Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article HIPPAGOGI

IIIPPAGOGI, IIIPPAGI, IIIPPAGINES HAVES ('ht tx ytilyç, i7t7triy9ç). Bateau pour le transport des chevaux. Dans les poèmes homériques nous ne trouvons aucune mention de transports maritimes pour la cavalerie. Cependant le sujet de l'Iliade implique l'idée d'une traversée de Grèce en Asie par une armée munie d'une nombreuse cavalerie. L'époque homérique pratique la tactique du char de guerre. La tactique dorienne, qui succéda à la tactique homérique, ne connaît d'autre arme que l'infanterie; la cavalerie disparaît complètement des champs de bataille. Cette tactique donna aux Grecs la victoire sur les Perses à Marathon et à Platées. Cependant l'invasion de Xerxès montra aux Grecs que la cavalerie pouvait rendre des services ; les cavaliers perses produisirent sur le Grecs une vive impression de terreur et leur firent souvent du mal. Aussi la plupart des États de la Grèce se mirent, après cette invasion, à former des corps de cavalerie destinés à protéger et à soutenir leur infanterie. Ces corps étaient organisés quand éclata la guerre du Péloponnèse. Toutes ces causes, qui ont retardé l'organisation de la cavalerie en Grèce, ont également retardé l'emploi des transports maritimes pour cette arme. Nous savons exactement l'année où ils furent employés pour la première fois par les Athéniens. Dans la deuxième année de la guerre du Péloponnèse, en 430, Périclès conduisit ravager les côtes de la Laconie une flotte qui portait 4000 hoplites et 300 cavaliers ; les chevaux étaient placés sur des hippèges qui furent alors employées pour la première fois : on les fit avec d'anciennes galères Sur-cc point, comme sur bien d'autres, les Grecs s'étaient laissé devancer par les Perses. Ceux-ci, en effet, au moins plus d'un demisiècle auparavant, savaient faire opérer à la cavalerie de longues traversées sur mer. Les généraux que Darius envoyait en 490 contre Athènes, Datis et Artapherne, avaient embarqué une nombreuse cavalerie, dont il est souvent question dans Hérodote', sauf cependant pour la journée de Marathon 3, Xerxès aussi avait eu soin de faire construire des transports pour la cavalerie; la flotte qui suivait son armée comprenait 1207 trières et 3000 transports ; parmi ces derniers se trouvaient des hippèges ; il y en aurait eu 850, si l'on en croit Diodore 4. Le type de ce genre de transport, le type du vaisseau hippège, existait donc chezles Perses, au moins dès le commencement du ve siècle. Hérodote indique même d'une façon très explicite que c'était un vaisseau long', c'està-dire un vaisseau de guerre, une trière, ou un vaisseau d'un type analogue. Ce renseignement permet peut-être de supposer qu'en 430, Périclès et les Athéniens étaient allés prendre chez les Perses le modèle de leur hippège. Quoi qu'il en soit, à partir de 430, la cavalerie athénienne prend part fréquemment à des expéditions au delà des mers. En 425, Nicias fit une expédition sur le territoire de Corinthe avec 2000 hoplites et 200 cavaliers'. Quand l'expédition exigeait une longue traversée, on était obligé de réduire souvent à un chiffre très faible le nombre des chevaux qu'on amenait. Ainsi la magnifique armée que Nicias, Alcibiade et Lamachos conduisirent en 413, contre Syracuse, n'avait qu'une seule galère hippège portant 30 cavaliers'. Plus tard, sur les instances de Nicias, les 'Athéniens firent partir 250 cavaliers, avec leur équipement, mais sans les chevaux; ils devaient se les procurer sur place". Bonaparte procéda de même pour l'expédition d'Égypte. Ainsi l'hippège à Athènes n'a été d'abord qu'un vaisseau de guerre transformé en vaisseau de transport. Elle ne cessa depuis d'être classée parmi les trières. Elle leur était assimilée au point de vue légal et administratif. C'est un triérarque qui l'équipe et qui la commande d'après les règlements sur la triérarchie. Dans les inventaires de la marine qui nous' sont parvenus, l'hippège est mentionnée avec les galères et décrite comme elles : se trouvent consignés, dans cet inventaire, la qualité d'hippège, son nom, le nom du constructeur, le nom du triérarque, suivi, cette fois, du patronymique et du démotique ; vient ensuite la description des agrès. Nous donnons un exemple d'une notice de ces inventaires ; elle concerne une des deux galères hippèges qui furent confiées à Miltiade' quand il alla fonder Adria, en 325 : rarque indiqué ; dans un texte, que nous citons plus bas, et qui est de l'an 333, nous en trouvons deux et même trois. Pour les hippèges, comme pour les trières, les triérarques qui ne rendaient pas le vaisseau tel qu'ils l'avaient reçu, devaient en donner un neuf, avec l'éperon de l'ancien vaisseau, s'ils rte pouvaient pas prouver Aue ce vaisseau avait péri dans un combat ou dans une tempête. C'est le cas pour la galère-transport, nommée dans les inventaires, tantôt `I7rrx'ty6ç, tantôt `I7r7t-r 6;. Cette galère avait eu d'abord trois triérarques, Aristide, fils d'Euphilétos; Cléomédon, fils de Diogeiton; Mnésithée, fils de Tachyboulos; elle passa ensuite à Lysiclès, fils de Lysippe, et à Archiclès, fils d'Archestratos, qui la transmirent à Phéax, fils de Laodamas ; ce dernier, ayant rendu cette galère en mauvais état, avait été condamné à en faire une neuve ; comme il ne l'avait pas fait dans les délais fixés, l'amende fut doublée ; alors il s'exécuta 10 Nous connaissons quelques noms d'hippèges; il rentrent dans une des catégories entre lesquelles on a divisé les noms des trières 11. Nous avons déjà vu l'hippège Le gréement de l'hippège ne paraît pas avoir différé sensiblement de celui de la trière. Elle a les deux espèces ordinaires d'agrès 1s : les exeur lu),tvx, c'est à-dire les rames, les gouvernails, les échelles, les crocs, les 7rxpxrdTxt, le mât, les vergues; et les uxet)r xpElaxeTx, c'est-à-dire les 67roUp.xTx, la voile, les cordages, l'urdô),rp.x, 1é xxrxGX'o ex, huit câbles, deux ancres de fer, etc. Il faut remarquer que, dans la notice que nous avons citée relative à l'hippège Hipparchè, il y a, après les axmér xpîp.xcTŒ, une mention particulière pour les IIIP 184 IIIP hypozomes; ce sont de gros câbles aplatis destinés à amortir les chocs Dans d'autres inscriptions il est fait mention des avirons dont l'ensemble porte le nom de Top rdç, des gouvernails, -7)ôinta2, et de l'hypobléma3. Nous devons supposer que l'on n'a pas continué à faire les hippèges avec de vieilles galères, mais qu'un type de transport pour les chevaux a été, à un certain moment, arrêté et a servi de modèle aux constructeurs. Ce type d'hippège s'écartait en somme assez peu du type de la trière. La différence la plus grande était relative au nombre des rames employées dans la vogue. Il fallait faire de la place pour les chevaux ; et, pour cela, il n'y avait qu'un moyen, réduire le nombre des rameurs ; il était seulement de 60 dans l'hippège 4, tandis qu'il s'élevait à 150, peut-être même à 174 dans la trière ordinaire 5. Cette particularité met l'hippège dans une classe à part entre les trières; elle n'est pas une galère de marche, va* Tazuvoûaa, c'est-à-dire une galère de combat ; mais c'est sur le type de cette galère qu'elle a été construite; et, même après les modifications qu'elle a dû subir, elle est restée, ce qu'elle était à l'origine, un vaisseau de guerre qui fait fonction de transport. C'est là la conclusion à laquelle conduisent, on peut dire nécessairement, tous les textes que nous avons sur l'hippège à Athènes. Il faut ajouter qu'aucune particularité n'est indiquée dans la mâture et dans la voilure. Cela se comprend; la galère était un navire d'une stabilité un peu faible ; il y aurait eu du danger à augmenter sa voilure. Enfin ce qui prouve encore mieux que l'hippège est toujours une galère, c'est qu'elle est munie, elle aussi, d'un éperon ; nous l'avons vu à propos de la galère '17aay«l rdç ; le triérarque Phéax doit rendre une galère neuve et l'éperon de l'ancienne'. Toutes ces conditions et l'aménagement de l'écurie, avec les dispositions particulières qu'elle demandait, rendait la construction d'une hippège plus coûteuse que celle des autres galères. Un triérarque, pour une galère ordinaire qu'il doit rendre neuve, verse 5000 drachmes ; pour une hippège, il en verse 5500. Ajoutons que ces deux sommes ne représentent pas le prix de revient de ces deux navires. On tenait compte au triérarque, condamné à rendre une galère neuve, de la valeur de la galère réformée; on déduisait la valeur qu'elle représentait de la somme qu'il avait à payer'. Cependant si, dans Athènes, l'hippège était classée parmi les trières, on ne sera pas étonné de voir que, dans d'autres pays, elle était considérée comme un vaisseau rond, comme un vaisseau de transport. Les térnoignages sont nombreux. Dans le siège qu'ils soutiennent contre Alexandre, les Tyriens transforment une hippège en brûlot qu'il lancent contre les travaux des assiégeants, et qui fait de terribles ravages 8. Les Tyriens avaient choisi une hippège, parce qu'ils voulaient un navire de dimensions plus qu'ordinaires ; et Quinte-Curce 9, en racontant le même fait dit : navem magnitudine eximici. Chez les Carthaginois aussi, si l'on en croit Diodore 10, l'hippège était un vaisseau de transport. Il en était de même chez les Macédoniens, au moins à partir d'Alexandre, comme nous le montrent divers passages d'Aristote, d'Arrien et de Diodore. Aristote 11 les distingue des vaisseaux de guerre ; Arrien12 les classe parmi les vaisseaux ronds. Le passage d'Arrien, emprunté à son ouvrage sur l'Inde, est important : il se rapporte à la description de la flotte qu'Alexandre fit construire pour descendre l'Hydaspe et l'Indus jusqu'à l'Océan. Cette flotte comptait mille vaisseaux 13. Le nombre des hippèges y était considérable, puisqu'à un moment donné, Alexandre put embarquer sur ces vaisseaux 1 700 de ses cavaliers hétairesli. Peut-être le nombre de ces hippèges nous est-il donné par Diodore. En effet, cet écrivain dit qu'il y avait 200 vaisseaux aphractes dans cette flotte'. On s'accorde généralement aujourd'hui, et nous allons citer un texte d'Arrien qui confirme cette opinion, pour voir dans les vaisseaux aphractes les vaisseaux dépourvus du bordage supérieur qui mettait le plus haut rang des rameurs, les thranites, à l'abri des coups de l'ennemi 1G. Il se trouve que ce renseignement donné par Diodore sur la disposition de ces vaisseaux est confirmé par un passage de l'Anabase d'Arrien. Dans la brillante description que cet écrivain, d'ordinaire si sobre, a faite du départ de la flotte, il dit : « Les chevaux qu'on distinguait à travers les hippèges frappaient de terreur les barbares qui n'avaient jamais vu, sur la terre indienne, des chevaux sur des navires" ». Dans ces hippèges, à traverslesquelles on peut apercevoir les chevaux embarqués, il est facile de reconnaître les vaisseaux aphractes mentionnés par Diodore. Si cos hippèges étaient des trières, il y aurait là un détail important sur la construction de ces vaisseaux et aussi sur la disposition des rameurs; mais les passages que nous avons cités plus haut, et en particulier celui d'Arrien lui-même dans ses Indica, nous obligent à voir dans ces hippèges un navire différent de la trière. Enfin, déjà à la fin du Ive siècle, à l'époque des Diadoques, nous constatons que l'hippège est remorquée par des vaisseaux à rames 18 ; et il en sera ainsi à l'époque romaine 19. C'est là un renseignement important assurément, mais un peu vague : un monument récemment découvert et encore inédit, vient heureusement le compléter. Nous devons à M. Paul Gauckler la communication de ce document d'autant plus précieux qu'il est AIP -185"P unique de son espèce; c'est la seule représentation (fig. 3838) que l'antiquité nous ait laissée d'une hippège. Nous laissons la parole à M. Gauckler: « La mosaïque d'Athiburus (l11'deina, en Tunisie), sorte de catalogue figuré de toutes les embarcations de commerce ou de plaisance usitées à l'époque romaine, représente l'hippège comme un bateau à fond plat et carré, sans quille, terminé à l'avant par une proue large et creuse en forme de gouttière, et à l'arrière par une poupe recourbée. La coque, peinte en brun clair, est peu ornée. Les flancs du navire sont renforcés par deux poutres horizontales qui dépassent l'avant et l'arrière. Des cordages pendent à l'extérieur, accrochés à ces poutres de distance en distance. Il n'y a ni mât, ni gouvernail ; la manoeuvre se fait au moyen de trois paires de rames. Trois chevaux bridés, mais non sellés, sont installés dans le transport. Le nom du navire est inscrit en grec : InfTArCé) OC et en latin : IfiPPAGO. » L'hippège, que nous fait connaître la mosaïque d'Althiburus, diffère notablement de l'olcade ou vaisseau de commerce, s'il est vrai qu'elle est un vaisseau plat, sans quille, et qu'elle n'a pas de mât. L'olcade, étant un vaisseau rond, ne peut avoir sur ses flancs peu développés qu'un nombre restreint de rames ; aussi se sert-elle volontiers de la voile. Si l'hippège n'emploie pas la voile, comme elle ne peut avoir elle aussi qu'un nombre restreint de rames, comme elle est à fond plat et sans quille, elle estàun haut degré lourde et peu maniable; elle a absolument besoin d'être remorquée ; à proprement parler, c'est moins un navire qu'un chaland. Il nous semble donc qu'on peut distinguer trois types différents d'hippège : l'hippège-trière, l'hippège-olcade, l'hippège-chaland. L'hippège-trière a servi de transport pour la cavalerie à Athènes et certainement aussi dans d'autres pays grecs, au moins jusqu'à la fin du Ive siècle; la création de ce type de transport remonte peut-être aux Perses ; c'est l'hippège que nous connaissons le mieux. C'est un vaisseau construit sur le type du vaisseau de guerre, qui navigue de concert avec lui, qui a le même gréement, qui va à la voile et à la rame, qui est non seulement ponté, mais cataphracte, qui est même armé d'un éperon. L'hippège-olcade a été employée chez les Tyriens, les Carthaginois, les Macédoniens, au moins à partir du Ive siècle; c'est un vaisseau rond, construit sur le type du vaisseau de commerce, moins agile que la trière, mais encore capable de voguer seul à la voile et à la rame ; nous voyons cependant que, dès la fin du ive siècle, il a recours aux remorqueurs, il est enfin ponté et aphracte. Enfin l'hippège-chaland nous est connue pour l'époque romaine ; c'est un vaisseau plat, sans quille, lourd, qui emploie la rame pour les simples déplacements, mais qui, V. pour les trajets même assez courts, doit être remorqué. Nous devons ajouter'que, si la distinction de ces trois types d'hippèges nous paraît fondée, nous faisons au contraire des réserves sur la détermination des époques. L'hippège-trière seule appartient à une époque bien définie, qui comprend au moins plus d'un siècle, de 430 à 321. Quant aux deux autres types d'hippèges, nous constatons leur existence l'un à un moment donné de l'époque macédonienne, l'autre à un moment donné de l'époque romaine; mais les renseignements dont nous disposons sont si incomplets, que souvent nous ne pouvons pas dire auquel de ces deux types appartiennent les transports mentionnés par nos textes. En tout cas, on peut considérer comme certain que l'un et l'autre type ont existé avant et après les époques que nous avons indiquées. Pour l'embarquement des chevaux, trois procédés sont possibles. Au moyen âge, on faisait entrer par un pont en bois de plain-pied les chevaux dans les navires par une porte ou vis', qui était pratiquée à l'arrière et audessous de la ligne de flottaison; cette porte était calfatée avec soin et devait se trouver dans l'eau, quand le vaisseau était chargé. Aujourd'hui aussi on emploie, quand c'est possible, les ponts de bois pour amener les chevaux sur le pont, d'où on les fait descendre dans les écuries. Mais le procédé le plus usité consiste à conduire sur des chalands les chevaux contre les flancs du vaisseau et à les hisser à bord au moyen de sangles qu'on leur passe sous le ventre2. Comment procédaient les anciens? Enlevaient-ils les chevaux au moyen de ventrières pour les déposer sur les navires, ou les faisaient-ils monter à bord sur un pont mobile? Il semble que, pour les trières, pour les vaisseaux ronds généralement assez bas, c'est le pont mobile qui a dû être employé de préférence; cela serait sûr pour l'hippège de la mosaïque d'Althiburus, qui n'a pas de mât'. Une fois les chevaux embarqués, il s'agit de les installer à bord, de façon qu'ils puissent supporter sans trop de fatigue la traversée. Les Grecs naviguaient le plus souvent en suivant la côte, prêts à y chercher un abri à l'occasion : nous n'en devons pas moins supposer que quelquefois ils étaient obligés d'affronter des gros temps, et que leurs hippèges devaient être disposées de façon à préserver les chevaux des accidents qui peuvent arriver dans de pareilles circonstances. Il faut d'abord éviter qu'ils se heurtent, qu'ils se jettent les uns sur les autres : il faut encore les soutenir, le tangage et le roulis ayant pour effet de les faire glisser et trébucher. Pour éviter le premier danger, on enferme chaque cheval dans une stalle, qui l'isole de ses voisins, et dont les parois le soutiennent et l'empêchent d'être ballotté. D'après les règlements en vigueur aujourd'hui4, les stalles doivent avoir de Om,83 à Om,90 de largeur. Au moyen âge on serrait davantage les chevaux les uns contre les autres; les statuts de Marseille 6 n'accordent à chaque cheval que Om,73. Lors de l'expédition d'Alger, en 1830, on accorda un mètre à chaque cheval, pour qu'il pût se coucher par 24 HIP 186 HIP les temps calmes 1. On a reconnu aujourd'hui qu'il y avait des inconvénients sérieux à laisser les chevaux se coucher. Pour éviter que les chevaux glissent et tombent, et aussi pour soulager leurs jambes, on place, en tout temps, deux planches rembourrées, l'une en avant, à la hauteur du poitrail, un peu en arrière de la mangeoire ; l'autre en arrière, au-dessus de la pointe des jarrets. De plus, le plancher est muni de tresses de corde ou mieux de lattes en bois. Dans les gros temps, on dispose sous la poitrine et sous le ventre des barres matelassées qu'on fixe aux parois de la stalle, ou bien on leur passe sous la poitrine une large sangle, munie d'une lanière formant poitrail et d'une avaloire. On réserve encore, dans chaque bateau, un endroit pour promener les chevaux quand le temps le permet, ou au moins à chaque escale. Comment les chevaux étaient-ils placés dans l'hippège ? Nous savons qu'à l'époque de Périclès une trière pouvait porter 30 chevaux. Il nous semble que la disposition la plus simple et la moins coûteuse a dû consister à mettre les 30 chevaux sur une seule ligne, leur grand axe perpendiculaire au grand axe du navire. La galère ayant une largeur de 4'1,5636, à la ligne d'eau a, il est impossible de les disposer, dans ce sens, sur deux lignes; quant à les mettre par rangs, de quatre, leur grand axe parallèle au grand axe du vaisseau, il me semble que cette disposition causerait à la fois plus d'embarras et plus de frais. On a évalué la longueur de la galère à 34'1,8379; si on prend le sixième ou le septième de cette longueur pour les espaces perdus à la poupe et à la proue, pour ce que les Grecs appelaient la aapt ;pEa(a, il restera pour l'écurie 29 ou 30 mètres. En donnant à chaque cheval Om,80 en largeur, et nous savons qu'au moyen âge on ne leur donnait que Om,73, on arrive à 24 mètres; il reste 5 ou G mètres qui permettent de ménager dans la ligne des chevaux quelques vides pour que les gens de service puissent circuler. Du temps de saint Louis, il y avait des vaisseaux en état de porter 50 chevaux 3. En 185G, on a adopté un type de transport-écurie pour 300 chevaux. Le modèle de ce type est le navire le Calvados, qui a été lancé en 1858; il a une longueur de 79'1,40; une largeur de 12'1,86 et un tirant d'eau de 5m,72. Le Calvados possède deux batteries qui peuvent recevoir chacune 150 chevaux sur deux rangées. Ainsi, pour un navire ayant 79'1,40 de long, on a des rangées de 75 chevaux, ce qui fait un mètre par cheval, plus 4'1,40; pour la trière athénienne, mesurant 34m,8379, nous avons une rangée de 30 chevaux, ce qui fait un mètre par cheval plus 4m,8379 ; l'approximation est presque complète. Nous pouvons supposer que des stalles étaient disposées de façon à recevoir ces 30 chevaux. Quelles précautions prenaient les anciens par les gros temps? Donnaient-ils des appuis fixes aux chevaux ou les soutenaient-ils à l'aide de sangles? Jal pense avoir trouvé la preuve que, dans l'antiquité comme au moyen âge, on suspendait les chevaux, de façon à laisser leurs pieds toucher à peine le sol 4. On raconte qu'Eumène, général d'Alexandre, se trouvant enfermé dans la citadelle de Nora, où l'espace manquait pour donner du mouvement à ses chevaux, imagina, pour les maintenir vigoureux et en bonne santé, de les hisser, à l'aide de câbles passés autour du cou, assez haut pour qu'ils ne pussent plus toucher le sol de leurs pieds de devant ; puis on faisait claquer les fouets, on excitait les animaux de la voix, si bien qu'ils se mettaient à ruer, cherchaient à prendre terre de leurs pieds de devant et se démenaient si bien qu'ils avaient le corps tout en sueur 3. Jal suppose qu'Eumène n'a fait ici autre chose qu'employer sur terre un procédé mis constamment en pratique sur mer. Il y a là assurément une exagération, car les traversées que faisaient les anciens n'é laient jamais bien longues et n'obligeaient pas de recourir à de pareils moyens. Ceci écarté, reste la question de savoir si les anciens suspendaient les chevaux dans les hippèges, au moins par les gros temps. Sur cette question nous pouvons tirer de l'anecdote rapportée sur Eumène, tout au plus une présomption, mais une présomption qu'il ne faut pas négliger. La mosaïque d'Althiburus ne peut-elle pas nous fournir quelque indication sur ce point? Est-il bien sûr que ces deux poutres horizontales, qui sont peintes sur le haut de la coque, soient des préceintes destinées à renforcer les flancs du navire c ? Les préceintes ne sont-elles pas généralement placées un peu plus bas ? Ne pourrait-on pas voir là ces deux planches que nos règlements commandent de placer, l'une devant, l'autre derrière les chevaux pour les soutenir pendant les gros temps' ? Peut-être ces deux poutres étaient-elles un des caractères propres de l'hippège, un de ces objets qui frappaient d'abord la vue, et que l'auteur de la mosaïque n'a eu garde de né tique obtenu par la combinaison d'un corps de cheval et d'un corps de coq. Les textes anciens sur l'hippalectryon sont peu nombreux et peu significatifs ; les représentations figurées, peu nombreuses également, mais du moins claires et parlan tes, et la concordance de leurs témoignages ne permet de garder aucun doute quant à la forme véritable de l'animal. Le plus remarquable de ces monuments consiste en une petite sculpture de marbre, découverte dans les fouilles de l'Acropole d'Athènes; nous en donnons ici une vue de profil (fig. 3839)1. C'est un jeune cavalier nu, monté sur un quadrupède ailé dont la tête, le cou, les jambes de devant et toute la moitié antérieure du corps sont d'un IIIP 187 IIIP cheval, tandis que l'arrière-train, les pattes postérieures, la queue et les ailes sont d'un coq. Cette sculpture date peut-être de la fin du vle siècle av. J.-C.; elle est en tout cas antérieure à l'année 480. De la même époque à peu près sont plusieurs vases ou fragments de vases peints, dans la décoration desquels se retrouve l'hippalectryon. Ce sont d'abord deux amphores signées de Nicosthénès, au Musée du Louvre (n0s 562 et 587 de l'Inventaire). Sur le col du n° 562', on voit, répété deux fois avec de légères variantes, un cavalier monté sur un hippalectryon : dans l'une des deux représentations (fig. 3810), le cavalier est coiffé d'un pétase blanc et drapé dans son manteau; le second cavalier, drapé aussi dans un manteau, est coiffé d'un casque à garde-joues et à panache; mais leurs montures à tous deux sont pareilles et de forme identique à celle du petit marbre de l'Acropole. L'autre amphore, n° 587 2, ferait croire à une variante considérable dans la représentation de l'animal : l'hippalectryon, en effet, y reparaît deux fois sur la petite frise qui décore l'épaule du vase, et, les deux fois, ses quatre jambes sont d'un cheval, la nature du coq n'étant rappelée que par les ailes et la queue; mais comme le vase a subi des restaurations et que le train de derrière de l'animal, dans les deux cas, est entièrement refait, il ne faut voir là certainement qu'une erreur du restaurateur moderne. L'intérieur d'une coupe de Xénoclès, au musée de Berlin 3, est décoré d'un hippalectryon monté par un éphèbe ; et on le retrouve encore sur un fragment d'amphore à figures noires, au musée de Florence' ; sur un lécythe à figures noires, de la collection de la Société archéologique d'Athènes 5 ; sur un vase à figures noires, du musée de Munich G. 11 a été signalé à plusieurs reprises sur des vases dont la trace est aujourd'hui perdue7. En revanche, c'est à tort que M. Klein a cru le reconnaître sur un plat d'Épictétos, de la collection Northampton 3 : on y voit un éphèbe à cheval sur un coq, non pas sur un cheval-coq. Parmi les types monétaires l'hippalectryon ne s'est pas rencontré jusqu'à présent ; on a fait erreur 9 en croyant le reconnaître sur certaines monnaies de Lampsaque. Il figure pourtant sur une et peut-être deux des tessères en plomb, du musée numismatique d'Athènes, publiées par Postolacca10. Enfin, on pourrait à la rigueur le retrouver aussi sur quelques pierres gravées"; mais il y est complètement défiguré par des inventions fantaisistes. De cette revue de monuments, dont la plupart et les plus intéressants datent du vI° siècle ou du commencement du ve, il résulte avec une évidence absolue que l'hippalectryon emprunte au cheval la moitié antérieure de son corps et au coq la moitié postérieure y compris les ailes. Il n'est donc pas exact de dire, comme M. Roscher ", que l'animal, en règle générale, a une tête de coq, qu'il est oiseau par devant et cheval par derrière, et que la forme inverse est exceptionnelle, puisque c'est justement cette forme-là qu'on observe sur tous les monuments figurés sans exception. M. Roscher a fondé son opinion sur quelques mots de Photius 13 et d'Hésychius 1t, qui assimilent l'hippalectryon.au griffon; cela prouve seulement que ces lexicographes connaissaient mal ce dont ils parlaient, et leurs dires n'ont aucune valeur devant l'unanimité des témoignages matériels qui viennent d'être énumérés. Parmi les auteurs de la littérature grecque, ce n'est que dans Aristophane qu'on trouve mention du cheval-coq 15 ; mais Aristophane à son tour nous fait remonter jusqu'à Eschyle, qui parait s'être servi du mot avec une certaine affectation 16, et qui peut-être même, dans son Prométhée enchatné 17, avait donné pour monture à Okéanos un hippalectryon (7.s'r71 L'origine de l'hippalectryon est orientale. M. Milchhoefer19, cependant, a insinué que cet étrange quadrupède avait pu faire partie des conceptions mythiques de la Grèce primitive : mais le coq n'ayant été introduit d'Asie en Europe qu'au vile siècle20, il est impossible qu'antérieurement à cette date, les Grecs aient imaginé un être dans la composition duquel le coq entre pour moitié. Il n'y a aucune raison de rejeter ou d'atténuer le témoignagne formel d'Aristophane 21, d'après qui le cheval-coq, comme le bouc-cerf (T F zyE),x;,oç) fut emprunté directement par les Grecs à l'art décoratif de la Pense. Nous ne savons si, dans son pays d'origine, l'hippalectryon avait quelque rôle soit religieux, soit simplement fabuleux; plus probablement ce ne fut qu'une création de fantaisie, un motif de décoration inventé par l'art industriel. En Grèce du moins il ne fut rien de plus, et même à ce point de vue la vogue dont il jouit fut très éphémère. Il ne prit place dans aucune légende 23, et d'autre part sa forme trop peu satisfaisante pour le sens esthétique le fit délaisser bien vite des artistes23. L'in 11IP 188 -.MP térêt qu' avait excité sa nouveauté vers la fin dû vie siècle et le commencement du ve, au temps de Nicosthénès, de Xénoclès et d'Eschyle, semble être déjà tout à fait tombé au temps d'Aristophane; c'est pourquoi, plus tard, les scholiastes et les lexicographes ne le connaissant plus que de nom et n'en ayant pas sous les yeux une représentation figurée, en ont ignoré la forme véritable et ont commis dans leurs explications à ce sujet de graves inexactitudes. limai LECHAT. ou de commandant de la cavalerie a dû exister dans presque toutes les villes grecques un peu importantes ; car, à un moment donné, la cavalerie a fait partie de l'organisation militaire de tous les Mats grecs. Malheureusement, dans bien des cas, nous aurons simplement à constater que la charge d'hipparque a existé, à citer quelques noms propres, sans pouvoir indiquer les caractères particuliers qu'a pu avoir cette charge, ou dire quels ont été les personnages dont nous citerons les noms. Souvent même ces brèves indications nous manquent. Bien des cités ont joué un rôle important en Grèce, dont nous serons obligé de passer le nom sous silence'. Ici encore c'est Athènes qui nous fournit les renseignements les plus précieux; nous commencerons donc par étudier les hipparques athéniens. 1. La mention la plus ancienne que nous ayons des hipparques d'Athènes nous est donnée par Aristote dans son ouvrage sur la République des Athéniens.Cet te mention se trouve dans le chapitre où est exposée la constitution de Dracon. Les hipparques sont nommés, avec les stratèges, après les archontes et les trésoriers; ils doivent posséder une fortune, libre d'hypothèques, d'au moins cent mines, et avoir des enfants légitimes, nés d'un mariage légitime, âgés de plus de dix ans. Ils doivent fournir comme caution, jusqu'à la reddition de leurs comptes, les prytanes, les stratèges, les hipparques de l'année précédente et ceux-ci doivent présenter comme garants quatre citoyens de même cens que les stratèges et les hipparques 2. On sait quels soupçons et quelles attaques a provoqués la partie de l'ouvrage d'Aristote qui est relative à la constitution de Dracon. Le passage, qui nous occupe ici, est assurément parmi ceux dont l'explication présente le plus de difficultés. On est étonné, pour nous en tenir à cette seule objection, de ne trouver ni ici, ni plus loin quand il sera question des naucraries, aucun souvenir de l'organisation de ces naucraries, telle que Pollux nous la fait connaître 3. Il y avait, dit Pollux, 48 naucraries,12 pour chacune des quatre tribus ; chaque naucrarie devait fournir un vaisseau de guerre et deux cavaliers, ce qui donne une flotte de 48 vaisseaux et un corps de 9G cavaliers. Ily aurait donc eu, d'après Aristote, deux hipparques t pour 96 cavaliers ; c'est bien peu d'hommes pour chacun de ces officiers. Combien y auraitil eu alors de stratèges? Quatre, un par tribu. On est surpris de voir, à une époque où la cavalerie athénienne existe à peine, que les officiers de cette cavalerie aient le même rang que les stratèges. M. Busolt 5, qui rejette le chapitre de la République et s'en tient au témoignage de Pollux, pense que chaque tribu avait à fournir un escadron de 24 cavaliers, et que chaque escadron était commandé par un phylarque e ; ce qui donnait un chiffre total de 100 cavaliers : 96 soldats, 4 officiers ; il n'y aurait pas eu d'hipparque. Cette explication paraît assurément acceptable. Cependant il y a dans le passage contesté des détails si précis, si conformes aux idées de ces vieilles époques qu'il nous semble qu'on n'est pas autorisé à tout rejeter, quelle que soit d'ailleurs l'opinion qu'on puisse avoir sur l'authenticité du passage. Il présente bien des points difficiles; mais il serait encore bien plus difficile de prouver qu'à l'époque des Quatre-Cents, il y a eu, dans Athènes, des gens pour imaginer quelques-unes des garanties qui étaient imposées aux magistrats militaires, les stratèges et les hipparques. La cavalerie athénienne fut organisée par Périclès Cette organisation était terminée quand éclata la guerre du Péloponnèse. La cavalerie atteignait alors le chiffre qui fut celui de son effectif normal, mille cavaliers. Comme à Athènes les divisions militaires correspondent aux divisions civiles, chaque tribu, c~u)er, , fournit un escadron de cent cavaliers, qui est aussi nommé ?uX, et qui est commandé par un phylarque. Les dix phylarques sont élus, à raison de un par tribu. Les hipparques commandent en chef le corps des cavaliers. Ils sont élus, tous les ans, à main levée, au nombre de deux, et pris parmi tous les Athéniens. Ils commandent chacun à cinq tribus. Ils ont sur les cavaliers les mêmes droits que les stratèges sur les hoplites ; c'est-à-dire qu'ils peuvent infliger l'emprisonnement, l'expulsion par la voix du héraut et l'amende à quiconque manque à la discipline; généralement ils n'infligent pas d'amende. Ils sont soumis, eux aussi, à un vote à main levée, A chaque prytanie, le peuple est appelé à voter sur cette question : les stratèges, les hipparques remplissent-ils dignement leurs fonctions ? Si quelqu'un d'entre eux est exclu parle peuple, il est jugé par un tribunal ; s'il est acquitté, il reprend ses fonctions'. Comme pour les stratèges, l'élection des hipparques a lieu àune époque indéterminée, la sixième prytanie après celle dans laquelle les augures ont été favorables10; ils peuvent, eux aussi, être réélus indéfiniment, privilège qu'avaient seuls les magistrats militaires". Nous avons vu qu'Aristote portait à deux le nombre des hipparques; c'est aussi le chiffre que donnent Xénophon12 et Démosthènes13, et il semble bien que c'est là le chiffre normal des commandants en chef de la cavalerie athénienne, au moins àpartir du jour où cette cavalerie fut organisée par Périclès. En tout cas, les dérogations à cette règle sont très rares. Sous le gouvernement aristocratique des Quatre-Cents, il n'y avait qu'un hipparque, qui était de droit membre du conseil ". Enfin une inscription, qui appartient à peu près à l'époque où IIIP 189 HIP nous avons placé la date de l'organisation de la cavalerie, vers 445, paraît mentionner trois hipparques 1 ; mais la lecture du nom du troisième hipparque est encore incertaine, quoi qu'on en dise ; la question doit être réservée. Dans la hiérarchie des honneurs, l'hipparque vient immédiatement après le stratège; ce sont, dans l'État athénien, les deux fonctions les plus élevées 2 ; elles sont considérées comme des charges aristocratiques ; le peuple les laisse volontiers aux riches En temps de guerre, les hipparques sont sous les ordres des stratèges; en temps de paix, ils paraissent plus indépendants'. L'opération la plus importante qu'ils aient à remplir est le recrutement du corps des cavaliers; tout tend à prouver qu'ils le constituaient à nouveau chaque année, à leur entrée en fonction 5. Deux systèmes de recrutement paraissent avoir été pratiqués. Du temps de Xénophon 6, c'est l'hipparque qui désigne lui-même les hommes ; il prend le plus souvent les anciens cavaliers et se borne à remplir les vides qui se sont produits ; en cas de résistance, il a recours aux tribunaux qui prononcent seuls ; le cavalier, une fois désigné par l'hipparque, doi t subir un examen, une dokimasie devant le conseil ; cette condition est indispensable pour qu'il soit inscrit sur les rôles de la cavalerie'. D'après Aristote, le peuple nomme à main levée dix racoleurs, xuTx?,oyeï;, qui dressent un catalogue des citoyens qu'ils jugent propres au service; ils transmettent ce catalogue aux hipparques et phylarques; ces officiers l'apportent devant le conseil; ils effacent d'abord les anciens cavaliers, qui jurent n'être plus en état de servir ; ils effacent ensuite, parmi les nouveaux inscrits, ceux qui font un serment analogue, et ils composent le rôle avec les hommes qui ne font pas d'observation. Cette façon de procéder, que nous n'avons pas le droit de contester, indique qu'il y avait, à l'époque d'Aristote, un relâchement considérable dans les opérations du recrutement de la cavalerie athénienne 8. La charge de l'hipparque offre les caractères généraux de toutes les fonctions publiques dans Athènes : le partage du pouvoir entre plusieurs magistrats; la courte durée, le contrôle, enfin la reddition des comptes. D'après un passage de Démosthène, ils auraient eu le droit de faire des lois, vdp.ot, pour la cavalerie : nous croyons que les hipparques avaient simplement le droit de porter, sous leur responsabilité, des propositions devant le peuple sur l'organisa lion de la cavalerie'. Les hipparques représentent naturellement la cavalerie. Leur nom se trouve inscrit sur les consécrations ou offrandes que les cavaliers offrent aux dieux 1D. Ils interviennent fréquemment pour le règlement de la solde qui n'était pas toujours payée ; quelquefois ils reçoivent de leurs hommes, pour ce service, des éloges et des couronnes". Dans une inscription, les'rxu.(«t t-ç OecO sont associés aux hipparques et reçoivent les mêmes hon peurs; il est dit que la résolution sera gravée sur une stèle de marbre, et que l'argent pour la pierre et la gravure sera fourni par les hipparquesi2. Cette clause indiquet-elle que les cavaliers avaient une caisse commune, qui était administrée par les hipparques? Les hipparques pouvaient être envoyés hors d'Athènes dans les clérouchies ; ils étaient chargés non de gouverner, mais simplement de protéger les colons; ils avaient avec eux un corps de troupes dont la solde était à la charge de la colonie13. Nous avons des exemples d'hipparques envoyés à Lemnos ", Salamine"5, Éleusis 16. Pendant leur commandement, ils avaient bien des occasions d'être utiles aux clérouques et de mériter par leurs services les éloges, couronnes et même statues que ceux-ci leur décernaientf7. Une inscription du commencement du tue siècle 18 nous fait connaître la façon dont on procédait. Les colons athéniens, ici les colons de la ville d'Héphaistia à Lemnos, b S~uoc b iv Il iz;r'r(, décernent à l'hipparque Coméas un éloge, une couronne d'or et une statue d'airain ; l'hipparque aura aussi la nourriture au prytanée et la préséance dans tous les concours, après qu'il aura rendu ses comptes, et que le peuple d'Athènes aura ratifié le décret du peuple d'Héphaistia ; dix citoyens seront élus à main levée pour se rendre à Athènes et obtenir cette ratification. Malheureusement la partie de l'inscription qui contenait les considérants du décret est très mutilée. Les seules choses que nous puissions voir, c'est que l'hipparque a maintenu la discipline dans le corps des cavaliers et qu'il a fait des revues, EE'exce;ç, conformément aux lois; il est aussi question d'expéditions dans l'intérieur de l'île, âvxôxcewv. Ce décret, évidemment le premier en date, vient, dans l'inscription, après le décret de ratification voté par les Athéniens. Les considérants sont cette fois conservés ; mais ils sont conçus en termes vagues qui nous apprennent assez peu de chose : l'hipparque a su par ses bons offices faire régner la concorde entre les villes et les citoyens de l'île ; il a assuré leur sécurité. Enfin un décret supplémentaire des clérouques, inséré le dernier des trois, nous fait connaître que Coméas avait été envoyé comme ambassadeur auprès du roi Séleucus. L'hipparque Coméas semble commander en chef' à Lemnos; c'est aussi ce qu'on peut conclure des témoignages de Démosthène 1° et d'Ilypéride 20 pour les hipparques du Ive siècle. Nous savons que, déjà à cette époque, le corps d'occupation de l'île de Salamine était sous les ordres d'un stratège 2' ; il y avait un corps de cavaliers commandé par un hipparque qui devait naturellement être subordonné au stratège22. II en fut de même pour Lemnos au ne siècle ; l'existence d'un stratège E7zl Ai-jivov nous est attestée pour cette époque23. En général, l'hipparque ne restait qu'un an dans l'île, au moins au Ive siècle. IIIP -190IIIP Lycophron, qui est resté plus longtemps, insiste sur cet acte de bonne volonté et de dévouement qu'il donne comme tout à fait exceptionnel 1 ; au ne siècle, nous voyonsTélésidème, hipparque à.Myrhine pour la deuxième fois 2. Démosthènes° reprochait aux Athéniens d'envoyer à Lemnos un hipparque pris parmi les citoyens, tandis que l'on confiait la cavalerie à un mercenaire pour agir sur les points ofi il s'agissait de défendre les intérêts de l'État. Ces critiques de l'orateur eurent peu d'effet ; nous avons vu qu'au n° siècle, on envoyait encore des hipparques dans les colonies qui restaient aux Athéniens. Enfin les hipparques étaient appelés, avec les stratèges, les taxiarques, les phylarques, et quelquefois avec tout le corps des cavaliers, à confirmer par leur serment les traités que les Athéniens concluaient avec les autres peuples Les hipparques ont naturellement à s'occuper de l'instruction de leurs hommes. Xénophon a tracé deux fois les devoirs d'un bon hipparque : dans un chapitre des Mémorables', et dans le traité intitulé, `I, tŒpztxdç. L'hip parque doit s'occuper et des hommes et des chevaux; il doit souvent examiner les uns et les autres. Il se préoccupera surtout de la mise en selle qui offrait des difficultés assez sérieuses, vu le manque de l'étrier °; il donnera à ses hommes un maître habile pour leur apprendre à s'enlever eux-mêmes. Il les habituera à manoeuvrer sur les terrains difficiles. Il y a, en particulier, une manoeuvre à laquelle il donnera tous ses soins : c'est celle du javelot 7 ; Xénophon veut que là-dessus l'hipparque excite l'émulation de ses phylarques, qu'il fasse naître des rivalités entre eux, afin qu'ils sachent eux-mêmes bien tirer et qu'ils l'apprennent à leurs hommes. Cette manoeuvre était en effet importante tant que la cavalerie n'osait pas aborder l'infanterie par des charges à fond. Il y a encore une dernière imperfection de la cavalerie, à laquelle Xénophon demande à l'hipparque de porter quelque remède. Le ferrage n'étant point connu, la corne du cheval s'usait très vite. Xénophon 8 veut que l'hipparque se préoccupe de rendre la corne plus dure: il lui indique divers procédés qu'il a pratiqués et dont il a obtenu de bons résultats. Enfin l'hipparque s'appliquera à avoir des hommes bien équipés, en état de briller dans les processions'. « Il cherchera, dit-il, à rendre dans les fêtes les processions dignes d'exciter la plus grande admirationf0 ». Xénophon décrit avec chaleur les manoeuvres que faisait la cavalerie dans ces fêtes; il en propose de nouvelles ; il demande même qu'on établisse des prix pour les cavaliers les plus habiles et les plus zélés ". C'était là, en effet, un service qui mettait bien en vue la cavalerie. Xénophon ne veut pas que l'hipparque s'applique à briller lui tout seul, mais avec tous ses cavaliers. La vraie parure d'un commandant de cavalerie, c'est la bonne tenue de son escadron 12. I1 voyait que la plupart de ceux qui voulaient devenir hipparques n'avaient d'autre ambition que de briller dans les fêtes; il les en blâmait, il leur montrait que leurs fonctions étaient sé rieuses, qu'ils pouvaient rendre de grands services à la patrie et aux dieux ". D'autres fois, au contraire, il essayait de tirer parti même de ce désir de briller, qu'il attaquait ailleurs si vivement; il conseillait à l'hipparque de se former une sorte de garde du corps, une turma praetoria ; il pensait que cela exciterait les phylarques à se bien équiper pour paraître àla tête de leur escadron 14. D'après un autre passage, il semblerait que l'hipparque avait pour escorte les 7rpdôpou.ot ; dans les processions, les archers à cheval, les iizao.o'.rli défilent les premiers; puis vient l'hipparque, entouré de ses icpSrouo:, et suivi des cinq escadrons qu'il commande". Peut-être aussi avait-il autour de lui cinq adjudants : le cavalier Dexilée, dont nous possédons le monument funèbre, aurait été un de ces adjudants 1°. Enfin, et c'est là un des traits qui peuvent le mieux nous aider à connaître la démocratie athénienne, une qualité est indispensable à l'hipparque, c'est le don de la parole. Un hipparque muet n'est pas pour commanderà la cavalerie d'Athènes17. L'hipparque, en effet, doit être en état de défendre les intérêts de la cavalerie devant le conseil, qui exerce un droit de contrôle rigoureux sur cette arme. Il faut aussi qu'il sache agir sur ses hommes par la parole. Ses fonctions étaient souvent délicates ; la cavalerie était composée de jeunes gens appartenant aux premières familles d'Athènes ; ces jeunes aristocrates affectaient de montrer leur opposition et même leur mépris pour le gouvernement de leur pays; il n'était pas facile d'obtenir d'eux le respect des règlements". Xénophon veut que l'hipparque soit un cavalier accompli pour servir d'exemple à tous ; il veut aussi qu'il soit capable de montrer à ses hommes par des discours les bons effets de la discipline et de l'obéissance. Nous savons que l'hipparque pouvait infliger des punitions, comme les stratèges. Mais Xénophon compte peu sur la répression : l'hipparque doit savoir se faire obéir, et, pour cela, il a deux moyens, la parole et l'ascendant qu'un chef capable exerce naturellement sur ceux qui sont placés sous ses ordres. Nous avons dit que Xénophon demandait qu'on établît des prix pour les exercices que la cavalerie faisait dans les fêtes religieuses, pour la bonne tenue des soldats, et leur habileté à manoeuvrer ; il pense que, en excitant l'émulation, il pourra tout obtenir des cavaliers pour le grand bien du service. Démosthène", lui, au contraire, trouvait que les hipparques et les phylarques s'occupaient trop de processions et de parades, pas assez des choses de la guerre, qu'ils n'étaient guère que des « poupées » de place publique. Ce sont les idées de Xénophon qui triomphèrent dans Athènes. Au ne siècle, ce n'est plus seulement aux processions que la cavalerie prend part; elle a un rôle important dans les jeux équestres des grandes fêtes 20. On a, peut-être dès l'époque de Xénophon, institué ces prix d'eèxo éa et d'eûo-a.a qu'il réclamait : dans ces concours, les tribus luttent les unes HIP 494 HIP contre les autres ; les prix sont décernés à la tribu victorieuse, le nom du phylarque et celui de l'hipparque sont mentionnés dans la proclamation des prix'; il en est de même pour le concours d'AvOtr.7ractx, qui paraît plus ancien ; les hipparques avaient dans ce concours un rôle important'. Bien plus, au ne siècle, la cavalerie prit part à ce qui est proprement l'Aywv (7rtxdç; aux fêtes des Théséia et des Panathénées, il y avait, au deuxième siècle, des concours ix rWV (7cssàov et lx rwv uaxpxmv 3. Nous connaissons assez peu d'hipparques athéniens. Assez souvent le même personnage, d'abord hipparque, passe ensuite à la dignité militaire la plus élevée à Athènes, la charge de stratège. C'est le cas pour le plus ancien et certainement pour un des plus illustres parmi les hipparques que nous connaissons, pour le petit-fils de Miltiade, Lacédomonios, fils de Cémon ; une inscription récemment découverte nous apprend qu'il fut hipparque vers 345 ; en 333, il était stratège 4. Philoclès, qui commandait l'armée athénienne à la bataille de Chéronée, avait été, au moment où Dinarque l'attaqua, trois ou quatre fois hipparque, plus de dix fois stratège 5. Démétrius de Phalère, avant d'être nommé thesmothète par Antigone, avait été hipparque et stratège'. Les bons hipparques n'ont pas fait défaut à Athènes ; il suffira de citer Céphisodore, le brave chef de la cavalerie athénienne à la bataille de Mantinée, où il fut tué à côté de Gryllos, le fils de Xénophon'. Peut-être faut-il voir un hipparque dans Simon b hrnrtr.dç, le précurseur de Xénophon, le premier Athénien qui ait écrit sur la cavalerie 3. II. Si incomplets que soient les renseignements qui nous sont parvenus sur les hipparques d'Athènes, nous pouvons cependant avoir une idée assez nette de ce qu'était ce magistrat, de ses fonctions, de son rôle dans l'État athénien. 11 n'en est plus de même pour les autres peuples grecs; ici tout ce que nous pouvons faire, c'est de dire que la charge d'hipparque a existé dans telle cité et à rapporter quelques noms. A Sparte, nous constatons bien l'existence d'un (n7xpzxç; mais une note d'Hésychius dit : ï ruapxo; b alors que nous n'ayons pas là le chef de ces 300 .7 7ccïç, qui, malgré leur nom, n'en formaient pas moins une troupe d'hoplites'. La cavalerie béotienne était considérée comme une des meilleures de la Grèce. Chaque ville de la confédération fournissait un corps de cavaliers commandé par un hipparque, qui avait sous ses ordres un ou plusieurs ilarques, selon la force du contingent. Nous connaissons un i'nr.apyoç pour Thespiesi0, unt7;7rap o;,un (7:7cxpx(wv pour L ébadée"; pour Thèbes, un hipparque est mentionné dès l'époque des guerres Médiques72 ; il était aussi de Thèbes cet hipparque Pompidas qui nous est connu par une inscription et qui avait une façon assez singulière de régu lariser sa gestion financière t3. Nous trouvons dans Thucydide", pour l'année 421, la mention d'un ï7rrrapxo; rit", Botcort,v ; cet officier commande à 600 cavaliers, ce qui paraît être plus que le contingent d'une seule cité; pouvons-nous conclure de ce passage de Thucydide qu'il y avait un commandant en chef de toute la cavalerie de la confédération, lequel se serait appelé l'ïrr7rapzo; rtw Bon La cavalerie la plus célèbre de la Grèce était la cavalerie thessalienne ; elle était composée par la noblesse, qui avait su conserver dans ce pays sa haute situation. Nous connaissons des hipparques pour Lamiaf5, Cyréties", Alost7, Métropolis de 'l'hessaliotide 18, pourle xotvdv des Magnètes f9. Alexandre amena en Asie un contingent considérable de cavaliers thessaliens; dans l'ordre de bataille, ils sont placés à l'aile gauche, à côté de la cavalerie des alliés; ils sont toujours sous les ordres d'un officier macédonien; Calas, fils d'Harpalos, au Granique; Philippe, fils de Ménélas, à Arbèles; l'escadron de Pharsale, le meilleur de la cavalerie thessalienne, était rangé autour de Parménion20. Ce contingent de cavaliers thessaliens fut, peu après cette bataille, renvoyé en Europe. Après la mort d'Alexandre, toute la cavalerie thessalienne semble être sous les ordres de l'hipparque Ménon; sa défection fut un coup très sensible pour Antipater dans la guerre Lamiaque ; Ménon, après avoir combattu à côté des Athéniens, contre Léonnatos, fut tué par Polysperchon 21. Comme à Athènes, les hipparques, en Thessalie, pouvaient être appelés à confirmer par leur serment les traités de paix 22. La cavalerie macédonienne est la cavalerie des hétaires [UETAIHOI] ; elle était divisée en îles; dans l'armée d'Alexandre, à Arbèles, il y avait huit îles, commandées chacune par un ilarque : le chef de toute cette cavalerie était Philotas, fils de Parménion; nous ne pouvons pas dire s'il avait le titre d'hipparque. A sa mort, Alexandre ne voulut plus que cette cavalerie fût commandée par un seul homme; il la divisa en deux hipparchies, dont les chefs furent Clitus et Héphestion 23. Ce dernier fut plus tard revêtu du titre de chiliarque2'° (Diodore dit hipparque 25), qui lui donnait une situation prépondérante dans l'armée. Nous trouvons encore ce nom d'hipparque employé, dans l'armée macédonienne, pour désigner divers commandements dans la cavalerie 26 Dans les ligues achéenne et étolienne, les magistrats militaires eurent une situation prépondérante. La plus haute fonction de la ligne achéenne était celle du stratège; après lui, venait l'hipparque, qui était véritablement son lieutenant 27. Pas plus que son chef, l'hipparque n'était exclusivement un magistrat militaire. Cette charge était considérée comme une sorte de préparation à la stratégie. Comme dans Athènes, la cavalerie de la ligue était recrutée parmi les jeunes gens des classes riches HIP 192 HIP par voie d'engagements volontaires; elle était très indisciplinée; l'hipparque ici encore craint de sévir; il cherche à gagner des partisans pour sa candidature à la stratégie; il voit des cavaliers vendre leurs chevaux et il ne dit rien'. L'hipparque, avec le stratège et le navarque, est appelé à consacrer les traités par son serment'. L'hipparque le plus célèbre de la ligue fut Philopoemen, qui était un cavalier consommé ; il fut le réformateur de la cavalerie achéenne; il inventa aussi de nouvelles dispositions tactiques pour la cavalerie '. Nous connaissons moins bien la situation de l'hipparque dans la ligue étolienne°; nous savons que, là aussi, il était le premier magistrat après le stratège. Nous constatons enfin l'existence de la charge d'hipparque à Tégée à Élis', en Épire', à Syracuse 8, à Géla9, à Léontini'°, à. Cyzique" : dans cette dernière ville, c'est l'hipparque qui donne son nom à l'année civile; nous possédons une liste des hipparques éponymes de cette cité. La cavalerie des rois d'Égypte se serait élevée au chiffre de 440000 cavaliers 12, parmi les officiers de cette cavalerie on distingue l'1a7r4zri;'3. On trouve enfin le nom ou le titre d'IliriraEXo; sur une monnaie de