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GEODESIA (I'so2ateia). Arpentage, mesure de la
On s'accorde à reconnaître que l'art de l'arpentage prit naissance en Égypte, où son emploi s'imposa dès que l'agriculture y fut en usage, à cause des débordements du Nil qui, chaque année, faisaient disparaître en partie les limites des propriétés. M. de Rougé' a retrouvé le texte d'une de ces mensurations, dont parle Hérodote 2. Le British Museum possède un papyrus (papyrus de Rhind) datant environ du xve siècle av. J. C. qui contient un traité d'arithmétique, de géométrie et d'arpentage. On y trouve des règles pour mesurer les surfaces et les volumes du rectangle, du triangle, du cercle et de la pyramide ; les propositions y sont énoncées sous forme de problème avec des nombres déterminés; ainsi on demande de trouver la surface du terrain circulaire ayant pour diamètre six unités. Ce papyrus n'a, je crois, jamais été publié et il paraît, d'après les descriptions qui en ont été données, ne contenir la description d'aucun instrument. On en est donc réduit aux conjectures pour déterminer la nature de ceux dont se servaient les Égyptiens.
Le plus ancien dut être l'équerre d'arpenteur que les Égyptiens, et d'après eux les Grecs, appelaient l'astérisque ou l'étoile (ücrspicxo;); les Romains la nommaient ferramentum ou groma, d'où est venu le terme gromalicus pour désigner un arpenteur 3. Elle se composait de
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deux tiges fixées à angle droit aux extrémités desquelles pendaient des fils à plomb; le pied devait être disposé de manière à ne point gêner les visées.
La figure 3549 montre une des dispositions en usage. Elle est la reproduction d'un dessin, trouvé à Ivrée, gravé sur le cippe sépulcral d'un certain 1Ehutius Faustus qui y est qualifié ilfensor 1. La forme de l'instrument prouve qu'il était en métal. 11 se composait d'une tige formant, à l'extrémité infé-, rieure, une douille destinée à coiffer la tête d'un jalon en bois. Dans un plan perpendiculaire à cette tige se croisaient, à angle droit, deux réglettes dont chacune portait, à l'une de ses extrémités un fil à plomb, à l'autre (dans le milieu de la partie élargie) une encoche ou une petite pointe formant saillie (corniculum) devant laquelle l'opérateur suspendait un fil à plomb mobile qu'il tenait à la main et qui lui servait à déterminer les deux directions perpendiculaires en le dégauchissant successivement avec l'un et avec l'autre des deux fils à plomb fixes. Au point de croisement des trois tiges était ménagée une ouverture ou oeilleton (lumen) qui permettait ce dégauchissement. La tige à douille, dont le prolongement supérieur permettait les tâtonnements préliminaires, étant rendue verticale, le plan des deux réglettes se trouvait horizontal. C'est ce que l'on recherchait pour l'arpentage et le lever des cartes, car les anciens avaient déjà reconnu l'utilité de se borner à reproduire la projection du terrain sur un plan horizontal; car, dit Frontin, les végétaux croissant toujours suivant la verticale, un terrain en pente ne produit pas un plus grand nombre d'arbres que ne te ferait sa projection.
Cette projection sur l'horizon s'appelait cultellatio ad perpendiculum (coupe à l'aide du fil à plomb) ou simplement cultellatio; son exactitude dépendait beaucoup de la précision avec laquelle on établissait l'horizontalité du plan des deux réglettes dans l'instrument que nous venons de décrire.
« Les personnes qui s'en servent, dit Héron, ont éprouvé les graves inconvénients qui résultent de ce que les fils d'où pendent les poids, au lieu de se fixer promptement, continuent, au contraire, à remuer pendant un certain temps, surtout si le vent souffle un peu fort; c'est pour cela que quelques-uns, voulant remédier à cet inconvénient, essayent d'y adapter des tubes de bois dans lesquels ils introduisent les poids afin de mettre ceux-ci à l'abri du vent. Mais, quand ces poids viennent à frotter contre les parois des tubes, les fils ne restent plus exactement perpendiculaires à l'horizon. Ensuite, lors même qu'on est parvenu à mettre ces fils en repos et perpendiculaires à l'horizon, les plans conduits suivant ces fils ne sont pas pour cela perpendiculaires entre eux. » II démontre en effet que les deux plans ne seront perpendiculaires entre eux qu'autant que l'astérisque sera horizontal, l'angle droit tracé sur l'astérisque n'étant la mesure de l'angle dièdre formé par les plans verticaux qu'autant qu'il se trouve dans un plan qui leur est perpendiculaire.
Les ingénieurs avaient donc cherché'un instrument plus parfait; Héron dit qu'il existait de son temps une foule de dispositions différentes, mais qui toutes laissaient à désirer, parce qu'elles ne donnaient la solution que d'un petit nombre de problèmes. Nous ignorons complètement aujourd'hui en quoi elles pouvaient consister; heureusement il nous est resté la description de l'appareil inventé par Héron sous le nom de dioptre et qui fut certainement le plus parfait de tous.
La figure 3550 donne la restitution proposée par M. Vincent, d'après le texte et le dessin qui l'accompagnait. Elle suffit pour donner une idée générale de l'appareil qui se composait, comme on le voit, d'une alidade de deux mètres de long portée sur un pied vertical. L'alidade pouvait prendre une direction quelconque grâce à deux systèmes de roues dentées et de vis sans fin agissant dans des plans perpendiculaires l'un à l'autre. Suivant les cas, le niveau d'eau qui est représenté sur la figure était remplacé soit par un simple viseur soit par un plateau circulaire divisé en degrés et pouvant se fixer à volonté dans un plan oblique quelconque.
'Cet instrument était donc destiné soit à faire des nivellements, soit à mesurer des angles. Le lecteur curieux de le connaître plus en détail pourra se reporter soit au texte lui-même publié par M. Vincent', soit à la description que j'en ai donnée ailleurs".
Comme annexe à la dioptre, Héron décrit un système de mire divisée et à coulisse tout à fait semblable à celle dont nous servons aujourd'hui.
Héron décrit un certain nombre des problèmes qu'on pouvait résoudre avec la dioptre. Voici les principaux : Mesurer la distance et la différence de hauteur de deux points inaccessibles; percer une montagne suivant une ligne droite qui joigne deux points donnés sur ses flancs; une galerie souterraine quelconque étant donnée, déterminer sur le sol, au-dessus, un point tel qu'en y creusant un puits vertical il aboutisse à un point donné de la galerie; les extrémités d'un port à construire étant données, en tracer le contour sur le terrain suivant une figure semblable à une figure donnée; exhausser un terrain de manière à lui faire prendre la forme d'une surface donnée quelconque ; diviser un champ donné de forme quelconque en parties ayant des surfaces données, à l'aide de lignes droites partant toutes d'un point donné; mesurer un champ sans entrer dedans; trouver l'aire d'un triangle en mesurant ses trois côtés; déterminer la distance de deux lieux situés sous des climats différents.
Pour mesurer les distances on se servait d'une corde; pour mettre celle-ci hors d'état de s'allonger et de se raccourcir, « on la tend fortement entre deux pieux, et, après l'avoir ainsi tendue pendant quelque temps, on la tire de nouveau; après avoir répété cette même manoeuvre à plusieurs reprises, on frotte la corde avec un mélange de cire et de résine; il est préférable, au lieu
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de la tendre entre deux pieux, de la suspendre verticalement pendant un long temps avec un poids suffisant'.
Les arpenteurs romains se servaient aussi d'une perche longue de dix pieds, d'où leur était venu le nom de Decempedatores qu'on leur donnait quelquefois.
La dioptre de Héron servait, nous l'avons vu, pour les nivellements; mais les anciens employaient également à cet usage d'autres instruments plus simples, que Vitruve décrite. « On se sert, dit-il, des dioptres, des baIances à eau ou du chorobate. Le chorobate est le plus exact, les autres peuvent induire en erreur. »
Le CnoxoBATÈS, dont la figure 3551. présente une restitution, était une règle longue de 6 à 7 mètres porté@ à ses deux extrémités par des pieds munis de fils à plomb de manière à pouvoir cons
tater l'horizontalité de la règle; on employait également pour constater cette horizontalité un niveau à bulle d'air. La balance à eau n'était autre chose que notre niveau d'eau actuel.
Les anciens faisaient encore usage, pour prendre la hauteur d'un mur ou d'une tour (fig. 355`2), d'une simple règle AB terminée par un fil à plomb à ses deux extrémités, et mobile en A autour d'un axe horizontal fixé à un pied AC que l'on plantait verticalement en terre. On inclinait la règle de façon à viser le sommet G
On mesurait les lon
gueurs AD, BD et CT, et par Ies triangles semblables on avait la hauteur GH ; d'où on tirait GT en ajoutant la hauteur connue du pied.
Cet instrument s'appelait Au;e(a, lampe ; il est décrit dans la Géodésie de Héron le Jeune et dans les Cestes de Jules l'Africain'.
Les ingénieurs de l'école d'Alexandrie avaient imaginé pour mesurer automatiquement l'espace parcouru par une voiture ou un bateau des compteurs tout à fait analogues à ceux que nous avons réinventés sous le nom de horoniètres. On en trouve la description dans la plupart
des manuscrits à la suite du Traité de la dioptre par Héron l'Ancien, ainsi que dans Vitruve
Les figures 3553 et 3554 ne sont que des reproductions sous une forme plus claire des dessins des manuscrits grecs; elles suffisent pour en donner au lecteur une idée suffisante. Le cylindre coupé qu'on voit au bas de la figure 3553 représente l'axe de
la roue de la voiture ; on voit sur le derrière dans la figure 3554 la roue à palette adaptée au bateau.
Ces appareils n'ont point été de simples spéculations d'ingénieur; car, dans l'inventaire dressé par Julius Capitolinus des objets vendus après la mort de l'empereur Commode', on voit mentionnés entre autres objets précieux « des voitures marquantles distances et les heures ».
Le Traité de géodésie de Héron le Jeune, dont nous avons parlé plus haut, a été composé au xe siècle de notre ère; il est tout à fait analogue au Traité de la dioptre de Héron l'Ancien. Le texte grec, qui se trouve notamment dans des manuscrits d'Oxford et de Bologne, n'a jamais été publié, mais Baroccius en a fait imprimer une traduction latine. M. Th.-Henri Martin l'a longuement analysé et commente; il fait remarquer qu'il n'y a aucune trace de calculs trigonométriques.
Je résumerai cet article par un fragment des Institutions arithmétiques, dans lequel Anatolius, évêque de Laodicée au ive siècle de notre ère, expose l'objet de la géodésie telle que la comprenaient les anciens. « La géodésie, dit-il, prend pour objet des formes qui ne sont ni parfaites ni exactes, parce qu'elle s'applique à une matière corporelle, de même que la logistique. Elle mesure un monceau comme un cône, des puits circulaires comme les figures cylindriques, des I1.E(our« comme des cônes tronqués. Comme la géométrie use de l'arithmétique, de même la géodésie use de la logistique. Elle emploie divers instruments pour prendre des alignements sur le terrain, par exemple les dioptres, les règles, les cordeaux, les gnomons et autres instruments semblables servant à mesurer les distances et les hauteurs soit par l'ombre, soit par des visées. Quelquefois même, pour résoudre des problèmes, elle a recours à la réflexion de la lumière. De même que souvent le géomètre emploie des lignes idéales, de même celui qui pratique la géodésie appelle en aide des lignes sensibles. Les plus exactes de ces lignes sont données par les rayons du soleil, soit qu'on trouve ces lignes à ,l'aide de la dioptre ou à l'aide d'objets qui arrêtent les rayons. D'autres lignes plus corporelles sont prises à l'aide de la chaîne d'arpenteur (trip(vOoç) que l'on traîne ou du cordeau (stx.Opal) que l'on tend. Car, à l'aide de ces instruments, celui qui pratique la géodésie mesure de loin des lieux inaccessibles, des hauteurs de montagnes ou de murailles, des largeurs ou des profondeurs de fleuves et autres choses semblables. En outre, la géodésie établit des divisions, non seulement en parties égales, mais en parties qui ont certains rapports entre elles, en parties proportionnelles, et même quelquefois en parties plus ou moins grandes suivant la qualité des terres'. »
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