Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article GLAUCUS

GLAUCUS. -Ce nom a été porté par plusieurs héros grecs dont la plupart n'offrent qu'un intérêt mythologique ou littéraire. Le seul qui doive prendre place ici est Glaucus le Marin (7r6o'rtoç, Oaacrtio;), objet d'une lé gende nautique qui, après avoir joui d'une grande popularité dans les îles des Cyclades et sur les côtes helléniques, fut exploitée avec faveur par la littérature et ne cessa de figurer chez les poètes jusqu'aux derniers temps de la latinité classique. La légende de Glaucus paraît originaire d'Anthédon, petit port sur les rives béotiennes de l'Euripe ; il fut,. disait-on, un pêcheur de cette ville, fils du héros éponyme et d'Alcyoné ; nous le retrouvons encore, le plus souvent avec des généalogies différentes, à Délos, à Naxos, au promontoire Malée, à Gythium sur les côtes de la Laconie, en Étolie, où il prend les allures d'un 203 GLA 1612 GLA chasseur; dans l'isthme de Corinthe où sa personnalité se confond avec celle d'un autre Glaucus, fils de Sisyphe. On rencontre enfin ses traces chez les Ioniens d'Asie Mineure, dans la Chersonèse des Rhodiens et même chez les Iapyges A Anthédon il était présenté comme un simple mortel qui devint dieu marin pour avoir goûté d'une herbe magique dont le contact rendait la vie aux poissons, étendus morts sur le rivage (un poisson très estimé des gourmets portait son nom 3). C'est après avoir absorbé cette herbe qu'il se serait jeté dans la mer, du haut d'un rocher qui, au temps de Pausanias encore, s'appelait le Saut de Glaucus". Ailleurs on expliquait ce saut par le désespoir qu'aurait ressenti le héros de n'avoir pas, avec l'immortalité, obtenu l'éternelle jeunesse; ailleurs encore par le désir qu'il aurait eu de prouver à ses concitoyens incrédules son immortalité même Une fois rentré au sein des flots, il y devient le familier de Nérée et des Néréides, un ôu(ll.tuv 7tp67toÀs; de Poséidon et d'Amphitrite Des vases peints nous offrent peut-être la scène de son admission parmi les divinités marines' ; sur l'un il a les dehors d'un pêcheur, en tunique courte, à la face juvénile ; Poséidon assis sur son trône, le trident à la main et le diadème en tête, l'accueille d'un geste amical ; derrière le trône, Amphitrite debout lui tend une guirlande ; l'autre le représente, toujours jeune et imberbe, en tunique longue, portant lui-même la couronne et dans la main gauche une plante marine. C'est Amphitrite assise sur le trône qui lui tend la guirlande, symbole d'immortalité, tandis qu'une Néréide, peut être Ino, lui offre dans une patère le vin qu'elle vient de verser avec une œnochoé. Les matelots et les pêcheurs se figuraient Glaucus tout autrement'; il est à leurs yeux un vieillard triste et hirsute. Ils disaient qu'une fois l'an Glaucus visitait peudan tla nuit toutes les mers, toutes les îles, tous les rivages, se plaignant de ne pouvoir mourir et faisant entendre de sinistres prophéties. Blottis dans le creux de leurs .barques, ils cherchaient à conjurer son influence funeste par le jeûne, par la prière et les sacrifices; quand ils échappaient à la tempête, ils lui vouaient une boucle de leurs 'cheveux Ils le traitaient du reste avec une sorte de familiarité bourrue, l'appelant le Vieux tout court et le sommant sans façon de leur livrer ses secrets; ils se louaient de la facilité avec laquelle il se laissait aborder, mais n'attendaient rien de bon de ses présages 10. Ses oracles le rendirent célèbre même sur le continent; un poète fait d'Apollon son disciple et Virgile lui donne la Sibylle de Cumes pour fille Ces oracles avaient surtout trait aux dangers et aux hasards de la navigation, mais on les étendait à tous les événements de la vief2. Il n'est pas difficile de démêler l'idée qui fait le fond de ces imaginations diverses; Glaucus est la personnification du flot où se réfléchit l'azur du ciel; il existait déjà chez Hésiode une nymphe Glaucé qui avait la même signification; il représente surtout la perfidie souriante de la mer (pellacia ponti) qui recèle mille dangers, avec la voix mystérieuse des vagues et du vent, qui tantôt gémit comme une plainte, tantôt gronde comme l'annonce du malheur" A ce dieu les marins prêtaient diverses aventures amoureuses, lui faisant jouer vis-à-vis des Néréides le rôle que Pan remplit avec les Nymphes des bois14. Ses amours sont généralement malheureux. Ainsi il s'éprend de Scylla qui n'est alors qu'une belle vierge de la mer; comme elle le dédaigne, il obtient de Circé qu'elle soit changée en monstre redoutable, et il n'en continue pas moins de l'aimer '°. Il n'est pas plus heureux avec Ariadne, quand Thésée la délaisse à Naxos; Bacchus en effet lui dispute l'héroïne, l'enchaîne lui-même, avec des pampres et le contraint à livrer ses secrets 1G. Cette scène, que l'art et la poésie ont idéalisée, semble avoir fourni des traits à Virgile pour l'épisode de la rencontre d'Aristée et de Protée 17. Il y a d'ailleurs des ressemblances profondes entre les deux vieillards de la mer, Protée n'étant guère que la doublure de Glaucus, avec le don de la métamorphose en plus. Sur les côtes de la Carie, Glaucus est l'amant de la nymphe Symé, qu'il ravit et avec laquelle il habite l'île de ce nom18; ailleurs il est mis en rapport avec Ino, Palémon 19 et surtout avec le beau Mélicertes. Les poètes lui ont donné un rôle clans l'expédition des Argonautes; les monnaies (fig. 3629) et les gemmes où il figure avec des attributs guerriers s'insFig. 3629. pirent de cet épisode20. Chez Euripide, il rie,. apparaît à Ménélas doublant le cap Malée au retour de Troie et lui fait entendre des oracles qui ne sauraient tromper21. Sur le continent, Glaucus n'est devenu populaire que par les poètes ; Pindare, qui a dû apprendre à le connaître par Myrte* sa nourrice, originaire d'Anthédon, est le premier qui l'ait nommé". Les trois grands tragiques semblent avoir à tour de rôle exploité sa légende; il existait d'Eschyle un drame satyrique, faisant suite à la trilogie des Perses, dont il paraît avoir été le héros, sous le titre de Pnavxo; IIov'rto;; comme il y a dans le répertoire du même poète une tragédie dont le héros était Glaucus de Potnies, fils de Bellérophon, que l'absorption d'un breuvage de miel ramena du monde des morts, comme d'autre part un troisième Glaucus, fils de Minos et de Pasiphaé, jouait un rôle dans la tragédie des Crétoises, il y a là matière à discussions et à conjectures qui ont fort exercé les érudits23. Ce dernier Glaucus semble avoir défrayé également Sophocle et Euripide, GLA 1613 GLI peut-être même Aristophane. Il fut en faveur chez Ies orphiques, qui accommodèrent sa légende à leurs doctrines sur l'immortalité des âmes et sur la résurrection Nous avons déjà remarqué que Glaucus le Marin n'a point dans l'art grec de figure bien arrêtée ; tandis que les vases à figures rouges où il apparaît tout d'abord nous l'offrent sous des traits juvéniles, ne le rendant reconnaissable que par l'entourage et par la plante marine qu'il tient à la main, les artistes plus récents, d'accord avec la légende populaire, accentuent tout autrement ses traits. Le passage célèbre de la République de Platon où on compare à Glaucus l'âme humaine couverte des souillures qu'entraîne son association avec le corps, nous le présente comme un monstre dont les flots ont déformé la nature première ; il porte incrustés dans son corps des coquillages, des varechs et des galets 2. Pour Eschyle, il est un monstre à face humaine, c'est-à-dire un homme par le buste et par le bas du corps un poisson, comme les Sirènes et autres créations semblables 3. Ainsi nous le montre une fresque (fig. 3630), en tête à tête avec Scyllaµ_ Le long appendice caudal qui se relève en spi raies au-dessus des flots fait partie du costume avec lequel les tragiques le présentaient sur la scène 5. Une pierre gravée qui ne nous donne que sa tête le coiffe d'une nasse d'où pend à la partie postérieure un poisson à larges écailles, la tète en bas Il est possible que le buste colossal du Vatican, découvert entre Pouzzoles et Haïes, qui représente un dieu marin à l'expression mélancolique, aux cheveux et à la barbe épaisse, aplatis par l'eau, où sont entrelacés des raisins de mer et des têtes de dauphin, au front cornu, au visage et à la poitrine couverts d'écailles discrètement indiquées, nous rende le type de Glaucus dans son expression la plus raffinée 7. Un tableau dont parle Philostrate l'entourait d'alcyons ; ailleurs il est suivi de monstres marins, aux types variés8. Il semble qu'on lui ait prêté une danse spéciale qui, après l'avoir approprié au drame satyrique des Grecs, l'a désigné comme un héros pittoresque aux auteurs de ballets mythologiques chez les Romains'. J. A. IIILD. GLEBA. Impôt établi au bas-empire sur les immeubles des sénateurs de la capitale (praedia senatorum). Outre le nom de gleba', on lui donnait aussi ceux de follis2 ou collatio glebalis, senatoria gleba, etc. Les sénateurs peu aisés remplaçaient la gleba par une capitatio de sept solidi3. Mais, en général, les membres du sénat devaient déclarer avec détail (glebalis descriptio, professio) leurs possessions aux censuales, sous peine de confiscationµ, et ceux-ci déterminaient le montant de la cote qui devait être recouvrée par les autorités locales 5 c'est-à-dire jadis par les employés du gouverneur de la province, apparitores rectorum ou officia [HECTOR] ; plus tard, la perception de la senatoria functio fut confiée aux curiales, c'està-dire aux membres du conseil municipal [cuRIALIS]. Suivant l'étendue et la valeur de leurs biens 7, les sénateurs étaient partagés en trois classes, dont la première devait huit, la deuxième quatorze et la dernière deux livres d'or à 72 solidi. Ceux qui n'avaient pas d'immeubles payaient deux folles ou livres d'or 8. Pour protéger leurs intérêts' contre des exigences excessives, les sénateurs se nommaient dans chaque province un DE GLIRARIUAI. Réserve où l'on élève des loirs (glires, Les loirs étaient un mets recherché des Romains Une loi somptuaire qui le proscrivit' avec d'autres (en 115, ou peut-être en 78 av. J.-C.), n'en put faire abandonner l'usage. On ne se contenta pas de chasser ces animaux comme un gibierµ ; on en éleva. G. Fulvius Lupinus (ou IIirpinus) en donna le premier l'exemple; c'était un contemporain de Varron lequel explique comment on s'y prenait'. On retient les loirs, dit-il, dans un parc entouré de murs aux parois polies, afin qu'ils ne puissent s'échapper, et rempli des arbres don t ils aiment les fruits, faînes, glands, châtaignes ; au moins le clos en doit-il être abon GLU 1614 GLU damment fourni, si les arbres n'en portent pas. Dans ceux-ci ils doivent trouver des cavités où ils puissent mettre bas. Il leur faut peu d'eau, car ils n'en usent guère et aiment habiter un endroit sec. On fit mieux : comme on avait remarqué que les loirs engraissent l'hiver pendant le temps qu'ils passent à dormir dans le creux des arbres 1, on fabriqua des vases (doua) dont les flancs étaient garnis à l'intérieur de côtes par où les loirs pouvaient cheminer et de cavités où ils déposaient leur nourriture. On conserve au musée de Naples des vases de cette espèce (fig. 3631), où les sail lies forment de trois à cinq étages, avec de petites ouvertures qui y correspondent au dehors Après y avoir amassé une provision suffisante, on y enfermait les loirs dans l'obscurité et ils y engraissaient. Plus ils étaient gras, plus on les estimait. Quelquefois on apportait des balances dans les banquets pour en faire constater le poids a.