Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article GORGONES

GORGONES (Popyc1, plus rarement loîyccv; Fopydve;, plus rarement Pooyo( et PopyE(ot). I. DANS LA MYTHOLOGIE. Les Gorgones étaient filles de Phorkys et Kèt6', et soeurs des Grées'. C'étaient trois GOR 1616 GOR monstres.D'eux d'entre elles avaient le don d'immortalité Sthénô et Euryalè. La troisième, Méduse, était mortelle. C'est elle que la légende et l'art ont rendue particulièrement célèbre et fait appeler par excellence la Gorgone. Les trois démons résidaient aux extrémités occidentales de la terre, près des enfers'. Leur vague patrie, la terre des Ilespérides2, était située aux confins de la Libye3. Méduse avait la figure d'une laideur repoussante4 en sa forme ronde 5, avec un nez camard, une bouche immense, munie de dents longues comme des défenses de sanglier '. Ses ailes puissantes 7 étaient d'or 8, ses mains d'airain' ; d'airain était sa chevelure 10, où se dressaient des serpents 1t, comme à sa ceinture 12. Mais ses armes les plus redoutables, c'étaient ses yeux grands ouverts qui lançaient des éclairs 13 et pétrifiaient ceux qu'ils fixaient 14. La Gorgone n'en eut pas moins pour amant Poseidon : elle s'unit à lui « dans une molle prairie parmi les fleurs printanières i5 ». Courtes amours, que suivit de près la mort. D'après une légende attique,Athèna l'immola dans la Gigantomachie 1" et mérita, avec le surnom de Fopyoydvrl17, le trophée fixé sur son égide. Une variante, qui n'a pu être imaginée avant la fin du ve siècle, fait succomber Méduse à la jalousie de la déessel8. Dans la légende argienne, communément admise, elle tombe sous les coups de Persée. Conduit par Hermès et Athèna, le héros destructeur s'empare d'abord de l'unique dent et de l'mil unique dont disposaient à tour de rôle les Grées ; il promet de leur en faire la restitution, si par elles il obtient la sombre coiffure (xuv€r,), les sandales ailées et la besace (x.Ptrtç) dont il a besoin 13. Une fois prêt, il attend que Méduse soit endormie auprès de ses soeurs, se jette sur elle et lui tranche la tête. Du cou ensanglanté sortent sur le champ Pégase et Chrysaor 20. Mais Sthénô et Euryalè s'éveillent. Voyant leur soeur morte, elles poussent un cri affreux" ; elles courent, elles volent, elles poursuivent le meurtrier. Il vole, lui aussi, invisible'', et s'échappe. Il emporte dans sa besace la tête de Méduse 23. La puissance du démon passe à son vainqueur : Persée devient invincible. La tête de Méduse à la main, il délivre Andromède 24, se débarrasse de Phineus et de ses complices 25, pétrifie Polydectès 2". Cette arme merveilleuse, il l'offre à Zeus ouà Athèna. Malgré l'autorité d'Homère 27, l'attribution à Zeus n'eut aucun succès 28. Athèna reçut l'égide dé Persée ou de Zeus29 [AEGIS]. Elle la portait déjà sur quelques monuments du vie siècle" ; quand elle la garda définitivement, dans le courant du ve, elle y fixa pour toujours le Gorgonéion. Ce fut pour la déesse un attribut sacré". Elle est la yopyw7stç 32, elle est I'opytû elle-même 33. Dans la mythologie, elle pétrifie ses ennemis 34; dans les temps historiques, on raconte qu'entrant de nuit dans le temple d'Athéna Itônia, la prêtresse vit sur le chiton de la déesse la tête fatale et tomba rnorte 95. La tête de Méduse fut le plus efficace des «7t orpG7tz;Lt3G Argos se vantait de la posséder, enfouie sous un tumulus en pleine agora 37. Tégée se disait imprenable depuis qu'elle était protégée par une boucle des cheveux de Méduse 38. Chaque goutte de son sang fut capable ou de tuer ou deguérir39. De quelques gouttes répandues sur le sol naquirent les bêtes féroces 46 et les serpents venimeux 41 de la Libye. Sur l'interprétation à donner au mythe des Gorgones déjà l'antiquité émit plusieurs hypothèses. Les évhéméristes n'étaient guère d'accord que pour placer la patrie des monstres en Libye 4:, Les uns faisaient de Méduse une reine, tuée par un conquérant" ; d'autres voyaient en elle le symbole de la laideur ou de la beauté" ; d'autres encore identifiaient les Gorgones avec les bêtes extraordinaires que les Carthaginois avaient aperçues à l'intérieur du continent;". Ces explications ont été reprises de nos jours 4"; mais, en général, on a donné au mythe un sens naturaliste. Longtemps a prévalu l'opinion des orphiques 47 : on donnait le Gorgonéion comme l'image de la lune et la légende de Méduse comme un mythe lunaire48. Aujourd'hui 49 on croit volontiers à un mythe météorologique 50. Ces monstres horribles et sombres n qui vivent parmi les ténèbres de l'Occident 52, ce sont les nuées d'orage. Leur colère, c'est le tonnerre et l'éclair. Leur nom même, dit-on 53, fait allusion au même phénomène que le cri jeté GOR 1617 GOR par les Gorgones voyant leur soeur morte On voit pourquoi l'une est la « Forte», et les deux autres « Celle qui saute au loin' » et la « Sauteuse' 11; on comprend ce que signifient leurs grincements de dents4, leur langue tirée, les ailes qui leur font fendre l'espace. Les anciens croyaient que la foudre pétrifies; les regards de Méduse pétrifient en foudroyant. La victoire de Persée est celle du héros solaire qui tue le démon de l'orage. La naissance de Chrysaor et de Pégase rappelle la naissance d'Athéna : quand la nuée se fend, il en jaillit le génie de l'éclair au glaive d'or et le cheval ailé du tonnerre dont le sabot ouvre la source des eaux célestes 6. Il est tout naturel que Pégase apporte à Zeus la foudre', que Zeus porte le surnom de Chrysaoréen 8, que la tête de Gorgone soit un prodige de Zeus alyioyo; et devienne l'attribut de la déesse issue de la tête de Zeus. Cette exégèse est incomplète : elle ne se contredirait pas, si elle montrait encore dans les Gorgones des démons de la mer'. En cette qualité, elles ressemblent fort aux Grées. Elles sont issues des mêmes génies marins10 et habitent le même pays 11. Les Grées, il est vrai, n'étaient que deux dans la théogonie hésiodique, et on les représentait comme des vierges « aux belles joues », habillées de clair et dont les cheveux étaient blancs dès leur naissance. Mais on compléta la triade i' : Ényo, Pephrèdo, Deino 13 eurent alors un corps de cygne, avec un seul oeil et une seule dent pour elles trois 14 Le mythe des Grées a donc subi de plus en plus l'influence de celui des Gorgones 16. Les Grées n'en restent pas moins, par essence, des démons de la mer (0aaâac »; acciv.ovE;) i6, et si les Gorgones leur ressemblent, c'est par la communauté d'une existence océanique. Méduse est aimée de Poseidon : c'est dire que les Gorgones sont des nuées d'orage qui se forment sur la mer. Le masque du Gorgonéion doit être considéré indépendamment de la Gorgone. Il est avant tout un de ces amulettes qui préservent du mauvais oeil [ASIULETUM, FASCINUM] 17. Tous les peuples primitifs 16 imaginent ainsi des monstres dont la tête grimaçante met en fuite les malins génies. Le Gorgonéion prophylactique accompagne les Grecs et les Romains dans tous les actes de la vie. Ils le portent sur leurs vêtements 19 et leurs bijoux, sur leurs armures et leurs harnachements 20, sur leurs instruments et leurs outils ; ils en ornent meubles, horloges 21, lampes et vases ; ils le multiplient à l'intérieur et à l'extérieur des maisons privées et des édifices publics, l'appliquent sur les navires 22, le consacrent dans les temples23; l'image protectrice se retrouve sur les monnaies, les tablettes judiciaires24, les phalères2J; mais c'est sur les tombes et à l'intérieur des tombes qu'ils aiment surtout à placer ce signe de préservation. Pratique universelle, invétérée ! Le christianisme même n'y put rien : à l'époque byzantine on portait encore sa pierre magique à tête de Méduse, quand on avait peur de la goutte ou de la colique2G Comme erroTFdxtxtov, le Gorgonéion a eu, à l'origine, des rapports avec les divinités chthoniennes". Dans l'Odyssée 28, Perséphonè envoie la tête du monstre à ceux qu'elle veut faire périr; d'après une légende étolienne29, la Gorgone a résisté à Héraclès dans les enfers. Mais c'est avec Apollon, le dieu Tco.rOIratoç, que l'emblème prophylactique est surtout en relation étroite 30. L'Apollon de Iliéropolis portait un Gorgonéion3'. Les monnaies montrent le Gorgonéion accompagné d'Apollon32 ou de ses emblèmes33, ou alternant avec lui 3'. Très souvent le Gorgonéion est associé aux animaux chers à ce dieu. Sur un bronze3J, il a des têtes de bélier en guise d'oreilles : comme pour expliquer cette bizarre conception, le masque de Gorgone et la tête de bélier se trouvent ensemble sur de nombreux monuments 36 et décorent la base d'une statue d'Apollon 37. Le Gorgonéion est figuré avec le lion 38, dont la crinière est l'emblème du soleil. Il paraît en compagnie de cygnes" sur des'vases 40, sur des sépulcres et sur des monnaies où ce double attribut est parfois expliqué par la présence d'Apollon41. Partout, en tout temps, il est joint au griffon. Il est associé à la figure du soleil sur un médaillon de bronze du musée de SaintGermain 42. Enfin il se voit quelquefois au centre du triquètre. Le plus ancien exemple d'un Gorgonéion ainsi placé nous est offert par des monnaies de Syracuse frappées sous Agathoclès (317-310) 43. Ce type monétaire, répandu en Sicile", y fut conservé à l'époque romaine 46 et se propagea en Zeugitane 46 et en Bétique 47. Le Gorgonéion GOR 1618 GOR sert donc à compléter le sens symbolique du triquètre, emblème du soleil, attribut d'Apollon : sur une pâte de verre et sur une pierre gravée', une petite figure d'Hélios estplacée au-dessus d'un triquètre à Gorgonéion. Ainsi les Gorgones sont en rapports continuels avec Apollon, et il semblait naturel aux Grecs que leur puissance tutélaire s'étendît sur le siège le plus sacré du dieu, sur l'omphalos de Delphes2. H. DANS L'ART. Les origines. Cette figure gri maçante que les Grecs appelèrent Gorgonéion leur était connue avant d'être réservée aux Gorgones. Elle était commune à toute une catégorie de génies. Sur le coffre de Kypsélos une Kère aux dents bestiales', une fris « à la face immonde. n portaient toutes deux le Gorgonéion 5; mais pour rendre la Kère reconnaissable sous cette forme, l'artiste avait dé la désigner par son nom. Sur un vase étrusque 6 est peinte une Harpyie avec un corps d'oiseau surmonté du Gorgonéion. Dans Eschyle, les personnages qui voient les Érinyes, les prennent un moment pour des Gorgones et ne les en distinguent qu'à l'absence des ailes On voit des Érinyes de ce type par bandes sur de vieux bronzes 8 : sans ailes, elles ont des têtes de Gorgones du type primitif sans serpents et sans barbe. L'Étrurie a souvent donné aux démons la figure des Gorgones. Tantôt c'est un démon mâle, portant un félin de chaque côté sur l'épaule et le bras9, ou coiffé d'un bonnet sous lequel semblent se dresser des oreilles d'animal 10. Tantôt c'est un démon femelle, dans la pose indécente de Baubo, qui étrangle de chaque main un lion". D'origine orientale, ces personnages se sont affublés du Gorgonéion hellénique. On a cru 12 saisir des rapports plus étroits entre la légende de Méduse et certains Centaures dont la tête est figurée par le Gorgonéion à serpents"; mais ces images ne sont.encore que des combinaisons dues à l'imagination fantasque des Étrusques. Le Gorgonéion n'est donc pas inséparable de la Gorgone. Lorsqu'on recherche hors de Grèce les origines de ce motif, il n'y a pas à se préoccuper de rapports mythologiques à établir entre la Gorgone et les génies exotiques qui lui ont, pour ainsi parler, prêté leur tête. Les Grecs ont reçu un masque tout fait : ils l'ont essayé à plusieurs démons avant de trouver celui qui devait le garder. C'est en Orient qu'il faut chercher ce prototype du Gorgonéion. Il suffirait, pour s'en assurer, de remarquer l'origine des masques monstrueux qui ressemblent à celui de la Gorgone. Longtemps on a pris pour le plus ancien exemplaire de Gorgonéion le masque qui décore un bouclier sur un vase de Mélos'"; mais à mieux considérer, la largeur du cou, la mâchoire inférieure, le cercle de rayons qui figure la crinière, on y reconnaît la tête de lion'6. C'est le dldeog à tête de lion représenté sur le coffre de Kypsélos 76; c'est, en raccourci et de face, le démon à mufle de lion qui est sculpté sur un bas-relief de Cappadoce 17 ; c'est un monstre assyrien. On a encore voulu ramener la Gorgone au type de Bès te. Ce nain " trapu, ventru, barbu, muni de longues oreilles, hideux avec sa bouche large ouverte et sa langue tirée V0, presque toujours pris de face, avec des serpents", les mains retombant sur les cuisses torses, les épaules couvertes d'une peau de félin, présente bien des traits communs avec la Gorgone 22. On a pu, d'ailleurs, le suivre d'Égypte 2' en Phénicie et/en Grèce 2+. La différence de sexe ne constituerait pas une objection irréfutable : la Gorgone porte souvent la barbe ; d'autre part, Bès, symbole de l'Orient, est accompagné d'une parèdre" symbole de l'Occident 26. Cependant ce n'est qu'à Cypre, en Sardaigne, en Étrurie, dans les pays longtemps soumis à l'influence simultanée des Grecs et des Phéniciens, qu'on observe une fusion intime entre les deux types. Souvent alors le Gorgonéion emprunte à Bès ses oreilles de bête. Sur la schenti d'une statue découverte à Golgos21, est sculpté un Gorgonéion qui a pris à Bès les oreilles placées haut et nullement humaines. Les mêmes oreilles singularisent des Gorgonéions sur un petit sanctuaire en argile provenant de Tharros 28, sur des vases en bucchero à reliefs L9. Le Louvre possède, sur une plaque de bronze", un génie grimaçant : ses oreilles prouvent, aussi bien que sa course dirigée vers la gauche, que ce n'est pas la Gorgone des Grecs. C'est chez les Hittites qu'on trouve le prototype du Gorgonéion Ce peuple gravait volontiers sur ses inscriptions un masque à la langue pendante n. Le costume des plus anciennes Gorgones et leurs talonnières se retrouvent sur les monuments hettéens3s Il semble que la légende des Gorgones ait d'abord été connue des Grecs établis à Cypre, et que le Gorgonéion soit arrivé sur le littoral grec d'Asie Mineure par les plateaux de l'intérieur. Un vase archaïque de Tamassosn représente, à côté d'une scène de chasse peinte d'après un modèle hittite, une scène de meurtre où il est difficile de voir autre chose que Méduse tuée par Persée ; mais la tête, présentée de profil et couverte d'une coiffure indigène, n'est pas le Gorgonéion. C'est la Phrygie qui GOR 1619 GOR nous offre la première effigie du Gorgonéion placé sur le cou de Méduse. L'art phrygien, dérivé de l'art hittite', a placé audessus d'une entrée de sépulcre 2 un monstre que deux guerriers frappent de leurs javelines. Cette sculpture, du vile siècle est d'une exécution sommaire ; mais la brutalité de travail est voulue : on ne voit qu'une tête énorme, au nez retroussé, à la bouche béante et relevée aux coins (fig. 3032). Le Gorgonéion n'apparaît sur aucun monument de la période mycénienne. Pausanias vit à Mycènes un Gorgonéion en pierre 2; mais on ne saurait voir là une oeuvre des Cyclopes lyciens. Parmi les démons gravés sur les gemmes de Troie, de Mycènes et de Tirynthe ne figure jamais de Méduse'. Il ne faudrait pas non plus prendre5 pour un prototype ou une abréviation du Gorgonéion ces linéaments de figure humaine6 dont l'époque primitive a couvert ses vases, ses monuments, ses idoles. Les premières mentions qui soient faites du Gorgonéion dans l'histoire de l'art semblent se trouver dans deux passages de l'Iliade' ; mais ces passages sont interpolés 6. Quant aux autres textes homériques où il est question de la tête de Gorgone 9, ils font allusion à des mythes, non à des représentations figurées. De même pour la vieille Théogonie attribuée à Hésiode 10 Par contre, le Bouclier d'Iléraclès ", qui date au plus tôt de la fin du vile siècle '2, donne un portrait des Gorgones d'après des images vues. C'est donc vers la fin du viii" siècle ou le début du vue que les Grecs ont dû emprunter à l'Orient le type du Gorgonéion. Jusqu'alors on connaissait un masque sans barbe et à physionomie humaine, dont la destination, purement décorative, n'avait rien de symbolique. Désormais figurera partout le Gorgonéion ornemental et protecteur. Le type archaïque.1° La Gorgone en pied. Le plus ancien exemplaire connu de ce type 13 est peint sur un plat de Camiros 1' (fig. 3633). Cette œuvre rhodienne ne peut être postérieure au vie siècle. Les cheveux encadrent les joues, à la façon d'une barbe : c'est le motif, si IV. fréquent dans l'art archaïque, du Gorgonéion barbu. On pourrait croire à quelque type mâle, comme Phobos ou Bès. Mais ce sont bien les Gorgones qu'on rendait ainsi plus hideuses ". Sur les anses du vase François f6, deux Gorgones courent à droite, en vêtement court, *avec des talonnières, un bras levé et l'autre baissé, la tête hérissée de serpents" ; c'est encore une Gorgone qui vole, avec quatre ailes recoquillées, sur un skyphos pseudo-chalcidien de Nola18; enfin, scène caractéristique, sur un vase attique à figures noires (fig. 3635) "1, les Gorgones poursuivent Persée et Hermès, tandis que Méduse s'affaisse et que de son cou sort Pégase. Sur toutes ces oeuvres, d'ancien style, la tête est soulignée par la barbe. En donnant de la barbe à des figures féminines, les artistes grecs ne songeaient qu'à produire un effet d'horreur20; mais ils transmettaient à leur insu le souvenir de l'époque oit le Gorgonéion représentait la monstruosité d'un génie mâle 21. La figure peinte sur le plat de Camiros peut donc être celle d'une Gorgone. Le vêtement, les quatre ailes, le buste de face avec le bas du corps en marche vers la droite : tous ces détails conviennent à une Gorgone. Dans le style archaïque, les Gorgones en pied procèdent de deux types. Le premier a été créé par les Grecs des côtes asiatiques et des îles voisines. L'art qui a pmoduit ce type est souvent qualifié ionien; mieux vaut lui donner le nom plus général d'art gréco-asiatique, en y rattachant les imitations faites dans les colonies chalcidiennes d'Italie 22. Le second type est celui des pays européens, 204 GOR 1620 GOR Péloponnèse, Attique, Sicile. L'Étrurie, adopte également les deux types. a. Le type gréco-asiatique. Chez les Grecs asiatiques, les Gorgones en pied sont représentées en course. Selon la formule consacrée', une des jambes est pliée, et le genou fléchit jusqu'à raser le sol. Les Gorgones courent toujours à droite 2. Parfois elles lèvent un bras et baissent l'autre ; plus souvent elles tiennent les deux bras étendus ou baissés surtout quand elles portent en mains des animaux symboliques'. Les bras sont nettement détachés du corps, geste qui rend la rapidité du mouvement. Ce n'est pas une marche, c'est un vol. Aussi les Gorgones ont-elles des ailes. Les exceptions, très rares, s'expliquent par des circonstances extérieures. Le Louvre possède un pied d'ustensile enbronze provenant d'Halicarnasse, qui représente une Gorgone agenouillée et portant sur la tête un pied de lion : sa pose la largeur de sa face, sa coiffure, son long costume, l'absence de serpents, tout révèle une très haute antiquité ; si les ailes manquent, c'est par suite d'un accident. Le vieux style gréco-asiatique aime le riche appareil des ailes amples et fortes : il en donne quatre aux Gorgones, généralement deux droites et deux retroussées Déjà sur le plat de Camiros on voit quatre ailes recoquillées, une paire déployée horizontalement, l'autre inclinée obliquement vers le sol. Puis la Gorgone apparaît avec sa garniture d'ailes sur le sarcophage de Golgos, sur une calcédoine de Panticapée «fig. 3634), sur le skyphos de Nola. Les quatre ailes se retrouvent sur des monuments provenant d'Étrurie, mais importés de Grèce ou copiés sur des modèles grecs. Tels sont un stamnos à figures noires un scarabée o, un miroir découvert à Crotone 10 L'art gréco-asiatique habille les femmes d'un péplos descendant jusqu'aux pieds. Il en revêt aussi les Gorgones. C'est précisément pour établir leur identité de démons qu'on dut multiplier leurs ailes et leur donner des serpents symboliques. Sur le plat de Camiros, le chiton long, serré à la taille, est fendu et laisse passer une des jambes nue. Le costume est long sur le bronze d'Halicarnasse, le skyphos de Nola, le sarcophage de Golgos et sur des monnaies qu'on croit originaires de Cilicie". Quand le motif des serpents fit son apparition, le signalement des Gorgones devint plus facile : raison de plus pour ne pas leur ôter leur costume de femmes réelles; elles le conservent sur la gemme de Panticapée (fig. 3634), sur toutes les oeuvres étrusques de style gréco-asiatique, voire sur des monnaies attribuées à Fésules Sz Si les serpents sont un attribut fréquent des Gorgones archaïques, ils ne furent cependant pas imaginés tant que les artistes Grecs d'Asie travaillèrent pour leurs concitoyens. Les serpents manquent aux plus anciennes représentations : il n'y en a ni sur la poterie rhodienne et la pseudo-chalcidienne, ni sur le bronze d'Halicarnasse, ni sur le sarcophage du sculpteur cypriote. Hors d'Asie, au contraire, ils paraissent de très bonne heure. C'est l'appendice accoutumé des Gorgones en pied plus encore que des Gorgonéions. Comme sur le bouclier d'Héraclès t3, les Gorgones portent deux serpents pendus à la ceinture sur quelques-uns des monuments étrusques oà elles ont les quatre ailes et le long péplos". Sut' les autres oeuvres du même style et provenant d'Étrurie ou du Bosphore Cimmérien, elles tiennent des serpents dans les mainsl6. b. Le type européen. Les Gorgones des pays européens (fig. 3635) semblent aussi, en courant, toucher la terre du genou incliné". Elles se lancent aussi vers la droite ". Mais comme leurs mains sont moins souvent chargées d'attributs vivants, elles ont généralement les bras allongés l'un en haut, l'autre en bas; c'est par exception qu'elles les lèvent18 ou les étendent" tous deux, ou qu'elles serrent les poings sur les hanches2''. Elles ont des ailes. L'auteur du Bouclier d'Iléraclès ne cite pas ce détail; mais il ne prétend pas faire une description complète. Quand les ailes font défaut, c'est encore pour des raisons exceptionnelles : sur la métope de Sélinonte" le sculpteur ne disposait, pas d'une place suffisante. Lorsque ce genre d'explication n'est pas possible, l'absence des ailes prouve qu'on n'est pas en présence de Gorgones 22 : ce sont surtout les Étrusques qui représentent ces démons aptères 23. Mais le plus souvent les Gorgones n'ont plus qu'une paire d'ailes°`. On retrouve toutefois les quatre ailes sur bon nombre de vases attiques à figures noires 25, sur des figures d'applique en bronze 26, sur l'acrotère en terre cuite de Géla 27, sur une paire d'objets en or découverts en Étrurie et conservés au Louvre 28. Une anse de bronze 29 représente une Gorgone munie de six ailes; mais ce monument, semblable à un autre qui ne porte que quatre ailes"o n'en laisse voir que quatre par devant, les deux autres se repliant sur les côtés de l'anse. Le motif des serpents est moins fréquemment repro GOR 1621 GOR duit par les Grecs d'Occident que par ceux de l'Orient. L'acrotère de Géla présente un remarquable exemple de serpents pendus à la ceinture. Sur une très belle cylix attique du British Museum 1, deux grands serpents se dressent par dessus les épaules de la Gorgone, et reviennent dans ses mains . Ici c'est un reptile énorme 2; là c'est un petit Il y en a un dans chaque main sur les objets en or du Louvre et sur des jambières en bronze découvertes à Ruvo4. Toutes ces Gorgones du vieux type européen ont leur signe distinctif, le chiton court. L'acrotère de Géla, la cylix du British Museum, les objets en or du Louvre présentent le double motif des serpents et des quatre ailes; mais on n'y voit pas le long péplos : ce ne sont donc pas des oeuvres gréco-asiatiques. Réciproquement, très rares sont les Gorgones à long péplos qui ne sont pas gréco-asiatiques ', et lorsque ce costume est imité en Europe, on le montre du moins légèrement relevé par la course 6. Avant tout, devait éclater aux yeux la rapidité du monstre : le chiton court, serré, laissant à nu les jambes et les bras, convenait admirablement, et c'est lui qui rendait moins utile l'appareil compliqué des quadruples ailes. Sur les vases du vieux style attique, le chiton est souvent fait en peau de bête Les emplois de la Gorgone en pied dans l'art archaïque rappellent l'origine du type. I)e même que le Gorgonéion a précédé la personnalité de la Gorgone, de même le motif de la Gorgone isolée et en course semble antérieur à la représentation de scènes mythiques. Avant d'être la victime de Persée ou une soeur de cette victime, le monstre n'a été qu'un motif de décoration'. Sur le plat de Camiros et sur un alabastron de même provenance les dessins dont est semé le champ se répètent sur le costume et sur le corps même du dérnon. Sur le skyphos de Nola, la Gorgone apparaît entre deux sphinx. Pour les champs à forme rectangulaire c'était le motif préféré : on le trouve sur un relief de bronze venu d'Olympie'', sur la rondelle d'anse d'un cratère corinthien3l, sur le vase François. Volontiers l'image de la Gorgone, s'adaptait aux formes tectoniques des objets 12. La variété des applications de cette figure isolée explique pourquoi l'art archaïque place plus rarement la Gorgone dans la représentation d'un fait légen daire. Toutefois il ne faudrait pas exagérer. Un intéressant trépied en terre cuite" offre l'exemple d'une scène figurée en plusieurs compartiments : les Gorgones sont à la fois des motifs pour champs rectangulaires et des personnages ayant un rôle à jouer dans l'ensemble. La décapitation de Méduse, la poursuite de Persée sont des scènes que les artistes grecs ont de bonne heure affectionnées entre toutes. La glyptique et la sculpture semblent avoir une préférence pour la première: témoin un cylindre de Berlin, le trône d'Amycléest1, le sarcophage de Golgos, la métope deSélinonte, où l'artiste, habile dans sa naïveté, a figuré la naissance de Pégase en plaçant un cheval ailé dans les bras de Méduse. La seconde, déjà ciselée sur le bouclier d'Héraclès et sur le coffre de Kypsélos, est le sujet favori des peintres archaïques sur vases (fig. 3635)15 : ils trouvaient là des personnages à aligner en une de ces longues files qu'ils aimaient tant. La Gorgone en buste est d'un emploi purement décoratif. Un pied en bronze trouvé à Olympie 16 est surmonté de la partie supérieure d'une Gorgone aux ailes déployées. Il existe plusieurs spécimens d'un pied où la Gorgone en buste étend les bras horizontalement et finit en pied de lion fv. L'art chalcidien des vases en bronze avait un goût spécial pour la demi-Gorgone. Elle paraît fréquemment à l'attache d'anse inférieure, les coudes à angle aigu écartés du corps. Sur un admirable exemplaire du South Kensington Museum t8, deux serpents arrêtent le buste. Ailleurs19 deux chevaux se détachent symétriquement de chaque côté de la tête, et les bras allongés ramènent les mains vers le menton. Sur les terres cuites qui reproduisent ces anses 20, la Gorgone en buste et avec bras est placée entre des agneaux accroupis2f, des sphinx" ou GOR 1622 GOR des lions' ; elle se trouve même entre deux protomes de cheval affrontés 2. 20 Le Gorgonéion. Le Gorgonéion archaïque présente d'innombrables variantes. Mais les nuances ne sauraient servir à une classification de types essentiellement distincts et successifs : elles sont superficielles, contemporaines et, sinon personnelles, du moins régionales. Que le masque soit hérissé de serpents ou non, qu'il soit barbu ou glabre, ce n'est jamais un élément suffisant pour justifier une attribution. Il y a des séries locales : de lois déterminant la géographie ou la chronologie des Gorgonéions archaïques, il n'y en a point. Le type du Gorgonéion n'a pat été créé d'un coup; les Grecs ont longtemps recherché les détails les plus propres à produire une impression d'horreur. Les oeuvres les plus anciennes portent la trace de leurs tâtonnements. Face carrée; chevelure aplatie par un diadème et retombant;en mèches droites ; énormité des yeux ronds; forme géométrique du nez; bouche démesurément ouverte, d'où sort la langue et qui laisse voir en bas une rangée de dents pointues, en haut des crocs : voilà le plus ancien spécimen de Gorgonéion, celui du plat rhodien. Ce qui frappe ici, c'est que la bouche, tirée en largeur, reste horizontale. Il en va de même pour le Gorgonéion barbu de ces grands pithoi que l'industrie grecque de Sicile ' fabriquait à une époque très reculée' pour l'Étrurie6. Enfin, sur une monnaie asiatique en électron" du vue siècles est gravé un Gorgonéion (fig. 3636) dont la bouche close est tirée horizontalement et dont les lèvres se rabaissent aux coins. Ce type rudimentaire a des ressemblances fortuites avec le type adouci de l'époque postérieure. L'absence de crocs semble encore un indice des hésitations éprouvées par l'art primitif. La Gorgone du plat de Camiros a de forts crocs en saillie hors de la bouche. Mais il n'y a pas de dents marquées sur la monnaie en électron, pas plus que sur les pièces très anciennes attribuées à Selgé °. Une base de statue f0, découverte à Délos et que la signature d'Iphicartidès assigne au vue siècle, est ornée de deux masques qui, de profil, ressemblent à des mufles de lion, mais qui, de face, ont la laideur du Gorgonéion avec presque tous ses traits caractéristiques. M. Homollett a bien vu que ce marbre « rappelle l'effort, maladroit encore, d'une conception incertaine », et rien ne justifie mieux cette idée que l'absence de fortes canines parmi les dents grinçantes. Enfin sur les pendeloques d'un collier cypriote t', superbe échantillon de l'orfèvrerie du vile siècle, tous les traits du Gorgonéion sont déjà ceux du type archaïque, quoique avec une expression moins rude13 ; mais l'artiste ne croyait pas déconcerter les esprits en ne ciselant qu'une double rangée de petites dents. C'est chez les Grecs d'Asie et des îles ou dans leurs colonies qu'on surprend toutes ces hésitations; là aussi on trouve les plus vieux spécimens du Gorgonéion classique. C'est donc là que le type archaïque se fixa. Si l'on essaye d'en distinguer les traits généraux, on en voit d'abord, au-dessus des puissantes mâchoires, que l'énorme bouche. Elle es t large, ouverte et relevée à la commissure des lèvres. Il en sort, longue et généralement large, une langue qui pend. Toutes les dents sont visibles, parfois pointues et triangulaires, en dents de scie; les canines sont très longues et aiguës. Les yeux, dominés par les sourcils proéminents, sont écarquillés, le plus souvent très gros et taillés en amande. Le nez, épaté, froncé, est presque toujours traité en motif géométrique, trilobé ou avec des narines en volutes. Sur les exemplaires finis, une ou plusieurs rides verticales sillonnent le front, destinées à marquer la contraction que cause le regard irrité : les Gorgonéions des vases dits cyrénaïques portent au-dessus du nez trois lignes divergentes et de pure convention. Les oreilles, attachées beaucoup trop haut, sont souvent ornées de pendants, La chevelure, unie, est disposée autour du front en petits tortillons ou en bandeaux. Quand le Gorgonéion est encadré d'un cercle(monnaies, fonds de vases, épisèmes de boucliers), les cheveux ne sont indiqués qu'aux alentours du front. Quand le champ laisse de la place, de chaque côté tombent de larges tresses ou des mèches longues et droites. De toute façon, le masque est plus ou moins arrondi en un cercle d'où déborde en général, quelquefois très bas, la saillie du menton. a. Le Gorgonéion sans serpents. Une série de Gorgonéions archaïques se caractérise par une face particulièrement large, pleine, charnue, et par l'absence ou l'usage restreint des serpents. On suit ce type en Asie Mineure et chez les Chalcidiens, à Corinthe et en Attique, jusque dans les colonies de Sicile et d'Italie, jusque dans le Pont-Euxin. Dansles oeuvres gréco-asiatiques,ce Gorgonéion sertsurtout à la Gorgone courante et vêtue du péplos. Les fortes joues sont bien visibles suries monnaies attribuées àSelgé. La barbe est nettement peinte sur un vase rhodienS4. De Tarse vient le haut d'un vase à forme de Gorgonéion, où les oreilles servent d'anses et d'où le liquide, sortant par la bouche, doit tomber le long de la langue pendante'. La série chalcidienne commence par des monnaies jadis attribuées à Athènes16, mais restituées à l'Eubéet". La parenté de leur Gorgonéion est manifeste avec celui qui décore des pièces d'armure en bronze provenant du Péloponnèse fe, de la Grande-Grèce 19, de l'Etrurie20 et de la Crimée 2l. Das procédés identiques de fabrication et la GOR -_ 1623 GOR ressemblance des Gorgonéions (mème chevelure, même indication de la barbe)1 assignent à ces objets si dispersés une commune origine. Une seule ville, Chalcis, avait, à une époque aussi reculée, des armuriers capables d'exécuter de pareilles ceuvres2. Les modèles chalcidiens se répandirent partout. Partout on les imita. Corinthe orna ses vieux trihémioboles du masque sans barbe et sans serpents 3. Elle adopta le Gorgonéion surtout pour ses vases. Déjà une anse du style dit protocorinthien 6 est décorée d'un Gorgonéion à barbe, peut-être même à moustache. C'est un fait général, que les céramistes de Corinthe 6 et les auteurs des poteries dites cyrénaïques e préfèrent la tête barbue. Pour eux le Gorgonéion ou même la Gorgone, qu'ils représentent très rarement', n'est qu'un motif de décoration qu'ils font servir aux détails tectoniques du vase', et, plus tard, entrer dans la représentation du sujet peints. Athènes à son tour fit un ample usage du Gorgonéion archaïque sur ses poteries. La Gorgone en pied, quand elle est sans serpents, est indifféremment barbue10 ou non". Le Gorgonéion, dont la place est marquée sur les champs circulaires, semble soumis à une loi plus constante : le port de la barbe est de règle; jamais on ne voit de serpents dans les intérieurs de vases. Il existe toute une série de coupes dont le fond est ainsi décoré, depuis celles d'Oikophélèsl2 et de Nicosthénèsf3 jusqu'à celles qui font transition entre la peinture à figures noires et la peinture à figures rouges". Dans cette série, le Gorgonéion porte parfois, avec la barbe. la moustache i5. En dehors de la céramique, même variété dans les détails. Un grand nombre d'oeuvres découvertes sur l'Acropole et antérieures à l'incendie de 480 sont ornées du Gorgonéion. Sur une antéfixe peinte", c'est une tête aux chairs épaisses : les crocs se dressent de part et d'autre de la langue ; le menton est en saillie, le nez barré par des fronces ; trois rides sillonnent le front; de longues mèches se terminent autour du front en tortillons anguiformes. Mais déjà l'horreur du type primitif est tempérée : la lèvre d'en haut reste horizontale; les oreilles sont remplacées par des pendants, des serpents de fantaisie partent symétriquement du menton. Sur un bronze d'un travail minutieux17, la bouche est à jour, et les yeux sont incrustés, comme sur les bronzes chalcidiens. Sur un marbre d'un grand caractère" (fig. 3637) le Gorgonéion montre, dans un rictus formidable, deux rangées de petites dents droites que terminent de longues dé fenses ; le nez est ridé; les yeux s'allongent entre de longues oreilles; les cheveux ondulés sont retenus par un diadème; de vives couleurs font ressortir les yeux et la bouche et indiquent la barbe. Les bronzes de Chalcis inspirèrent les artistes de Sicile. Des acrotères de Sélinonte 19 et de Géla20 reproduisent le Gorgonéion des médailles euboïques, l'un sans barbe, l'autre barbu. Fixé à Séli nonte, ce type servit pour la GerFig. 3637. Gorgonéion gone de la fameuse métope. Il se aAthènesretrouve sans barbe sur les grandes monnaies d'Himère 2', de Motya33, de Camarine23. Les colonies chalcidiennes de Grande-Grèce le donnèrent aux Gorgones en buste de leurs vases de bronze; elles en ornèrent leurs terres cuites travaillées suivant les procédés métallurgiques. Sur une de ces pièces2i, le Gorgonéion paraît animé d'une vie intense; il se distingue par deux larges nattes recourbées à l'extrémité avec de faux airs d'ailerons et une barbe à courtes boucles. Sur une multitude d'acrotères trouvés à Capoue 25 et à Tarente26, la barbe va d'une oreille à l'autre, faite de boucles en rayons qui sont alternativement peintes en rouge et en noir. Les modeleurs préféraient le Gorgonéion sans barbe pour ces petites plaques en argile à reliefs qu'on a découvertes en quantité dans les tombes de Campanie 27. Ce type passa en Étrurie. On le trouve, par exemple, sur une anse de bucchero 28, sur une applique céramique 23. Dès le vie siècle, des monnaies frappées en Asie 30 répandirent le Gorgonéion, non seulement en Étrurie, comme le montre le trésor de Volaterra31, mais encore en Gaule, comme le prouve le trésor d'Auriol32. L'influence de l'art chalcidien s'est encore exercée aux extrémités orientales du monde grec. Il ne manque pas de rapports entre le type des monnaies euboïques et celui qu'on frappait à Néapolis en Macédoine 33. Les plus anciennes pièces de cette série3', qui datent du vie siècle, portent un Gorgonéion doué d'une singulière puissance d'expression. Sur de plus récents exemplaires35, les paupières s'allongent pour suivre la grimace de la bouche, les oreilles ne descendent pas plus bas que les yeux, le nez froncé finit en masse trilobée, le menton est très proéminent. Quoique plus récentes, les monnaies d'Olbia36 présentent un Gorgonéion assez semblable, du moins les premières de la série. Du même type dérivent les bractées en or fabriquées au ve et au ive siècle et GOR 1624 GOR trouvées dans les tumulus du Bosphore Cimmérien b. Le Gorgonéion à cornes, à serpents. L'art archaïque chercha dans le règne animal de quoi singulariser son Gorgonéion. On lui mit parfois des cornes au-dessus du front. Il en a sur des terres cuites2 et sur des anses de bronze'. Mais de tous les Gorgonéions cornus le plus remarquable, parce qu'il se distinguede tous les Gorgonéions archaïques, c'est celui qui est taillé sur un acrotère de marbre trouvé à Sparte 4 (fig. 3638). Au lieu des joues enflées qui donnent au masque la forme ronde, nous avons ici une figure maigre, toute en nerfs et en os, qu'allongent encore les deux cornes dressées, les chevaux hérissés par touffes, le menton pointu et le cou décharné. .Rien de féminin. L'expression est sauvage, mais sardonique plutôt que menaçante. Déroutés par une oeuvre unique et si personnelle 5, les archéologues l'ont considérée tantôt comme un essai enfantin ou une caricature 6, tantôt comme le résultat d'un effort contraire au génie grec 7. Disons, avec M. l+urtwtingler, que c'est le produit original d'un talent en pleine possession de lui-même et qui s'était approprié toutes les ressources dont disposait l'art du vie siècle. L'attribut des cornes, rare dans la période reculée, n'en franchit pas les limites'. Tout autre fut le sort des serpents. Toute une catégorie de Gorgonéions archaïques se reconnaît aux reptiles qui en hérissent le contour totalement ou en grande partie. C'est, comme dit Pindare, « la tête à laquelle les serpents mouchetés font une crinière ». Ce motif était merveilleusement propre à remplir les champs circulaires. L'art gréco-asiatique en a fait un usage très varié. Sur le miroir de Crotone et la gemme de Panticapée, des serpents dressés sur la tête, mais petits et peu nombreux, font double emploi avec ceux qui se tordent à la ceinture ou dans les mains. L'Asie Mineure' fabriquait et exportait en )Jtrurie10 des aryballes à forme de Gorgonéion, sur chaque côté desquels rampent trois serpents tachetés de blanc. Mais le fouillis de serpents est plus fréquent. La schenti d'un torse cypriote 11 est ornée d'un Gorgonéion qui a, comme l'autre Gorgonéion sculpté à Cypre sur une schenti, des serpents attachés au bas du visage, mais qui a encore la chevelure mêlée de serpents. Ce Gorgonéion est rappelé par des monnaies12 antérieures à 49913. La multitude des serpents tordus en auréole caractérise aussi le Gorgonéion peint sur un monument du vie siècle, un sarcophage en terre cuite de Clazomène94. De Néandria en Troade provient une plaque ronde en bronze 15 où se détache en relief un vieux Gorgonéion d'une sauvagerie bestiale. Des serpents dressés remplacent la chevelure; de fortes mèches de même forme et de même direction indiquent la barbe et la longue moustache. Par Lesbos et Phocée ce type passa dans les systèmes monétaires de l'Éolide et de l'Ilellespont. On remarque une expression farouche et parfois des vestiges de barbe sur les monnaies de Lesbos 16. A Cyzique", le Gorgonéion a peu de serpents dans le bas. Sur les vieilles monnaies d'Abydos ", il en a dix ou onze, le plus grand nombre au sommet de la tète. Dans la nombreuse et belle série d'Apollonia du Rhyndacos f3, les serpents en cercle ne sont jamais moins que la douzaine et font souvent la douzaine et demie. Sur les monnaies de Parion 26 ils ne sont plus que six, et le Gorgonéion tourne vite au type mitigé. Le Gorgonéion à serpents est rare sur les vases corinthiens. Une cylix cyrénéenne 21 a le fond orné d'un Gorgonéion barbu autour duquel rayonnent seize serpents. Sur les poteries attiques, la Gorgone en pied a souvent la tète hérissée de serpents, qu'elle soit barbue, comme sur le vase François, ou sans barbe, comme sur les vases où elle est munie de quatre ailes. Un vase du Louvre 22 la montre avec quatre énormes serpents qui se dressent au sommet de la tête. Quant au Gorgonéion, il est généralement barbu, et, s'il n'a point de serpents sur les fonds de vases, il en a toujours sur les parois extérieures des poteries à. figures noires ou du style sévère à figures rouges 23. C'est ainsi qu'Exékias 24 et Amasis25 le représentent sur des boucliers, et Andokidès 26 sur le chiton d'Athéna. Sur les terres cuites de la Grande-Grèce, les flammes qui serpentaient autour du Gorgonéion étaient facilement converties en serpents. Un spécimen du Louvre 27 est pris dans un cercle de quatorze serpents barbus, qui se dressent, la gueule ouverte. Des antéfixes de Tarente28présentent dans ce cadre des têtes qui sont déjà du type adouci. Dans le Bosphore Cimmérien, le Gorgonéion à serpents accompagne l'autre sur les bractées en or des tumulus2°. Il est ciselé, en deux zones de douze têtes 30, sur une belle plaque d'or déterrée à Koul-Oba; on remarque là huit serpents qui sifflent dans la chevelure. Le type moyen. L'art grec ne pouvait pas se con GOR 1625 GOR tenter de ce type archaïque. Avant d'en élaborer un beau, il traversa une période de transition. Déjà ce travail est révélé par les Gorgonéions découverts sur l'Acropole d'Athènes. Mais l'examen de certaines séries monétaires' fait mieux juger par quelles transformations successives le type primitif du Gorgonéion est devenu le type moyen. Sur les monnaies d'Apollonia du Rhyndacos2 le rictus commence par diminuer; puis les joues se rétrécissent', on ne tarde pas à distinguer les cheveux en bandeaux 'et la bouche horizontale'; la figure, à peine grimaçante finit par ne plus l'être7. Sur les monnaies de Parion, les serpents ne sont plus que six ou disparaissent'; le rictus, faible et droit, se ferme ; la langue se rapetisse et rentre; la contraction des sourcils reste le seul signe de fureur ; la chevelure est ramenée en arrière par des bandeaux ondulés qu'enserre parfois un diadème. Voyez les trihémioboles de Corinthe', tous du ve siècle. Le premier le a encore la langue large, les canines longues. Puis le menton s'affine"; la langue s'amincit dans un rictus plus droit, les dents sont petites, et la chevelure se hérisse en mèches éparses12. Ces mèches ne tardent pas être partagées par une raie au milieu, tandis que les sourcils se contractent f3. Quand les dents ont disparu 14, la bouche peut se fermer''. Le type moyen apparaît dès la première moitié du ve siècle. On le voit poindre à Athènes avant 48016 (fig. 3639). Avant 450 il était déjà connu au fond du Pont-Euxin. Dans la vallée du Kouban, un tumulus antérieur à cette date renfermait un Gorgonéion de bronze 17 où tout révèle le type moyen : bandeaux plats, nez droit, belle rangée de petites dents dans une bouche sans contorsion, expression presque narquoise. Imaginé dans la première moitié du ve siècle, le type moyen va dominer dans la seconde moitié, Du type archaïque il conserve le masque plat, large et rond, les rides du front et, la plupart du temps, la bouche large ouverte, la langue tirée, mais le tout sans exagération. Les dimensions se restreignent, se rapprochent de la réalité : l'ouverture de la bouche est modérée et horizontale ; les mâchoires et les joues se réduisent à une juste mesure. Comme les pommettes sont saillantes à cause du rictus, les yeux paraissent petits. Les sourcils sont généralement contractés. La chevelure est d'ordinaire partagée en bandeaux plats; mais déjà l'on voit apparaître le beau motif des cheveux ébouriffés. Les serpents ne jouent plus qu'un rôle secondaire; ils forment un noeud et font parfois le tour de la figure. La Gorgone en pied devient très rare. La Gorgone à la course n'est plus un motif de décoration : elle ne reparaît que dans la représentation de scènes mythologiques. Un cratère. attique", des environs de 430, montre les Gorgones en chiton court", ailes droites, bras étendus; elles ont le rictus assez large et la langue tirée, mais de petites dents, Ies cheveux plats, tandis que la tête de Méduse a les cheveux épars. Une terre cuite de Mélos40 montre en relief la scène du meurtre. Méduse, d'après le vieux type gréco-asiatique, a les ailes recoquillées, la ceinture de serpents et le péplos. Mais la tête est conforme au type de transition : rictus médiocre, cheveux séparés par la raie, deux serpents sous le menton. Peut-être ce monument est-il la réplique" d'une sculpture exécutée par Trasymédès de Paros, élève de Phidias22; en tout cas, il remonte aux environs de 450. Le Gorgonéion aussi est moins fréquent que dans la période archaïque, et' a perdu de son caractère tectonique et décoratif. Il ne couvre plus tout le champ des grandes antéfixes ; il n'occupe plus sur les boucliers 23 qu'une place restreinte au centre 24. II se fait plus rare sur les anses de bronze et disparaît de l'intérieur des coupes attiques. Point d'effigies en buste. Par contre, le Gorgonéion est employé plus' que jamais comme empreinte monétaire, et l'art attique établit un rapport plus exclusif et plus précis entre cet emblème et Athéna. Un grand nombre de villes qui n'avaient pas voulu du Gorgonéion archaïque pour leur système monétaire adoptèrent le type moyen. De 456 à 44625, puis de 387 à 37446, Coronée27 mit sur ses petites pièces un Gorgonéion moyen à grands yeux, probablement d'après l'égide de l'Athéna Itônia 23. Des dernières monnaies de Corinthe il faut rapprocher celles de Leucade 29, tantôt à la langue tirée 30, tantôt à la bouche close 31, aux cheveux hérissés et souvent mêlés de serpents 33. Types analogues sur les monnaies attribuées à Anactorion 33 et à Cranion de Céphallénie 34. Sur les trihémioboles de Tégée 35, ont voit d'abord la langue pendante et deux serpents dressés sur la tête; puis la lèvre supérieure est dessinée en arc, les serpents se nouent en haut et en bas; enfin la bouche se ferme. Certaines petites monnaies de Sicile ont un intérêt d'autant plus grand, qu'on peut leur assigner une date extrême, Himère ayant été détruite en 409 et Motya abandonnée en 396. Leur Gorgonéion a encore l'air sauvage que donnent la langue pendante et le grincement des dents ; mais celui d'Himère porte le type moyen d'Apollonia 36 ; celui de Motya (fig. 3640, 3641)37 est remarquable dès le début par la petitesse du rictus; celui de Camarine38, par les yeux en coulisse et la chevelure ornée. Déjà au milieu du ve siècle le type moyen était imité en Étrurie, sur les monnaies de Populonia 39. GOR 1626 GOR La sculpture créa les principaux types d'Athéna entre le milieu du v8 siècle et la première partie du Ive, juste à l'époque où le Gorgonéion moyen était à l'apogée. Aussi les plus belles statues d'Athéna étaient-elles parées de ce Gorgonéion. Une oeuvre originale, une statue placée sur l'Acropole vers 460', nous présente le plus ancien Gorgonéion sculpté du type moyen. Que l'on compare à cette statue les copies de l'Athéna Lemnia et de la Parthénos; les Gorgonéions se distinguent par maintes nuances, sans jamais démentir leur filiation par une différence essentielle : ils ont tous la langue pendante et les cheveux plats. Le Gorgonéion exécuté pour l'égide de l'Athéna Lemnia entre 451 et 447 nous est connu par une des statues de Dresde 2: c'est un masque rond, à la bouche entr'ouverte, au nez épaté, aux gros yeux, aux cheveux partagés en bandeaux3. Si la Minerve au collier 4 n'est pas la réplique la plus antique de la Parthénos, c'est celle dont l'égide conserve le plus fidèle souvenir de l'antiquité : cette lèvre supérieure en forme d'arc nous est connue par des monnaies de Parion et de Tégée; ce creux dans les joues, par des médailles de Camarine, de Lesbos et d'Athènes ; l'élégante chevelure avec raie au milieu se retrouve partout. Le Gorgonéion du bouclier Strangford (fig. 3642) 3 ne reproduit pas celui que Phidias adapta au bouclier de la déesse 6, mais la copie libre en argent doré qui remplaça vers 3997 l'original volé $. L'auteur de la copie avait bien dans la mémoire le modèle disparu, et son Gorgonéion ne pouvait offrir de différences capitales avec celui de Phidias ; mais il a dû en accommoder les détails au goût de son temps. Il en a usé avec le Gorgonéion de Phidias comme en usera avec le sien l'auteur de la statue du Varvakeion 9. Sur le bouclier de celte statue, comme sur le bouclier Strangfor d, la figure est bouffie, la chevelure divisée en deux bandeaux ; mais tandis que le masque du bouclier Strangford est encadré dans deux serpents noués en haut et en bas, sur l'autre bouclier des ailes déployées ombragent la tête et un noeud de serpents est peint sous le menton. L'école de Phidias adopta sans superstition le type créé par le maître. Le Gorgonéion qu'Agoracritos sculpta sur le chiton de la statue en bronze d'Athéna Itônia 10 est sans doute rappelé par les monnaies de Coronée ; mais si l'Athéna Albani " est une réplique de l'ItÔnia, le Gorgonéion de son égide, avec la langue pendante et les deux serpents qui le circonscrivent, est peut-être plus conforme à l'original. Que l'hermès d'Athéna trouvé à Herculanum12 soit ou non une réplique du bronze de Céphisodote, le Gorgonéion de son casque est bien celui du temps, rond, laid, mais non grimaçant, la langue tirée, mais les paupières baissées et les cheveux épars en rayons. Le Gorgonéion que porte le bouclier de l'Athéna Nikè" est une oeuvre originale et plus ancienne que les répliques connues de la Parthénos. Par le noeud de serpents il rappelle le bouclier Strangford, ainsi que les égides de l'Athéna Albani et de l'Athéna de Munich i4. Il rappelle surtout l'égide de la Minerve au collier par la lèvre supérieure et les sourcils; peut-être avait-il aussi la langue pendante, mais il écarquille davantage les yeux et n'a pas la chevelure aussi ornée 15. De la même époque date un torse original de l'Acropole 76 dont le Gorgonéion est de même style : il tire une langue presque imperceptible et a également de gros yeux ronds. L'Athéna de Vellétrit7 a-t-elle eu pour prototype une oeuvre de Céphisodote, d'Euboulidès ou de Crésilas? En tout cas, le Gorgonéion qui est placé sur son égide et sur celle de ses répliques est toujours de la même famille ; il n'a pas la langue tirée. Même Gorgonéion sur l'Athéna Farnèse i8, réplique de l'Athéna Hope 19, qui remonte peut-être à Crésilas. Le Gorgonéion de la Minerve Giustiniani 20, malgré les retouches méticuleuses dont il est enjolivé, malgré la langue rentrée et les cheveux épars, appartient à la dernière période du type moyen. En ce genre, on trouve une variété remarquablement belle à la fois sur une statue d'Athéna 21 et sur une pierre gravée 22 : de la langue il n'y a plus de visible que la pointe; le visage est moins joufflu, la chevelure entièrement ébouriffée. Le type moyen du Gorgonéion continue d'orner, sur les objets les plus divers, les champs de forme circulaire et généralement de petites dimensions. On a trouvé à Thèbes un curieux Gorgonéion en bronze peint 23. Langue pendante et dents visibles, bandeaux ondulés et éparpillés sur les bords, masque encadré par deux serpents qui émergent en haut et en bas : on reconnaît le type moyen. Il décore aussi quelques-uns de ces boutons en terre cuite dorée qu'on déposait dans les tombes attiques 2A. Sur un merveilleux acrotère en terre cuite qui provient d'Olympie et date du ve siècleY5, on voit des têtes de Gorgone modelées dans la manière sévère du type moyen : la langue est longue, les joues fortes; mais le rictus n'est pas excessif et les cheveux, disposés sur le front à la mode archaïque, sont parés du diadème. L'HèrÔon de Saradjik en Lycie montre un Gorgonéion colossal, rond, mais sans grimaces, la bouche fermée, encadré dans une chevelure ornée en forme de bourrelet ou de couronne u. On constate sur des tombes n que les artistes de Phrygie à leur tour imitèrent librement le type moyen. Le Gorgonéion plus ou moins semblable à celui du bronze trouvé dans la vallée du Kouban n'est pas rare dans les tombes de Crimée, même dans celles qui descendent jusqu'au Ive siècle : il couvre un grand nombre de bractées en or 28. Une jambe en bronze de l'ancienne collection Pioti9, GOR 4627 GOR trouvée dans la Grande-Grèce, et qui remonte au ve siècle, est recouverte d'une cnémide qu'orne un superbe Gorgonéion de type moyen. Les terres cuites à destination architectonique, les plaques d'argile à reliefs trouvées en si grand nombre à Rome et dans ses alentours et fabriquées vers le commencement de notre ère ont une prédilection marquée pour le type moyen et, en général, pour le style archaïsant'. M. Furtwitngler 2 distingue parmi ces Gorgonéions trois variantes : 1° coiffure antique, sans langue tirée ; 2° langue tirée, avec chevelure ébouriffée; 30 langue tirée, avec coiffure archaïsante, mais soignée et ornée du diadème. En Étrurie, le Gorgonéion du type moyen se rencontre souvent dans des monuments de tout genre. C'est lui qui, sur le magnifique lustre du Musée de Cortone, chef-d'oeuvre de la métallurgie étrusque, orne le médaillon central 3. Le type beau. Un moment vient où s'évanouissent les derniers vestiges des grimaces menaçantes. La laideur tourne en pure beauté. A peine si parfois la mâchoire est massive et la bouche entr'ouverte, comme pour symboliser l'énergie farouche et la puissante voix dont la légende dotait les Gorgones ; par exception, l'extrémité de la langue, qui touche la lèvre, rappelle une tradition d'art encore récente. L'expression n'a plus rien de bestial, de féroce, ni même de malin. A cet élément moral du type nouveau se joignent, comme signes distinctifs, la grâce superbe de la chevelure, presque toujours l'absence des oreilles que dissimulent des mèches folles, enfin souvent l'accessoire des serpents entrelacés. II existe deux séries de ce type, selon que la beauté est calme ou pathétique. Le Gorgonéion beau à expression calme apparaît dès le milieu du ve siècle et se multiplie au rve : il a ainsi à combattre assez longtemps la concurrence du type moyen. Quand il triomphe, il revêt fréquemment une parure naguère presque inconnue, des ailes. Alors est imaginé le Gorgonéion beau à expression pathétique, qui garde les ailes; il ne tarde pas à l'emporter. 1° Le type beau et calme. L'initiateur semble avoir été le sculpteur Myron 4. Entre 460 et 450 il fit une statue de « Persée après le meurtre de Méduse ° ». Le héros tenait dans la main la tête fraîchement coupée. Le marbre mutilé qui nous est parvenu 6 peut être restitué à l'aide de diverses copies. Dès la fin du v° siècle, les monnaies de Cyzique 7 représentent Persée portant la tête de sa victime. A l'époque impériale, les médailles d'Argos3 étaient encore à peu près du même type. Dans l'intervalle, ce type a pris une incroyable extension : on le retrouve au Ive siècle sur les monnaies de Sériphos9 et d'Astypalaea10, sur celles du Pont" pendant le règne de Mithridate, depuis Iconium 12 et Acè en Phénicie 13 jusqu'au fond de la Grande-Bretagne". La numismatique certifie l'authenticité d'une copie plus précieuse encore, 1V plus nette et plus ancienne, une peinture de vase. Sur un cratère 15 qui remonte au milieu du ve siècle, Persée tient une tête de Méduse avec cou, une belle tête de femme sans contorsion, sans attribut. Comme cette peinture rappelle ce qui reste de la statue de Myron, on est fondé à dire que celle-ci a été imitée et peut être restituée par celle-là. Le Persée de Myron, appuyé sur le pied droit, tendait de la main droite, non plus un masque repoussant, mais une tête encore pleine de vie et prise dans la réalité. Cette tête, il est possible de se la figurer. Le Persée de Myron offre une merveilleuse ressemblance avec certains visages de Méduse gravés sur des gemmes : même profil, même attache du cou, même front, mêmes yeux. Le beau camée de Sosos (fig. 3643) 16, dont on a plusieurs répliques, entre autres la sardoine de Diodotos 17, nous la montre, avec les yeux mi-clos, la bouche à peine entr'ouverte, le galbe puissant, le menton plein, la Fig. 3643. Camée chevelure bien peignée, mais prise dans de Sosos. une couronne d'ondulations et rattachée par derrière en un noeud d'où s'échappent sur la nuque quelques mèches folles : c'est un type grandiose en sa beauté impassible. a. Le type sans ailes. Cependant les premiers exemplaires du type beau ne diffèrent des derniers du type moyen que par l'expression. Ils ont encore la largeur traditionnelle du visage. Tel est le Gorgonéion en relief sur un guttus noir du ve siècle 18, avec cheveux lisses et large diadème, et sur un médaillon de bronze du musée de Rouen ", Tel est celui qui décore vingt-huit bractées de la Russie Méridionale 28, et c'est précisément à son épaisse rondeur qu'on le reconnaît sur vingt-trois autres bractées 21 oti il n'est muni d'aucun attribut. Sur les petites monnaies de Coronée frappées de 387 à 374, la chevelure marque la transition du type moyen au type beau. Parfois ce sont les accessoires : sur un masque de bronze avep cou22, la bouche ouverte laisse voir les dents et le collier porte des pendentifs ayant la forme de ces rayons courbes qui figuraient jadis la barbe. Le plus souvent le type beau rompt avec le passé et se dépouille même des attributs traditionnels. Une antéfixe de la Grande-Grèce 23, où se reconnaît le style de la fin du ve siècle, présente une tête munie du cou, avec les cheveux épars et deux serpents s'enroulant sur les côtés : l'ensemble est d'une beauté aussi parfaite que froide et raide. C'est encore d'après un modèle du ve siècle qu'a dû être gravée la Méduse Strozzi 2t sur l'admirable gemme antique qu'une main moderne a signée du nom de Solon 25. Des attaches d'anse en bronze présentent plusieurs têtes de ce type sans attributs26. Enfin sur un petit relief en argile dorée, paraît un admirable Gorgonéion avec cou 27 : les yeux sont grands et ronds, la bouche assez 205 GOR 1628 GOR entr'ouverte pour qu'on aperçoive des dents régulières et un bout de langue qui passe t, b. Le type avec ailes. Par une transposition toute naturelle, on fit passer au Gorgonéion les ailes dont était orné le corps de la Gorgone. Quelques artistes en avaient eu l'idée, bien avant la création du type beau. Des petites pièces d'argent attribuées à. la Cilicie 2, et qui ne peuvent être postérieures au milieu du ve siècle 3, portent un Gorgonéion archaïque, analogue à celui des statues cypriotes, mais qu'entourent quatre ailes, parallèles comme celles des roues ailées. Les fabricants des terres cuites trouvées à Capoue eurent longtemps un moule pour un Gorgonéion très archaïque que paraient deux grandes ailes déployées 4. Une bractée d'Étrurie 6 présente un Gorgonéion qui fait transition entre le type archaïque et le type moyen et qui porte quatre ailes. Le même style et les mêmes attributs caractérisent deux des cinq Gorgonéions fixés sur une couronne d'or du Louvre Les ailes s'attachèrent aussi de loin en loin au type moyen. L'Athéna du Varvakeion, copie d'un type moyen, ne reçut l'ornement supplémentaire des ailes que longtemps après l'époque de l'original 7; mais on ne saurait taxer d'anachronisme les deux grandes ailes dont est pourvu un Gorgonéion du même type sur la poignée d'un miroir étrusque de style sévère Il fallut cependant que le type beau eût obtenu droit de cité pour qu'on fît des ailes un attribut de plus en plus indispensable. Une fois que Myron eut emprunté à la nature un type de belle tête, la voie fut ouverte aux novateurs : un autre artiste put, même en réhabilitant le masque, créer un modèle toujours beau et impassible et pourtant nouveau. La Méduse Rondanini (à Munich) est ce modèle (fig. 3644). On l'a attribuée à la période hellénistique 10, en la rapprochant d'un type adopté pour les monnaies de Séleucus I" Nicator 1 t ; mais elle n'a rien de ce qui caractérise l'école de Lysippe : elle est du ve siècle, comme l'a montré M. Furtwàngler 72, qui attribue ce chef-d'oeuvre à Crésilas, Ce type eut un succès durable. On le retrouve de profil avec une figure très épaisse, surun camée'de l'Ermitage 13; de face avec une figure ronde, sur deux grands masques en marbre du Louvre 14 et sur un bronze romain du Cabinet de France 16. A Délos, au ne siècle, un passant traçait à la pointe, au milieu d'autres graffiti, une tête de Méduse ailéeg6. Le même type orne des vases de Sicile à reliefs dorés sur fond rose"; en Égypte, à l'époque romaine, il décore une applique 18, à Pompéi un casque de gladiateur19; dans la Gaule, au me siècle ap. J.-C., il paraît, la bouche entr'ouverte, la chevelure répandue à flots, sur un très beau couvercle en bronze20 2e Le type beau et pathétique. Le type beau perdit sa mansuétude vers l'époque d'Alexandre, peut-être avant. On voulut saisir le spectateur, non plus par une implacable froideur, mais au contraire, par l'expression de la douleur. L'art hellénistique conserve les cheveux ébouriffés et les serpents, pour produire une impression d'horreur; il ne renonce guère aux ailes. Mais tous les traits du visage, surtout les sourcils, sont contractés, les yeux sont agrandis comme par une muette stupeur. Enfin, tandis qu'auparavant la glyptique seule risquait quelques imitations de profil, maintenant on aime à pencher légèrement la tête et à la présenter de trois quarts, attitude propice à l'expression recherchée. L'artiste qui créa le type pathétique dut, pour ne pas offusquer les esprits habitués au type tranquille, exprimer la détresse intime, quelque chose comme la plainte douce de la jeunesse qui ne veut pas mourir encore. D'après les exemplaires parvenus jusqu'à nous, le modèle en question avait de très petits ailerons. Mais les écoles qui se plaisaient aux effets violents donnèrent bientôt à la douleur un caractère plus dramatique, une expression plus poignante, plus physique. Les ailes alors font rarement défaut et sont généralement assez grandes. a. Pathétique doux. Le type beau à expression discrètement pathétique fut peut-être imaginé déjà par l'école de Scopas : le Gorgonéion de ce style offre une ressemblance remarquable avec la tête de la Niobé dans le groupe du grand sculpteur. Mais nos exemplaires ne remontent pas au delà de la période alexandrine. Un très beau camée" (fig. 364), qui date des Ptolémées et provient d'Égypte, présente une tête de trois quarts : les joues larges et le fort menton forment un demicercle ; les cheveux flottent tout autour, avec deux petits serpents et deux petits ailerons au sommet; la tristesse réside dans le regard GOR 1629 GOR et dans la courbe des lèvres. Un Gorgonéion semblable orne, sur le camée Gonzaga [GEMMAE, fig. 3515] 1, l'égide d'Alexandre Ier Théopator Évergète (152-144). Même expression et mêmes ailerons sur la belle tête de face qui décore la coupe en onyx si connue sous le nom de tasse Farnèse [fig. 145, t. I12 et sur une applique de bronze découverte près de Port-de-Bouc (Bouches-du-Rhône) 3. Sur des monnaies de Rhodes 4 antérieures à 164, le Gorgonéion ressemble par son auréole de boucles flottantes à la tête d'IIèlios, type ordinaire de l'île: mais l'énergie puissante de ce dernier fait place à la tristesse. Ce Gorgonéion passa, sans les ailerons, dans le système monétaire de plusieurs cités de l'Asie et des îles, comme Aradus6 et Astypalaea. 11 fut placé en relief et peint en noir sur des fonds de tasses roses°. Il servit à de beaux médaillons de marbre 7. Par une recherche d'un goût douteux, un artiste romain 8 percha sur la chevelure deux oiseaux affrontés à têtes de serpents qui, en déployant les ailes et en allongeant la tête, lui donnent, .d'une façon harmonieuse, quoique surchargée, ses ornements habituels. La collection de Luynes, au Cabinet de France, possède, sur un marteau de porte en bronze°, un spécimen parfait de ce Gorgonéion. b. Pathétique violent. Le Gorgonéion du type beau 'à expression violemment pathétique est un pur produit de l'esthétique professée dans les écoles d'Asie. Peut-être a-t-il eu pour prototype quelque peinture célèbre t0. 11 devait convenir particulièrement aux Romains, si sensibles au pathos asiatique. Le lien entre l'Asie et l'Italie est comme symbolisé par un masque trouvé à Tarente, « spécimen hors ligne de la sculpture pathétique qui a produit la frise de Pergame" » : le réalisme des serpents, la distance d'un oeil à l'autre, le regard qui implore le ciel, la bouche frémissante, tout indique l'origine de ce beau morceau. Ce même type est représenté sur les vases à reliefs de l'Italie Méridionale 12, non sans analogies avec la tête donnée à Zeus sur les monuments hellénistiques. Les pierres gravées, et surtout des bronzes, donnent parfois au Gorgonéion un caractère sauvage f 3. Un médaillon 1° montre de trois quarts une tête de Méduse, dont les ailerons sont rabattus et dont les yeux agrandis ont une expression puissante. Un masque tragique, de travail romain 15, a un air exaspéré avec ses cheveux en désordre et sa bouche à jour. La douleur et l'effroi atteignent leur paroxysme sur une pièce du Cabinet de France 16. Au centre d'une belle mosaïque trouvée au Pirée", une tête de Méduse rappelle, par son épaisse chevelure, par son galbe, par son attitude penchée, le marteau de porte de la collection de Luynes; mais l'expression a quelque chose de plus profondément navré. Les Romains ont souven t demandé à la métallurgie 18 et à la peinturei° de pareils Gorgonéions. Nous citerons deux belles têtes provenant des fouilles de Stabies et de Pompéi 20 Les effigies de la Gorgone en pied sont très rares depuis l'apparition du type beau, même dans les représentations de scènes légendaires. Quand par hasard on montre le corps de Méduse, c'est celui d'une belle vierge à demi nue. Ainsi la figure un tableau de Pompéi 2t, copie d'une oeuvre célèbre 22. Sur une ciste 23, Méduse et l'une de ses soeurs n'ont rien que de purement humain. La libre fantaisie de l'art récent produisit des types de Gorgonéions tout particuliers. Il y eut un Gorgonéion dionysiaque, avec le raisin et le lierre comme attributs. Il était désigné pour les vases à vin. Une terre cuite du lue siècle 24 représente une tête belle et calme, dont les oreilles sont cachées par des grappes de raisin. Sur un miroir 25 est gravé un Gorgonéion à quatre ailes, au milieu d'une couronne de corymbes et de lierre. On transforma aussi la tête de Méduse en tête de démon marin 26. On commença par donner des attributs marins au type ordinaire 27. Peu à peu se forma un type spécial aux yeux ronds et fixes comme ceux des poissons. On le voit sur plusieurs anses en bronze de Pompéi. C'est d'abord 28 une tête de femme : elle émerge d'une feuille de plante marine, qui ne tarde pas2° à se rabattre pour faire partie des joues. Puis30 c'est une tête d'homme, ornée de serpents et de feuilles qui lui poussent sur les joues et le menton. Enfin 31 on arrive à un type parfait, avec des oreilles de satyres marins, des plantes en guise de barbe et des ailes en forme de nageoires. Pour clore cette série de types, on aimerait attribuer sans scrupule à Méduse deux belles têtes aux yeux clos. L'une est de profil sur un marbre du Louvre 32 : il n'y a guère de raison pour que cette bouche entr'ouverte et cette aile déployée ne désignent pas Méduse. L'autre, c'est l'admirable tête de la villa Ludovisi 33. Ici nul attribut. Est-ce une tête de femme ou une tête d'l:rinye endormie 34? Est-ce une Méduse 35? La tête Ludovisi mériterait d'être la dernière métamorphose de ce type qu'une évolution plusieurs fois séculaire a fait passer d'une laideur horrible et démoniaque à une beauté humaine ria A KOCATE O STO/NTO( ES y)MOgTA V\3)M Z 30, 1~ +~MO ✓1 ® E,ÈKATA'Sso MANTOMEACOT 2TAZA®®3 MOI3M el ATMV31 COAS/NOI:b O WSSO/VOSMVNKV'; _ CS AVT SA Tp »IAlODA3222AT'`\AVA q V A2 A .9 A 3N A /1VN SKOM NANAPAACO A A5NVENKES1.TEY; 'AEEMTE G\3W\2A®OA TV\OT VOTM33/ ~13T\AOV\ V TPOM ASA K VATOVTC)MEK TAKPENV/ O 2A21)M2T3 H 0T VOT23MZT 3 2A. 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