Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article HIPPOBOTAI

IIIPPOHOTAI ('Iraoed-rat). L'élevage des chevaux, l'i7r7ro-rpop(a, est, dit Aristote, une dépense que les pauvres ne peuvent pas, en général, supporter. Aussi, dans les temps anciens, les États dont la force consistait principalement en cavalerie furent des États oligarchiques. A l'appui de sa thèse, Aristote cite Érétrie et Chalcis en Eubée'. Pour Chalcis, il ne peut pas y avoir de doute sur la corrélation affirmée entre l'oligarchie et l'br7roT9op(a, puisque les oligarques chalcidiens, ces citoyens riches entre les mains desquels résida pendant plusieurs siècles le gouvernement, portaient un nom qui rappelait précisément leur occupation habituelle ; c'étaien t les 17rao6drz;, les éleveurs de chevaux. A quelle époque l'oligarchie des hippobotes remplaçat-elle l'ancienne monarchie, que l'on croit reconnaître encore au temps d'llésiode'. Peut-être au commencement du vote siècle. Quand, vers le milieu du vue siècle, une guerre formidable éclata entre Chalcis et Érétrie, guerre à laquelle toute la Grèce maritime s'intéressa, se partageant entre les deux cités rivales, les hippobotes étaient au pouvoir et l'objet du litige explique l'âpreté de la lutte 3. Chalcis et Érétrie se disputaient la plaine fertile qui les séparait, cette plaine, arrosée par le Lélantos, dont la possession était d'un si grand prix pour des éleveurs de chevaux. Les historiens anciens ne parlent guère du gouvernement des hippobotes.Iléraclide nous dit que ceux-là seuls avaient l'exercice du pouvoir qui étaient âgés de cinquante ans'. Plus jeune, on ne pouvait être ni magistrat, ni ambassadeur. Strabon attribue aux hippobotes la fondation d'un grand nombre de colonies chalcidiennes en Italie et.en Sicile. Il y eut certainement à Chalcis, comme dans toutes les Républiques grecques, bien des révolutions. Aristote nous parle du la tyrannie d'un certain Phoxos, qui-fut suivie d'un essai de démocratie' ; de la tyrannie d'Antiléon, après laquelle on revint à l'oligarchie'. A la fin du vie siècle, les hippobotes étaient toujours au pouvoir. Ils firent alors cause commune avec les ennemis d'Athènes, les Spartiates et les Béotiens. Athènes triompha des premiers à Éleusis ; elle battit ensuite les Béotiens et les Chalcidiens. L'armée de Chalcis une fois en déroute, les Athéniens se mirent en possession de tout le territoire qu'occupaient alors les hippobotes. Ils le firent arpenter et diviser en quatre mille lots, qui furent distribués à quatre mille Athéniens'. C'était en quelque sorte une nouvelle Athènes, que l'on fondait sur les terres des hippobotes expulsés ; une gardienne du détroit de l'Euripe, enrichissant la métropole par des envois de blé et de chevaux et lui assurant la prépondérance dans l'Eubée 9. Ces faits se passèrent en 307. Les hippobotes prisonniers furent emmenés à Athènes, chargés de fers, et ne recouvrèrent la liberté qu'au prix de deux mines par tête. Les chaînes qui avaient servi à les entraver étaient encore, au temps d'Hérodote, suspendues dans l'Acropole, et, à. l'entrée des Propylées, l'historien vit un quadrige d'airain offert à Minerve et représentant la dîme des rançons10. Hérodote a reproduit l'inscription qu'il lut sur ce monument. On a retrouvé, sur l'Acropole, un fragment du texte; mais, comme les caractères sont du temps de Périclès 1l, cc ne peut pas être l'inscription primitive. Le quadrige vu par Hérodote fut peut-être restauré au temps de Périclès, à l'occasion d'un nouveau succès remporté sur les Chalcidiens. On sait, en effet, que, en 446-443, les Eubéens, profitant des embarras, qui, au lendemain de la défaite de Coronée, obligeaient les Athéniens à diviser leurs forces, se soulevèrent et essayèrent de reconquérir leur indépendance. Les hippobotes revinrent au pouvoir à Chalcis". Mais, grâce à l'énergie de Périclès, l'Eubée fut bientôt rattachée à l'Attique plus étroitement encore que par le passé ; non seulement les hippobotes furent de nouveau expulsés de leurs domaines f3, mais encore des colons athéniens furent établis à Érétrie et dans d'autres cités". Le monument qui consacrait le souvenir de la première conquête, la conquête de 507, fut sans doute restauré à l'occasion des victoires de Périclès, et c'est à cette restauration qu'appartient le fragment retrouvé Pour prévenir autant que possible de nouveaux sou fixé par Scopas dans une oeuvre cé IIIP 193 IIIP lèvements, Athènes imposa aux Chalcidiens un serment solennel de fidélité, dont le texte a été retrouvé en 1876'. Le régime des biens donna certainement lieu à des réformes en harmonie avec la constitution démocratique du gouvernement, constitution qui paraît avoir été maintenue pendant la fin du ve siècle et la majeure partie fabuleux, ayant la tête et la partie antérieure du corps d'un cheval, la partie postérieure se prolongeant en une queue de poisson épaisse et sinueuse'. Les artistes qui l'ont souvent représenté ont-ils pris pour modèle, comme on l'a dit, le « cheval marin » (syngnathus hippocampus de Linné), qu'ils avaient certainement pu voir fréquemment2? On peut l'admettre pour l'époque mycénienne: quelques bractées d'or (fig. 3841) appartenant à cette période de l'art' paraissent être une imitation directe de la nature; mais l'hippocampe, tel qu'il a été figuré plus tard, est une création tout imaginaire. Dans les pierres gravées dites des îles, on le voit déjà, pourvu d'ailes', comme il le sera par la suite sur des monnaies de beau style (fig. 3842) ° et sur des vases à figures noires, tandis qu'il est sans ailes sur d'autres vases de la même classe ° ; puis les ailes disparaissent entièrement. Le type fut définitivement lèbre7 et après lui par les sculpteurs qui représentèrent des cortèges de dieux marins (Neptune et Amphitrite; Thétis et les Néréides; Enlèvement d'Europe, etc.). Il en existe encore d'admirables reproductions : par exemple la suite de bas-reliefs de la Glyptothèque de Munich', d'où est tirée la figure 3843. On y remarquera le mélange des deux natures du cheval et du poisson, le passage de l'une à l'autre habilement ménagé, les appendices placés sous les jambes et sous le maxillaire. Ils ressemblent ici plutôt à des plantes qu'aux organes d'un animal marin; ailleurs' ils sont transformés en véritables nageoires, et les pieds du cheval sont palmés; ou bien le col est, V. comme le dos, hérissé d'une crête dentelée, la tête allongée avec une mâchoire de poisson et l'on revient ainsi à l'imitation, que l'on rencontre quelquefois, presque sans mélange du véritable « cheval marin f0 ». Les monuments où l'on retrouve l'image ainsi variée dans ses détails de l'hippocampe sont nombreux et appartiennent à toutes les branches de l'art f1. E. SAGLio.