Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article GYNAERONOMOI

GYNAEIIONOMOI (Puv«txovd!t.ot). A s'en tenir à l'étymologie même de leur nom, les gynéconomes doivent être des magistrats chargés d'exercer une surveillance sur les femmes, c'est-à-dire de réprimer l'indécence ou le luxe exagéré dans leur costume, la mauvaise tenue et les extravagances sur les promenades publiques ou dans les fêtes religieuses. Telles sont bien, en effet, les attributions que les inscriptions et les auteurs anciens donnent le plus habituellement aux gynéconomes. L'inscription d'Andanie, relative aux Mystères, entre autres, nous dit que le gynéconome prêtera le serment solennel de veiller sur l'habillement des femmes; il les empêchera notamment de porter des vêtements faits d'étoffes transparentes et d'une couleur autre que la couleur blanche; il ne leur permettra ni de mettre du blanc ou du rouge sur leur visage, ni d'avoir des bijoux d'or, ni de relever leurs cheveux. C'était aussi le gynéconome qui tirait au sort l'ordre dans lequel devaient défiler, dans la procession, les hiérai et les jeunes filles 1. Mais à ces attributions vraiment inhérentes à leur titre, ils en joignirent quelquefois d'autres qui ne sont plus exclusivement relatives au sexe féminin. Plusieurs textes nous les montrent chargés de faire observer les lois somptuaires. Aristote ne dissimule pas que la yuv«txovou.(« n'est pas conforme à l'idée que l'on se fait habituellement d'un gouvernement démocratique. Une démocratie ne peut pas, en effet, songer à défendre aux femmes pauvres de se montrer hors de leurs maisons et d'exercer de petites professions plus ou moins lucratives. Ce n'est pas non plus une institution oligarchique.; car les femmes des oligarques tiendront toujours à se distinguer des autres femmes par le luxe de leur toilette2. C'est une magistrature aristocratique, que l'on a été forcé d'établir'dans les cités riches et oisives, pour, y assurer le maintien du bon ordre et de la décence publique'. Il y eut des gynéconomes à Syracuse; Philarque affirme qu'une femme honnête ne pouvait pas, même pendant le jour, sortir de chez elle sans leur permission". Il y en eut à Milet'. Sur la côte d'Ionie, à Gambreion, un gynéconome, élu par le peuple, était chargé de veiller à ce que les honneurs funèbres fussent décemment rendus aux morts, non seulement par les femmes, mais encore par les hommes et par les enfants'. Dans d'autres États grecs, on trouve des magistrats chargés de veiller à la bonne tenue, à l'EÛxoc?.:«, des femmes; mais ils portent d'autres noms. A Sparte, on les appelle des `AF octivot7; ailleurs ce sont les TE1aro5 o!8. Sur la foi des éditeurs de Pollux, plusieurs historiens ont donné aux magistrats athéniens chargés de la police féminine le titre de gynécocsmes (yuv«txoxicpt.ot)9; mais, aujourd'hui, il est généralement admis qu'ils ont porté, à Athènes comme dans les autres républiques grecques, le nom de yuv«txovdlt.ot'°. C'est sous ce nom qu'ils sont désignés par les comiques grecs, dont Athénée nous a rapporté les témoignages, et par le grammairien Ilésychius ". A quelle époque cette magistrature fut-elle instituée? S'appuyant sur Plutarque, quelques auteurs la font remonter jusqu'à Solon. Ce législateur, en même temps qu'il formulait des lois relatives aux femmes, a dû certainement créer des magistrats préposés à leur exécution, et ces magistrats sont naturellement les gynéconomes, dont parle expressément l'historien grec12. Mais les gynéconomes que Plutarque a en vue ne sont pas ceux d'Athènes; ce sont ceux de Chéronée, sa ville natale. D'autres, sans aller jusqu'à Solon, estiment qu'il y eut des gynéconomes à l'époque classique, au temps des orateurs et d'Aristote". Beeckh, dont l'opinion est aujourd'hui dominante, nous paraît avoir bien démontré, dès 1832", que les gynéconomes ont dû être créés par Démétrius de Phalère, au moment où, par de nouvelles lois assez vexatoires, il augmenta notablement le nombre des prohibitions somptuaires "'. Aucun des orateurs grecs n'a parlé des gynéconomes, et quant à Aristote, s'il y fait allusion, il ne dit pas que ce sont des magistrats athéniens. Bien loin de là! il écrit qu'il ne faut pas s'attendre à rencontrer de gynéconomes dans une démocratie. Or, au temps d'Aristote, Athènes était le type des gouvernements démocratiques et ne devait pas avoir une magistrature qu'Aristote regarde comme un indice d'aristocratie. II y a eu, à Athènes, antérieurement à Démétrius de Phalère, des lois tendant à réprimer les excès du luxe et le dévergondage des femmes. L'amende de mille drachmes, établie par Philippide pour punir les âxoauoûe«t yov«ëxE;, existait déjà au temps d'Hypéridet6. Mais il ne s'ensuit pas nécessairement qu'il y eût des gynéconomes. D'autres magistrats pouvaient être chargés de faire exécuter ces lois, les astynomes, par exemple, à qui était confiée la surveillance de toute une catégorie de femmes, les joueuses de flûte, de harpe ou de cithare17. Quel ft,is le mode de nomination des gynéconomes? D'un passage du rhéteur Ménandre, Hermann a conclu que ces magistrats étaient élus '$. Mais le tirage au sort a aussi des partisans:19. Le plus sûr est de s'abstenir provisoirement d'une solution, qui serait prématurée. La fonction normale des gynéconomes athéniens était la surveillance des femmes. M. Foucart nous les montre, lors des grandes processions, qui, à des époques périodiques solennelles, se rendaient d'Athènes à Delphes, vérifiant si elles se conformaient aux prescriptions minutieuses que les règlements avaient établies. « Ces GYP 4.714 GYP magistrats, dit-il, ne devaient pas être les moins occupés, car on mettait à leurs ordres des huissiers armés de verges (a r'rtyopdpot)', chargés de maintenir plus efficacement la discipline. » Pour certaines fautes graves commises en temps ordinaire sur la voie publique, les âxoci.oûaat yuv«CXEÇ pouvaient être frappées d'une condamnation pécuniaire s'élevant à mille drachmes Les condamnations de ce genre étaient portées à la connaissance du public par voie d'affiche sur un platane du Céramique 3. Les gynéconomes devaient aussi veiller, concurremment avec les Aréopagites, à ce que les convives, dans les repas de noces ou dans les festins de tout genre, ne fussent pas plus nombreux que ne le permettait la loi4. Le maximum avait été fixé à trente. Cette limitation du nombre des convives et la mission donnée aux gynéconomes de la faire respecter étaient de date récente à l'époque où écrivait le poète Ménandre. Il nous dit, en effet, que c'est en vertu d'une loi nouvelle, xcc t vdt.ov x«tvv ,rtv« 5, que les gynéconomes sont obligés de prendre de singulières mesures pour s'assurer du nombre des convives; par exemple, de s'entendre avec les cuisiniers, que les maîtres de maison chargeront de la préparation des repas, pour la découverte des infractions à la lois. Les gynéconomes poursuivaient-ils d'office les contraventions aux lois qu'ils étaient chargés de faire observer? Attendaient-ils une plainte ou une dénonciation? Les témoignages des poètes comiques autorisent a penser qu'ils constataient eux-mêmes les faits illégaux et prenaient l'initiative des poursuites. Timoclès, entre autres, nous les montre parcourant les voies publiques et cherchant à vérifier si, dans les festins, le nombre des convives excède le chiffre légal. « Tenez, dit le poète, les portes ouvertes, pour que le gynéconome voie sans peine les convives, s'il tient à les compter. Ne ferait-il pas mieux de visiter les maisons des malheureux qui n'ont rien à manger 7 ? » Mais cette surveillance était-elle efficace ? Pouvait-elle, comme le souhaitait certainement Démétrius de Phalère, rappeler à la discipline intérieure et à la dignité de la vie ceux qui n'avaient plus le souci des bonnes moeurs, de ces choses qui, suivant le mot de Sénèque omnes extra publicas tabulas sont? 9 E. CAILLEMER. GYPSUM, yd'~oS, gypse, plâtre 1. Le terme latin et le terme grec servaient à désigner le gypse ou pierre à plâtre (sulfate de chaux hydraté), aussi bien que le plâtre lui-même. Mais ici, comme dans bien d'autres cas, il y a lieu de présumer que l'on a confondu quelquefois sous la même dénomination des substances d'aspect analogue, mais de nature différente, par exemple une espèce d'argile à foulon' et la chaux elle-même 3. La nature du gypse n'a été connue qu'au siècle dernier; mais les minéralogistes anciens s'en étaient préoccupés. Aux yeux de Théophraste c'était une substance D'autre part certaines de ses propriétés le faisaient aussi rapprocher de la chaux 6. Les anciens connaissaient beaucoup de gisements de gypse. Les plus considérables et les plus renommés étaient ceux de Chypre, où la pierre était à fleur de terre, de Phénicie, de Syrie, de Thurium en Lucanie, de la Perrhébie (Thessalie du Nord), enfin de Tymphée en Étolie 7. Le plâtre se préparait, comme de nos jours, en calcinant le gypse dans des fours, sur la construction et l'aménagement desquels nous ne possédons aucun renseignement. Il semble, d'après les termes do Théophraste et de Pline l'Ancien, que l'industrie plâtrière ait été spécialement exercée en Phénicie, en Syrie et à Thurium. On choisissait pour la calcination les pierres les plus dures, les plus homogènes, celles qui présentaient l'aspect du marbre ou de l'albâtre et on les mettait au four avec de la bouse de vache pour accélérer l'opération; puis on les battait (v.d7rrs tv) pour les réduire en poudre 8. Le meilleur plâtre se fabriquait avec la pierre spéculaire ou celle de texture semblable'. L'avidité du plâtre pour l'eau, la rapidité avec laquelle il se prend en masse compacte (7ciÏyvuT«t) n'avaient pas échappé aux anciens; aussi recommandaient-ils de ne le mouiller qu'au moment de s'en servir10. La pâte formée par l'addition de l'eau se remuait avec des morceaux de bois (u),otç), à cause de l'élévation de la température produite par l'hydratation 1' Le plâtre trouvait son principal emploi dans la maçonnerie pour le crépissage (albarium opus) des murs de moellons ou de briques et pour toute espèce de scellement 12. Il servait à établir les surfaces blanches sur lesquelles on inscrivait les déclarations publiques et les annonces de toutes sortes 13 [ALBUM] ; à faire les moulures, les corniches t', [conoNA], et les décorations en relief (siyilla aediflciorum)14 A cause de ses propriétés plastiques, le plâtre eut de bonne heure une place importante dans la sculpture et GYP 4745 GYP dans la céramique pour prendre des moulages (â7rou7p.xrx)'. L'art du moulage est donné par Pline comme une invention de Lysistratos de Sicyone, qui le premier prit au moyen du plâtre l'empreinte d'un visage humain [FORMA] et coula de la cire dans le moule ainsi obtenu; il reproduisit aussi des statues de la même manière 2. L'authenticité de ce fait a été révoquée en doute3. Quoi qu'il en soit, le procédé se répandit et l'on cite de nombreuses statues en plâtre qui étaient ou des oeuvres originales ou des reproductions'. La statue chryséléphantine de Zeus que Théokosmos de Mégare avait, dit-on, entreprise avec l'aide de Phidias, et dont la guerre du Péloponnèse avait interrompu l'exécution, n'avait que la tête en or et en ivoire, le reste était d'argile et de plâtre 6. Pausanias avait remarqué dans une maison particulière, à Creusis, port de Thespies, une statue de Dionysos en plâtre et peinte 6. A. Rome, des particuliers possédaient chez eux des bustes ou des statues de cette matière. Les écrivains, en parlant d'une statue de ce genre, la désignent par le mot gypsum, comme nous disons un « plâtre' n, Les pqupées ou figurines appelées xdpxt se faisaient non seulbment en cire, mais encore en plâtres ; c'est pourquoi l'artisan qui les fabriquait, appelé d'abord xopo dans un sarcophage. Ce sont des figurines peintes, qui ont rapport à la fable de Niobé". Le moulage n'avait pas toujours pour but de multiplier les exemplaires d'une oeuvre; aussi un plâtre, lorsqu'il était unique, pouvait-il atteindre un prix fort élevé, comme il arriva pour le modèle d'une coupe qui fut vendu un talent à un chevalier romainl3. Les ornements en relief (sigilla aedi/iciorum), dont il a été question plus haut, étaient quelquefois moulés; c'est ainsi que dans une maison de Pompéi, qu'on suppose avoir été la demeure d'un stucateur, on a trouvé un assez grand nombre de moules de plâtre destinés à reproduire des ornements de ce genre ". Les potiers romains se servaient aussi de moules semblables [F ICLINUM] 11. Le plâtre avait bien d'autres emplois. Un des plus anciens est rapporté par Hérodote dans sa description des momies éthiopiennes 16 : le cadavre, après avoir été desséché, recevait un enduit de plâtre que l'on peignait en s'efforçant de reproduire les traits du mort. Les peintres en faisaient usage, d'après Théophraste, qui ne précise rien à ce sujet 17, de même que les foulons 18 [FOLLONICA]. Il semble qu'on en ait rempli, à l'occasion, les vides de certains ouvrages d'orfèvrerie non massifs19. Un mélange de gypse, de céruse et de poix liquide passait pour préserver le fer de la rouille 20, Les agronomes font souvent mention de son emploi IV. pour clore 21 et réparer les divers ustensiles d'argile 22. Du plâtre pulvérisé mélangé à une livre de cire, une livre de résine et une demi-livre de soufre servait à faire un lut recommandé pour le raccommodage des tonneaux 23. Quand on voulait détourner les poules de manger leurs oeufs on coulait dans la coquille, à la place du blanc, du plâtre mouillé dont la dureté, quand il était sec, décourageait l'animales. En Grèce et en Italie on plâtrait les vins faibles et ceux qui se piquaient facilement pour les conserver25; après avoir cuit le vin jusqu'à diminution du dixième, on y ajoutait, après refroidissement, une hémine de gypse pour sept setiers de moût26. Le plâtre entrait ainsi dans diverses mixtures, dont le but était soit de donner de la force aux vins faibles, soit de communiquer à ceux qui étaient trop jeunes un goût de vin vieux27. Le plâtrage était usité aussi en Afrique pour corriger l'âpreté du vin 28. Mais les vins ainsi traités passaient pour malsains29. Les qualités absorbantes de ce corps étaient utilisées pour la conservation des fruits, notamment des pommes et du raisin. Les premières en étaient tout simplement enduites30; quant au raisin, après l'avoir fait sécher au soleil, on enveloppait la grappe de jonc et on l'enfouissait dans du plâtre contenu dans une jarre ; c'était là un procédé usité dans la Ligurie Maritime 31. . On voit encore le plâtre employé dans la fabrication de la fausse alita, espèce de gruau fait avec un épeautre dégénéré qui provenait d'Afrique. On en concassait les grains avec du sable pour les monder. L'enveloppe partie, on ajoutait au grain un quart de plâtre et, lorsqu'il y était bien incorporé, le tout était tamisé à trois reprises sur des cribles de plus en plus fins dont le dernier ne laissait passer que le sable 32, Le plâtre était regardé comme un poison et l'on racontait que Proculei us, ami de l'empereur Auguste, souffrant de violentes douleurs d'estomac, s'était donné la mort en en avalant33. Naturellement il avait ses antidotes, parmi lesquels il faut citer l'origan, puis l'huile prise en boisson dans de l'hydromel ou dans une décoction de figues sèches, enfin le lait d'ânesse 3' Le mot Mo; paraît avoir servi de terme de comparaison quand il s'agit du fard blanc33; c'est de la même manière que nous disons familièrement plâtré pour fardé. C'est peut-être dans le sens de blanc et de blanchir qu'il faut prendre yu'I)oç et yuLovv dans deux passages d'Hérodote. Dans l'un, l'historien raconte que les Éthiopiens, pour marcher au combat, se frottaient la moitié du corps de rouge (µ.iks) et l'autre moitié de blanc (T6.,h)) 36. En rapportant le stratagème suggéré par le devin Tellias aux Phocéens cernés sur le Parnasse, il nous dit qu'après avoir enduit de plâtre ou de blanc (yte.K)cxç) six cents hommes, ainsi que leurs armes, il les lança 216 GYR 1716 GYR contre les Thessaliens'. De même à Rome on disait indifféremment gypsati ou cretati pedes ou encore albi pedes en parlant de la marque à laquelle on reconnaissait les esclaves récemment importés ou ceux qui étaient à GYItGILLUS. C'est la barre transversale ou le treuil autour duquel s'enroule la corde au moyen de laquelle on fait descendre et l'on remonte le seau d'un puits' ou tout autre fardeau. On peut voir un exemple de ce mécanisme au mot CADUS. Dans la figure 920, la barre traverse un cylindre renflé ati milieu, qui est formé de rais arqués dont les extrémités s'appuient sur deux fonds circulaires. Nous en donnons ici un deuxième exemple (fig. 3688). Ce treuil, dont les débris ont été trouvés dans un des puits funéraires du Bernard (Vendée)', est formé de deux plateaux de bois circulaires reliés ensemble par un axe de bois et échancrés sur leurs bords. Dans ces échancrures s'encastraient des douilles formant tambour, qui ont péri ; elles étaient fixées par des clous, dont quelques-uns subsistent .encore. Chacun des plateaux était muni d'une traverse qui se terminait des deux côtés par une queue droite, laquelle permettait à deux hommes manoeuvrant dans le même sens de soulever l'objet qu'on voulait tirer. Les plateaux mesurent Om,33 de diamètre; les douilles avaient 0'1,65 à O'n,70 de longueur. E. SÀGLtO.