Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

GAULUS

GAULUS. 1 Festus ap. Paul. p. 96, édit. Millier. 2 Herodot. III, 136 ; VIII, 97; Aristoph. Av. 598; Athen. VII, 3200; Hesych. s. v. Comparez un vaisseau de transport, aux formes très arrondies, représenté sur un bas-relief assyrien de Ni G:4_USAPA. 1 Le mot est peut-être d'origine orientale, V. Weise, Griech. Ilôrter GEM 1460 GEM et enfin des vêtements chauds d'hommes' et de femmes 2. Cette étoffe se fabriquait particulièrement avec les laines des alentours de Padoue3; elle est déjà mentionnée par le poète Lucilius, 'mais c'est au temps d'Auguste qu'elle paraît avoir commencé à être d'un usage fréquent à Rome ; on ne la trouve plus nommée après le Fer siècle. E. SACLIo. GEMELLAR. On a voulu entendre sous ce terme un vase à huile dans le genre de nos burettes, en supposant qu'il a pour racine geminus et qu'il désigne un récipient contenant une double mesure ou formé de deux cavités communiquant entre elles'. La poterie antique offre, en effet, quelques exemples de petits vases conjugués, à double goulot ou à double panse, avant l'aspect de flacons à, huile'. ➢-lais rien n'autorise, dans les rares textes que nous possédons, à faire cette assimilation: Il y est question du pressoir [PRELUM] et le gemellar est la pàrtie du pressoir qui reçoit l'huile douce, tandis que l'écume (amurca) s'écoule au dehors 3. L'expression employée par Columelle (structile gemellar)4 prouve aussi qu'il s'agit d'un réceptacle assez grand, construit avec l'appareil tout entier, et non d'un vase mobile. E. POTTIEn. GEMITAE (A(Oo; T(u.to;). Les pierres précieuses et les pierres fines ont joué, dans la vie des Grecs et des Romains, un rôle considérable, à un triple point de vue : elles ont été utilisées dans la parure et l'ornement, en cabochons, grains de colliers, pendeloques, camées et intailles; d'autre part, on les a considérées souvent comme des talismans, des phylactères et on leur a reconnu des vertus magiques ou des propriétés médicales et thérapeutiques ; enfin, on les a enchâssées dans les chatons des bagues ou suspendues à des colliers pour les faire servir de sceaux ou cachets. C'est sous l'un de ces trois aspects, quelquefois sous tous les trois à la fois, que nous apparaissent les gemmes antiques parvenues jusqu'à nous, et que nous les présentent les écrits variés des auteurs anciens. L'origine de ce triple caractère donné aux gemmes dans toute l'antiquité et, par la suite, jusqu'à l'époque moderne, se perd dans la nuit des temps et il faut chercher à l'expliquer par un raisonnement d'induction. En effet, partout sur la surface du globe, dès qu'on constate la présence de l'homme, on le voit rechercher avidement les ornements personnels et cette superfluité qu'on nomme la parure. Les colliers, les bracelets, les bagues, les pendeloques se rencontrent chez les troglodytes de l'époque quaternaire aussi bien que chez les sauvages de nos jours. Mû par l'instinct du beau, l'homme primitif recueille avidement les gemmes aux vives couleurs, dont l'éclat mystérieux l'étonne et le ravit ; il prend plaisir à les voir scintiller à son cou; il se mutile pour les suspendre à ses oreilles, à ses narines, à ses lèvres. Bientôt, il découvre quelques-unes des propriétés optiques, thermiques ou magnétiques de certaines pierres, leur pouvoir réflecteur de la lumière, leur électrisation par frottement; et ces propriétés appliquées, dans certains cas, à des maladies, paraissent provoquer la guérison. Dès lors, impuissant à expliquer ces phénomènes, cet homme primitif songe à faire intervenir les puissances surnaturelles. Il s'imagine qu'un génie supérieur, invisible, habite dans chaque gemme ; comparant l'éclat différemment nuancé des astres avec le scintillement coloré des gemmes, il croit qu'il existe des rapports secrets entre celles-ci et les étoiles. C'est ainsi que naquit, par la force des choses, dès l'origine du monde, l'étrange superstition qui attribua'aux pierres précieuses un caractère magique, talismanique et astrologique. Quand on sut, avec les progrès de la civilisation, graver sur les pierres dures des figures et des caractères, l'idée vint logiquement de représenter sur ces gemmes des images divines, des prières et des invocations destinées à renforcer le caractère magique de la pierre et à accroître son efficacité surnaturelle. Dans toutes les circonstances où l'homme croyait devoir invoquer la divinité, il avait recours à sa gemme talismanique, à laquelle il tenait comme à la vie, qui rie le quittait jamais et qui devenait comme l'emblème de sapersonnalité. De là, l'idée de faire servir la pierre gravée à sceller les actes dans lesquels l'homme engageait sa foi et où il avait à défendre ses droits; les êtres surnaturels dont elle était la demeure mystique devenaient les témoins du contrat qui ne se pouvait plus délier sans déchaîner leur vengeance sur le violateur. Le rôle d'ornement, de talisman et de cachet assigné aux gemmes, non seulement chez les Grecs et les Romains, mais dans les grandes civilisations de l'antique Orient, s'explique donc logiquement, et le côté superstitieux de ce rôle a pour fondement naturel l'ignorance de la nature chimique des gemmes, ignorance dans laquelle l'humanité resta plongée jusqu'à l'époque moderne. 1. Quels sont, parmi les minéraux, ceux que les anciens considéraient comme des gemmes, et qu'ils classaient parmi les },(Oot T(!Adot t Question à laquelle on ne peut répondre qu'approximativement et incomplètement, à cause du désaccord et de l'incertitude des témoignages. Aujourd'hui, la nomenclature scientifique classe et nomme les pierres d'après l'analyse de leur composition chimique et de leurs formes cristallines; mais pour les anciens, les noms attribués aux gemmes reposent exclusivement sur l'observation de leurs couleurs, de l'usage auquel on les destinait, de leurs propriétés externes, magiques ou thérapeutiques. Le principe de cette classification, étant purement empirique, est la source de contradictions inextricables pour le critique moderne. Non seulement il nous est impossible souvent de saisir les raisons qui ont fait considérer tel ou tel minéral comme une gemme ou bien comme une pierre vulgaire, mais telle pierre est considérée comme vulgaire par un auteur et rangée par un autre au nombre des gemmes. De plus, les anciens comptaient parmi les gemmes des matières qui ne sont même pas des pierres, telles que les perles, les pâtes vitreuses et les fossiles dont les formes étranges et multiples constituaient autant de variétés parmi les gernmae. Toutes les pierres, même celles qui n'étaient pas considérées comme des gemmes, étant susceptibles d'être investies d'un rôle magique ou thérapeutique, nous n'avons guère à tirer parti, au point de vue qui nous occupe ici, des Lapidaires, d'origine orientale, que les écrivains de l'école d'Alexandrie répandirent dans le monde romain, tels que les Cyranides de l'Hermès Tris GEM 1461 GE111 mégiste 1, le Traité de Damigéron le Mage 2, la Vie d'A pollonius de Tyane 3, et les écrits qu'on attribuait à Orphée 4, à Aristote 5, à Plutarque 6 et qui devinrent si populaires dans les bas temps et au moyen âge. Parmi les naturalistes, Théophraste 7, Pline l'Ancien 3, Solin, l'abréviateur de Pline °, Isidore de Séville 1° seront nos principaux guides. Mais, il n'y a pas même un essai de classement des gemmes dans Thédphraste et dans Solin. Quant à Pline, son XXXVI° livre traite, en effet, de la nature des pierres (lapidum natura) et son XXXVII° livre, des gemmes (gemmae). Il semble donc qu'il ait voulu établir une distinction nette entre les deux classes : il n'en est rien; quand on y regarde de près, on s'aperçoit que certains minéraux sont traités à la fois comme pierres vulgaires et comme gemmes, et que le désordre le plus complet règne dans l'ordonnancement de ces deux livres. De tous les auteurs anciens, celui chez lequel on rencontre quelque logique, c'est Isidore de Séville, dans son traité des Étymologies. Le livre De lapidibus et metallis distingue : 1° les pierres vulgaires (ch. nt, De lapidibus vulgaribus) ; 2° les pierres de luxe ou demi-fines (ch. iv, De lapidibus insignioribus), parmi lesquelles nous trouvons l'aimant (magnes), l'émeri (smyris), le jais (gagates), l'ostruite, l'obsidienne, l'androdamas, l'amiante, l'hématite, l'aetite, le schiste, etc.; 3° les marbres (ch. vi, De marmoribus) et enfin, 4° les gemmes (ch. vi, De gemmis). Après avoir averti, comme Pline, que les diverses espèces de gemmes sont innombrables et qu'il énumère seulement les principales, Isidore de Séville en groupe un certain nombre suivant leurs couleurs, puis d'autres suivant leurs vertus magiques ou suivant le sens des noms qu'elles portent. Mais on relève parmi les pierres de Iuxe (De lapidibus insignioribus) des minéraux que Pline classe parmi les gemmes, et en outre, il y a des pierres, comme l'hématite par exemple, qui figurent à la fois dans les deux catégories. Pour être moindre que chez les autres auteurs, la confusion n'en est pas moins embarrassante pour nous. Il faut ajouter enfin que nous sommes rarement certains de l'identification des noms grecs et latins avec les noms modernes des gemmes. En présence de ces difficultés de toute nature, nous avons dû nous borner à adopter l'ordre alphabétique dans la nomenclature suivante, qui comprend la plupart des minéraux que les auteurs anciens classent dans la catégorie des gemmae. Achates (zâ'rtç), l'agate 11. Les anciens comme les modernes groupent sous ce nom toutes les• variétés de quartz qui ont une demi-transparence, comparable à celle de la corne. Pline énumère les variétés suivantes : l'aethachates, qui rend une odeur de myrrhe ; la cerachates qui ressemble à la cire; la coralloachates, parsemée de gouttes d'or comme le corail; la dendrachates ou agate arborisée; l'haemachates qui a des taches de sang; la jaspachates ou agate tirant sur le jaspe; la leucachates, agate blanchâtre; la smaragdachates qui se rapproche de l'émeraude. Les Romains recueillaient les agates-principalement en Sicile, dans le fleuve Achates (le Drillo) qui a donné son nom à la gemme". Les Orientaux et les Grecs exploitaient surtout les torrents de la Crète, de Cypre, de Rhodes, de Lesbos, de la Thrace, de la Phrygie, le cours du Choaspes et d'autres gisements de la Perse, de l'Inde et de l'l+;gypte. L'agate, dit Pline d'après les livres des magiciens, est très bonne contre la piqûre des scorpions et des araignées; les médecins la pilent en mortier; elle guérit des ophtalmies, apaise la soif, détourne la foudre, chasse les tempêtes, rend les athlètes invincibles, met la discorde dans les ménages ; mais pour en obtenir ces merveilleux effets, il faut accomplir certains rites, notamment la suspendre à des crins de lion. Acoitonos (xoirovoç), gemme à veines irrégulières '3; c'est peut-être une variété d'agate mousseuse. Acopos", gemme qui ressemble au nitre; elle est poreuse et parsemée de paillettes d'or. Elle guérit de la fatigue physique, comme les médicaments du même nom. Adadu-dactylos, Adadu-nephros, Adadu-ophtaammos, gemmes de Syrie, consacrées au dieu Adad, et dont la nature est indéterminée 15. Adamas, le diamant". Les anciens lui ont donné ce nom de « pierre indomptable » (âap.zu), parce qu'ils ne sont jamais parvenus à le tailler ou à le graver; mais ils ont su le broyer et le réduire en poudre, et les éclats (crustae) de diamant leur ont servi à• graver les autres gemmes. Pline connaît six variétés de diamants, établies d'après leurs propriétés extérieures, leur grosseur ou leur pays d'origine. Il y a le diamant d'Éthiopie qu'on extrait auprès de Méroé et qui ressemble à une graine de concombre; le diamant des Indes, transparent comme le cristal, qui atteint parfois la grosseur d'une aveline; le diamant d'Arabie, phis petit; celui' qu'on nomme cenchron (x6Y, oç) parce qu'il n'est pas plus gros qu'un grain de mil; le diamant macédonique qu'on trouve dans les mines d'or de Philippes; le diamant de Cypre, tirant sur le bleu céleste, moins dur que les autres qu'il surpasse par ses vertus médicinales. On considère aussi parfois comme un diamant la sideritis qui a l'éclat du fer poli; mais cette pierre se brise sous le marteau et on peut la percer avec un autre diamant. A l'épreuve, dit Pline, le véritable diamant brise le marteau et l'enclume; mais on parvenait cependant à le réduire en poudre. Les vertus magiques du diamant sont nombreuses : il annihile les poisons, dissipe les troubles et les craintes vaines, et de là vient que quelques-uns l'ont appelé anancitis (vayxt-stç). Aegophthalmos, agate à couches orbiculaires qui ressemble à un oeil de bouc 17. Aegyptilla, gemme traversée par des veines rouges et noires, ou bleues et noires 18. C'est sans doute une variété d'agate rubanée. Aethiopicus, gemme couleur de fer, qui rend un suc noir quand on la soumet à une forte pression 19. Aetitis (G E.ri )ç), pierre d'aigle 20. C'est une variété de GEM 1462 GEM fer hyylroxydé qui a la couleur rougeâtre de la queue d'un aigle, et que ces oiseaux mettent dans leurs nids pour féconder leurs oeufs. Elle est commune en Perse, plus rare dans l'Euphrate et en Afrique. Les médecins l'emploient dans les accouchements. Il y a une pierre vulgaire du même nom qu'on ne comptait pas parmi les gemmes. Alabandicus, alabandina, l'almandine. Grenat rougefoncé (alabandicus carbunculus) qu'on recueillait à Orthosia' et qu'on travaillait à Alabanda, en Carie'. Alabastritis 2, variété de l'onyx, blanche avec des nuances diverses, qu'on exploitait à Damas et à Alabastron, en Égypte. On l'utilisait contre les maux de dents. Alectorias3, gemme cristalline, de la grosseur d'une fève, qu'on trouvait dans le gésier des gallinacés. Elle rendit Milon de Crotone invincible. Amethystus (« i lOusoç, .ti8ur'oç). L'améthyste des anciens est le quartz coloré en rouge et en violet, qu'on trouve en Espagne aux environs de Carthagène, en France auprès de Brioude, en Ilongrie, en Arabie, dans l'Inde. Pline estime surtout celle de l'Inde et méprise celle de Cypre et de Thasos. Les variétés de l'améthyste portent les noms de socondion, sapenos ou pharanitis, paederotas, anterotas, pierre de Vénus 4. Les anciens ont fréquemment gravé en creux l'améthyste dont la nuance violacée et la limpidité sont vantées par nombre d'auteurs 5. On la considérait conne un remède contre l'ivresse et le poison. On appelait ameth,yzon une gemme violacée qui devait être une variété du rubis balais ou du grenat syrian. L'améthyste figurait parmi les gemmes du rational du grand prêtre Aaron'. Anancitis, ananchitide (vcc ,iTte), gemme qui servait dans l'hydromancie ; on a parfois donné ce nom au diamant et à la galactite 8 Androdamas, variété d'hématite, luisante comme l'argent, que les magiciens employaient pour dompter la colère; on l'appelle aussi argyrodamas 9. Anthracitis, peut-être le rubis spinelle. Cette gemme, couleur de feu, comme le rubis, se recueillait en Thesprotie, en Arcadie et en Afrique. Elle guérissait les ophtalmies 30. Antipathes, gemme noire, opaque, qui passait pour guérir la lèpre. On la trouvait en Mysie f1, Aphrodisiaca, gemme de couleur rousse, tirant sur le blanc 12. Apsyctos ou absyclos, gemme noire, avec des veines rougeâtres; échauffée au feu, elle garde sa chaleur pendant sept jours H• Arabicus, sorte d'onyx ressemblant à l'ivoire, et qui passait pour excellente contre les maladies nerveuses ". Argyrites, argyrophylax, gemme qui ressemble à l'argent et qu'on recueille dans le Pactole ; elle avait la propriété de garder les trésors contre les voleurs 15. Aromatitis, gemme d'Arabie et d'Égypte, qui a la couleur et l'odeur de la myrrhe 16: Asbetos ou asbestes, gemme couleur de fer, qu'on trouve en Arcadie ; une fois rougie au feu, elle ne s'éteint plus 1'. Aspilatis ou aspisalis, gemme qu'on trouve en Arabie, dans le nid de certains oiseaux. Elle est tantôt couleur de feu, tantôt couleur d'argent. Attachée à un poil de chameau, elle guérit les obstructions de la rate 98. Aster, asteria, asteritis, astrios 19. C'est peut-être notre girasol. Cette gemme renferme en elle, dit Pline, une lumière qui y est contenue comme dans la prunelle d'un oeil. On la trouve dans l'Inde, en Carmanie et au mont Ballenée, d'ou le nom 'de ballen qu'on lui donne quelquefois. L'astrion, appelé aussi cerauhia, pierre de foudre; l'astroites que vantent Zoroastre et les mages; l'astrobolion, paraissent, par leurs noms, n'être que des variétés de la même gemme. Astrapaea, gemme de couleur noire ou bleu céleste ; il en sort comme des éclairs". Atizoe, gemme qui a un éclat argentin et qu'on trouve dans l'Inde, en Perse et sur le mont Ida 2t. Augitis ou augetis, peut-être une variété de la cal laina 22. Autoglyphos, pierre que roule le Sagaris et sur laquelle on voit naturellement la figure de la Mère des dieux 23; il s'agit sans doute d'une agate mousseuse. Balanites. Il y en a de deux sortes, les unes verdâtres, les autres bronzées. Toutes ressemblent au gland et sont traversées par une veine couleur de feu. On les trouve à Coptes en Égypte et chez les Troglodytes 2F. Baptes, gemme tendre, dont l'odeur est agréable25. Baroptis ou baroptenus, gemme noire, avec taches blanches et rouges 26 Batrachites, la crapaudine, gemme de Coptes, qui a une nuance verdâtre, tirant sur le bleu ou sur le rouge 27. Beli oculus, l'oeil-de-chat, agate blanchâtre, avec couches orbiculaires; au centre, une prunelle noire environnée d'une couche dorée 28. Beryllus ((3•ipv),aoç), le béryl, l'aigue-marine 29. D'aucuns, dit Pline, considèrent le béryl comme une variété de l'émeraude ; il est de vert de mer. Le çhrysobéryl, un peu plus pâle, est peut-être notre cymophane. Il y a d'autres variétés qui se rapprochent des nuances de l'hyacinthe (hyacinthizontes), du cristal de roche, de l'améthyste, de la topaze. L'une d'elles a la propriété de noircir dans les mains des faux témoins 30. Pline dit qu'on taille le béryl en prismes hexagonaux, et que l'Inde est le seul pays qui le produise. Bolae, gemmes qui tombent du ciel pendant les orages et qui ressemblent à des mottes de terre 31. Bostrychitis, gemme noire, avec des veines blanches ou sanguines qui ressemblent à des cheveux de femme 32 : variété d'agate rubanée. GEM 1663 GEM Botryitis ((3orpu tieç), gemme noire qui ressemble au raisin qui commence à mûrir Brontes ou brontia, gemme qui éteint le feu de la foudre; on la trouve dans la tête des tortues Bucardis, gemme (sans doute un fossile) qui ressemble à un coeur de bœuf, et qu'on trouve en Chaldée 3. Cadmitis, variété de l'ostracitis 4. Callais et callaina ou gallaina (xaa),aïv'oç ) (Ooç) 5. Gemme d'un vert pâle, qui se rapproche de la topaze et quelquefois de l'émeraude ou du saphir; on suppose que c'est la turquoise 6. On la trouve, dit Pline, dans l'Inde, dans le Caucase, en Carmanie, chez les Saces et chez les Daces; il y en a aussi, dit-on, dans le nid de certains oiseaux appelés melancoryphi. Cantharias, gemme-fossile, qui a la forme d'un scarabée (xâvOzPoç) 7. Capnitis, agate dont les couches sont enroulées en spirale 8. Cappadocia, gemme qui ressemble à l'ivoire et qu'on trouve en Phrygie °. Carchedonius (xapz'r o'vtoç). Sous ce nom, les anciens désignaient non seulement notre calcédoine, mais aussi une variété de quartz assez commun, d'un blanc mat, nébuleux, quelquefois légèrement bleuâtre. Les anciens tiraient leur carchedonius lapis de l'Égypte, de l'Inde, de la Perse et du pays des Nasamons en Afrique; on en faisait un grand commerce à Carthage. Elle servait le plus ordinairement à fabriquer des coupes et des vases à boire; mais elle se prêtait peu à la gravure 10. Cette dernière réflexion de Pline ne saurait s'appliquer ni au grenat ni à la belle calcédoine, que les anciens ont constamment gravés ; elle convient seulement à la variété d'agate vulgaire, se rapprochant par sa couleur cendrée de la véritable calcédoine et de l'albâtre. Carcinias, gemme qui a la couleur de l'écrevisse 11. Catochitis, gemme de la Corse, qui s'attache à la main, comme une gomme 12 Catoptritis ou catopyritis, gemme de la Cappadoce, variété de la pyrite 13 Cenchritis, gemme dont les taches ressemblent à des grains de mil 10. Cepionidis ou ceponides, gemme qu'on trouve à Atarné en Éolide et qui ressemble au cristal ou au jaspe '5. Cepitis ou cepolatitis, pierre blanche et luisante, avec des veines qui s'entre-croisentls Ceramitis, pierre qui a la couleur de la brique 17. Ceraunia 18. Il y en a plusieurs espèces : l'une, qui ressemble au cristal et n'est qu'une variété de l'astrion; elle vient de la Carmanie; une autre, qui est noire, est regardée comme sacrée et on en fait des bétyles [BAETYLIA]; il y a aussi des céraunies rouges dans l'Inde et en Lusitanie. Ceritis, gemme qui a la couleur de la cire vierge 19. Chalazias (xa),aVaç), gemme aussi dure que le diamant et qui ressemble à la grêle; on la broie pour en faire des remèdes en médecine 20. Chalcites, gemme qui a la couleur du cuivre21; c'est sans doute une variété de la malachite. Chalcophonos ou chalcophthongos, gemme noire qui résonne comme le bronze". Chelidonia, pierre d'hirondelle ; elle a la couleur de cet oiseau 23. Chelonia, gemme qui n'est autre chose que l'oeil même d'une tortue des Indes; elle a des vertus magiques24. Chelonitis, gemme qui ressemble à la carapace d'une tortue 25. Chernitis, sorte d'agate mousseuse ou arborisée; elle passait pour préserver les cadavres de la putréfaction". Chloritis, gemme couleur d'herbe qu'on trouvait dans le ventre des bergeronnettes 27. Choaspitis, gemme vert-doré que roule le Choaspes 28. Chryselectrus, gemme qui tient de l'or et de l'ambre par sa couleur29. Chrysocolla ou amphidanes, gemme de l'Inde, couleur vert-de-gris, tirant parfois sur l'or; elle a les propriétés de l'aimant 30. Chrysolanipis, gemme pâle dans le jour, étincelante pendant la nuit; on la trouve en Éthiopie 31, Chrysolithos (xpuso)\;Ooç), la topaze ou l'hyacinthe. Gemme transparente qui a la couleur de l'or. On appelle cllryselectrae les chrysolithes dont la nuance se rapproche de celle de l'ambre ; leucochrysi, celles qui ont une veine blanche ; melichrysi, celles dont la couleur se rapproche de celle du miel. On connaît encore une autre variété qui porte le nom de xuthon. Les plus belles chrysolithes viennent de l'Inde ; il y en a d'inférieures en Arabie, dans le Pont et en Espagne32 Chrysopis, gemme qui a les mêmes propriétés que la chr•ysolampis; on l'appelle aussi chrysopastus 33. Cinaedias, gemme blanche, de forme oblongue, qu'on trouve dans la cervelle de certains poissons ; elle pronostique le calme de la mer ou la tempête 34. Circos, gemme qui a la couleur de l'épervier35. Cissitis, gemme blanche et transparente dont les contours ressemblent à des feuilles de lierre 36. Clitoris (xaettioptç), pierre de couleur noire, qu'on trouve au mont Lilée, et qui sert à faire des pendants d'oreilles 37. Cochlis, gemme d'Arabie, fabriquée artificiellement avec de gros blocs de pierre qu'on fait cuire dans du miel pendant sept jours et sept nuits38. Collotes, gemme que les hirondelles recueillent dans le Nil et qui a des propriétés magiques 39. Corallium ou curalium (xoup),),tov), le corail4D [coBALLiunl] ; on l'appelle aussi ,gorgonia. La corallis est une pierre vermillon qu'on trouve à Syène et dans les Indes ; la coralloachates est une agate-cornaline qui ressemble au corail b1 GEM 1461 GEM Corsoides, gemme qui a la couleur des cheveux blancs d'un vieillard'. Corybas, pierre magique qui a la couleur du corbeau et qu'on trouve à Mycènes 2. Crateritis, gemme dont la couleur se rapproche de celle de la chrysolithe et de l'ambre'. Crocallis, gemme qui ressemble à une cerise'. Crocias, gemme qui a la couleur du safran 5. Cryphios, gemme qu'on trouve au mont Ida 6. Crystallus (xpdc )),os, tiaaos), cristal de roche Ce quartz limpide et incolore est formé, dit Pline, d'eau de pluie et d'un peu de neige; « c'est pour cela, ajoute-t-il naïvement, qu'il ne saurait contenir la chaleur et qu'on ne l'emploie que pour boire frais » 8. Le cristal le plus estimé était celui de l'Inde ; mais il s'en trouvait aussi en Carie, à Cypre, dans les Alpes. Pline ajoute, d'après Juba, que dans une île de la mer Rouge, on a recueilli un bloc de cristal d'une coudée de long. Aux monts Ammenses, en Lusitanie, on en a trouvé aussi d'une grosseur prodigieuse. Cyamias, gemme noire qui ressemble à une fève 3. Cyanus (xuavds), la lazulite; gemme bleue, parsemée de points d'or ; la plus estimée venait de la Scythie. Gypre et l'Égypte en fournissaient en abondance et cette gemme était, dès la plus haute antiquité, employée pour toute espèce d'ouvrage artistique 10 Cyitis, gemme blanche, de Coptes ; quand on l'agite, on sent remuer en elle une autre pierre 11. Daphneas, gemme que Zoroastre dit bonne contre le mal caduc". Dendritis, gemme qui a la propriété d'empêcher la cognée de s'émousser, quand on l'enfouit au pied de l'arbre que l'on veut couper 13 Diadochos, variété du béryl f 4. Dionysias, gemme noire, avec taches rouges ; elle préserve de l'ivresse et donne à l'eau le goût du vin 15. Diphues, pierre à la fois mâle et femelle, blanche et noire, les portions de chaque sexe étant séparées par une ligne ts Draconitis ou dracontia, gemme blanche et translucide qui s'engendre dans le cerveau des dragons, mais qu'on doit enlever sans que le reptile meure de l'opération 17. Drosolithus ou Avis gemma ; elle a la couleur de l'or ; le feu lui fait rendre une liqueur comme la sueur i8. Dryitis, gemme qui ressemble à un tronc d'arbre et qui brûle comme du bois '8. Echitis, gemme tachetée comme la peau de la vipère". Encardia (iyxapala) ou ariste, gemme noire ou verte qui a la forme d'un coeur 11. Enhygros, gemme blanche, lisse et toujours parfaitement ronde ; quand on la secoue, on sent un liquide qui roule au dedans 22. Enorchis, gemme blanche". Épimélas, gemme blanche, mais noirâtre à sa partie supérieure 24. Erotylos, pierre magique, appelée aussi amphicomos et hieromnemon 26 Erythallis ou eristalis, gemme blanche qui, vue de profil, paraît rouge 26 Eumeces, gemme de la Bactriane qui donne la clef des songes 27. Eumithres ou mithrax, gemme qui a la couleur du poireau; on l'appelle aussi pierre de Relus 28. Eupetalos, variété de jaspe qui tient à la fois de quatre couleurs : l'azur, le feu, le vermillon et la pomme 29. Eureos ou euneos, gemme blanchâtre, cannelée comme une coquille 38; il s'agit sans doute d'un fossile. Eurotias, gemme noircit. Eusebes; dans le temple d'Héraclès, à Tyr, il y avait un trône en pierre eusebes, où l'on pouvait voir apparaître les dieux eux-mêmes 32_ Exebenus, gemme blanche dont les orfèvres se servent pour brunir l'or 33. Galactitis ou galaxias, quartz laiteux qui a la couleur et le goût du lait; on le trouve dans le Nil et l'Achéloas; il donne du lait aux nourrices et de la salive aux enfants qui le portent au cou. On l'appelle aussi leucogaea, leucographitis, synnephitis; une de ses variétés ressemble à l'epimélas, sauf qu'elle est traversée par des veines rouges et blanches 34. Gassinades, gemme qui a la couleur de l'orobe et paraît parsemée de fleurs ; elle résonne quand on la secoue ; on la trouve en Médie 35. Geranitis, gemme qui a la couleur du cou d'une grue 36 : variété d'agate. Glossopetra, gemme qui ressemble à une langue humaine; elle tombe du ciel et possède des vertus magiques37. Goniaea, gemme qui aide à tirer vengeance d'un ennemi 38. Haematitis, l'hématite. Cette substance métallique, noire, parfois rougeâtre, se laisse facilement entamer par le burin ; aussi a-t-elle été souvent gravée dans l'antiquité. On lui attribuait les propriétés de l'aimant et des vertus magiques ; les médecins l'employaient dans les maladies des yeux et du foie. Les plus belles hématites, dit Pline, viennent de l'Éthiopie ; l'Arabie et l'Afrique en fournissent également. Dans l'Inde, il y en avait une variété de couleur blanchâtre, tirant sur le jaune, que les Indiens appelaient menui et les Grecs xanthos". Ilammitis, gemme qui ressemble à un oeuf de poisson; on la trouve en Égypte et en Arabie Y0. Hamnlochrysos, gemme parsemée de poussière d'or4t. Hammonis cornu, gemme qui a l'éclat de l'or et que les Éthiopiens considéraient comme sacrée 42; il s'agit d'un fossile très commun. Heliotropium, la prime d'émeraude; elle est d'un vert GEM 1465 GEM de poireau, avec des étoiles ou des veines sanguines. On la trouve à Cypre, en Éthiopie, en Afrique. Elle avait le pouvoir de rendre invisible la personne qui la portait sur soi'. Ilephaestitis, gemme dorée, dans laquelle se reflètent les objets comme dans un miroir; exposée aux rayons solaires, elle allume le bois sec. On la trouve à Corycus en Cilicie 2. .Hepatitis, gemme qui guérit les maladies du foie3. Ilermuaedoeon, gemme cerclée d'or, dont le noyau peut être noir, blanc ou verdâtre .: variété d'agate à couches orbiculaires. Hexecontalithos, gemme qui a soixante couleurs à la fois; on la trouve dans le pays des Troglodytes 5. Bieracitis, gemme qui a la couleur de l'éperviers. Ilorlniscion ou hormesion, gemme couleur de feu'. Hyacinthos, l'hyacinthe 3. Cette belle pierre azurée, plus claire que l'améthyste, se rencontre en Éthiopie ; elle était très prisée des anciens. Ou donne le nom d'hyacinthizon à une gemme de l'Inde qui se rapproche de l'améthyste. Ilyaenia, gemme qu'on-trouve dans les yeux de l'hyène; elle avait le pouvoir de révéler l'avenir Iaspis ('finals), le jaspe, une des gemmes les plus communes dans la glyptique antique; son nom est d'origine sémitique". Les jaspes étaient très appréciés à cause de leur belle couleur et de la facilité avec laquelle le burin peut les entamer". Ils diffèrent des agates en ce que ces dernières sont toujours un peu translucides, tandis que les jaspes sont des quartz complètement opaques. On distingue le jaspe lydien ou pierre de touche qui est noir foncé ; le plasma qui est vert poireau; le jaspe sanguin, variété de l'héliotrope; le jaspe égyptien; le jaspe rubané, quia plusieurs couches, comme l'agate. Le jaspe de l'Inde, dit Pline, ressemble à l'émeraude: celui de Cypre est dur et vert foncé; celui de Perse et des bords de la mer Caspienne est bleu céleste, les Grecs l'ont appelé boria ou aerizusa. Il y en a d'autres variétés en Phrygie, en Cappadoce et sur les bords du Thermodon. Le plus estimé est celui qui est couleur pourpre et celui qu'on appelle térébinthizusa ; le meilleur pour les cachets s'appelle sphragis; on cite encore les variétés suivantes : capnias, iasponyx, mon ogrammos, polygrammos, ces der nières variétés étant environnées d'une ou plusieurs couches blanches12. Icterias, gemme verte; il y en a de quatre espèces qu'on distingue suivant leurs nuances plus ou moins foncées ' ldaei dactyli, gemmes noirâtres, qui ont la forme du doigt humain et. qu'on trouve en Crète" : il s'agit du. fossile commun appelé bélemnite. Indica, gemme roussâtre, de l'Inde, d'où suinte une humeur purpurine 15 Ion, gemme violette et étincelante, qu'on trouve dans l'Inde'. Iris, gemme qui ressemble au cristal et qui décompose la lumière solaire; on la trouve en Perse et dans une île de la mer Rouge. Une variété de cette pierre porte le nom de leros 37. Leontios, gemme qui ressemble à une peau de lion 13. Lepidotis, gemme dont les couleurs imitent les écailles de poisson 19. Lesbia gleba, gemme terreuse qu'on trouve à Lesbos" Leucochryses, gemme dorée, avec une couche blanche21. Leucophthalmos, mil-de-chat Leucopoecilos, gemme blanche, traversée par une ligne d'or 23. Libanochrus, gemme couleur d'encens, qui rend un suc pareil au miel". Linourgos, pierre de couleur livide qu'on recueille dans l'Achélous 25. Liparea, gemme qui, mise au feu, fait fuir les bêtes venimeuses 26. Lychnis, gemme commune, qui ressemble à la flamme d'une lampe et que d'aucuns regardent comme un rubis balais. Pline en distingue plusieurs variétés. On la trouve dans l'Inde, près d'Orthosia en Carie, dans l'Hydaspe, et, croyait-on, dans le nid des cigognes, où ces oiseaux la plaçaient pour féconder leurs oeufs et éloigner les serpents 27. Lycophthalmos, agate à couches orbiculaires, qui ressemble à un oeil de loup 28. Lyncurium (),uyxoérlov), la tourmaline ou une variété de l'hyacinthe. Théophraste définit cette gemme une pierre plus jaune et plus pâle que l'anthrax. Suivant le témoignage de Pline, Démostrate donnait le nom de lyncurion à l'ambre et prétendait que cette gemme était formée par la coagulation de l'urine des lynx, d'où son nom. Le lyncurium passait pour avoir les propriétés de l'aimant et pour guérir les maladies du foie 29. Lysiniachos, gemme qui ressemble au marbre de Rhodes, avec des veines dorées 30 Machaera, pierre qui ressemble à un couteau et qu'on trouve au mont Bérécinthe; elle fait devenir fou". Margarita. La perle est considérée comme une gemme par tous les auteurs anciens. Isidore de Séville l'appelle prima candidarunt gemmarum 32. Meconitis, gemme, sans doute un fossile, qui ressemble au pavot 33 Medea ou Media, gemme noire avec des veines dorées; elle a le goût du vin et elle rend un suc qui a la couleur du safran 3.. Melichloros, gemme qui a une face noire et une autre couleur de miel ; on l'appelle aussi melichrus 35° Melichrysus, gemme de l'Inde, qui ressemble au miel36. Memnonia, gemme de l'Égypte 37. GEM 1466 GEM Mesoleucos, gemme traversée par une ligne blanche'. Mesomelas, gemme traversée par une ligne noire 2. dlithrydax ou mithrax, gemme dont les multiples nuances étincellent au soleil; on la trouve en Perse et sur les bords de la mer Rouge 3. Jllolochitis (I.oaozâç), la malachite; sa couleur est celle de la mauve (uo)5/7)) et elle est plus foncée que l'émeraude. On en fait d'excellents cachets et elle a des vertus médicinales'. itormorian. Cette gemme a plusieurs variétés; celle qui est noire et diaphane s'appelle promnion; celle qui a la couleur du rubis porte le nom d'alexandrinum; celle qui a la nuance de la cornaline est le cyprium. Il y en a dans l'Inde, en Galatie, auprès de Tyr et dans les Alpes'. lllorochtos, gemme verte qui rend un suc laiteux'. Munda, pierre d'une blancheur éblouissante, qu'on recueille dans le Tigre'. tllyrmecias, gemme noire qui a des aspérités comme des verrues 8. 4lyrmecitis, gemme qui ressemble à une fourmi9. Myrrhitis, gemme qui a la couleur et l'odeur de la myrrhe; on la trouve en Perse 1°. Muirhina (µoW«)". Nous ne savons pas sûrement ce qu'était cette matière précieuse qui servait à fabriquer les célèbres vases murrhins. La description quelque peu obscure que Pline donne des vases murrhins, en nous apprenant que Pompée, le premier, les fit connaître aux Romains, est entremêlée de fables et elle ne s'adapte parfaitement bien ni à des coupes d'agate ou de sardonyx, ni à des coupes d'ambre ou de pâtes vitreuses, ni enfin à des coupes de jade, comme le pensent quelques critiques" :1lyrsinitis, gemme qui a la couleur du miel et l'odeur du myrte 13. .Narcissitis, gemme veinée qui a l'odeur du narcisse'. Nasamonitis, gemme couleur de sang, à veines noires". Nebritis, gemme consacrée à Bacchus et qui a la cou leur de la nébride dont ce dieu est revêtu 16. Nilion, gemme qui se rapproche de la topaze enfumée. Il y en a dans l'Inde, en Attique, et sur les bords du Nil 17. Nipparene, gemme qui ressemble aux dents de l'hippopotame et qui porte le nom d'une ville de Perse ". Obsidianum, obsidius lapis (Xi0oç , l'obsidienne 0, pierre noire, translucide; on la trouve dans l'Inde et en Italie dans le Samnium. Oka, gemme dont la couleur est noire, rousse et blanche 20. Ombria, gemme appelée aussi notia, qui tombe avec la pluie, comme la ceraunia et la brontea 21 Onocardia, gemme semblable à la cochenille". Onyx (ôvSxtov, ivuztTTlç). L'onyx des anciens correspond tantôt à l'albâtre, calcaire jaunâtre qu'ils appellent aussi alabastrites, tantôt à la calcédoine ou même à certaines variétés de la sardoine. Pline insiste sur les nuances de l'onyx qui en font toute la beauté ; il y en a, dit-il, de flamboyant, de noir, de corné, de veiné; il réunit l'éclat de la chrysolithe, de la cornaline, du jaspe, et parfois de l'améthyste et de l'escarboucle. Les plus appréciés viennent de l'Inde et de l'Arabie 23. Opales (inrciUiov), gemme peu propre à la gravure, mais très recherchée en joaillerie; elle réunit, dit Pline, u le feu de l'escarboucle, l'éclat purpurin de l'améthyste, le vert marin de l'émeraude ». L'opale est quelquefois appelée paederos ou paederota, à cause de sa grande beauté : c'est l'opale irisée. 11 y en a une variété qu'on appelle sangenon et que l'Inde seule produit. Des opales inférieures se rencontrent en Thrace, à Cypre et en Asie Mineure; celle de l'Égypte porte le nom de taenites 2'. Ophicardelon ou ophiocardelos, agate noire entre deux couches blanches 25. Orca, gemme brune, avec reflets blancs et verdâtres 26. Oritis ou sideritis, gemme ronde que le feu ne parvient pas à échauffer 27. Ostracias ou ostr'icitis 28. Cette gemme n'est autre chose que l'os que la seiche a sur le dos. Il y en a une espèce, dit Pline, qui ressemble à l'agate. La poudre d'ostracite sert à graver les autres gemmes. Paeanitidis ou gaeanida, variété de cristal qu'on trouve en Macédoine et qui ressemble à la glace ; on l'emploie dans les accouchements29. Panchrus, gemme qui réunit en elle presque toutes les couleurs 30. Il s'agit sans doute d'un quartz hyalin irisé. Paneraston ou panerota31, gemme indéterminée. Pangonus, gemme qui ne diffère guère du cristal". Pantarbe, gemme qui attire les autres; elle s'évanouit quand on la cherche et il faut user d'artifice pour la surprendre; la nuit elle brille comme le feu". Pardalios, gemme qui ressemble à une peau de pan thère 3'. Perileucos, gemme dont la blancheur croît, de la surface à la racine 35. Philadelphos, pierre qui a la couleur du corbeau et la forme d'un homme; on la trouve aux monts Haemus et Rhodope 36 Phloginos ou chrysitis, gemme qui ressemble à l'ocre; on la trouve en Égypte 37. Phlogitis ou phlogitidis, gemme dans l'intérieur de laquelle on aperçoit une flamme incandescente 38. Phoenicitis, gemme qui ressemble à une datte 39. Phycitis, gemme qui ressemble à l'algue '0. Polias, gemme de couleur blanchâtre; le spartopolion en est une variété noirâtre". Polythrix, gemme verte et comme chevelue; on dit qu'elle fait tomber les cheveux'2. Polyzonos, gemme noire environnée de zones blanchâtres ". Pontica. Il en existe de plusieurs espèces : l'une, étoilée ; une autre avec des gouttes sanguines; une troisième avec des gouttes dorées ; une quatrième, sillonnée GEM -1467GEM de lignes; une cinquième qui représente des montagnes et des vallées 1. Il s'agit d'une variété d'agate mousseuse. Prasius (7rpxatoç), le plasma : c'est le quartz opaque, vert d'herbe, qu'on appelle parfois fausse émeraude ou prime d'émeraude. Pline en distingue trois espèces ; la plus estimée est le chrysoprasius, qui est vert poireau, tirant sur l'or; on en fabrique de grandes coupes. Cette gemme vient de l'Inde 2. Pyren, gemme qui ressemble à un noyau d'olive '. Pyritis, gemme noire qui brûle les doigts dès qu'on la presse t ; c'est l'oxyde de sulfure de fer appelé pyrite. Rhoditis, gemme qui ressemble à la rose'. Sagda, gemme verte ou noire qu'on trouve en Chaldée et à Samothrace 6. Sandaster ou sandastros, l'aventurine (?). On l'appelle aussi sandrisita, sandasirus et garamantique. Elle a, dit Pline, du rapport avec l'anthracite, et on distingue le sandaster mâle de la sandaster femelle. La plus estimée est lumineuse et renferme des étoiles d'or qui brillent à travers sa substance. On trouve la sandaster en Arabie et dans les Indes ; les Chaldéens l'emploient dans leurs cérémonies religieuses 7. Sapphirus (ax7rp3tpoç), le lapis-lazuli. Le nom du saphir est d'origine sémitique', et cette pierre figurait parmi celles du rational du grand prêtre Aaron 9. Ce que les anciens appelaient saphir n'est pas le corindon de ce nom, une des pierres les plus dures et les plus limpides après le diamant, mais le lapis-lazuli, considéré comme une variété du cyanus. Pline distingue à la vérité le cyanus du saphir, mais la définition qu'il donne de cette dernière gemme ne peut convenir qu'au lapis-lazuli, puisqu'il dit que c'est une pierre opaque, marquetée de points purpurins". Sarcitis, gemme qui ressemble à la chair du boeuf". Sarda, sardius (o ;ov, o l;o;), la cornaline ou sar doine rouge". C'est une variété de la calcédoine, dont la couleur va du rouge orange au rouge brun. Elle est demi-translucide. On la recherchait particulièrement pour en faire des cachets, parce que, dit Pline, seule de toutes les gemmes, elle n'enlève pas la cire quand on appose le sceau. On recueillait de belles sardoines dans les environs de Sardes, ainsi qu'en Arménie, en Chaldée, en Arabie et dans l'Inde. Il y en avait aussi en Égypte, en Épire, à Paros et à A.ssos. Celles de l'Inde forment trois variétés : une rouge, une autre appelée pionia à cause de son onctuosité, et une troisième qui produit tout son effet quand on l'applique sur une feuille d'argent '3. Sardonyx ou sardonyches (c.«pôdvu;, Svu~ç sapiwoç). La sardonyx est une variété d'agate dont les couches sont principalement, comme son nom l'indique; le blanc de l'ongle humain et le rouge incarnat ou brun de la sarde. Les plus belles sardonyx que les anciens aient employées pour les camées ont trois couches: le brun foncé, le blanc laiteux et le rouge tirant sur le jaune 14. IV. Sauritis, gemme qu'on trouve dans le ventre d'un lézard qu'on a fendu avec un roseau 75. Scarbunculus ou carbunculus (iivOp«;), l'escarboucle, le rubis et peut-être aussi le grenat. Le quartz hyalin coloré en rouge sang ou en rose est appelé scarbunculus, dit Pline, à cause de sa ressemblance avec la flamme. On distingue, dit le même auteur, le rubis des Indes, le rubis du pays des Garamantes ou de Carthage (xapz-edvtoç ),'Ooç, carbunculus carchedonius), le rubis d'Éthiopie, le rubis alabandique, qu'on tire des rochers voisins d'Orthosia et qu'on travaille à Alabanda. On appelle rubis mâles les rubis dont l'éclat est le plus vif, rubis femelles ceux qui sont plus pâles. Les plus estimés sont ceux qui tiennent de l'améthyste (amethystizontae), c'est-à-dire dont le feu tire sur le violet; après ceux-là, viennent les syrtitae, originaires, comme leur nom l'indique, du pays des Garamantes, voisin des Syrtes ; puis les rubis de l'Inde, peu éclatants, appelés lignyzontes, et enfin _les rubis inférieurs qu'on trouve en Thrace, à Trézène, à Orchomène, à Corinthe, à Chios 16. L'escarboucle avait, entre autres propriétés magiques, celle de briller la nuit comme un charbon ardent i7. Scaritis, gemme qui ressemble au poisson appelé scarre ou sarget 18 : il s'agit évidemment d'un fossile. Scorpitis, gemme, sans doute un fossile, qui ressemble au scorpion 19 Selenitis, gemme blanchâtre, translucide, tirant sur le miel; son éclat augmente ou décroît avec la lune. On la trouve en Arabie29 Sicyonos, pierre noirâtre qu'on recueille dans l'Araxe; on l'emploie dans les sacrifices 21. Sideritis, gemme qui a la couleur du fer; l'une de ses variétés, qu'on trouve en Éthiopie, s'appelle sideropoecilos 22. Smaragdus, l'émeraude 23. Les anciens n'ontpas connu la véritable émeraude qui ne se trouve qu'en Amérique ; par le nom de smaragdus dérivé du terme sémitique r1p ï]„ baragt 2;, ils désignent le quartz vert qu'en joaillerie on appelle péridot ou fausse émeraude. C'est d'ailleurs la matière d'un assez grand nombre d'intailles antiques. Après le diamant et les perles, l'émeraude est ce que Pline estime de plus précieux ; c'est la gemme dont l'éclat est le plus doux et le plus agréable; aussi, prétend Pline, avait-on décrété qu'on ne la graverait jamais. Pline ajoute qu'il y a douze variétés Ld'émeraudes ; les plus belles sont les scythiques; viennent ensuite celles de la Bactriane, de l'Égypte, de Cypre, de Perse, de l'Attique, du mont Taygète en Laconie, de Sicile, etc. Les Arabes, suivant Juba, donnaient à l'émeraude le nom de chloran; en Perse, il y avait une variété appelée tanos (peut-être l'euclase d'aujourd'hui); la variété cuivrée de Cypre s'appelait chalcosmaragdos (la dioptase?); d'autres variétés portaient les noms d'hermineus 25, de limoniatis26. Néron regardait les jeux du cirque à travers une émeraude; à 183 GEM 1468 -GEM Tyr, dans le temple d'Hercule, il y avait un pilier fait d'une seule émeraude; en Égypte on voyait des obélisques et une statue colossale de Sérapis faite aussi d'un seul bloc d'émeraude'. Il est évident qu'il ne peut être question de véritables émeraudes, mais de jaspe vert ou de fluor ou encore de prime d'émeraude. Solis gemma, gemme blanche qui projette des rayons comme le soleil ' ; c'est sans doute le girasol. Sophron, pierre que roule le Méandre et qui rend fou'. Spongitis, gemme qui ressemble à l'éponge 4. Steatitis, la stéatite 5. Succinum (-nXexTeov), l'ambre ou succin. Cette matière occupait, dans l'antiquité un rang égal au cristal, dans la hiérarchie des gemmes Sycitis, gemme qui a la couleur de la figue 7. Synochitis, gemme qui sert dans l'hydromancie à évoquer les morts'. Synodontitis, gemme qu'on extrait de la cervelle de certains poissons 9. Syringititis, gemme qui ressemble àun fétu de paille ". Syrtitis ou.syrtilidis, variété de carbunculus qu'on trouve dans les parages des Syrtes ; elle est couleur de miel ". Taos, gemme qui a les couleurs des plumes du paon et de la peau de l'aspic; on l'appelle aussi timictonia12. Tecolithos, gemme qui ressemble à un noyau d'olive ; elle guérit de la gravelle f3. T ephritis, gemme cendrée,qui ressemble à un croissant14. Thelycardios, gemme qui a la couleur du coeur ; les Perses l'appellent mule". Thelyrrhizos, gemme cendrée ou rousse, à fond blanche T hracia, gemme noirâtre et sonore qui comprend trois variétés : une verte, une pâle et une troisième marquée de gouttes de sang i7. 1'opazus (ToaZ os), la chrysolithe, le péridot. Pline '8, qui vante beaucoup cette gemme verte, très employée dans la joaillerie et la glyptique, dit qu'elle fut découverte dans une île de l'Arabie, nommée Cytis, par des Troglodytes. Arsinoé, femme de Ptolémée Philadelphe avait sa statue haute de quatre coudées, d'une seule topaze. Pline distingue deux espèces de topazes, l'une qui est couleur de poireau, l'autre qui tire sur l'or et prend le nom de chrysolithe. La topaze, sous le nom de Mte (piteda) figure sur le rational du grand prêtre Aaron". Thrasydile, pierre qu'on trouve dans l'Eurotas ; elle s'élance sur la rive au son d'une trompette, mais l'arrivée des Athéniens lui fait peur et elle se cache au fond de l'eau. Plusieurs de ces pierres furent consacrées dans le temple d'Athéna Chalciaecos 20. Trichrus, gemme noire, qui vient d'Afrique ; quand on la frotte, elle rend des humeurs". 1'riglitis, gemme pareille au poisson appelé mulet 22 Triophthalmos,gemme qui a comme trois yeux humains". Veientana, gemme noire, avec une zone blanche en bordure ; on la trouve en Italie, auprès de Veies24. Veneris crines, gemme noire sillonnée de filaments roux, ressemblant à des cheveux 25. Vitrant annulare (alios yuti -j, ),iOtvbv )'uTÔV), pâte de verre. Il s'agit des pâtes vitreuses, diversement coloriées, qui imitent les gemmes, et sur lesquelles ont été reproduits, par simple moulage, des sujets analogues à ceux des véritables intailles gravées. Pline, mentionnant l'industrie de ces gemmae vitreae, sur lesquelles il insiste longuement, dit qu'il existe à ce sujet des traités didactiques et que c'est souvent chose très difficile de distinguer les pierreries fines d'avec leurs imitations artificielles 26. On gravait le verre par les mêmes procédés que les gemmes elles-mêmes 27. Zathenis, gemme de la Médie, qui a la couleur de l'ambre ; pilée avec du vin de palmier et du safran, elle se ramollit comme la cire et donne une odeur agréable ". Zmilampis ou zmilaces, gemme brillante qu'on trouve dans l'Euphrate et qui ressemble au marbre de Proconnesus ; dans son milieu, elle est couleur vert de mer 2s Zoraniscaea, gemme de l'Inde qui sert aux magiciens 3". II. Parmi les gemmes qui figurent dans la nomenclature précédente, il en est un bon nombre qui n'ont jamais été gravées, et que l'antiquité s'est contentée d'utiliser dans la bijouterie et l'ornementation ou dans la médecine et la magie. Le domaine de la glyptique antique ne comprend guère que les différentes variétés du quartz soit hyalin, soit compact, telles que les agates, les jaspes, la sardonyx, la sarde, la cornaline, la calcédoine, le cristal de roche, l'aigue-marine, l'hyacinthe, l'opale, le lapislazuli, la prase, le grenat, ou bien quelques substances métalliques telles que la malachite et l'hématite. Le diamant et les corindons, à cause de leur dureté extrême, ne furent pas gravés dans l'antiquité. Pline prétend qu'il était interdit de les graver et qu'on aurait traité de sacrilège le burin qui aurait osé entamer ces chefs-d'oeuvre de la nature31. D'autres gemmes n'étaient pas d'un grain assez fin pour se prêter à un travail de sculpture exécuté à l'aide de la pointe métallique la plus ténue. En dehors du témoignage de Pline, nous avons fort peu de renseignements sur la technique de la gravure des gemmes, qu'on désignait sous le nom de isxTu),toy),upEa 32; la gravure des camées rentrait chez les Romains dans la scalptura ectypa 33. Le graveur en pierres cavator 34, signarius 35, insignitor 36, gemmarum scalptor ou sculpter 37, gemmarius sculptor 38; il était distinct du GEM 1469 GEM politor gemmarum ainsi que du ôxx-cultovpybs, qui montait les cachets et les anneaux. Les outils dont on se servait pour graver étaient en fer mousse ou recuit (ferrum retusutn) 1. C'étaient des tiges aiguisées, de différentes formes, désignées sous le nom générique de trépan (Tpû7cxvov) et de scie (terebra) 2. Ces instruments, sortes de forets ou de tarières, appelés aujourd'hui scies, bouterolles ou molettes, étaient mis en mouvement par un tour à pédale ou à l'aide d'un archet. Pendant que durait le travail, o'n les tenait constamment imbibés de poudre de diamant ou d'émeri (cu.upt;, naxium) 3, détrempée dans l'huile ; on se servait aussi de poudre d'ostracite 4 et de pierre à aiguiser (cos, x4vrl) surtout pour le polissage. Pline observe que les gemmes les plus dures ne sauraient résister à la poudre de diamant, et il disserte sur les moyens de pulvériser la pierre indomptable, qu'on ne peut vaincre, dit-il, qu'en l'arrosant avec du sang de bouc encore tiède, et suivant des rites dont les dieux eux-mêmes avaient d(' confier la formule aux mortels. La poussière et les éclats du diamant étaient incrustés dans les tiges,de fer (ferro includuntur) à l'aide desquelles on gravait en leur imprimant une vitesse vertigineuse (fervor terebrarum) 5. Un scarabée étrusque, trouvé à Cortone et conservé au Musée Britannique, peut nous donner assez bien, ce semble, l'idée de ce que devait être l'installation et l'outillage du graveur en pierres fines (fig. 3483). Nous y voyons, en effet, un ouvrier penché en avan t pour regarder attentivement un objët, peut-être une gemme, fixé sur un établi, et qu'il est en train de forer ou de graver avec une drille qu'il met en mouvement à l'aide d'un archet : nous ne pouvons guère nous représenter autrement le travail de premier ébauchage que devait nécessiter tout sujet gravé sur les gemmes e. Les anciennes civilisations de l'Orient ont pratiqué la gravure` des gemmes avec une profusion que n'ont pas dépassée les Grecs et les Romains. Le scarabée égyptien, le cylindre et le cône chaldéens se sont répandus pen dant de longs siècles, non seulement dans la vallée du Nil et dans le bassin du Tigre et de l'Euphrate, mais dans toute l'Asie occidentale. Les Héthéens, les Phéniciens et les autres populations de la Syrie qui subirent tour à tour l'influence ou la domination des Égyptiens et des Assyriens eurent, comme eux, des scarabées, des cylindres et des cônes : tout l'Orient conserva l'usage de ces trois formes de gemmes gravées jusque sous la domination perse et même longtemps encore au delà'. Nous donnons, à titre de spécimens, un cylindre (fig. 3484) imité de ceux de la Chaldée, un cône orné d'un sujet chaldéen et accompagné d'une inscription araméenne (fig. 3483), enfin un scarabée pareil à ceux de la vallée du Nil et portant un sujet familier à l'art de la Phénicie (fig. 3486). A l'instar des Orientaux, les Cypriotes ont fait usage, eux aussi, du scarabée, du cylindre et du cachet plat, à tige hémisphérique ou conoïde, mais plus ordinairement, comme les Perses, de ce dernier, qu'ils portaient en chaton de bague ou en pendant de collier. Dans le trésor de Curium, par exemple, et dans les tombes de Salamine, on a recueilli de nombreux cylindres que leur style dénonce comme de simples pastiches, la plupart du temps l très barbares, des cylindres assyriens 8 (fig. 3487). Les cachets plats, cônes ou scarabées, trouvés en abondance sur toute l'étendue de l'île, sont décorés de figures qui ne sont, souvent aussi, que des imitations de motifs égyptiens ou assyriens, même lorsque le travail, plus original et plus habile, trahit la main d'un artiste grec. Parmi ces monuments de la glyptique cypriote, il en est qu'on croirait parfois importés des bords du Nil ou de l'Euphrate, mais une inscription cypriote nous révèle le caractère indigène du travail. C'est ainsi qu'un scarabée de la collection de Luynes au Cabinet des Médailles (fig. 3488), porte une légende en caractères cypriotes autour d'un sujet d'inspiration assyrienne : on reconnait ici l'Héraclès asiatique domptant des lions 9. De même, une calcédoine de la collection Danicourt, au musée de Péronne (fig. 3489), représente un sujet GEM 4470 GEM asiatique : un griffon dévorant un cerf ou un taureau; dans le champ, la tête de la Gorgone et une inscription en caractères cypriotes donnant le nom du possesseur, Aristodamos'. Ce détail mythologique et cette inscription autant que l'exécution de la gravure nous révèlent un artiste grec, tandis que la scène principale qu'il a traitée à la grecque est d'inspiration orientale. Cette influence de l'art égyptien et del'art asiatique, dans l'art cypriote, dès la plus haute antiquiténous allons constater qu'elle s'est répandue dans les contrées plus occidentales, jusque dans les pays baignés par la merlgée. Les plus anciens des monuments en pierres dures, recueillis à llissarlik, à Rhodes, à Théra, et dans toutes les contrées grecques, ressemblent à ceux de l'époque préhistorique de tous pays. Ce sont des armes et des outils en obsidienne, en silex, en jadéite, en néphrite, en diorite, en schiste, en trachyte ; de petites hachesamulettes en cornaline, en améthyste, en jade, percées d'un trou pour être suspendues au cou; des balles, des fusaioles, sans autre ornement que des cercles incisés 4. De tels objets ne peuvent être considérés que comme le prolongement des gemmes muettes de l'âge de pierre. Dès qu'apparaissent des monuments assez caractérisés pour qu'il soit possible d'en tirer un parti scientifique, on constate, à côté des éléments d'un art indigène et spontané, des indices certains d'une influence orientale. On a trouvé à llissarlik des cylindres en feldspath, pareils à ceux de Cypre : même forme, mêmes dimensions, même décor gravé sur le pourtour L'analyse de certains détails décoratifs, la présence de courtes inscriptions en caractères qui rappellent l'alphabet cypriote 6, et surtout des statuettes de la déesse chaldéenne Istar, sont d'irrécusables témoins de l'influence asiatique, plus ou moins lointaine, sur l'art primitif de la Troade et des îles'. Il en est de même pour la civilisation mycénienne dans les contrées qui furent la Grèce propre. Les intailles recueillies non seulement à Mycènes, mais sur tous les points de la Grèce 8, sont des gemmes tantôt rondes et aplaties, tantôt allongées et légèrement convexes, comme des noyaux de pêche, en agate, cristal de roche, calcédoine, jaspe, cornaline, améthyste, stéatite, hématite. Elles sont percées dans le sens de leur épaisseur, pour être enfilées dans des colliers, comme les cônes orientaux et les scarabées égyptiens; un certain nombre aussi étaient enchâssées dans les chatons des bagues. Les formes adoptées pour ces gemmes primitives sont nouvelles dans la glyptique, et l'art oriental ne les a pas connues. Les graveurs de l'époque mycénienne se laissèrent en ceci guider par la nature elle-même qui leur fournissait comme modèles des cailloux roulés en forme de glands ou d'amandes, et longtemps encore les Grecs se serviront de pareils cailloux ou «pot en guise de bul letins de vote dans leurs assemblées délibérantes'. Les sujets représentés sur ces gemmes sont primitivement des fleurs, des animaux, tels que lions, cerfs, antilopes, taureaux, poulpes, poissons, tantôt seuls, tantôt affrontés héraldiquement ou luttant les uns contre les autres' (fig. 3490, 3491 et 3492) ; des griffons, des Pégases ou d'autres êtres fantastiques; des scènes de pêche et de chasse, des hommes luttant contre des lions ou des sangliers; des combats de guerriers couverts de leurs armures (fig. 3493, 3494 et 3495). Sur les plus anciennes de ces pierres, la simplicité du sujet, la gaucherie, les disproportions des figures révèlent un art à ses débuts : c'est la première époque mycénienne. Bientôt l'artiste est assez maître de son art pour repré senter des figures sur deux plans différents, comme des lions, des taureaux, des antilopes marchant côte à côte, ou se croisant en se dirigeant en sens inverse (fig. 3496 et 3497). Ne suffit-il pas d'une maladresse naïve dans de pareilles compositions pour que les figures s'enchevêtrent et que l'observateur se croie en présence d'un seul être monstrueux à plusieurs têtes? Par exemple, le groupe du lion dévorant un aegagre a paru, sans grand effort d'imagination, n'être qu'un monstre ayant à la fois une tête de lion, une tête de chèvre et une tête de serpent. Cette conception de la Chimère, une fois entrée dans l'imagination populaire, aura pris corps, et les artistes s'en seront em GEAI 1 471 GEU parés aussi bien que les poètes. Telle est la théorie ingénieuse de la mythologie iconologique, formulée et développée pour la première fois par M. ClermontGanneau', et reprise par M. Milchheefer2. C'est par ce système qu'on explique la formation des types de Pégase, de la Gorgone, des Harpies, du Minotaure, ignorés de la symbolique orientale et que l'art et la mythologie gréco-étrusques ont tant exploités. De ces constatations aussi ingénieuses que justifiées, certains savants nous paraissent tirer des conséquences forcées quand ils essayent d'expliquer de la même manière tous les types étranges que nous fournit la glyptique mycénienne, et quand ils se refusent absolument à reconnaître dans cet art primitif des contrées grecques toute influence égyptienne e t asiatique 3. Nous croyons que si, comme MM. Clermont-Ganneau et Milchhoefer l'ont démontré, l'influence des images maladroites sur l'imagination populaire ne peut être contestée, elle ne saurait suffire à expliquer la présence de tous les monstres qu'offre à nos regards la glyptique mycénienne, et dans bien des cas il faut faire intervenir la démonologie sémitique dont les Phéniciens et peut-être les Héthéens et les Cypriotes se sont chargés de faire pénétrer les formes principales dans les îles de la mer Égée et jusque dans la Grèce propre, avec les produits industriels de l'Égypte et de l'Assyrie Schliemann a recueilli à Mycènes un cylindre en opale, sur lequel est gravée une figure humaine de style égyptien, et un scarabée portant le nom de la reine Ti, femme d'Aménophis III 5. Des preuves formelles d'imitation de cylindres chaldéens ont été signalées depuis longtemps dans les sujets gravés sur les chatons de bagues en or trouvées à Mycènes é; les oeuvres de la glyptique proprement dite sont non moins éloquentes que ces bijoux d'or. Par exemple, une gemme du Musée britannique a pour sujet un héros debout entre deux ibex qui se dressent et qu'il saisit par les cornes, type des plus communs dans la glyptique chaldéo-assyrienne '. Sur un jaspe rouge trouvé à Mycènes, figure un personnage entre deux lions, comme sur les cônes assyrb-chaldéens (fig. 3497) ; sur une intaille en cristal de roche trouvée à Phigalie, un géant dompte deux monstres dressés contre lui et qui ont des pattes d'oiseaux, comme un grand nombre de génies asiatiques 3. Une autre représente Héraclès, dieu d'origine orientale, combattant l'iatos y4cov, « le vieillard de la mer », à queue de poisson, dont le prototype, sous le nom de Dagon, doit être cherché en Phénicie et en Chaldée «fig. 3498). On trouve aussi sur les gemmes mycéniennes des figures léontocéphales, des sphinx, des bouquetins, des lions dressés, motifs dont l'origine orientale ne saurait être contestée. A. Ialysos et à Camiros, dans l'île de Rhodes, on a aussi signalé des gemmes sur lesquelles l'influence orientale est indéniable 10.De ces multiples observations, on est en droit de conclure quo la glyptique mycénocrétoise avait un caractère mixte formé de trois courants distincts : le courant autochthone, le courant asiatique et le courant égyptien. Les artistes de la période mycénienne donnent à leurs gemmes une forme originale, qui est le plus souvent celle des cailloux roulés par les flots; continuant une tradition qui remonte jusqu'aux temps préhistoriques ils n'adoptent pas les formes étrangères: ni le cylindre ou le cône des Chaldéens, ni le scarabée de l'Égypte. Quant aux sujets qu'ils gravent sur ces pierres lenticulaires, ou bien ce sont des animaux et des fleurs de la faune et de la flore des îles ou des pays baignés par la mer Égée, des mythes empruntés à leurs traditions, des types créés par leur génie propre, ou bien ce sont des sujets inspirés de la glyptique orientale, copiés sur les gemmes de l'Égypte et de la Chaldée, que les relations commerciales plus ou moins directes faisaient pénétrer jusqu'à eux. Ce qui étonne le plus quand on étudie l'ensemble des oeuvres de la glyptique mycénienne, c'est, comme l'a remarqué M. Perrot, le degré de perfection auquel elle est parvenue, à un moment donné, dans la reproduction des figures d'animaux. Il est telles de ces images de lions, de taureaux, de bouquetins, de lions dévorant des cerfs, de vaches allaitant leurs veaux, qui ne seraient pas déplacées au temps de la splendeur de l'art grec" (fig. 3499).Ces belles intailles vont de pair avec les reliefs du vase d'or de Vaphio et avec les lions. affrontés de la porte de Mycènes; les artistes auxquels on les doit étaient des animaliers plus habiles que ceux qui sculptèrent, longtemps après eux, les plus admirés des bas-reliefs ninivites. Les invasions doriennes qui ont bouleversé la civilisation mycéno-crétoise et en ont refoulé les débris loin des centres nouveaux de l'activité sociale, n'ont pas fait disparaître l'influence orientale dans les contrées grecques. Comme les populations qu'ils ont subjuguées, les Grecs d'Homère s'inclinent devant la supériorité artistique et industrielle des Asiatiques et des Égyptiens et ils leur demandent tous les objets de luxe et de parure12. Les relations commerciales créent entre les Hellènes et les Orientaux une véritable pénétration réciproque qui a son contre-coup direct dans les oeuvres de la glyptique. Les pierres gravées grecques de cette époque sont presque exclusivement des scarabées ou des scarabéoïdes : la forme est donc égyptienne et n'a plus de rapport avec les intailles lenticulaires des temps mycéniens. Mais les types orientaux que les Grecs reproduisent sur leurs scarabées sont rarement des copies serviles ; en général, on GEM 1472 GEM sent que l'artiste a une tendance à s'affranchir de son modèle et à l'interpréter avec liberté, pour s'essayer dans des compositions de son invention'. Il arrive un moment où, d'interprètes, les Grecs deviennent des novateurs; les Orientaux, à leur tour, rendent hommage à leur supériorité et leur demandent de travailler pour eux : des scarabées, grecs par le style, le type, la composition, sont exécutés pour des Phéniciens, comme le prouvent parfois les inscriptions phéniciennes qui accompagnent ces sujets grecs Dans le trésor de Curium, comme dans les tombeaux de Kertch, les cylindres imités de ceux de l'Assyrie et les scarabées égyptisants se trouvaient mélangés avec des scarabéoïdes de style grec'. Parmi ceux-ci, les uns représentent simplement des animaux : chevaux, taureaux, hippocampes, aigles, colombes, ibis' ; d'autres, d'un art plus avancé, ont des types empruntés à la mythologie hellénique : Némésis, Nikè, les travaux d'Héraclès, les aventures d'Ulysse, Échidna et le Dragon, le rapt de Proserpine par Hadès, Borée enlevant Orithye'. Le style de ces gemmes nous montre le génie hellénique dans toute sa force de conception et d'exécution technique : déjà l'archaïsme grec est supérieur à ce que l'art oriental a produit de plus achevé. Ce n'est pas tout : avec le temps, l'art grec achève de se dépouiller du vêtement d'emprunt qu'il doit à l'Orient : la carapace du scarabée égyptien se modifie, s'altère, se transforme : on en arrive même à lui substituer d'autres figures aussi en relief : masque de Silène ou de Gorgone, tête de nègre, lion couché, qui rappellent seulement par le galbe général, la forme scarabéoïdale traditionnelle «fig. 3301). Dès l'apparition de la monnaie, au vue siècle, il s'établit une sorte de solidarité entre les types monétaires et ceux de la glyptique ; les mêmes artistes gravent les gemmes et les coins monétaires, et l'on commence à inscrire des noms grecs sur les intailles dans le même temps que les légendes monétaires font leur apparition'. Les intailles les plus anciennes qui portent des inscriptions grecques sont un scarabée (fig. 3501) sur le plat duquel on lit, au-dessus d'un dauphin, en Fig. 3502. scarabée grec. caractères de forme très archaïque: le cachet de Ï hersis, gardez-vous de me briser) 8, et un scarabée en agate, trouvé à Égine, en 1829, sur lequel on lit : Kpeovrtôz E(t.t 9. On voit par là que les Grecs, au vlle siècle, suivent la mode orientale de graver sur la gemme le nom de l'individu auquel elle sert de sceau. Mais ils ne tardent pas à inaugurer un usage ignoré des Asiatiques et des Égyptiens : leurs artistes signent leurs oeuvres et inscrivent leur nom à côté du type dans lequel ils ont déployé tout leur talent. Pour le critique moderne, c'est souvent une difficulté de déterminer si Ienom inscrit sur une gemme est celui de l'artiste qui l'a gravée ou celui d'un possesseur qui l'a utilisée comme cachet. En général pourtant, on peut dire que le nom de l'artiste est dissimulé dans une partie secondaire du champ de la gemme, en lettres modestes et très fines, tandis que le nom du possesseur est, au contraire, gravé en grandes lettres dans le champ, en vedette et d'une manière très apparente. On peut demeurer dans l'incertitude à ce point de vue, par exemple, au sujet du nom de YTrietxpâ,rrlç, gravé au-dessus d'un cheval, sur un scarabée du trésor de Curium 10, ou même au sujet du nom L'rtu.dvoç, gravé sur un jaspe noir du musée de Berlin, autour d'une femme nue agenouillée, tenant une hydrie qu'elle remplit à une fontaine"; ou enfin au sujet de noms tels que 'Apte-araiy rlç t' et 'Iex ydp (xç) 13, sur des gemmes qui remontent au vie siècle. Mais nous entrons dans le domaine de la certitude avec une stéatite du Musée britannique, sur laquelle on lit : 2 up(r1ç E7000EeE, à côté d'un homme barbu qui joue de la lyre 14 (fig. 3501). Le style de cette gemme archaïque est admirable, et la forme du nom de l'artiste aussi bien que l'analyse de cette belle oeuvre permettent de la rattacher presque avec certitude, aux écoles artistiques qui florissaient en Asie Mineure au vie siècle. Nous savons en effet, par les sources littéraires, que l'île de Samos était alors le siège d'une école de graveurs en pierres fines, aussi bien que de sculpteurs. Mnésarchos, le père du philosophe Pythagore, est qualifié commencement de la tyrannie de Polycrate, son activité se place au temps de la grande floraison des toreutiticiens de Samos, au milieu du vie siècle. L'un de ces derniers, Théodoros, fils de Téléklès, qui était allé en Égypte, apprendre à couler le bronze, était en même temps un lithoglyphe renommé : il grava pour Polycrate un cachet (etpp-rylç ypu6d8E'roç) auquel une anecdote populaire est attachée 16. Théodoros avait coulé en bronze sa propre statue qui le représentait tenant une lime et un scarabée plus petit qu'une mouche, sur lequel il avait réussi à graver un quadrige d'une perfectioninimitable'7• Il ne nous est poin t parvenu d'oeuvres signées de Mnésarchos et de Théodoros. Jusqu'au ve siècle, la forme scarabéoïdale fut prépondérante dans les pierres gravées grecques, et quant aux Étrusques, on peut dire qu'ils n'en ont pas connu d'autres'$. Les nécropoles de la Toscane nous ont livré en abondance des scarabées gravés. Ceux des tombes les GEAI 1473 GEM plus anciennes sont en faïence émaillée ou en pierre dure et le plat en est orné de figures qui n'appartiennent qu'à la symbolique égyptienne : le dieu Horus, la barque sacrée, des cartouches oyaux 1. De tels monuments que rien ne distingue de ceux qu'on recueille dans la vallée du Nil, ont été certainement importés d'Égypte en Étrurie. Mais on trouve surtout dans les tombes étrusques, comme à Carthage et en Sardaigne 2, des scarabées qui ne sont que des contrefaçons plus ou moins habiles de ceux de l'Égypte, sur lesquels les signes hiéroglyphiques défigurés sont devenus indéchiffrables, où les attributs des dieux, le costume des personnages ne sont que sommairement et inintelligemment reproduits (fig. 3504, scarabée trouvé en Sardaigne 3). Ces scarabées, pareils à ceux qu'on trouve partout où les vaisseaux phéniciens et carthaginois allaient faire le commerce, sont les produits des ateliers de la Phénicie, de Cypre ou de Carthage". D'autre part, il faut le reconnaître, les Étrusques eux-mêmes eurent leurs ateliers de glyptique, dans lesquels ils copièrent et imitèrent non seulement les scarabées orientaux, mais aussi ceux des Grecs. Après que Démarate eut fondé Tarquinies, au milieu du vue siècle, la glyptique étrusque subit surtout l'influence de Part grec au détriment de l'influence orientale. D'abord, les gemmes de style grec représentent, comme à Cypre, des figures d'animaux : lions, chevaux, taureaux, bouquetins, sangliers, aigles. On voit aussi le griffon terrassant un cerf, la Chimère, le sanglier ailé, des Centaures portant une branche d'arbre ; des guerriers, des athlètes, des vainqueurs dans leur quadrige, des tisserands à leur métier, des forgerons martelant des casques;. des sculpteurs, l'ébauchoir à la main, et d'autres scènes de la vie privée 5. Viennent ensuite les nombreux types empruntés à la mythologie et surtout aux cycles troyen et thébain, comme les sujets gravés sur les miroirs. Les dieux qu'on y voit le plus fréquemment, dans toutes les phases de leurs légendes, sont Hercule et ses multiples travaux, Minerve, Neptune, Mercure, Apollon, Nikè; les Centaures et les Satyres, l'Hydre, Cerbère, Neptune et Amymone [AMvMONE, fig. 315] ; Ulysse, Diomède, Ajax, Achille, Philoctète, Adraste, Tydée, Capanée, Castor et Pollux, Thésée, Jason, Admète 0. La plupart du temps, la ressemblance des scarabées étrusques avec ceux de la période grecque archaïque est si complète, qu'il est impossible de les distinguer, soit par la forme ou le style, soit par le sujet ou la matière. On ne peut toutefois se refuser à considérer comme étrusques les scarabées sur lesquels le sujet est accompagné d'une inscription étrusque, à l'imitation de ce qui était pratiqué sur les vases peints, les cistes et les miroirs. On lit, par exemple, à côté d'une gravure représentant le combat d'Hercule et de Cycnos, Hercle et Kukne ; à côté d'un héros fabricant un navire, Easun (Jason) ; à cô té de Tydée blessé Tute (fig. 3505); à côté de Capanée foudroyé, Kapne; à côté d'Ajax se suicidant divas, etc. Une intaille célèbre du musée de Berlin (fig. 3506) re-. présente le conseil de guerre des héros devant Thèbes avec leurs noms Atrestfle (Adraste), Tute (Tydée), Phulnice (Poly nice),Parthanope (Parthénopée) A7nphtiare(Amphiaraüs)7. Comme pour les vases peints, toutes les intailles qui sont d'une facture nette et franche sont plutôt grecques, tandis que celles qui paraissent des imitations ou des copies sont plutôt de fabrique étrusque. Les thèmes exploités par la glyptique étrusque, même dans la dernière période de la vie autonome de l'Étrurie, ne varient pas ou plutôt ne se renouvellent pas, tandis que la glyptique grecque progresse avec le temps et puise à de nouvelles sources. L'Étrurie, une fois qu'elle a cessé ses rapports directs avec la Grèce, en est réduite à vivre sur elle-même et à exploiter toujours et par routine le Vieux fonds de mythes et de légendes que lui avaient apporté les anciens Grecs : elle se traîne dans l'archaïsme d'imita-. tion ou se borne à acheter les vulgaires produits de l'art carthaginois 5. Au contraire, l'ère nouvelle qui s'ouvre pour la Grèce aussitôt que l'invasion de Xerxès est refoulée, fait époque dans l'histoire de la glyptique grecque aussi bien que dans celle des autres branches de l'art. La forme des' gemmes, le style, le choix des sujets, tout se transforme rapidement. Le scarabée, d'origine égyptienne, qu'un préjugé aussi déraisonnable qu'obstiné a maintenu presque exclusivement jusqu'ici comme une formule nécessaire, commence à être abandonné dès le milieu du ve siècle ; les images, en creux ou en relief, achèvent de se dépouiller de la raideur archaïque. Le goût des beaux camées, sur des agates à plusieurs couches, naît et se propage au fur et à mesure que s'accroissent le luxe et l'opulence; les types des intailles seront souvent désormais les copies des oeuvres des sculpteurs ou des peintres en renom. Des pierres gravées qui peuvent re monter à cette époque reproduisent Fig.3507I.ntailPhle.iloctète. (fig. 3507) le Philoctète blessé du sculp teur Pythagoras 9; la légende de Pélops et Hippodamie, qui forme le sujet du fronton oriental du temple de Zeus à Olympie, a aussi été interprétée sur un des plus admirables camées grecs du Cabinet des médailles10 (fig. 3508) ; le meurtre de Clytemnestre et d'Égisthe par Oreste et Pylade est traité identiquement sur un bas-relief GEM 1474 GEM et sur un camée de la collection impériale de Vienne t.Sur un chaton de bague trouvé à Kertch, la Victoire qui attache un bouclier à un trophée 2 est la copie assez fidèle d'une des Victoires de la balustrade du temple d'Athéna Nikè, à Athènes, dont la date est fixée aux environs de l'an 407 3. La femme tenant une.hydrie et les quatre danseuses qui forment les sujets de deux intailles du Musée britannique' sont à rapprocher des caryatides de l'Érechthéion et des hydrophores de la frise sud du Parthénon5. Les plus célèbres des œuvres de Myron, de Polyclète, de Phidias ont été exploitées à satiété par les lithoglyphes depuis le ve siècle jusque sous l'empire romain : le Marsyas et le Discobole de Myron 0, le Doryphore et le Diadumène de Polyclète se voient métamorphosés ou plus ou moins fidèlement interprétés ou affublés d'attributs variés sur de nombreux camées ou intailles ; l'Amazone de Polyclète ne nous est même connue dans tous les détails de son maintien et de ses attributs que par une petite gemme du Cabinet des Médailles qui la reproduit' (fig. 3509) ; le buste de Héra, type de l'un des plus beaux camées grecs de la même collection, est inspiré de la statue qu'Argos devait au même maître 8 (fig. 3510) ; une cornaline du Musée de l'Ermitage représente Hippolyte armé de l'épieu de chasse et accompagné d'un Éros ; le revers d'une monnaie de Trézène a le même type, et tout porte à croire que l'art monétaire et la glyptique se sont emparés d'une oeuvre sculpturale de Polyclète ou de son école, qu'on voyait vraisemblablement à Trézène'. Enfin sur un camée du Musée de Berlin, nous retrouvons le type d'Éros en Hermès, qui fait son apparition dans la sculpture à l'époque de Phidias 40. Dès avant l'an 400 et jusque vers la fin du premier siècle de notre ère, on constate l'existence d'une longue suite de gemmes signées du nom des artistes qui les ont gravées. Ceux de ces artistes qu'on peut placer à la fin du ve ou dans le Ive siècle avant notre ère sont les suivants : Athénadès. La signature AOHNADH1 se lit sur une intaille formant le chaton d'une bague trouvée à Kertch, dans un tombeau de femme". Le sujet est un Scythe assis regardant une flèche qu'il tient sur ses genoux. Phrygillos i2. On lit ce nom sur une cornaline de l'ancienne collection Blacas, qui représente un Éros agenouillé et jouant aux osselets. La tête de ce génie rappelle celle du Doryphore de Polyclète. Des monnaies de Syracuse de la fin du ve siècle, signées du même nom, permettent de croire que Phrygillos fut à la fois graveur de coins monétaires et de pierres fines. Dexamenos 13. Il nous est parvenu quatre des oeuvres de cet artiste, qui était originaire de Chios : c'est d'abord une calcédoine du Fitzwilliam Museum, à Cambridge, sur laquelle on voit une femme à sa toilette ; une servante lui présente le miroir (fig. 3511). On lit dans le champ, à la fois le nom de la dame possesseur de la pierre, MIKH1 et la signature D E EÀ M E N OL. La nécropole de Kertch nous a fourni deux intailles représentant des hérons, avec les signatures ®EEAMENOI et I EEAMENOI Ef1OIE XIOL. Enfin, un jaspe rouge trouvé en Attique nous montre un beau portrait d'homme barbu avec la signature pE=AMENOï EIIOIE. Pergamos". Nous connaissons trois intailles signées de ce nom : un scarabée trouvé à Kertch qui représente une tête imberbe coiffée d'un bonnet phygien; un nicolo du Cabinet des Médailles, où figure une tête coiffée d'un casque décoré d'un masque silénique'°; enfin une pâte de verre du musée de Florence nous conserve le souvenir d'une intaille signée Pergamos, qui existait encore au siècle dernier : elle représente un satyre dansant". Olympios. Ce nom est sur une cornaline du musée de Berlin, qui représente Éros bandant son arc 17. De belles monnaies d'Arcadie, frappées vers 370, ont pour type un Pan assis sur une montagne au pied de laquelle on lit le nom de l'artiste OAYM. Le graveur de la gemme et du coin monétaire sont peut-être le même personnage. Onatas. Cette signature figure sur un scarabéoïde du GEM 1475 GEM Musée britannique qui représente Niké érigeant un trophée. Il y a une grande parenté de style entre la Niké d'Onatas et l'Éros d'Olympios0. Le siècle de Scopas, de Praxitèle, de Lysippe et d'Apelle est illustré en glyptique par un artiste dont l'antiquité tout entière célèbre la gloire, mais dont il ne nous est parvenu aucune oeuvre signée : c'est Pyrgotèle 2. Pline 3, après beaucoup d'autres, le proclame le plus habile des graveurs de tous les temps, et comme il le place au même rang que les sculpteurs et le peintre dont nous venons de prononcer les noms, il est permis de croire qu'il les égalait en mérite. Alexandre ordonna qu'aucun autre que Pyrgotèle n'aurait le droit de reproduire ses traits sur une pierre précieuse; parmi les camées et les intailles de nos musées qui représentent Alexandre, il en est peut-être qui sont sortis des mains de ce maître incomparable ou qui sont des copies anonymes de ses oeuvres «fig. 3512). 11 ne nous est pas parvenu non plus de camées ou d'intailles signés de Cronios et d'Apollonidès qui pourtant s'étaient acquis, comme Pyrgotèle, une grande renommée 5. En revanche les auteurs ne parlent point de plusieurs autres graveurs dont nous possédons un assez grand nombre d'oeuvres signées : en voici énumération. Pheidias. On lit (PEIAIAI ETTOEI sur une hyacinthe du Musée britannique dont le type, un jeune homme nu, assis sur un rocher, rappelle la statue de Munich connue sous le nom de Jason ou d'Alexandre 6. Lyconlède. Sur une calcédoine de la collection Tyskievickz, représentant probablement la première Bérénice, on lit la signature AYKOMHAHr. Philon. Sur un chaton de bague de la même collection, un portrait d'homme imberbe, de profil, est signé (PIAf2N E11OEI8. Onesas. On lit ONHCAC €TTOIEI, sur une pâte de verre antique du musée de Florence, qui a pour type une Muse appuyée sur un cippe et jouant de la lyre. Une cornaline du même musée porte aussi la signature d'Onesas, à côté d'une tête d'Héraclès jeune, de profil'. Athénion. La signature AOHNIf2N est en relief à l'exergue d'un camée du musée de Naples, qui a fait successivement partie des collections de Fulvie Orsini et des Farnèse'°; il représente Zeus dans un quadrige (fig. 3513), foudroyant les géants anguipèdes. Un camée du Musée britannique avec la même signature, a IV. pour type le roi de Pergame, Eumène II (197-159) dans un bige dirigé par Athéna 11. Athénion, qui travaillait à la cour d'Eumène, représente en glyptique l'école de Pergame. Séleucos. La signature de cet artiste se trouve sur une améthyste de l'ancienne collection Carlisle, représentant Philoctète". Protarchos. L'inscription TTPf2TAPX01 ETTOEI se lit sur un camée du musée de Florence à côté d'un Éros jouant de la lyre, sur un lion. Le nom de Protarchos est aussi sur un autre camée qui représente Aphrodite et Éros 13 Anaxilas 14. Au chaton d'une bague du musée de Naples, on voit un portrait d'homme, avec la signature ANAIIAA! ETTOEI. Scopas 15 Ce nom est inscrit sur une belle hyacinthe de la bibliothèque de Leipzig qui représente une tête d'homme imberbe. Il n'est pas probable que ce graveur soit le sculpteur du même nom. Boéthos. La signature BOHOOY est en relief sur un camée de la collection Beverley qui représente Philoctète pansant la blessure de son pied (fig. 3514) 16. Nicandros 17. On lit N1K ANAPOC E17OE1, sur une améthyste de l'ancienne collection Marlborough qui représente un buste de femme. Les signatures des artistes que nous venons d'énumérer se distinguent de celles de l'époque antérieure au point de vue paléographique :1'E et le C deviennent cursifs et commencent à prendre les formes arrondies qu'ils conserveront désormais; l'extrémité des hastes de chaque lettre est accentuée par un globule, comme dans les légendes monétaires contemporaines. De même que dans la période précédente, la sculpture continue à fournir aux graveurs de gemmes le thème principal de leurs compositions. C'est ainsi que sur une cornaline du Musée britannique, on voit un Bonus Eventus qui est la reproduction d'une statue d'Euphranor18; un camée de Naples est inspiré du fameux groupe d'Apollonios et Tauriscos connu vulgairement sous le nom de Taureau Farnèse 19; la Vénus de Milo enfin est apparentée à divers types de gemmes des musées de Londres et de Berlin 20. L'iconographie prend une place importante dans la glyptique de l'époque hellénistique. A l'imitation d'Alexandre, ses généraux aiment à se faire représenter sur des gemmes, souvent avec des attributs divins. Nous avons ainsi de beaux camées qui représentent des têtes royales qu'on a cherché à identifier avec les effigies de Seleucus Nicator 21, de Persée, le dernier roi de Macédoine 22, de Ptolémée Soter, de Lysimaque, de Démétrius Poliorcète. Le 186 GEM 1476 GEM plus grand des camées du musée de l'Ermitage (fig. 3515) est une magnifique sardonyx sur laquelle on a cru long temps reconnaître les bustes conjugués de Ptolémée II Philadelphe et d'Arsinoé', mais qui représente en réalité Alexandre Bala, roi de Syrie, et Cléopâtre Thea 2. L'époque ptolémaïque est celle où l'on commença à tailler dans des blocs de pierres fines ces beaux vases aux nuances irisées et translucides qui éblouirent tant les Romains lors des triomphes de Lucullus et de Pompée, et dont quelques spécimens sont aujourd'hui la gloire de nos musées. Le plus beau et le plus riche de ces vases d'agate est le célèbre canthare dionysiaque du Cabinet des Médailles, vulgairement désigné sous le nom de coupe des Ptolémées ou de Mithridate (fig. 3516) ; le pourtour est ornée d'attributs bachiques curieusement affouillés dans la gemme. On a évalué à trente ans l'espace de temps nécessaire à l'exécution de ce vase dont la contemplation nous plonge dans le ravissement et que le moyen âge émerveillé avait transformé en calice 3. Le vase dit de Saint-Martin, à l'abbaye de Saint-Maurice d'Agaune, sur lequel est gravée, assez lourdement, une scène représentant Achille à Scyros 4, la coupe du musée de Naples, connue sous le nom de Tasse Farnèse, sur laquelle on voit représentée sur la face interne, une scène champêtre se rapportant à l'l gypte 5, et sur la face externe, une égide avec la tête de Méduse (t.1eC, fig. 145), sont les deux plus importants des monuments qu'on puisse rapprocher du canthare du Cabinet des Médailles, mais ils paraissent ne remonter qu'au premier siècle de notre ère. Quatre siècles durant, c'est-à-dire jusqu'aux environs de l'an 150 après J.-C,, le goût et la recherche des beaux camées par le public donna à la glyptique une popularité et un développement qu'elle n'eut jamais à une autre époque. Tout le monde a eu l'occasion de contempler les produits si nombreux de la glyptique gréco-romaine, soit dans les galeries du Cabinet des Médailles, à la Bibliothèque nationale, soit au Cabinet impérial de Vienne, les deux plus riches collections qui existent, soit enfin à Naples, à Florence, à Londres, à Saint-Pétersbourg, à Dresde, à Berlin, ou dans quelques collections privées : le nombre et l'infinie variété des sujets mythologiques traités par les artistés nous dispense de citer des exemples. Les camées iconographiques, d'autre part, nous offrent la série presque sans lacune des portraits des empereurs et des membres de la famille impériale durant les deux premiers siècles. Le portrait d'Octavie, sur un camée de la collection de M. le baron Roger de Sivry 6, est célèbre et peut-être le chef-d'eeuvre du genre (fig. 3517. Voy. aussi t. I, les figures 1855, 1858, 1860). Au Cabinet des Médailles, le Grand Camée de France, improprement appelé Apothéose d'Auguste, et qui GEM 1477 GEM représente en réalité l'apothéose de Germanicus, est le plus grand des camées qui existent; il mesure 30 centimètres de haut sur 26 de large ; il dut être exécuté après l'an 19 probablement quand Agrippine ramena en Italie les cendres de son mari' (fig.3518). La galerie impériale de Vienne est plus riche encore que le Cabinet des Médaille en gemmes iconographiques de la première importance artistique et historique 2. L'un de ces camées, de proportions grandioses, est sculpté sur ses deux faces: d'une part, le buste d'Auguste en haut relief, et, de l'autre, un aigle, les ailes éployées, tenant dans ses serres une couronne et une palme. Le Grand Camée de Vienne qu'on désigne souslenom de Gloire d'Auguste est de di mensions un peu moindres que le Grand Camée de France, mais il lui est supérieur par la conservation e t par l'idéale perfection de la gravure : si ce n'est le plus grand, c'est le plus beau des camées'. Comme les camées, les intailles de cette période peuvent se répartir en trois groupes essentiels : la série iconographique, la série mythologique, et enfin les sujets de genre, scènes de la vie privée, édifices, animaux, plantes, etc. La suite des portraits en intaille est fort nombreuse, mais, à de rares exceptions près, on ne peut guère identifier que les effigies des membres de la famille impériale. Celui-ci (fig. 3519), qui représente le buste d'Antonia, femme de Drusus l'Ancien, avec les attributs de Cérès, et une belle améthyste du cabinet des médailles, qui a fait jadis partie des collections du pape Paul I14. Les types mytho logiques sont loin d'offrir l'intérêt des pierres gravées grecques et étrusques; les aimables légendes qui mettent en scène les dieux et les héros des temps fabuleux paraissent surannées aux graveurs sceptiques du premier .siècle de notre ère. On se borne à graver les images des dieux de l'Olympe, et des divinités allégoriques comme la Victoire ou la Fortune, les Muses, des Satyres et des sujets amoureux ou bachiques. Quant aux sujets de genre, ils sont extrêmement nombreux : athlètes, cavaliers, gladiateurs,masques comiques ou tragiques, chasseurs, artisans (fig. 3520), animaux de toute espèce. L'exécution de ces gemmes est très inégale : il est de petits chefsd'oeuvre, mais il est aussi des cachets grossiers , évidemment gravés pour le vulgaire Durant la période romaine comme dans.les siècles antérieurs, il est rare de rencontrer des signatures sur les pierres gravées. On connaît pourtant les artistes suivants : Dioscoride e. Le nom de Dioscoride est célébré par Pline et par Suétone 7, comme celui d'un graveur contemporain d'Auguste, dont les oeuvres pouvaient soutenir la comparaison avec celles de Pyrgotèle. Son chef-d'oeuvre fut, paraît-il, un portrait d'Auguste ; mais ce portrait ne nous est pas parvenu, ou plutôt, parmi les gemmes qui reproduisent les traits d'Auguste, aucune n'estsignée de son nom. Les seules gemmes qui portent la signature AIOCKOYPIAOY sont les suivantes : Héraclès domptant Cerbère : camée du musée de Berline ; GEM 1478 GEM Hermès debout, tenant le caducée ; intaille sur cornaline des anciennes collections 0. Tigrini (1685), Fulvio Orsini et Marlborough, aujourd'hui dans celle de M. Bro milow 1 ; Hermès debout, tenant un plateau sur lequel est posée une tête de bélier: intaille sur cornaline de l'ancienne collection Car lisle 2 ; Diomède enlevant le Palladium 3; intaille sur cornaline de la collection Devonshire (fig. 3521); Buste de Démosthène, de face; intaille sur améthyste de la collection du prince de Piombino 4 : copie de la tête de la statue de Démosthène attribuée à Polyeuktos; Buste de Io ou d'Artémis Tauropole; intaille sur cornaline de l'ancienne collection Poniatowski, dont il existe une copie sur cornaline au musée de Florence°; Tête de Cicéron âgé ; intaille sur améthyste du Cabinet des Médailles «fig. 3522). Ce beau portrait de vieillard chauve et imberbe a été tour à tour appelé Solon, Phidias, Cicéron et Mécène. M. Furtwaengler, le comparant à un buste en marbre de Aspley House, à Londres, croit que c'est décidément le portrait de Cicéron dans les dernières années de sa vie7. Dioscoride eut trois fils qui s'illustrèrent comme lui dans la glytique, Eutychès, Herophilos et Ilyllos. Solon e. Cet artiste, que l'on ne connaît que par quelques-uns de ses oeuvres, était contemporain de Dioscoride, et il a parfois traité les mêmes sujets que ce dernier: Diomède enlevant le palladium ; à l'exergue COACON 6TTO16I. Signalée en Italie en l'an 1600, cette gemme est aujourd'hui perdue, mais une reproduction moderne, faite d'après l'antique, est au musée de Berlin. Buste de Bacchante, avec la signature COACON. Gemme aussi égarée, et qu'on ne connaît que par une pâte de verre du musée de Berlin 9. Portrait de Cicéron, avec la signature COAC0NOC. Ce portrait est pareil à celui qui est signé de Dioscoride to Aspasios 11. Cet artiste a signé une célèbre intaille du musée impérial de Vienne qui reproduit le buste de l'Athéna Parthénos de Phidias (fig. 3523). Par le souci minutieux du détail, cette copie tardive mais sincère, fournit des éléments essentiels pour la reconstitution du chef-d'oeuvre du v° siècle 12. Un hermès de Dionysos Pogon, au Musée britannique, et un fragment du musée de Florence qui ne comporte plus qu'une poitrine drapée, sont aussi signés d'Aspasios. Glycon 13. La signature rAYKWN est en creux sur un beau camée du Cabinet des Médailles qui représente la néréide Galéné emportée sur les flots par un monstre marin. Rufus14..On lit-P(yYii)0C 6n()61 sur un camée du musée de l'Ermitage qui représente une Victoire volant et dirigeant un quadrige. Le graveur Rufus a, ici, copié un tableau célèbre de Nicomachos. Agatflopus15. On lit AfAOOTTOYC 6T106I, sur une aigue marine de Florence qui représente un portrait d'homme inconnu. Sosos 15. La signature de cet artiste a été signalée par Brunn sur une calcédoine du Musée britannique, qui représente une tête de Méduse ailée, de profil 17, Pamphilosi8. La signature TTAM4IAOY se lit sur la plus belle des intailles de la collection du Cabinet des Médailles: c'est une améthyste qui représente Achille assis sur un rocher e t jouant de la lyre 19 (fig. 3521). Le graveur Pamphilos n'est pas autrement connu. Apollonios 20. La signature ATTOAAf2NIOY est sur une améthyste qui représente Artémis chasseresse debout sur un rocher. En 1585, cette intaille appartenait à Orazio Tigrini; elle fit plus tard partie du cabinet de Fulvio Orsini 21, et elle est aujourd'hui au musée de Naples. Eutychès". Un buste d'Athéna, sur cristal de roche, déjà signalé au cornmencementdu xv° siècle par Cyriaque d'Ancône, et aujourd'hui au musée de Berlin, est signé : EYTYXHC AIOCKOYPIA0Y AIf6AIOC ETl(otei). Nous apprenons par là qu'Eutychès était fils de Dioscoride et originaire d'Aegae en Cilicie, patrie problable de Dioscoride lui-même. Ilet°ophilos 23. Un camée du musée de Vienne, représentant la tête de Tibère, est signé : HPO(I)IAOC AIOCKOYP(thu). Ilyllos24. Les oeuvres du troisième fils de Dioscoride qui nous sont parvenues sont les suivantes : Camée du musée de Berlin, représentant le buste d'un jeune satyre de profil; la signature est : YAAOC AIOCKOYPIAOY €110161. GEM 41179 GEM Thésée debout, s'appuyant sur sa massue ; dansle champ, YAAOY. Sardonyx à six couches du musée de Berlin Buste d'Apollon de profil ; devant le cou, YAAOY. Cornaline du musée de l'Ermitage. Tête barbue d'un barbare; sous le cou, YAAOY. Cornaline du musée de Florence. Taureau dionysiaque, sur un thyrse, et grattant le sol de ses pieds de devant. Au-dessus, dans le champ, YAAOY (signature d'une authenticité très douteuse). Calcédoine du Cabinet des Médailles «fig. 3525). Alexas 3. La seule gemme signée de ce nom est un fragment de camée du Musée britannique, qui représente un hippocampe armé d'un aviron ; le mot AAEEA est en relief. Aulus, fils d'Alexas 1. Le nom d'Aulus, qu'on a parfois confondu avec celui de Ilyllus, se rencontre sur de nombreuses gemmes, parmi lesquelles les suivantes seules sont regardées comme authentiques : Deux pâtes de verre antiques, exécutées d'après un camée qui représentait Poseidon et Amymone ; la signature est AYAOC AAEEA CITOICI. Musée do Berlin et British Museum. Éros clouant un papillon à un tronc d'arbre, au-dessous, AYAOI. Hyacinthe qui faisait partie jadis de la collection de Fulvio Orsini. Éros, les pieds enchaînés, condamné au travail comme un esclave, et pleurant appuyé sur sa houe. A l'exergue AYAOC. Camée de la collection du baron de Gleichen, publié au siècle dernier par Bracci 5 et égaré aujourd'hui (cf. t. I, p. 1428, fig. 1883). Aphrodite assise sur un rocher et jouant avec Éros; à l'exergue, AYAOC. Cornaline du Musée britannique 6. Personnage dans un quadrige au galop ; la signature est au génitif, AYAOY. Pâte de verre, du musée:de Berlin 7. Cavalier armé de la lance et du bouclier ; à l'exergue, AYAOY. Sardonyx du musée de Florence. Buste d'Artémis, signé AYAOY. Hyacinthe de l'ancienne collection Ludovisi. Sur une cornaline du musée de Berlin, on voit un coq et une poule, avec la signature fragmentée ...AOY, qui est peut-être le nom d'Àulos ou celui de Hyllos Quintus, fils d'Alexas 9. Un fragment d'un camée sur sardonyx, du musée de Florence, sur lequel on voit seulement les jambes d'un personnage, est signé KOIN TOC AAEEA CITOICI. Polyclète 10. On lit TTOAYKACITOY, sur une cornaline déjà célèbre avant 1430 et qui était au siècle dernier, dans la collection Andreini, à Florence; le sujet représente l'enlèvement du Palladium, comme la gemme de Dioscoride que Polyclète paraît avoir copiée. Epitynchanos 11. Nous connaissons trois oeuvres qui portent le nom de cet artiste : Un camée du British Museum, portant le portrait de Germanicus; il est signé CITITYrKA 12• Une intaille sur améthyste de la collection de Luynes, au Cabinet des Médailles ; elle représente le buste d'un jeune satyre; dans le champ, CtHTYfKANOY i3 (fig. 3526). Bellérophon monté sur Pégase. Cornaline du Cabinet des Médailles ; la signature est seulement Liil. Une inscription du columbarium de Livie mentionne un aurifex du nom d'ÉpitynFig. 3526. chanus : il s'agit peut-être du graveur en d'iEpi"ttyaille pierres fines t+. Agathangélos. Une intaille sur cornaline du musée de Berlin, représentant la tête de Sextus Pompée,, est signée AfAOANfEAOI 15• Agathopus 16. Une gigue marine du musée de Florence porte en intaille le portrait de Cnaeus Pompée, avec la signature ArAOOITOYC 6701E1. Felix 17. Une intaille de l'ancienne collection Marlborough qui représente Ulysse et Diomède enlevant le Palladium, est signée 4 HAI= CITOICI. Dans le champ, le nom du possesseur de la gemme : KAAITOYPNIOY CEOYH POY. Gnaios 18. La signature 1-NAIOC accompagne la tête d'Iléraclès, en intaille, sur une aigue marine du British Museum qui a appartenu à Fulvio Orsini 18. Deux autres gemmes, l'une au musée de Berlin représentant l'enlèvement du Palladium, l'autre dans l'ancienne collection Marlborough, représentant un athlète, sont signées rNAIOY. Ce graveur paraît s'être inspiré d'oeuvres de Polyclète. Saturninus f9. Sur un camée du musée de Berlin qui représente peut-être Antonia, femme de Drusus, on lit en creux la signature CATOPNEINOY. Teucros 20. Héraclès assis, attirant à lui une nymphe ; intaille sur améthyste, du musée de Florence, signée TEYKPOY. Anteros. La signature ANTCPCOTOC se lit sur une aigue-marine de la collection Devonshire, qui représente Héraclès jeune portant le taureau crétois. Un fragment de camée du Bristish Museum porte aussi la signature ANT[CPflC?] 6I7[OICI?721• Philemon 22. Une intaille du musée de Vienne, représente Thésée devant la porte du labyrinthe où il vient de tuer le Minotaure ; dans le champ, la signature cl) I AH M O NO C: Scylax 23. Ce nom d'artiste a été relevé sur deux gemmes: un camée de la collection de M. le baron Roger de Sivry qui représente Hercule Musagète ; à l'exergue, CKYAACOC ; une intaille représentant un jeune satyre dansant: à l'exergue, CKYAA=. GEM 4480 GEM Leukios. La signature ACYKIOY, sur une cornaline publiée jadis par Stosch 1, paraît authentique à divers critiques; le sujet est Nikè ailée dans un bige au galop. Gaios2. Sur un grenat syrian de l'ancienne collection Marlborough, on lit rAIOC C1101eI, gravé sur le collier du chien Sirius. Lioinos3. Le nom KOINOY se trouve sur une petite améthyste, jadis dans la collection Ficoroni, qui représente un chasseur debout appuyé sur un cippe ; son chien est à ses pieds. Ce type rappelle la statue célèbre sous le nom de Narcisse. Mycon 4. Un portrait d'homme, que les uns ont appelé Aristote, d'autres Caligula, et qui se trouvait jadis dans la collection de Fulvio Orsini, est signé MYKIINOC. Sostratos5. La signature CfCTPATOY, se lit sur un camée du musée de Naples qui a pour type une femme ailée, Eos où Nikè. Diodotos. La signature AIOAOTOT, peut-être antique, se lit sur un camée de la collection de M. Pauvert de La Chapelle, qui représente une tête de Méduse °. 7ryphon7. Une épigramme de l'Anthologie mentionne un lithoglyphe de ce nom, qui avait gravé sur béryl l'image' de la néréide Galéné. On lit TP1(.4)f2N 617OIE1 sur un camée de l'ancienne collection Marlborough qui représente Éros et Psyché. Evodos3. C'est l'artiste qui grava sur une grande et belle aigue-marine du Cabinet des Médailles, le portrait célèbre de Julie, fille de Titus. La signature est dans le champ, EYOAOC CTfOI€I (fig. 3327). Dès le commencement du second siècle de notre ère, on ne rencontre plus aucun nom d'artiste sur les gemmes. Dans la liste que nous avons dressée, des oeuvres signées depuis le sine siècle jusqu'à Évodos, nous avons pris à tâche de ne citer que des signatures authentiques ou qui peuvent passer pour telles. Mais on rencontre dans toutes les collections publiques ou privées un grand nombre de gemmes qui portent des signatures d'artistes de l'antiquité, gravées par des faussaires modernes. C'est souvent une difficulté grande de juger de l'authenticité d'une signature sur une pierre gravée, et depuis près d'un siècle cette question n'a cessé de préoccuper de nombreux savants : nous ne pouvions entrer ici dans l'examen et la critique des opinions multiples qui ont été formulées'. 11 paraît que les Cyrénéens étaient d'habiles graveurs de gemmes10, mais aucun des noms d'artistes que nous connaissons n'est dit d'origine cyrénéenne. A partir du Ile siècle, on grave à profusion des gemmes médiocres et sans intérêt, qu'on trouve dans toutes les nécropoles du inonde romain. Ce sont, sauf de bien rares exceptions, de petits ouvrages d'artisans dont la pauvreté technique n'est égalée que par la banalité du sujet. Quoi de plus lourd que ces grands masques de Méduse en calcédoine, taillés en camées, qui servaient de décorations militaires? Les côtés en sont percés de trous de suspension, et des statues ou des bas-reliefs nous montrent des légionnaires la poitrine constellée de ces grossières phalères [PHALERAE] f1. Quant aux intailles, leur nombre incalculable, leur infinie variété n'augmente guère la curiosité qu'elles nous peuvent inspirer. Parmi les plus intéressantes, nous cite rons une gemme de l'ancienne collection du baron J. de \Vitte 12, qui représente les trois divinités du Capitole, accostées du Soleil et de la Lune et entourées des figures allégoriques de sept jours de la semaine (fig. 3328 i; une autre gemme du cabinet des médailles ou l'on voit un éléphant de guerre surmonté d'une tour et étouffant un soldat avec sa trompe [ELEPIIAS, fig. 2624]. A peine, dans cette période, rencontre-t-on quelques portraits. En général, ce sont des têtes de divinités ou de personnages passés dans la légende populaire, comme la tête de Socrate (fig. 3329)13 ou celle d'Alexandre, des dieux debout ou assis, des figures allégoriques, telles que la Fortune, l'Abondance, la Paix, la Victoire, Hygie et les types banaux des monnaies romaines à partir du w° siècle. Citons aussi la Louve allaitant les jumeaux, Mithra égorgeant le taureau, Atys, Mên ou Lunus, le capricorne, le caducée, les mains jointes, la corne d'abondance et des animaux de toute espèce; au règne végétal on emprunte les épis, les grappes de raisins, les pavots. Assez souvent, ces types, dépourvus de tout intérêt archéologique ou artistique, sont accompagnés d'une inscription : c'est le nom du possesseur du cachet, gravé, la plupart du temps, d'une autre main, lourdement, après l'acquisition du cachet chez le gemmarius; c'est aussi, parfois, une formule banale, telle qu'un voeu de bonheur pour le porteur de l'anneau, une invocation pieuse, plus rarement le nom de la divinité représentée. Il est deux classes de gemmes qui, déjà en usage dans les temps antérieurs, deviennent la mode courante au me siècle : ce sont les grylles et les abraxas. Un peintre contemporain d'Apelle, Antiphilos, l'Égyptien, avait fait la caricature d'un certain personnage nommé Gryllos, et cette oeuvre satirique eut un tel succès que le nom de grylli fut appliqué dans la suite à toutes GEM 1481 G EM les peintures comiques et aux caricatures'. C'est parassimilation avec ces images dont Pompei nous a fourni de nombreux exemples, que les critiquesmodernes ont donné le nom de grylles aux intailles sur lesquelles est figuré un sujet grotesque ou baroque, tel qu'un assemblage mons trueux de têtes ou de membres qui appartiennent à des êtres différents, des corps d'hommes bizarrement soudés à des membres d'oiseaux ou de quadrupèdes (fig. 3530). Cette classe de gemmes est fort nombreuse dans les collections et elle a dit être très populaire chez les amateurs de bagues et de cachets 2. Les pierres gnostiques ou abraxas se rattachent directement aux gemmes talismaniques qui étaient si répandues dans les civilisations de l'antique Orient;particulièrement en Égypte (Voyez aux mots ABRAxAS et AMULETUM). Pline' nous apprend que nombre de ses contemporains portaient comme amulettes des gemmes sur lesquelles étaient gravés des symboles et des légendes mystérieuses, des images astronomiques dont les vertus thérapeutiques étaient réputées souveraines. Les formules qu'on lit sur ces gemmes sont, la plupart du temps, inintelligibles pour nous, et les symboles qui les accompagnent ne sont pas plus explicables. En les analysant, on y retrouve des éléments empruntés aux anciennes mythologies chaldéenne et surtout égyptienne, au culte de Sés rapis d'Esculape [Voy. v11ACO, p. 412], d'Isis, d'Harpocrate, de Mithra, aux livres de Zoroastre, à la Bible, et aux écrits cabbalistes; on y trouve enfin des traces des légendes fantastiques imaginées sur l'expédition d'Alexandre dans le bassin de l'indus, pays habité, disaient ces récits, par les Cynocéphales, les Acé phales, les Imantopodes, les l`snotocètes, les Astomes, les Arrhines, les Monopthalmes, les Macroscèles, les Opistodactyles. Les gemmes gnostiques nous font passer sous les yeux un beau choix de ces monstres. On y retrouve aussi la trace des cultes singuliers que l'Orient vit éclore et disparaître sous l'empire romain, tels, par exemple, que le culte du serpent Glycon, que le devin Alexandre avait réussi à implanter à Abonotichos, en Paphlagonie; le serpent Chnouphis, la tête entourée de sept rayons symbolisant les sept planètes ; Iao, Sabaoth, Adonaï, laldabaoth, Oraios, Astaphaios ; des génies inférieurs tels que Ananael, Ouriel, Gabriel, Raphaël, Mikael, Isagael. Les types les plus fréquents sont les signes du zodiaque, les planètes et les constellations sidérales, ainsi que les animaux qui jouaient un rôle dans la magie et les opérations théurgiques, les crocodiles, les serpents, les tortues, les scarabées, les scorpions4 (fig. 3532). Pour faire ressortir l'efficacité talismanique de toutes ces gemmes, il circulait des traités d'astrologie minérale, des lapidaires, des livres de magie, des recettes empiriques de sorciers et d'apothicaires qu'on attribuait à Pythagore, à Platon, à Aristote, à Plutarque et aux écrivains ou philosophes les plus en vogue. Le Traité des fleuves attribué à Plutarque nous fait connaître les vertus magiques des gemmes qu'on recueille dans différents fleuves 5. Les Cyranides de l'Hermès Trismégiste, rédigées vers le milieu du île siècle, nous donnent les formules nécessaires pour obtenir la guérison de toutes les maladies, à l'aide de diverses espèces de poissons gravés sur les gemmes 6. Comme remède contre l'ivresse, on se sert d'une améthyste sur laquelle est gravé un sujet dionysiaque'. Un aigle ou un scarabée, intaillés sur une émeraude, protègent de la grêle et des sauterelles, si en les portant on récite une prière spéciale. Alexandre de Tralles, au vue siècle de notre ère, enseigne que les gemmes sur lesquelles est gravé Hercule étouffant le lion de Némée, sont un préservatif efficace contre la colique ; celles sur lesquelles est gravé Persée tenant la tête de la Méduse et la harpè, préservent de la foudre et des infortunes'. Inutile de multiplier les exemples de ces croyances puériles ou ridicules entretenues par toute une littérature populaire et tout un monde de magiciens et de Chaldéens qui ont prolongé leur influence à travers tout le moyen âge. Les sujets et emblèmes divers gravés sur les gemmes qui servent à de pareilles pratiques, sont d'une barbarie qui trahit un public rebelle à l'émotion et à la jouissance que produit la contemplation des formes plastiques idéales [AMULETUM]. Le siècle de Constantin se signale par une sorte de renaissance de la glyptique, inspirée peut-être par les idées chrétiennes. Les camées de cette époque sont nombreux, et d'aucuns atteignent des dimensions qui rappellent leurs aînés du temps d'Auguste. Le style luimême, bien qu'empreint de rudesse, et reflétant les caractères de l'art du ive siècle, est encore agréable. Nous y retrouvons enfin des bustes d'onyx en ronde bosse, et le plus intéressant que nous puissions citer, à titre de spécimen, est un buste impérial du Cabinet des Médailles dans lequel on reconnaît le portrait de Cônstantin ou qui représente le triomphe de Licinius, dans un char GEM 1482 GEM peut-être de Valentien III' (fig. 3533). Un des plus beaux carnées de cette époque est celui du Cabinet des Médailles dirigé par deux Victoires et accosté du Soleil et de la Lune personnifiés : ce camée est une des dernières oeuvres de glyptique qu'aient inspirées les idées païennes'. Clément d'Alexandrie et d'autres Pères de l'Église exhortent les chrétiens à faire graver sur leurs cachets des symboles de la foi nouvelle 3. Aussi, les sujets chrétiens commencent au ive siècle à devenir nombreux ; ce sont le bon Pasteur (fig. 3534) l'agneau, l'ancre, le poisson, la colombe tenant un rameau, le mot IXOYC, l'arche de Noé, la barque de saint Pierre, le monogramme du Christ 6 (fig. 3535) 6. C'était là un bien pauvre répertoire; la glyptique participait d'ailleurs à la décadence générale. Si l'on descend un siècle seulement après Constantin, on constate que la renaissance constantinienne n'a été qu'un relèvement momentané; au vie siècle, la barbarie de l'exécution, la pauvreté des sujets sont telles qu'on peut les attendre d'une époque où l'art tout entier se débat dans les dernières convulsions d'une lente agonie'. Les Byzantins seuls continuèrent à s'adonner avec succès à la glyptique et ils perpétuèrent jusqu'en plein moyen âge les traditions de cet art. Une dizaine de camées byzantins, au Cabinet des Médailles, sont pour nous comme le trait d'union qui rattache le moyen âge à l'antiquité 8. Par la technique, ils sont le prolongement de la glyptique du siècle de Constantin; par leurs sujets chrétiens et l'agencement des figures, ils se rattachent aux conceptions iconologiques du moyen âge. Parallèlement à la glyptique romaine et byzantine, l'Orient voyait se développer une autre branche du même art qui, par certains côtés, se rattache étroitement à l'art classique : c'est la glyptique des Arsacides et des Sassanides. Les Arsacides qui se réclamaient des Grecs par leurs traditions dynastiques, s'efforcèrent de donner à leur art comme une teinture d'hellénisme. Leurs gemmes gravées ont ce caractère et il suffit de citer comme exemple un portrait sur grenat de la reine Musa, femme de Phraate IV, le contemporain d'Auguste', ou les intailles assez nombreuses qui représentent soit d'autres princes Arsacides, soit des dynastes qui ont régné dans diverses régions de la haute Asie. Le style grec, ainsi imprégné d'éléments asiatiques, marque son empreinte jusque dans l'Inde, sur des gemmes qui portent des légendes indo-bactriennes10. Mais avec le temps, l'influence de l'hellénisme s'amoindrit et tend à s'effacer : la glyptique des Sassanides est moins grecque et plus asiatique que celle des Arsacides. Elle puise à une autre source d'inspiration et procède d'idées nouvelles : les types divins qu'elle enfante, de même que la numismatique, sont inspirés non plus de l'Olympe hellénique, mais del'Avesta : c'est Ormuzd, le pyrée, le taureau Nandi. La conception des formes, l'exécution technique rappellent les Perses Achéménides, pourtant si lointains, plutôt que les Arsacides auxquels les Sassanides se sont directement substitués. Du Iue au ve siècle, la glyptique sassanide est à son apogée et elle peut mettre en ligne, pour cette période, des camées et des intailles plus beaux que ceux que produisaient alors Rome et Constantinople. Deux camées sassanides du Cabinet des Médailles sont les chefs-d'oeuvre de cet art oriental : l'un représente un prince Sassanide domptant le taureau Nandi; l'autre a un intérêt historique exceptionnel : il représente le roi Sapor Ier faisant prisonnier sur le champ de bataille l'empereur romain Valérien ". L'art oriental n'a rien produit GEM 1483 -GEM de plus achevé que ces grands et beaux camées qui nousfont comprendre l'enthousiasme des Romains et des Byzantins pour les produits de la glyptique et de l'orfèvrerie gemmée des Arsacides et des Sassanides. Mais dès le ve siècle, la glyptique sassanide est en décadence, comme le prouvent les nombreuses intailles qui reproduisent, en l'altérant sans cesse, l'effigie de Sapor I"r, et la fameuse coupe de Chosroès (531-579) qui du trésor de l'abbaye de Saint-Denis est passée, à la fin du siècle dernier, au Cabinet des Médailles. Le disque en cristal de roche qui forme l'emblema de cette coupe, est du plus haut intérêt archéologique, car il représente en relief le roi Chosroês sur son trône, en costume d'apparat'. Mais en dépit de l'importance exceptionnelle d'un semblable monument, il est aisé d'y signaler des indices non équivoques de déchéance artistique. Depuis Sapor IeP, la gravure en pierres fines est allée .de chute en chute à chaque génération, et si la glyptique sassanide, au vie siècle, a encore conservé, par routine d'atelier, l'habileté des procédés techniques et le tour de main, elle a perdu le souffle de l'inspiration : les plus belles des oeuvres qu'elle enfante procèdent de l'industrie et du métier. Bref, à partir de la fin du vie siècle, la glyptique, en tant que branche de l'art, peut être considérée comrne morte, aussi bien en Orient qu'en Occident. III. A quels usages destinait-on, dans la pratique de la vie, ces gemmes en cabochons, ces camées et ces intailles si répandus et qui constituent aujourd'hui de si nombreuses séries dans nos musées? Question complexe à laquelle nous avons déjà répondu incidemment, mais sur laquelle il convient d'insister. De tout temps, les Orientaux ont été particulièrement amoureux de la parure, des bijoux et en particulier des ornements dans lesquels entraient les pierres fines. Les Égyptiens, les Chaldéo-Assyriens, les Perses, les Phéniciens, les Cypriotes se montrent à nous, dans les oeuvres de la peinture et de la sculpture, couverts de bracelets, de colliers, de bagues; leurs tiares sont ornées de perles et de cabochons étincelants; leurs ceintures, leurs chaussures, leurs tuniques sont émaillées de pierreries. Chaque citoyen de distinction a son cylindre, son cachet ou son scarabée qui lui sert à la fois de sceau et d'amulette; il recherche avidement les coupes d'or et d'argent enrichies de pierres précieuses et de verroteries, les meubles, les ustensiles et les coffrets incrustés de gemmes multicolores. Il existe de nombreux monuments de terre cuite, des contrats assyriens notamment, qui portent encore apposées sur la terre glaise, les empreintes des cylindres ou des cachets dont les parties intéressées se sont servi pour sceller ces actes avant de les soumettre à la cuisson En Grèce et à Rome, les exemples de sceaux ainsi apposés et conservés jusqu'à nos jours sont fort rares, à cause de l'altérabilité de la matière sur laquelle on écrivait. Cependant l'usage de se servir d'une pierre gravée en guise de sceau sur les actes publics et privés, n'était pas IV. moins répandu qu'en Orient, d'où il avait peut-être été originairement importé. Solon qui visita l'Égypte, sous Amasis 3, édicta, une fois rentré en Grèce, une loi qui interdisait aux lithoglyphes de retenir chez eux la copie des gemmes qu'ils auraient été chargés de graver'.. Le but de cette mesure prohibitive, inspirée par ce que Solon avait observé en Égypte, était de prévenir les fraudes qu'on aurait pu commettre en usurpant le sceau d'autrui. Les inventaires du trésor du Parthénon, de l'an 400, contiennent la mention de nombreuses bagues d'or et d'argent avec des chatons qui servaient de sceaux D'après Josèphe, Aréos, roi de Lacédémone, aurait envoyé au grand prêtre juif Osias une lettre se terminant ainsi : « DémotéIos vous remettra une lettre écrite sur une feuille carrée et cachetée d'un cachet où est empreinte la figure d'un aigle qui tient un serpent dans ses serres °. n On a trouvé à Carthage et à Sélinonte des séries considérables de petits blocs en terre cuite portant l'empreinte de pierres gravées de style grec ou égyp tophénicien'. Au musée de Berlin, il y a aussi un bloc d'argile cuite sur lequel se trouve l'empreinte d'une pierre gravée du Ive siècle avant notre ère; le sujet représente le buste de Gê, sur un chariot chargé d'épis$ (fig. 353G). Chaque médecin avait son anneau. ôxzûato; pxpp.xx(xriç, à l'aide duquel il cachetait les drogues qu'il vendait à ses clients', Les pâtes de verre par lesquelles les pauvres gens remplaçaient les gemmes trop chères pour leur bourse, sont désignées sous le nom de eppxyïlc; ôaatvxt10; l'usage en était très répandu au temps d'Aristophane. Un bon nombre de gemmes phéniciennes, grecques et étrusques sont parvenues jusqu'à nous avec leurs montures qui consistent, soit en un chaton de bague ordinaire, soit en un large anneau en fer à cheval qui permettait à la fois de faire tourner la pierre sur son axe et de la suspendre à un collier " (fig. 3537). Hérodote prétend que les Éthiopiens de l'armée de Xerxès se servaient de pierres gravées (),(Oot Éyysyau J.U.svot) en guise de monnaies 12. En contact permanent avec les Étrusques et les Grecs de l'Italie méridionale, les Romains connurent de bonne heure l'usage des cachets en pierres dures, qu'ils portaient en bagues (gemmati annuli i3). Suivant Denys d'Halicarnasse, Tarquin l'Ancien, vainqueur des Étrusques, fit enlever à leurs chefs les anneaux, sans doute ornés de scarabées gravés, qu'ils portaient au doigt". A Rome, comme en Grèce, l'apposition du cachet sur la cire ou l'argile, au bas d'un écrit, engageait le propriétaire de même que la signature de nos jours. On cite des cas où des individus usurpèrent frauduleusement le cachet d'autrui : Annibal faillit surprendre la ville de Salapia en fabriquant une lettre au nom du consul Marcellus et en 187 GEM 1484 GEM la scellant du sceau de ce dernier, tombé en son pouvoir Chez les Grecs comme chez les Romains, on préserve contre l'infidélité des esclaves, son vin, ses fruits, ses bijoux, ses papiers secrets, en apposant son cachet sur la porte des chambres ou des armoires dans lesquelles ils étaient renfermés 2 _ A Athènes, au temps d'Aristophane, on trouvait moyen, pour trois oboles, de se faire fabriquer un faux cachet à l'aide duquel on rendait ces précautions illusoires; pour se défendre, les intéressés en arrivèrent à se faire fabriquer des cachets de bois vermoulu (Opt7.i,ôeerz cppay(ata) qu'ils portaient au cou et qui étaient plus difficiles à imiter que de simples empreintes de gemmes qu'on surmoulait facilement en pâte de verre 3. Quant aux sujets gravés, ils variaient suivant la fantaisie de chacun [Amatis, p. 295]; souvent, c'était un souvenir personnel ou le rappel d'un événement glorieux dans la famille, une divinité préférée, un animal ou un symbole qui constituaient des armes parlantes, ou même simplement un sujet banal et sans portée . Scipion Émilien plaça sur son cachet le portrait d'un Espagnol qu'il avait vaincu4, on dit qu'il fut le premier, à Rome, qui se servit d'une gemme pour cachets. Le cachet de Sylla représentait, comme quelques-unes de ses monnaies, Jugurtha livré par Bocchus 6. Sur l'anneau de Pompée, on voyait un lion tenant un glaive 7; sur celui de Jules César, c'était l'image de Vénus armée 8. Auguste eut successivement trois cachets : sur le premier, on voyait un sphinx 9, sur le second, la tête d'Alexandre; sur le troisième, qu'il légua à Mécène, ce fut son propre portrait par Dioscoride' 0. Le cachet de Mécène avait pour type une grenouille f 1 ; celui de Néron représentait Apollon et Marsyas 12, celui de Galba, un chien sur une proue de navire 13; celui de Commode, le portrait de sa concubine Marciali. Comme à Athènes, les médecins avaient souvent des gemmes gravées pour cacheter leurs produits pharmaceutiques : témoin l'intaille du British Museum, qui représente Minerve assise , avec la légende IIEROPEILI OPOBALsAMVMf6. A la fin des temps antiques, une lettre de saint Avit, archevêque de Vienne au vie siècle, contient de curieuses instructions données par le prélat pour la fabrication de son anneau sigillaire. La bague doit être, ditil, un anneau en fer, orné de deux dauphins; le chaton sera mobile et tournera sur lui-même, de façon à pouvoir être utilisé sur ses deux faces; au centre du chaton sera enchâssée une gemme verte sur laquelle on gravera à la fois le monogramme et le nom de l'évêque 16 Outre les gemmes gravées, enchâssées dans le chaton des bagues pour servir de cachet, on portait aussi, à titre de simple ornement de la main, des bagues dont le chaton était orné de camées ou de gemmes non gravées, en cabochon. La petite bague montée en or, récemment entrée au Cabinet des Médailles (fig. 3538) a pour chaton un charmant portrait de femme en camée. On faisait remonter à Prométhée l'usage d'enchâsser des pierres fines dans le chaton des anneaux ". L'anneau de Polycrate, une sardonyx suivant les uns, une émeraude suivant d'autres, n'était peut-être qu'un simple cabochon i8. Celui de Pyrrhus était une agate arborisée dans laquelle des dessins naturels représentaient Apollon et les Musesl9, Les Étrusques et les Grecs, aussi bien que les Orientaux, recherchaient les bagues de prix et aimaient à s'en parer. Des statues en ont plusieurs à chaque doigt; une main de bronze du musée de Cortone nous montre le pouce lui-même orné d'une bague [amuis, fig. 351] 20. Aristophane ridiculise les jeunes efféminés qui portent plusieurs bagues à chaque doigt de la main; il les appelle cyaaytôovo/apxoxcp.-rat 21. A Rome, l'engoue mentpour les bagues était pire encore; on les payait très cher : censu opimo digitos onerabant, dit Pline 22. On chargeait d'anneaux tous les doigts de la main et l'on en mettait plusieurs au même doigt. Juvénal, Martial et les autres poètes satiriques stigmatisent avec véhémence tous les jeunes efféminés qui ont tant de bagues qu'elles leur paraissent trop lourdes pendant l'été, et qu'ils en changent suivant les saisons"; d'autres n'ont pas seulement, dit Martial, un écrin pour ranger les bagues dont le prix les a ruinés 2'6. Apollonius de Tyane avait sept anneaux qui portaient les noms des sept planètes : il en changeait chaque jour de la semaine 26. Des affranchis, Crispinus et Stella, chargent leurs doigts de lourdes bagues gemmées : sardonychas, smaragdos, adamantas, jaspidas uno portat in artoculo Stella 26. Il n'est pas parlé, dans les auteurs, de chatons de bagues en diamant avant Juvénal qui attribue une bague de diamant à Bérénice, soeur du roi juif Agrippa 27. Ce n'étaient pas seulement les bagues, c'étaient les colliers, les pendants d'oreilles, les bracelets (ôpu.oç ata),t0oç 28, gemmosa monilia), les agrafes 29, les diadèmes 30, les coiffures, les vêtements qui étaient constellés de gemmes étincelantes, percées de trous pour être suspendues ou cousues, ou bien arrangées pour être serties dans des bâtes de métal précieux. L'on a beaucoup disserté sur les gemmes du pectoral ou rationale du grand prêtre Aaron, ornement composé de douze gemmes diverses sur cha cune desquelles l'artiste Beseleel avait gravé les noms des douze tribus d'Israël31. Tous les monuments nous GEAI 1485 GEM montrent les vêtements de cérémonie des Orientaux constellés de gemmes, et les textes littéraires ne font que confirmer les données de l'archéologie'. Le Musée du Louvre possède un magnifique collier étrusque formé de quatorze scarabées en cornaline, enchâssés dans des montures en or «fig. 3539). Les Grecs aussi suivirent l'exemple des Orientaux, mais avec plus de goût et de sobriété, En dehors des ornements de cérémonie, c'étaient surtout les musiciens et les his trions qui s'affublaient, comme les charlatans de nos jours, de vêtements gemmés. Les musiciens Dionysodore, Nicomaque, Isménias ne paraissent jamais en public que tout chamarrés d'or et de pierreries. Un jour ce dernier proposa à un roi de Cypre cent pièces d'or pour une émeraude sur laquelle était gravée la nymphe Amymone. En vain, le prince cypriote, trouvant cette offre trop élevée, voulut-il la diminuer de deux pièces d'or. Isménias, l'acheteur, ne voulut pas consentir à payer la gemme moins que son estimation première pour ne pas déprécier la valeur du joyau 3. Au temps de Périclès, les coquettes d'Athènes rehaussaient leurs charmes par l'éclat des gemmes . A Kertch enfin, on a trouvé dans un tombeau un collier d'amulettes dont la plupart sont des gemmes gravées ou en cabochons [A1UULETUM, fig. 310]. Les empereurs romains ont des gemmes comme ornement de leurs insignes impériaux et de leur costume. Claude porte des émeraudes et des sardoines; Caligula, hlagabale, Sévère Alexandre, Carin, Dioclétien ont sur leurs chaussures des gemmes d'un prix inestimable 5. Lollia Paulina, femme de Caligula, avait des gemmes sur ses vêtements, dans ses cheveux, à son col, à ses oreilles, à ses doigts pour la somme de quarante millions de sesterces'. Les histrions de Néron, comme l'Égyptien Nabis, esclave de Cléopâtre, étaient couverts de pierreries Les découvertes archéologiques confirment les témoignages littéraires déjà surabondants. Citons en particulier, au musée de Lyon, la parure d'une dame romaine du temps de Septime Sévère, trouvée en 1841 8. Parmi les bijoux de cet écrin, figurent six colliers composés de gemmes diverses, émeraudes, saphirs, améthystes, grenats taillés en cylindres, en prismes ou d'autre façon, et suspendues par des anneaux ou enchâssées à jour dans des montures en or. En 1892, on a découvert dans un tombeau, à Tirlemont (Belgique), un beau camée représentant la tête d'Octave, encore entouré de la monture antique qui faisait de lui l'agrafe de quelque riche manteau. Il existe au Cabinet des Médailles, un collier trouvé à Nasium (Naix, Meuse), qui est formé de médailles alternant avec des camées sertis dans des montures en or très ouvragées° (fig. 3540) ; il en est d'autres analogues au musée du Louvre et dans diverses collections. L'usage des perles se développa à Rome, à partir de Sylla; les grosses, les plus estimées, reçurent le sur nom d'uniones (sans pareilles) ; on appelait elenchi les perles pyriformes; crolalia, celles qui, groupées et montées en pendants d'oreilles, imitaient le brui t des castagnettes '°. Non contents de se parer de gemmes de toute manière et de faire des pierreries le criterium du grand luxe, les anciens en ornaient même les statues. Déjà, avant les Grecs et les Romains, les Orientaux paraient leurs statues de torques, de bracelets, de bagues, de pendants d'oreilles, dans lesquels les gemmes occupaient une place prépondérante ". On incrustait souvent des gemmes dans les yeux des statues, et particulièrement des agates orbiculaires, à cause de leur ressemblance avec l'oeil humain S2; à Rome, ces yeux étaient fabriqués par les fabri ocularii. Il y avait, dit Pline, sur le tombeau du roi cypriote Elermias, un lion en marbre dont les yeux étaient deux émeraudes si resplendissantes que leur éclat pénétrait jusqu'au fond de la mer, en sorte que les thons épouvantés s'enfuyaient loin de cette plage. Les pêcheurs, avisés, changèrent les yeux de la statue, et dès lors les poissons revinrent dans ces parages i3. Le trône du Zeus Olympien était en or, avec des incrustations de gemmes, d'ivoire et d'ébène Les yeux de l'Athèna -Parthénos de Phidias étaient incrustés de gemtnes16. Au musée de Constantinople,il y a plusieurs statues de marbre qui ont, encore leurs yeux remplis de gemmes, rappelant le plus possible l'oeil humain. La collection de Luynes, au Cabinet des Médailles, renferme une grande tête de bronze dont les yeux ont été composés de la manière suivante : l'orbite de l'ceil est en ivoire, et au centre de ce globe est pratiquée une cavité ronde, représentant la pupille qui était vraisemblablement une pierre fine ou une pâte de verre coloré 16. Nombre de statuettes de bronze avaient leurs yeux remplis d'une petite gemme qui a disparu avec le temps. Dans la collection Oppermann, au Cabinet des Médailles, on peut voir, entre autres, une statuette en bronze de Bacchus, dont la pardalide et la couronne de lierre sont semés de trous remplis par des grenats 17. Une inscription célèbre, commentée par Montfaucon, puis par A. de Longpérier mentionne une statue d'Isis ornée par la piété des fidèles de perles, de cylindres, de cabochons en gemmes diverses, suspendus à. ses oreilles, à son collier, à ses mains, à ses jambes i8. L'empereur GE11 1486 -GE11 Hadrien gratifia la Junon d'Argos, oeuvre chryséléphantine de Polyclète, d'un paon en or dont les plumes étaient incrustées de pierreries'. Ces statues gemmées n'ont jamais cessé jusqu'à la fin des temps antiques d'être appréciées et recherchées, car Nicétas Choniatès cite une statue d'Hélène, femme de Constantin, qui était ornée d'or et de pierres précieuses 2. L'orfèvrerie gemmée fut aussi toujours particulièrement en honneur, et Grecs et Romains paraissent encore en avoir emprunté le goût aux Orientaux. Polémon, cité par Athénée', racontait qu'à Athènes, Hippaeos fabriqua pour les noces de Pirithoüs une oenochoé et une coupe en pierre fine, dont les lèvres étaient cerclées d'or. Dans un tombeau de femme, à Kertch, on a recueilli entre autres objets d'orfèvrerie, un superbe flacon à parfums, en or, constellé de vingt-quatre grenats syrians cabochons'. Ce flacon et la grande coupe du trésor de Pétrossa, au Musée de Bucarest 5 sont les plus beaux spécimens qui nous soient parvenus de l'orfèvrerie gemmée. Clitarque, cité par Strabon, mentionne des tables, des coupes, des sièges de bronze incrustés de pierreries (at0oxWerrt-a), telles qu'émeraudes, béryls, escarboucles 6. Dans la pompe dionysiaque de Ptolémée Philadelphe, à Alexandrie, tous les vases de la table étaient en or, émaillé de pierreries (ata)uOx) ; il y avait un cratère colossal en argent, dont la panse comportait une zone d'or incrustée de gemmes; trois trépieds d'argent, quatre trépieds d'or étaient pareillement incrustés; le lit de Sémélé avait des couvertures diaprées d'or et de gemmes gigantesque, de huit coudées de diamètre, était aussi rehaussée de pierreries (a(Oot; ,no),urE),éat), et à la proue du vaisseau royal, on avait installé le sanctuaire de Bacchus tout en pierres fines et en or'. Les poètes de l'empire romain considèrent l'orfèvrerie gemmée comme le dernier mot du luxe et de l'opulence : Ovide attribue au Soleil un palais, un char, une lyre incrustés de gemmes'. La voluptueuse Capoue était remplie de vases gemmés, dont les Romains s'emparèrent : poculaque Eoa luxum irritantia gemma e. Cicéron insiste sur les vases d'or gemmés que Verrès s'était indûment appropriés: pocula ex auro gemmis distincla clarissimis 10. Pline, Juvénal, Martial, Trébellius Pollion et vingt autres mentionnent avec admiration tous cesgemmata potoria, rompt' 1t0ox6a)rita, ces calices gemmati, ces scyphi gemmati, ces calices allassontes qu'à l'imitation des Orientaux les riches Romains s'arrachaient". Les harnachements des chevaux, les boucliers, les casques, les fourreaux des épées, les baudriers, les sceptres, les fibules, les chaussures (socculi e margaritis, gemmae in calceis), les chars sont incrustés de gemmes; getnmatus miles, dit Martial i2. Caligula donne à son cheval Imitatus un collier de pierreries; il fait construire des galères gemmatis puppibus ". Les coffrets, les échiquiers, les lits, les instruments de musique sont décorés de camées et de cabochons (densi radiant lesludine Iota sardonyches) ; les couronnes, les sceptres impériaux et consulaires sont surmontés d'aigles ou de bustes en sardonyx (voy. fig. 3531). On allait jusqu'à incruster de pierres précieuses les parois mêmes des appartements. Le palais de Cléopâtre, comme celui du Soleil, est couvert d'incrustations Il; les rois indiens ont des pavillons gemmés 15; les Parthes dépassaient encore les Romains par leur luxe des pierres fines appliquées à tous les genres d'ornementation. Héritiers des Achéménides, ils sont, comme eux, couverts de vêtements de soie brochée d'or, avec des agrafes et des boutons en camées; comme eux, ils ont des tiares, des écharpes, des colliers, des bracelets, des chaussures constellées de gemmes gravées ou en cabochon. C'est dans son plein le luxe asiatique qui éblouit les contemporains de Claudien et d'Ammien Marcellin: Parthus gemmis luxurians. Aussi, en dépit des luttes politiques et des répugnances de l'amour propre national, les Romains et les Byzantins recherchent-ils avec passion les produits de la bijouterie et de la glyptique de leurs plus redoutables ennemis. Le faste impérial ne rougit pas de s'en parer; Honorius a, comme eux, des vêtements et des armes constellés de gemmes 16 ; le sarcophage de sa femme Marie, tille de Stilicon, trouvé à Rome sous le pontificat de Paul III, renfermait un vase d'or gemmé, de nombreux vases de cristal et de petits animaux en agate ". Rappelons enfin que les patères gemmées figurent parmi les pièces les plus admirées de la vaisselle du palais et des églises chrétiennes de Constantinople. « Du reste, remarque Ch. de Linas, l'antiquité classique regarda toujours l'incrustation des gemmes comme une spécialité de l'Orient ; cette industrie n'avait pas même de nom chez les maîtres occidentaux du vieux monde, et des adjectifs ou des périphrases, ;'pûaeo; ),tOoxa),e) o; (incrustation avec ou sans rabattu), 'péaeo; ôttxatOo; (semis de pierres serties en bâtes), ),(Oo; 7esptxexx)ay.p.ivos yur(cp (pierre montée en bague), aurum gemmatum, aurum gemmis distinctum, gemma auro inclusa, désignaient seuls ses produits. On n'est guère plus avancé relativement aux joailliers, fabricants ou revendeurs; ils étaient probablement confondus avec l'orfèvre, ,puaoyÔo;, 7,puao7cot6;, aurifex, aurarius. Je trouve marga ritarius sur les, inscriptions; quant aux termes gemmator, gemmarius, inclusor, ars gemmaria, opus gemmarium, ils ne sont pas antérieurs au Ive siècle. Les textes, d'accord avec les monuments, expliquent la pénurie ou l'âge récent des expressions relatives à l'alliance des pierreries et des métaux précieux » ". Les gemmata potoria ou pocula étaient fabriqués de telle sorte que les pierres, camées, intailles ou cabochons, étaient serties au rabattu dans des bâtes plus,ou moins espacées; on pouvait parfois assez facilement détacher ces gemmes avec l'ongle ; aussi prenait-on certaines précautions contre les voleurs ou même les indélicatesses des convives ; il y avait dans la salle à manger, dit Juvénal 19, un gardien : qui numeret gemmas, unguesque observet acutos. Dans la maison impériale, la garde des GENT 1487 GEM objets gemmés était confiée à un esclave spécial qui prenait le titre de pra positus ab auro gemmato'. Les camées étaient gardés dans des écrins d'ivoire (loculis eburnis) d'où on ne les sortait qu'aux jours de fête et dans les grandes cérémonies. D'ailleurs, les richesses que cet esclave avait à garder étaient un véritable musée et l'on collectionnait les gemmes et les objets gemmés, comme aujourd'hui on constitue les collections d'objets d'art. Dès l'époque alexandrine, il y eut des trésors d'orfèvrerie gemmée, de bagues, de fibules ornées de gemmes. La première collection de ce genre que mentionnent les auteurs est celle de Mithridate. Quand les Romains s'emparèrent de son trésor de Taulara, dont l'inventaire dura trente jours, on y compta jusqu'à deux mille tasses d'onyx serties dans des montures en or. Tout ce riche butin figura dans le triomphe de Pompée et fut déposé en ex-voto dans le temple de Jupiter Capitolin 2. Dans un tombeau de femme, à Kertch, on a trouvé huit bagues de dimensions telles qu'elles n'ont guère pu être portées au doigt: c'était un luxe d'écrin 3. Mithridate, qui eut une si riche dactyliothèque, donna son portrait monté en bague au sophiste Aristion. Tel fut l'engouement des collectionneurs romains pour les gemmes montées en bagues que le sénateur Nonius fut exilé pour n'avoir pas voulu en céder une à Marc Antoine qui la convoitait'. M. Aemilius Scaurus fut le premier, à Rome, qui eut une dactyliothèque, c'est-à-dire un écrin de bagues et de camées ; après lui Pompée mit cette mode en honneur ° ; Jules César aussi eut une dactyliothèque qu'il offrit en ex-voto dans le temple de Vénus Genetrix et Marcellus consacra la sienne dans le sanctuaire d'Apollon Palatin'. Comme tous ses contemporains, Verrès était très amateur de joyaux et d'orfèvrerie gemmée mais il poussa cette passion jusqu'à la plus cynique indélicatesse. Émerveillé à la vue des ustensiles et des vases d'or rehaussés de pierres précieuses qu'un jeune prince syrien, Antiochus, passant par la Sicile, portait à Reine, au temple de Jupiter Capitolin, Verrès les lui emprunta sous prétexte de les montrer aux ciseleurs qui travaillaient pour lui, et il se garda bien de les rendre dès qu'ils furent en sa possessions. Cicéron dit même en parlant de Verrès : nego in Sicilia Iota... fuisse... ullam gemmam eut margaritam... quin conquisierit, etc. Jules César alla jusqu'à payer une seule perle six millions de sesterces 10. Pompée fit porter dans l'un de ses triomphes un échiquier fait de deux pierres précieuses, qui mesurait trois pieds de largeur sur quatre de longueur ". Pline parle d'un vase en onyx qui tenait une amphore, et d'un autre qui, bien que contenant à peine trois sexlarii, fut vendu 70 talents. Auguste offrit au temple de Jupiter Capitolin la valeur de 50 millions de sesterces en perles et en pierreries 12. Livie consacra au Capitole un bloc de cristal pesant 150 livres. Néron acheta une coupe gemmée 300 talents, et un bassin de cristal 150000 sesterces ; dans un accès de colère, il brisa deux coupes de cristal sur lesquelles étaient gravés des sujets empruntés à, l'Iliade. Pline, qui nous fournit ces détails, cite une statuette du même prince qui avait 15 pouces de long et qui était sculptée dans un 'seul bloc de jaspe i3. D'autres écrivains nous parlent également de vases taillés dans des blocs d'améthyste, de cristal, d'onyx, de jaspe ". Au temps de Sidoine Apollinaire on boit encore le bon vin dans des coupes d'agate, comme au temps d'Horace'°. Cet engouement extraordinaire pour les gemmes et pour les parures gemmées devait nécessairement provoquer l'industrie des faussaires et des imitateurs. On fabriqua en pâte de verre des camées, des intailles, des coupes, des statuettes qui ressemblaient à s'y méprendre aux joyaux en pierres fines 16. Pline nous met au courant de l'habileté extraordinaire des verriers dans ce genre et insiste sur la difficulté qu'il y a souvent à distinguer ces pâtes vitreuses des véritables gemmes". Pour les amateurs les moins fortunés, on fabriqua en pâte de verre des vases, des camées, des intailles qui sont eux-mêmes des merveilles et qu'une analyse attentive peut seule, parfois, réussir à distinguer des ouvrages en véritables gemmes : il existe des fausses intailles de ce genre dans toutes les grandes collections. Le célèbre vase conservé à la cathédrale de Gênes sous le nom de sacro catino a passé jusqu'au commencement de ce siècle pour être taillé dans un bloc d'émeraude, tandis qu'il n'est qu'un admirable verre opaque"; il en est de même d'un verre bleu du trésor de Monza, donné par la reine Théodelinde (-{625), qui a longtemps passé pour un saphir. La suprême perfection du genre consistait à appliquer l'une sur l'autre deux couches de verre de nuances différentes, de façon à imiter l'irisation et les stratifications de l'agate. La couche supérieure offrant ainsi tous les éléments d'un décor en relief était sculptée et affouillée à la façon des camées. On peut voir de faux camées antiques de ce genre, notamment au Cabinet des Médailles ; parmi les plus célèbres produits de cette industrie que l'antiquité rattachait à la glyptique, il faut citer le vase Portland au Musée Britannique '9, le vase de la Vendange au musée de Naples, et des fragments d'un autre vase, au Cabinet des Médailles 20. Tous trois sont en verre bleu foncé avec décor de figures blanches en relief : l'industrie moderne n'a rien exécuté de plus achevé en ce genre [VTTrUM]. Les Byzantins et le moyen âge occidental conservèrent à l'égard des gemmes antiques le même culte qu'avaient eu pour elles les Romains et le rôle que ces derniers leur avaient assigné. Le bijou du Cabinet des Médailles, que nous reproduisons ci-contre (fig. 35411" a une monture en or avec une bélière pour le suspendre au cou; il est de l'époque byzantine. L'inscription, en relief sur la gemme enchassée au centre, est une formule amoureuse connue par plusieurs autres exemples qui prouvent que ces GEN 1488 GEN sortes de camées porte-bonheur étaient très répandus. Dans le livre des Cérémonies de Constantin Porphyrogénète, on voit l'empereur, les évêques, les grands dignitaires de tous ordres, portant dans les processions, les fêtes de la cour, les réceptions d'ambassadeurs étrangers ou toute autre occasion solennelle, les dépouilles de la glyptique romaine, comme insignes de leur dignité et de leur rang. Les barbares, à leur tour, s'ils firent fondre l'or des montures, conservèrent curieusement comme des objets de dévotion ou comme des talismans magiques ces coupes d'agate, ces camées et ces intailles dont la destruction ne pouvait être d'aucun profit. D'aucuns d'entre eux, à l'imitation des empereurs de Constantinople, ont même des collections de pierres précieuses, et ils prennent à tâche d'embellir les croix, les châsses et tout le mobilier des églises, des gemmes grecques et romaines qui tombent entre leurs mains; ils continuent à sceller leurs actes avec les intailles des Romains i. Ainsi se transmettent à travers le moyen âge les débris de la glyptique antique: ils continuent à remplir le triple rôle de sceaux, de talismans et d'ornements qu'ils conserveront jusqu'à l'aurore des temps modernes. E. BABELON.