GLADIUS oç. Nous réunissons dans cet article tout ce qui regarde les épées grecques et romaines, en renvoyant cependant à des articles spéciaux pour les armes dont la forme demande une explication particulière, ou pour celles dont le nom s'appliquait également à d'autres instruments.
Les Grecs ont employé pour désigner les épées des noms variés. Voici la liste des plus usuels avec la signification et l'usage de chacun d'eux.
'Axtve(;, épée courte de forme droite, en usage chez les Orientaux [ACINAcEs].
"Ao?,terme usité parles poètes comme synonyme (le (po;'. Koittç5 sabre recourbé, souvent difficile à distinguer de
Md.yo;a, sabre recourbé distingué par Homère et par les auteurs classiques du (po; , mais les deux termes deviennent ensuite synonymes, par exemple dans Polybe4.
(prjg, épée droite généralement à deux tranchants. C'est l'épée classique des Grecs:
po)Luycctz'., longue épée d'après Hésychius .
au)', courte épée des Spartiates I
la partie large de l'épée , puis une épée large'. dls.rv(XaoV, couteau, puis épée ou poignard, dans lbmère° et dans Sophoclet0.
Les Romains avaient également un certain nombre de mots pour désigner les armes du genre épée.
Easis, terme poétique, synonyme de gladius". Gladius, épée droite.
GLA 4601 GLA
Spaiha, longue épée. Ce dernier terme, usité dans la lan
gue courante, a formé les mots spada, espada, épée.
ÉPÉES GRECQUES. Les plus anciennes épées
grecques ont été découvertes dans les tombeaux
de Mycènes'. Elles sont en bronze et de types
très différents. Le premier groupe d'instruments
tranchants auquel M. Schliemann donne dubi
tativement le nom d'épées comprend des cou
teaux en bronze, courts et à un seul tranchant.
Ils sont d'un seul morceau et longs de 60 cen
timètres à 675 millimètres. La poignée est trop
épaisse pour avoir reçu une garniture de bois.
A l'extrémité de cette poignée est un anneau
de suspension (fig. 3599) 2. 11 est très pro
bable que ces longs couteaux représentent
l'objet désigné par le mot homérique pxcyorvov Fig. 3599. Le px.ryavov servait à égorger les animaux et
à tuer un ennemi dans un combat corps à corps 4.
Le second groupe comprend les épées dont la lame, souvent formée de deux ou trois plaques de bronze soudées ensemble, est à deux tranchants, mesure environ 80 centimètres de longueur et va en diminuant de largeur depuis la poignée jusqu'à la pointe. Au milieu de la lame, dans le sens de la longueur est une arête formant une saillie assez prononcée. Des spécimens de ce groupe ont été trouvés dans les quatrième ' et dans le cinquième 6 tombeaux de l'agora de Mycènes. La poignée, qui est une suite de la lame, c'est-à-dire une barre plate, était recouverte de bois ou d'autre matière. On y voit encore les clous, souvent à tête dorée, qui servaient à fixer la couverture de la poignée Plusieurs de ces épées n'ont qu'un clou à la poignée et deux à la naissance de la lame, d'autres ont trois clous dans chaque endroit (fig. 3600)8. Ces clous sont également visibles sur des fragments de pommeaux d'albâtre 9. Certaines poignées portent encore des morceaux des plaques d'or dont elles étaient revêtues10. A la lame d'une courte épée adhèrent des fragments d'un fourreau de bois". Auprès d'une autre, M. Schliemann a trouvé des boutons d'or qu'il suppose avoir servi à orner le fourreau".
Un troisième groupe d'épées comprend des épées qui ont été découvertes dans Pile d'Amorgos 13, en Attique 14 et fréquemment en Italie
(fig. 3601)33. La lame et la poignée, dont la partie à laquelle est attachée la lame est de forme demi-circulaire, sont deux morceaux de bronze distincts. La lame est à deux tranchants. Elle a la forme d'un triangle isocèle allongé dont la base serait du côté de la poignée. Des clous, au nombre de cinq, six ou huit, réunissent les deux morceaux. Ces épées, comme celles du groupe mycénien précédent 16, ne pouvaient servir qu'à transpercer, elles se seraient brisées à la jointure de la lame et de la poignée si l'on s'en était servi pour frapper. .
Parmi les épées trouvées à Mycènes, il en est une qui appartient à une période plus récente. Elle a été découverte dans l'édifice situé au sud de l'agora et que
M. Schliemann appelle le palais des Atrides i7. Cette épée (fig. 3602) est de bronze et d'une seule pièce. Sa longueur totale est de 60 centimètres; la lame est à deux tranchants relativement large ; elle s'amincit seulement vers la pointe. Dans la soie, qui est large, plate et garnie d'un léger rebord, sont fixés des rivets qui servaient à maintenir la poignée faite de bois, d'os ou d'ivoire. Avec cette arme on
pouvait combattre d'estoc et de taille. Une épée semblable a été trouvée à Olympie 18. Elle est longue d'environ un mètre, mais la partie supérieure de la soie manque.
On rencontre enfin à Mycènes 19 un quatrième type, également représenté par des exemplaires trouvés à Ialysos 20, à Corinthe" et à Corcyre 22. L'épée de Mycènes (fig. 3603) a été trouvée parmi les décombres des maisons situées au nord-est de la porte des Lions. La lame est de la même forme que celle des épées du groupe précédent et, comme elles, elle est partagée dans le sens de la longueur par une nervure. Le manche est terminé par une garde demi-circu
laire, dont les pointes sont dirigées vers la lame et qui
GLA 1602 GLA.
protège bien la main. Le pommeau a la forme d'un fronton ou d'un dôme et la poignée est entourée de rebords formant saillie. Les clous qui servaient à fixer l'os de la poignée existent encore. La longueur totale de ces épées est d'environ 75 centimètres.
Certains savants ont supposé que les épées de Mycènes étaient des épées votives représentant les armes de fer avec lesquelles on combattait 1. En supposant que les armes des tombeaux soient des offrandes, ce qui n'a rien d'invraisemblable, l'absence de tout objet de fer dans les trouvailles de Mycènes ne permet pas d'admettre qu'il y ait eu alors d'épées de ce métal'.
Les épées mentionnées dans les textes non suspects de l'Iliade sont également en bronze 3. Il n'est question qu'une fois d'une arme en fer'. L'auteur de l'Odyssée connaît les armes en fer et même la trempe de l'acier
mais il ne parle que d'épées de bronze B. La lame de ces épées était à deux tranchants 7. Elles devaient être assez longues, car Homère leur applique les épithètes de
€yxç3 et de 7xvurxriç9. Les combattants s'en servaient
de deux façons. Tantôt ils en frappaient leurs adversaires, comme avec une masse tranchante. C'est ainsi, par exemple, qu'Eurypyle frappe sur l'épaule d'Hypsénor et lui tranche la main 10, et que Diomède sépare du tronc la tête d'llypiron 11. Tantôt ils les transpercent de la pointe. C'est de cette façon que Thoas tue
Piroüs 12.
L'épée était contenue dans un fourreau (xoaEdv) fait de bois ou de métal. Quelquefois le fourreau était de matière précieuse, par exemple d'argentl3 ou d'ivoire''. Enfin Homère parle de poignées (xcS t ) en argent 15.
Une des épithètes qu'Ilomère donne le plus souvent à
l'épée est celle d'ài.Tu idT1) o;, (ornée de clous d'argent) 16 Un passage de l'Odyssée nous permet de déterminer exactement la place de ces clous décoratifs. Ulysse, sur la demande de Tirésias, replace dans le fourreau son épée ornée de clous d'argent t7. Le fourreau est ici distinct de l'épée et c'est à celle-ci qu'est appliquée l'épithète âpyupd ;)~o;. Or il est bien évident que ce ne pouvait être sur la laine, mais uniquement sur la poignée, que pouvaient être placés les clous 18. Dans l'Iliade, Hector, après le combat qu'il a livré à Ajax, lui fait don d'un glaive orné de clous d'argent, avec son fourreau et un riche baudrierf9. Là encore l'épithète d'âpyupdri),oç est donnée à l'épée elle-même. Un troisième passage est plus clair encore, c'est celui où est décrite l'épée qu'Agamemnon porte sur ses épaules. « Autour de ses épaules, dit le poète, le fils d'Atrée jette son glaive sur lequel
brillent des clous d'or et autour duquel est un fourreau d'argent suspendu par un baudrier d'or2D. )) Ainsi que le remarque avec raison M. Helbig, les clous ne pouvaient être visibles que s'ils étaient sur la poignée. C'est du reste à cette place que se trouvent les clous dorés encore visibles sur les épées de Mycènes 21 (fig. 3600 à 3603).
Une autre épithète donnée par Homère", par liésiode23 et par les poètes tragiques21 à certaines épées est celle de i.s. vETog, entouré de noir. M. Gerlach donne une explication très plausible de ce mot en supposant que les épées ainsi désignées devaient être semblables à certaines épées de bronze trouvées dans le nord de l'Europe. La poignée de ces armes consiste en une tige de bronze tantôt unie, tantôt annelée par la saillie de disques du même métal. L'intervalle placé entre les disques devait être rempli par des cordes ou par des morceaux de bois de couleur foncée. On avait ainsi une poignée sombre et facile à tenir en main 2s
Les fouilles du Dipylon nous ont fait connaître une épée du vil' ou vine siècle (fig. 360ii). Elle est en fer et a la même forme que les épées en bronze du type le plus récent de Mycènes. C'est une arme à deux tranchants, propre au combat d'estoc et de taille. Sa longueur est de
48 centimètres, sa plus grande largeur près de la poignée de 6 centimètres et la largeur de la poignée de 4 centimètres 26. Cette forme d'épée est aussi celle qui est représentée sur les vases peints du Dipyion27 et sur d'autres vases de style sévère, notamment sur des vases représentant le suicide d'Ajax 2a Hercule tuant Alcyoneus 29, Thésée se précipitant sur le Minotaure 3° et sur un vase béotien où l'on voit Ulysse tuant Circé 31. Elle figure également sur une plaque de bronze estampée , découverte dans les fouilles de l'Acropole 32, et sur quelques vases à peintures rouges 33
Sur les vases à figures rouges l'épée affecte cependant le plus souvent une forme différente. A partir de la garde, la lame présente des deux
côtés une courbe rentrante, puis une courbe sortante, de telle sorte que la plus grande largeur està un endroit assez rapproché de la pointe. Là est le centre de gravité.
GLA 1603 GLA
De cette façon l'épée peut servir à la fois à frapper et à transpercer l'ennemi. Telle est la forme de la lame de l'épée que tient Achille égorgeant Troilos sur une coupe signée d'Euphronios'. Une des épées trouvées à Dodone, épée de fer (fig. 3605), répond exactement à ce dessin 2.
Sur un grand nombre de vases tant à figures rouges qu'à figures noires, on voit dans la main des guerriers une épée légèrement recourbée et qui paraît n'avoir qu'un
seul tranchant3. C'est la u.xzcapa [MACHAERA]. Au temps de
Xénophon les cavaliers employaient encore cette arme tandis que le (:poç à deux tranchants était l'arme des fantassins. La raison que l'écrivain athénien donne de cette préférence est que,venantde haut,le coup de la ti.âzatoa est plus terrible que celui du (poç'. Certains peuples grecs, les Thébains, par exemple, avaient conservé l'usage de la p,7atpa, même pour les corps d'infanterie 5.
Les Lacédémoniens avaient une épée courte appelée ;urarl 6, et l'on sait le mot par lequel Antalcidas répondait à ceux qui critiquaient le peu de longueur de cette arme : « Nous serons plus près des ennemis' ». Iphicrate, qui fit de si nombreuses réformes dans l'armement des troupes athéniennes, pensait, au contraire, qu'il était préférable de tenir son adversaire à distance ; il donna au corps des Peltastes une plus longue épée 8.
Les macédoniens se servirent également de longues épées et c'est à cette circonstance que Diodore de Sicile attribue en partie leurs victoires sur les Perses 9.
Les peintures de vases nous montrent que les poignées des épées étaient de formes très diverses. Sur un vase à figures noires on voit (fig. 3606) une épée semblable aux épées mycéniennes les plus récentes70. La poignée, ordinairement en métal ", est terminée par un pommeau assez large, de façon que la main était solidement appuyée. Ce pommeau est plat12. D'autres sont de forme sphérique 13, cylindrique ou rectangulaire", parfois surmontés d'un bouton (fig. 3607, 3609) '5. Certains pommeaux sont contournés en tête d'aigle (fig. 3608)16. Sur quelques épées le pommeau manque complètement''; mais cette forme de poignée paraît très rare.
Du côté de la laine, la poignée se termine par une garde le plus souvent droite 4R, quelquefois recourbée, les quillons étant dirigés tantôt vers la lame 19 et tantôt
IV.
vers le pommeau". L'espace compris entre la garde et le pommeau, celui qui est saisi par la main, est parfois
droit n, parfois bombé, c'est-à-dire formé par deux courbes sortantes". Sur d'autres on voit au milieu un noeud destiné à rendre la prise de la main plus ferme 2•'.
Le fourreau se compose de trois parties. Une partie plus large, placée à l'ouverture, sert d'appui à la garde de l'épée. Elle est le plus
souvent de forme rectangulaire 24. L'extrémité inférieure est généralement terminée par une bouterolle arrondie 25, quelquefois ornée d'un bouton, d'un fleuron (fig. 3609) 26 ou d'une tête de panthère 27 ; quelquefois aussi carrée 28. Entre les deux est la gaine dans laquelle est renfermée l'épée; elle est rectangulaire ou se rétrécit de haut en bas 2s. Les épées courbes comme la copis ou la MACIIAERA avaient nécessairement des four
reaux recourbés. Nous en voyons de semblables sur les bas-reliefs de Pergame (fig. 3610) 30
Les fourreaux étaient en bois, ordinairement recouvert
202
GLA 1604 GLA
de peau ou de métal'. Les bandes de cuir ou de métal étaient disposées horizontalement 5, ou obliquement (fig. 3609) 3, ou s'entre-croisaient (fig. 3611)6. Le cuir
ou le métal, pouvaient aussi être plaqués sur le bois de façon à dessiner des ornements variés comme on en voit dans quelques peintures de vases et sur des épées retrouvées récemment avec leur fourreau à Novilara, près Pesaro G. La forme de celles-ci correspond exactement à celle des épéescourbéesetà un seul tranchant représentées sur les vases; elles paraissent d'importation hellénique. On voit (fig. 3612) la face la plus ornée de ces épées,
couverte de cuivre découpé : c'est celle qui était visible quand l'épée était suspendue; le bois sur l'autre face n'était couverte qu'en quelques endroits. Le fourreau d'une épée figurée parmi les trophées de Pergame paraît couvert d'écailles imbriquées (fig. 3612) Les tons blancs que nous voyons sur certaines peintures de vases font croire que les parties plus larges du haut et du bas étaient parfois en argent ou en ivoire'. C'est ce qu'on peut observer aussi pour l'une des épées de Novilara.
Les Grecs portaient l'épée à gauche. Elle était sus
bandoulière de droite à gauche. On voit cependant quelques exemples d'épées attachées à la ceinture [CINGULUM].
dans les plus anciennes tombes de l'Italie reproduisent tous les types des épées primitives, soit des Grecs, soit des populations du nord de l'Europe. Elles sont en bronze et à deux tranchants. Tantôt la poignée fait corps avec la lame, tantôt c'est une pièce rapportée qui s'ajuste à la lame au moyen de rivets. Une épée ou poignard cité plus haut (fig. 3601) trouvé à Castione, dans le Parmesan,
a un manche divisé par des anneaux dont les intervalles devaient être remplis de bois, de corde, ou de toute autre matière. Il y a des manches qui sont en ivoire, parfois ornés d'incrustations d'ambre ou de pâtes colorées 9. Les poignées sont tantôt terminées à la partie supérieure par une calotte hémisphérique, tantôt par un croissant dont les extrémités sont enroulées (fig. 3613)10. Parfois la poignée ressemble à deux paires de cornes boulonnées dirigées l'une en haut l'autre en bas et jointes au milieu par une boule (comp. plus loin, fig. 3615)11. Ces épées ont été, comme en Grèce, remplacées plus tard par des épées de fer faites sur le même modèle 12. Les fourreaux étaient en peau, en bois ou en métal. Les fourreaux de bois étaient cerclés de fils de bronze (fig. 3613) ou recouverts d'une feuille de bronze comme on l'a vu plus haut (fig. 3612). La figure 36U reproduit une
épée trouvée sur le terri
toire falisque; elle est en
fer, le fourreau est en bois
recouvert d'une lame de cui
vre décorée, d'un côté seu
lement, de stries concen
triques ; la poignée était
d'ivoire, quelques traces d'in
crustations de métal y sont
encore visibles 13.
Sur les peintures murales des tombes étrusques, sur les miroirs et sur les bas
reliefs on retrouve à peu près toutes les formes d'épées usitées chez les Grecs : l'épée à deux tranchants qui va en s'amincissant de la garde à la pointe, l'épée renflée vers le milieu, l'épée recourbée, etc. Les fourreaux sont également fabriqués de la même façon que les fourreaux grecs ".
Les Étrusques portaient, comme les Grecs, l'épée suspendue à gauche par un baudrier "s.
ÉPÉES ROMAINES. Dans l'organisation servienne, les légionnaires appartenant aux centuries des trois premières classes avaient seules dans leurs armes un gladius 16. Nous n'avons aucun renseignement sur la forme de ce gladius. Il était probablement en bronze et devait ressem
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bler à l'épée des Étrusques. Lors de l'invasion des Gaulois, les Romains adoptèrent l'épée de ces Barbares dont ils avaient eu quelque difficulté à parer les coups'. D'après Tite-Live c'était une épée longue et sans pointe; elle servait surtout à frapper de tailles.
Nous possédons de nombreux exemplaires des épées en usage chez les peuples celtiques. Les plus anciennes sont en bronze et ne correspondent pas à la description de TiteLive. Ce sont des armes d'estoc, d'abord à lame étroite et mal emmanchée, puis à lame plus large et à deux tranchants 3. Plus récentes sont les épées à deux fins. Leur lame s'élargit avant de se rétrécir à la pointe. Les poignées sont surmontées d'un pommeau à antennes et à enroulements (fig. 3615) ou d'un pommeau ovale 4. Les fourreaux sont en bronze ou en bois. Le type le plus récent est celui des épées de bronze de Hallstadt (fig. 3616) La forme de la poignée, les deux tranchants et la pointe émoussée de la lame montrent que ces épées servaient à frapper de
w taille et non d'estoc. Sur le modèle de ce dernier type on fabriqua ensuite des épées de fer. Souvent on trouve à la fois les deux sortes d'armes dans le même tombeau 6. Un grand nombre de ces épées en fer du type de Hallstadt ont été trouvées en Gaule, surtout en Bourgogne. Telles sont, en particulier, celles de Magny-Lambert dans la Côte-d'Or L'arme a un mètre de long. La soie est fixée à la poignée par des rivets en fer ou en bronze. On remarque l'existence de crans à la naissance de la lame. Celle-ci est à deux tranchants, élargie vers le milieu et à pointe mousse. D'autres spécimens ont été découverts à Salzberg près de Iallstadt, dans le Noricum, et aux limites du Noricum et de la Vindélicie. Les tombeaux oü ont été faites ces fouilles sont du v° ou du Ive siècle avant l'ère chrétienne, et par conséquent à peu près contemporains de l'invasion gauloise en Italie 6
Le groupe des épées des cimetières de la Marne, de la plaine des Laumcs et de la Têne (Suisse) représentent,
d'après M. A. Bertrand, la transformation du glaive aux derniers temps de l'indépendance gauloises. Des épées du même genre ont été trouvées en Italie dans l'Apennin (fig. 3617)10. Dans les armes de ce groupe, la lame, large au sommet, se rétrécit en forme de feuille
d'olivier. Sur les deux faces on voit une côte longitudinale dans toute la longueur. Le fourreau est en fer comme l'épée.
Parmi les épées trouvées à Alise, quelquesunes rappellent les armes à lame faussante que les Gaulois portaient déjà au temps de Camille". La pointe est camarde et même quelquefois arrondie. « Il est à remarquer, dit le colonel de Reffye, que, dans ces armes, les tranchants ne sont pas du même fer que le corps de la lame. L'ouvrier après avoir forgé cette partie avec du fer très nerveux, étiré dans le sens de la longueur, soudait, de chaque côté, de petites cornières de fer doux pour former les tranchants. Le fer était ensuite écroui au marteau. Le soldat pouvait de la sorte, après le combat, réparer par le martelage, les brèches de la lame, comme font aujourd'hui les faucheurs. Les fourreaux en fer étaient fabriqués d'après le même principe. » Les musées de Zurich et de Mayence ont des armes du même genre trouvées par le colonel Swah dans les habitations lacustres du lac de Bienne 12
A partir de la seconde guerre Punique, les Romains substituèrent à l'épée gauloise l'épée
ibérique 13. Celle-ci était plus courte, à pointe (mucro) et à deux tranchants. Elle était propre aux coups de pointe comme aux coups de taille". Mais si les Romains imitèrent la forme espagnole, ils ne purent jamais atteindre à la même perfection dans la fabrication du fer
Quand furent crés les vélites, en i11 av. J.-C., leur armement fut composé de plusieurs hastes et d'une épée 16, Après avoir lancé leurs hastes, ils attaquaient l'ennemi, corps à corps avec le glaive 17.
Le glaive espagnol demeura en usage pendant toute la durée de la république et de l'empire. C'est à cette dernière période qu'appartiennent les épées qui sont aujourd'hui conservées dans les musées et les représentations qui en existent sur les monuments figurés18. La poignée du glaive (capulus) se terminait du côté de la lame par une calotte sphérique retombant sur le fer et, du côté
opposé, par une boule légèrement conique (fig. 3618) à son extrémité supérieure". Parfois la partie qui devait être placée dans la paume de la main était ronde
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et unie' ; parfois, au contraire, elle était annelée de façon que les doigts y fussent solidement fixés2. Les poignées ordinaires étaient en bois ou en os'. Certaines poignées étaient en ivoire, ce sont évidemment celles des armes de luxe'. Quelques-unes étaient d'or ou de métal argenté ° et ornées de sculptures. Telle est celle que porte Trajan, sur la colonne élevée en commémoration de ses victoires. Le pommeau a la forme d'un aigle 6. Les poignées des épées portées par les soldats des troupes auxiliaires conservent parfois les formes usitées dans leur pays. C'est ainsi que la poignée d'une épée d'un cavalier représenté sur un monument trouvé à Mayence [EQUITES, p. 986, fig. 2739] est exactement celle d'un certain nombre d'épées celtiques. Le pommeau se compose de deux orbes réunis au milieu'.
Le fourreau (vagina) se composait de quatre parties : la face antérieure, la face postérieure, l'ouverture et la ferrure destinée à protéger la pointe. Les lignes générales du fourreau suivent la forme de l'épée. L'ouverture par laquelle entre le glaive est toujours une bande de métal; il en est de même de la partie inférieure, protectrice de la pointe. La face antérieure et la face postérieure sont en bois, presque toujours revêtu d'une enveloppe métallique et, en tous cas, elles sont maintenues ensemble par des bandes de métal placées de distance en distance, en forme d'anneaux transversaux. Les deux bandes supérieures sont terminées par des anneaux à l'aide desquels le fourreau était suspendu à la ceinture [cINcuLunt] ou au baudrier [BALTEUS]. Tite-Live nous apprend que dans certains cas on infligeait comme punition aux centurions dont les manipules s'étaient lâchement conduits devant l'ennemi, de quitter le ceinturon et le fourreau et de tenir l'épée nue à la main 8,
Le plus beau spécimen de fourreau romain qui ait été conservé (fig. 3619) est celui de l'épée dite de Tibère, trouvée à Mayence et actuellement au British Museum 0. Les faces antérieure et postérieure sont recouvertes d'argent, mais les traces du bois qui était à l'intérieur sont encore visibles. Les bandes transversales, ornées de feuilles de chêne, et les bas-reliefs qui ornent le haut et le bas du fourreau sont de bronze doré. Le bas-relief placé près de l'ouverture représente l'empereur assis sur un trône; sa main gauche est appuyée sur un bouclier où sont gravés ces mots : Felicitas 7'iberii. Dans la main droite, il porte une statuette de la Victoire, devant lui est le dieu Mars, derrière est la Victoire, qui porte au bras gauche un bouclier sur lequel sont inscrits les mots : Victoria Augusti. Au milieu du fourreau est un médaillon sur lequel se voit un empereur couronné de lauriers et regardant à gauche : c'est Tibère ou Auguste. La partie inférieure représente une édicule tétrastyle, à l'intérieur
de laquelle est un aigle, les ailes déployées et tourné vers la droite; c'est l'aigle légionnaire. Entre les deux colonnes, de chaque côté est placé un vexillum ; au-dessous une Amazone casquée tient de la main droite une hache à deux tranchants et de la main gauche une pique. On a rapproché ce monument de la description faite par Horace 1° et on a vu dans l'Amazone une personnification de la Vindélicie conquise par Tibère. L'épée serait un présent fait à l'empereur, lors de son voyage en Germanie,".
Sous Vespasien, les cavaliers portaient une épée plus longue que les fantassins 12, mais nous ne savons quelles étaient ses dimensions. Les monuments qui
représentent les EQUITES SINGULARES les montrent également armés d'une épée, mais il est difficile d'en apprécier la longueur ". Il en est de même de l'épée des cavaliers représentés sur la colonne Trajane et sur d'autres bas-reliefs".
Au temps de Claude, les auxiliaires portaient une épée différente du glaive des légionnaires. On désignait cette arme sous le nom de spatha 10. Végèce, qui définit la spatha un glaive plus long, nous apprend que de son temps elle était devenue l'arme
des légionnaires. « Ils portaient, dit-il, un glaive plus long appelé spatha, et un autre plus court appelé semispatha 10. » Au contraire il nomme le glaive parmi les armes des troupes légères et des archers 17. Les triaires portaient la semispatha 1e.
Sous la République, les soldats portaient le glaive à droite 19 [cINGULUM, fig. 1488-1490] ; et c'est ainsi que le portèrent les soldats de l'armée impériale [CINGULum, p. 1179, 1180], aussi bien les prétoriens 20 que les légionnaires 21 et les auxiliaires 22. A gauche, ils avaient un poignard [Punie]. D'après Josèphe, les cavaliers qui firent la guerre aux Juifs sous Vespasien portaient le poignard à droite et le glaive à gauche 23. C'est de la même façon que sont placés le glaive et le poignard de plusieurs signiferi dont les monuments ont
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été conservés'. Quelques monuments représentent également des cavaliers romains portant le glaive à gauche [EQUITES, fig. 2736, 2743]'. Cependant beaucoup plus nombreux sont les monuments sur lesquels l'épée des cavaliers est placée à droite, comme celle des fantassins 3 [EQUITES, p. 786, 788, 791]. La raison pour laquelle les soldats portaient le glaive à droite paraît être qu'en l'ayant à gauche, ils auraient été gênés par le bouclier; aussi les officiers, pour lesquels cette raison n'existait pas, ont-ils l'épée à gauche [CINGuLuS, p. 1181]. C'est ainsi que la portent les empereurs dans toutes leurs statues 4.
Les instructeurs apprenaient aux recrues à manier le glaive en se servant d'épées de bois plus lourdes que l'arme véritable. Ils apprenaient surtout à frapper de pointe. « Les Romains, nous dit Végèce, méprisaient les coups de taille. Rarement, en effet, on tue l'ennemi en frappant de taille; quelle que soit la vigueur du coup, les parties vitales sont protégées par l'armure et par les os. Au contraire, il suffit d'entrer la pointe de deux pouces pour que la blessure soit mortelle. De plus, quand on frappe de taille, le bras droit et le côté ne sont plus protégés ; au contraire les coups de pointe peuvent être donnés sans que le corps cesse d'être garanti et l'adversaire est blessé avant qu'il voie le coup 3. » Polybe donnait une autre raison : c'est que pour frapper de taille il faut un espace assez considérable. Sans cela le coup serait sans force. Par conséquent, dans les combats corps à corps, on ne peut porter que des coups de pointe
FABRICATION DES ÉPÉES. Nous avons peu de rensei
gnements sur la fabrication des épées chez les Grecs et chez les Romains. Nous savons seulement qu'elles étaient forgées comme les autres armes 7 [FERRUM]. LOS ouvriers chargés de ce travail portaient chez les Grecs le nom de cy,oupyo(, çtio7oro(, (t.«zonpoizoto(8, et chez les Romains celui de fabri s [FABER]. Les marchands d'épées s'appelaient chez les Romains negotiatores gladiarii 10. Les fabricants marquaient leur nom sur les armes qui sortaient de leur maison. C'est ainsi que, sur la soie d'une lame d'épée trouvée près de Bonn, dans le Rhin, on lit le nom SABINI (fig. 3620). La lame de cette épée est de fabrication soignée : elle est en forme de feuille de roseau, légèrement renforcée vers l'extrémité et rendue ainsi plus solide 1'. De même, sur un fourreau d'épée, on lit le
nom de l'endroit où il a été fabriqué et le nom du fabricant : »vis uE 0F, Aquis hel(veticis) G(emellianus) f(ec)it 12.
L'épée et le fourreau étaient fourbis par un ouvrier spécial appelé samiator 13
A partir du lue siècle, quand s'organisèrent les fabriques d'armes de l'État, elles furent chargées de la fabrication des épées 1b. Dans certains endroits on fabriquait toutes les armes ; dans d'autres des épées seulement. C'était le cas de la fabrique de Lucques en Italie (fabrica spatharia), et, en Gaule, des fabriques de Reims et d'Amiens 13 [FABR1cA]. Ces fabriques étaient sous la juridiction du maître des offices.
USAGES DE L'ÉPÉE. L'épée était le signe
distinctif du chef militaire. C'est pour cela que l'empereur avait toujours l'épée au côté 1G. La prise de l'épée est considérée comme l'acte par lequel le prince prend possession du pouvoirs' et le dépôt de l'épée équivaut à l'abdication 18. C'était l'empereur qui conférait aux commandants militaires le droit de porter l'épée, en particulier aux préfets du prétoire 1y, aux légats impériaux 2e et aux tribuns légionnaires21. Parfois même il accordait ce privilège à certains affranchis. Claude notamment le donna à Narcisse 22_
Le glaive n'était pas seulement une arme destinée à la guerre23, il servait aussi dans les combats de l'amphithéâtre et c'est du mot gladius qu'a été formé le mot gladiator. Les glaives dont se servaient les gladiateurs étaient de formes variées [GLADIATOR]. Les bestiaires [VENATIO] étaient aussi armés de glaives dans leurs combats contre les animaux 2i.
Plutarque 26 et Apulée 28 nous apprennent que parmi les jongleurs de l'antiquité il y en avait qui avalaient les glaives, comme les ba
teleurs de nos foires avalent les sabres. On connaît aussi la danse des épées dont parlent Platon ='7 et Xénophon 2$. Cette danse était ordinairement dansée par des femmes qui marchaient et sautaient sur les mains au milieu d'un cercle d'épées fixées la pointe en l'air [CERNUUS, fig. 1324]. D'après Tacite, cette danse était en usage chez les Germains 23. llésychius parle d'une autre danse des épées
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qu'il appelle tutc(ntdç et qui est une danse tragique'.
Enfin, sous l'Empire, le glaive devint l'instrument de la peine capitale pour les citoyens romains 2. Les sentences de mort prononcées par les gouverneurs de provinces sont souvent mentionnées dans les Actes des martyrs par des formules comme celle-ci: gladio animadverti placet 3. Il est à remarquer que ce mode de supplice n'est pas seulementusité à l'égard des soldats, mais aussi à l'égard de chrétiens qui ne font pas partie de l'armée 4. Les Institutes de Justinien et les Codes nous donnent l'indication d'un certain nombre de crimes qui étaient punis par le glaive. Ce châtiment était infligé aux adultères ', à ceux qui commettaient des actes d'immoralité contre nature C'est également la peine qui atteint les sicaires', les empoisonneurs 8, les o f ficiales concussionnaires 9, le subscribendarius et l'optio complices de ceux qui fraudent, ceux qui se font attribuer l'annone sans y avoir droit", les scribes qui, dans le même cas fournissent de faux certificats1l, les déserteursl2, ceux qui consultent les devins 13, ceux qui offrent des sacrifices aux faux dieux 1', les diffamateurs 16, les délateurs 16, ceux qui vendent un homme libre comme esclave 17, les plagiarii, c'est-à-dire ceux qui volent un homme f 8, etc. Il est à remarquer que le mot gladius désigne parfois non l'exécution par la main du bourreau, mais la condamnation à combattre comme gladiateur. Ceux qui étaient ainsi damnati ad gladium devaient périr dans l'année ts
Dans un texte d'Ammien Marcellin 20, Lindenbrog a cru voir la preuve que les vaincus, pour se rendre à la merci des vainqueurs, se présentaient à eux portant un glaive suspendu au cou, comme au moyen âge ils se présentaient « la hart au col » 21. Adrien Valois a démontré que cette opinion reposait sur un contresens".
Un autre passage du même Ammien nous montre les soldats de l'empereur Julien approchant leurs glaives de leurs cous pour signifier qu'ils sont prêts à répandre leur sang pour sa défense 23.
Gladii jus ou potestas. Le glaive étant l'instrument de supplice et le vengeur des lois, le droit de se servir du glaive devint synonyme de l'imperium merum, celui qui conférait le droit de vie et de mort". Ulpien parle à
plusieurs reprises du jus gladii dans son traité De officia proconsulis et dans d'autres de ses écrits. Il fait remarquer notamment que le jus gladii appartient aux gouverneurs de provinces 26. Ce droit implique le pouvoir de condamner ad metalla, mais non celui de condamner à la déportation. L'empereur seul peut infliger ce châtiment". Le jus gladii ne peut être transmis à un autre par celui qui l'a reçu de l'empereur'. II était donné non seulement aux proconsuls et aux légats impériaux 28, mais aussi aux chevaliers qui étaient placés à la tête de petites provinces et portaient simplement le titre de procurateurs 29. C'est par là qu'on les distinguait des procurateurs de l'ordre financier. A partir de Constantin le préfet de l'annone reçut également le jus gladii 2°. E. BEURLIER.
1. On a retracé à l'article FUNDA l'histoire et le rôle de la fronde dans les armées antiques. Les projectiles les plus communs dont on ne cessa de se servir pour cette arme de jet, même dans les armées romaines de l'époque impériale, consistaient tantôt en pierres brutes de la grosseur du poing et d'un poids parfois considérable (une mine ou 436 gr. pour les frondes baléares)2, tantôt en galets de rivière ou de plage (la
pides missiles, saxa globosa 3).
Toutefois, afin de donner au tir plus de précision, de force et de portée, on s'avisa de remplacer ces projectiles naturels par des projectiles artificiels, dont la forme, le poids et le volume étaient calculés de façon à vaincre plus aisément la résistance de l'air. Le Musée Britannique possède un certain nombre de petits fuseaux en hématite et en fer magnétique, provenant d'As
syrie et du plateau de Camiros assyriens. (Rhodes), dans lesquels on a pensé reconnaître des balles de fronde 4. Dans ses fouilles d'Hissarlik (Troie), Schliemann a retrouvé plusieurs objets analogues en hématite et en diorite vert, les uns fuselés ou amygda
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loïdes, les autres ronds, tous fort bien polis'. Il n'hésite pas à les qualifier de balles de fronde, bien que la taille de matières aussi dures pour un usage aussi éphémère représente un travail hors de proportion avec les services qu'on en pouvait attendre. Je croirais plutôt que ces objets ont dû servir d'amulettes et qu'il faut les ranger dans la catégorie des céraunites ou pierres de foudre, si recherchées des anciens pour leurs propriétés
merveilleuses [FGLMEN] 2.
On a, avec plus de raison, attribué la qualité de balles de fronde à des boulets de terre cuite (glandes latericiae) de la grosseur et de la forme d'un petit oeuf de poule. Des lots en ont été retrouvés à Henna en Sicile 3 et, plus récemment, sur l'emplacement d'anciens fours à poteries à. Djebel-Ahmar, près le Belvédère à Tunis', et dans les fouilles du P. Delattre à Carthage 5. Celles d'Henna portent d'un côté un emblème, de l'autre une inscription ; mais elles ne paraissent pas toutes être des balles de fronde. Par leur légèreté relative 6 et leur fragilité, ces projectiles, qui semblent être d'invention carthaginoise, ne pouvaient guère produire d'effets meurtriers. Peut-être étaient-ils surtout employés à la chasse aux oiseaux, ou pour les exercices de tir, ou bien, à la guerre, dans certains cas particuliers. César' raconte que les Nerviens lancèrent sur son camp des grenades d'argile cuite et rougie au feu (ferventes fusali ex argilla glandes) pour incendier les huttes de ses soldats couvertes en chaume.
II. Mais le progrès le plus notable fut réalisé par l'invention des balles en plomb : outre que cette matière pouvait être facilement coulée 8, sa densité assurait aux projectiles des qualités balistiques qui firent de la fronde et du x0-rpo;9 des armes de jet supérieures à l'arc et au javelot1e. Le métal a donné son nom au projectile: N.o)`ueô(;, go)eleSatva, en latin glans, glans plumbea, plumbum ". Il
ne paraît pas qu'on se soit ordinairement servi de bronze; c'est par erreur qu'on a cru reconnaître le bronze dans certains spécimens qui étaient réellement en plomb n. On ne saurait déterminer la date où ces projectiles perfectionnés commencèrent à être employés. Les marchands d'antiquités d'Athènes indiquent volontiers le champ de bataille de Marathon comme provenance de certaines balles de fronde dont ils pensent ainsi rehausser la valeur; mais ce témoignage est très suspect, et rien ne prouve jusqu'à présent que les balles en plomb aient été connues en Grèce dès le ve siècle. Du passage de l'Anabase 13 où Xénophon vante les merveilleux effets des balles de plomb employées par les frondeurs rhodiens, on pourrait conclure qu'il s'agit d'une innovation dont les Rhodiens furent les premiers auteurs et qui se pro
pagea ensuite dans tout le monde grec, pendant le Ive siècle. Il est très remarquable que les anciens soient arrivés d'emblée à
adopter la forme et les dimensions que les inventeurs modernes n'ont retrouvées qu'après de longs calculs, pour donner à ce genre de projectiles le maximum de puissance dynamique. Les études mathématiques de MM. Semper et René Kerviler à ce sujet sont très démonstrativesi4.
En effet, à la forme sphérique l'expé
rience ou le calcul firent préférer la forme ovale qui rappelle celle d'une amande, d'une grosse olive, d'un pruneau ou d'un gland. En général, la partie renflée présente deux méplats, de sorte que la section transversale paraît elliptique et non circulaire ; les extrémités sont plus ou moins pointues ; souvent l'une est plus effilée que l'autre, comme si elle était plus particulièrement destinée à frapper. Quelques spécimens ont les côtés plats comme deux pyramides jointes à la base"; d'autres sont munis de poin
tes de fer (aculeus glandis 76)
(fig. 3622). Les calibres, très variés, oscillent entre 0m,040 et 0m,065 de longueur, sur 0m,014 à 0m,030 de largeur. Mêmes différences dans les poids. Vischer" a relevé sur 84 pièces des poids variant de 22gr,80 à 136gr,80. Proba
blement, de même que les Baléares se servaient de frondes de différentes longueurs suivant que le but était plus ou moins éloigné 16, on employait, suivant les cas,
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des projectiles plus ou moins lourds. Leur force était échelonnée à la façon des plombs de numéros différents, dont se servent les chasseurs modernes. Les poids moyens paraissent se tenir entre 30 et 40 grammes, comme celui des balles de fusils modernes à gros calibre.
Les balles étaient coulées dans un moule d'argile, tel que celui que représente la fig. 3623 ; l'original se trouve au Musée de l'Ermitage à Saint-Pétersbourg Le moule complet se composait de deux demi-creux semblables, qu'on faisait coïncider pour la coulée et qu'on séparait ensuite; on pouvait couler d'un seul coup plusieurs balles; elles sortaient du creux reliées par des tenons qu'il était facile d'inciser. Les légendes ou emblèmes étaient gravées en creux dans le moule, de fo çon à ressortir en relief sur les faces des balles. Comme il fallait prendre la précaution de graver les lettres dans le moule en sens inverse de leur position réelle, des oublis et des erreurs ont produit les mêmes irrégularités épigraphi ques qu'on constate si souvent sur les marques d'amphores, de lampes, etc. (lettres renversées, tournées de droite à gauche
(fig. 3624), etc.) 2.
III. Ce sont ces inscriptions et ces emblèmes qui font, pour l'archéologue et l'historien, le principal intérêt des balles de fronde et donnent à celles-ci une valeur documentaire. Très souvent il y a absence complète des unes et des autres ; parfois l'une des faces seule est lisse, l'autre porte un emblème ou une inscription ; tantôt il y a des emblèmes des deux côtés, ou bien des inscriptions sans emblèmes. Ceux-ci représentent soit les armoiries de la ville, comme celles qui se gravaient sur les monnaies ou les boucliers (palme', cheval', bucrane étoile 6), soit un symbole des propriétés meurtrières du projectile (aigle
tenant un foudre 7, foudre ailé ou non ailé 3, trident', pointe de lance 10, poignard 1, scorpion (fig. 3625)12, serpent 13), sans qu'il soit toujours possible de leur reconnaître l'un plutôt que l'autre de ces caractères. On trouve aussi des emblèmes tels qu'un phallus, dont le caractère facétieux est souligné par l'inscription 14
Les inscriptions se ramènent à plusieurs catégories: 1° Nom ou monogramme de l'État b elligérant ou qui a fait fondre les projectiles: il devait être au génitif, sur les balles grecques, comme sur les monnaies : t. ou 'AOs (v2(wv)1J, p«
2° Le nom du chef de l'armée, au génitif et très rarement au nominatif, sur les balles grecques ; au nominatif
'e..
DYPTÀ
L. Piso. L. f. cos,. 30. Cn. 111ag(nus) imp(erator) 31
M. Fer(i)d(iu)s 32, tribunus) mil(itum) l(egionis) XI.
30 Le nom de la légion :
4° Apostrophe ou recommandation au pro
jectile : Eû rxcivou 3' (loge
toi bien) (fig. 3625) ; Feri Pomp(eium36 Strabonem).
5° Invocation aux
dieux: NEriE Ai0ç 30, N(xr, M«TEOwv 37. Aucune invo
cation de ce genre n'a été trouvée sur des balles romaines.
6°Apostrophe facétieuse menaçante ou injurieuse
à l'adresse de l'ennemi : TNwyciltcy (bonbon) 33; Tp iyE (avale) 33; ~PirEyE'0 (gare à toi) ; ô€ç«t'1 (fig. 3628), ).CE'2
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(attrape ça), Accipe 1. Fugitivi peristis (mort aux fugitifs !) 2; 7aurum vores malo, Ï amen evomes manient 3. Fulviae [la]ndicam peto 4 ! Pet() Octavia [ni] culum l L. A(ntoni) Ealve(et) Fulvia culum pan(dite) 6 l Perlinacia vos radicitu [s] tol[l]et7 !
La verve soldatesque se donnait carrière dans ces devises; mais les faussaires lui ont prêté d'autres libertés que certains érudits ont eu le tort de prendre au sérieux. Les balles de fronde d'Ascoli obtinrent un instant de célébrité, grâce à l'habileté de la contrefaçon et aux ouvrages d'Ernest Desjardins 3, qui en a publié plus de 600, et de Théodore Bergk9. Leur authenticité, suspectée par d'autres savants, a été discutée à fond et pièces en main par Zangemeister70. Sa minutieuse enquête a rendu leservice de déblayer ce petit coin de science des scories qui l'encombraient. Nous renvoyons au précieux répertoire de l'Ephemeris Epigraphica le lecteur désireux de connaître le détail de toute la polémique, les procédés de la contrefaçon, les signes qui permettent au collectionneur de discerner les pièces authentiques des pièces fausses 1t.
Les inscriptions authentiques creusées à la pointe sur les balles de fronde sont très rares 12. Cependant on se servait de ces projectiles, ainsi que des flèches, pour faire parvenir des messages à une ville assiégée ou pour envoyer des renseignements à l'ennemi (glans inscripta'3). En soi, la surfrappe des balles de fronde, ramassées par ceux qu'elles devaient atteindre, surchargées de légendes nouvelles, puis relancées au premier envoyeur n'a rien d'invraisemblable. Mais les faussaires ont abusé de ce procédé, et parmi les balles qu'on croyait avoir servi successivement aux deux adversaires aucune n'est reconnue authentique. Toutefois, les légendes des balles de fronde ont pu fournir d'utiles indications sur l'histoire de certains sièges comme celui d'Asculum pendant la guerre sociale en 89-88, et celui de Pérouse en 40 av. J.-C. Les trous qu'on observe sur plusieurs balles et qu'on croyait destinés à recevoir des billets, ont, d'après Zangemeister, été percés par les paysans pour porter la balle en amulette 14.
Il n'y a pas de différence notable entre les balles grecques et les balles romaines; celles-ci sont souvent plus allongées et moins régulières. C'est sans doute vers l'an 189 av. J.-C. que l'usage des balles de fronde s'intro
IV.
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duisit dans les armées romaines par l'intermédiaire des auxiliaires achéens. La dernière mention qui en soit faite par les auteurs se trouve dans Tacite pour l'an '70 ap. J.-C. 1K. La plus ancienne des balles romaines porte le nom de L. Piso consul en l'an 621 de )tome 16; les plus récentes datent de la guerre de Pérouse. Celles qui portent des inscriptions de l'époque de Trajan, de MarcAurèle et même de Constantin sont l'oeuvre des faussaires 17. En effet, sans doute par économie, on semble avoir abandonné à l'époque impériale l'usage des balles de fronde. Sur la colonne Trajane 13, dans Végèce 12 et dans le discours d'Hadrien aux troupes de Lambèse (128 ap. J.-C.) 2° il ne s'agit que de pierres lancées par les frondeurs. Toutefois le biographe de Septime-Sévère21 raconte qu'à la bataille de Lyon contre Albinus, en 197 de notre ère, l'empereur resta comme mort ictu plumbeae, sans qu'on puisse déterminer s'il s'agit d'une balle de fronde ou d'un coup de masse d'armes.
Celse (IeC siècle ap. J.-C.) étudie les plaies contuses causées par les balles de fronde".
Les anciens avaient observé que les balles en plomb s'échauffaient brusquement au choc des armures. La science admettait même que le plomb pouvait se liquéfier dans sa course rapide 23 et les poètes popularisèrent cette croyance 24.
Pour les projectiles des machines de guerre, boulets
de pierre ou de métal, voyez TORMENTA. G. FOUGÈRES,