Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article HIEROMENIA

IIIHROMEXIA (Il xf lepop..Iv(xt, ri,. EEpoU-iivtx1). Les définitions que les auteurs anciens donnent de ce mot ne s'accordent pas parfaitement entre elles; il est vraisemblable que (Epop.-rvfa désignait plusieurs choses voisines, mais différentes. Une scholie de Pindare 2 fait de icçop.-rivfx un synonyme de voullr,vla oll iEpavouvrwia, mots qui désignent le commencement d'un mois (,usés) ou d'une lune (Mn), et par suite le premier jour du mois, jour consacré Les lexicographes traduisent le mot iEpourivfa par jour férié•; les hiéroménies étaient, dans 111E 173 HIE chaque mois, les jours de fête en nombre variable, suivant les mois, suivant les lieux, et suivant la durée plus ou moins grande des solennités religieuses. Enfin, et surtout, le mot tépop.rlv(a désigne, à propos d'une fête religieuse déterminée, la période consacrée pendant laquelle on se prépare à célébrer cette fête et pendant laquelle on la célèbre ; cette période se prolonge même quelques jours après la fête 1. Pendant ce temps, l'inviolabilité était assurée par les lois aux pèlerins qui se rendaient à la fête, qui y participaient, et qui en revenaient; c'était ce qu'on appelait l'ÉxExEtp.a, sorte de trêve de Dieu. Toutes les affaires civiles étaient arrêtées ; les tribunaux ne siégeaient pas, les sentences rendues antérieurement n'étaient pas exécutées pendant le temps que durait la hiéroménie 2. Les débiteurs étaient à l'abri de la saisie pendant la hiéroménie des Dionysia, des Lénéennes et des Thargélia', en vertu de la loi d'Lvégoros, citée par Démosthène 4, et sans doute la même loi valait pour les autres fêtes athéniennes. Nous avons, par une incription, un témoignage analogue pour les Aslçlépieia de Lampsaque Nous savons par Démosthène que, pendant la hiéroménie des Dionysia, les prisonniers étaient mis en liberté pour pouvoir assister à la fête et y participer'. Enfin, dans Thucydide, nous voyons les Platéens accuser les Thébains d'avoir occupé leur ville en pleine paix sacrée, iv 'r ispop.riv(a, contrairement à la loi? La durée de la hiéroménie variait suivant l'importance des fêtes; elle était longue pour les grandes fêtes. Par exemple, nous savons que la hiéroménie des grandes hleusinies durait du 15 Métageitnion au 10 Pyanepsion, alors que les fêtes elles-mèmes allaient du 16 au 25 Boëdromion 8 ; il résulte du témoignage de Démosthène que la hiéroménie des Panathénées commençait au moins quinze jours avant la fête 9. Louis COUVE. IIIEROMNEMONES. Fonctionnaires d'ordre reli gieux, chargés exclusivement ou principalement de sauvegarder les intérêts matériels des cultes. Le titre de icpop.v-ip.wv ne fait que préciser, en les limitant, les attributions dévolues à des magistrats que l'on rencontre aussi appelés simplement p.v p.ov é ç (dor. p.vâp.ovég). Plutarque, qui entend le plot dans son sens étymologique d«( homme à bonne mémoire », dit que les Doriens de Sicile appellent p.vci wv le président d'un banquet', sans indiquer qu'il s'agisse d'un banquet sacré ou que le mot soit ici détourné de son application usuelle. D'autre part, Aristote également préoccupé d'étymologie, fait des p.viip.ovcç et des iépop.va ovsç (termes pour lui synonymes) des greffiers chargés de conserver les actes privés et les pièces de procédure, ce qui s'explique par le fait que les archives étaient en dépôt dans les temples. L'écriture étant l'aide par excellence de la « mémoire », ce terme de « scribe » ou « greffier » (T 1i4,atEÛ;) revient dans la plupart des définitions fournies par les scoliastes ou lexicographes et le contrôle des dépenses du culte ', qui suppose la tenue de registres, suffirait à le justifier. Les textes qui nous renseignent sur l'existence de fonctionnaires de ce genre en diverses cités permettent d'accepter comme synonymes p.vâp.wv et ses composés. On rencontre dans la ville dorienne d'Halicarnasse deux p.vzp.ovEç annuels, pourvus d'une juridiction spéciale 6; de même, à Iasos'. Leur office pouvait être tel que le définit Aristote, sans être dépourvu pour cela du caractère religieux. A Acrm en Sicile, un citoyen est dit Il.v't i.o titre simple l'idée de collégialité 8 ; 7rpop.vâp.wv, celle de subordination et de suppléance : idées qui se trouvent associées dans rup.rpop.vxp.wv9. A Chalcédoine figure parmi les magistrats un (Epop.vcip.wv placé à la suite du « roi » 16 ; à Byzance, l'hiéromnémon est éponyme 11, ce qui fait supposer que la fonction était aussi honorée à Mégare 12, métropole de Byzance et de Chalcédoine. A Tégée, au temple d'Athéna Alea, après le prêtre (iEpsùç) et le victimaire (iepo0i)'r-t,ç), on voit mentionnés un ou plusieurs hiéromnémons, chargés de la police f3 L'institution se perpétue à l'époque romaine. Le temple d'Hadrien à Cyzique était surveillé par un collège de neuf hiéromnémons14, et une inscription d'Andéda en Pamphylie est datée « de l'archonte Licinianus et de l'hiéromnémon Julius Proclus t5 » Les hiéromnémons députés au conseil amphictyonique de Delphes ne sont donc pas des fonctionnaires suscités par cette institution spéciale, différant totalement de leurs homonymes par leur origine et leurs attributions. Leur premier devoir est de protéger et de gérer le patrimoine du dieu. C'est pour cela qu'ils légifèrent, qu'ils ont une juridiction et punissent aussi bien les larcins du dedans 16 que les attaques du dehors. Cependant, les hiéromnémons amphictyoniques sont les seuls qui aient joué un rôle dans l'histoire, et c'est d'eux qu'il s'agit quand on rencontre dans la langue courante le titre en question. La compétence des hiéromnémons, en tant que partie intégrante et principale du conseil des Amphictyons, a été analysée à l'article ASIPIIICTYONES 17. Il n'y a plus à HIE 176 HIE considérer que le mode de leur élection et les caractères qui les distinguent de leurs assesseurs ou auxiliaires, les pylagores et agoratres. En règle générale, les hiéromnémons étaient élus dans leurs cités respectives pour une année entière, c'està-dire pour deux sessions du conseil des AmphicLyons, et à l'époque fixée par le calendrier local'. Il n'y avait donc pas, vu la discordance des calendriers, renouvellement général et intégral du conseil à un même moment. On peut croire qu'il n'y avait pas davantage uniformité dans le mode d'élection. A Athènes, depuis le temps de Périclès tout au moins, l'hiéromnémon qui représentait une des deux voix attribuées aux Ioniens était désigné par le sort 2, comme les archontes et sans doute en même temps que les archontes, après lesquels il figure dans le serment des héliastes et dans le statut de 411 °. Ailleurs, en Itolie, par exemple, il semble bien que les biérornnémons étaient élus par suffrage, et peut-être pour une session seulement'. Enfin, l'exemple de Plutarque°, si exceptionnel qu'on le suppose, montre qu'il pouvait y avoir des hiéromnémons désignés à vie par leurs concitoyens pour siéger quand viendrait le tour de leur cité. Les auxiliaires qui étaient adjoints à l'hiéromnémon, tonie, à Athènes, au nombre de trois, et même renouvelés pour chaque session du conseil'. Les anciens grammairiens ne paraissent pas avoir eu une idée bien nette de la distinction à faire entre hiéromnémons et pylagores. Leurs assertions vagues se prêtent à tout et ne démontrent rien 8. On s'en est servi pour soutenir que les hiéromnémons exerçaient un office religieux, et les pylagores une fonction politique (Letronne); que les hiéromnémons avaient la prépondérance à Delphes, et les pylagores à Anthéla (Gerlach-W. C. Ouiller); que les hiéromnémons, outre leur supériorité au point de vue religieux, avaient encore sur les pylagores l'avantage de former un collège permanent, compétent même hors séance (Iï. Fr. Hermann) ; que les hiéromnémons détenaient le pouvoir exécutif, tandis que la discussion incombait aux pylagores (Ithangabé-Thumser). Les faits démentent ces théories. Ce sont les pylagores qui offrent le sacrifice traditionnel à la Déméter d'Anthéla 3, fonction religieuse au premier chef, et ce qu'on rapporte d'eux, à savoir qu'ils mirent à prix en 480 la tête d'liphialte10 et que les Lacédémoniens leur demandèrent d'exclure de l'arn phictyonie les villes qui n'avaient point pris part à la défense nationale 71, est bien' acte de pouvoir exécutif. On ne saurait affirmer qu'il y elêt partage de compétence, ni même que les hiéromnémons eussent le pas sur les pylagores. Il ne manque pas de textes où les pylagores sont nommés avant les hiéromnémons12, ou sans mention de ceux-ci" ; et quand on songe que le nom officiel des sessions amphictyoniques était xu),a(a, on se demande si le titre de pylagore n'est pas l'ancien titre des conseillers amphictyoniques 14. Il est donc prudent de renoncer à établir des distinctions fondamentales, organiques, et de se bornerà préciser le rôle des hiéromnémons etpylagores au temps d'Eschine dt de Démosthène. A cette époque, les hiéromnémons sont de respectables personnages, qui semblent des lourdauds" à côté des pylagores intrigants et diserts. Les premiers paraissent s'être réservé l'administration des biens du temple et le droit de vote dans l'assemblée 16; les autres, s'être chargés du contentieux et de la juridiction. Les pylagores n'étaient pas admis aux séances réservées, tenues par les hiéromnémons seuls, mais seulement aux assemblées plénières Là, il semble que les pylagores jouaient le premier rôle. Diodore rapporte que, en 339, les hiéromnémons, après avoir fixé l'amende à payer par les Phocidiens, se portèrent accusateurs « devant les Amphictyonsi8 », c'est-à-dire devant les pylagores. C'était sans doute aussi aux pylagores, mandataires directs du peuple, qu'il appartenait de prêter serment d'abord et de recevoir ensuite le serment des hiéromnémons n. Plus tard, à, l'époque étolienne, les pylagores (dont on n'a pas encore rencontré le nom dans les textes épigraphiques) ont disparu : ils sont remplacés par des .,,(opxti?o120, qui sont bien décidément classés après les hiéromnémons et paraissent avoir eu pour fonction unique de légitimer, en y adhérant au nom des cités, les décisions de ceux-ci 21. Quand ces décisions cessèrent d'avoir une valeur pratique, on put se passer de ce contrôle. 11 n'est plus question que des hiéromnémons dans les textes les plus récents22, et ce titre lui-même finit par tomber en désuétude. A l'époque romaine, on se contente de la dénomination générique d' u Amphictyons ». D'après le décret organique de l'an 380 av. J.-C. 23, les hiéromnémons étaient personnellement responsables en cas de négligence dans leurs fonctions d'intendants du dieu, et avec eux, leur cité, qui était excommuniée jus HIE 177 HIE qu'à ce que l'amende infligée à son hiéromnémon fût payée. C'étaient, au contraire, des privilèges impersonnels que ceux de promantie ou d'agonothésiel, exercés par les hiéromnémons au nom des tribus qu'ils représentaient. Il en est de même de la présidence du conseil amphictyonique, appelée aussi 7ruÀ2(a, qui appartenait de temps immémorial aux Thessaliens, et qui, exercée ensuite par les Étoliens, fut, sous la domination romaine, partagée entre les Thessaliens et les Delphiens 2. A. BOUCIIL-LECLERCQ.