, le bras droit découvert; sur son épaule, la griffe de Charon, dont on aperçoit par derrière la figure grimaçante et le maillet; au second plan, de nombreux personnages, jouant de divers instruments ou portant des offrandes [EfRuSC1, p. 8'iI, fig. 2824]. Ailleurs le mort est monté sur un char, qu'escortent les amis et les parents, les musiciens, même des génies funèbres3. Les bas-reliefs d'une urne cinéraire de Vulci représentent, d'une part, un joueur de flûte et des pleureuses, d'autre part, un char à quatre roues, traîné par deux mules ; sur le devant du char, le cocher, et, derrière lui, le mort dans son linceul, entouré de ses parents (fig. 3354); l'âme
du défunt, figurée par un oiseau, voltige au-dessus des mules ; un chien suit le char'.. Quand il s'agissait d'un personnage de marque, la procession prenait l'aspect
d'un triomphe : le défunt s'avançait sur un char magnifique, précédé de licteurs, accompagné d'une foule d'amis ou de curieux, suivi de pleureuses, de joueurs de flûte, de cor et de trompette. Sur un bas-relief du musée de Volterra (fig. 3353), défilent successivement une troupe de musiciens jouant de la trompette, de la cithare, de la double flûte; puis un char triomphal à quatre chevaux, où le mort se tient debout; à côté du char voltige un génie funèbre; par derrière, un enfant et un esclave portant un boucliers. Ce qui est surtout caractéristique dans ces défilés funèbres, c'est le rôle actif qu'y joue souvent le défunt luimême. Il est
vraisemblable, suivant
l'hypothèse de M. Martha que dans ces cortèges le mort était représenté par un
mannequin ou un histrion. C'est ainsi que les choses se passaient à
Rome 7 ; et
nous savons que les Étrusques aimaient beaucoup ce genre de mascarades, puisqu'ils s'en servaient, même à la guerre, pour effrayer leurs ennemis 8. C'étaient sans doute aussi des acteurs qui représentaient ces génies funèbres si souvent mêlés au cortège.
L'itinéraire de la procession variait suivant le mode de sépulture : en cas d'inhumation, on conduisait directement le corps au tombeau; en cas d'incinération, on se dirigeait d'abord vers le bûcher. Ces deux systèmes de sépulture ont été également en usage chez les Étrusques, et cela sans doute à toutes les époques 9. A l'origine (période des tombes a pozzo et a Tossa) prédomine l'incinération'°. Depuis le vile siècle, on préféra d'ordinaire l'inhumation", mais sans renoncer tout à fait à l'autre système : des bas-reliefs de Pérouse" et des plaques de terre cuite peinte de Cervetri" représentent la procession funèbre s'acheminant vers l'autel où l'on va brûler le corps.
Enfin l'on gagnait le tombeau. A l'origine, pendant la période des sépultures a pozzo et a Tossa, aucun signe extérieur ne l'annonçait. Mais depuis le vue siècle, époque où se généralise l'usage des caveaux taillés dans le roc, l'emplacement de la sépulture était ordinairement indiqué par quelque emblème funéraire, un tumulus, une borne, une colonne, une pyramide, un cippe ou une stèle, des lions ou des sphinx '£, des griffons, une façade sculptée dans le roc [sEPULCRUol]. Par un étroit couloir, le mort pénétrait dans sa nouvelle demeure. La forme
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et les dimensions du caveau dépendaient de l'importance sociale et du caprice de la famille : c'était une simple galerie, précédée ou non d'un vestibule, une chambre rectangulaire ou circulaire, ou tout un appartement décoré de piliers, de pilastres, de corniches et de fresques. Mais toujours le tombeau était pour le mort une véritable habitation. Si le corps avait été brûlé, on plaçait dans une des niches du caveau l'urne qui contenait les cendres. Dans les tombes à inhumation, un banc faisait tout le tour de la chambre, ou bien des lits funéraires étaient rangés le long des murs ou enfoncés dans des alcôves : c'est là qu'on déposait le cadavre, enfermé ou non dans un coffre de bois, de terre cuite ou de pierre'. Là le mort devait continuer à vivre au milieu des siens : une même tombe renfermait toute la famille, même les esclaves; on y a trouvé souvent des restes d'animaux domestiques, chiens, chevaux, volatiles 2. On veillait à ce qu'il ne manquât rien aux habitants de la tombe : c'était la raison d'être des offrandes.
Offrandes. On observe entre les rites funéraires et les croyances des Étrusques la même contradiction que chez les Égyptiens ou chez les Grecs. A l'origine, on pensait que l'âme ne quittait point le corps et continuait de vivre obscurément dans la tombe. Plus tard on admit qu'elle se rendait aux enfers, pour y subir sa peine ou s'y relever par l'expiations, Ainsi s'explique la présence des divinités infernales dans beaucoup de pointures ou de bas-reliefs funéraires : départ du mort", monté sur un char (voir t. I, p. 1528, fig. 1993), ou bien sur un cheval que conduit Charon ou quelque génie funèbre (voir t. 1, p. 1100, fig. 1360) ; troupes d'âmes, enveloppées de linceuls, poussées vers l'enfer par des démons 6, scènes
infernales où figurent MANTUS et MANIA 6 [CHARON] et les Furies [FUMA]. A son tour, le mort devenait Lare, Larve ou Mâne [LARES, MANES] 7. Par des sacrifices et des expiations [PIAcULU9I], il pouvait monter au rang des génies 3. Pourtant ces croyances nouvelles ne changèrent rien aux rites funéraires qui, jusqu'au bout, restèrent d'accord avec les croyances primitives. On admit que, tout en se rendant aux enfers, l'âme accompagnait le corps au tombeau, sous la forme d'un oiseau, d'une figure ailée, d'une ombre enveloppée d'un linceul'; cette image effacée du défunt y vivait d'une existence à demi matérielle et y conservait les besoins d'autrefois. D'où la nécessité des offrandes et du mobilier funéraire.
Tout d'abord, pour préserver l'ombre de l'anéantissement, on multipliait dans la tombe les portraits du mort : de là, ces figures sculptées ou moulées sur le couvercle des sarcophages [sARCOPuAGUS]; de là ces masques funéraires des urnes primitives10, ces canopes en forme de bustes (voir p. 837, fig. 2806 à 2808), ces statues et ces groupes cinéraires (p. 837, fig. 2809; p. 838, fig. 2810). Si l'âme du défunt voulait s'égayer ou s'attendrir au souvenir des joies ou des douleurs passées, elle n'avait qu'à contempler toutes les scènes de sa vie ou de sa mort que reproduisaient les peintures murales, les bas
reliefs des sarcophages, des urnes et des cippes [ETIIUSCI]. Pour, subvenir aux besoins de sa pâle existence, dans son tombeau en forme de maison, elle trouvait autour d'elle des vases de toute sorte, des armes, des pièces d'équipement, des objets de toilette, des couronnes, des bijoux ou du moins des imitations de bijoux, des gâteaux en terre cuite et des ustensiles de ménage. Évidemment, le mobilier funéraire s'est modifié, et surtout s'est enrichi avec le temps". Aux urnes, aux poteries grossières, aux ustensiles et aux figurines informes des vieilles nécropoles à incinération se substituent ou s'ajoutent peu à peu les objets en or, en argent ou en ivoire, les poteries corinthiennes, les vases de bucchero nero, les coupes phéniciennes de la période gréco-orientale, les vases peints et les chefs-d'oeuvre de l'industrie attique, les cistes, les miroirs, les vases noirs à reliefs de la période étrusco-campanienne [ETRUSCI]. Mais l'idée qui préside à ces offrandes reste la même : il s'agit de fournir au défunt tout ce dont il peut avoir besoin. D'ailleurs le mort n'était pas trop exigeant et se contentait des apparences. Pour le satisfaire, il suffisait de meubles et d'ustensiles peints au mur ou sculptés en relief dans la roche S2, comme le prouve la curieuse tombe dei Ililievi à Cervetri (voir p. 836, fig. 2802).
Banquets et jeux funèbres. Les cérémonies des funérailles étaient complétées par un repas funèbre [COENA], auquel s'ajoutaient souvent des danses, des courses, des jeux de toute sorte.
Les Étrusques ont toujours passé pour aimer beaucoup la bonne chère 13. Aussi le repas funéraire, partout en usage dans l'antiquité, était-il célébré en Étrurie avec un luxe tout particulier. Comme il se donnait en l'hou, neur du mort, dont on réservait la part, il avait lieu souvent dans le caveau même : on a retrouvé dans une tombe de Volterra, outre la vaisselle, des débris de cuisine, des os de chèvres et d'oiseaux'. Si les convives étaient nombreux, on s'installait en dehors de la grotte: sur beaucoup de fresques, le banquet se passe en plein air, au milieu d'arbres 13, sous une tente 16 ou un abri de feuillage)', ou devant la façade du tombeau ornée de guirlandes 's. Près de certaines grottes d'Orvieto ont été découverts des amas de bois carbonisé et des détritus de tout genre, restes des repas funéraires 19. Pour renouveler sans cesse au profit du mort les joies du festin, on en fixait le souvenir autour de lui par 1 e moyen de la sculpture ou de la peinture. Sur de nombreux couvercles de sarcophages ou d'urnes, le défunt est représenté banquetant, seul ou en tête à tête [ETRUSCI]. Les fresques et les bas_ reliefs reproduisent souvent, sous tous ses aspects, l'image complète du repas funéraire. Tantôt ce sont les préparatifs [ETRUSCI, p. 8117] : des victimes arnenées au sacrifrce20; des esclaves disposant les tables et pétrissant les gâteaux aux sons de la flète2t ; ou les pièces de -viande-suspendues, la volaille, le gibier, un lièvre, des perdrix, un chevreuil, un boeuf entier". Tantôt comme dans la figure 3355 (voy. aussi COENA, p. 1276), c'est le festin lui-même :
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un seul lit portant deux convives, ou deux lits, ou un triclinium 1; dans une peinture de Cervetri, on compte jusqu'à neuf lits et dix-huit personnages2. La scène se développe tout le long de la paroi où sont ouvertes les niches dans lesquelles les morts sont couchés Dans toutes les représentations funéraires le défunt doit être
considéré comme présent et recevant les honneurs dont elles sont destinées à perpétuer le souvenirs. Quelquefois les femmes forment des groupes à part', mais le plus souvent elles se mêlent aux hommes; les convives sont représentés dans les attitudes les plus variées, richement vêtus, couronnés de fleurs, buvant, jouant, faisant de la
musique ou conversant familièrement"; autour d'eux, des serviteurs, des musiciens, des danseurs, même des animaux familiers.
Il est probable qu'en Étrurie, comme à Rome, le repas funéraire, célébré d'abord le jour des funérailles' était renouvelé à des dates fixes : une première fois, neuf jours après 6; puis à l'anniversaire de la mort ou à la fête annuelle des Trépassés'. Nous savons en effet que, d'après les Livres Achérontiques, on pouvait assurer l'immortalité aux âmes par le sacrifice de certaines victimes à certains dieux10. Un bas-relief de Pérouse représente une procession se rendant au tombeau pour un sacrifice de ce genre: en tête, un héraut armé d'un bâton; puis trois prisonniers enchaînés portant les objets destinés à la cérémonie; puis deux femmes voilées, puis un groupe d'hommes armés qui conduisent des mules et un chien; enfin, poussées par des esclaves, les bêtes qu'on va immoler, deux béliers et deux bceufs11. Sur un sarcophage de Chiusi, aujourd'hui au Musée du Louvre (fig. 3355), les préparatifs du sacrifice et le repas qui en est la suite se trouvent réunis 12.
Ces repas funèbres étaient accompagnés de danses (fig. 3335 et plus haut, p. 848, fig. 2845).11 semble même que ces danses étaient quelquefois exécutées à part, avec plus de solennité, et par un personnel plus nombreux. Dans la Gratta del Triclinio à Corneto, elles se déroulent sur deux parois entières de la tombe : la scène se passe en plein air, sous des arbres où voltigent des oiseaux;
dix danseurs s'y démènent en cadence, les hommes alternant avec les femmes, quelques-uns jouant de la lyre, de la flûte ou des castagnettes13. Parfois même ces danses donnaient lieu à des concours : sur un basrelief de Chiusi on voit, à droite, un groupe de pyrrhichistes et un musicien jouant de la double flûte; à gauche, les juges sur une estrade (voy. t. I, p. 150, fig. 185)14.
Au programme des funérailles, s'il s'agissait de grands personnages, figuraient des jeux variés [LuDI] : courses de chevaux et de chars, lutte et pugilat, saut, exercices d'adresse, parades de mimes, de nains et de bouffons. Ce genre de scènes est fréquent sur les bas-reliefs et les fresques. A Chiusi, par exemple, dans la Grotta Casuccini, une fresque représente une course de chars, à laquelle prennent part trois concurrents15, et, dans la Grotta della Scimia, d'autres fresques montrent après les luttes (fig. 3356) le couronnement des vainqueurs, auquel préside une femme en deuil assise sur un siège élevé ; devant elle un joueur de flûte est debout sur une estrade ib.
La partie la plus caractéristique de ces jeux funéraires était les combats de gladiateurs [GLADIATOR]. Ces luttes sanglantes avaient sans doute pour origine les sacrifices humains que les Étrusques, comme primitivement les Grecs et les Romains, célébraient en l'honneur des morts, près du tombeau17. Un détail curieux donne beaucoup de vraisemblance à cette hypothèse : nous savons que les Romains ont emprunté aux Étrusques la mode des combats de gladiateurs f8, comme presque tout
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l'appareil de leurs jeux et de leurs cérémonies triomphales 1 ; or, l'habitude s'était conservée à Rome, même
sous l'empire, de faire enlever les cadavres des gladiateurs par un esclave qui, avec le nom de Pluton, por
tait le costume et le maillet de Charon, le démon
familier des funérailles étrusques 2. PAUL MONCEAUX.
ROME. Dans son acception vulgaire, le mot funus' désigne la cérémonie des funérailles. Mais, dans un sens plus large, il s'applique à l'ensemble des rites à observer depuis le décès jusqu'à l'inhumation. C'est, en effet, dès le moment du décès que la maison' et la famille du défunt deviennent funestae', et elles cessent de l'être par le fait de l'inhumation G. On doit même rattacher au funus le sacrifice qu'on offre aux mânes du défunt le neuvième jour après les obsèques, et lI pas (cena nevemdialis) avant lequel les convives quittent les habits de deuil'. Nous aurons donc à décrire les rites funéraires avant, pendant et après les obsèques.
Ces rites sont, en principe, les mêmes pour toutes les funérailles. Il y a cependant, au point de vue du cérémonial, des différences assez notables : aussi convient-il de distinguer à cet égard le funus translaticium ou vulgare, le fanas indictivurn et le fanas militare. D'un autre côté, il y a également à distinguer, au point de vue des personnes qui font célébrer les funérailles, le funus privatunt et le funus publicum.
Deux traits caractérisent les funérailles romaines, prises dans leur ensemble : c'est d'abord l'importance que les Romains attachent à ne pas mourir sans sépulture et la solennité qu'ils donnent à la cérémonie des obsèques ; puis, l'absence des représentants du culte public 8. L'un et l'autre caractère sont une conséquence des croyances des Romains sur la mort °. Loin de considérer la mort comme une dissolution de l'être, ils pensaient que le défunt continuaità vivre sous la terre 10. D'autre part, ils croyaient que la vue ou le contact d'un cadavre entraînai t une souillure dont il était essentiel de préserver les prêtres pour ne pas entraver l'exercice du culte public".
niers adieux. C'est une coutume bien touchante et attestée par de nombreux témoignages que celle de
recueillir le dernier soupir d'un mourant, en lui donnant le baiser suprême 12. Elle avait chez les anciens une raison d'être spéciale : elle se rattachait à la croyance que l'âme s'échappe du corps par la bouche 73.
La scène des derniers adieux est une de celles que les artistes ont le plus volontiers reproduite. Mais nous devons laisser de côté, comme on l'a fait pour les Grecs, les monuments [voy. SEPULCRUM] où cette scène a été représentée d'une manière conventionnelle, sans rapport direct avec la vie réelle, et les sujets empruntés à la mythologie 14, plus ou moins appropriés aux circonstances de la mort de celui dont on voulait perpétuer la mémoire. Un bas-relief du musée de Vérone, représente une jeune fille à demi couchée sur son lit. A côté d'elle sont trois personnages. Une inscription, placée au-dessous de chacun d'eux, indique leur qualité : c'est le père, la mère et l'oncle paternel. Le père tient la main de la mourante et semble l'encourager. Trois autres personnages, dans l'attitude de la douleur, complètent le tableau'°. Une scène analogue est figurée sur un autre relief étrusco-romain du musée de Vérone16
Sur un sarcophage qui a été retrouvé à Paris 1', on voit (fig. 3357) les parents réunis autour d'un mourant
et témoignant leur douleur par leur attitude. Maffei rapporte aussi au moment qui précède la mort le sujet reproduit par lui i8 d'un sarcophage, où l'on distingue encore, dans un relief très effacé, deux personnages jouant,
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l'un de la trompette, l'autre du tambourin (fig. 3358). Ces musiciens auraient été appelés avant le décès : on
voulait, dit Maffei, 1 empêcher le moribond d'entendre les imprécations qui auraient pu lui nuire 2 ou les maléfices qui auraient pu vouer son âme aux divinités infernales 3. Il appuie sa conjecture sur un fragment de bas-relief conservé au musée du Collège romain, où l'on voit deux enfants jouant, l'un de la tuba, l'autre du cornu; mais cet ouvrage ne peut être considéré comme antique.
20 Oculos condere. Lorsque la mort est venue, on ferme les yeux au défunt (oculos condere 4, premire 5, operire5, claudere 7). Cette scène est représentée sur une urne funéraire trouvée à Volaterre «fig. 339) qui appartient à la période romaine de l'art étrusque. Le dé
flint est couché sur son lit. Une femme placée derrière lui, pose les deux mains sur les yeux. A côté d'elle se tient une divinité funèbre, tandis qu'au pied du lit une autre divinité tend la main à un jeune homme, probablement le fils du défunt.
C'étaient habituellement les enfants qui fermaient les yeux de leurs parents. On a prétendu cependant qu'une
IV.
loi Maenia le leur avait défendu 9. Dans la Satire Ménippée de Varron, il y a une pièce qui a pour titre : Lege Maenia. Le premier fragment est ainsi conçu : « Contra lex Maenia est in pietate, ne filii patribus luci claro suggillent oculos 30. » L'examen des fragments de cette loi prouve que Varron parle ici au figuré, et que cette loi, qui paraît être de l'an 568 de Rome, eut pour but de régler les conflits qui pouvaient s'élever entre le père et le fils marié, quant à l'exercice du droit de répudiation ".
Kirchmann12 pense qu'aussitôt après le décès, on retirait au défunt ses bagues (anulos delrahere). Mais le passage de Pline 13 qu'il invoque parle d'esclaves qui vont dérober les bagues des gens endormis et des mourants. Les autres textes qu'il cite sont tout aussi peu probants 11. Il est certain, d'ailleurs, que les morts étaient enterrés avec leurs anneaux : on a trouvé un grand nombre de bagues dans les tombes antiques 15. Même quand on brûlait le corps, on n'enlevait pas l'anneau 16
30 Conclamalio. Dans le bas-relief reproduit plus haut (fig. 3357), on voit un des assistants tendre les bras vers le défunt, comme pour l'appeler. En effet, après avoir fermé les yeux au défunt, les proches parents l'appellent à plusieurs reprises", et ils renouvelleront encore cet appel, jusqu'à ce que le corps soit porté au bûcher ou enterré 1$. Ils cherchent, sans doute, à s'assurer que la mort n'est pas apparente : telle est, du moins, l'explication de Pline l'Ancien, e t divers exemples prouvent quela précaution n'était pas inutile 19. Wasmandorff 20 fait des réserves sur le mérite de cette explication. Les auteurs anciens de l'époque impériale cherchent volontiers à justifier, d'une façon rationnelle, des coutumes qui primitivement eurent, suivant toute vraisemblance, un but religieux. IL est probable que l'appel qui est fait après la mort, comme celui qui a lieu lors de la consécration d'un cénotaphe, s'adresse à l'âme du défunt : on veut la retenir en lui donnant l'assurance qu'elle n'aura pas longtemps à errer sans sépulture. Cet appel se renouvelle, en effet, jusqu'au moment où l'huinatio étant accomplie, on dit au défunt un dernier adieu en lui souhaitant que la terre lui soit légère 21.
On a prétendu qu'on se servait, pour accompagner la conclamatio, d'instruments à vent, mais cette opinion ne se fonde que sur des monuments qui ne sont pas antiques". Dans la figure 33581es deux scènes séparées par l'effigie en médaillon du défunt peuvent se rapporter à des moments différents des funérailles.
4° L'nctura. Après la conclamatio, le corps est descendu du lit, dressé sur les genoux (supra genua (ollere) 23, comme pour voir si la vie l'a abandonné 2i, puis, il est posé à terre (deponere) 25, lavé à l'eau chaude 25 et par
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fumé' pour empêcher la décomposition trop rapide du corps 2. Les unguenta, dont on faisait usage, étaient composés de sel ', de cédrie 4, de miel', de myrrhe 6 et de baume 7. La loi des Douze Tables proscrivit l'emploi du vin myrrhe (murvata potio) 3 : la myrrhe était, en effet, un article de luxe, un produit exotique quo les Romains achetaient très cher aux Carthaginois.
Aux derniers siècles de la République, c'est un esclave, le pollinclor, qui était chargé de parfumer le corps'. Cet usage était contraire à la loi des Douze Tables 1', si du moins il est vrai, comme le pensent la plupart des auteurs, qu'en prohibant la servais
les décemvirs aient voulu défendre l'emploi des esclaves pour cet office 11.
50 Habillement du mort. Une fois lavé et parfumé, le corps est revêtu de la toge 12. Cet usage se conserva même à l'époque où un grand nombre de citoyens se contentaient de porter la tunique et se protégeaient contre le froid ou le mauvais temps avec la paenula. Aussi Juvénal a-t-il pu dire que, dans une grande partie de l'Italie,personne ne porte plus latoge,sinon après la mort13.
On se servait généralement d'une toge blanche pour le commun des citoyens '4, ou même, si le défunt était trop pauvre, on l'enveloppait dans un morceau d'étoffe noire 15. Mais, toutes les fois qu'on le pouvait, on employait les tissus les plus riches 16 Les magistrats étaient revêtus des insignes de leurs fonctions". Parfois celui qui se sentait en danger de mort se faisait mettre ses costumes les plus beaux : tels les sénateurs, après la prise de Rome par les Gaulois 18.
60 Couronnes. Suivant Tertullien, il était d'usage à Rome de couronner les morts 19. La loi des Douze Tables, tout en réprouvant le luxe des funérailles, prescrivit cependant de déposer sur la tête du mort les couronnes qui lui avaient été décernées durant sa vie, soit dans les jeux publics, soit en raison de sa valeur 20. Qu'il eût été vainqueur dans une course à pied n, au pugilat ou dans une lutte corps à corps", ou qu'il eût été gratifié d'une couronne civique ou triomphale [CORONA, t. I
p. 1534 et 1535], la loi voulait qu'après sa mort, on mit sur son front la marque de sa bravoure.
Le témoignage des auteurs anciens a été confirmé par les monuments archéologiques. Dans plusieurs tombeaux italiques, on a trouvé une couronne d'or sur la tête du squelette. Ces couronnes étaient formées de feuilles de chêne, de laurier, de myrte ou d'olivier; quelques-unes même d'épis de blé tout en or battu".
La même faveur était accordée au père et à la mère
du citoyen couronné. L'honneur qu'il avait obtenu rejaillissait sur eux45.
Ce n'étaient pas seulement les couronnes qu'il avait gagnées personnellement qui devaient orner ses funérailles, c'étaient aussi celles qu'il avait obtenues pour sa pecunia25. Ce mot n'a certainement pas, dans ce passage des Douze Tables, la signification large que lui donne Cicéron$° et qui s'applique au patrimoine d'un citoyen. Il n'a pas non plus sa signification première, et ne désigne pas exclusivement la richesse en bétail21, Aux premiers siècles de Rome, il y avait, en dehors des courses à pied, deux sortes de courses : des courses de chevaux libres, soit dans le cirque, aux coNSDALIA, soit au Champ de Mars, aux EQDIRRIA 98, et des courses de chars attelés de mulets 29. Le maître du char ou du cheval victorieux recevait une couronne 30. Le mot pecunia désignait donc, au temps des Douze Tables, non seulement les chevaux de course, mais aussi les chars 31.
Suivant Pline l'Ancien, la disposition des Douze Tables aurait été appliquée sans hésitation aux couronnes décernées au maître pour ses esclaves ou ses chevaux u. Il ne faudrait pas en conclure que, dès le temps des décemvirs, les esclaves dirigeaient les chars dans le cirque : les chars étaient conduits par les maîtres euxmêmes ou par leurs enfants. Plus tard, on considéra comme peu honorable pour un citoyen de prendre part en personne aux jeux du cirque : on se fit remplacer par des esclaves. C'est alors que les interprètes de la loi étendirent aux esclaves la signification du mot pecunia".
L'imposition des couronnes décernées à titre de récompense était autorisée, non seulement pendant que le corps était exposé dans la maison mortuaire3', mais aussi le jour des obsèques lorsqu'il était porté, à travers la ville, au bûcher ou au tombeau 35
L'usage de couronner les morts fut condamné par les Pères de l'Église : c'était, disaient-ils, faire du mort une sorte d'idole 3°.
7° Le denier de Charon. Suivant une coutume qui paraît empruntée à la Grèce 37, on déposait dans la bouche du défunt une pièce de monnaie : c'était le prix de son passage dans la barque de C11ARON, le nautonier des Enfers. Cette coutume, mentionnée par les auteurs latins du ter siècle de notre ère 34, remonte à une époque plus ancienne. Dans les tombes de Préneste, des ve et vie siècles de Rome, on a retrouvé des pièces de monnaie placées dans la bouche du squelette39. On en a trouvé également à Tusculum, dans la tombe des hurii b0, qui est du vie siècle. Sous l'Empire, cet usage est devenu
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très général', surtout dans les dernières classes de la société 2.
8° Exposition du corps. L'exposition avait pour but, suivant Poliux3, d'attester que la mort n'avait pas été provoquée par un acte de violence. Le corps était couché (collocare 4, componere 5) sur un lit de parade dressé dans' l'atrium ç de la maison, les pieds tournés vers la porte d'entrée7.
C'était un devoir, pour les proches parents, de placer eux-mêmes le corps sur le lit où il devait être exposé 8. Ils l'entouraient de fleurs, symbole de la fragilité de la vie humaine' et faisaient brûler des parfums dans des cassolettes [ACERRA]10 disposées au pied du lit. La loi des Douze Tables contenait, sur les acerrae, des mesures restrictives qui ne sont pas parvenues jusqu'à nous". Les amis venaient aussi déposer des fleurs et des couronnes 12. La loi des Douze Tables défendait seulement les longae coronae i3. A côté du lit se tenait un esclave 14, ou, à défaut, unmercenaire f 5
chargé de gar
der
et d'éventer
le corps. I''
Un basrelief trouvé en 1847, aux environs de Rome sur la voie Labicane, et que l'on présume avoir appartenu à, un monument de la famille des Aterii, représente la scène de l'expositioni6 (fig. 3360). Sous un toit, soutenu par des colonnes et qui figure l'atrium de la maison mortuaire, est dressé un lit de
parade, sur lequel une femme est étendue. Quatre grandes torches brûlent aux coins du lit ; à. droite et à gauche, deux lampes montées sur des candélabres, achèvent de donner l'impression d'une chapelle ardente. Au bas du lit, deux cassolettes (acerrae). Un homme, vêtu d'une courte tunique s'approche de l'une d'elles, en portant les
parfums qu'il va répandre sur le feu déjà allumé. Entre les deux cassolettes, quatre personnages sont debout dans l'attitude de la douleur: ce sont, sans doute, des membres de la famille. A la tête du lit, trois femmes coiffées du pileus, probablement des esclaves affranchies par testament, sont assises les mains croisées sur Ies genouxf7. A droite, un homme s'avance vers la morte ; il tient à la main une guirlande de fleurs. Près de lui deux pleureuses (praeficae) se frappent la poitrine. Au pied du lit deux femmes, dont l'une, assise, joue de la double flûte 'g.
L'exposition durait de troisf9 à sept jours, suivant les cas20. Pour avertir les passants et particulièrement les pontifes qu'un mort était exposé dans la maison, on plantait devant la porte des branches de sapin (picea) 21 ou de cyprès22 (voy. plus haut, t. IeÇ, p. 359). Enfin, en signe de deuil, on évitait d'allumer du feu dans la maison23. Tels étaient les rites observés avant les obsèques, bien entendu pour les citoyens ayant une certaine aisance24. Les pauvres étaient laissés sur leur grabat25 en attendant le moment d'être portés à la culina publica établie dans un cimetière public 2G.
cérémonie des funéraillescomprend trois actes distincts : 1° le transport du corps de la maison mortuaire au bûcher ou au tombeau; 2° l'humatio ; 3° les actes purificatoires. Nous décrirons d'abord la cérémonie traditionnelle usitée pour le commun des citoyens : c'est le funus translaticium27, qu'on appelle aussi funus vulgare 28, plebeium 29, simpluviareum 30. Puis nous indiquerons les modifica
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ployait tout le luxe des funérailles, et le f'unus militare.
1° Le transport du corps (efferre' = foras ferre, porter dehors) se fait en général au milieu d'un concours d'amis invités à suivre le convoi. De là le nom donné à ce premier acte de la cérémonie : exsequiae 2.
L'invitation est faite ordinairement par un affranchi qui va prier les parents et amis du défunt de se rendre aux obsèques 3. Dans ce cas, les obsèques se font généralement le lendemain du décès', à moins que ce ne soit un jour de férie publique 5.
Une très ancienne coutume voulait que la cérémonie eût lieu pendant la nuit, à la lueur des torches'. Cet usage était fondé, d'après Servius', sur des motifs d'ordre religieux : la vue d'un cadavre était interdite aux prêtres tels que les pontifes, le flamine de Jupiter; elle viciait ou même empêchait certains actes des magistrats. En procédant de nuit aux obsèques, prêtres et magistrats n'étaient pas exposés à rencontrer sur leur route un convoi funèbre.
Les torches, qui éclairaient le convoi, étaient primitivement faites d'étoupe (Tunes) enduite de suif (sebum) ou de cire (cera) 8. C'étaient les funalia ou funales candelae. Plus tard on remplaça l'étoupe par de la moelle de papyrus9 ou de jonc (scirpus)f0. On faisait également usage de torches en bois de pin (faces) 11. Ces torches funèbres se distinguaient par leur composition des torches nuptiales (faces n.uptiales)12 : pour éclairer le cortège qui accompagnait la femme à la maison conjugale le soir du mariage, on se servait de torches en bois d'aubépine (ex spina alba)13. Avec les torches en bois de pin on employait, au temps de Sénèque, dans les enterrements des enfants, des bougies (cereus funalis) faites d'une mèche enveloppée
lieu ad faces cereosque14.
La coutume des enterrements nocturnes s'est de tout temps conservée pour les funérailles des enfants (acerba funera)15 et des indigents, et en cas d'exhumationi" (translatio cadaveris) ". Mais dès la fin de la République, les obsèques se faisaient, dans tout autre cas, en plein jour 18. Rien ne fut changé d'ailleurs aux anciens rites funéraires, et l'on continua à porter des torches comme pour éclairer le convoi. On concilia ainsi le respect des prescriptions du droit pontifical avec les exigences de la vanité des Romains de la décadence, qui voulaient étaler, aux yeux de tous, le luxe des funérailles. Les chrétiens des premiers siècles adoptèrent l'usage des torches qui s'est perpétué jusqu'à nos jours 19. L'empereur Julien, par
un édit du 12 février 363, essaya cependant de rétablir les funérailles nocturnes, comme aux premiers siècles de Rome 20. Cet édit,rendu en haine des chré tiens,ne tardapas à tomber en désuétude. Bien qu'il figure encore au Code Théodosien, il n'a pas été inséré au Code de Justinien21.
Pour transporter le corps au bûcher ou au tombeau, on le retirait du lit de parade pour le mettre dans une espèce de cercueil en bois22, consistant en un coffre ouvert (capulus) 23. D'où l'expression capularis senex pour désigner un vieillard dont la mort est prochaine 24. En cas de mort violente25, peut-être aussi lorsque le visage était déjà décomposé 2°, la tête était voilée.
Le cercueil était placé sur un brancard [FERETRUM] 27 en forme de litière [LECTICA] 28 (voy. fig. 3361). Pour les indigents, on mettait tout simplement le corps dans un coffre adapté au brancard29. Le feretrum portait ici le nom de sandapila30. C'est dans ce coffre banal (vilis arca) 3t que fut emporté le cadavre de Domitien32. Martial l'appelle
orciniana sponda 33
Le brancard était enlevé à l'épaule3Y. Il fallait six35 ou même huit35 porteurs pour une lectica; quatre suffisaient pour la sandapila 37. Les fils du défunt, ses proches parents" ou ses héritiers 39 tenaient à honneur de le porter. Q. Metellus le Macédonique fut porté par ses quatre fils dont l'un était préteur et dont les autres avaient été censeurs ou consuls 40. Parfois aussi se présentaient des porteurs volontaires à qui le défunt avait rendu des services 1, les esclaves qu'il avait:affranchis par testament".
Pour ceux qui, en raison de leur pauvreté, ne pouvaient être ensevelis avec les cérémonies habituelles, il existait des mercenaires, les vespillones, qui se chargeaient du transport des cadavres 43. Sidoine Apollinaire 44 les appelle aussi sandapilarii, du nom du brancard dont ils faisaient usage. Au Bas-Empire, Constantin établit la corporation des lecticarii, qui fut chargée à Constantinople du transport gratuit des cadavres des indigents".
2° Le cortège. En tête marchent les trompettes (tubicines), les pleureuses (praeficae) 46 et les joueurs de flûte (tibicines).
Les pleureuses donnent les signes du plus affreux désespoir : elles se frappent la poitrine, s'arrachent les cheveux, fondent en larmes et poussent des cris perçants 47. Par intervalles, l'une des pleureuses, celle qui a la plus belle voix, fait l'éloge du défunt", puis elles chantent ensemble, au son de la flûte 49, la naenia en son honneur. Les paroles en étaient tellement ineptes50 et insipides" qu'on donna le nom de naenia aux bagatelles (nugae) 52 qui ne méritaient pas d'être écoutées et surtout
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diêtre crues. On a prétendu, en alléguant un passage de Varron' que l'emploi des praeficae avait disparu au temps des guerres Puniques 2. Cette opinion ne saurait être soutenue aujourd'hui en présence des monuments figurés qui attestent l'exilgtence des praeficae à la fin de la République (voy. la fig. 3361). La naenia a également subsisté pendant longtemps : on la retrouve jusqu'aux obsèques de Pertinax 3.
D'après Servius'', lestibicinesfigureraientseulementaux obsèques des enfants. Mais divers témoignages prouvent que l'usage de la tibia était commun à toutes les funérailles5. Nous savons notamment qu'il n'y avait pas de funérailles sans naeniae et que la flûte était l'accompagnement obligé des naeniae6. Il y a peut-être cependant quelque chose d'exact dans la remarque de Servius : c'est que la tuba? ne devait être usitée que pour les obsèques des grandes personnes$.
Les manifestations bruyantes des musiciens et des pleureuses n'étaient pas particulières aux Romains 9 : on les a vues en usage chez les Étrusques (voy. p. 13821383)10. La loi des Douze Tables les avait renfermées dans certaines limites. Elle avait restreint à dix le nombre des joueurs de flûte 11, puis elle avait interdit les lamentations des femmes (lessum)12.
Derrière le cercueil suivent les assistants, hommes et femmes. Cela s'appelait prosequi 13, funus comitare 14, exsequias ire'''. Les parents et les amis faisaient à peu près seuls partie du cortège; les premiers par devoir 16, les seconds pour faire honneur au défunt". Il n'était pas reçu que d'autres personnes assistassent aux obsèques d'un homme sans notoriété". Souvent, du moins à l'époque impériale, les parents, les enfants même s'en dispensaient. Pour réagir contre cette indifférence, certains testateurs eurent la pensée d'insérer dans leur testament une clause destinée à récompenser par un legs ou un fidéicommis ceux qui voudraient bien se rendre à leurs funérailles". Un jurisconsulte du lIe siècle, Aburnius Valens, suppose un legs destiné « à celui de mes trois enfants qui viendra à mes funérailles 20 ». On fit mieux, et pour stimuler le zèle des assistants, le legs fut adressé à celui qui arriverait le premier21. Ce fut le prix de la course. Il y eut même des testateurs qui attribuèrent toute leur hérédité au premier rendu2". La jurisprudence eut à se prononcer sur la validité de ces institutions d'héritier et de ces legs qui n'étaient pas inspirés par un sentiment de bienveillance à l'égard d'une personne déterminée. Elle les déclara nuls, comme faits à une personne incertaine. Pour échapper à la nullité, il fallait préciser davantage et par exemple léguer « à celui de
mes cognats actuels qui viendra le premier à mes funérailles 23 ». Cette règle qui, primitivement, ne s'appliquait pasaux fidéicommis, fut étendue aux dispositions de-cette espèce par un sénatus-consulte rendu sous Hadrien 24,
Dans cette partie du cortège, la douleur des assistants se manifestait de plusieurs manières : les femmes, les cheveux défaits25 et parfois couverts de cendre26, les vêtements déchirés27, exhalaient des plaintes" (planctus mulierum) en se frappant la poitrine 29. Aux premiers siècles de Rome, elles se déchiraient les joues jusqu'au sang. C'était, croyait-on, une manière de donner satisfaction aux dieux des Enfers 30. Les décemvirs proscrivirent cette coutume 31, mais elle persista en dépit de la loi". Les femmes, les jeunes filles jetaient sur le cercueil les bandelettes de leur chevelure 31 et jusqu'à des mèches de cheveux 34. Elles le couvraient aussi de feuillages et de fleurs35.
Les fils marchaient la tête voilée, comme s'ils allaient vénérer les dieux36. Les filles avaient, au contraire, le visage découvert, bien qu'anciennement les femmes eussent l'habitude de se voiler la tête pour aller en public37. Les hommes quittaient l'anneau d'or et le remplaçaient par un anneau de fer21. Les magistrats revêtaient la prétexte noire (praetexta pulla)33. Les femmes, renonçant à l'or et à la pourpre, retiraient leurs parures et prenaient les vêtements de deuil (lugubria)40, de couleur noire41. Depuis le décès jusqu'aux obsèques, elles portaient le mcimuu, sorte de toge prétexte, dont la coupe était carrée 42. Pour les funérailles elles échangeaient le ricinium contre un vêtement noir plus ample (pulla palla)43. Les toutes jeunes filles étaient également vêtues de noir (anthracinae)4i. Sous l'empire, alors que la mode des vêtements de couleurs variées s'était répandue, le blanc fut adopté par les dames romaines pour leurs vêtements de deuil45. Cependant le jurisconsulte Paul dit que les personnes en deuil doivent s'abstenir de vêtements blancsk6; mais peut-être cette règle n'était-elle observée que pour les hommes.
La description que nous venons de donner de l'ordre du cortège, d'après le témoignage des auteurs anciens, est confirmée par les monuments figurés. On a trouvé en 1879 à Preturi, en Italie, un grand bloc de pierre calcaire de 1m,66 de long sur Om,68 de haut et Om,30 de large47. Sur ce bloc, aujourd'hui conservé à Aquila, est représenté un convoi funèbre (fig. 3361). L'époque à laquelle appartient ce relief est fixée par les inscriptions trouvées au même lieu : elles sont de la fin de la République ou du règne d'Auguste 43. En tête, les musiciens en file sur deux lignes : à droite quatre tibicines, à gauche un liticen et deux cornicines. Après les joueurs de corne,
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deux pleureuses, facilement reconnaissables à leur alti virs, fit apprécier aux Romains, Pour Héraclite, un ca
tude : les cheveux en désordre elles se frappent la poidavre n'est qu'un tas de pourriture qu'on doit jeter dehors
trine. Vient ensuite le feretruni. Huit hommes portent comme du fumier10. Les Romains en conclurent que le
un brancard qui soutient un lit somptueusement décoré contact, la vue, le voisinage même d'un cadavre était
sur lequel repose le corps du défunt. Derrière marchent une souillure pour les personnes et pour les choses con
les membres de la famille : CO sont pour la plupart des sacrées aux dieux supérieurs aussi bien qu'aux Lares et
femmes. Nous avons donc sous les yeux le tableau des obsèques d'un personnage important, peut-être un magistrat municipal'.
3° Le lieu de la sépulture. Le cortège se rendait, dans l'ordre qui vient d'être indiqué, au lieu de la sépulture, ordinairement situé hors ville. Aux premiers siècles, les Romains enterraient les morts dans l'enceinte de la ville 2 et même, d'après Servius 3, dans leurs maisons : d'où la coutume d'honorer le Lare dans la maison où il était inhumé. Il y eut cependant quelques exceptions : Numa fut inhumé sur le Janicule qui ne devait être annexé à la ville que sous Ancus Martius'; Servius Tullius fut également inhumé hors' de Rome 5. D'un autre côté, Cicéron considère comme un privilège le droit reconnu, avant les Douze Tables, aux Poblicolae et aux Tuberti d'être inhumés en ville G. Il est probable que le privilège concédé à ces deux familles consista à obtenir une sépulture dans une dépendance du domaine public.
Ce sont les décemvirs qui ont proscrit l'usage d'inhumer ou de brûler les morts dans l'intérieur de la ville. Cicéron attribue cette interdiction à la crainte des incendies'. Mais cette raison, bonne tout au plus pour le cas de crémation ',ne peut justifier la défense d'inhumer. Isidore de Séville allègue une raison toute différente : ce serait la crainte de l'odeur putride qui se dégage des cadavres'. Il faut plutôt reconnaître ici l'influence de la doctrine d'Héraclite sur la nature de l'homme, doctrine que l'Ephésien Hermodore, le collaborateur des décem
aux Pénates. Voici toute une série de faits qui confire ment cette conclusion : la maison mortuaire devient funesta dès l'instant du décès''; celui qui est funestatus ne peut sacrifier aux dieuxS2; celui qui est appelé simultanément à rendre les derniers devoirs à un mort et à sacrifier aux dieux, doit offrir le sacrifice avant de se charger des funérailles"; il est de mauvais augure de rencontrer un tombeau 14 ; un flamine de Jupiter ne peut ni entrer dans un lieu où se trouve un bûcher, ni toucher un mort1', pas même écouter les flûtes qui jouent aux funérailles16; un flamine ne peut porter des chaussures faites du cuir d'un animal mort de maladieL7; le pontife qui doit prononcer une oraison funèbre doit faire interposer un voile qui lui cache la vue du cercueil18; enfin on voilait les statues des dieux, ou même on les déplaçait lorsqu'on devait donner en leur présence des combats de gladiateurs 1'. C'est pour obvier à tous ces inconvénients, pour ne pas jeter le trouble dans les cultes publics et privés 20, qu'on reléguait hors des villes les lieux de sépulture. On les établissait généralement le long des voies conduisant aux portes de la ville21. Les riches avaient Ieurs tombeaux de famille sur leurs terres 42, pour les indigents et les esclaves2', il y avait des cimetières publics comprenant un certain nombre de fosses communes en forme de puits (puticuli)24 dans lesquelles on entassait les corps. Sous la République, ces puticuli étaient situés dans le quartier de l'Esquilin26.
Ce qui tendrait à prouver que la loi des Douze Tables
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fut introductive d'un droit nouveau, c'est qu'elle ne porta aucune atteinte aux droits acquis antérieurement à sa promulgation. Nous savons déjà que certaines familles conservèrent le droit d'inhumer leurs morts dans un sépulcre situé en ville, droit qu'elles avaient obtenu en récompense des services rendus par un de leurs membres. Il en fut de même pour les Vestales'.
Après la promulgation des Douze Tables, quelques personnages illustres, par exemple C. Fabricius, obtinrent le même privilège'. A une époque plus récente, plusieurs lois ou sénatus-consultes accordèrent à de grands personnages une sépulture au Champ de Marsa. Sylla, Ilirtius et Pansa', Julie, la fille du dictateur César, l'épouse de Pompée', Agrippa? reçurent cet honneur. Auguste se fit construire entre la voie Flaminienne et la rive du Tibre un mausolée8 où furent inhumés la plupart de ses successeurs jusques et y compris Nerva'. Trajan se fit également construire un tombeau ; c'est même, d'après Eutrope 10, le seul empereur qui ait été inhumé dans l'intérieur de la ville.
La prohibition de la loi des Douze Tables ne fut jamais appliquée aux enfants de moins de quarante jours. On continua à les enterrer dans la maison, sous l'auvent (sub grundo) de la porte donnant sur la cour. Cet endroit s'appelait sub grundarium i1, d'où le nom de Lares grundules 12
Sauf ces exceptions, la défense d'inhumer ou de brûler les corps dans l'intérieur de la ville resta de tout temps la règle de la législation romaine. Elle fut confirmée par un sénatus-consulte rendu sous le consulat de Duillius en 1i04'3 Une prohibition analogue existait dans la colonie de Genetiva Julia de l'an 710; elle y était sanctionnée par une amende de 5000 sesterces1°. Au second siècle de notre ère, un rescrit d'Hadrien édicta également une peine pécuniaire contre ceux qui enfreindraient la prohibition et contre les magistrats qui auraient toléré la contravention. Il ordonna en outre la confiscation du terrain où l'inhumation avait été faite et l'exhumation du corps qui devait être transporté ailleurs ". Quelle était la portée de ce rescrit? Était-il applicable dans les cités dont la loi autorisait l'inhumation en ville"? Un rescrit pouvait-il abroger une loi municipale? La question fut discutée au cours du second siècle; les rescrits impériaux n'avaient, dans le principe, qu'une portée limitée. Antonin le Pieux renouvela la défense d'inhumer en ville". C'est seulement au me siècle qu'Ulpien fit prévaloir l'opinion qui attribuait aux rescrits force de loi générale ts. Cette opinion fut consacrée par Dioclétien en 290; la défense d'inhumer en ville fut généralisée".
Au Bas-Empire, l'interdiction ne fut pas rigoureusement observée dans l'empire d'Orient et particulièrement à Constantinople. L'usage s'était introduit, grâce aux progrès du christianisme, de conserver les reliques
des saints dans l'intérieur des villes. C'est ainsi que les reliques de saint André, de saint Luc, de saint Thomas furent transférées par Constance dans l'église des SaintsApôtres à Constantinople20. Ce fut dès lors une faveur très recherchée que d'être enterré près de leur tombeau. Les empereurs d'abord et entre autres Constantin 21, puis les évêques22, des particuliers enfin, obtinrent ce privilège".
En 381, Théodose I", par une constitution adressée au préfet de la ville Pancrace, crut devoir réagir contre cette tendance et renouveler, sous menace d'une peine très sévère, la défense édictée par les Douze Tables : la confiscation du tiers des biens du contrevenant et une amende de cinquante livres d'or contre l'of/cilim du préfet de la ville". L'interdiction s'applique même aux inhumations qu'on voudrait faire ad sedemApostolorum vel martyrum. C'est seulement à la fin du lx° siècle que l'empereur Léon leva l'interdiction qui avait persisté depuis le temps des décemvirs, et autorisa l'inhumation des morts dans l'intérieur des villes25.
B. Bumatio. -L'humatio est le rite essentiel de toutes les funérailles. Elle consiste à jeter de la terre sur le corps ou tout au moins sur une parcelle du corps du défunt (os resectuni), suivant que la sépulture a lieu par inhumation ou par incinération".
De ces deux modes de sépulture, le plus ancien est l'inhumation. C'est l'avis de Cicéron27 et de Pline l'Ancien 23. Leur témoignage est confirmé par l'existence même de l'humatio. Ce rite n'a pu être introduit qu'à une époque où il était d'usage de jeter de la terre sur le corps et de l'en recouvrir entièrement. L'adaptation de ce rite à la sépulture par incinération a quelque chose d'artificiel et de forcé. Couper un des doigts du défunt (os resectum) pour y jeter dessus trois poignées de terre est un de ces expédients familiers à la jurisprudence pontificale et qui consistent à substituer à un acte réel un acte simulé 29.
D'autre part, la période de l'inhumation est caractérisée à Rome par les tombes découvertes en contre-bas de l'agger de Servius Tullius3', par les fosses à cercueil trouvées sur l'Esquilin 31, par les caveaux maçonnés en pierres de taille, identiques à celles du revêtement intérieur du mur de Servius32.
L'inhumation et l'incinération sont la conséquence de deux conceptions différentes de la mort 33. Dans l'une, la mort est comme une prolongation plus ou moins imparfaite de la vie. L'inhumation rend le corps à la terre dont il est né". C'est la terre qui le protégera contre les chances de destruction qui le menacent. Dans l'autre conception, il ne subsiste après la mort qu'une sorte d'image du défunt, une ombre de lui-même 3'. L'incinération permet à cette ombre qui contient l'âme du défunt de retourner au ciel d'où elle émane 36. Grimm pense
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que l'inhumation est propre aux populations agricoles, l'incinération aux tribus nomades 1.
1. Inhumation, Le corps est déposé dans un tombYiauenfoui plus ou moins profondément dans la terre. Nous n'avons pas à décrire ici les formes diverses de tombes qu'on rencontre suivant les époques : nous ne nous occupons que des sépultures. Tout ce qui a trait à la construction, à l'ameublement ou à la protection des tombeaux trouvera sa place au mot SEPULCRUM.
On descend dans la tombe le cercueil contenant le corps du défunt'. C'est la scène qu'on a vu figurée plus haut sur un vase grec «fig. 331.6).
Le corps est enfermé dans un coffre de pierre r, (arca lapidea), de marbre 6, de plomb 6 ou d'argile' (/7etilia solia). On a même trouvé des cadavres enfermés dans deux demi-amphores ajustées l'une dans l'autre 8. Parfois aussi, on plaçait dans la tombe le lit funèbre°. Un lit en bronze a été trouvé en 1823 dans une tombe de
Corneto 10 [LECTUS].
La loi des Douze Tables avait interdit de déposer de l'or dans les tombeaux 11 (neve aurum addito). Exception était faite pour le cas où le défunt avait des dents attachées avec de l'or (cul auro dentes juncti essent) ; on les enterrait avec lui 13.
Les constitutions des empereurs, la jurisprudence essayèrent de réagir contre l'usage 13 d'enfermer dans les tombes de l'argenti4, des vêtements précieux 16, des ornements 16, des rangées de perles, des émeraudes59. Ces dispositions restrictives avaient pour but d'empêcher que des malfaiteurs n'eussent la tentation de dépouiller le cadavre 18.
L'inhumation a pour effet de rendre religiosus le terrain où elle a lieu, mais à une triple condition : qu'elle ait été faite par celui qui a la charge des funérailles, dans un terrain lui appartenant en propriété quiritaire 1°, et après qu'il a rendu les derniers devoirs au défunt20.
II. Incinération. 1° Où se fait l'incinération? L'incinération a lieu, tantôt à l'endroit même où doit se faire la sépulture, tantôt dans un local spécial. Lorsque les restes du défunt doivent être inhumés dans le lieu où le corps a été brûlé, ce lieu s'appelle bustum. Le mot bustum désigne donc à la fois l'emplacement sur lequel on a élevé le bûcher et la tombe où seront enfermés les os et les cendres après l'incinération 2f. Le bustum est la plus ancienne forme de tombe de l'Italie centrale 2
Les sépultures de ce genre, trouvées à Vercelli, ont permis au P. Brazza de reconstituer le procédé suivi dans la Gaule transpadane 23. On commençait par creuser une fosse d'un mètre environ de profondeur; puis on élevait le bûcher au-dessus de cette fosse, au fond de la
quelle venaient se déposer les cendres et les os du mort avec les charbons provenant du bâcher. On fermait ensuite la fosse en y amoncelant de la terre (tumulus).
Dans les sépultures qui devaient servir à un nombre plus ou moins grand de personnes, comme les coluntbaria, on avait soin de ménager un local spécial appelé ustrina ou USTRI71UM2' pour y brûler les corps dont les restes étaient ensuite déposés dans la niche (ollarium) qui leur était réservée 23 [coLUMBARIU111, p. 1333]. Un ustrinun7 subsiste encore à la cinquième borne milliaire de la voie Appienne".
2° Le bûcher (rogus, pyra) est formé d'un amas de bois. Servius'-7 prétend qu'il faut distinguer rogus et eyra : rogus, ce serait le bûcher allumé, pyra, le bûcher prêt à être allumé. Mais lui-même dit ailleurs28 que le rogus est extructio lignorum. Aucun doute ne saurait subsister en présence de la disposition des Douze Tables : Ilogum ascia ne polito.
Pour faciliter la combustion 23 on enduisait le bûcher de poix 30, de papyrus 31. On atténuait la mauvaise odeur qui se dégageait du bûcher et qui aurait incommodé les assistants en l'entourant de cyprès".
3° Le bûcher était disposé en forme d'autel33. On ne devait se servir que de bois brut. La loi des Douze Tables défendait de le polir avec l'ASCIA 3'. Cette prohibition devait être tombée en désuétude à l'époque impériale; Pline parle de bûchers décorés de peintures" : le bois était non seulement façonné, mais échafaudé en de hautes constructions somptueusement ornées. Les dimensions du bûcher variaient suivant la fortune du défunt : il y en avait de très hauts 36. La figure 3362 représente, d'après une mé
daille, le bûcher de Pertinax. C'est une immense pyramide à plusieurs étages, ornée de guirlandes, de draperies, de statues séparées par des colonnes 37. D'autres s'élevaient à peine audessus du sol 38; tel est celui que représente la figure 3363
du Capitole 3° : derrière le bûcher
une pleureuse se tient les cheveux épars, une autre femme porte un vase et une fiole à parfums, destinés à l'onction du corps; un homme fait chauffer l'eau pour le laver.
.t A l'époque où l'on inhumait les citoyens dans leurs terres, il était d'usage de placer le tombeau à l'extrémité du champ ou sur un emplacement pierreux et stérile. C'est aussi à l'extrémité de la propriété qu'on élevait le bûcher dans les sépultures par incinération. Il y avait
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là un voisinage peu agréable, parfois dangereux pour les autres propriétaires. La loi des Douze Tables décida qu'aucun bûcher, aucune tombe ne pourraient à l'avenir être établis à une distance moindre de 60 pieds du champ voisin, si l'on n'obtenait
l'assentiment du propriétaire'.
Un sénatus-consulte, dont un fragment a été trouvé à Rome, en 1875, contient une disposition plus radicale : il défend d'établir aucune ustrina dans le pagus Montanus'. Un édit du préteur L. Sentius, rendu au dernier siècle de la République, en exécution d'un avis du Sénat, défend d'établir une ustrina ou dé déposer un cadavre
dans un certain périmètre du campus Esquilinus Enfin, en 716, un édit d'Auguste défend de procéder à aucune incinération à moins de deux mille pas de la ville 4.
5° En plaçant le cercueil sur le bûcher, on a soin d'ouvrir les yeux du défunt, comme pour lui montrer le ciel'. On met également, à côté de lui, les objets précieux qui étaient à son usage personnel : armes', vêtements 7, vases peints a, etc. On tue les animaux qu'il affectionnait, des chiens, des oiseaux, pour les brûler avec lui 9. Il y avait là une cause de déperdition de richesse : la loi des Douze Tables essaya d'en restreindre les effets. A l'exemple de Solon, les décemvirs défendirent, quel que fût le mode de sépulture, d'envelopper le corps dans plus de trois ricinia ornés de bandes de
pourpre (clavi purpurae)10 [RICINIUM].
Pour témoigner de leur douleur, les assistants jetaient sur le bûcher des présents (munera) 11 : c'étaient des vêtements", des vivres 13, du pain", des parfums 16. Ici encore, les décemvirs essayèrent en vain de réprimer l'abus consistant à asperger le bûcher avec des produits coûteux 16. Une inscription de l'époque impériale parle de cinquante livres d'encens pour des funérailles publiques célébrées à Ostie 37. Il fallait être
IV.
bien pauvre pour être incinéré avec du bois tout secfe. 6° Les parents ou les amis adressent au défunt un
dernier appel (ullima conclamatio) 19, puis, détournant
le visage", ils mettent le feu au bûcher" avec les torches qui ont servi à éclairer le convoi".
Quand l'incinération est terminée, on éteint le bûcher avec de l'eau ou du vin 23, bien qu'une loi de Numa ait prohibé l'emploi du vin en pareille circonstance 2..
La pleureuse en chef congédie alors l'assistance en prononçant le
mot sacramentel : cet". Chacun dit au mort
un dernier adieu 26, et se
retire en souhaitant que
la terre lui soit légère 27.
7° Tout n'est pas fini cependant. Après le départ de l'assistance, les proches recueillent dans un linge 23 les ossements calcinés (ossilegium) 29 et procèdent à l'humatio de l'os resectum.
Pour faciliter la séparation des cendres du mort et de celles du bois, on enveloppait parfois le corps dans un linceul d'amiante 3° [ASBESTUS]. On conserve à la bibliothèque du Vatican un linceul de cette espèce, trouvé aux environs de Rome dans un sarcophage; il contenait encore un crâne et des os calcinés. 11 mesurait im,8372 sur Im,6185 31. Mais l'amiante était d'un prix très élevé, c'était un moyen tout à fait exceptionnel.
Lorsque l'incinération a lieu dans une ustrina, on laisse les cendres sécher en plein air pendant quelques jours, puis les proches les enferment dans une urne. Les urnes sont de formes et de nature très diver
ses [OLLA, URNA ; voy. aussi ATRIUM et DOSUS, fig. 624, 2508
à 2511.] C'étaient des vases d'argile 32 (parfois des vases peints)", de verre ", de marbre", d'albâtre 36, d'or 37, d'argent 38, de plomb". Les parents vont ensuite nupieds et sans ceinture, déposer(componere,condere)'0l'urne cinéraire dans le tombeau ou dans le columbarium''.
L'urne est généralement enfermée dans un coffret
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[OSSUARIUM cinerarium], pour la protéger contre tout .accident. Dans ces coffrets, on a souvent trouvé de petits vases à long col en verre, en terre cuite ou en albâtre. Pendant longtemps on a cru que ces vases servaient à recueillir les larmes des parents ou des pleureuses : c'étaient, disait-on, des lacrymatoires 2. L'existenée de cet usage est aujourd'hui révoquée en doute. Les prétendus lacrymatoires sont tout simplement des fioles à parfums3.
L'os resectum est généralement un doigt que l'on coupe avant de placer le corps sur le bûcher et que l'on conserve pour l'humatio 4. L'humatio consiste ici à jeter trois fois une poignée de terre sur ce doigt qui représente le corps du défunt
L'ossilegium et l'humatio doivent avoir lieu consécutivement le même jour. Les Douze Tables défendent de recueillir les os d'un mort pour procéder ultérieurement aux funérailles'. La loi ne veut pas qu'en cas de sépulture par incinération, on fasse deux cérémonies distinctes, l'une pour brûler le mort et recueillir les os, l'autre pour l'humatio de l'os resectum. Les cérémonies funèbres sont toujours très onéreuses : la loi n'en tolère qu'une seule. Elle a cependant fait une exception en faveur des citoyens morts à la guerre ou à l'étranger
Dans l'un et l'autre cas, on peut conserver l'os resectum pour l'inhumer ultérieurement sur le territoire romain 8. Mais, dans la suite, le Sénat prescrivit, dans certaines circonstances, d'enterrer les soldats morts sur le champ de bataille, à l'endroit où ils avaient été tués. Il voulait éviter d'effrayer la population de la ville en la rendant témoin d'un trop grand nombre d'humationes 9.
III. Que la sépulture ait lieu par inhumation ou par incinération, elle est « légitime » dès l'instant où l'on a jeté de la terre sur le corps ou tout au moins sur le doigt du défunt 30. Il faut, de plus, consacrer la tombe par le sacrifice d'un pourceau1l.
Si le corps n'a pu être retrouvé, la sépulture n'est que « imaginaire » t2 et le tombeau porte le nom de cénotaphe {cenotaphium). La construction des cénotaphes était due à cette croyance que l'âme détachée du corps avait besoin d'une demeure. Si on ne lui donnait un tombeau pour asile, elle errait sans trêve ni repos, comme un génie malfaisant 13. Aussi, dès que le cénotaphe était terminé, appelait-on par trois fois l'âme du défunt pour l'inviter à entrer dans la demeure qui lui était préparée 14.
Les cénotaphes étaient affectés principalement à ceux qui avaient péri en mer ou en temps de guerre. Un monument de ce genre fut construit par Germanicus, pour les âmes des soldats des légions de Varus 15. Le
cénotaphe était donc un inane bustum, un vacuum sepulcrum 1f et la sépulture était inanis 17.
Il y avait une autre espèce de cénotaphe érigé en mémoire d'un défunt inhumé ailleurs : c'était un honorarium sepulcrutn t8. Tel fut le monument construit pour Drusus, sur les bords du Rhin, par les soldats placés sous ses ordres, tandis que son corps, transporté à Rome, était inhumé au Champ de Mars. Le christianisme a conservé l'usage de ces cénotaphes, qui furent érigés en l'honneur des saints 19.
De ces deux sortes de cénotaphes, la première a le caractère d'un locus religiosus 20, mais non la seconde. Telle est la décision d'un rescrit de Marc-Aurèle etVerus, rapporté par Ulpien 2f.
Légitime ou imaginaire, la sépulture est « pleine ». Elle est inops lorsqu'elle a eu lieu sans qu'on ait jeté de la terre sur le corps, c'est-à-dire lorsqu'on a omis l'humatio 22.
IV. L'héritier qui négligeait de remplir le devoir de l'humatio, devait immoler une truie (porta praecidanea) à la terre et à Cérès 23, célébrer des fêtes funèbres pendant trois jours, et offrir tous les ans en sacrifice expiatoire une porta femina2'".
Il n'y avait pas lieu à humatio pour ceux qui avaient péri en mer, parce qu'il ne reste plus sur la terre aucun de leurs os 25, et que par suite, leur famille n'est pas souillée. Il en était de même, d'après une loi de Numa, pour ceux qui avaient été frappés de la foudre". Leur corps était, par les soins des haruspices 27, entouré, à l'endroit même où ils étaient tombés, d'un mur ou d'une clôture [BIDENTAL] pour que nul ne pût y toucher. Il était même interdit de les dresser sur les genoux (supra genua tollere) pour s'assurer qu'ils étaient bien morts23. Cette disposition était tombée en désuétude à la fin de la République : Strabon, le père de Pompée, eut des funérailles solennelles, bien qu'il eût péri frappé par la foudre23.
Quant à ceux qui s'étaient pendus, le droit pontifical défendait de leur rendre les derniers devoirs. Il permettait cependant de célébrer à leur intention les sacrifices annuels [PARENTALIA], mais à la condition de suspendre à un arbre des poupées [oscILLA]. On pensait apaiser la colère des dieux en leur offrant, en guise de victime expiatoire, une poupée représentant un corps humain. On lui infligeait, en apparence, un genre de mort analogue à celui qu'avait choisi le défunt30. Cette exception s'appliquait uniquement à ceux qui s'étaient pendus. La raison en est assez singulière et bien en harmonie avec la casuistique pontificale: l'usage de suspendre des poupées aux arbres avait été, dans le principe, imaginé pour ceux dont le corps n'avait pas été
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retrouvé sur terre (in terris) '. On crut pouvoir assimiler à cette hypothèse, celle où le corps du défunt se balançait dans les airs 2. La règle du droit pontifical ne fut pas toujours rigoureusement observée. En 612 de Rome, on fit des funérailles à Silanus, qui s'était pendu après avoir été chassé de la maison paternelle par un jugement de son père T. Manlius Torquatus 3.
A l'époque impériale, on ne fait plus de distinction parmi ceux qui se sont donné la mort : on ne rend les derniers devoirs ni aux uns ni aux autres'. Mais une restriction nouvelle s'est introduite ; ceux-là seulement qui se sont tués ayant conscience de leurs méfaits (mala conscientia) ne méritent pas qu'on porte leur deuil'. Il en est autrement de ceux qui se sont donné la mort par dégoût de la vie 6.
Au temps d'Auguste les corps des condamnés à mort étaient, après l'exécution, rendus à leur famille Au me siècle, il fallait une autorisation spéciale, qu'on n'accordait pas toujours surtout pour ceux qui avaient été condamnés pour lèse-majesté. Mais on pouvait l'obtenir même pour ceux qui avaient subi la peine du feu 8.
Toute personne, et non pas seulement un parent, avait la faculté de réclamer le corps d'un supplicié pour lui donner la sépulture 9. L'humatio était d'ailleurs un devoir pour quiconque rencontrait, gisant sans sépulture, le corps d'un inconnu10
Au Bas-Empire, on trouve la trace d'une coutume, d'après laquelle les créanciers faisaient saisir le cadavre de leur débiteur et s'opposaient à l'inhumation jusqu'à ce que les parents ou les amis du défunt eussent acquitté la dette ou fourni des cautions ". Saint Ambroise déclare avoir assisté plusieurs fois à des scènes de ce genre 12. It y avait là non pas l'exercice d'un droit consacré par la législation romaine, mais un abus provenant vraisemblablernent de coutumes provinciales 13. Une constitution du 1" décembre 526 adressée par Justin au préfet de Constantinople Théodotusf4 et une novelle du ter décembre 537 adressée par Justinien au préfet du prétoire d'Orient, JohannesCappadoxproscrivirent cet abus, et édictèrent une pénalité rigoureuse pour en prévenir le retour.
V. Les deux modes de sépulture usités au temps des DouzeTables,subsistaient encore aulersiècle de notre ère": mais l'incinération était le mode le plus répandu. Certaines gentes conservèrent néanmoins pendant plusieurs siècles l'usage de l'inhumation : Pline dit que Sylla fut le premier de la gens Cornelia dont le corps ait été brûlé '7.
La sépulture par incinération ne fut jamais appliquée aux enfants qui n'ont pas encore de dents 18. Quant aux indigents, ils étaient sans doute le plus souvent jetés dans la fosse commune : mais les textes prouvent qu'on les portait aussi au bûcher ".
A partir des Antonins, les sépultures par inhumation devinrent plus fréquentes. Elles se multiplièrent dans la suite avec les progrès du christianisme. Au temps où vivait Macrobe, au ve siècle, l'incinération était tombée en désuétude "
C. Actes purificatoires. En principe, la maison et la famille du défunt sont souillées (funestae) dès l'instant du décès. Mais l'application rigoureuse de cette règle aurait entratné des conséquences fâcheuses : un citoyen, ignorant le décès survenu dans sa famille, aurait pu offrir un sacrifice aux dieux avant de s'être purifié. La jurisprudence pontificale subordonna la funestatio à une déclaration du chef de famille qui reconnaît l'existence du décès (funus agnoscere) 21. Si la nouvelle lui parvient au moment ois il va sacrifier aux dieux, il doit surseoir à cette déclaration jusqu'à ce que le sacrifice soit terminé 22. Il y a plus : la mort d'un enfant impubère n'avait pas pour effet de souiller la maison, pourvu qu'on eût la précaution de l'emporter de nuit 23. C'est ce qu'on avait toujours soin de faire pour les enfants des magistrats.
La déclaration de décès a pour conséquence toute une série d'actes purificatoires : il faut purifier la maison, la famille, les assistants, le dieu Lare, tout ce qui a été souillé par la vue, le contact ou le voisinage du cadavre.
1° Avant la sépulture, on purifie la maison mortuaire, on procède aux exverrae. C'est, dit Festus ", une certaine purification de la maison d'où l'on doit porter le mort à la sépulture; elle se fait par l'everriator, qui emploie à cet usage une espèce de balai dont le nom vient de extra verrere, « balayer dehors ».
2° Au retour on purifiait avec l'eau et le feu ceux qui avaient assisté aux obsèques" : c'était la suffitio. Elle consistait à asperger26 d'eau les assistants avec une branche de laurier27 (voy. plus haut, t. I°r, p. 358), après quoi on les faisait passer sur le feu.
30 Puis on purifiait la famille, et cette purification résultait de deux actes distincts : un repas funèbre (silicernium)28 qui avait lieu auprès du tombeau", un sacrifice dans lequel on immolait à Cérès une truie (porta) qualifiée praesenlanea parce que, dit Veranius, une certaine partie du sacrifice avait lieu en présence de celui dont on célébrait les funérailles"
Le menu du repas funèbre était fixé par l'usage. On servait des oeufs', de l'ache32, des légumes", des fèves", des lentilles et du sel35, du pain et de la volaille. Le témoignage des auteurs anciens a été confirmé par les découvertes archéologiques. On a fréquemment trouvé dans les tombeaux des comestibles destinés aux repas funèbres, surtout des coquilles d'oeufs, des fèves brûlées, des vases contenant des restes de liquides36.
Ces repas, bien que consacrés par l'usage, ne parais
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sent pas avoir eu le caractère d'un rite funéraire. Il arriva plus d'une fois que l'héritier, irrité contre le défunt pour une cause quelconque, s'abstenait d'inviter les assistants'. Souvent aussi, ces repas étaient, pour des parents plus intempérants qu'affligés, une occasion de débauche', malgré la disposition des Douze Tables qui défendait de boire à la ronde (circumpotatio)3. Mais le mort n'était pas oublié 4; on déposait sur sa tombe des aliments et du vins. C'était une tentation pour les malheureux qui, pressés par la faim, ne craignaient pas de porter la main sur des mets que nul ne pouvait toucher sans souillure 6. Plaute les appelle bustirapt'. Ils n'attendaient pas toujours jusque-là : les mets jetés sur le bûcher excitaient leur convoitise; ils tournaient autour, pendant que le feu faisait son oeuvre, prêts à saisir les morceaux de pain qui en tombaient e t sans crainte du bâton dont les frappait l'esclave chargé d'entretenir le feu8.
4° Enfin on purifiait le Lare domestique en lui sacrifiant un bélier (vervex)9.
Le temps consacré aux actes purificatoires, constitue les féries mortuaires (feriae denicales)10. C'est un temps de repos pour les hommes et même pour les animaux. Il était interdit d'atteler des mulets pendant les féries". Les travaux les plus urgents de la culture étaient suspendus, par exemple l'irrigation d'une prairie : il n'était fait exception que pour laqua legitima19.
Ceux qui accomplissent ces purifications jouissent d'une excuse légale, soit lorsqu'ils sont appelés à servir dans les légions", soit lorsqu'ils sont cités en justiceY4.
La même excuse est accordée pendant la durée des funérailles proprement dites; elle ne peut d'ailleurs être invoquée que par les membres de la famille du défunt (funus familiare). On peut juger d'après cela de l'importance que les pontifes attachaient aux féries dénicales, puisqu'ils mettaient les devoirs qui en résultent au-dessus des devoirs de citoyen, au-dessus même des exigences de l'administration de la justice.
FUNUS INDICTIVUM. 1° Organisation des pompes
funèbres. On appelle indictiva, dit Festus, les funérailles auxquelles on était convoqué par un crieur public (praeco)15. C'étaient des funérailles solennelles. Les invitations, au lieu d'être faites individuellement par un affranchi ou un esclave aux parents et amis du défunt, étaient adressées à tous les citoyens. Le praeco courait la ville pour annoncer les obsèques (funus indicere)16. La formule consacrée était : Ollus quiris leto datus est". Exsequias, quibus est commodum, ire jam tempus est18, ou bien : Ollus ex aedibus e/fertur".
Le crieur public était un mercenaire. Aux premiers
siècles de nome, les citoyens riches louaient les services de diverses personnes qui, par leur concours, contribuaient à l'éclat des funérailles : c'étaient, outre le praeco, le pollinctor, les siticines, les praeficae et depuis la fin du ve siècle, les gladiateurs. Tous ces gens étaient de condition infime et recevaient un salaire20.
A. partir du vl° siècle, le luxe des funérailles prit un développement considérable grâce à l'accroissement de la fortune publique et privée. A l'exemple de l'État qui, plusieurs fois au cours de ce siècle, mit en adjudication les funérailles de certains personnages'', les particuliers s'adressèrent à des entrepreneurs (locatio funeris)", au lieu de traiter directement avec les personnes dont le concours leur était nécessaire. L'entrepreneur se chargeait aussi de procurer le matériel. C'est dans le temple de la déesse Libitina'3 que l'on vendait tous les articles concernant les sépultures''". On appelait libitinarius l'entrepreneur des pompes funèbres26 et libitina sa profession26.
Le personnel qu'il employait se composait partie d'hommes libres tels que l'ordonnateur des pompes funèbres (designator ou dissignator), les musiciens, les chanteurs, partie d'esclaves, tels que le pollinctor27, les fossoyeurs (fossores) 23, les préposés au bûcher (uncores) 29, et pour les convois des pauvres les vespae ou vespillones30, les pilarii 31. Le même individu remplissait parfois plusieurs fonctions: par exemple un praeco pouvait en même temps être designalor32; un pollinctor pouvait être chargé de faire brûler le corps".
La profession d'entrepreneur ou d'ordonnateur des pompes funèbres, celle de crieur public, étaient peu considérées. Le gain que réalisaient tous ces gens-là était sordide 84 (sordidus quaestus) comme les services qu'ils rendaient (sordida officia) 3'. Ils étaient journellement souillés par le contact des cadavres. Aussi la loi municipale de J. César les déclare-t-elle incapables de remplir des fonctions municipales36, tant qu'ils exercent leur profession.
Les libitinarii formaient une socialité consacrée au culte de la déesse Libitina et qui en portait le nom. Ils tenaient des livres ois étaient mentionnées les obsèques dont ils avaient été chargés. Suétone rapporte que, dans une épidémie survenue sous le règne de Néron, trente mille convois furent inscrits sur les registres de la corporation 37.
Dans les funérailles solennelles, le corps restait exposé pendant sept jours38 sur un lit d'or39 ou d'ivoire40 recouvert des draperies les plus riches" (Attalicus torus42, Attalicae vestes) [AULAEA] 73. Pour en faciliter la conservation, on l'embaumait (ungere) : c'était l'affaire du pollinctor". Servius prétend que le pollinctor peignait le visage du
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mort pour qu'on ne vît pas la pâleur des traits : mais c'est là une explication qui ne paraît reposer que sur une étymologie inexacte'.
20 Convoi funèbre. L'enterrement solennel avait toujours lieu en plein jour. Le cortège était formé par les soins du dissignator2. En tête figurent toujours les musiciens : mais ici c'est un corps de musique qui se fait entendre. Outre les tibicines et les tubicines, il y avait des siticines et des cornicines. Les siticines, qui jouaient seulement dans les enterrements3, avaient un instrument spécial•(longa tuba)" dont les notes graves différaient de celles des autres trompettes'. Quant aux cornicines 6, leur instrument recourbé en forme de corne de boeuf sauvage, rendait des sons rauques et profonds [CORNU].
Viennent ensuite des choeurs d'hommes qui, dans les enterrements solennels, paraissent avoir remplacé les pleureuses pour chanter l'éloge du défunt (naenia)7. Puis des danseurs, des bouffons et des mimes 8. Aux funérailles de Vespasien, l'archirnime Favor représentait I'empereur et parodiait suivant l'usage, dit Suétone, le geste et le langage du défunt'.
Les esclaves affranchis par testament marchaient la tête rasée et coiffée du pileus10. A la fin de la République, certains testateurs, pour augmenter l'éclat de leurs funérailles, affranchissaient en masse leurs esclaves". Ils hésitaient d'autant moins à manifester ainsi leur libéralité qu'elle ne faisait tort qu'à leurs héritiers. La loi dut mettre un terme à cette générosité inconsidérée. L'intérêt public était en jeu : l'affranchissement avait pour conséquence l'acquisition du droit de cité. L'État ne pouvait voir d'iln oeil indifférent transformer en citoyens romains des esclaves indignes. En reconnaissant aux maîtres le droit d'affranchir par testament sans le concours des comices calates, les Prudents avaient supposé que les testateurs feraient un usage raisonnable de cette liberté. La vanité de quelques citoyens rendit nécessaire l'établissement de mesures restrictives r2. En 761, la loi Fufia Caninia détermina le nombre d'esclaves qu'il serait désormais permis d'affranchir par testament". De 2 à 10, la moitié; de 10 à 30, le tiers; de 30 à 100, le quart; au delà de 100, le cinquième, sans jamais dépasser 100'°. La loi ne s'applique pas à ceux qui n'ont pas plus de deux esclaves. D'autre part, le testateur qui se trouve dans l'une des trois dernières catégories peut toujours affranchir au moins autant d'esclaves que s'il était dans la catégorie inférieure : celui par exemple qui a douze esclaves peut en affranchir cinq, comme celui qui n'en a que dix". Si le testateur dépasse le maximum fixé par la loi, les esclaves les premiers nommés obtiennent seuls la liberté. Enfin
1 par les porteurs de faisceaux représentant les licteurs".
si, pour éluder la loi, on a écrit les noms en rond (in orbem), aucun esclave n'est libéré i6.
Les affranchis escortaient les lits funèbres sur lesquels étaient placés les portraits des ancêtres (imagines). C'étaient des masques de cire en forme de bustes17, que les grandes familles conservaient dans l'atrium 18 [IMAGO] ; Suivant une conjecture de Benndorff i9, ces masques étaient obtenus au moyen d'un moule du visage du défunt, pris par le pollinctor avec de la cire, puis retouché et peint pour donner l'illusion de la vie. Pour porter ces masques, on engageait des acteurs20 que l'on revêtait du costume et, s'il y avait lieu, des insignes de la fonction remplie par l'ancêtre qu'ils représentaient". Ce sont eux qui conduisaient le convoi (funus ducunt) 22, précédés
C'est dans la procession des ancêtres que se déployait tout le luxe des funérailles". On tirait vanité du nombre de lits, et par conséquent d'ancêtres, qui précédaient le cercueil. Servius prétend qu'aux obsèques de Marcellus, il y avait six cents lits, et six mille à celles de Sylla". La loi des Douze Tables avait bien défendu de dresser plusieurs lits funèbres", mais cette prohibition, si peu en harmonie avec le faste des Romains à la fin de la République, était tombée en désuétude. Pour allonger le défilé, on faisait suivre les ancêtres des familles se rattachant à la gens ou simplement alliées à la famille du défunt", parfois même les images des cités ou des peuples qu'il avait vaincus". Ces exhibitions, dit Salluste 29, avaient pour but de stimuler l'ardeur des jeunes Romains en leur inspirant le désir d'égaler les hauts faits de leurs ancêtres.
Venaient enfin les porteurs de torches30 et probablement aussi les licteurs, les faisceaux renversés3'.
Le défunt était généralement porté en effigie sur un grand lit de parade placé sur un char. Le corps, enfermé dans le cercueil, était à l'intérieur du char. Le défunt était représenté en pied par une espèce de statue sur laquelle on appliquait le masque du défunt32.
3° Oraison funèbre. Au lieu de se rendre directement au tombeau de famille ou au bûcher, le convoi passe par le Forum" et s'arrête devant les rostres où l'on prononce l'oraison funèbre (laudatio funebris) 3'. Le corps est déposé en face de la tribune aux harangues; les ancêtres s'assoient sur des sièges d'ivoire35. Puis un fils ou un parent du défunt, parfois même un magistrat" adresse aux citoyens assemblés (funebris contio)37 un discours dans lequel il fait l'éloge du défunt". Il y a ici toutefois un point assez obscur. En principe, un simple particulier n'a pas qualité pour assembler et pour haranguer le peuple39. Y avait-il exception pour les discours
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prononcés aux funérailles? Fallait-il tout au moins une autorisation des magistrats? On l'ignores Il est vraisemblable qu'à l'origine‘ l'honneur d'une oraison funèbre était réservé aux anciens magistrats'. C'est en effet Poblicola qui prononça la première oraison funèbre aux obsèques du consul Brutus2, et, depuis, cet honneur paraît avoir été accordé aux personnes qui s'étaient distinguées par les services rendus à la patrie". On l'accorda même à des femmes. Au temps de Cicéron le fait était encore assez rare4, mais à partir de Jules César on en rencontre des exemples assez fréquents'.
A défaut d'éloge funèbre du haut de la tribune aux harangues, on pouvait toujours faire l'éloge du défunt sur la tombe, en présence des amis et des parents 6. Ainsi fit Lucretius Vespillo pour son épouse Turia 7. L'oraison funèbre avait, dans ce cas, un caractère plus intime. Les lieux de sépulture étant situés hors ville, une partie de l'assistance s'arrêtait aux portes de la cité'. Suétone dit, à l'éloge de Tibère, qu'il suivait les obsèques des grands personnages jusqu'au bûcher'.
FUNUS MILITARE. Les rites funéraires que nous
venons de faire connaître subissaient un certain nombre de modifications pour les obsèques des militaires. Les soldats qui mouraient sur les champs de bataille étaient ordinairement ensevelis ensemble dans une fosse commune creusée dans le voisinage 10. On leur rendait les derniers devoirs d'une façon très sommaire. Parfois cependant le chef de l'armée faisait l'éloge des soldats tués au champ d'honneur".
Mais, malgré l'autorisation accordée par les Douze Tables, il n'est pas douteux qu'on ne prenait guère la peine de recueillir l'os resectum pour l'inhumer à Rome. La règle décemvirale était bonne pour une époque où l'on faisait la guerre à peu de distance de Rome, et où chaque combat ne mettait en présence qu'un nombre relativement faible de soldats. Plus tard cette règle devint impraticable, au moins dans la plupart des cas et pour les simples légionnaires. Quant aux chefs de l'armée, on transportait leur corps à Rome, s'il était possible '2, et dans ce cas on leur faisait parfois des funérailles publiques'", sinon on les inhumait dans le camp avec tous les honneurs'`.
vaine. Le lendemain des obsèques s'ouvre une période de neuf jours appelée novemdial". D'après Servius, le novemdial tirerait son nom de l'usage d'exposer le corps pendant sept jours, de le brûler le huitième et de procéder à l'humatio le neuvième". Marquardt a démontré que cette explication n'est pas admissible": elle est contredite à la fois par les témoignages des auteurs et par les faits qui nous sont connus, par exemple la défense d'ensevelir un mort aux jours de fêtes publiques.
Le novemdial était une période de féries privées. On s'abstenait dans cette période de vendre les biens héré
ditairests ou d'exercer des poursuites contre l'héritier. Pour faciliter la perception de l'impôt du vingtième, les lois caducaires prescrivirent de procéder à l'ouverture des tablettes du testament aussitôt après la mort du testateur". Il fallut que des rescrits impériaux apportassent des tempéraments à cette règle en accordant un délai qui, au commencement du lue siècle, était de trois à cinq jours. Pour éviter les retards qui en résultaient, les créanciers, dans certaines régions de l'empire, notamment en Gaule au ive siècle, commençaient les poursuites avant le décès, dès que la mort du débiteur-paraissait prochaine20. Justinien établit l'ancien délai de neuf jours et défendit, sous peine de nullité, toût acte de poursuite exercé dans ce délai contre les parents ou les héritiers2l.
Le novemdial se termine par un sacrifice, un repas et des jeux funèbres. On offrait aux mânes du mort des libations de vin pur22 et sans doute aussi, comme dans les in feriae 23, des libations d'eau (inferia si), de lait et de sang". On se servait à cet effet du sang des victimes offertes en sacrifice"
Parfois aussi on offrait un sacrifice destiné à diviniser l'âme du défunt, à la placer au rang des divinités protectrices de la famille. C'était une espèce d'apothéose (consecratio mortuorum) [voy. plus haut, t. Ier, p. 324 et 1451]. Suivant Arnobe "7, le sacrifice consistait à offrir à. des di vinités certaines (numina certa) [voy. plus haut, t. II, p. 179] le sang de certains animaux. Cette coutume, empruntée aux rites étrusques consignés dans les libri Aclterontici, fut appliquée non seulement aux hommes qui avaient rendu à la patrie des services exceptionnels, mais aussi à de simples particuliers, un père, un enfant, un conjoint20. D'après Servius 29, qui invoque ici l'opinion de Labeo, l'auteur d'un traité en plusieurs livres De dus animalibus, on appelait dii animales les âmes humaines transformées en divinités.
Le sacrifice était suivi d'un repas (cena novemdialis) J° dont le menu était réglé comme pour le jour des obsèques. Mais, pour y assister, les convives déposaient les vêtements de deuil".
A la fin de la République, l'usage s'introduisit de donner des jeux funèbres (ludi novemdiales) "2 le neuvième jour après les obsèques. On faisait venir des histrions (ludii) " et des saltimbanques (corbitores). Les détails manquent sur ces jeux ; on ignore même ce qu'était au juste le corbitor : un passage de Paul Diacre sur les simpludiarea funera34 est le seul texte, à notre connaissance, où se trouve le mot corbitor 3
Dans les funérailles solennelles, les jeux célébrés peur la clôture de la neuvaine avaient une importance exceptionnelle. C'était une nouvelle occasion de déployer tout le luxe qui caractérisait les fanera indictiva. Ces jeux étaient offerts au peuple ; les spectateurs y assistaient
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vêtus de noir'. Les femmes n'étaient pas admises Les jeux funèbres avaient été institués pour remplacer les sacrifices humains usités aux premiers siècles de Rome 3. Jadis, dit Tertullien °, on immolait des captifs ou des esclaves. Plus tard, on se borna à leur remettre des armes pour s'entre-tuer : on voulut se donner le spectacle de les voir combattre et mourir. A partir de la fin dulie siècle, on engageait, pour donner ces jeux, des gla
diateurs (bustuarii) 5 tBUSTUARIUS]. C'est en 490 que, pour
la première fois, les fils de Brutus donnèrent des jeux de gladiateurs (munera) 6 à l'occasion de la mort de leur père Jusqu'à la fin de la République, on n'offrit au peuple des jeux de cette espèce que pour les funérailles des hommes. Jules César, le premier, en donna pour les funérailles de sa fille 8, et son exemple trouva des imitateurs 0.
Ces spectacles très onéreux étaient souvent institués par le défunt lui-même, en vertu d'une clause de son testament i0. Ils étaient parfois accompagnés de distributions (divisiones)'1 d'argent ou de denrées 12.
Outre les combats de gladiateurs, il était d'usage de présenter au public, comme intermède, les exercices des
L'organisateur des jeux funèbres portait la robe prétexte comme les magistrats : la seule différence, c'est qu'elle était de couleur noire (praetexta pulla) 4°. Il avait aussi à sa disposition, comme les magistrats investis de I'imperium, un ordonnance (accensus) n (Voy. plus haut, t. l°r, p. 17) et des licteurs 1s
L'intervention d'un designator dans les jeux funèbres est signalée par Donati7. II veillait sans doute à ce que chacun fût à sa place et faisait la police avec l'assistance des licteurs. C'était l'attribution du designator dans les jeux publics 18. Ulpien l'identifie avec le [ioa6aéti' des Grecs (ACOVOTUÉTEs] ; et P. Juventius Celsus établit qu'il exerçait un ministère et non une ars ludicra. Aussi, au temps de Septime Sévère, le poste de designator des jeux publics, qui était à la nomination de l'empereur, était-il très envié".
20 Le deuil. A. la différence de certains peuples qui n'admettaient pas les manifestations extérieures de la douleur, au delà du jour des funérailles 20, la coutume romaine avait fixé, d'une manière assez large, le temps consacré au deuil : une année de dix mois pour un ascendant'', un descendant adulte ou un mari 23 ; huit mois pour les autres cognats du degré le plus proche 23 ; pour les enfants de trois à dix ans, autant de mois qu'ils
avaient vécu d'années. De un à trois ans, on se contentait d'un petit deuil (sublugere). On ne portait pas le deuil des enfants au-dessous d'un an 24. Le jurisconsulte Paul, qui fut préfet du prétoire sous Alexandre Sévère 25, fixe d'une manière un peu différente la durée du deuil des enfants; elle serait d'un an pour les enfants au-dessus de six ans, d'un mois pour ceux de moins de six ans 25
Il était interdit de porter le deuil d'un ennemi du peuple romain ou d'un citoyen condamné pour crime de haute trahison27. Tibère étendit cette défense aux condamnés à une peine capitale Y8.
Durant le deuil, on devait s'abstenir de festins, d'ornements, de pourpre, de vêtements blancs 29. Pour éviter la confusion de part (turbatio sanguinis) 30, la veuve ne pouvait pas se remarier avant l'expiration du délai de dix mois31. Le même empêchement à mariage n'existait pas pour le veuf 32. Au Bas-Empire, le délai de viduité fut porté à douze mois par les empereurs Gratien, Théodose et Valentinien, dans une constitution du 29 mai 381 adressé au préfet du prétoire Eutrope 33
Le deuil prend fin avant l'expiration du temps fixé par l'usage dans divers cas énumérés par Festus": 10 la naissance d'un enfant; 2° la survenance d'un honneur dans la famille ; 3° le retour de captivité d'un père, d'un enfant, d'un mari ou d'un frère ; 44° les fiançailles d'une fille ; 3° la participation aux mystères de Cérès. Par exception, le deuil d'une veuve ne prend fin que si elle accouche avant l'expiration des dix mois qui suivent la mort de son mari 35, ou si elle obtient la permission de l'empereur 36. Dans tous les cas où l'on prolongeait le deuil au delà du terme fixé par l'usage, cela s'appelait
prolugere 37
Bien que le devoir d'observer le deuil fût consacré, non par la loi, mais par l'usage des honnêtes gensS8, il n'était pas, au moins dans certains cas, dépourvu de sanction juridique. Le contrevenant encourait l'infamie avec les déchéances que le préteur y avait attachées. Ces déchéances consistaient dans la défense de postuler pour autrui, sauf pour les personnes déterminées par l'édit 30, et dans la défense de constituer un cognitor°D.
Étaient déchus du droit de postuler pour autrui : 1° le père de famille qui, informé de la mort de son gendre, avait donné sa fille en mariage avant l'expiration du délai de viduité ; 2° le fils de famille qui, sans en avoir reçu l'ordre de son père, avait pris pour femme une veuve avant l'expiration dudit délai °2 ; 3° le père de
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famille qui avait laissé son fils contracter ce mariage
Étaient déchus du droit de constituer un cognitor: 1° le père de famille qui, informé de la mort de son gendre, avait donné sa fille en mariage avant l'expiration du délai de viduité ; 2° celui qui sciemment avait pris pour femme une veuve avant l'expiration dudit délai ; 3° le .père de famille qui avait laissé son fils contracter un tel mariage; 4° la femme qui n'avait pas, suivant l'usage, porté le deuil de son mari, de ses parents, de ses enfants ; 5° la veuve qui, connaissant la mort de son premier mari, s'était remariée avant l'expiration du délai de viduité
En somme, le devoir d'observer rigoureusement le deuil, n'existe que pour les femmes : dans ce cas seulement, il reçoit une sanction
célébration des .funérailles donne lieu à deux questions distinctes : 1° Quelles personnes doivent y faire procéder? c'est ce que les Romains appellent funerare 4, fiants fâcere 5, funeris curam agere °; 2° à quelles personnes en incombe la charge, soit au point de vue religieux (justa facere), soit au point de vue pécuniaire
(sumlus funeris)?
1. Qui doit faire célébrer les funérailles ? 1° Ce devoir incombe tout d'abord à la personne que le mourant a désignée (is quem decedens elegit) C'est là un trait caractéristique des moeurs romaines. De nos jours, 'on s'en remet généralement aux héritiers pour tout ce qui touche à la célébration des funérailles. On semble se désintéresser de la façon dont ils rendront les derniers devoirs au défunt. Les Romains ne l'entendaient pas ainsi : ils attachaient une grande importance à être enterrés de la façon qui leur convenait $. Ils réglaient tous les détails des obsèques et pour être sûrs que leurs instructions seraient suivies, ils chargeaient un ami d'exécuter sur ce point leurs dernières volontés; ils lui donnaient un mandat post mortem 9.
Sans doute, ce mandat n'est pas juridiquement obligatoire 10, du moins, aux premiers siècles de l'Empire 11 Celui qui refusait de l'exécuter n'encourait aucune peine 12, mais si le testament du défunt contenait quelque legs à son profit, il était déchu du droit de le réclamer. Bien différente était la situation quand le mandataire avait reçu de l'argent pour faire les funérailles : ici, l'inexécution du mandat constituait un dol13 et le mandataire pouvait être poursuivi en justice. Le magistrat pouvait même user de contrainte envers lui.
En pratique, lorsque le testateur ne remettait pas d'avance l'argent au mandataire, il avait soin, tout au moins, de déterminer la somme qui serait mise à sa disposition pour faire face aux frais des funérailles 1w, c'était un maximum qui ne pouvait être dépassé ; le reliquat, s'il y en avait, profitait à l'héritier 19.
D'où vient cet usage de confier à un ami la célébration
des funérailles? Pourquoi ne pas choisir l'héritier luimême ? Cet usage s'est introduit à une époque relativement récente. Aux premiers siècles de Rome, alors que les testaments étaient rares 18 et que l'héritier testamentaire était publiquement désigné dans les comices calates du vivant du testateur, il pouvait se prononcer dès la mort du défunt sur l'acceptation de l'hérédité. Quant aux héritiers domestiques, tant qu'ils restèrent groupés autour du foyer paternel, il n'était pas à craindre qu'ils négligeassent de rendre au défunt les derniers devoirs, Mais, lorsqu'après l'extension des relations commerciales, les Romains commencèrent à s'établir à l'étranger, lors surtout que se répandit l'usage du testament écrit, il s'écoula fréquemment un certain temps entre la mort du père de famille et l'arrivée des héritiers domestiques ou l'ouverture du testament. Même dans le cas où ce délai était aussi réduit que possible, il fallait laisser à l'héritier le temps de prendre parti sur l'acceptation ou la répudiation de l'hérédité. Tous ces motifs déterminaient les citoyens prudents à prier un ami de célébrer leurs funérailles sans attendre l'arrivée ou le bon plaisir des héritiers.
Tel était, d'ailleurs, le respect des Romains pour les dispositions du défunt à cet égard, que l'intervention de l'héritier ne suffisait pas pour exclure le mandataire. L'héritier, qui s'oppose à la célébration des funérailles par le mandataire, n'agit pas en honnête homme (non recte agere) dit Marc-Aurèle dans un de ses rescrits: cependant, il n'encourt aucune peine ".
2° A défaut de désignation particulière, le soin de faire procéder aux funérailles revient à ceux qui ont été délégués à cet effet (is cui delegatum id munus est) 18. Cette délégation émanera ordinairement d'un ami du défunt".
3° S'il n'y a ni mandataire spécial ni délégué, les péri, tiers, dans l'ordre où ils sont appelés à la succession, doivent faire célébrer les funérailles 40. Mais cela suppose que le défunt était chef de famille. S'il était soumis à la puissance d'autrui, si c'était un fils de famille, une femme in manu, c'est-à-dire une personne incapable d'avoir un patrimoine et, par suite, de laisser une hérédité, c'est le chef de sa famille qui doit le faire enterrer21. 11 en était de même pour les esclaves 22.
4° Les collèges funéraires 23. Les pauvres gens, les
affranchis, les esclaves même, ne se préoccupaient pas moins que les riches de ce qu'on ferait d'eux après leur mort. Comme eux, ils voulaient, avant de mourir, avoir l'assurance qu'on rendrait à leur corps les derniers devoirs. Ne pouvant compter sur leurs propres ressources, ni sur celles de leurs héritiers, en supposant que la loi leur permit d'en avoir, ils formaient entre eux des collèges (collegia tenuiorum) 2'° dont l'objet principal était de pourvoir aux funérailles des associés.
Ces associations se formèrent d'abord entre affranchis ou esclaves d'une même maison. On en trouve des
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exemples qui remontent au temps de la République 1. A partir d'Auguste, les affranchis et esclaves de la maison impériale établirent plusieurs associations de ce genre. Nous citerons seulement celles des affranchis et esclaves de la maison de Livie et des Césars, fils adoptifs d'Auguste de la maison de Marcella, la plus jeune fille d'Octavie, soeur d'Auguste
A côté de ces associations, il en est d'autres qui avaient un but tout différent, les collèges d'ouvriers, par exemple, et qui, cependant, s'occupaient aussi d'assurer à leurs membres une sépulture convenable 4. Tel était, sous la République, le collège des fabricants de bagues (anularii) à Rome 6.
Au Ier siècle de l'empire, on voit apparaître des associations plus larges formées entre des personnes de professions très diverses, qui se placent sous le patronage d'une divinité dont elles se disent les adorateurs (Cultores), comme les corporations du moyen âge se mettaient sous le vocable d'un saint. Ces collèges ont presque tous pour but principal de pourvoir à la sépulture de leurs associés. Tels sont les cultores Augusti ou Fortunae, Victoriae, Larum Augusti 6, le collegium Silvani sous Domitien', les cultores Silvani8 et le collegium larum Volusianorulns sous Vespasien ou Titus (7080), les cultores Silvani de l'an 9710. Quelques-uns de ces collèges paraissent cependant avoir été fondés pour un but plutôt religieux, par exemple, les Seviri Augustales cultores doms divinae71, les cultores D. S. I. IIIithrae 12.
C'est surtout au 11e siècle que les collèges funéraires prennent une grande extension. Quelques-uns d'entre eux ajoutent à leur dénomination le qualificatif salutare 13 ou salvuin" , qui paraissait d'un bon augure pour la prospérité de l'association''. Les constitutions impériales, particulièrement les mandats, les autorisent à Rome, en Italie et dans les provinces, et déterminent les conditions sous lesquelles ils pourront s'établir 16. Les femmes y étaient admises" ainsi que les esclaves.
Les empereurs reconnaissent formellement aux esclaves le droit d'en faire partie avec l'autorisation de leur maître 13. C'est surtout pour eux que ces collèges étaient utiles. La situation des esclaves avait bien changé depuis la fin de la République. Anciennement, l'esclave était traité comme un membre de la famille ; le maître avait des devoirs envers lui : il ne pouvait lui refuser la sépulture. Au point de vue religieux, l'esclave était regardé comme un homme : le chef de famille sacrifiait aux dieux, pour lui comme pour ses enfants 19 Les Romains étaient convaincus que l'esclave 'avait, comme les autres hommes, une âme 25 qui avait besoin d'un asile après la mort. Les prêtres offraient des sacri
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fices à ses mânes 21, et le lieu où il était inhumé était religieux". Plus tard, l'accroissement du nombre des esclaves dans les grandes maisons, l'affaiblissement de la moralité publique firent oublier aux maîtres leurs devoirs envers leurs esclaves. Si l'on rencontre encore, sous l'empire, des maîtres comme Pline le Jeune n, qui pleurent la mort de leurs esclaves et qui prennent soin de leur sépulture 24, il en est beaucoup qui les considèrent comme une marchandise et qui ne voient dans Ieur décès qu'une perte d'argent. L'esclave qui a un mauvais maître ou un maître indifférent, doit se préoccuper lui-même de sa sépulture. C'est à lui de faire des économies pour s'assurer un tombeau n ou une place pour ses cendres dans un columbarium. Sinon, il sera jeté au pourrissoir (puticulus)26, à moins que ses amis ne se cotisent pour lui acheter un tombeau 27.
Le parti le plus sûr était de s'associer à un collège funéraire ; mais il fallait obtenir du maître une autorisation qui pouvait être refusée. L'esclave acquérait, en vertu de cette autorisation, une certaine personnalité, et le maître devait en supporter les conséquences économiques : il ne pouvait prétendre aucun droit ni sur les cotisations versées par son esclave, ni sur les autres prestations qu'il avait pu fournir 28. S'il refusait par méchanceté de livrer le corps de son esclave, celui-ci était assuré que ses confrères lui feraient des funérailles imaginaires (f-anus imaginarium) en lui érigeant un cénotaphe 29
Les monuments épigraphiques donnent des détails assez précis sur l'organisation des collèges funéraires 30 Nous n'avons à parler ici que de ce qui a trait aux funérailles. Pour faire face aux dépenses qu'elles occasionnaient, on constituait un fonds commun (arca) 31 administré, sous caution 32, par des curateurs" ou des questeurs 3'1. Ce fonds commun provenait de deux sources principales : d'abord, les cotisations des associés. Chacun d'eux devait, lors de sa réception, un droit d'entrée (kapitularium)33; il devait, en outre, payer une cotisation mensuelle. A Lanuvium, le droit d'entrée était de cent sesterces avec une amphore de bon vin; la cotisation était de cinq as par mois 36. D'autre part, le collège profitait des donations n, legs'' ou fidéicommis qui lui étaient adressés, ainsi que des amendes infligées aux associés pour infraction aux statuts 39. Un sénatus-consulte (divi lllarci), cité par Paul, donna à tous les collèges la capacité de recueillir un legs 50 ; mais peut-être cette capacité avait-elle été accordée antérieurement à certains collèges ou plutôt aux collèges de certaines régions comme l'Italie. Il est à remarquer, en effet, que si l'on trouve plusieurs inscriptions mentionnant des legs faits à des collèges d'Italie, les exemples sont très rares pour
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les provinces'. Les collèges ne pouvaient recueillir la totalité ni une quote-part des biens d'une personne sous forme d'institution d'héritier, mais seulement par voie de fidéicommis 2. Cependant une inscription de Misène
donne le titre d'héritier aux membres d'un collège; mais il s'agit de matelots de la flotte 4 qui jouissaient des privilèges accordés aux militaires en matière de testament.
Malgré leur utilité incontestable, les collèges_funéraires eurent plus d'une fois une existence éphémère. Si un grand nombre d'associés manquaient de persévérance et négligeaient de payer leur cotisation, la caisse ne tardait pas à se vider, et il ne restait au président qu'à dissoudre le collège. Des tablettes de cire trouvées en Transylvanie contiennent la copie d'un acte destiné à porter à la connaissance du public la dissolution du collège des adorateurs de Jupiter Cernenius''.
Sous l'Empire comme sous la République, ce n'étaient pas seulement les collèges funéraires qui s'occupaient de la sépulture de leurs associés. Il en était de même d'un grand nombre de collèges d'ouvriers', d'appariteurs de magistrats', de comédiens de cochers de cirques, de gladiateurs". Il y a même quelques exemples de collèges de soldats", comme le collège des soldats de la troisième légion Augusta, campée à Lambèse 12.
5° A défaut d'autre personne, tout citoyen peut faire inhumer un défunt. La religion lui en fait un devoir, et l'édit du préteur l'y encourage en lui promettant un secours contre qui de droit".
II. A qui incombe la charge des funérailles? Il faut distinguer ici le funus privatum, le funus militare, le funus collaticium et le funus publicum, suivant que les frais funéraires sont payés par de simples particuliers, par la légion, par voie de cotisation ou par le Trésor public.
FUNUS PRIVATUJII. 1° D'après Festus, la charge des
funérailles incombe à l'everriator ". On appelle ainsi celui qui, ayant régulièrement accepté l'hérédité, doit rendre au défunt les derniers devoirs. Ce nom vient de verrere, balayer, parce que l'héritier devait purifier la maison mortuaire avec une espèce de balai. Festus ajoute que l'héritier qui ne rend pas au défunt les derniers devoirs et qui n'observe pas scrupuleusement les rites funéraires encourt une peine capitale : il était sans doute dévoué aux mânes de ses pères (diris parentum)17•
La charge des frais funéraires incombe pareillement à celui qui est appelé à la succession par l'édit du préteur (bonorum possessor) et à tous autres successeurs". En est également tenu le patron qui demande la bonorum possessio contre le testament de son affranchi".
2° Si le défunt est un fils de famille ou un esclave, c'est le chef de famille qui a la charge des frais funéraires18. Si le fils a un pécule militaire, ses successeurs supporteront les frais; le père n'en sera tenu que subsidiairement79.
3° S'il s'agit d'une femme mariée, les frais funéraires s'imputent sur la dot : telle fut, dit Ulpien, la règle très
équitable posée par les anciens jurisconsultes 20, Par conséquent les frais incombent à celui qui doit profiter de la dot, au décès de la femme. Si la dot doit rester au mari et qu'elle ne suffise pas à couvrir les frais, le père de la femme doit payer l'excédent21. Dans ce même cas, si la femme est sui j'unis et laisse des héritiers, les frais se partagent entre le mari et les héritiers au prorata de la valeur des biens attribués à chacun d'eux22. Si une dot réceptice a été constituée à une femme émancipée et qu'une partie de cette dot retourne au père de la femme tandis que l'autre reste au mari, les frais se répartissent proportionnellement entre le père, le mari et les héritiers de la femme23. Lorsque mari et femme meurent dans le même événement, l'héritier du mari contribue aux frais des funérailles de la femme proportionnellement à la valeur de la dota'°. A défaut de dot, c'est le père de la femme et non le mari qui doit supporter les frais". Mais si la femme n'est plus sous la puissance de son père, si elle a été émancipée, la charge incombe à ses héritiers. A défaut d'héritiers ou si le père n'est pas solvable, le mari est tenu des frais dans la mesure de ses facultés='.
4° La règle qui met les frais funéraires à la charge des héritiers ou du père de famille ne s'applique pas au cas où le défunt, faisant partie d'un collège funéraire, a régulièrement payé sa cotisation mensuelle.
Il faut distinguer ici deux sortes de collèges : ceux qui se chargent d'inhumer dans une sépulture commune les confrères décédés, ou de déposer leurs cendres dans un columbarium, ont, par voie de conséquence, la charge des funérailles. D'autres collèges se bornent à mettre à la disposition de l'héritier institué par le défunt une certaine somme (funeraticium) pour faire face aux frais de la sépulture. -A Lanuvium, cette somme était de trois cents sesterces, mais on prélevait cinquante sesterces pour être distribués autour du bûcher à ceux des confrères qui avaient suivi le convoi (sportula exequiaria)27. A Cabeza del Griego, en Espagne, le funeraticium n'était que de deux cents sesterces 28. Cette somme très modique servait à payer les obsèques et l'inhumation, et il restait souvent quelque chose pour acheter une table de marbre où l'on gravait l'inscription destinée à perpétuer la mémoire du défunt et de ses collègues2°. A Crémone, une femme déclare qu'elle a payé trente deniers ou cent vingt sesterces in funus et memoriam 30. Avec deux cents, trois cents sesterces, on pouvait se permettre un luxe relatif.
Si le confrère était mort intestat, le collège se chargeait de ses funérailles : le funeraticium n'était pas remis aux héritiers légitimes. L'entrée dans un collège funéraire manifestait suffisamment la volonté du défunt de charger ses collègues de ses obsèques. Cette présomption ne pouvait être écartée que par un acte de dernière volonté instituant un héritier.
A Lanuvium, quand un confrère mourait à une distance de plus de 20 milles 31, on envoyait trois délégués avec l'argent nécessaire pour les obsèques; on leur payait à eux-mêmes pour frais de déplacement vingt ses
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terces par tête. Si, dans ce même cas, le collège n'avait pu être avisé en temps utile, la personne qui avait bien voulu se charger des obsèques avait un recours contre le collège pour le montant habituel du funeraticiuml. C'é tait une règle analogue à celle qui était depuis longtemps consacrée pour tous les citoyens par l'édit du préteur.
Les statuts des collèges d'ouvriers contenaient souvent, comme nous l'avons vu, des dispositions relatives aux funérailles des membres décédés. Le funeraticium était généralement plus élevé que dans les collèges funéraires proprement dits. A Aquincum, le collège des centonarii payait trois cents deniers ou douze cents sesterces 2; à Sarmizegetusa, le collège des fabri, quatre cents deniers ou seize cents sesterces'. A Rome, le corpus mensoru7n machinariorum payait un funeraticium vraisemblablement supérieur'. Les associés pouvaient d'ailleurs y ranoncer, soit par acte entre vifs au profit de leurs confrères soit par acte de dernière volonté, et, dans ce dernier cas, en affecter le revenu à des sacrifices que les membres du collège devaient offrir à des jours déterminés 6. A Tibicum, le collège des fabri partage avec les frères du défunt les frais des funérailles 7. En l'absence d'une clause des statuts ou d'un décret de la corporation, les associés pouvaient encore, par voie de cotisation volontaire, participer aux frais funéraires d'un collègue décédé'. Enfin, dans certains collèges, les femmes et les enfants des associés étaient enterrés aux frais de la corporation'.
50 Actio funeraria. Les Romains ne veulent pas que celui qui, sans avoir la charge des funérailles, serait disposé à les faire célébrer, soit arrêté par la crainte de ne pas rentrer dans ses déboursés". Au temps de la République, cette crainte aurait été d'autant plus fondée que la plupart des actes de la vie sociale, établissant un rapport d'intérêt entre deux personnes, n'avaient guère qu'une sanction morale, le blâme du censeur". Le préteur estima que cette sanction était insuffisante, alors surtout qu'on pouvait ignorer qui se porterait héritier : il permit de poursuivre judiciairement (actio funeraria)
celui ou ceux à qui incombait la charge des funérailles (is ad queln funus pertinet)13.
Le juge de cette action statuait comme un arbitre"; il avait un pouvoir discrétionnaire pour fixer le montant de la condamnation encourue par le défendeur (action in bonum et aequum concepta)16. Le juge devait tenir compte du rang social du défunt, de sa fortune et de toutes les circonstances de l'espèce 16. Si, par exemple, le défunt est un fils de famille, on aura égard à la fortune du père17. Le juge avait un pouvoir tel qu'il avait le droit de refuser toute indemnité, s'il estimait que les
frais avaient été trop modiques eu égard à la fortune du défunt : la parcimonie était ici considérée comme un outrage13. A l'inverse, il pouvait donner gain de cause à celui qui avait fait les funérailles malgré la défense de l'héritierf9. Ce sont les jurisconsultes de la fin de la République, Trebatius, Mela et surtout Labéon dont les décisions fixèrent la jurisprudence en cette matière. Ceux du nie siècle se montrèrent plus Iarges encore : Paul et Ulpien permirent à l'héritier apparent qui, après avoir acquitté les frais funéraires, était évincé de la succession, d'exercer un recours contre l'héritier véritable".
Pour être admis à exercer l'action funeraria, il faut avoir eu, au moment où l'on a fait célébrer les funérailles, l'intention de se faire rembourser2'. Il est prudent de faire constater cette intention par une déclaration devant témoins (testari). Cette déclaration sera surtout utile de la part des personnes dont l'intervention pourrait être interprétée comme un acte de piété filiale 23. Il faut ensuite que toute autre voie de recours fasse défaut : l'action funeraria est une action subsidiaire. Par conséquent elle sera refusée à qui pourrait se faire rembourser ses avances, soit par une action en partage d'hérédité23, soit par une action de mandate'.
6° La créance des frais funéraires comprend tout ce qui a été dépensé pour la sépulture, même l'achat du terrain nécessaire pour l'inhumation2°. On y joint, s'il y a lieu, le prix du sarcophage26 ainsi que les frais de transport du cadavre, en cas de décès à l'étranger21. Mais, d'après un rescrit d'Hadrien, la construction du monument servant à protéger la tombe où repose le corps du défunt, est en dehors des frais funéraires 28.
Les frais funéraires sont une charge de l'hérédité. En cas d'insolvabilité du défunt, cette créance passe avant toute autre29. Elle est garantie par un privilège (privilegium funerarium) qui prime le droit du locateur sur les objets introduits dans les lieux loués par le locataire ou par le fermier décédé". A plus forte raison, le créancier des frais funéraires est-il préféré aux légataires, sauf le recours de ceux-ci contre l'héritier 31. Dans un cas, cependant, le légataire profitait du privilège des frais funéraires : lorsque son legs avait pour objet des vêtements qui avaient servi à envelopper le corps du 'défunt 32.
FUNUS MILITARE. Les soldats, morts isolément pendant la durée de leur service, étaient enterrés aux frais de leurs camarades. Dans chaque légion, il y avait une caisse spéciale (undecimus follis) alimentée par les cotisations de tous les légionnaires. Toutes les fois que l'un d'eux venait à mourir, on puisait dans la caisse l'argent nécessaire aux funérailles.
Nous avons vu déjà qu'il existait quelques collèges de
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soldats qui, à certains égards, avaient le caractère de collèges funéraires : à Lambèse, le funei'aticiuuni était de cinq cents deniers ou deux mille sesterces. C'était un chiffre très élevé si on le compare à celui du collège de Lanuvium e t même à celui des collèges d'ouvriers d'Aquincum et de Sarmizegetusa'.
FUNUS COLLAFICIUDI.Le luxe des funérailles n'était
pas toujours une affaire de vanité : il devait, en principe, être proportionné à, l'honneur que recevaient les héritiers appelés à continuer le culte et la maison du défunt, bien plus qu'à l'importance de sa succession. L'hérédité avait dans l'ancienne Rome un caractère plutôt moral que pécuniaire 2. Lorsque le défunt avait rendu de notables services à la cité, l'utilité qui en résultait formait pour le peuple une sorte de patrimoine qui lui imposait les mêmes devoirs qu'aux héritiers3. Le sentiment de ces devoirs se manifestait surtout lorsqu'un grand citoyen mourait sans fortune, mais cette condition n'était nullement nécessaire : la dette qui incombait au peuple était indépendante de la fortune laissée par le défunt'. Chacun se cotisait pour lui faire des funérailles dignes de lui (funus stipe conlata). Ainsi furent célébrées aux premiers siècles de la République les obsèques de Valerius Poplicola s, de Menennius Agrippa', de P. Valerius le consul de Fan 294', de Q. Fabius Maximus le consul de 5458, de Q. Fabius Rullianus°, de P. Cornelius Scipio Nasica le censeur des années 595 et 59910
FUNUS PUBL!CUIII. Le système des cotisations indi
viduelles était un vestige de l'époque où l'État se confondait avec les gentes qui le composaient. Lorsque l'autorité de l'État eut grandi, on lui reconnut une existence distincte de celle des gentes; il se substitua à elles dans l'accomplissement de quelques-uns des devoirs qui, précédemment, leur incombaient. C'est ainsi que le Trésor public prit à sa charge les frais des funérailles des citoyens qui avaient bien mérité de la patrie (funus publicum).
Il y a cependant un cas où l'intervention de l'État présente un tout autre caractère : lorsque l'État fait célébrer les funérailles des prisonniers de marque ou des députés des nations étrangères, morts pendant leur séjour à Rome ". Au cours du vie siècle, Syphax, roi de Numidie, et Persée, roi de Macédoine, morts l'un à Tibur, l'autre à Albe, furent enterrés aux frais du Trésor public, en vertu d'un décret du sénat 12.
A quelle époque l'État a-t-il commencé à prendre à sa charge les funérailles de citoyens romains? On ne peut guère le déterminer que par voie de conjecture. Ce n'est pas qu'il n'y ait des documents mentionnant, à une époque
très ancienne, la célébration de funérailles publiques, mais ces documents étaient suspects aux Romains euxmêmes13 : ils ont pu être fabriqués dans l'intérêt de certaines familles quit pour se donner du lustre, prétendaient qu'un de leurs ancêtres avait reçu l'honneur d'un funus publicum ". Valerius Antias paraît avoir fait usage de cos documents, s'il ne les a pas inventés lui-même". Son récit prouve tout au moins que l'usage d'enterrer des citoyens aux frais de l'État existait de son temps, c'est-à-dire un siècle environ avant notre ère. Cette conclusion est confirmée par le témoignage de Cicérones
Si d'autre part on remarque que Scipion, le consul de l'an 599, fut enterré stipe conlata, on inclinera à penser que c'est au cours du vlle siècle que l'État commença à prendre à sa charge les funérailles des citoyens.
Le premier Romain enterré aux frais de l'État est, à notre connaissance, Sylla" : c'était en 676. En 711, on fit des funérailles publiques au jurisconsulte Servius Sulpicius Rufus19, puis à M. Juventius Lepidus19, aux consuls Hirtius et Pansa 2° et aux soldats tués à la bataille de Modène21. Auguste et Tibère accordèrent assez fréquemment cet honneur22, mais leurs successeurs ne paraissent pas l'avoir prodigué 23. Marc-Aurèle fit enterrer aux frais de l'État beaucoup de ceux qui furent enlevés par l'épidémie de l'an 16624. C'était là une exception. Les funérailles publiques étaient à cette époque presque exclusivement réservées à l'empereur et aux membres de la famille impériale (funus imperatorium)23. Nous citerons entre autres les funérailles d'Auguste26, de Tibère97, de Claude'', de Vespasien", de Titus30, de Lucius Verus31, de Marc-Aurèle32, dePertinax33, de Septime Sévère3", de Caracalla".
Le sénat avait seul qualité pour décréter des funérailles publiques 36. Il s'agissait en effet d'une décision ayant à la fois un caractère religieux et financier. A ce double titre le sénat était seul compétent. Mais pour concéder un lieu de sépulture ou pour autoriser l'érection d'un monument, il fallait un vote du peuple37. Même sous l'Empire, le sénat était consulté, bien qu'en fait la volonté de l'empereur fût prépondérante 38. Les sénateurs se rendaient en habits de deuil à la séance où l'on devait 'délibérer sur la concession des funérailles publiques. Les sièges, sur lesquels ils prenaient place d'ordinaire, étaient changés en signe de deuil".
Les consuls tenaient la main à l'exécution du décretb". Ils chargeaient les questeurs" de mettre aux enchères l'entreprise des funérailles et de faire payer le prix d'adjudication par le Trésor public. Ce prix était très élevé: les funérailles publiques étaient toujours solennelles;
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elles rentrent dans la classe des feulera indietiva'. Les obsèques de Vespasien coûtèrent dix millions de sesterces2. Parfois cependant, comme après le désastre de Modène, les entrepreneurs des pompes funèbres, voulant s'associer au deuil public, promirent leur concours gratuit ainsi que l'usage de leur matériel. L'adjudication eut lieu, pour la forme, au prix d'un sesterce
Ce ne sont pas seulement les hommes ayant bien mérité de la patrie qui furent enterrés aux frais de l'État. Le même honneur fut accordé à des femmes, mais on n'en connaît pas d'exemple antérieur au temps de Jules César4. Sous l'Empire, il paraît avoir été réservé aux femmes appartenant à la famille impériale'. Auguste fit également décréter des funérailles publiques à ses deux fils Lucius et Caius 6 et même à son précepteur Sphaerus, qui n'était qu'un affranchi'.
Les funérailles publiques ne diffèrent pas seulement des funérailles privées, en ce que les héritiers sont déchargés des frais funéraires; elles impliquent un honneur exceptionnel rendu au défunt au nom de l'État. Cet honneur se manifeste par la magnificence des funérailles et par l'adjonction d'un certain nombre d'éléments nouveaux aux rites ordinaires des obsèques. Nous ne les connaissons que par les récits des auteurs anciens 8 relatifs aux obsèques des empereurs et des membres de la famille impériale. On ne peut sans doute pas affirmer qu'ils s'appliquent indistinctement aux funérailles des simples citoyens; on le peut d'autant moins qu'ils ont dû varier suivant les époques et suivant les personnes. On doit cependant tenir pour vraisemblable qu'il y avait un fonds commun d'usages observés dans toutes les funérailles publiques 10.
Le corps était exposé, non plus dans l'atrium de la maison mortuaire, mais au forum 11. C'est là que se réunissait le peuple, ainsi que les membres des deux ordres, tous en vêtements de deuil72.
Depuis les funérailles d'Auguste, les soldats en armes assistent aux obsèques 13
Le corps est porté à l'épaule par les notables de la cité". Jules César fut porté par des magistrats, Auguste par des sénateurs, Germanicus par des tribuns.
Le défilé des ancêtres comprend, outre les gentiles, les principaux personnages de l'État depuis Romulus t5
Le convoi funèbre est suivi par les magistrats et par les prêtres 16
L'oraison funèbre est prononcée par un magistrat11.
Le feu est mis au bûcher par les consuls 16 ou par le successeur de l'empereur i9 ou par des centurions20.
Lorsque le corps a été placé sur le bûcher, les soldats en font trois fois le tour (decursio militum circa rogum) 21. Le défilé a lieu par la gauche (orbe sinisiro) en signe de deuil 22. C'est le mouvement indiqué sur l'un des bas-reliefs qui décorent la colonne Antonine et qni reproduit cette scène (voy. t. I ', p. 323, fig. 389). Les troupes à pied et à cheval 23 marchaient au son de la trompette (tuba)", Ies armes tournées vers la terre (projectis arrois) 25 et les enseignes abaissées 26.
Aux funérailles de Jules César, les joueurs de flûte, les comédiens déchirèrent les vêtements de prix qu'ils avaient revêtus pour la circonstance et les jetèrent sur le bûcher. Les vétérans y jetèrent leurs armes; les matrones, leurs parures ainsi que les bulles et les prétextes de leurs enfants 27.
En signe de deuil public, les consuls proclamaient le justitium20. Le cours de la justice était suspendu. Le justitium était, au point de vue judiciaire, une période d'inaction pour les magistrats, comme les féries dénicales pour les particuliers. Sous l'Empire, la proclamation du justitium était la règle générale pour les funérailles publiques. Il y en a de nombreux exemples pour les obsèques des empereurs 29 ; on en a même pour les membres de la famille impériale 30. En était-il de même sous la République? C'est un point discuté 31 malgré le témoignage de Granius Licinianus 32 pour Sylla
Le justitium était observé à Rome et dans les provinces33. La durée en était variable. En principe, elle comprenait l'intervalle qui s'écoulait entre le décès et le dépôt des os et des cendres dans le tombeau34. Ce délai était plus ou moins long suivant que le décès avait eu lieu hors de Rome ou dans la ville.
La proclamation du justitium n'était qu'une des manifestations du deuil public. Il était d'usage de revêtir des habits de deuil et de s'abstenir de prendre part à des festins. Les établissements publics et privés, les temples, les bains, les boutiques étaient fermés". En plusieurs circonstances, on décréta que les dames porteraient le deuil pendant un an 36.
On n'a pas de renseignements positifs sur les jeux donnés à l'occasion de funérailles publiques. On a cependant tout lieu de croire qu'il y avait des jeux de gladiateurs. Les textes parlent seulement des jeux donnés après l'apothéose 37,
FUNUS CENSORWUM. De toutes les funérailles publi
ques, celles qui, sous l'Empire, étaient célébrées avec le plus de magnificence, portaient le nom de funus
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censorium. Cette expression désignait primitivement les funérailles d'un censeur. Elles se distinguaient de celles des autres magistrats par le costume dont le corps du défunt était revêtu. Tandis que pour les consuls et pour les préteurs, c'était ùne toge simplement bordée de pourpre, pour les censeurs, elle était entièrement tissée de pourpre,'.
Sous la République, les funérailles d'un censeur n'étaient pas nécessairement des funérailles publiques; on ignora même s'il y en a jamais eu qui aient été célébrées aux frais de l'État'. Sous l'Empire, l'expression funus eensorium s'applique plus particulièrement aux funérailles des empereurs 3 ou, tout au moins, à celles des personnages de marque, comme Lucilius Longus', l'ami de Tibère et Aelius Lamia, le préfet de la ville de l'an 33 3.
On a prétendu, néanmoins, que le funus censorium était un funus publicum donné à l'adjudication par un censeur'. Mais cette opinion est contredite par les textes qui attribuent aux consuls le soin d'exécuter le décret du sénat et par le témoignage de Polybe'.
comme à Rome, on décrétait des funérailles publiques, soit aux personnes qui avaient bien mérité de la cité', soit à un de leurs proches parents et pour adoucir leur douleur Il fallait, dans tous les cas, un décret de la curie sur la proposition d'un ou de plusieurs de ses membres10. Le décret était exécuté à la diligence des magistrats municipaux 1l.
Les monuments épigraphiques nous ont conservé le texte de trois décrets de ce genre : l'un du temps d'Augustef2, l'autre de l'an 48713, enfin un décret du iu° ou du Ive siècle'".
A la différence de ce qui se passait à Rome, la concession comprenait des degrés très divers: certains décrets accordent le montant des frais (impensae funeris), les obsèques (exsequiae) et l'éloge funèbre (laudatio funebris)'°. Quelques-uns y ajoutent un certain nombre de livres de parfums, de l'encens (thus) 1°, ou du nard (foliuyn) i7. D'autres, au contraire, allouent simplement le montant des frais", ou même une somme fixe pour contribuer aux frais (in funere...) ou pour augmenter l'éclat des funérailles". Les familles riches acceptaient parfois l'honneur des funérailles publiques et renonçaient à l'allocation pour ne pas en laisser la charge à la cité".
Les funérailles publiques étaient fréquentes dans les municipes : les inscriptions en fournissent de nombreux exemples à l'époque impériale 21. Sous la République, le poète Lucilius, mort à Naples en 7M, fut, suivant une tradition mentionnée par saint Jérôme 22, enterré publiquement. Comme à Rome, cet honneur fut accordé à des femmes23, à des jeunes gens 2' et même à des enfants 25.
La cérémonie devait présenter certaines analogies avec
crit de Fentourer avec la toge de pourpre : Tacit. Annal. XII, 69. Tacit.
celle qui était usitée à Rome. Une inscription nous apprend que le brancard fut porté à l'épaule par des chevaliers romains 2°. Une autre inscription dit que le cours de la justice fut suspendu, mais, à ce qu'il semble, pour un jour seulement'.
V. LÉGISLATION sua LES FUNÉRAILLES. I. Les règles établies par la législation romaine sur les funérailles, ont un double objet : les unes sont des mesures de police édictées dans un but de sécurité publique; les autres ont le caractère de lois somptuaires, elles ont pour but de restreindre le luxe funéraire28. L'intervention du législateur, à ce dernier point de vue, nousparaît aujourd'hui étrange. Elle ne l'était pas moins à Rome au ler siècle de la République : la législation était alors très peu développée. Ce qui caractérise la civilisation romaine à cette époque, c'est le peu de place qu'y occupe le droit29. Le législateur évitait de s'immiscer dans l'administration intérieure des familles. L'ingérence de la loi dans une question d'ordre privé est d'autant plus singulière. Elle s'explique cependant, si l'on tient cornp'e du but poursuivi par les auteurs de la loi des Douze Tables.
Les dispositions sur les funérailles furent insérées dans la loi décemvirale, non pas seulement pour éviter une déperdition inutile de la richesse privée, mais surtout pour empêcher les patriciens de se distinguer des plébéiens par le faste de leurs obsèques 30, Le faste funéraire, déjà très développé aux premiers siècles de Rome, était une conséquence de l'organisation aristocratique de la société. L'égalité devant la loi, égalité voulue par les décemvirs 31, eût été un vain mot si l'on avait pu, après la mort d'un patricien, faire apparaître par le luxe de ses funérailles, la puissance de l'organisation gentilice, la supériorité du patriciat sur la plèbe. Les manifestations extérieures des honneurs rendus au défunt et de la douleur de ses proches, furent réduites parla prudence des décemvirs, à des proportions modestes qui n'étaient pas au-dessus des ressources de la moyenne de la population.
Nous n'avons pas à reproduire ici les diverses dispositions introduites dans la loi des Douze Tables, en vue de restreindre le luxe funéraire : nous les avons fait connaître à l'occasion des matières auxquelles elles se rapportent. Il nous suffira de faire remarquer que, si l'accroissement de la richesse publique et privée, le goût du luxe firent tomber en désuétude plusieurs de ces dispositions, un bon nombre ont subsisté, grâce aux édiles curules qui se chargèrent d'en assurer l'application.
II. La circulation des convois funèbres sur la voie publique3', l'établissement des bûchers, les inhumations intéressaient trop directement la sécurité publique pour ne pas attirer d'une façon spéciale l'attention des magistrats qui avaient dans leurs attributions la police de la ville. Il est plusieurs fois question d'un édit des
funeris impensam remisit n. 21 Voyez la liste publiée par Vollmer, Op.
Vadimoniaque cjus diei d1f(ferantur) 28 Cie. De leg. II, 23. 29 Éd. Cuq,
laudabilia, et locupletibus fere cure plebe communia. Quod quidem maxime e natura est, tolli fortunae discrimen in morte s. 31 Éd. Cuq, Op, cit. t. I", p. 128.
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édiles relatif aux funérailles. En 676, Cicéron proposa au sénat d'inviter les édiles curules à suspendre l'application de leur édit, pour les obsèques de Servius Sulpicius Rufus'. Un passage des Fastes d'Ovide prouve que de son temps les édiles veillaient encore à l'observation de la règle des Douze Tables, limitant à dix le nombre des joueurs de flûte'. Les monuments épigraphiques nous font connaître d'autres dispositions de l'édit des édiles relatives aux sépultures : elles tendaient àfaire respecter les dispositions testamentaires défendant d'inhumer des étrangers dans un tombeau de famille 3.
III. Les règles des Douze Tables sur les funérailles furent complétées en 673, par la loi Cornelia sunttuaria. Autant qu'on en peut juger par un passage de Plutarque', cette loi restreignit les frais funéraires. quant à la profusion des épices coûteuses et quant aux jeux
funèbres 5. ÉDOUARD Coq.