Entrées proches
GEROUSIA (Fepousla). Nom sous lequel est habi
tuellement désigné le sénat de Sparte'. Mais on trouve
GER 1550 GER
aussi dans Xénophon la forme yEpov-rix 1, et dans Aristophane la forme yeptoy(x où yEpcnc(a2. Les membres du sénat sont le plus ordinairement appelés yépov-reç; mais, dans un texte officiel, ils sont désignés sous le nom de
Qu'il y ait eu à Sparte, avant Lycurgue, un sénat ou conseil des anciens, c'est ce qui ne peut guère être mis en doute. Les poèmes des temps héroïques nous montrent toujours les rois entourés d'un conseil formé des chefs
des principales familles, les (3ouAripôpot 4, (iou?EUTa( ou yée0v,rEÇ 2, avec lesquels ils délibèrent sur les affaires les plus importantes 6, et qui les assistent lorsqu'ils rendent la justice'. Sparte ne fit certainement pas exception à la règle générale. Seulement il est probable que Lycurgue régla, dans la constitution qu'il donna à Sparte, l'organisation et les attributions de ce conseil, et cela a suffi pour autoriser les historiens anciens à dire que Lycurgue institua le sénat 8 et pour faire figurer ce sénat parmi les nouveautés dues à Lycurgue °. Ce qui doit toutefois être admis pour Sparte, comme pour les autres républiques grecques, c'est que le conseil des ' povzec, qui, dans la Grèce légendaire, n'avait qu'un rôle accidentel et subalterne, s'est successivement élevé, de degré en degré, jusqu'à devenir, dans la Grèce historique, une autorité souveraine, permanente et indépendante.
A l'époque historique, la 7epoue(x de Sparte était une assemblée de trente membres, composée de vingt-huit yépovTs proprement dits, et des deux rois, assimilés aux sénateurs pour le droit de séance et pour le droit de suffrage 10. Comment était-on arrivé à ce chiffre de vingt-huit ou de trente? Y avait-il, notamment, une relation entre le nombre des sénateurs et celui des c'u c ( ou subdivisions de la tribu? Quelques historiens ont enseigné que chaque wE;ri était représentée dans la yspouc(x par un de ses membres 1f. Mais, d'abord, aucun document sérieux ne permet de dire avec certitude quel était le nombre des c;,ex(. De plus, lors même qu'on pourrait établir qu'il y en avait trente, il faudrait encore expliquer comment les rois pouvaient être considérés comme les représentants de deux wgod différentes, alors qu'ils appartenaient tous les deux au yévoç des Héraclides. Or cette explication n'a pas été fournie. Il faut également voir une simple hypothèse, sans fondements historiques, dans l'opinion qui rattache les sénateurs aux vingt-sept phratries, dont parle Démétrios de Skepsis 12, et aux trois p;eayéTxt des communes dont la réunion ou cuvotxtapds aurait formé l'État de Sparte, les Agiades, les Eurypontides et les Egéides13. Ce ne sont que des conjectures, qui laissent le champ libre à d'autres conjectures aussi peu solides 14
Si de telles relations avaient existé, les anciens les auraient probablement connues, et ne se seraient pas ingéniés à trouver une explication du nombre 28, soit dans de prétendus faits historiques que contredisent toutes les vraisemblances Sâ, soit dans la merveilleuse propriété du nombre lui-même, qui, « composé de sept multiplié par quatre, est un nombre plein, et forme, après six, un nombre parfait comme égal à ses parties 16 „
Au Ive siècle, les membres de l'aristocratie, les xaXoi xyxdo(, pouvaient seuls faire partie de la yEpouctaf7, et l'on est en droit d'en conclure qu'il en fut de même pendant les siècles antérieurs. Aussi la magistrature des yépovreç apparaît à Aristote comme une sorte d'o)tityap7(a dans une oligarchie plus étendue. Le sénat n'était, en effet, accessible que pour un très petit nombre des xxaoi xya8o(; car, les places étant viagères, les élections ne pouvaient pas être bien fréquentes 18.
Il ne suffisait même pas, pour être éligible, d'appartenir aux xa),oi xyxOo(; il fallait encore être complètement libéré du service militaire. Or les Spartiates ne cessaient d'être i ippoupot, c'est-à-dire incorporés dans l'armée, que lorsqu'ils avaient vécu iTrl 'rer x «xovTx t ' 67iç 1°. Aussi
tous les sénateurs avaient-ils soixante ans accomplis20.
Pour être élu, un citoyen était obligé de poser sa candidature. Aristote critique cette exigence, qui avait pour effet d'exclure de la ''e ourCc des citoyens très dignes d'être élus, mais trop modestes pour solliciter les suffrages. « On ne saurait approuver, dit-il, que l'homme qui est digne d'une fonction publique ait à la demander luimême. Celui qui mérite une magistrature doit être nommé, qu'il le veuille ou qu'il ne le veuille pas 21. »
L'élévation à la dignité de sénateur devait être le prix de la vertu, pETriç «8),ov ; Démosthène et Aristote le disent en termes exprès". Il fallait donc que le vote fût organisé de telle façon que l'élu pût être considéré comme arrivé à l'honneur par ses seuls mérites. Voici la procédure que l'on avait adoptée.
Quand une place de sénateur était vacante, et qu'il y avait lieu de la remplir, le peuple était réuni en assemblée ('A7re)3ci) 23. Quelques citoyens dignes de confiance étaient alors désignés et se retiraient dans un édifice placé de telle manière que ceux qui y étaient enfermés ne pouvaient pas voir ce qui se faisait dans l'assemblée, mais pouvaient entendre très distinctement les acclamations des électeurs. Lorsque ces juges des manifestations étaient à leur poste, un tirage au sort, dont les résultats ne devaient pas être connus d'eux, avait lieu pour déterminer dans quel ordre les candidats à la place disponible se présenteraient devant le peuple. En se conformant à cet ordre, chacun des candidats montait successivement sur une estrade, et, pendant qu'il était ainsi en scène, ses partisans poussaient un hourra en sa faveur. L'acclamation était naturellement forte lorsque le candidat avait beaucoup de sympathies, faible lorsque ses amis étaient peu nombreux. Les citoyens enfermés dans l'édifice voisin déterminaient quelle avait été la plus bruyante des manifestations de l'assemblée, et leur jugement paraissait offrir toutes garanties d'impartialité, puisqu'ils ignoraient l'ordre dans lequel les candidats avaient paru dans l'7re),Àâ et dès lors ne savaient pas qui bénéficierait de leur jugement. La détermination faite, il suffisait de rapprocher le numéro de l'acclamation la plus forte du numéro correspondant obtenu par le candidat dans le tirage au sort. On savait quel était le nouveau sénateur 25.
GER 1551 GER
Ce mode d'élection a paru étrange et même quelque peu enfantin, non seulement à des théoriciens modernes, mais encore à des philosophes anciens. Aristote le qualifie de aatôaptti. ;'. D'autres se sont extasiés. Kopstadt reconnaît bien 1à l'admirable prudence de Lycurgue, sa sagesse en quelque sorte divine. Toutce qu'il y avait de meilleur dans les divers procédés qu'employaient les aristocraties et les démocraties, était réuni sans les inconvénients parallèles. Aucun privilège n'était ainsi accordé, comme dans les aristocraties, à la naissance ou à la fortune, et rien n'était abandonné, comme dans les démocraties, au hasard d'un tirage au sort. C'était le plus notoirement vertueux qui était élu, et, par la perspective d'obtenir un jour le grand honneur d'une acclamation presque unanime, les citoyens étaient stimulés à bien faire 2. Il y a, de part et d'autre, exagération. Le système employé pour l'élection des sénateurs devait être en usage à Sparte pour beaucoup d'autres affaires, et notamment pour l'élection des éphores, puisqu'il était purement et simplement une application, avec les précautions nécessaires, de la méthode suivie pour connaître l'opinion de l'assemblée. Ce n'était pas au moyen de bulletins de vote, analogues aux .1r,7pot et aux x'ap.ot d'Athènes, que les citoyens réunis dans l'âac)J,ii exprimaient leur opinion; c'était par des cris : Kp(vouoa yâp [30~ xxi oû qrti;h1 3. Il était donc naturel que les élections eussent également lieu, non pas '4 py,, mais (3o ii.
L'élection terminée, l'élu, couronné de fleurs, allait dans les temples rendre grâces aux dieux. Ses amis, hommes, femmes, jeunes gens, lui faisaient cortège, chantant à l'envi ses vertus et exaltant ses mérites. Ses parents dressaient des tables en son honneur et l'invitaient à y prendre place. On le conduisait, enfin, dans le syssition, oïl, exceptionnnellement, il recevait deux parts. Il en consommait une et offrait l'autre à l'une des femmes du cortège, qui étaient restées à la porte de la salle du festin, habituellement une parente à laquelle il décernait ainsi un témoignage spécial d'estime 4. Le roi Agésilas, pour bien montrer qu'il ne s'associait pas à l'antipathie que beaucoup de ses devanciers avaient témoignée au conseil des anciens, envoyait à chaque sénateur nouvellement élu un manteau et un boeuf'.
Les y€pov' c étaient nommés à vie et n'étaient exposés à aucune responsabilité dans l'exercice de leurs fonctions 6.
La présidence de la 7Epoua(a appartenait aux rois. Présidaient-ils simultanément ou à tour de rôle? Nous ne saurions le dire. Une opinion, très accréditée en Grèce au temps de Thucydide, leur attribuait un autre privilège'. Ils auraient eu chacun deux suffrages. Ce n'est pas précisément ce que dit Hérodote : « Quand les rois n'assistent pas aux délibérations de la yspoua(a, leurs plus proches parents parmi les sénateurs peuvent voter à leur place; ils déposent alors deux suffrages (pour les rois) et un pour leur propre comptes ». Hérodote dit donc seulement que les rois, lorsqu'ils étaient absents, pouvaient voter par mandataire. Mais, lors même qu'on
n'expliquerait pas comme nous le faisons le texte d'Hérodote, et qu'on le rattacherait à l'opinion commune, il faudrait encore rejeter cette opinion; car Thucydide nous la présente comme entachée d'une erreur inexplicable 9.
M. Ernest Curtius a tiré du texte d'llérodote une autre conséquence. L'historien grec paraît, dit-il, supposer que les deux rois sont toujours absents simultanément et qu'ils se font représenter l'un et l'autre. Voilà pourquoi le conseiller qui les supplée dépose deux suffrages. Le dualisme royal, que Lycurgue avait établi, comme garantie contre des empiétements tyranniques, n'exigeaitil pas, en effet, que les deux rois fussent ou tous les deux présents ou tous les deux absents? L'un n'aurait donc pas eu le droit de siéger sans l'autre 10. Mais n'y a-t-il pas encore dans cette conclusion une exagération, que n'impose pas le texte d'Hérodote? Toutes les fois que l'un des rois aurait été forcé de s'éloigner de Sparte pour diriger des opérations militaires, l'autre roi se serait donc trouvé par cela même exclu de la yspoua(a pour toute la durée de la campagne", si longue qu'elle dût être ? Est-ce une solution admissible?
Y avait-il au début des séances quelque cérémonie religieuse analogue à celle que nous avons signalée polir le sénat d'Athènes 12 ? Il est très vraisemblable que des prières étaient adressées aux divinités âp.ôot'Atot, qui avaient à Sparte des autels : Zeû; tzp:fiou)toç, 'AOrvâ âp..Goo),lx, Atoaxoupot a6ontot 13. Cicéron nous dit d'ailleurs qu'un augure devait assister aux réunions du sénat de Lacédémone ".
La théorie, presque universellement admise aujourd'hui, de la séparation des pouvoirs publics, quel qu'en soit d'ailleurs le nombre, ne fut pas mieux appliquée à Sparte -qu'à Athènes. Les philosophes grecs, Aristote en particulier, ont proclamé, bien avant Montesquieu, que, dans tout État sagement organisé, il faut distinguer soigneusement le pouvoir législatif, représenté par l'Assemblée, du pouvoir exécutif, appartenant à des magistrats, et du pouvoir judiciaire, exercé par des tribunaux 15. Mais, si désirable que fût aux yeux des sages cette séparation des divers modes d'exercice de la puissance publique, en fait -les trois pouvoirs étaient souvent réunis dans les mêmes mains.
Les attributions de la 'Epoua(a de Sparte offrent, en principe, d'assez grandes similitudes avec celles de la DouLÈ d'Athènes. Comme les sénateurs athéniens, les yépovTEç : 1° instruisaient les affaires qui devaient être portées devant l'âacÀ),â ou assemblée du peuple t6; 2° ils participaient au gouvernement de l'État; 3° ils étaient investis d'attributions judiciaires.
La Tepoua(aa mission d'étudier les questions qui seront soumises à l'assemblée et prépare un projet de résolution. D'après le texte même de la rhetra de Lycurgue f7, c'est le peuple qui doit statuer souverainement : Aâpa? ô'âyopzv ei lev rai api-coq. La yspoua(a ne peut donc pas modifier le vote de l'assemblée.
Mais quel était, en face des propositions des yépovTEç,
GER 1552 GER
le droit de l'â7naa), l? L'assemblée ne pouvait-elle qu'approuver purement et simplement ou rejeter, répondre par oui ou par non? Nous sommes enclin à croire qu'elle avait aussi la faculté d'amendement'. C'est précisément parce que le peuple, par ses additions ou ses retranchements, pouvait modifier à l'excès et même dénaturer complètement les propositions du sénat, que la rhetra de Lycurgue dut être corrigée. Au vine siècle, vers 740, les rois Polydoros et Théopompos ajoutèrent au texte primitif un paragraphe portant que, si, grâce à des amendements de l'assemblée du peuple, la mesure proposée était maintenant jugée mauvaise par les rois et par les sénateurs, ceux-ci ne seraient pas tenus de faire exécuter la résolution de l'assemblée 2. Il semble bien d'ailleurs que, dans certains cas, l'Apella se bornait à discuter, sur l'invitation du sénat, une résolution possible, sans qu'un vote fût émis; c'était pour les sénateurs un moyen de se renseigner sur les sentiments du peuple et de voir quelle direction devait être imprimée à une affaire.
Faut-il en conclure, avec M, Curtius, que, à partir de la réforme de Polydoros et de Théopompos, la communauté ne fut plus consultée que pour la forme et qu'elle dut se soumettre aux volontés de ses chefs militaires'? C'est aller beaucoup trop loin. M. Curtius pourrait avoir raison si l'on interprétait la rhetra du vine siècle en ce sens que des propositions nettement rejetées par l'assemblée pouvaient être appliquées par la yEpour(x et par les rois, comme si la réponse du peuple avait été affirmative. Mais, si on entend, comme nous le faisons, le texte qui nous a été conservé, c'est-à-dire en ce sens que le pouvoir exécutif n'était pas tenu de mettre en pratique la mesure dont il avait pris l'initiative, lorsque cette mesure, telle qu'elle lui revenait, amendée par l'assemblée, ne lui paraissait plus utile ou opportune, la conclusion sera très différente. Même sous l'empire d'une constitution qui refuse à une assemblée tout droit d'initiative et qui réserve exclusivement ce droit au pouvoir exécutif, la permission donnée à celui qui a proposé de ne plus tenir compte de sa proposition lorsqu'elle lui revient déformée par des amendements inattendus, ne fait pas de l'assemblée un rouage inutile. On peut en juger parce qui s'est passé chez nous sous la charte de 1814.
Après les avoir ainsi raisonnablement interprétées, on constatera sans trop de surprise que les rhetrai de Lycurgue, de Polydoros et de Théopompos étaient encore en vigueur à l'époque classique. Il a dû y avoir quelques vicissitudes; mais la yapoua(x possède encore au me siècle un droit absolu d'initiative. Le roi Agis demande au sénat de présenter au peuple un projet de décret abolissant toutes les dettes et ordonnant un nouveau partage des terres. Les sénateurs sont indécis sur ce qu'il convient de faire. Ils laissent un éphore convoquer l'assemblée du peuple °. L'Apella s'étant montrée favorable à la mesure, les yépowrs comprirent que, s'ils portaient devant l'assemblée la motion réclamée par Agis, elle serait infailliblement votée sans modifications et qu'ils ne pourraient pas ensuite traiter ce vote comme non avenu. Ils refu
sèrent d'user de leur droit d'initiative et firent ainsi échouer la réforme 5.
La yapou(x partageait avec les rois et les éphores le gouvernement de l'État. Son action sur la marche des affaires publiques paraît avoir été très grande. Les témoignages des anciens s'accordent sur ce point que la yEpoua(a est la plus haute des magistratures, 1i.Eytarr âp-ze 6. Isocrate rapproche les attributions des yépovTE; de celles qu'avaient les Aréopagites au temps de leur plus grande puissance'. Tous les intérêts de la République sont dans leurs mains8. Ils sont vraiment des maîtres, des ôca tdtixt 9, et tout le monde leur obéit. N'ont-ils pas, en quelque sorte, droit de vie et de mort
La yspoua(a avait enfin des attributions judiciaires, sur lesquelles nous ne possédons que des renseignements assez vagues. Aristote nous dit qu'ils sont préposés au jugement des affaires les plus importantes" ; mais il
nous dit également que les éphores xp(ceu v Eiat uay«}wv x4tot12. A l'époque classique, les rois avaient conservé de leur ancienne juridiction, qui, comme dans tous les États grecs, était certainement très étendue, le droit de statuer sur les difficultés relatives aux voies publiques et sur quelques contestations se rattachant au droit de famille, par exemple au mariage des filles héritières". De leur côté, les éphores étaient compétents pour juger les procès qui s'élevaient à l'occasion des contrats, 'r
Ttûv ru)J.OOWCOV ôiv.ç'', lorsque les parties n'avaient pas
pu s'entendre pour recourir à un arbitrage 15. Ils étaient aussi autorisés, dans l'exercice de leur droit de surveillance et de police générale, à punir souverainement, et de pénalités très variées, un très grand nombre d'infractions 16. Ces éliminations faites, que restait-il à la yEpoua(a? Le jugement des affaires d'homicide, des cpovtxxi i(xztt , des attentats à la sûreté de l'État. Lorsqu'il y avait lieu de mettre les rois en accusation, c'était la ycpoua(a qui était compétente pour les juger. Pausanias dit que, en pareil cas, les éphores siégeaient avec les vingt-huit 74o'TEç et le collègue du roi poursuivi 16.
On notait déjà, parmi les anciens, comme singularités de la procédure en usage devant la 'Epoue(x, les deux faits suivants : Les yéoovTEç consacraient plusieurs jours au jugement de chaque affaire capitale 19. Quand il s'agit, disaient les Spartiates, d'infliger à un citoyen une peine irrémédiable et qu'on n'a pas de preuves décisives, il ne faut pas se hâter; l'erreur ne pourrait pas être corrigée 20. '2o Un accusé, sorti vainqueur d'une première poursuite, était exposé à être remis en jugement, non seulement si de nouvelles charges survenaient contre lui, mais encore si la première décision paraissait erronée 21. En d'autres termes, l'exception de chose jugée n'était pas-recevable devant la ycpoucéx, parce qu'il doit toujours être permis de rechercher et de découvrir la meilleure résolution.
Juge des affaires capitales, la yEpouc(x pouvait certainement infliger aux accusés reconnus coupables la peine de mort et l'atimie22. Diverses condamnations à l'exil et
GER 1533 GER
à l'amende, rapportées par les historiens doivent également avoir été prononcées par les yépovTEç. Notons, en passant, que les exécutions capitales à Sparte avaient toujours lieu pendant la nuit, jamais pendant le jour2. Le condamné était parfois étranglé dans sa prison; d'autres fois, et c'était le cas pour les malfaiteurs proprement dits, les x«xoûpyot, il était jeté dans un précipice appelé K«t«â«;, analogue au Barathron d'Athènes'. A la peine de mort s'ajoutèrent, dans quelques hypothèses, des circonstances aggravantes, mutilations ou mauvais traitements t.
Dans l'accomplissement de leurs fonctions, les yEpovTE de Sparte n'échappèrent pas plus que les rois et les éphores aux reproches de corruption et de vénalité'. Ce n'est pas impunément qu'on déclare à des magistrats qu'ils ne seront jamais responsables de leurs décisions. D'ailleurs, composée d'hommes nécessairement assez âgés, puisqu'ils n'étaient éligibles qu'à soixante ans et qu'ils restaient en charge pendant toute leur vie, la yEpouaix était forcément exposée à entendre appliquer à beaucoup de ses membres l'observation d'Aristote que « l'intelligence a, comme le corps, sa vieillesse » Aussi Pausanias, sous le coup d'une accusation capitale, espérait-il bien se tirer d'affaire au prix de quelques sacrifices d'argent 7.
Au lue siècle, en 226 avant notre ère, sous prétexte de remédier aux maux dont Sparte souffrait alors, Cléomène résolut de briser l'oligarchie, qui, par la yt.pouafx et par l'éphorat, s'interposait entre lui et le peuple. Croyaitil rétablir ainsi l'ancienne constitution dans sa pureté primitive, rendre à la royauté le prestige qu'elle avait à l'époque héroïque, où le conseil des dpovTE; n'avait, en quelque sorte, que voix consultative 3? Quoi qu'il en soit, Cléomène, d'après Pausanias, détruisit la 'mottai« et institua à sa place un collège de patronomes.
Cette abolition de la -mottai« a été pourtant contestée. On a fait remarquer que Pausanias, dont les témoignages historiques sont suspects, est seul à en parler; que Polybe, dont l'autorité est bien plus grande, n'y fait pas la moindre allusion. Comment d'ailleurs Cléomène, qui voulait la restauration de l'ancien régime, aurait-il touché à une institution aussi antique, aussi nationale que la yepouaf« de Lycurgue? Il est facile de répondre que le silence de Polybe est loin d'être décisif. Cet historien ne parle pas davantage de la suppression des éphores, et cette suppression violente est cependant incontestée et incontestable. Mais peut-on même dire que Polybe garde un silence absolu sur la suppression de la -mottait«, alors qu'il affirme, à plusieurs reprises, que Cléomène détruisit les organes politiques de son pays, Tb 7rctTptov 7 oaLTEU1.«
x«TE1,urE 9? La yspoua(x était bien un des organes les plus
importants. Le témoignage de Pausanias est d'ailleurs confirmé par ce fait que c'est précisément à partir de l'époque qu'il indique que l'on rencontre à Sparte ces patronomes dont l'historien attribue expressément l'institution à Cléomène. La substitution de ces magistrats à la yspouai« devenue trop puissante s'explique par le désir
de Cléomène, que Polybe n'hésite pas à qualifier de tyran 10, de faire disparaître tout intermédiaire gênant entre le roi et la communauté des citoyens 1f.
Mais la disparition de la yspoual« ne fut pas de longue durée. En 221, à la suite de la bataille de Sellasia et du départ de Cléomène pour l'l:gypte, Antigone rétablit, au moins dans une certaine mesure, la constitution antérieure à Cléomène. Les patronomes ne furent pas supprimés, puisqu'on les trouve bien des fois mentionnés plus tard dans les inscriptions. C'est le président des patronomes qui donne son nom à l'année; il est vraiment l'éponyme de la cité i°, et l'importance de ses fonctions est attestée par ce fait qu'il a autour de lui une garde d'honneur composée d'éphèbes f'. Mais, au temps de Polybe, on retrouve mêlés aux affaires publiques, comme avant Cléomène, les éphores et les Tépovro; f`.
La mottai« a même survécu à,la conquête romaine. On a, en effet, retrouvé plusieurs listes de yEpovTE;, que l'on peut rattacher avec certitude aux règnes des empereurs Hadrien et Septime-Sévère 15. L'une de ces listes paraît complète 16. L'assemblée se composait alors d'un -pEaGu; ou sénateur doyen S7, de vingt-deux ypov'reç, d'un yp«u.E,.«rnUç et d'un N.xyEtpo;. Ce dernier personnage, qui était, comme son titre de cuisinier semble l'indiquer, chargé de la préparation des repas que les sénateurs prenaient en commun [coulis], était-il véritablement un sénateur? Il est permis d'en douter 18. Si l'on en fait abstraction, en comptant d'ailleurs le ypxq y.«TEé;, on constate qu'il y avait à cette époque vingt-quatre sénateurs, et non plus vingthuit comme autrefois. Mais il est bien vraisemblable que les six patronomes, qui étaient, dans une certaine mesure, les successeurs des anciens rois, ainsi que ces derniers, siégeaient dans le sénat. On arrive ainsi au total de trente personnes ayant droit de séance dans la ?spouai«. Trente! c'est-à-dire le nombre traditionnel, le chiffre fixé par la constitution de Lycurgue.
A la même époque, les ypovTEç ne sont plus, comme au temps classique, nommés à vie. Leurs fonctions sont devenues annuelles. Mais une réélection était possible. Les listes qui ont été conservées nous offrent de nombreux exemples de sénateurs réélus, et le graveur indique combien de fois cet honneur leur a été conféré. Nicocratès, doyen des sénateurs sous P. Memmius Pratotaus, est sénateur pour la quatrième fois et doyen pour
autre inscription, le premier sénateur nommé, le 7rpéau; yEpdvzc,ly, est sénateur pour la cinquième fois, le second pour la quatrième, huit autres pour la troisième, six autres pour la deuxième".
On est autorisé toutefois à croire qu'une réélection immédiate n'était pas possible et qu'un intervalle d'une année au moins devait s'écouler entre le moment où un sénateur sortait de charge et le moment où il rentrait dans le sénat. Une liste mutilée de sénateurs, publiée par Boeckh 21, nous a conservé les noms de onze sénateurs d'une année et de vingt-deux sénateurs de l'année suivante. Or aucun des noms de la première liste ne se re
GER 1551 GIG
trouve dans la seconde, De plus, dans le Cursus honorum de personnages qui ont été plusieurs fois sénateurs, on voit que, dans l'intervalle de leurs fonctions sénatoriales, ces personnages ont rempli d'autres fonctions'.
Nous ne pouvons pas dire avec certitude quel était sous l'Empire le mode d'élection des sénateurs, ni quel était l'âge exigé pour l'entrée au sénat. Ce qui ressort de l'étude des inscriptions, c'est qu'on ne devait être éligible qu'assez tard dans la vie et après avoir exercé d'autres magistratures. Ainsi Agathoclès, qui vivait à l'époque où Hadrien visita Sparte, avant d'être sénateur pour la première fois, a été diabète, hipparque, épimélète et agoranome; avant de l'être pour la seconde fois, il a été éphore'. D'autres textes font supposer que, habituellement, on ne devenait éphore qu'après avoir été sénateur3.
Pausanias nous apprend que le lieu de réunion des
sénateurs, le (iou),eoTsptov Trç yE ieual«;, se trouvait sur l'agora 4.
Y avait-il, sous l'Empire, à côté de cette yepoua(a, que
autre assemblée, une pou?-i, dont il n'a pas parlé? Les avis sont partagés sur ce point. Beeckls dit très nettement : « A yEpoua(a distinguenda est (3ou),5 », et, en effet, à côté des inscriptions qui parlent des ysp owrs; et de la yepeeci«, il y a d'autres inscriptions, qui parlent des membres d'une ouar', ou ou),euTaC s, de décrets votés par
une ou)Wri?tep.« [3ou)riç 7), de magistrats élus par la
de secrétaires de la [loun~ 9. Bien plus, dans une seule et même inscription, on trouve mentionnées tout à la fois
la yepoua(« et la [3ou),-rf. Aristoklès fit partie de la, yEpoua(«,
pour la seconde fois, sous Aristonicide, et fut, sous
Allcaste, ypawa7EÛ; [iou),â;t0. Cette dualité de sénats à
Sparte ne serait pas plus extraordinaire que la coexistence, à Athènes, pendant la période classique, du sénat de l'Aréopage et du sénat des Cinq-Cents, à Argos, d'une (3ou),vi et du conseil des Quatre-Vingts". Nous pourrions, avec Tittmann12, citer beaucoup d'autres exemples, fournis par les cités grecques de l'Asie Mineure, de la Sicile et même de la Grèce proprement dite. M. Foucart est néanmoins convaincu qu'il n'y eut à Sparte, soit pendant la période hellénique, soit sous les Antonins, qu'un seul sénat, la yEpousiz, dont Pausanias parle exclusivement. S'il y avait eu un conseil, une cu)A, distincte de la yspeua(«, les auteurs en auraient parlé et son nom serait mentionné autrement que d'une manière incidente. « S'il fallait tablir une différence entre les deux expressions, je croirais plutôt, dit M. Foucart, que yspouala désigne seulement les vingt-quatre 'ç ovTEç, et (3ou)s la réunion des y€povreç et des collèges de magistrats, auv«pz(at ». Il faut, à notre avis, différer la solution du problème et attendre la découverte de nouvelles inscriptions.
Beaucoup de républiques et de cités grecques ont eu, comme Sparte, un conseil de (povTE; ou anciens, appelé
tantôt, comme en Crète f4, pwai, tantôt, comme à Corinthe1J, yl:poua(a. Mais, exception faite pour la Crète, sur laquelle nous avons quelques renseignementsi', nos connaissances présentes sur ces conseils d'anciens se réduisent à très peu de chose. Les auteurs et les inscriptions les mentionnent en passant et ne nous disent ni quel était leur mode de recrutement, ni quelles étaient leurs attributions. E. CAILLEMER.