Dans le latin le plus ancien, herus était synonyme de herus et signifiait « maître, propriétaire' n. Plus tard, par une dérivation aisée à comprendre, l'héritier sien, qui est l'héritier par excellence, étant considéré comme déjà copropriétaire du vivant de son auteur, heres désigna spécialement celui qui succède au propriétaire, c'est-à-dire l'héritier C'est l'unique sens que ce mot a
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conservé en droit romain. Quant à hereditas, le sens en est double. Tantôt ce mot s'applique aux biens et droits qui sont l'objet de la succession; c'est la définition que Cicéron en donne' : « hereditas est pecunia quae morte alicujus ad quempiant pervenit jure ». Tantôt il signifie la succession elle-même, c'est-à-dire le droit en vertu duquel les biens du défunt passent à l'héritier; c'est la définition du jurisconsulte Salvius Julianus : « hereditas nihil aliud est quant sucessio in universum jus quod defunctus habuerit' ».
La succession héréditaire a lieu par testament, ou ab intestat (ab inlestato, sans testament), soit que le testament n'ait pas existé, ou que pour une cause quelconque il ait été sans effet. Nous n'avons pas à nous occuper ici
de la succession par testament [TESTA➢IENTU11I]. Remar
quons seulement qu'à Rome la succession ab intestat était incompatible avec la succession testamentaire et n'avait lieu qu'au défaut de celle-ci. Pour la succession ab intestat il suffira d'exposer ici l'état ancien qui a précédé la succession prétorienne, déjà expliquée ail
Le droit ancien, tel qu'il est résumé dans la loi des Douze Tables, donnait naissance aux hérédités qu'on nommait légitimes. La succession selon les Douze Tables comptait trois espèces d'héritiers ab intestat'. 1° Les héritiers siens (sui heredes), c'est-à-dire les enfants, réels ou adoptifs, qui avaient été sous la puissance du défunt [POTESTAS] jusqu'au moment de sa mort, et qui n'avaient pas subi de capitis delninutio [CAPUT,. Tant qu'existent les enfants du premier degré, ceux du second, quoique sui par rapport à l'aïeul défunt, ne sont pas héritiers. Ils ne viennent à sa succession que par représentation de leur père, s'il est défunt, et en se partageant sa part. Si cependant il ne reste plus que des petits-enfants issus de fils, ils se partagent par tête la succession de l'aïeul. La femme in manu mariti concourt comme fille et héritière sienne à la succession de son mari. 2° A défaut d'héritiers siens, la loi des Douze Tables appelait à la succession les plus proches agnats. Les agnats du plus proche degré, s'ils étaient plusieurs, partageaient entre eux par tête. Originairement les femmes agnatrs concouraient selon leur rang avec les agnats mâles; mais au dernier siècle de la république, une jurisprudence provenant d'une interprétation ou tout au moins d'une assimilation tirée de la loi Voconia (Voconiana ratio)4, restreignit aux soeurs consanguines, ou issues du même père, le droit des femmes de prendre part à la succession légitime des agnats. Cette disposition ne disparut que sous Justinien La dévolution n'était pas admise dans la succession des agnats; c'est-à-dire que si l'agnat le plus proche appelé ne recueillait pas la succession, soit qu'il la refusât, ou qu'il flet lui-même décédé depuis qu'elle était ouverte, on n'appelait pas le plus proche après lui, mais on passait à l'ordre d'héritiers suivant
3° A défaut d'agnats, sans tenir compte de la parenté du sang en dehors de la famille juridique, la loi des Douze Tables appelait à la succession les membres de
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la gens'. Mais on ignore comment avait lieu cette succession, si elle se divisait entre les familles qui composaient la gens, ou si la caisse générale de la gens en bénéficiait, peut-être pour l'appliquer aux dépenses des sacra communs.
A défaut des gentes, le droit civil ne connaissait plus d'héritiers; les biens de la succession devenaient vacants (botta vacaniia), et le premier venu pouvait s'en emparer par l'occupation et l'usucapion, à condition d'accomplir les sacra du défunts. La loi Julia caducaria fit cesser ce droit d'occupation, et adjugea les successions vacantes au peuples, auquel une constitution d'Antonin 10 fit succéder le fisc impérial.
Les vestales n'héritaient pas ab intestat, et on n'ltéritait pas davantage d'elles par ce mode. Leurs biens échéaient au trésor public11.
Les iniquités du droit civil, comme Gaies ne craint pas de les nomtnerf3, excluaient du droit successoral les enfants émancipés, toute la parenté naturelle des cognats, et le conjoint survivant. Elles eurent dès l'origine un grand correctif dans le droit de tester; mais ce ne fut pas le seul. Le préteur usa largement de son droit indirect et détourné de législation [EDICTU:1ti pour réformer la succession civile ; et tout en la respectant en apparence, il la supprima en fait au profit de la RoNORUM PossEssio : ainsi se nommait la succession prétorienne.
Le droit impérial y apporta de nouveaux changements. Il remédia d'abord à une grave lacune du droit civil et du droit prétorien. A moins que la mère n'eût été in manu mariti, ce qui la mettait au rang d'une soeur germaine par rapport à ses enfants 13, il n'y avait entre eux et elle aucuns droits de succession réciproque plus proches que ceux de l'ordre des cognats dans le droit prétorien. Claude corrigea le premier cet état de choses en déférant à une mère l'hérédité légitime de ses enfants pour la consoler de leur perte. Plus tard sous Hadrien, ou plutôt sous son fils adoptif Antonin le Pieux f4, en 158 de notre ère, le sénatus-consulte Tertullien décida que la mère ingénue qui aurait au moins trois enfants (jus trium liberorum) même hors mariage, ou la mère affranchie qui en aurait quatre, succéderait à ses enfants qui mourraient sans enfants, sans père et sans frère; elle partagerait avec les soeurs. Le sénatus-consulte n'étendait pas son effet jusqu'à l'aïeule. Plus tard le jus liheroruan fut accordé par des rescrits particuliers à des mères qui n'avaient pas le nombre voulu d'enfants'°, et enfin Justinien, renouvelant une constitution d'Honorius et de Théodose le Jeune, décida que les mères succéderaient sans condition de nombre d'enfants te.
Peu de temps après, le sénatus-consulte Orphitien 11, rendu sous Marc-Aurèle et Commode en 178 ap. J.-C., appela en premier ordre les enfants, issus ou non du mariage, à l'hérédité de leur mère intestate. Une constitution des empereurs Valentinien, Théodose et Arcadius, en 389, étendit cette dispositionà la succession de l'aïeule 18.
L'empereur Anastase décida en 4113819, que les frères émancipés hériteraient comme s'ils eussent encore été
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agnats de leurs frères et soeurs, seulement avec une part moitié moindre.
Enfin Justinien, après plusieurs tâtonnements, fixa dans les novelles 118 et 127 un nouveau système de succession ab intestat entièrement fondé sur la cognation et dans lequel toute influence de l'agnation était supprimée. Ce système mérite d'être résumé', car on y doit voir l'origine des successions modernes, et les législations européennes n'ont fait que s'en rapprocher à mesure qu'elle se sont dégagées des institutions féodales. Au premier rang succèdent les descendants, naturels ou adoptifs, sous la puissance ou émancipés; ceux du premier degré par tête, les petits-enfants par souche, à la représentation de leurs parents; au deuxième rang, les ascendants les plus proches, avec le concours des frères et soeurs germains ; au troisième rang, les frères et soeurs germains, et à leur défaut les consanguins et les utérins, les neveux viennent à la représentation de leurs parents ; au quatrième rang, les cognats les plus proches sans distinction des familles paternelle ou maternelle. La novelle 53 avait réservé une part pour les veuves pauvres. Les hérétiques étaient exclus du droit de succéder.
Pour la succession des affranchis voy. LIBERTUS et