Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article HASTA

IIASTA (A6?u), lance. Parmi les armes offensives dont se servaient les Grecs, les Romains et en général tous les peuples de l'antiquité, les textes et les monuments nous montrent que la lance figurait au premier rang. Il est souvent difficile cependant de distinguer avec précision les termes qui désignent les armes de hast de ceux qui s'appliquent aux armes de trait. Entre un long javelot et une lance courte, la différence est peu appréciable et souvent on combattait des deux façons avec la même arme. Nous nous occupons ici des armes de hast, tout en faisant la réserve que nous venons d'indiquer. La lance est essentiellement composée d'une longue hampe de bois à l'extrémité de laquelle est fixée une pointe de métal destinée à transpercer l'ennemi. lance par un certain nombre de mots qui servaient V tantôt à indiquer une partie de l'arme, tantôt l'arme tout entière. Ce sont les suivants : Ai7p.rl, proprement la pointe de la lance 1, mais souvent la lance elle-même 2. Odru est le terme le plus usité. Il signifie proprement le boisa; aussi les poètes l'emploient-ils pour désigner d'autres bois que celui de la lance mais dans les auteurs de prose il désigne toujours la lance. "Eyyoç, fréquemment usité dans Homère Ady7i1 dans Hérodote désigne le fer de la lance, par opposition au bois qu'il appelle ïuc'r v, tandis qu'il nomme la lance entière aiyp.ri 6. Le même sens est donné au mot ),dyzz,, dans Xénophon 7 et dans Sophocle 8. ž¢lais le plus souvent il désigne la lance même 9. EueTdv, objet poli, d'où le bois de la lancef0; par extension la lance elle-même l1. E.otca ou Eâr;cca, lance macédonienne12. Dans les fouilles d'Ilissarlik, M. Schliemann a trouvé plusieurs pointes de lance en bronze. Les plus anciennes, au nombre de treize, appartiennent à ce qu'il appelle la seconde ville préhistorique. Elles a ont la forme d'un triangle isocèle allongé et sont terminées au bas par une pointe destinée à entrer dans le bois (fig. 3715). Leur longueur varie de 091,17 à O91,31 et leur plus grande largeur de 0,m04 à, 0,m06. Dans la partie inférieure se voit un trou dans lequel est encore souvent le clou qui assujettissait le métal au bois. La plupart de ces lances sont dentelées des deux côtés en forme de scie, comme le sont certaines Fig. 3715.Pointes de lances lances en silex f3. Les tètes de lance en bronze trouvées à llis d'Hissarlik n'ont donc pas de douil les comme celles que nous verrons à Mycènes et le plus grand nombre de celles qui ont été trouvées dans le nord de l'Europe occidentale, notamment dans les cités lacustres de Suisse et dans de nombreuses sépultures d'Allemagne, d'Autriche et d'Italie 14. Elles ressemblent au contraire à certaines têtes de lance trouvées à Chypre et conservées aujourd'hui au Musée Britannique et au Musée du Louvre 15. Dans la sixième ville, que M. Schliemann croit être une colonie lydienne, mais que l'on considère aujourd'hui comme la vraie Troie d'Ilomère, il« a découvert une tête de lance également en bronze, niais terminée à sa partie inférieure par une douille, comme celles que nous verrons à Mycènes 16. C'est dans le quatrième tombeau de l'Acropole qu'ont o HAS été trouvées les pointes de lances mycéniennes. Toutes, ainsi que nous venons de le dire, ont une douille à leur extrémité inférieure (fig. 3716). L'une d'elles a, par exception, un anneau de chaque côté. Ces anneaux, d'après M. Schliemann, servaient à assujettir au moyen d'une corde ou d'une lanière la pointe de la lance à la hampe, pour l'empêcher de tomber. A l'extérieur de la douille on voit la tête plate 'd'un clou qui fixait le métal au bois'. Des fragments d'un vase peint, trouvés à Mycènes mais peut-être de date très postérieure, nous montrent (fig. 3717) des guerriers portant la lance. A la hampe est attaché un objet de forme bizarre et dont jusqu'ici on n'a pas pu déterminer exactement la nature. Un second fragment du même vase représente d'autres guerriers brandissant la lance de la main droite, la pointe en bas, comme pour frapper des ennemis renversés. La pointe d'une des lances, la seule visible, est foliiforme. Dans les deux fragments les lances sont très longues 2. Une tête de lance en bronze, trouvée à Vaphio, et d'autres trouvées dans les fouilles de l'Acropole offrent des caractères particuliers (fig. 3718). L'extrémité inférieure a été repliée et forgée au marteau de façon à former une douille ouverte au milieu'. A Tirynthe, la seule pointe de lance qui ait été trouvée est en fer et de date plus récente'. Les guerriers d'Homère sont armés de la lance que le poète appelle i 'yoç, r'ç eé , pu, p.Ea(Il. Le bois de la lance était généralement en frêne, d'où lui vient le nom de N.Eai-t, ou l'épithète p.eO 'iov5. Le bois était muni à ses deux extrémités d'une pointe d'airain G. La pointe supérieure servait à frapper l'adversaire; l'autre, appelée oûp(zaos' ou axup ure p0, servait à planter la lance dans le sol aux moments de repos. On suppose généralement que la hampe de la lance homérique était engagée dans la douille placée à la partie inférieure du fer. C'est l'opinion de Schliemann qui HAS traduit le mot xûads par tube dans ce vers : « Et la cervelle s'échappa de la blessure le long du tube de la lances ». M. Helbig adopte cette interprétation 10. M. Leaf la rejette pour les raisons suivantes. Homère dit que dans la lance d'Hector, la pointe était maintenue par un anneau d'or, 7 dpxr,s". Les éditeurs n'ont vu là aucune difficulté. Ameis, dans son commentaire, dit qu'on ajoutait l'anneau pour plus de solidité. C'est aussi l'explication que donne M. Helbig12. Mais en quoi un anneau d'or peut-il rendre plus solide une douille de bronze? M. Leaf propose plusieurs solutions à cette difficulté". La première est que si l'on maintient à xi),d le sens de douille, les deux procédés, l'emploi de l'anneau et celui de la douille, sont différents l'un de l'autre et usités séparément. L'anneau serait employé dans le cas où le fer serait disposé comme ceux d'Hissarlik et s'enfoncerait par une pointe dans le bois. Alors, en effet, l'anneau empêcherait le bois d'éclater. Ce qui paraît confirmer cette hypothèse, c'est que dans les passages où est nommé le 7toNrr,ç, il n'est pas question d'ni),ds. La seconde explication est que l'on s'est mépris sur le sens d'ui),ds. D'après M. Leaf, ce mot signifie ouverture. Aéais entre dans la composition de l'adjectif xûaw7aç par lequel est parfois qualifié le casque dans Homère" et dont la signification a été beaucoup discutée. Suivant les uns, il signifie : muni d'une pointe ou d'un tube portant un panache '0. D'autres au contraire traduisent : pourvu de trous de visière. C'est l'opinion qu'adopte M. Ilelbig'o, et c'est aussi l'avis de M. Leaf. Pour lui le vers d'.Homère : Fixé?xaoç âE Ira?' aûaôV âvÉÔpat.t.sv É, t'otist),r,ç17 signifie que la cervelle passait à travers les ouvertures du casque. Un passage de l'Odyssée donne, sans discussion possible, le sens de trous au mot aûaos, c'est celui où il est parlé d'une agrafe à deux trous". Dans cette hypothèse, le fer de lance, terminé à son extrémité inférieure par une larve plate, aurait été encastré dans une fente pratiquée à l'extrémité supérieure de la lance et assuré par deux clous passant à travers le bois et le métal. L'anneau servirait, comme nous l'avons dit plus haut, à empêcher le bois d'éclater. 11 est rrn cas, cependant, où l'emploi de l'anneau est indispensable même avec une douille, c'est celui où la douille est fendue comme dans la lance de Vaphio. Mors, en effet, si elle n'était pas maintenue par un anneau, la douille s'écarterait au premier choc. Il existe au British Museum un spécimen de lydpzrls d'or trouvé en Étrurie, mais qui a servi à assujettir la lame d'un poignard". Il est formé de fils fondus de façon à faire une bande solide. On se servait du même procédé pour fixer les pointes de flèches". Sur la forme de la pointe, Homère ne nous donne aucune indication. Était-ce une pyramide quadrangulaire? Était-elle foliiforme et à deux tranchants? Nous l'ignorons. L'épithète p.cp(yuoç qui est souvent donnée à HAS 33 HAS la Iance' ne permet pas de résoudre ce problème. En effet, le sens de ce mot est assez difficile à déterminer. Certains commentateurs, comme Ameis2 et Goebel',l'ont traduit par : armé de deux pointes, l'une en haut l'autre en bas. D'autres, comme Doedelein4 et G. Hermann', ont au contraire traduit par : à deux tranchants 6.M. Leaf pense que ce mot s'applique à l'élasticité de l'acier'. La garniture de l'extrémité inférieure est désignée le plus souvent sous le nom d'otipia os. Le mot axupwti3ip ne se trouve que dans un passage contesté'. Les deux passages de l'Iliade qui nous montrent des guerriers plantant leur lance dans le sol ne nous indiquent pas s'ils y fichaient la pointe supérieure ou la pointe inférieure'. Le reste de l'Iliade fait supposer que l'oôpézyog, selon la remarque de M. Leaf 10, était plutôt une pomme qu'une pointe. Ce serait, d'après cet archéologue, quelque chose de semblable à la partie inférieure des lances que portaient les gardes du corps du roi de Perse ". Des pommes semblables apparaissent souvent sur les monuments figurés, nous le verrons plus loin (fig. 3730). En certains cas, ajoute-t-il, il était nécessaire qu'il y eût, à l'extrémité inférieure, un contrepoids suffisant pour que la lance pflt être maintenue horizontale par le combattant : c'était quand celui-ci, pour frapper à une distance plus grande, saisissait le bois à son extrémité inférieure. L'oüptx'os était ce contrepoids. L'utilité du contrepoids est incontestable, mais il est également évident qu'une pointe inférieure semblable à la pointe supérieure aurait complètement rempli ce rôle, et il semble bien que cette pointe inférieure existe sur le vase de Mycènes cité plus haut (fig. 3716). Il n'est pas question dans l'Iliade d'une courroie pour jeter la lance. Cependant quelques archéologues ont cru en voir la représentation grossière sur le même vase peint de Mycènes 12. Si l'artiste mycénien avait eu l'intention de représenter cet objet, il l'eût mis près de l'extrémité inférieure, et non près de la pointe 73. Les lances homériques étaient très longues. De là les épithètes de Tis),ôlptov 1°, de [a.axpclv 16, de ôdatxov 16, enfin de ôoXtydaxtov, c'est-à-dire projetant une grande ombre 17. L'Iliade nous donne même les dimensions de plusieurs lances. Celle d'Hector a 11 aunes ou coudées, soit environ 5 mètres de longueur 18. Les lances dont se servent les Achéens pour défendre leurs vaisseaux contre les Troyens sont de double longueur 19. Celle d'Ajax, fils de Télamon, a 22 aunes, soit environ 10 mètres. Elle se composait de plusieurs morceaux reliés les uns aux autres par des crampons ou des viroles 20. Ces dimensions paraissent exagérées21. Cependant les Chalybes, d'après Xénophon 22, se servaient de lances de phis de cinq mètres, et telle était aussi la longueur de la sarisse macédonienne dont nous parlerons plus bas; enfin, même à l'époque classique, on se servait, pour la défense des vaisseaux, de lances de grande dimension qu'Hérodote appelle ôoûpXTra vxv!.x/a23. Dans le vestibule des palais il y avait, à l'époque homérique, une sorte d'armoire ou de râtelier placé près des piliers et dans lequel les étrangers serraient leur lance avant d'entrer dans les pièces intérieures. Cette armoire s'appelait ôoupoUx-il 24. A l'époque classique, la lance continua à faire partie de l'armement des guerriers grecs. Elle figure parmi les armes des guerriers de Léonidas aux Thermopyles"s Les cavaliers s'en servaient comme les fantassins26 Nombreux sont les monuments de tout genre qui nous montrent les uns comme les autres ainsi armés. La lance continue à être formée des trois parties dont nous avons parlé plus haut : la pointe, la hampe, le talon. La pointe est de plusieurs formes. Tantôt elle ressemble à une feuille 27 allongée (fig. 3719), avec ou sans côte médiane, tantôt elle est à angles, à trois ou quatre côtés (fig. 3720) 28. Un certain nombre de peintures de vases donnent en core aux pointes la forme de losanges 29 ou de triangles30. Le procédé à l'aide duquel la pointe était fixée à la hampe a varié. Le plus ancien est celui qui fut employé pour les pointes qui étaient terminées en bas par une soie en forme de langue, comme celles d'Hissarlik. Cette soie entrait directement dans le bois31. Elle était fixée par des clous 32, ou bien des deux côtés de la nervure médiane étaient percés des trous ou deux fentes dans lesquelles entraient des courroies 33. « Il semble, dit en les décrivant M. de Ridder, qu'on aitprotégé le haut du bois par une grossière douille de métal". » De là à fabriquer les fers d'une seule pièce dont la nervure se continue par la douille, la transition était toute naturelle, aussi le fit-on dès l'époque homérique, nous l'avons constaté plus haut3'. Presque tous les exemplaires qui se trouvent au Polytechnicon d'Athènes ont cette forme, de beaucoup la plus commune36. Nombreuses aussi sont les peintures des vases où elle apparaît37. D'autres sont faites d'une tige en HAS 36 H-AS forme de pyramide simple 1 ou à quatre côtes, qu'un départ relie à la douille (fig. 3721)2. Le fer est quel quefois relié à la douille par un tore'. Parfois l'extrémité inférieure de la douille était fixée par des clous 4. Au bas de certaines douilles, on voit un anneau; sur une douille de l'acropole, à mi-hauteur du tore est placée une boule de plomb lourde et côtelée, qui servait à donner plus de sûreté aux coups'. Enfin, sur quelques lances, le fer porte sous la pointe une barre transversale 6. Pour le bois de la lance on employait diverses essences d'arbres. Le frêne était le plus fréquemment en usage à l'époque homérique. Xénophon recommande le cornouiller'. La hampe faite de ce bois lui paraît plus solide que celle qui est faite de xrzN.x;B. La lance des cavaliers macédoniens était également de cornouiller'. Pour préserver le bois, on le frottait d'huile. Une peinture de vase représente un guerrier occupé à cette opération 10. Le bois était souvent entièrement recouvert de lanières entrelacées 11, parfois, au contraire, elles formaient simplement une sorte de poignée destinée à donner plus de prise 12. On voit encore, sur un certain nombre, des anneaux placés de distance en distance, plus particulièrement vers les extrémités supérieure et inférieure S3, Les hampes de lance étaient quelquefois faites d'autre matière que le bois. Hérodote et Aristote signalent notamment l'emploi de la peau d'hippopotame 11. Un grand nombre de lances sont représentées sur les monuments antiques sans talon 15. Nombreuses aussi sont les représentations de lances où un talon est figuré. La forme de ce talon varie beaucoup. Tantôt c'est une pointe semblable à celle qui servait à frapper, en sorte que l'arme pouvait être utilisée également par les deux extrémités 16. Tantôt, si la forme des deux pointes est différente (fig. 3723), elles sont néanmoins propres l'une et l'autre à transpercer 17. Ailleurs le talon est une pointe de dimension plus petite que le bois 1S, Sur d'autres il paraît uniquement destiné à faire contrepoids ou à permettre de saisir solidement la lance par son extrémité inférieure. Quelquefois un bouton est placé à la pointe 19 (fig. 3722). Le talon est alors plus ou moins garni d'anneaux en saillie 20. Des anneaux du même genre sur montent aussi quelquefois les talons du type précédent 21, Sur d'autres apparaît seulement une saillie de chaque côté 22. Enfin, sur une pein ture de vase à figures rouges, une lance est terminée en bas par une sorte de crosse 2'. Les monuments figurés ne peuven t nous donner aucune indication précise sur la hauteur des lances. Elles sont, en effet, tantôt grandes et tantôt plus petites. D'après de nombreux monuments qui représentent un guerrier debout appuyé sur sa lance, on peut conclure qu'elles avaient un peu plus de deux mètres'; d'autres dépassaient de beaucoup cette hauteur ( fig. 3723) 23. Les passages de Xénophon que l'on cite d'ordinaire, comme donnant la mesure des lan ces et des javelots 2G, ne nous renseignent guère. Iphicrate, quand il réforma l'armement, allongea la lance du double, d'après Cornelius Népos 27, de moitié d'après Diodore de Sicile 28. Ni l'un ni l'autre ne nous disent si la nouvelle lance avait un talon. On ne sait si, dans la figure 3724 d'un homme armé d'une lance pourvue d'une pointe à chaque extrémité, il faut, avec Stackelberg reconnaître un peltaste 211. La phalange Macédonienne fut armée par Philippe d'une lance plus longue encore30.'Cette lance s'appelait sarisse (cxctaaa, ,.,-.para). Au temps de Philippe elle mesurait, d'après Polybe, quatorze aunes, soit environ 7°x,20. Cette mesure est répétée par presque tous les auteurs de Tactiques 31. Théophraste lui donne cependant la longueur plus petite de douze aunes, 6m,30 32 et Arrien celle de seize pieds, 44°',80 33. Cette mesure est considérée par M. Droysen comme étant la véritable31. D'après Rüstow et Kichly, HAS 37 HAS dans le texte de Polybe et dans celui des auteurs de Tactiques qui l'ont copié, il faudrait remplacer partout les aunes par des pieds. La sarisse aurait eu, dans ce cas, quatorze pieds de longueur, soit 491,201. Même si l'on adopte la plus petite mesure, il est évident que seuls des hommes très vigoureux pouvaient manoeuvrer une arme aussi pesante et qu'elle devait être incommode pour les évolutions, mais c'est précisément ce que les anciens observent quand ils parlent de la lance phalangite 2. On trouve du reste dans les auteurs anciens mention d'autres lances de très grande longueur. Sans parler des lances homériques de vingt-deux aunes, il suffit de rappeler celles des Chalybes qui en avaient quinze et celles des Mossynèques, qu'un homme pouvait difficilement remuer'. Pour ce qui regarde les détails de la sarisse, la nature du bois, la forme et la longueur du fer, etc., aucun renseignement ne nous a été laissé par les anciens. Quand Philopoemen réforma l'armement des Achéens, il leur donna une lance un peu plus courte que la sarisse A l'exercice, les soldats grecs étaient habitués à manoeuvrer les armes comme les nôtres manoeuvrent le fusil. Les auteurs de Tactica nous ont conservé les divers commandements relatifs à ces manoeuvres. « Portez armes » se disait : ûvw Tx SdpxTx ; « déposez vos armes » xaf E; Ty SdpaTct 6, Dans les mouvements le mot Sdpu indiquait la droite, par opposition au mot âa7rfs qui désignait la gauche. D'où les expressions : i ti idpu xaivov, oblique à droite ; E7rl Sdpu u.ETx~cW ou, demi-tour à droite ; E-1 ôdpu E-(a'gECps, volte-face à droite; é-l Sdpu ix7:Ep.177t'x, conversion de trois quarts à droite, É7. idp' â-oxaTxaTraov, rétablissement à droite, ix Sdpx'o;, par le flanc droit. On trouve aussi l'expression xxTuGI),E v Tà6 axp(aax;, croiser les sarisses s. Pour se rendre à l'ennemi, les Grecs levaient la lance, comme les soldats des armées modernes lèvent en l'air la crosse de leurs fusils On se servait principalement de la lance pour frapper l'ennemi en gardant l'arme dans la main. Cette manière de combattre est celle qui est le plus fréquemment représentée sur les monuments 10. Plus rarement et quand les nécessités du combat le demandaient, on la lançait contre l'ennemi il. C'est sans preuves que Rüstow et Küchly disent que les Spartiates ne se servaient jamais de la lance comme arme de jet 12, Quand les guerriers étaient armés de deux lances, la plupart du temps d'inégale grandeur, ils lançaient l'une contre l'ennemi et frappaient avec l'autre, dès qu'ils étaient à portée. Xénophon donne des règles précises sur l'emploi de la lance dans la cavalerie. Le cavalier doit d'abord lancer ses javelots, et frapper quand il est arrivé à portée de lance, El; Sdp'TO; -),r~yrty 13. Il considère cependant la longue lance comme une arme inférieure aux javelots pour le cavalier l'. Un bas-relief attique représente un cavalier armé de la longue lance 02 [EQUITES, fig. 2730]. Les cavaliers thessaliens s'en servaient également. Sur les monnaies de ce pays ils sont armés tantôt d'une lance sans talon16, tantôt d'une lance à talon''. La même arme se voit encore sur des monnaies de Patraos, roi des Paeoniens 18, et de Cibyra de Phrygie (fig. 3725) 19. Divers corps de troupes tirèrent leurs noms de la lance dont ils étaient armés. Ces corps étaient composés de mercenaires et destinés à la garde des tyrans ou des rois étrangers. Tels sont les Sopucpdpot 20, les ;uarotpdpot21, les ).oyZogdpot 22. Les rois macédoniens et les Séleucides eurent des corps portant ces divers noms, mais ce sont des corps de cavalerie. On trouve dans leurs armées des doratophores23, des xystophores21, des contophores25 Les axptaotK,;ct au contraire sont des fantassins'', Les Grecs offraient souvent en ex-voto aux dieux des lances. Outre celles qui faisaient partie des panoplies 27, les lances ou les fers de lance étaient souvent offerts seuls 2R. On lit sur un fer déjà cité (fig. 3721), dédié à Zeus Basileus, les mots OsdBnEo; âvi4rxc t3xrJ,si n, sur un autre trouvé à Olympie : M0Oxvtoc i-,-,.b AaasSxtiloviwv enfin sur un fer trouvé en Béotie et dédié à Apollon Ptoieus : Tou IITo;is; ixpdv 30 C'était aussi la coutume de placer une lance auprès des tombeaux de ceux qui avaient péri de mort violente 31. ques ressemblaient à celles des Grecs. Elles étaient comme elles armées d'une pointe presque toujours foliiforme 32. Cependant le fer est quelquefois en losange ou terminé en bas par deux pointes formant crochets, l'un à droite, l'autre à gauche, comme l'étaient souvent les fers de flèches 33. Une côte partage le fer par le milieu. La douille est généralement ronde3', quelquefois poly HAS gonale (fig. 3726, 3727) t. Au milieu du bois se trouve souvent l'amentum et par conséquent l'arme servait aussi de javelot2. L'extrémité inférieure est sur certains monuments terminée par un talon de métal à pointe3 pouvant servir à frapper, sur d'autres par un ferret ajusté àlahampe comme un bout de canne 4. Parmi les bronzes de la collection Castellani se trouvaient une pointe foliiforme, dont l'arête se prolonge en douille, une virole garnie de deux anses probablement destinées à tenir l'amentum, et le talon en forme de chapeau d'une lance trouvée à Cumes (fig. 3727). M. Castellani croyait cette lance étrusque 5. Les fouilles faites dans le Latium, sur l'emplacement d'Albe la Longue, ont amené la découverte de quelques fers de lance, tandis qu'on n'y a trouvé aucune épée 9. En effet, les anciens mentionnent la lance comme étant l'arme par excellence des populations du Latium et du Samnium. Le mot quiris, origine très probable du nom de Quirites que portaient les Romains, est un mot sabin'. C'est l'importance de la lance dans l'armement des peuples latins qui est la raison pour laquelle le dieu Mars portait le surnom de Quirinus a. L'image de ce dieu ou plutôt son symbole, dans un grand nombre de villes latines aussi bien qu'à Rome, était la lance sacrée. Quelquefois il y en avait deux, celle de MARS et celle de QUIRINUS, qui fut un dieu distinct avant d'être confondu avec Mars 0. Les Samnites tiraient leur nom des hastes qui étaient leurs armes particulières10. Ces hastes sont représentées dans les peintures des tombeaux (fig. 3728)11 et sur des vases 38 HAS dont plusieurs sont au Musée du Louvre (voy. t. I, p. 675, fig. 794). Elles ont ou dépassent quelque peu la hauteur d'un homme, sont munies d'un fer en forme de feuille ou à crochets, et souvent d'un amentum, et n'ont pas de talon l2. D'autres ont un fer plus large et en forme de losange allongé. Ces derniers n'ont pas d'amentum 13. Les cavaliers portaient la lance comme les fantassins". LA LANCE IREZ LES ROMAINS. La lance portait primi tivement, chez les Romains comme chez les Sabins, le nom de qu'iris. Le mot hasta est employé pour désigner toute espèce de lance. D'après Servius, le 'ileum, le GAESUM et la SARISSA sont des hastae 15. Un passage de Strabon, ou tout au moins d'un recenseur ancien de Strabon, nous dit qu'il y avait deux façons de se servir de toutes les piques : l'une qui consistait à les lancer contre l'ennemi, l'autre à le frapper de près. On employait les deux manières de combattre, aussi bien avec le pilum qu'avec la hasta 16. Dans l'organisation de l'armée servienne, qui rappelait celle de la phalange macédonienne, les soldats des trois rangs avaient également pour arme la hasta. C'est ce qui résulte des textes de Tite-Live et de Denys d'Halicarnasse 17. Mais ce qui reste inexpliqué, c'est comment le second rang portait seul le nom de hastati, alors que le premier, celui des principes, et le troisième, celui des triarii, étaient également armés de la haste. A l'époque de l'invasion gauloise (390 av. J.-C.), Camille, dit Plutarque, entre autres réformes, apprit aux soldats romains à se servir de la pique en la tenant à la à-dire à parer les coups de la longue épée gauloise". On a conclu de ce passage que Camille avait remplacé la hasta par le pilum. Sans doute le mot ûsadç est le terme technique pour désigner le pilum, mais Plutarque a peut-être fait un anachronisme et il est possible que la hasta proprement dite, ou longue pique, fût encore l'arme des soldats de Camille 19. Les indications que nous donne Tite-Live sur l'armement romain au moment de la guerre Latine (340 av. J.-C.), sont assez confuses. Le pilum est mentionné par lui comme étant l'arme de la prima acies 20, tandis que les triarii sont armés de la hasta 21, et il donne aussi pour armes aux troupes légères la hasta et les gaesa". Les gaesa étaient des javelots [GAESUM] et la hasta dont il s'agit ici est la hasta velitaris dont nous parlerons plus façon à la description de la haste -» ---v s: IIAS -39HAS loin, et qui était très distincte de la hasta des triaires. Très probablement les changements se sont faits peu à peu. A mesure que des guerres nouvelles montraient aux Rornains l'avantage de certaines armes dont leurs ennemis faisaient usage, ils les adoptaient eux-mêmes, de même qu'ils modifiaient la formation des groupes et des lignes'. Au temps de Polybe, les triaires sont encore armés de la haste, ôdpu 2. Marquardt explique ainsi cette différence d'armement : « Une fois que 1;on eut adopté la disposition en trois lignes, on plaça en première ligne les soldats armés à la légère ; la haste' ne convenait qu'à une troupe marchant en rangs serrés; on la donna aux triarii qui, à la fin du combat, serrant les rangs, s'élançaient au pas de charge contre l'ennemi" ». Marius supprima l'emploi de la hasta dans les légions et arma tous les soldats du pilum ^. Les VELITES, c'est-à-dire les soldats armés à la légère, avaient aussi une arme appelée hasta. Mais il ne faut pas se laisser tromper par la similitude des noms ; la haste des vélites, hasta velitaris, ypda?os, n'est pas une lance, c'est un javelot. Aussi est-elle quelquefois appelée jaculum 5. D'après Polybe, elle a deux coudées ou aunes de long, soit environ et un doigt d'épaisseur, soit 0m,19. La pointe a une palme, 0111,77 et elle est tellement acérée et effilée que, dès qu'elle a frappé la cuirasse ou le bouclier de l'ennemi, elle se recourbe et celui-ci ne peut s'en servir Aussi les vélites portaientils plusieurs hastae7. Sous l'Empire la haste, d'après Tacite, fut l'arme des auxiliaires tandis que le pilum demeura celle des légionnaires 8. Mais l'historien ne nous dit pas s'il s'agit de la hasta velitaris ou de la longue pique. Un monument découvert dans la liesse Rhénane, aujourd'hui au musée de Mayence nous offre peut-être un exemple de la hasta portée par un légionnaire (fig. 3729). Malgré les mutilations de la sculpture, on peut encore distinguer, au milieu de la hampe, l'amentum, dans l'anse duquel un doigt est passé. Les monuments où sont représentés des auxiliaires les montrent portant àla main une ou deux piques dont le fer ne répond en aucune de la haste. velitaris, telle qu'elle est faite par Polybe. Ces fers sont foliiformes et semblables aux deux hastae que porte un soldat de la cohorte des Raeti 1D, comme à celles que porte un Dalmate (fig. 3730) ". Les fers qui ont été trouvés à Alise-SainteReine et sur les bords du Rhin ont, les uns la forme d'un losange dont la partie supérieure est très allongée, les antres celle d'une feuille. Au milieu se trouve une côte qui est le prolongement de la douille 12. La présence de l'amentum sur le bois d'une des hastes ainsi représentées, et le nombre de celles qui ont été retrouvées, prouvent cependant que celles-ci étaient des armes de jet. Les renseignements que nous possédons sur l'armement des prétoriens ne sont pas très précis. Une pierre tombale, qui est au musée du Capitole, nous montre un prétorien armé du pilum 13, mais le terme de 8opazoidpot sous lequel les désigne Hérodien prouve que de son temps ils portaient la lance. Ils sont armés de la lance sur un bas-relief qui est au Louvre ". C'est pour cela que M. Mommsen croit que le lanciarius mentionné dans une inscription est un prétorien 16 Les speculatores de la garde prétorienne étaient armés de la lancea 17; ils sont ainsi représentés sur la colonne Antonine 18 ; il est donc probable que ce lanciarius était un speculator. Une inscription mentionne aussi une troupe appelée lanciaria, mais qui paraît distincte des cohortes prétoriennes et inférieure à elles 10. Les lanciarii figurent aussi parmi les gardes des gouverneurs de province 2D. Le nom de lanciarii fut donné plus tard à des corps particuliers. Ces corps sont mentionnés par Ammien Marcellin" et par Zosime". La Notitia Dignitatum, en énumérant les troupes qui sont sous la juridiction du magister peditum presentalis d'Occident, indique parmi les légions palatines les lanciarii SabariensesS3, parmi les légions comitatenses les lanciarii Gallicani Hanoriani 2", parmi les pseudocomilatenses les lanciarii Lauriacenses et Comaginenses2J ; sous la juridiction du premier magister militum presentalis d'Orient, parmi les légions palatines, les lanciarii seniores 26 ; sous la juridiction du second magister militum, parmi les légions palatines, les lanciarii juniores27; sous la juridiction du magister militum per Thracias, parmi les légions comitatenses, les lanciarii Stobenses 26; enfin sous celle du magister militum per lllyricum, parmi les légions comitatenses, les lanciarii Augustenses et les lanciarii juniores ". Voyez plus loin l'ar Polybe nous donne des renseignements détaillés sur la lance des cavaliers romains. Primitivement la lance qu'ils portaient était mince et légère ; elle se brisait sou sible que quelques-unes soient des pointes inférieures. Leur aspect est en effet celui des pointes de ce genre dans certaines lances étrusques ou grecques l4. Dans une tombe romaine de Suisse, on a trouvé un talon de lance romain qui a O`°,I8 de long et la forme d'une pomme emmanchée sur une longue douille, avec un anneau en saillie au milieu de la douille (fig. 3731). Il paraît être en fer recouvert d'une feuille de cuivre 16. Signalons encore un talon, simple ferrure arrondie, trouvé dans le Castellum d'Osterhurken, poste du limes germanique occupé par la cohors III Aquitanorum Philippiana 16 Le fer de la lance romaine ressemble à ceux que nous avons déjà vus sur les lances grec IIAS -40IIAS vent avant d'avoir pénétré, par le simple mouvement des chevaux et comme elle n'était pas garnie de fer en bas, elle ne pouvait servir dès qu'elle était brisée. Aussi les Romains empruntèrent-ils aux Grecs leur lance à talon de fer, plus solide, dont les coups étaient plus assurés et qui pouvait servir des deux côtés 1. Cependant, au temps de César, nous trouvons encore des cavaliers armés d'une lance légère, appelée tragula2, qui pouvait aussi servir de javelot et était munie d'un amenlum 3. Josèphe nous apprend que, sous l'Empire, les cavaliers légionnaires portaient dans la main droite une longue lance, appelée CONTUS, xov'rdg, et, dans un carquois, des javelots, au nombre de trois ou plus, presque aussi grands que la lance 4. Arrien dit que la lance des cavaliers leur servait en même temps de javelot, niais il distingue ceux qui étaient armés du contus, de ceux qui portaient la lance ordinaire, adyy.-i . Un cavalier représenté sur une pierre tombale du musée de Bonn et qui appartient à la legio prima (Germanica) porte une de ces lanceae à deux fins G. Cette lance est également portée par les cavaliers auxiliaires 7. Les cavaliers prétoriens, au nombre desquels il faut ranger les speculatores quoi qu'ils fissent souvent le service à pied, portaient la lance. Sur un monument qui est au palais Casati, à Rome, et qui représente un de ces cavaliers, la lance est munie, au-dessous du fer, d'un appendice qui a la forme d'un croissant dont l'extrémité arrondie est tournée vers le bas, mais dont il est difficile de déterminer la nature 8 La lance était encore une des armes des equites singulares, ainsi que nous le font voir les monuments'. Signalons parmi ceux qui représentent des cavaliers armés de la lance un bas-relief funéraire du musée de Lyon où est figuré un centenarius des cataphraclarii. Un des servants qui l'accompagnent porte la même arme 1° Le texte d'Ovide, où il est dit que le frêne servait à faire la becta, s'il n'est pas simplement un souvenir homérique, est le seul qui nous renseigne sur la nature du bois dont se servaient les Romains, du moins au début de l'Empire 1i. Le passage de Polybe, que nous avons cité plus haut f2, nous prouve qu'ils avaient amélioré cette arme, et que primitivement elle était de bois fragile. Ce bois était muni à l'origine d'une pointe, mais dépourvu de talon. La lance des cavaliers eut la double pointe en haut et en bas, dès que les Romains eurent vu l'utilité que les Grecs en tiraient. Cependant sur la plupart des bas-reliefs les lances n'ont ni talon ni seconde pointe en bas. Les musées possèdent des talons de lance originaires d'Italie, mais nous ne savons s'ils sont romains, étrusques ou grecs 13. Parmi les pointes que possède le musée de Naples et qui ont été trouvées à Pompéi, il est pos ques. Tantôt il est foliiforme tantôt c'est un losange allongé par le haut. Nous avons dit déjà que la lance servait souvent à deux lins, à frapper de près et à atteindre de loin comme un javelot; entre le long javelot et la lance courte, il est impossible de faire une différence. C'est ce qui explique pourquoi on voit l'amentunt sur des armes que leur longueur permet de classer parmi les lances. Parmi les lances dont se servirent les Romains, plusieurs sont d'origine barbare. Florus nous dit que les femmes des Cimbres combattaient, du haut des chariots, contre les soldats de Marius, armées de la lancea et du contus I3. Le contus est considéré aussi très souvent par les auteurs latins comme une arme sarmate 19. Les soldats de Vitellius, qui étaient armés de la lancea et du contus, avaient emprunté ces armes aux Barbares contre lesquels ils avaient combattu20. La lancea, d'après Varron, serait d'origine espagnole21; elle aurait été empruntée aux Suèves d'après Sisenna 22, aux Gaulois d'après Diodore de Sicile 23. Elle est reproduite sur les monnaies de P. Carisius (fig. 3732), frappées à l'occasion de la guerre contre les Cantabres 24, mais tantôt par un fer à pointe allongée dont le bas se contourne en volutes, tantôt par un fer en losange avec double crochet à la base. Au temps de Domitien fut inventée une nouvelle forme de de lancea et Sallustius Lucullus, légat de Bretagne, fut mis à mort par ordre de l'empereur pour avoir permis qu'on donnât à cette arme le nom de Lucullea. Suétone qui rapporte ce fait 26 ne nous donne pas la description de cette lancea. Fabrication des lances. Nous n'avons aucun renseignement sur la manière dont se fabriquaient les lances, mais la Notitia Dignitatum mentionne une fabrique spéciale de ces armes à Irénopolis en Cilicie26. Comme IIAS -41 IIAS toutes les autres fabriques, elle était placée sous la juridiction du magister o f ficiorum; aussi les lances figurent-elles parmi les insignes de ce dignitaire' [FARItiCA]. Il a été dit ailleurs [FETIALES, p. 1099] comment, dans la cérémonie qui précédait la déclaration de guerre, une haste garnie de fer ou brûlée par le bout et ensanglantée (hasta ferrala out sanguinea praeusta) était lancée sur le territoire ennemi. IIASTA PURA. Les Romains eurent de bonne heure l'habitude de décerner des récompenses aux soldats et aux officiers qui s'étaient distingués par leur valeur. La plus ancienne de ces récompenses, dit Polybe, était une haste (7roMp.icv 7ycov) ; elle fut même longtemps la seule. On la méritait, non en tuant ou en blessant un ennemi dans une bataille ou dans un assaut, mais dans une escarmouche ou dans quelque action du même genre, lorsqu'il n'y avait aucune nécessité de combattre corps à corps, et que l'on s'exposait volontairement, pour montrer son courage . L'historien semble dire que plus tard on accorda plus facilement cette récompense. On la donna, en effet, à celui qui avait blessé un ennemi'. Cette haste s'appelait hasta pura'. Cet usage persista sous l'Empire'. Le nombre des hastae purae, comme celui des autres récompenses, ne correspond pas toujours à autant d'actions d'éclat différentes. Sans doute il en est ainsi dans certains cas, comme dans celui de L. Siccius Dentatus, qui avait assisté à cent vingt combats et qui avait reçu, entre autres récompenses de ses hauts faits, dix-huit hastae purae'. C'est qu'au temps de la République la hasla pura pouvait être accordée aux officiers subalternes, peut-être même aux soldats 6. Sous l'Empire elle fut réservée aux centurions et aux supérieurs : tribuns, préfets, légats légionnaires et légats consulaires'. Rarement même elle était accordée aux centurions. Ceux-ci n'en recevaient qu'une 6. Les tribuns et les préfets en recevaient une' ou deux 10; les légats légionnaires trois t1; enfin les légats consulaires quatre 12. Borghesi fait remarquer qu'il n'existe pas, dans les inscriptions, de mention de la hasta pura après Caracalla, mais les auteurs en parlent encore au temps d'Auré lien et de Probus". Aurélien reçoit de l'empereur Valérien dix hastes en même temps. La hasta pura, comme les autres récompenses mili V. taires [DONA MILITARIA], était décernée dans un CONTIO. L'empereur ou le général en chef, en présence de toute l'armée, faisait l'éloge des actions d'éclat par lesquelles avaient été méritées ces récompenses''. Ces récompenses pouvaient être renouvelées. Tel est, par exemple, le cas d'un praefectus castrorum de la légion decima tertiagemina, qui reçut de divers empereurs, en plus d'un certain nombre de couronnes, cinq hastae, représentées sur son tombeau (fig. 3733)16 La hasta pura était ordinairement dépourvue de fer. Telle on la voit clairement figurée sur des monnaies de la gens Arria (fig. 3734), plus semblable à un sceptre qu'à une arme 1f. Cependant, sur le monument précédemment mentionné les cinq hastes en sont garnies ". De même que le don d'une ou plusieurs hastae était une récompense, le retrait de ces mêmes hastae était une punition. Ce retrait s'appelait censio hastaria''. IIASTAE MARTIAE. Les dieux grecs et romains qui présidaient à la guerre portaient la lance". Chez les Latins" et ensuite à Rome, ce fut par excellence l'attribut de Mars. Au temple de Mars, situé dans la Ilegia, on conservait des lances consacrées à ce dieu qu'on appelait hastae Martiae. Les pontifes avaient la garde de ces lances". Quand l'armée romaine partait en campagne, le général entrait dans le temple et agitait la lance de Mars en disant ces mots : Mars vigila". Si les hastæ Martiae s'agitaient d'elles-mêmes, c'était le signe de grands législation romaine, la hasta joue un rôle symbolique ou réel dans trois cas : 1° dans les veltes publiques; dans la procédure de l'action de la loi par serment; 3° dans l'une des servitudes de passage (via). 1. 1° Sous la République, toutes les ventes faites au nom du peuple romain avaient lieu sub hastae''. Telle était, en temps de guerre, la vente du butin [PRAEDA]. On en trouve des exemples dès le milieu du iv° siècle de Rome 26, et l'usage est certainement plus ancien (mos... bona Porsennae regis vendendi°6). Quant aux prisonniers de guerre, ils étaient vendus tantôt sub hasta21, tantôt sub corona" [voy. t. I°', p. 1537]. Avait également lieu sub hasta la vente des biens des citoyens condamnés ou proscrits 29 [t. I"r, p. 1440]. La vente sub hasta s'appliquait ensuite aux adjudications des vectigalia et des ultrotributa faites par les G HAS 42 IIAS censeurs'. Dans le principe, dit Festus2, la censoria locatio rentrait dans la vente, quod velut fructus loeorum publicorum venibant (censores) [voy. t. ter, p. 1001]. C'est à une époque ultérieure que la jurisprudence fit de la vente et du Iouage des choses frugifères deux contrats distincts, soumis à des règles spéciales et entraînant des effets différents3. Sous l'Empire, on étendit l'usage de la venditio sub hasta aux ventes faites par le fisc, et l'on imagina, pour les désigner, des mots nouveaux : subhastare t, subhastatio 5, subhastaria sors G. Plusieurs constitutions des ne et ive siècles de notre ère parlent de ventes habitis hastis2, decursis hastis 8, de hastarum solemnitas9, de hastae solemnis arbitrium1D, de fiscales hastae". Au Code Théodosienf2 et au Code de Justinien 13, il y a un titre De /ide et jure hastae (fiscalis). Les successions vacantes attribuées au Trésor par la loi Julia De maritandis ordinibus [voy. t. 1 , p. 777], donnaient-elles lieu à des ventes sub hasta? C'est l'opinion généralement admise, bien qu'il n'y ait pas de preuve directe 't. 2° La vente était dite sub hasta parce que, avant d'y procéder, le magistrat faisait planter une lance sur le forum 15 ou devant un temple 'G. Auprès de cette lance se tenait le crieur public" et, tout autour, les assistants 18. Lorsque le censeur voulait retirer à un citoyen le droit de se porter enchérisseur, il rendait un édit pour le summovere ab hasta" . Tacite appelle jus hastae le droit pour un magistrat de faire mettre en vente les biens d'un débiteur du Trésor 20 L'endroit du forum, où l'on plantait habituellement la lance, s'appelait hastarium 2i. Sur un denier de Servius Sulpicius Galba" on voit, à côté d'un trophée naval, un prisonnier nu, les mains liées derrière le dos, devant une hasta dont le sommet paraît au-dessus de sa tête (fig. 3735). 3° D'où vient l'usage de planter en terre une lance dans les ventes faites au nom du peuple? Il y a là, de l'avis de tous les auteurs, un de ces actes symboliques qu'on rencontre assez souvent dans les sociétés primitives et qui ne font pas entièrement défaut chez les Romains. La hasta, arme de guerre des Romains23, est le symbole de la force, comme le caput est le symbole de la personnalité juridique, et la manus le symbole du pouvoir du chef de famille 2t. Faire une vente sub haste, c'est une façon d'exprimer que le droit transmis à l'acquéreur est directement placé sous la protection de la force publique. A défaut de cette formalité, la vente ne confère la faculté d'invoquer la protection de l'État que sous une double condition : il faut que le vendeur ait eu le pouvoir d'aliéner; il faut de plus, en général, l'accom plissement de certaines solennités, telles que celles de la mancipation 25. Cette formalité de la vente sub hasta, si éloignée de nos habitudes modernes, s'explique aisément dans une législation comme celle des Romains à, l'époque antique : l'État ne protégeait que les droits reposant sur des faits faciles à vérifier : prononciation de paroles solennelles, accomplissement de certaines solennités, lance plantée sur la place publique 2G 4° D'après Gaies 27 la hasta est un signe de la propriété (signum quoddam jusli dorninii). Cette conception remonte à l'époque où le louage était encore confondu avec la vente. Elle exprime le résultat pratique de la vente sub hasta : puisque cette vente a pour effet de placer le droit transmis sous la protection de la force publique, l'acquéreur est dans une situation analogue à celle d'un propriétaire. Mais cette conséquence cessa d'être entièrement vraie lorsqu'on eut distingué le louage de la vente. La lance ne fut plus dans tous les cas un signe de la propriété quiritaire, mais l'addictio sub hasta eut toujours pour effet d'assurer, même à ceux qui prenaient à ferme les terres publiques, une protection efficace contre tout danger d'éviction. Alors même que l'État aurait disposé d'une chose appartenant à un citoyen, l'adjudicataire n'avait à craindre aucune revendication. La partie lésée devait s'adresser aux représentants de l'État, pour obtenir, s'il y avait lieu, la réparation du préjudice causé. i)° Les adjudications sub hasta avaient lieu, en principe, aux enchères publiques, tantôt au plus offrant et dernier enchérisseur, tantôt au rabais à celui qui demandait le moins à l'État [voy. t. Irr, p. 1001 et 1002]. Il y a cependant des exemples d'achats ou de locations faits directement par les censeurs 28. 6° La vente sub hasta a toujours pour objet un ensemble de biens 29. Seuls, les prisonniers de guerre étaient parfois vendus séparément. Les questeurs ne font pas la vente en détail; ils laissent ce soin aux sectores. C'est du moins ce qui est attesté pour la vente des biens des condamnés et des proscrits, sur laquelle nous avons le plus de renseignements Le sector est un spéculateur31.I1 s'engage à payer au Trésor une somme32 représentant, d'après son estimation 33, la valeur des biens qu'il achète en bloc. Mais il a soin de se ménager une marge suffisante pour le bénéfice qu'il espère retirer de la revente en détail". Son nom vient précisément de ce qu'il est autorisé à diviser (secare) les biens dont il se rend adjudicataire. Le magistrat lui vend praedae ou bonorum sectionem 35, c'est-à-dire le droit de partager le butin ou les biens de telle personne. Par suite la vente en détail, effectuée par le sector, n'a pas le caractère d'une vente privée; c'est une vente publique 36 qui transfère la propriété à l'acheteur indépendamment de toute tradition. HAS -43HAS II. Dans la procédure de l'action de la loi par serment, la hasta joue également un rôle symbolique. Les textes en signalent trois applications : 1° in jure, en matière réelle; 2° in judicio, pour les affaires soumises au tribunal des centumvirs; 3° dans la procédure gracieuse, pour réaliser un affranchissement entre vifs. 1° Parmi les solennités de l'action réelle par serment figure un combat simulé. Chacun des plaideurs, avançant la main', saisit l'objet qu'il revendique comme pour se faire justice, et le touche avec une festuca qui représente la lance (quasi hastae loto 2), comme pour le défendre contre l'attaque de l'adversaire.C'est ce qu'AuluGelle3 appelle vis festucaria. 2° Devant le lieu on siège le tribunal des centumvirs (c'était, sous l'Empire, la basilique Julia''), il était d'usage de planter une lance L'usage de la lance s'explique aisément par la nature des affaires soumises à l'appréciation des centumvirs. Ils étaient compétents particulièremen t en matière de revendication. Or, dans les procès de cette espèce, la lance ou la festuca était un élément de la solennité accomplie devant le magistrat. Il n'est pas étonnant qu'on ait, tors de la création des centumvirs, transporté l'usage de la lance de la procédure in jure à la procédure in judicio, et qu'on ait planté la hasta devant le tribunal comme pour dire : ici l'on juge les questions de propriété G. Par extension, on appela rasta chacune des sections du tribunal des centumvirs 7, ou même le tribunal tout entier'. Le préteur qui, depuis le commencement de l'Empire, présidait le tribunal des centumvirs' s'appelait praetor hastarius'U ou praetor ad hastes" 3° Dans la procédure gracieuse usitée pour réaliser un affranchissement entre vifs, la hasta est remplacée par une simple baguette (vindicta) que l'adsertor libertatis e t le maître posent chacun à leur tour sur la tête de l'esclave'=. L'emploi de la lance se justifie ici comme dans les procès relatifs à la propriété ; l'affranchissement par la vindicte consiste, en effet, dans un procès fictif en revendication" III. La servitude de passage, désignée sous le nom de via, conférait le droit de hastam rectam ferre. Telle était du moins l'opinion la plus répandue au lne siècle de notre ère 14. Certains jurisconsultes en disaient autant de la servitude d'actus 15. L'expression hastam rectam ferre est prise ici à la lettre et signifie que le titulaire de la servitude a la faculté de passer sur la propriété d'autrui en tenant droit une lance et sans doute aussi une perche ou tout autre objet analogue, mais sous la condition de ne pas toucher aux fruits des arbres 16 [SERVI