Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

GENTILES

GENTILES. I. Dans une première signification, les Romains membres de l'antique division de citoyens ap 11. Soldats barbares faisant partie d'une troupe de cavaliers de la garde impériale, au Bas-Empire. On voit en effet parmi les troupes palatines 1, palatini numeri, un corps nommé schola Gentilium seniorum et un autre appelé schola Gentilium juniorum 2, sous les ordres généraux du ministre de la police [MAGISTER orFIclonun] et commandés chacun par un tribunus ou ?•ector 3. Recrutés parmi les barbares Germains, Goths ou Scythes, ils marchaient d'ordinaire avec les scutarii, et formaient une sorte de garde à cheval' ou gendarmerie d'élite °, jouissant de tous les privilèges des palatini°.. III. On appelait aussi Gentiles des colons militaires d'origine barbare, placés en corps et sous des chefs spéciaux près des frontières, dans des terres vacantes concédées par les empereurs, à charge du service militaire, terrae limitaneae7. Ces Gentiles faisaient donc partie de la dernière classe de l'armée, nommée limitanei milites ; comme les LAETI, ils étaient commandés par des praefecti et jugés par eux d'après leurs usages, sauf appel aux magistrats délégués directement par l'empereur pour la cognitio proconsularise. Dans la Notitia dignitatum, les Gentiles se trouvent placés à côté des Laeti et c'est une question controversée de savoir s'ils ne doivent pas être confondus entre eux au point de vue militaire, juridique et social. Plusieurs historiens et jurisconsultes éminents soutiennent l'affirmative°. Gentiles serait le terme générique pour les auxiliaires barbares, et même la traduction latine de Lente ou Laeti, suivant de Pétigny. Cependant l'opinion contraire nous paraît préférable. La Notitia dignitatum distingue les colonies de Laeti de celles des Gentiles ; les préfectures de ce nom ont souvent des chefs distincts et d'origine scythique, Suèves, Sarmates, Taïfales, Quades, Tazyges ou Goths 10, et sont placées après celles des Laeti, donc moins considérées" et créées postérieurement sur un modèle analogue, vers le ive siècle, probablement sous Constance et Julien12. Graecos, Kiel, 1822; Petersen, Der Hausgottesdienst der Griechen, Cassel, 1851; italische Rec/ztsgeschichte, Iéna, 1884; Ilermann's Lehrbuch der griechischen en Grèce jusqu'à la conquête romaine, Paris, 1893 ; Gilbert, Ilandbuch der griechisCassel, 1839 ; Ortolan, Des gentils chez les Romains (Reus de législ. 1840, p. 257 p. 5 et suiv.) ; Ihering, Geist des rômischen Rechts, 1852-1853 (trad. de hleulenaere, 1877); Schwegler, Rômische Geschichte, Tübingen, 1854-58; Mommsen, Damiette Forschwigen, Berlin, 1864 ; Willems, Le droit public romain, 1870, 5° éd. 1883 ; le Sénat de la République romaine, Louvain et Paris, 1878; Fustel de Coulanges, la 3° éd. Berlin, 1876; Geuz, Das patrieische Rom, Berlin, 1878; Bernhüft, Staal traduction Morel, Paris, 1882-1889; Voigt, Die XII Tafeln, Leipzig, 1883 ; Herzog, Geschichte und System der rômischen Slaatsverfassung, Berlin, 1884-1888; Accarias, Précis de droit romain, t.1, 4° éd, Paris, 1886-; Bouché-Leclereq, Manuel Il y avait des colonies de Gentiles en Afrique, comme le prouvent deux constitutions du code Théodosien adressées au proconsul et au vicaire de cette province" et relatives aux Gentiles, en 403 et en 409. Elles furent peut-être supprimées à la suite des guerres et des révoltes à la fin du Ive siècle et du commencement du v° siècle, car la Notitia dignitatum, de date postérieure, ne montre plus de préfectures de Gentiles qu'en Gaule et en Italie ; celles des Laeti ne figurent qu'en Gaule et en nombre inférieur de près de moitié 1`. On y rencontre dix corps de Gentiles, dont quelques-uns seulement sontsoumis au même préfet que les Laeti, tels que dans la deuxième Lyonnaise ou Normandie actuelle, les Gentiles Suevi de Coutances. Les autres étaient cantonnés dans la troisième Lyonnaise, au Mans ; dans la deuxième Belgique à Senlis; en Auvergne, les Taïfales 15; à Poitiers les Sarmates, dans les environs de Paris, entre Reims et Amiens, dans le Forez et le Velay, et enfin à Autun. L'Italie Inférieure ou Maritime, Italia inferior, renfermait deux garnisons de Sarmates Gentiles, celles d'Apulie et de Calabre et celles de Brutium et de Lucanie; il y avait dans l'Italie centrale, provincia Italia Dlediterranea, deux préfectures dont les noms sont perdus dans la Notitia 76; enfin, dans l'Italie Supérieure treize préfectures de Gentiles, qu'il serait inutile d'énumérer ici 17. L'Orient ne nous offre pas de Gentiles mais desBUCELLARII placés dans une position très analogue, en Galatie : c'étaient des vétérans barbares, chargés, après leur congé, de garder des postes près de terres à eux concédées. On retrouve ce nom en Espagne, dans la loi des Wisigoths '6, et en outre dans un corps de cavalerie des COMITATENSES au Ive siècle 10, Après les invasions du ve siècle 2° en Gaule et en Italie, auraient disparu les Gentiles détruits ou fondus parmi les vainqueurs. Au point de vue juridique il ne paraît pas que la condition des Gentiles ait différé de celle des LAETI. M. Léotard admet21 que les premiers, étant plus méprisés à raison deleur origine, étaient seuls soumis à la prohibition de mariage prononcée en 365 entre eux et les Romains par Valentinien27 et Valens; mais le texte de la constitution est général et parle des barbares : aussi, dans la rubrique De nuptiis Gentilium, le mot Gentiles se prend dans son dernier sens 23. (Ilandbueh der Iclassichen Alterthums-Wissenclzaft, t. IV), Leipzig, 1887 ; Mommsen, Romisches Staatsreeht, t.1-III, 1871-1887, Leipzig; Cuq, Institutions des Romains, Paris, 1891.