Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article HORIA

IIORIA ou IIOREIA, IIORIOLA. Bateau de pêche'. Sur la mosaïque d'Althiburus (Medeïna, en Tunisie), que nous reproduisons (fig. 3881)1'horeia est une embarcation à la coque arrondie s'amincissant à l'avant, que termine une proue proéminente et recourbée; l'arrière, au contraire, muni d'une plateforme carrée et basse, sur laquelle le pêcheur qui lance l'épervier ou darde le trident peut se tenir debout, est coupé droit sans poupe relevée. Les flancs sont renforcés près du bordage par deux poutres horizontales formant éperon à l'avant. Le canot n'a ni quille, ni gouvernail, ni mât. II est muni d'une paire de rames dont le pivot peut se déplacer suivant que le rameur est assis à l'arrière ou surie banc qui occupe le milieu du canot. Sur la plate forme et sur le banc sont déposés deux filets. Le nom de l'embarcation est indiqué au-dessus et au-dessous de la figure. Une mosaïque chrétienne du ve siècle découverte à Tabarka, en Tunisie' (fig. 3882), représente peut être aussi une horia. Au-dessous de l'épitaphe d'un certain Felix, navicularius ab oriis Sernis,est figurée une barque dont la forme générale se rapproche de celle de la mosaïque de Medeïna, mais qui est munie, outre les deux rames, de deux voiles et d'un gouvernail. C'est un bateau de commerce ou de pêche. P. GAUCxeEn. rEïov. Les anciens désignaient sous ces noms divers et d'autres encore les instruments destinés à mesurer le temps. Ces instruments se divisent en deux classes 1° les instruments qui servent à mesurer le temps par l'observation de la hauteur du soleil, ou, ce qui revient au même, par l'observation de la longueur ou de la direction de l'ombre : ce sont les gnomons et les cadrans solaires ; 2° les instruments qui permettent d'évaluer un intervalle de temps, par l'écoulement régulier d'un liquide, hors d'un vase ou dans un vase : ce sont les clepsydres et les horloges hydrauliques. 1. Gnomons et cadrans solaires. L'observation de la marche du soleil est le moyen le plus simple et le plus anciennement employé pour évaluer le temps. Mais à l'origine on se passa d'instruments pour suivre la course du soleil. Les ombres des hommes, des arbres, des édifices suffirent longtemps à calculer grossièrement la hauteur de l'astre au-dessus de l'horizon. Ce sont les philosophes grecs, physiciens et astronomes, qui se préoccupèrent les premiers d'obtenir des données plus précises, et ils apprirent des Chaldéens', par l'intermédiaire sans doute des Phéniciens ou des prêtres égyptiens, à se servir d'un instrument appelé gnomon. Le gnomon consiste essentiellement en une pointe ou style (a-ot Eïov)' dressé verticalement sur un plan horizontal (fig. 3883). Avec cet appareil, ils firent leurs premières observations astronomiques : ils déterminèrent le midi vrai (ombre minima du jour), les points cardinaux, l'époque des solstices (ombre minima ou maxima de l'année). Plus tard ils arrivèrent à connaître, par la même méthode, les équinoxes, l'obliquité de l'écliptique, et la hauteur du pôle (latitude} pour un lieu déterminé. Mais le gnomon ne fut pendant longtemps qu'un instrument astronomique, et sans aucune espèce d'utilité pratique, si ce n'est celle d'indiquer l'époque des sol 11011 -251 IIOR stices, qui marquait pour les Grecs le début de l'année : l'année olympique et l'année athénienne commençaient vers le solstice d'été'. Tel fut le rôle du gnomon désigné sous le nom de iratoTp6 r;ov que Phérécyde de Syros établit dans sa patrie', et du cxto(r4aiv qu'Anaximandre de Milet construisit à Lacédémone 3. Il en était de même encore au ve siècle, quand l'astronome Méton4 installa sur la Pnyx, à Athènes, un i),toTeo-:ov 5 de grande dimension. Cet instrument devait en principe, comme le nom l'indique, marquer les Tpo7r11 du soleil, c'est-à-dire l'époque des solstices, et la construction en avait été résolue à l'occasion de la réforme du calendrier. Cependant, dès cette époque, apparaît l'usage de mesurer le temps par la longueur en pieds de l'ombre du ccotystov A peu près au même moment, on apprit, chez les Grecs, à mesurer le temps par l'observation de la direction de l'ombre. La réforme de Méton avait attiré l'attention sur les instruments chronométriques, et l'on commença à se servir d'un gnomon perfectionné, le polos (7ré),oç). Nous savons que, vers 4110, Démocrite écrivit un Traité sur le polos' et nous trouvons mention de l'instrument dans un fragment d'Aristophane 3. Le polos était un hémisphère concave, placé bien horizontalement dans un lieu découvert, et la partie concave tournée vers le zénith. On y fixait un style, dont la pointe était exactement située au centre de l'hémisphère. Dès que le soleil se montrait à l'horizon, l'ombre du style entrait dans la concavité de l'hémisphère, et y traçait, dans une situation renversée, le parallèle diurne du soleil. On marquait la route de l'ombre le jour des solstices et des équinoxes, et on divisait chacune de ces routes en douze parties égales. En joignant les points correspondants des trois parallèles (ligne des équinoxes, ligne du solstice d'été, ligne du solstice d'hiver), on obtenait douze courbes, qui indiquaient douze moments dans la marche du soleil. C'étaient les lignes horaires. Ce cadran hémisphérique ne demdndait, pour être imaginé ou décrit, aucune théorie mathématique : il suffisait d'avoir une idée nette du mouvement diurne du soleils. Remarquons que les heures, marquées par le polos, ne sont pas tous les jours égales. Elles ont une durée essentiellement variable, puisque chacune d'elles n'est que la douzième partie du temps que le soleil passe chaque jour au-dessus de l'horizon, et non pas la vingt-quatrième partie de l'intervalle compris entre deux passages successifs au méridien. C'étaient donc des heures temporaires (wpat xacptxx(, horae temporales). Dans l'année, ces heures n'étaient égales entre elles qu'aux époques des équinoxes. Elles furent employées dans l'usage vulgaire, et les astronomes seuls se servirent des heures égales ou équinoxiales (iôpat ic-reeptvx(, horae aequinoctiales 10). Il ne semble pas cependant que les cadrans solaires (polos ou polos modifié) soient devenus très communs avant l'époque Alexandrine. En effet, si le polos avait été très employé, nous devrions trouver dans les textes men V. Lion de la division du jour en douze parties. Or c'est dans Pythéas de Marseille (deuxième moitié du Ive siècle)11 que l'on constate pour la première fois l'emploi des douze heures. Jusque-là on ne consultait guère que le gnomon et l'on mesurait les heures en pieds 12. Cependant les savants au ive siècle perfectionnèrent le polos primitif. Ce fut là une des premières applications pratiques des con naissances nouvelles, acquises par les Grecs sous l'influence des grandes écoles d'astronomesetdemathématiciens. Le Chaldéen hellénisé Bérose 13 imagina de supprimer dans l'hémisphère du polos (4. 3884) toute lapartie inutile qui n'était pas parcourue par l'ombre, et le limita au Nord et au Sud par deux plans coupés suivant l'inclinaison de l'équateur et des tropiques. Aristarque de Samosl" construisit le polos (dit scaphê ou hemisphaerum) en métal, ce qui lui permit de tracer des lignes beaucoup plus fines ; et il s'en servit pour déterminer le diamètre apparent du soleil. C'est aussi le polos que compléta Eudoxe de Cnide 13 en traçant sur l'hémisphère le chemin de l'ombre à diverses époques de l'année, par exemple à l'entrée du soleil dans chaque signe du zodiaque ou au commencement de chaque mois (menstruae lineae)16. La multiplicité des courbes parallèles et des lignes horaires eut alors quelque ressemblance avec le réseau d'une toile d'araignée, et c'est ce qui valut sans doute à ce cadran le nom d'araignée (âpay,'i). Quelle que fat d'ailleurs la forme donnée au polos, il suffisait d'y tracer les heures empiriquement et sans aucun calcul. Le même hémisphère pouvait donner les heures temporaires en tous lieux de la terre. Seules, les lignes solsticiales et équinoxiales perdaient leur valeur, si l'on transportait l'instrument sous une autre latitude que celle où il avait réglé. Au III° siècle, la gnomonique des anciens fit de nouveaux progrès, et c'est à cette époque qu'apparurent les premiers cadrans coniques. On est tenté d'en attribuer l'invention à Dionysodore de Mélos S7, qui est connu par un théorème sur les sections coniques, mais on ne peut pas l'affirmer. Toujours est-il que l'on possède au moins un de ces appareils (voy. la fig. 3886), qui date du règne de Ptolémée Philadelphe (285-247)18. 11011 258 11011 La construction des cadrans coniques est beaucoup plus savante que celle des polos : elle exige des théories mathématiques assez avancées et suppose des observations astronomiques. En effet « les cadrans coniques sont formés par la surface concave d'un cône circulaire droit, et, pour que des heures temporaires égales se traduisent par des chemins égaux de l'ombre de l'extrémité du style, il faut tout à la fois que l'axe du cône soit parallèle à l'axe du monde, c'est-à-dire dans une direction perpendiculaire au plan de l'équateur, et que l'extrémité du style coïncide exactement avec un point de l'axe du cône. La construction d'un pareil cadran exigeait donc l'observation préalable de la latitude du point où il devait être placé et la détermination au moins géométrique de la longueur à donner au style pour satisfaire à la seconde des conditions précédentes'. n La surface de ces cadrans est en réalité une section de surface conique, car on supprimait dans la construction toute la partie du cône au-dessus du plan de style. De plus, ils se terminent au Sud par un plan parallèle à l'équateur. Les lignes temporaires y sont tracées au nombre de onze, et divisent la surface conique en douze parties égales. Les anciens y portaient la route de l'ombre aux équinoxes et aux solstices, et parfois aussi les routes de l'ombre à d'autres moments de l'année. Dans ce dernier cas, le cadran était appelé conarachnè2 et rappelait l'arachnè d'Eudoxe de Cnide. Le plus souvent l'ouverture du cône se présentait au Midi, parfois aussi au Nord', et c'était alors un cadran antiborée (antiboreum). Mais ces cadrans sphériques ou coniques, de par leur forme concave, ne pouvaient indiquer l'heure qu'aux personnes qui les consultaient de très près. On conçut par suite l'idée de cadrans plans que l'on pouvait apercevoir de beaucoup plus loin. Selon Vitruve c'est Aristarque de Samos qui construisit le premier cadran de ce genre, en même temps que son cadran hémisphérique, et on le désignait sous le nom de discus in planitia. Ici encore le problème qui consiste à diviser, en douze parties, le chemin que l'ombre décrit entre le lever et le coucher du soleil n'est pas facile à résoudre, parce que l'ombre se déplace sur une surface plane avec une vitesse variable, plus lente à midi que le soir et le matin. Il s'agit en somme de tracer sur un plan les intersections obliques de la surface du cône engendré par le regard d'un observateur suivant le soleil dans sa marche diurne. Par suite, les cadrans plans supposent une science assez précise des propriétés des surfaces coniques, et aussi, en dépit du témoignage de Vitruve, est-on porté à penser que les cadrans plans ne furent imaginés qu'après les cadrans coniques. Ces appareils pouvaient être placés diversemen t par rapport à l'équateur et à l'axe du monde. Les uns étaient horizontaux, d'autres verticaux ou déclinants. Ils portent tous des lignes horaires qui sont des droites, de direction très variable. Ainsi les anciens appelaient carquois (pharetra) le cadran vertical exposé au Midi et au Nord, parce que les lignes horaires rappellent alors les flèches qui sortent d'un carquois; du nom de hache (pe lecinum) les cadrans déclinants du Sud-Est ou du SudOuest, parce que les lignes horaires et les lignes des solstices dessinent vaguement le contour d'une hache à double tranchant. S'il faut en croire Vitruve, chacune de ces combinaisons avait eu son inventeur. Patroclès avait imaginé le pelecinum ° et Apollonios la pliaretrae. Enfin les anciens, en possession des méthodes géométriques et mathématiques nécessaires à leur gnomonique, trouvèrent encore bien des types de cadrans, dont le plus curieux est celui des cadrans portatifs (horologia viatoria, pensilia)'. Ces derniers reçurent les formes les plus variées, jambons, cylindres, anneaux, disques, etc. Mais le principe en était toujours le même, et ils appartenaient tous à l'un ou l'autre des systèmes précédents. Il faut remarquer seulement que dans la plupart de ces instruments, qui étaient tenus verticalement, les lignes horaires ne sont plus représentées par les rayons partant du pied du style, mais par des lignes courbes ou brisées, qui s'éloignent du style. Il y a donc interversion. Les Romains ne firent que suivre les traces des Grecs et n'ont rien inventé. Le premier cadran solaire, qui ait paru à Rome', avait été pris à Catane (263 av. J.-C.) et pendant un siècle, les Romains s'en servirent sans remarquer que cet instrument était construit pour une latitude de 4 degrés et demi, plus méridionale que celle de Rome °. Ce ne fut qu'en '164 que Rome eut le premier cadran réglé sur sa latitude : il fut construit sans doute par un Grec, sur l'ordre du censeur Q. Marcius Philippus 10. A partir de ce moment, l'usage des cadrans va en se propageant et le nombre s'en multiplie. Dès le premier siècle avant notre ère, Rome est déjà « oppleta solariis f t ». Les textes nous apprennent la présence de ces appareils sur les places publiques12, dans les temples ", les maisons de ville et de campagne", et cela non seulement en Grèce" ou en Italie, mais encore en Gaule, en Espagne, en Afrique, en Dacie et en Germanie t6 Par suite, la construction des cadrans solaires, qui au commencement avait été considérée comme digne des savants, devint bientôt une industrie courante. La gnomonique est, selon Vitruve, du ressort de l'architecture ". L'architecte prépare l'épure que le praticien est chargé d'exécuter. Le premier a à sa disposition des tables de latitude, qui lui donnent le rapport de l'ombre et du style à l'époque de l'équinoxe. Il y voit par exemple 18 qu'à Rome ce rapport est de 8 à 9, à Tarente de 9 à 11, à Athènes de 3 à 4, à Rhodes de 5 à 7, à Alexandrie de 3 à 5. Il portera donc la ligne des équinoxes à Rome à 8/9 de la longueur du style, et ainsi pour toutes les autres villes. D'autre part, les mathématiciens lui fournissent un analemme (âvxarig.«), c'est-à-dire la formule des constructions graphiques 19, qui lui permettront de tracer géométriquement les lignes fondamentales du cadran solaire. La donnée la plus intéressante de l'analemme est celle de l'obliquité de l'écliptique évaluée à 1/15 de la circonférence, c'est-à-dire à 24 degrés20. C'est une valeur très rapprochée de la réalité, puisqu'elle était au let siècle de 23° 440'. Ces Tables et les Traités d'analemmes dataient .." 11011 259 IIOR sans doute du me siècle, et furent perfectionnés au furet à mesure des découvertes nouvelles. Je suppose que ce sont les Tables de latitude d'Hipparque qui servaient à l'époque de Vitruve. Plus tard, Ptolémée écrivit à son tour un Traité sur l'Analemme', oit il se proposait de faciliter la description des cadrans. Il va sans dire que le praticien ne faisait que reporter sur le marbre ou le métal l'épure de l'architecte, et qu'il y avait toujours un écart entre les données de l'épure et le report des lignes. De là les inexactitudes plus ou moins considérables que l'on observe sur la plupart des cadrans. Les lignes d'ombre ne se trouvent pas aux distances voulues par l'ensemble des dimensions d'un même cadran. Il v a sous ce rapport de grandes différences entre les instruments soignés que l'on destinait aux édifices publics, et ceux, plus négligés, que l'on vendait aux particuliers. On a retrouvé un assez grand nombre de cadrans solaires, hémisphériques, coniques, plans et portatifs, dans la plupart des sites antiques. Les cadrans sphériques qui nous sont parvenus sont fort nombreux. Le Louvre en possède deux, le musée du Vatican en a mea,\,-I_ v-xal deux également, dont l'un porte des inscriptions grecques indiquant les mois de l'année et les signes du zodiaque. On en connaît encore des exemplaires au musée du Capitole et au musée Kircher, au British Museum et au Musée central d'Athènes 2. On en a retrouvé aussi à Pompéi (fig. 3885) ', et l'un d'eux porte des lignes horaires numérotées de I à XI. Quatre cadrans d'Aquilée appartiennent à la même catégorie : ce sont des modèles de l'hémisphère de Bérose44. Très nombreux aussi sont les cadrans coniques, que l'on a recueillis dans les fouilles de Délos, d'Héraclée', d'Athènes, de Pompéi et de Phénicie Le cadran d'Iléraclée du Latmos (fig. 3886), découvert en 1873, est signé par Thémistagoras, fils de Meniscos, d'Alexandrie ; il est double et présente une surface conique au Sud et une autre au Nord. Outre les onze lignes horaires, il porte une série d'arcs de cercle, parallèles à la base du cône. Il est construit pour la latitude de 38 degrés (latitude réelle, 370 30') 7, et comporte donc une erreur de 30 minutes. Quant aux arcs de cercle, ils sont tracés avec une précision remarquable pour les équinoxes etles solstices. Mais le constructeur s'est trompé pour le chemin de l'ombre au moment de l'entrée du soleil dans les signes du zodiaque, parce qu'il ne connaissait que très inexactement la déclinaison du soleil à ces diverses époques de l'année. Parmi les cadrans coniques d'Athènes 8, il en est un qui a été construit pour la latitude de 38 degrés, ce qui présente une approximation très grande de la véritable latitude (37° 58'). Un autre, au contraire, trouvé sur l'Acropole, est taillé pour la latitude de 28° 20' : il a donc été apporté à Athènes, sans doute des environs d'Hermopolis d'Égypte. De même un cadran de Pompée est réglé pour la latitude de Memphis 10 Le plus important des cadrans plans (fig. 3887) est celui qui est connu sous le nom de four des Vents à Athènes" C'est un octogone régulier, sur les faces duquel sont représentés les huit vents principaux, et au-dessous l'on voit huit cadrans différents : quatre d'entre eux sont réguliers, ce sont les cadrans verticaux du Nord et du Midi, de l'Est et de l'Ouest ; les quatre autres sont sur les faces intermédiaires et sont déclinants. On ne sait pas exacte 11011 260 11011 ment de quelle époque ils datent. Il paraît en effet étonnant que Vitruve, qui décrit la Tour des Vents, n'y fasse pas allusion, et les passe aussi sous silence quand il énumère les divers systèmes de cadrans connus de son temps. Par conséquent, on tend à croire qu'ils ont été tracés sur le monument, non par Andronicos de Cyrresthes, mais par un artiste postérieur, vers l'un des premiers siècles de notre ère. Ces cadrans marquent les heures temporaires, et presque tous avec exactitude, surtout ceux du Midi, de l'Est et du Sud-Ouest. Seul le cadran de Caecias ou du Nord-Est ne semble pas avoir été tracé avec autant de soin ou du moins de succès. La latitude du lieu avait été fixée avec précision. Le cadran de l'Est montre que les anciens avaient adopté pour valeur de la latitude d'Athènes 37°30'. Ils n'ont commis qu'une erreur de 28 minutes. A la même catégorie de cadrans déclinants, appartient le quadruple cadran' signé par Phaidros, fils de Zoïlos, du dême de Paianée. On a retrouvé à Délos un cadran plan horizontal (fig. 3888), construit pour la latitude de 37 degrés, soit encore avec une erreur de 27 minutes. Il porte diverses ins criptions : le longdelaligne équinoxiale on lit le mot 'Ia-r1 de la ligne des solstices est gravée la men plus deux lignes qui partent du point de midi au solstice d'hiveret viennent aboutir en divergeant à la ligne du solstice d'été sont annotées avec les deux inscriptions sui rlt.€paç 7raprjxst. On connaît un cadran du même genre, un discus in planitia, découvert à Aquilée. Cet instrument, calculé pour la latitude de 45°39' (erreur de '7' en moins), est signé par son auteur : M. Antiotius Euporus fecit. Il date du ter siècle de notre ère 3. Les cadrans portatifs étaient souvent de véritables montres solaires. C'est le cas d'un cadran portatif (3 centimètres de diamètre) trouvé à Aquilée 4. II se compose d'un petit disque en bronze, gravé sur les deux faces. D'un côté, la figure des lignes des mois (menstruae lineae) est construite pour Roine (1RO dans le champ) ; de l'autre, elle est tracée pour la latitude de Ravenne (111 dans le champ). La montre du mont Iliéraple (près Forbach) est encore plus curieuse (fig. 3889). C'est u un disque de bronze (44 millimètres de diamètre), gravé sur les deux faces, entouré d'un cylindre qui le déborde également de part et d'autre, et forme ainsi au dessus de chacune des faces, un rebord d'environ 3 millimètres de hauteur 6 » . Un trou conique est ménagé dans ce rebord, à l'extrémité d'un diamètre horizontal (la montre Mail placée dans le plan vertical) ; une aiguille épaisse, à frottement dur, tourne autour du centre et s'arrête à volonté sur une des lignes des mois. Lors-, e qu'on voulait avoir l'heure, on tenait le disque verticalement, en le faisant tourner jusqu'à ce que le soleil pénétrât par la tranche dans le trou ménagé à cet effet. Un point lumineux venait alors frapper l'aiguille, et désignait une des six lignes transversales (lignes horaires) qui recoupent les lignes des mois. On a reproché aux anciens d'avoir ignoré le gnomon à trou, exempt des erreurs de la pé nombre : on voit par la montre d'Iliéraple que cette cri tique n'est point justifiée, et ce perfectionnement fait le prix de cet instrument, dont la construction d'ailleurs semble assez négligée 7. mesurer un intervalle de temps quelconque par l'écoulement d'une quantité déterminée de liquide, remonta certainement très haut. C'est le principe de la clepsydre (x),stp3pa 8, clepsydra). Il ne suppose aucune corrélation 11011 261 HOR avec la marche du temps solaire et en est complètement indépendant. Une même quantité d'eau s'écoulera de deux vases munis d'orifices égaux dans le même laps de temps; mais ce laps de temps variera à l'infini avec la quantité d'eau et la dimension des trous d'échappement. La clepsydre ne servait donc pas, au moins à l'origine, à mesurer le temps d'une journée. Aussi la voyons-nous employée à Athènes et à Rome à des usages spéciaux. On avait à Athènes l'habitude de n'accorder qu'un temps limité à chaque orateur pour prononcer son discours, et ce temps était fixé non pas en heures solaires, mais par l'écoulement du liquide qui remplissait des vases quelconques'. Suivant l'importance des débats, on donnait tantôt une, deux, trois amphores, parfois même onze amphores, tantôt un certain nombre de yco52. On divisait ainsi l'audience en trois parties d'égale durée, la première pour l'accusation, la seconde pour la défense, la troisième pour les juges'. Enfin on avait pris pour base de la durée totale de chaque audience un des jours les plus courts de l'année, au mois de Posidéon4 : ce jour-là, on mesurait les clepsydres. Si par exemple douze clepsydres avaient été vidées entre le lever et le coucher du soleil, chaque tiers d'audience valait quatre clepsydres. A Rome, la première clepsydre ne fut connue qu'après le cadran solaire de Q. Martius Philippus, en 159 av. J.-C., et c'est Scipion Nasica qui la fit exécuter'. Aussi a-t-on remarqué avec raison 6 que la pratique judiciaire romaine mesurait les tours de parole en heures solaires, mais que ces heures étaient évaluées par la clepsydre. Cicéron parle des legitimae horae qui lui sont dues'. Tantôt il n'a droit qu'à une demi-heure' et tantôt qu'à six heures de parole'. De même, Pline le Jeune dit qu'il a parlé cinq heures au Sénat10, et que l'on accorde aux avocats un certain nombre d'heures11. Mais ces intervalles de temps sont comptées par clepsydres. Nous ne savons pas d'ailleurs à quelles heures solaires on se rapportait. Les particuliers se servaient aussi de la clepsydre pour évaluer un laps de temps régulier. Hérode Atticus avait par exemple une clepsydre qui é tait réglée pour la durée de cent lignes d'écriture 72. On pouvait ainsi employer l'appareil pour contrôler le travail des esclaves, puisqu'il était construit à volonté pour marquer une durée de temps quelconque. Les astronomes usaient souvent de la clepsydre dans leurs observations 13. Elle leur était fort utile quand ils voulaient diviser le jour solaire en heures équinoxiales et non plus en heures temporelles. Les clepsydres, réglées le jour de l'équinoxe, leur donnaient les vingtquatre divisions exactes du temps qui sépare deux passages successifs du soleil au méridien. Elles leur étaient indispensables pour toutes les observations nocturnes, en particulier pour l'évaluation du temps sidéral 14. Enfin, dans la vie militaire, des clepsydres à débit variable réglaient les veilles de nuit 16 Dans ces diverses applications, l'emploi des clepsydres persista même après les perfectionnements des cadrans solaires, parce que seules elles pouvaient donner des espaces de temps égaux pendant toute l'année, c'està-dire des heures équinoxiales. Il va sans dire que cet appareil n'avait pas de forme et de capacité fixes. C'était tantôt une amphore de 39 litres 16, tantôt le zotts i7 (douzième partie de l'amphore). Ici c'est une hydrie" et là c'est un lécythe 16. Ailleurs c'est un canthare20. Le vase est d'argile ou de verre 21; le liquide est l'eau ou l'huile. Ce récipient, quel qu'il fût, était percé à sa partie inférieure d'un ou de plusieurs petits trous 22 ; il était placé sur un trépied, et un autre récipient recevait au-dessous le liquide qui s'écoulait 23. On ouvrait ou l'on bouchait avec des tampons de cire les trous d'échappement", et l'on pouvait ainsi faire varier la durée de l'écoulement : c'était là une condition nécessaire pour les clepsydres destinées à diviser les veilles militaires26. Le nombre et la dimension des orifices étaient calculés à l'avance par des expériences successives. Il était aussi possible, par un dispositif analogue, de régler les clepsydres sur un cadran solaire; et l'on arrivait ainsi à leur faire marquer, au moins approximativement, les heures temporelles. Mais, si soignée que fôt la construction de ces appareils, ils n'en restaient pas moins assez grossiers, et, selon Ptolémée 26, les observations astronomiques faites à la clepsydre manquent de précision. Il ne pouvait en être autrement, parce que le liquide, selon sa température et sa masse, ne s'écoule pas uniformément. Les anciens avaient remarqué que les clepsydres coulent plus lentement l'hiver que l'été 27. Les horloges à eau étaient une modification et un perfectionnement de la clepsydre. Athénée 28 en attribue l'invention à Platon, e t Vitruve 29 à Ctésibius d'Alexandrie. Si ces instruments datent du Ive ou du 1110 siècle, c'est une preuve de plus de la préoccupation constante que les Grecs ont eue, à cette époque, de trouver des moyens de mesurer le temps. Nous ne savons pas d'ailleurs si les horloges hydrauliques furent très répandues avant l'ère chrétienne. Elles furent introduites à Rome avec la clepsydre en 159 30. Héron d'Alexandrie avait écrit un traité Mit üôpiowv 1;lpoaxoal(wv 3'. Mais la description la plus ancienne que nous en possédions est celle de Vitruve 32 Galien en a donné une qui ne diffère que par les détails de la précédente 83. Aucun monument de cette espèce ne nous est parvenu. Tandis que la clepsydre était un vase troué dont l'eau s'écoulait en un laps de temps déterminé, l'horloge hydraulique était un récipient où l'eau qu'on y versait marquait par ses niveaux successifs les heures de la journée. Imaginons un vase où l'eau arrive d'un jet régulier et constant : au bout d'une heure solaire, le liquide aura atteint un certain niveau que l'on notera par un point de repère sur les flancs du vase; au bout d'une autre heure, le niveau aura encore monté. Si nous Id0R 2G2 H0R traçons les niveaux atteints aux douze heures de la journée, nous aurons une espèce d'horloge qui marquera dorénavant des heures égales à celles du jour choisi pour l'expérience. Tel est le principe très simple de l'horloge hydraulique. Lets anciens s'étaient ingéniés à faire marquer à cet appareil les heures temporelles, et voici comment ils avaient résolu le problème. Ils traçaient sur la paroi extérieure du récipient, généralement cylindrique, quatre lignes droites verticales, qui correspondaient respectivement aux solstices d'été et d'hiver, aux équinoxes de printemps et d'automne. A l'époque voulue, par une comparaison attentive avec un cadran solaire, on repérait sur chaque ligne verticale les douze niveaux horaires du liquide'. Si l'on voulait encore plus de précision, on traçait une ligne verticale pour chaque mois, ou pour l'entrée du soleil dans les signes du zodiaque, et l'on notait sur chacune d'elles les hauteurs atteintes par l'eau aux douze heures de la journée. On rejoignait ensuite par une courbe régulière les points horaires correspondants portés sur chaque ligne verticale. L'opération faite, il suffisait de regarder le niveau de l'eau sur la ligne verticale de janvier ou de février, pour avoir l'heure correspondante du cadran solaire à ce moment de l'année. Il est clair que ces données n'étaient pas parfaitement exactes et que l'on n'obtenait l'heure vraie qu'aux jours désignés par les lignes verticales, mais les anciens se contentaient de cette approximation. ' L'horloge décrite par Galien2 était faite d'une matière transparente et sans doute en verre, et l'on voyait au travers de la paroi les niveaux d'eau à leur passage sur les lignes horaires. L'appareil de Ctésibius, décrit par Vitruve (fig. 3890), était en métal ou en un corps opaque quelconque. Les lignes horaires étaient tracées sur la paroi extérieure, mais un flotteur en liège, suspendu à un contrepoids, mettait en mouvement un index qui indiquait à chaque instant à l'extérieur le niveau atteint par le liquide à l'intérieur'. Les anciens mettaient tous leurs soins à obtenir un écoulement d'eau aussi régulier que possible. Vitruve dit que Ctésibius poussait la minutie jusqu'à tailler dans un morceau d'or ou dans une gemme le trou d'arrivée du liquide', pour obtenir un poli plus grand, pour éviter aussi l'usure et l'obstruction de l'orifice. L'indicateur variait,au gré du constructeur, par mille moyens mécaniques plus ou moins ingénieux. Tantôt c'était une borne mobile, tantôt c'était le jet d'un oeuf ou d'un caillou, tantôt c'était le son du buccin 5, qui indiquait le niveau de l'eau et l'heure écoulée. Vitruve parle encore d'horloges dites anaphorica', qui ne diffèrent de l'hydraulique ordinaire que par des détails de construction. Ces instruments portaient sur un cadran circulaire l'image de la sphère céleste, les signes du zodiaque, etc. Le mouvement de l'eau, transmis par des rouages appropriés, faisait tourner le cadran devant un index fixe. Dans cet ordre de construction on pouvait varier à l'infini les combinaisons. Mais il ne s'agit plus à proprement parler d'appareils chronométriques. III. Notation des heures. Tels sont les instruments que les anciens avaient imaginés pour mesurer le temps. Ces inventions amenèrent un changement dans la division de la journée et une notation nouvelle des heures. On sait qu'à l'origine les Grecs et les Romains s'étaient contentés de divisions très larges et très vagues. Les Grecs distinguaient l'aurore, le midi, le soir ( ç, [iuc'ov -v.ap, ôelarl)7. De même les Romains avaient un ante meridiem, un meridies et un post meridiem 8. Le lever et. le coucher du soleil marquaient la première et la troisième phase de la journée ; le passage de l'astre au méridien marquait la seconde. Par analogie, on adopta pour la nuit les mêmes divisions mais nous ignorons comment avant l'invention de la clepsydre, on put les distinguer l'une de l'autre. Plus tard, la division tripartite fit place à une division en quatre parties", aussi vagues d'ailleurs que les précédentes. Chacun de ces espaces de temps portait le nom d'in? a, qui ne signifiait pas heure au sens moderne du mot, mais désignait les phases successives du jour. Ce sens persiste dans la langue grecque jusqu'au ive siècle, et Xénophon emploie le terme d'wga avec cette signification". La précision, bien que grossière encore, n'apparaît qu'avec les cadrans solaires. A Athènes, c'est à partir du moment où Méton installa son il),tore67ctov, que l'on commença à diviser le temps autrement que l'on ne l'avait fait jusqu'alors. Aristophane, le premier '2, pour désigner un moment de la journée, indique la longueur de IIOR -262-11011 l'ombre en pieds du gnomon. Il parle d'un style de dix pieds, ôsxx;to iv To c'otEiov ; et remarquons qu'il ne dit pas une heure de dix pieds. La même notation se retrouve aussi dans les poètes comiques de l'époque postérieure'. Cette division nouvelle entra petit à petit dans les habitudes courantes, et devait subsister jusqu'à la fin de l'antiquité. Elle est fondée, on le voit, sur la longueur de l'ombre portée par le gnomon, qui devait avoir une certaine élévation, sans doute la hauteur moyenne du corps humain. Dans les auteurs latins de l'époque impériale, le même usage persiste. Pline l'Ancien' indique comment il faut s'y prendre pour observer l'heure d'après la longueur de l'ombre humaine. Dans toutes les tables dressées par Ies agronomes romains on trouve l'équivalence des heures chiffrées en pieds d'ombre, calculées pour une latitude déterminée. C'est aussi vers la fin du ve siècle, ou au commencement du ive, qu'apparut une autre notation du temps qui devait, avec quelques modifications, devenir celle dont nous usons aujourd'hui. Quand le polos fut connu et consulté, on se servit de la position et de la direction de l'ombre pour marquer le temps écoulé. Pollux nous cite le vers suivant d'Aristophane 4 : Ild),oç T6l' cT.t• 47x 7dc7r,v Àroç 7~7px7t7at. « Voici le polos : de combien de lignes (ypzp.u.-r,) 5 le soleil a-t-il tourné? » On commença donc par mesurer le temps d'abord par le nombre de lignes que l'ombre avait dépassées dans sa course diurne. Vers le milieu du ive siècle, sous l'influence des astronomes, qui eux-mêmes avaient emprunté aux Chaldéens la division duodécimale du jour (7x ôuuibErx µéprl TTç i~E,Epÿç) 6, on en vint à désigner par un numéro d'ordre les moments successifs de la marche du soleil sur le polos, et ces moments, qui s'appelaient iiipxt, devinrent dès lors t pz z', wpx R'.... etc. La première mention de ce genre semble appartenir à Pythéas de Marseille (vers 350 av. J.-C.) et encore n'est-ce point certain: Géminus7 rapporte une observation de ce savant sur la brièveté des nuits sous les hautes latitudes : « La nuit est pour les uns de deux heures, pour les autres de trois, vtx-ra sormais les heures furent numérotées de I à XII, conformément aux espaces interlinéaires du polos'. Mais il convient de remarquer que le mot J px, contrairementà nos habitudes modernes, ne marqua pas davantage un instant précis. Pour nous, 8h du matin signifient le moment placé entre T' 59m et 8h 1m, ou tout au moins entre des divisions très rapprochées. Au contraire, pour les anciens, l'heure resta toujours un laps de temps d'une certaine durée. La première heure s'entendait de l'intervalle qui s'écoule entre l'apparition de l'ombre du style sur le cadran et son passage sur la première des onze lignes horaires. La sixième heure désigne le temps oh l'ombre court entre la cinquième et la sixième ligne. S'il en avait été autrement, les anciens auraient eu treize heures au lieu de douze. Les heures sont donc pour eux les douze parties du jour, 'rit ôs asxa tt.iprl. Voilà pourquoi ils emploient des expressions comme celles-ci : lorsque, dans l'usage courant, on voulait désigner un moment précis, on disait : lt.srcl u ôsu'épu; ûipxç xxl 7p.7rlç", ce qui reviendrait pour nous à dire : à trois heures. De même les Romains disaient : inter horam tertiam et quartant" D'autre part, comme les anciens se sont toujours servis des heures temporelles, plus courtes l'hiver et plus longues l'été, il en résulte que leurs indications horaires ne répondent pas en toute saison à nos propres heures. Au solstice d'hiver", leur première heure est comprise entre VI et 8' nu, pour la latitude de Rome; au solstice d'été, entre I4h 30m et 5" 451'1. Ce n'est qu'à l'époque des équinoxes que les données antiques et modernes se correspondent à peu près exactement. En dehors de ces deux dates, il convient de faire subir aux indications anciennes un calcul de réduction. Les Romains distinguaient eux-mêmes l'hora brumalis et l'hora aestiva 13. Quant aux divisions secondaires de l'heure, il ne semble pas qu'elles aient été poussées bien loin. Ménandre, d'après Pollux parlait de demi-heure (i ttwptov, semihora). On en retrouve aussi mention dans Strabon'. Je ne crois pas qu'on relève la trace d'une division plus petite. Pour la minute (),m o'rdv), elle ne fut jamais dans l'antiquité qu'une division du degré16. La division horaire du jour n'eut jamais chez les Grecs grande influence sur la distribution des occupations. C'est une plaisanterie fréquente chez les comiques que de dire 17 : l'ombre est de tant de pieds, c'est l'instant du repas. Quand on montre à Diogène un cxto0 ptov 18 il répond : « Voilà un bel et bon instrument, pour ne pas arriver en retard au dîner. » 11 n'en était pas de mémo chez les Romains. La vie publique et privée était réglée heure par heure. Dès une époque reculée, le consul proclamait l'heure de midi, quand il voyait le soleil atteindre l'espace compris entre les Rostres et la Graecostasis 10 De même la division du temps, réglant les audiences de justice, était proclamée par le préteur 20. A l'époque impériale, la législation, notamment les règlements d'eau", suppose l'emploi constant des horloges et des cadrans. L'eau potable est fournie par voie de distribution horaire : on marquait sur chaque conduite d'eau les heures auxquelles elle devait s'ouvrir ". De même, dans la vie privée des Romains, chaque occupation a une heure déterminée. On va aux comices vers la deuxième heure 23, au bain vers la huitième ou la neuvième heure24. Les riches Romains avaient même chez eux un esclave exclusivement chargé d'annoncer l'heure et à qui on la demandait 25. Ces usages prouvent la très grande diffusion des instruments chronométriques, cadrans ou clepsydres, à partir surtout de l'ère chré H011 261 11011 tienne, et il s'était par suite créé une véritable industrie IIOROS (''Opoç). Théophraste, dans ses Caractères, cite comme un traitd'avaricele fait, pourunhom me, d'aller tous les jours vérifier si les ooot sont à leur place'. Ces iicoc, qui sont une perpétuelle cause de souci pour un avare, peuvent être ou bien les bornes placées pour déterminer, par des signes certains et facilement reconnaissables, les limites qui séparent sa propriété des propriétés voisines, ou bien les stèles dressées sur les propriétés de ses débiteurs pour révéler aux tiers l'existence d'un droit réel d'hypothèque à son profit. Le mot ilpog, que Théophraste a employé sans préciser, a, en effet, les deux acceptions que nous venons d'indiquer; il désigne soit la borne limite d'un champ, soit la stèle sur laquelle est gravée une inscription hypothécaire. 1. L'ôcoç-limite est employé, en Grèce, soit pour marquer la ligne qui sépare une terre sacrée des terres profanes qui l'environnent, soit pour marquer la frontière de deux pays limitrophes, soit pour assigner nettement à chacun des propriétaires de deux fonds contigus le terrain sur lequel son action peut s'exercer 2. Plusieurs procès-verbaux de délimitation de terres sacrées sont parvenus jusqu'à nous; ils sont rédigés avec beaucoup de soin. Le plus connu se trouve sur l'une des tables d'lléraclée en Lucanie et constate le bornage des terres appartenant au temple que Dionysos avait dans cette ville. Plusieurs des bornes anciennement établies avaient disparu, enterrées sous les alluvions d'un cours d'eau; les propriétaires voisins en avaient profité pour empiéter sur le domaine sacré. La ville d'Héraclée fit procéder à une nouvelle délimitation. Les optcratou géomètres (ysay.irpat 3), chargés d'exécuter ce travail, déclarent qu'ils ont placé vingt-six bornes, les unes simples, les autres géminées, là où il leur a paru bon de laisser un espace libre, pour un chemin par exemple, entre les terres sacrées et les terres des propriétaires voisins. Sur les bornes simples et sur l'une des doubles bornes, ils ont fait graver, du côté qui regarde le domaine du Dieu : « Borne sacrée du territoire de Dionysos n. La borne placée sur le domaine appartenant à un simple particulier porte une inscription diamétralement opposée (civr6pcoç4). Les bornes de l'intérieur du domaine, servant seulement à délimiter les lots faits aux locataires des terres sacrées, sont anépigraphes, c'est-à-dire sans inscription Il va de soi que les bornes qui délimitaient les propriétés des temples étaient sacrées comme le domaine lui-même et que leur destruction ou leur déplacement était un acte d'impiété. Dans les relations des États entre eux, les limites avaient une importance manifeste. Suivant une vieille tradition, que Plutarque et Strabon nous ont conservée, Thésée aurait fait élever dans l'isthme de Corinthe une stèle, sur laquelle on avait gravé, au levant : « De ce côté n'est pas le Péloponèse, mais bien l'Ionie n, et, au couchant : « De ce côté est le Péloponèse, et non pas l'Ionien. n On a retrouvé de nos jours l'une des bornes qui marquaient les frontières de la Laconie du côté de la Messénie : °Opoç Aarsoa' j.ovc 7;pô; 1IECm cv 7. Dans l'in térieur d'un même État, les diverses cités tenaient à bien marquer leurs limites. En Arcadie, sur la route de Psophis à Thelpusa, Pausanias remarqua une stèle, couverte de caractères très anciens, indiquant le point de séparation des territoires de ces deux cités8. Chez les Thraces des environs de Salmydesse, des stèles marquaient la partie du rivage sur laquelle chaque groupe d'habitants avait, à l'exclusion des autres, le droit de piller les navires naufragés; on avait cherché, par cette réglementation, à prévenir les luttes souvent mortelles qui s'engageaient entre les populations du littoral de l'Euxin dans l'exercice du droit de bris et épaves'. Un texte, trouvé à Chios, édicte une peine de cent statères etl'atimie contre toute personne qui causera un préjudice à la cité, en enlevant, en déplaçant ou en rendant invisibles les ôpoc établis pour la protection de ses domaines 10. Entre particuliers, on devait souvent, comme on le fait encore aujourd'hui, se contenter de signes naturels familiers aux gens du voisinage, une rivière, une colline, un rocher, un arbre. Lors même que l'on employait quelque signe artificiel, tel qu'une pierre, il devait être bien rare qu'on y mît une inscription. Un opoç est enfoncé dans le sol à perpétuelle demeure ; il ne convient pas qu'il soit facilement déplacé. Or les mutations dans la propriété privée sont assez fréquentes. Si l'on eût gravé sur une borne le nom du propriétaire, il aurait fallu, à chaque mutation, déplacer la borne pour y inscrire un nouveau nom, et souvent même la remplacer tt. Cependant on a retrouvé plusieurs inscriptions, non seulement pour le cas de propriétés collectives et indivises, niais encore pour des biens entièrement privés. L'utilité de bornes indiquant les limites d'une exploitation minière est manifeste 12. Mais il y avait des propriétaires, dont les droits avaient été contestés, et qui, ayant été obligés, pour les faire valoir, de recourir à la justice, estimaient bon, en vue d'éviter le retour de pareils litiges, de marquer, par une déclaration expresse, le point terminal de leur domaine. Les bornes qui délimitaient les propriétés particulières étaient-elles considérées comme aussi respectables que les opoc des temples ou des biens composant le domaine de l'État? Platon, se faisant l'interprète de Zslg ôpcoç, proposait la loi suivante : « Que personne ne 11011 265 11011 touche volontairement aux bornes qui séparent deux champs limitrophes ! Mieux vaudrait essayer d'ébranler un énorme rocher que de porter la main sur un 'poç ou même sur une petite pierre qui en tient lieu. Si un'poç n'est pas respecté, tout citoyen pourra dénoncer le fait aux géomores, qui traduiront le délinquant devant le tribunal » N'y a-t-il là qu'une pure invention de Platon? I1 est certain que la loi civile ne laissait pas impunis la destruction ou le déplacement d'un po,;; il est même probable que, comme le dit Platon, la peine de l'infraction était abandonnée à l'appréciation des juges, qui la proportionnaient à la gravité de la faute et à l'étendue du dommage causé. Mais l'acte illicite était-il, en même temps, un acte d'impiété, un outrage à la divinité protectrice des 'pot, Zsûç 'p:oç, ou tout autre? M. Guiraud répond négativement'. L'opinion générale est que la religion, aussi bien que la loi, défendait de toucher aux dpct3. Ce n'est pas seulement dans Platon que Jupiter est qualifié « dieu des limites » ; la même épithète lui est donnée dans d'autres textes '. Les tombeaux, en quelque lieu qu'ils fussent placés et sans acception des personnes qu'ils renfermaient, étaient des lieux sacrés. Il fallait donc les protéger, comme les sanctuaires, contre toutes dégradations. Aussi a-t-on rencontré beaucoup d''pot posés pour avertir le public qu'un terrain a reçu cette consécration religieuse :'poç de la personne inhumée a été ajouté sur la pierre; nous connaissons trois 'pot qui délimitaient la sépulture d'un certain Onésimos 6. D'autres fois, la pierre indiquait la mesure du terrain consacré'. II. A côté des ô'pot limites, il y avait à Athènes des Spot-inscriptions hypothécaires Les Athéniens, dit Harpocration, donnaient le nom d''pot à des écrits placés sur les maisons et sur les fonds de terre qui étaient grevés d'hypothèque, pour indiquer que ces immeubles étaient affectés à la garantie d'une créance. Ces inscriptions, s'il faut en croire les lexicographes, consistaient en planches ou planchettes (exvlôeç, cxv:ôtz 9), ou bien en tables de pierre ou de marbre, et en stèles («À:Ooç, eTr hi 1D), que l'on fixait sur les maisons ou que l'on dressait sur les fonds de terre. On a même récemment découvert deux inscriptions gravées sur le mur d'une très vieille maison". Il va de soi que les inscriptions sur bois ne sont pas arrivées jusqu'à nous. Toutes les inscriptions connues ont été faites sur des pierres plus ou moins bien choisies, quelquefois sur des tablettes de marbre quadrangulaires, mais quelquefois aussi sur des colonnes cylindriques 12 Naguère on admettait généralement que l'usage de publier, au moyen d''pot, les hypothèques qui grevaient les immeubles, remontait très loin dans l'histoire d'Athènes, qu'il était même antérieur à Solon. Ce législateur, en effet, dans des vers qui nous ont été conservés, s'est glorifié d'avoir fait disparaître de l'Attique les V. nombreux 'sot, qui existaient, avant sa législature, sur les immeubles, et d'avoir ainsi rendu la liberté à la terre" Mais les historiens les plus récents se refusent à admettre que les 'pot dont parle Solon aient été des inscriptions hypothécaires. L'hypothèque, dit M. Fustel de Coulanges, est inconciliable avec le régime de la propriété du ïsvoç. L'individu ne peut pas, sous ce régime, engager la. terre familiale, puisqu'il lui est impossible d'exproprier la famille. Il peut seulement obliger sa personne et c'est l'esclavage pour dettes, qui, dans le droit antérieur à Solon, tenait la place qu'occupera plus tard l'hypothèque des biens f4. Les 'pot, que Solon fit disparaître, avaient été placés sur les immeubles pour constater les droits des seigneurs sur des biens que leurs tenanciers exploitaient moyennant une redevance. Il est incontestable, en fait, que des nombreux 'pot que nous connaissons, aucun n'est antérieur au Ive siècle. Le mot 'pot peut bien n'avoir pas eu, à cette époque, la signification qu'il avait à la fin du vue siècle et au commencement du D'un autre côté, les inscriptions hypothécaires paraissent être tombées en désuétude de très bonne heure. M. Dittenberger avait cru pouvoir attribuer à l'époque des empereurs romains un 'Poç trouvé près du théâtre d'Hérode Atticus 15; mais l'argument qu'il tirait en ce sens de la forme lunaire du sigma n'a pas été jugé probant 16 et l'on doit admettre que les 'po: les plus récents sont du milieu du ne siècle avant notre ère. On est généralement d'accord pour dire aujourd'hui que la disparition progressive des inscriptions hypothécaires ne doit pas être attribuée au hasard. Peut-être l'usage, attesté par quelques monuments, de renvoyer aux cuvOrixxt17, c'est-à-dire aux titres constitutifs d'hypothèque déposés soit chez des particuliers, soit même dans un dépôt public, le xpanUu),âxtov, se généralisa-t-il si bien que le renvoi devint la règle et qu'on supprima les 'pot dont les mentions parurent insuffisantes 19. Peut-être établit-on, à Athènes, des registres hypothécaires analogues à ceux dont on a cru reconnaître l'existence à Chios, registres qui, à raison de leur fragilité, ont été rapidement détruitst9. Quoi qu'il en soit, les grammairiens du n' siècle de notre ère parlent des 'pot comme d'une institution qui n'est plus en vigueur. « L'ipoç, dit Pollux, était une pierre ou une stèle, indiquant qu'un fonds est engagé à une personne pour sûreté de sa créance 20. » Harpocralion s'exprime de la même manière : « Les Athéniens appelaient 'pot les inscriptions placées sur les maisons et sur les fonds de terre hypothéqués 21. » Presque tous les 'pot hypothécaires connus ont été trouvés sur le territoire de l'Attique. En dehors de l'Attique, on n'a rencontré jusqu'ici d''pot qu'à Amorgos, à Lemnos et à Naxos. Pour Amorgos, on peut faire remarquer d'abord que les trois cités entre lesquelles son territoire était réparti avaient une organisation politique offrant des analogies frappantes avec celle 34 11011 266 11011 d'Athènes'; de plus, Amorgos a fait partie de la première et de la deuxième confédération athénienne2; enfin, au milieu du Ive siècle, Androtion, bien connu en qualité d'homme politique d'Athènes, fut gouverneur d'une des trois cités, Arkésiné3. A Lemnos, des clérouques athéniens, envoyés après la paix d'Antalkidas, avaient importé les institutions politiques, militaires et civiles de leur mère patrie 4. Naxos, comme Amorgos, avait fait partie de la confédération athénienne, et, comme Lemnos, avait reçu une colonie nombreuses. On est donc en droit de dire, avec M. Dareste, que l'institution des spot est bien une institution athénienne'. Le nombre des inscriptions hypothécaires actuellement connues est relativement considérable'; il ne doit pas être inférieur à quatre-vingts, et il va chaque année grandissant. Rien que pour l'Attique, le relevé fait par M. Dareste, en 1885, en comprenait cinquante et une'. En 1891, dans le premier fascicule du Recueil des inscriptions juridiques', on en trouve soixante et une, et, en 1895, la série s'enrichit de sept additions10. Encore faut-il ajouter que l'énumération n'était pas, il y a deux ans, absolument complète fi et que de nouveaux textes ont été publiés depuis 189512. Si l'on ajoute aux monuments de l'Attique les six ou sept monuments provenant d'Amorgos, de Lemnos et de Naxos13, on arrive très près du chiffre que nous avons indiqué. Ces quatre-vingts inscriptions peuvent être réparties, d'une façon assez inégale, en plusieurs groupes. La majorité, une quarantaine, a pour but de révéler l'existence de contrats pignoratifs, sous forme de vente avec faculté de rachat ~T.pC.nç É7tt Mati) ". Une dizaine contient la mention d'hypothèques en faveur de mineurs ( icentt.rai.ciTa)'s. D'autres, une vingtaine environ, sont relatives à des hypothèques établies pour assurer la restitution des dots apportées par des femmes à leurs maris, ou pour garantir aux maris le payement des dots qui leur ont été promises". Le reste constate l'affectation d'immeubles, soit au payement du prix moyennant lequel ils ont été achetés", soit à l'acquittement de prestations imposées à un copartageant 18, soit enfin à la sécurité de simples bailleurs de fonds, ayant stipulé une hypothèqueS9 ou même ayant fait une stipulation d'antichrèse20. L'existence d'un ipoç sur un immeuble, maison ou fonds de terre, n'impliquait pas nécessairement que l'immeuble fût grevé de la charge indiquée par l'inscription21. Les tiers, qui voyaient l'dpoç, s'abstenaient sans doute de contracter tant que l'GDoç subsistait; mais le propriétaire de l'immeuble, intéressé à recouvrer la libre disposition de son immeuble, pouvait faire tomber la présomption résultant de l'dpoç, en démontrant qu'il n'était rien dû à celui qui se prétendait créancier. Dans son deuxième plaidoyer contre Onétor, Démosthène ne nie pas qu'un 8poç ait été placé sur un immeuble par son adversaire; il avoue l'existence de l'inscription. Il ne dit pas non plus que l'opoç fût, entaché de quelque irrégularité. Ce qu'il conteste, c'est l'existence même de la créance, parce que, s'il n'y a pas de créance, il ne peut pas y avoir d'hypothèque qui la garantisse. a Si vous prenez une inscription dotale pour quatre-vingts mines, en résulte-t-il que la dot constituée soit de quatre-vingts mines? La dot s'accroîtra-t-elle parce que l'inscription sera plus forte? Sera-t-elle amoindrie, parce que l'inscription sera moindre ?La justice permet-elle qu'un fonds soit affecté à une personne par cela seul que cette personne aura pris une inscription? C'est à la réalité du droit qu'il faut s'attacher et non pas simplement à l'apparence "Z. » 11 paraît bien, d'un autre côté, que le droit du créancier hypothécaire n'était pas absolument subordonné, quant à ses effets à l'égard des tiers, à l'existence d'un ôpoç sur le fonds hypothéqué. Le voeu du législateur était certainement que le droit réel, opposable aux tiers, fût inscrit sur l'immeuble, que les tiers en fussent bien informés, qu'on pût leur reprocher une imprudence s'ils contractaient sur un bien déjà grevé". Voilà pourquoi, lorsqu'une hypothèque était constituée en faveur d'un mineur, la loi exigeait que des ôoot fussent placés sur l'immeuble soumis à l'â7oT(s.'r . et chargeait l'archonte de veiller à l'accomplissement de cette formalité u. Voilà aussi pourquoi, dans une inscription relative au temple de Myrrhine, les prêtres sont spécialement chargés de publier, au moyen d'ô'pot, les hypothèques stipulées en garantie des prêts faits avec l'argent du trésor du temple, et sont déclarés personnellement responsables du préjudice que causera l'omission de cette publicité25. On attache tant de prix aux dpot que, pour prévenir le danger de la disparition d'une inscription unique, on place plusieurs ôpot sur le même immeuble 26, et même, s'il s'agit d'une maison, on grave l'inscription sur les murs de la maison 27. Mais il ne semble pas que l'absence d'6pot fût une preuve péremptoire de la liberté d'un immeuble. Il est d'abord évident que la suppression par un débiteur des dp ot, que le créancier avait placés sur une maison ou sur un fonds, ne pouvait pas dépouiller le créancier de son droit 28. Dans un procès d'ANTIDOSls, l'un des plaideurs ne se borne pas à constater, en présence de son adversaire et devant des témoins, qu'il n'y a sur le domaine aucune inscription hypothécaire; il met son adversaire en demeure de déclarer s'il ne devrait pas y en avoir, parce qu'il craint que, plus tard, on ne fasse apparaître quelque dette provisoirement occulte". Et, lorsque l'événement prouve combien, malgré les dénégations de l'adversaire, cette crainte était légitime, le plaideur s'efforce d'établir que la dette alléguée n'existe pas réellement; il ne prétend pas que cette dette non révélée par une apposition d dpot ne lui est pas opposable30. L'absence d'opot constitue bien une présomption de liberté du fonds. Cette présomption pourra, dans certains cas, rendre difficile la tâche du créancier qui voudra 11011 267 1I011 démontrer qu'il a sur ce fonds une hypothèque 1. Mais ce n'est qu'une présomption et, si le créancier peut, par d'autres moyens, prouver que l'immeuble est grevé à son profit d'un droit réel, il réussira dans son action. C'est peut-être l'imperfection de ce mode de publicité qui a motivé la disparition graduelle des 4,o! Les énonciations des inscriptions variaient naturellement suivant la nature du droit qu'il s'agissait de porter à la connaissance du public. Mais il y a des traits communs à toutes les inscriptions et l'on distingue à première vue un monument de ce genre de tous les autres monuments juridiques. En premier lieu apparaît le mot'poç et l'indication du bien affecté à la dette : c'est une maison (4o; oix(a;), un fonds de terre ('po; 'toptou), un jardin (45; x-iFou)3, des terrains propres à des constructions ('po; oir.o7.Einv)", une usine (po; ïp yacrrip(ou)3. Les accessoires immobiliers, l'eau qui sert aux besoins de la maison ou â l'irrigation du fonds de terre ('oo; trou ü3uzo; roû 77poaovtio; trois ynpfotç) , les esclaves attachés, comme immeubles par destination, à l'exploitation d'une usine ('po; v3pcerfluv)7, sont également indiqués. Le rédacteur énonce ensuite l'acte juridique en vertu duquel l'immeuble est grevé d'un droit en faveur d'un tiers. Il y a eu stipulation d'une garantie (.770t(p.'U.5t) en faveur d'un orphelin ou d'une femme mariée ; ou bien contrat pignoratif (7ro5'iat; E7ri )est); ou bien simple convention hypothécaire, ou bien constitution d'antichrèse, permettant au créancier cyn'i xai xp✓TSiv, c'est-à-dire de détenir la chose et d'en conserver la possession jusqu'à parfait payement 8. Vient ensuite le nom du créancier; dans le cas d'ârot(tmip.a, le nom de l'orphelin et celui de son père : « Képhisophon, fils de 'Ihémtétos d'Épiképhisia », ou plus souvent, une désignation moins précise : « l'enfant orphelin de Diogiton de Probalinthos 10 ». Lorsqu'il s'agit d'une hypothèque dotale, l'inscription porte le nom de la femme et celui de son père, avec le démotique : «IIippokléia, fille de Démocharès de Leukonoè 11 s . Pour le contrat pignoratif, le nom inscrit est celui de l'acheteur soumis au réméré : « Terrain et maison vendus avec faculté de rachat à Charias de Phalère' 2 ). Pour l'hypothèque conventionnelle, soit au profit d'un vendeur, soit au profit d'un bailleur de fonds, quelquefois l'inscription, au lieu de donner le nom du créancier, renvoie les intéressés au contrat déposé chez telle ou telle personnel3; mais le plus habituellement, le renseignement est directement fourni. Si ce créancier est un EnAivos, on le distingue des autres sociétés du même genre par le nom de son représentant autorisé : « Les éranistes qui sont avec Pantaré tos d'Alopékè 14 ». S'il s'agit d'un temple, les prêtres doivent, sousleur responsabilité personnelle, faire graver sur l''po; le nom du dieu". Lorsque le montant de la créance est déterminé, la somme due est énoncée dans l'inscription. C'est ce qui arrive le plus souvent, quand l'hypothèque a été établie pour assurer qu'un acheteur payera son prix d'acquisition, ou qu'un mari restituera la dot que sa femme lui a apportée. Sur un 'po; de la fin du ive siècle, on lit que les terrains et les maisons affectés à la garantie de la dot de Xéranistè, fille de Pythodoros de Gargettos, ne répondront que de la moitié de la dot et des intérêts de cette moitié, et même que cette affectation, en ce qui concerne les intérêts, sera limitée au temps écoulé entre l'archontat d'Euxénippos (305-304) et celui de Léostratos (303-302)16 Deux énonciations, que notre droit actuel exige impérieusement, le nom du débiteur et l'époque de l'exigibilité, font toujours défaut. Au contraire, la date de l'affectation hypothécaire se rencontre assez souvent. Des 'pot que nous connaissons, quatre portent le nom d'archontes faciles à retrouver sur les tables chronologiques : Praxiboulos (315-314)77, Euxénippos (305-304)18, Léostratos (303-302)13, Nikoklès (302-301) 20; pour Théophrastos 21, on peut hésiter entre 340-339 et 313-312. Le doute est également possible pour Euboulos 22 (345-344 et 276-271?). Pour Kritoboulos23 et Léonteus 2'', il faut certainement descendre au me siècle. Quelquefois les 'pot ont été employés, non pas pour révéler les droits d'hypothèque qui grevaient des immeubles, ruais pour porter à la connaissance du public certaines particularités du fonds sur lequelilsétaientplacés. Un'poç, marquant la limite d'un fonds de terre appartenant à la communauté des Eikades (Eixxlei;), portait l'inscription suivante : ytr; cutu.corti),Asty ci; Toûro ,:'o -Lw ; « Que personne ne contracte, de quelque façon que ce soit, relativement à ce fonds de terre 21 ». On a trouvé à Syros une inscription mentionnant que le fonds sur lequel elle était dressée était un fonds dotal: « Ce terrain fait partie de la dot d'Hégéso, fille de Kléomortos26 » Les Romains ont-ils eu des inscriptions hypothécaires analogues aux 'pot d'Athènes? Depuis le xvie siècle jusqu'au xixe, d'éminents auteurs, suivant l'exemple de Cujas27 et de Duaren, répondent affirmativement à cette question 28. Ils voient un ôpoç dans le libellus amici bonis sus pensus dont parle Sénèque 29, dans la tabula ad januas aedis affixa du jurisconsulte Venuleius 30. Mais les textes que l'on allègue en faveur de cette opinion ne sont rien moins que probants 37. Il n'est pas impossible toutefois que, de même que l'on plaçait des inscriptions sur des fonds grevés d'une servitude non apparente, pour engager les tiers à respecter la servitude 32, de même aussi on ait placé des inscriptions sur des immeubles hypothéqués pour révéler aux intéressés l'existence du droit réel d'hypothèque. Nous avons des inscriptions relatives aux servitudes33 ; nous ne croyons pas qu'on en ait trouvé pour les hypothèques. E. CAILLEMER. 11011 268 I10R