Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article HORREUM

IIORRUUM. `t?peiov, atTo?u) Y.ECOV, â720O471. I. GRENIER RUSTIQUE. Il est assez difficile d'établir une distinction bien marquée entre les mots horreum et granarium, car souvent les auteurs emploient indifféremment ces deux expressions. Le mot horreum semble avoir un sens plus étendu : l'horreum était une construction destinée à recevoir tous les produits de l'agriculture : fourrages, fruits, légumes, graines ; on y ménageait des divisions destinées aux différentes espèces de grains ou de fruits, appelées cellae ou granaria', lesquelles étaient elles-mûmes subdivisées en compartiments appelés lacus 2 ou lacusculi3. Dans les petits greniers, destinés à recevoir des récoltes peu abondantes, les lacus étaient remplacés par des récipients en terre et par des corbeilles d'osier ou de sparterie" [CURERA]. Mais il existait aussi des granaria indépendants de l'horreum et Pline l'Ancien établit entre les deux mots une différence : en effet, dans un même passage, il appelle horreum une construction massive, faite avec des briques épaisses de trois pieds, sans ouverture, et où l'on versait le grain par en haut; il donne au contraire le nom de granarium à des constructions légères, en bois, suspendues sur des poutres et pouvant être ventilées de toute part, même par-dessous 5. La même distinction entre l'horreum, édifice voi té, camara contectum, et le granarium léger et suspendu se retrouve par le rapprochement de trois textes, l'un de Columelle6, les autres de Varron 7 et de Vitruve 2. Ces distinctions, peut-être plus théoriques que pratiques, admises, il faut reconnaître que, non seulement les poètes et les littérateurs, ce qui s'expliquerait, mais même les auteurs spéciaux qui traitent de l'agriculture, semblent employer indistinctement les mots horreum et granarium. Aux granaria sublimia ou sublimata que nous venons de mentionner, on peut oposer l'horreum pensile de Columelle °. Ce dernier auteur" et Varron", parlant des greniers souterrains usités chez certains peuples sous le nom de aotpoi (nos silos), en font mention, l'un à propos de l'horreum, l'autre à propos du granarium. Les auteurs anciens s'étendent sur la manière de construire l'horreum et surtout d'en établir le sol [Voy. GRANAmum]. Les uns voulaient des horrea clos, préservant les récoltes du contact de l'air; d'autres les demandaient aérés : le mur de l'horreum de la villa de Bosco Reale est percé de nombreuses meurtrières pour l'aération 12; tous exigeaient un sol sans humidité et imprégné de substances propres à écarter les animaux nuisibles 13. Vitruve veut que l'horreum soit en dehors de la ferme pour éloigner les causes d'incendie''. Pline mentionne l'usage de suspendre, à l'entrée, une grenouille rubète par une des pattes de derrièrel5 Il y avait des horrea où les denrées étaient conservées dans des jarres enfoncées dans le sol", comme à Ostie [GIIAIVARIUrII, fig. 3648.; cf. DOLIUM, fig. 2491] et à Bosco Reale. On appelait aussi horreum le cellier où l'on conservait le vin17 [CELLA] et, dans les fermes, un local spécial dans lequel étaient enfermés les instruments nécessaises à l'agriculture' 8. ll. GRENIERS DE ROUIE. -1° Greniers publics. Comme conséquence de sa loi sur les distributions de blé au peuple, C. Gracchus fit décréter la construction de greniers publics (an de Rome 631 -123 av. J.-G.)". 11 semble bien, d'après un texte de Pestus 20, que les premiers greniers construits en vertu de cette loi et destinés à recevoir les provisions du blé public, furent nommés horrea Sempronia, du nom du créateur de la loi. Très probablement ces greniers furent élevés dans ce qui fut plus tard la treizième région, près de la porte Trigemina, là où, à une époque beaucoup plus ancienne, existaient déjà le port et des greniers ou édifices relatifs à l'alimentation publique ". C'est là que fut toujours concentré le service de l'ANNONA et ses dépendances. Quand, à la fin de la République et sous l'Empire, ce service prit son plus grand développement, il n'émigra pas dans un autre quartier de Itome. En deçà et au delà de la porta Trigemina, il occupait les régions onzième, douzième et treizième de la ville, dont les deux dernières composèrent plus tard la première région ecclésiastique, qui conserva le nom de Horrea; les catacombes des voies Ostiensis, Ardeatina et du côté droit de la via Appia, qui étaient attribuées à cette région ecclésiastique, ont livré les épitaphes de plusieurs employés de cette administration22. Dans l'espace compris entre Santa Maria in Cosmedin et la place Montanara, étaient des bâtiments de l'annone; les portiques de Minucius, le forum olitorium; de l'autre côté, près de la porte Trigemina, la statio annonae, le porticus fabaria, le vicus frumentarius; plus loin, le porticus Aemilia, resserré entre le Tibre et l'Aventin, aboutissait à l'emporium et à cette plaine qui, s'étendant aux pieds de l'Aventin et du Testaccio, formait, en partie, la treizième région où l'on comptait, au temps de Constantin, outre les horrea Galbana et Aniciana, trente-cinq greniers, le forum pistorium et vingt moulins ou boulangeries 23. Il est facile de se figurer l'animation extraordinaire qui régnait dans ce coin de Rome. C'était un va-et-vient perpétuel de vaisseaux qui débarquaient à l'emporium les marchandises les plus diverses destinées à être entassées dans les greniers centraux et, de là, distribuées dans les greniers et les marchés des quartiers, pour les besoins de l'administration et du commerce : la soie, apportée de Chine, par voie de terre, jusqu'aux ports orientaux de la mer Intérieure; l'écaille, les pierres précieuses, le poivre, le girofle, les épices, l'encens, la myrrhe, les aromates, le corail, provenant de l'Inde et de l'Arabie; l'ambre, des côtes de la Germanie; la pourpre et les éponges, des côtes de l'Océan et des côtes de Syrie ; l'ivoire, des régions situées au sud de l'Éthiopie et jusqu'aux sources du Nil; les cristaux, le papyrus, de l'Égypte; l'or, de la Dacie et de la Dalmatie; le plomb, l'étain, l'argent, le fer, de l'Espagne, de la Bretagne et de la Gaule; les bois pré cieux, de la Mauritanie ; ~ les marbres, de la Nu e u midie; l'huile, de l'Es -â II pagne, de l'Afrique; les ie vins, de la Sicile et de E---1(a ô c IL ej, l'Asie Mineure; le blé, G c 3 vii--â c s non 269 1IOIi de tout l'empire et spér IL I cialement de la Sicile, de l'Égypte et de la NumidieTout un peuple de gardes, d'ouvriers, de matelots, de charretiers, de portefaix, d'employés de tout grade, des négociants qui avaient là leurs dépôts, des re vendeurs qui venaient faire leurs provisions; des pompiers, des spéculateurs et des courtiers de toute catégorie se pressaient au port, à l'emporium et dans les rues sur lesquelles ouvraient, le long des murs des horrea, les auberges, les cabarets et les boutiques qui fournissaient à cette population moitié flottante et moitié sédentaire, la nourriture et les objets de première nécessité. L'horreum le plus grand de Rome et le plus célèbre, sans doute le grenier central de l'Annone, était constitué parl'ensemble des bâtiments connus sous le nom de horrea Sulpicia2, et, plus tard, sous les noms de horrea Galbae', Galbes°, Galbana5 ou Galbiana 6. Ces greniers (fig. 3889)7, furent fondés, sur un terrain appartenant à la gens Sulpicia, par un des membres de cette famille. Ce fait est attesté par la présence, près des greniers, du tombeau de Ser. Sulpicius Galba, consul de l'an de Rome 646 (-108 av. J.-C.); ce tombeau fut religieusement conservé et protégé contre l'envahissement des édifices'. Si c'est à ce consul qu'il faut attribuer la construction de ces greniers, ils seraient à peu près contemporains des horrea Sempronia et auraient été, comme eux, construits à la suite de la loi de C. Gracchus. Quoi qu'il en soit, mentionnés dans une ode adressée par Vorace 9 à Virgile, les horrea Sulpicia existaient avant l'année 19 av. J.-C., date de la mort de Virgile. Ce n'est donc pas, comme le dit le Chronographe de l'an 354410, Galba qui les établit; sans doute il les agrandit seulement et les restaura 11; il est naturel que l'empereur se sgit intéressé à des monuments d'une si grande utilité, fondés par sa famille et portant son nom. Ce n'est pas non plus l'empereur Galba qui, dans la dénomination de ces greniers, remplaça le mot Sulpicia, nom de la gens, par le surnom Galba, appartenant à l'une des familles de la gens : en effet, le nom horrea Galbiana se rencontre dans une inscription que toutes les règles épigraphiques obligent à attribuer à l'époque d'Auguste12. On ignore quand se fit ce change ment. Les greniers de Galba étaient considérables. t iL j Une des façades avait JI j x 1500 mètres de ion 1 j a ; o gueuri3. Au moyen âge y il en subsistait encore des ruines considérables, dont l'ensemble avait une circonférence de trois milles anglais et était percé de trois cent soixante fenêtres, nombre certainement approximatif 14. Spécialement consacrés au ser vice de l'Annone, ils renfermaient surtout, d'après le témoignage d'un auteur qui vivait à la fin du n° siècle, le vin, l'huile et autres produits analogues". Le vin et l'huile, en effet, sous l'empire, contribuaient, pour une large part, aux libéralités ordinaires et extraordinaires faites au peuple. Nous avons vu plus haut que les horrea Aniciana étaient, avec ceux de Galba, dans la treizième région" Il y faut ajouter les horrea Seiani ", dont nous connaissons un fermier ou conductor 1A. On s'accorde générale ment à placer aussi dans la treizième région les horrea Lolliana19 que nous connaissons par le plan antique de Rome20 (fig. 3890) et par les épitaphes d'un villicus1t et d'un horrearius 22. M. Jordan 23 pense que les horrea Lolliana étaient situés sur le bord du Tibre. On voit 11011 270 IlOR en effet, le long de la façade, une longue terrasse à laquelle fait suite une partie non gravée qui, sur le plan antique de Rome, représente d'habitude le Tibre. Deux escaliers, où accostaient les bateaux chargés de marchandises, mettaient le grenier en communication avec le fleuve. Nous savons que des escaliers semblables donnaient accès du Tibre au quai de l'emporium 1. Parmi les greniers de Rome, on connaît les noms des horrea Caesaris 2 et d'autres greniers portant les noms d'empereurs ou de membres de la famille impériale : horrea Vespasiani construits ou achevés par Domitien 3, horrea 11'ervae4, Germaniciana, dans la VIIIe région (région du Forum)5, Agrippiana, dans la même région6, Agrippiniana7. Certains horrea, qui portaient des noms de particuliers, entrèrent, à des époques que nous ignorons, dans le domaine impérial. Ainsi, nous voyons des esclaves impériaux attachés aux horrea Lolliana 8 et Petroniana 9. Quant aux horrea Seiana, dont nous avons déjà parlé, ils furent sans doute confisqués par Tibère avec les biens de Séjan, en l'an 31. Les horrea Postumianai0, construits peut-être hors des murslt, étaient également impériaux. Il est difficile de déterminer si les horrea Volusiana étaient publics ou privés 12; il en est de même pour les horrea Leoniana 13. D'autres greniers étaient dénommés d'après les marchandises qu'ils renfermaient : horrea chartaria, situés dans la quatrième région 14 où l'on faisait des provisions de papier fabriqué en Égypte 15 pour éviter le renouvellement de la disette de papier qui troubla Rome sous le règne de Tibère"; horrea candelaria dont le nom indique suffisamment la destination 17; horrea piperataria, construits par Domitien à l'endroit où fut plus tard la basilique de Constantini8: on y déposait les épices et les produits d'Egypte et d'Arabie13; ils furent détruits par l'incendie qui, sous le règne de Commode, dévasta cette partie de Rome et le temple de Vesta 20. Les greniers que nous venons d'énumérer, s'ils étaient consacrés au service de l'Annone, étaient, à l'époque du code Théodosien, désignés par le nom de horrea fiscalia" ; construits et sans cesse remplis in securitatem perpetuam rei annonariae2a, ils ne devaient recevoir que les blés de l'Annone, à l'exclusion de ce qui appartenait aux particuliers 23. On donnait le nom général d'horrea penuaria24 aux greniers publics ou privés dans lesquels on recueillait les objets et les denrées nécessaires à l'entretien des personnes et des animaux à leur service25 Il existait à Rome une autre sorte de greniers publics. L'empereur Sévère Alexandre créa dans toutes les régions de la ville des greniers où les habitants pouvaient déposer les biens qu'ils n'avaient pas les moyens de faire garder chez eux avec assez de sécurité26; il existait même des greniers de ce genre hors de la ville 27. Ils recevaient en dépôt l'argenterie23 et les objets les plus précieux29; les négociants pouvaient y mettre en sûreté leurs marchandises30; on y consignait les sommes et les objets en litige ou déposés en gage31. Cette institution de Sévère Alexandre fut plutôt le développement et l'extension d'un ancien usage qu'une création nouvelle. Depuis longtemps déjà les greniers publics acceptaient les dépôts des particuliers; les horrea fiscalia eux-mêmes, quoique protégés par la loi, n'échappaient pas toujours à l'envahissement32. Un certain nombre de textes juridiques réglementent cette institution et cherchent à prévenir les procès ou difficultés qui pouvaient en résulter33. Ils établissent aussi quelle est, en cas de vol et hors les cas de force majeure, la responsabilité de l'horrearius et du custos 3''. C'est presque toujours le custos qui est puni", et, quoique appartenant à l'empereur, il peut être soumis à la torture35 Comme de nos jours dans les sociétés financières, on pouvait louer dans les horrea de Rome, une pièce entière (cella), une armoire (armarium) ou un simple compartiment (arca, accula, locus, loculus)37. Un fragment d'une Lex horreorum, trouvé à Rome il y a quelques années 38, a été savamment commenté par 11 I. Gatti39, qui l'attribue au règne d'Iladrien; il nous apprend dans quelles conditions se faisaient ces locations pour une année. Toutefois, j'ai peine à admettre que cette lex horreorum provienne, comme le pense M. Gatti, des horrea de Galba; ces greniers, en effet, étaient des greniers du fisc, où, comme le prouvent les textes juridiques cités plus haut, les particuliers n'étaient pas admis, sauf abus, à louer des locaux. Les terres rapportées, au rnilieu desquelles a été trouvée l'inscription, en laissent la provenance incertaine. Les horrea de Sévère Alexandre et les analogues étaient administrés par un horrearius et par des custodes, employés d'un ordre inférieur, de condition servile". Ces greniers étaient de simples dépôts ou gardemeubles. Ils diffèrent donc essentiellement d'autres greniers que les grands négociants pouvaient louer à l'État pour en faire des entrepôts de marchandises ", et aussi des greniers publics, non fiscaux, que des particuliers affermaient en toutou en partie afin de les exploiter comme conductores et sous le contrôle officiel ; tels semblent avoir été les horrea Seiani 42. Quant aux greniers de l'Annone, ils subirent les vicissitudes de l'importante institution dont ils dépendaient. Pendant la République, ils furent sous l'autorité des édiles et, plus tard, sous celle des aediles plebis cereales créés par César; ils passèrent ensuite sous la direction du praefectus Annonae institué par Auguste; enfin ils entrèrent, avec le praefectus Annonae lui-même, dans HOR 279 110R l'administration du praefectus Urbi; ils y restèrent jusqu'à la fin. Un rescrit de l'an 364 recommande au praefectus Urbi la bonne administration des horrea, car c'est lui qui en a la responsabilité; aussitôt arrivé dans une ville ou dans une mansio, il doit visiter les horrea; il est responsable des dégâts et des blés avariés par suite du mauvais état des toitures; à lui aussi appartient de prévenir et de réprimer les abus'. A l'époque de laNotitia, le curator horreorum Galbanorum est encore sub dispositione praefecti urbis Romae 2. Si nous nous occupons de l'administration intérieure des greniers de l'Annone, il est très difficile d'établir une hiérarchie entre les employés qui nous sont connus par divers documents. Après le curator mentionné par la Notifia, nous voyons de nombreux horrear'ii, esclaves impériaux' ; des villici ex horreis"; des custodes 5 et des mensores dont le rôle était de mesurer et d'estimer les quantités qui entraient ou sortaient' ; des actores7 et des dispensa tores a frumento 8 qui surveillaient ces entrées et ces sorties. En rapport perpétuel avec cette administration était la corporation de mariniers qui apportaient les blés et les denrées à l'emporium 9; les saccarii ou portefaix, qui déchargeaient les vaisseaux"; les catabolenses 1' qui transportaient les marchandises du port aux greniers; des ouvriers de tous métiers, nécessaires pour l'entretien de ces vastes bâtiments ° , Enfin, de leur station située sur l'Aventin, non loin du lieu où est aujourd'hui San Saba, la quatrième cohorte des Vigiles surveillait les greniers ". Tous ces employés se réunissaient en collèges ou corporations 1". Le personnel des greniers de Galba était, d'après les inscriptions, réparti en trois cohortes 15. Henzen" a vu, dans ces cohortes, trois cohortes urbaines qui auraient eu leurs quartiers dans la treizième région. Cette opinion ne me paraît pas admissible, ces inscriptions s'écartant complètement, par leur rédaction, des textes où sont mentionnés des corps de troupe. Je préfère croire à une organisation militaire de ces employés, dont le service et la régularité étaient une condition essentielle de la vie de Rome17; et cela peut se concilier avec l'opinion ingénieuse de M. Gatti" : après avoir rappelé que les mots cohors, chocs et cors signifient la cour entourée de bâtiments ou de murs, dans une villaf9, il fait remarquer que les bâtiments des greniers de Galba se développent autour de trois grandes cours rectangulaires 20 (fig. 3889); ce sont, suivant M. Gatti, ces trois cours qui sont appelées cohors prima, secunda, tertia. De telle sorte qu'un horrearius cohortis primae est un horrearius attaché aux greniers de la première cour. Cette division était utile non seulement pour la répartition d'un personnel nombreux, mais aussi comme première indication à donner à ceux qui, pour leurs affaires, devaient aller dans l'une ou l'autre partie de cet immense édifice. Je crois en même temps qu'il cette division topographique correspondait une organisation quasi militaire des employés. On voit que les horrea de Galba, dont nous avons donné le plan d'après Lanciani 21 (fig. 3891) se composaient de vastes bâtiments avec portiques, disposés autour de grandes cours rectangulaires. Les bâtiments eux-mêmes consistaient en un long mur central auquel s'appuyaient, à droite et à gauche, d'autres murs perpendiculaires formant des compartiments ou cellae séparés. Nous donnons, d'après Raphaël Fabretti 22, la coupe d'une des cellae des horrea Galbana ou d'un grenier voisin, faite au xvlle siècle, par le savant archéologue, à l'époque où l'état des ruines permettait une semblable restauration (fig. 3893). La ligne 1-1, marque la hauteur du sol moderne ; les chiffres 2, 2 indiquent les portes, encore bien reconnaissables, qui faisaient communiquer la cella avec les cellae de droite et de gauche. Les quatre fenêtres qui garnissent le mur du fond étaient munies de barreaux dont Fabretti a vu les trous de scellement; elles ouvraient vers le Testaccio. Les cellae ou magasins communiquaient entre eux (voy. fig. 3893 et 3896) et ouvraient, à l'intérieur, sur les portiques. Il y avait généralement deux étages; le rez-de-chaussée était affecté aux marchandises pesantes et communes, les étages supérieurs aux objets plus précieux et aux bureaux de l'administration23. Les horrea Lolliana qui figurent sur le plan antique de Rome 2" (fig. 3892) ont la même disposition que ceux de Galba; il en est de même pour les horrea incomplètement déblayés d'Ostie et pour des horrea représentés sur une peinture antique aujourd'hui disparue, mais que nous a conservée un dessin de Bellori2S, où une des façades porte le mot horrea, qui détermine la nature du monument; si la distribution intérieure ne peut être constatée, on voit tout au moins les cours rectangulaires entourées de portiques (fig. 3894). Les horrea étaient de vastes et solides constructions; 11011 ii fallait des murs d'une grande solidité pour supporter le poids du grain que l'on recommandait de placer aux étages supérieurs'. Tant de richesses accumulées ten taient les voleurs; il fallait des portes résistantes et bien fermées; les vols avec effraction y étaient cependant fréquents 2. On devait redouter encore, aux jours de disette, les assauts de la populace affamée Aussi, pendant l'incendie de Rome, Néron fut obligé d'employer des machines de guerre pour renverser des horrea en pierres de taille dont il voulait affecter l'emplacement à sa Maison Dorée 4 Nous avons parlé plus haut des Hastes dimensions des greniers de Galba; Spartien nous donne une haute idée de l'immensité des greniers de Rome : Septime Sévère, si l'on en croit cet auteur 6, aurait, en mourant, laissé, dans ces greniers, assez de blé pour qu'on puisse, en cas de disette, en distribuer pendant sept ans soixante-quinze mille modii par jour, et assez d'huile pour subvenir, pendant cinq ans, aux besoins, non seulement de Rome, mais de toute l'Italie. Un rescrit de l'an 329° défend, à cause des dangers d'incendie, de construire auprès des horrea à moins de cent pieds de distance, et ordonne de confisquer au profit du fisc et de détruire les constructions qui ne seraient pas dans ces conditions. Les horrea avaient quelquefois, ouvrant sur la rue, des boutiques louées à des marchands 7. A ces industriels sans doute appartenaient Nais, piscatrix de horreis Galbac 8, M. Livius Ilermeros, vesliarius de horreis Agrippianis et d'autres 9. 2e Greniers privés. A cette catégorie appartiennent les horrea de Q. Tineus Sacerdos, qualifiés privata dans une inscription]°. On sait, par les épitaphes de leurs esclaves horrearii, que les Statilii", les Volusii12, Furius Camillus f3, etc., avaient des greniers privés. Ces horrea ne doivent pas être confondus avec les horrea rustiques dont nous avons parlé au commencement de cet article. Ils n'avaient non plus rien de commun avec nos gre niers modernes, qui sont des lieux de débarras. C'étaient des dépôts de livres 14, de tableaux, de statues et d'oeuvres d'art i5. Ils devaient correspondre à ce que nous appelons aujourd'hui des galeries. Tullus, ayant acheté un jardin, put, le jour même, le garnir d'un grand nombre de statues belles et antiques tirées de son horreurntG Psyché, visitant le palais enchanté où l'a transportée Cupidon, reste saisie d'admiration devant la splendeur des trésors entassés dans l'horreum ". Apulée parle d'un riche citoyen de Platée, Démocharès, qui avait, dans son horreum, une grande quantité d'argent 18. Ces quelques exemples suffisent pour indiquer ce qu'étaient ces horrea privés. Les esclaves qui en avaient la garde s'appelaient horrearii19 et custodes". Nous avons peu de témoignages directs sur les greniers de Pouzzole. Nous savons cependant qu'il en existait dès le temps de la République2t. Les vaisseaux de l'Annone y déchargeaient leur cargaison non moins qu'à Ostie, qui, jusqu'à Claude, n'eut pas de port, mais sans doute un simple quai. Même quand Rome eut son port près d'Ostie ; les greniers de Pouzzole continuèrent à recevoir les produits de 1'Annone pour les expédier ensuite aux greniers d'Ostie et, quelquefois même, par la voie Appienne, aux greniers de Rome, comme semblent le prouver les stations de frumentarii échelonnées entre Pouzzole et Rome". Dès que, de Pouzzole, on apercevait au large les vaisseaux apportant le blé d'Alexandrie, reconnaissables à la forme particulière de leurs voiles, toute la population de la ville se pressait sur les jetées23. Une inscription de Rusicade24 montre les rapports existant entre Pouzzole et cette ville où 1'Annone avait des greniers considérables". II devait y avoir une fusion, ou tout au moins de fréquents points de contact, entre les administrations des greniers de Pouzzole et d'Ostie; aussi n'est-il pas surprenant de voir un employé des horrea, un dispensator a frumento, attaché à la fois à Pouzzole et à Ostie2°. A Pouzzole comme à Ostie, Claude avait envoyé des vigiles pour protéger les greniers contre les incendies". Ostie n'eut pas de port pendant tout le temps de la République. Il y existait cependant déjà des greniers où, pendant l'hiver, les vaisseaux ne pouvaient pas, sans grand danger, apporter leur chargement 28. Claude, après avoir cherché à améliorer cette situation29, reprit le projet autrefois conçu par César30 qui, à cause de la difficulté, y avait renoncé31, et construisit, près d'Ostie, un port digne de la grandeur romaine 32. Ce port n'était pas assez sûr", Trajan en creusa un autre beaucoup plus grand et plus abrité 3', à côté du premier. Nous en donnons le plan33 (fig. 3895). 11 est entouré de greniers qui n'abolirent pas ceux d'Ostie : un premier groupe se trouvait dans la partie inférieure du plan, le long de la Fessa 7rajana, qui mettait le port en communication avec la mer; un second groupe s'élevait en avant du port, à V. 35 273 11011 H0R 274 -HOR gauche; les autres greniers étaient à droite du chenal, en y entrant, puis, à l'intérieur, occupaient les cinq côtés du port'. Ces greniers, dont la disposition intérieure est la même que celle deshorrea de Rome (fig. 3891, 3892) ,étaient de très grandes dimensions ; quelques-uns ont 360 mètres de longueur2. Des numéros gravés de distance en distance sur les colonnes aidaient à se reconnaître dans cette immense aglomération de monuments et à désigner les différents greniers3. Les vaisseaux de mer arrivaient dans le port, déchargeaient leur cargaison qui prenait place dans les greniers du port ou d'Ostie; de là, des chalands de -cabotage qui, souvent tirés par des boeufs, les portaient par le Tibre jusqu'aux greniers de l'emporium de Rome Un bas-relief du musée Torlonia, trouvé à Ostie, représente le port où viennent d'aborder deux vaisseaux; l'un s'est déjà mis en communication avec le quai à l'aide d'une passerelle, par laquelle un saccarius transporte les amphores du vaisseau aux greniers'. II y avait au port des greniers spéciaux pour le blé, le vin, l'huile et le marbre6; une inscription mentionne des greniers à huile qui portaient, comme les greniers de Rome, le nom de l'empereur Galba'. Un fragment d'inscription, très mutilé, trouvé au port, conserve le souvenir de ces immenses greniers 8. Au xve siècle, il en restait des débris considérables 9. La haute administration des greniers d'Ostie et du port appartenait à des questeurs spéciaux pendant la République et au commencement de l'Empire 10. Claude leur substitua des procuratores annonae, en demeure à Ostie", qui disparurent au nie siècle. Au ive siècle, le prae feclus annonae réside à Ostie 12. Le Code Théodosien donne aux greniers d'Ostie et du port le nom général de horrea Portuensia 13, horrea portusf4, et réglemente la situation des fonctionnaires qui les administrent. Des patroni sont préposés à l'administration des greniers ; ils surveillent les denrées, condita, et doivent se rendre compte de leur sortie ; nommés pour un an, ils ne peuvent être prorogés pour une nouvelle année qu'après avoir rendu compte de leur gestion pendant l'année écoulée et en avoir reçu l'approbation '5. Les caudicarii' 6 transportaient à Rome, sur des bateaux, les denrées sortant des greniers et les mensoresformaient des corporations dont les chefs ou patroni élisaient, tous les cinq ans, un d'entre eux avec charge de veiller, pendant le lustre, à ce qu'aucune fraude ne fât commise par les membres de ces corporations dans l'exercice de leurs fonctions 17. Il y avait, comme à Rome, toute une population de portefaix et d'ouvriers de différents métiers 18. Claude avait envoyé à Ostie un détache ment de vigiles 19 dont on a retrouvé la caserne 20 Des agents spéciaux, dont le nom varia suivant les époques, avec l'aide des magistrats municipaux et sous l'autorité des gouverneurs, étaient chargés, dans les provinces, de faire rentrer les impôts en nature 21 ou de faire des achats 22. Nous n'avons pas à en parler ici percevoir devaient être portées par les contribuables eux-mêmes dans les greniers locaux les plus rapprochés de leur résidence 23. Ce transport fut souvent l'occasion, pour les magistrats, de gains illicites qu'on essaya bien des fois de réprimer, mais qui reparaissaient sans cesse 24 Grâce à des documents 26 qu'on ne possède pas pour les autres provinces, on sait qu'en Égypte les centres ruraux étaient fournis de greniers qui, non seulement recevaient le tribut destiné à l'annone, mais encore aidaient le paysan dans l'embarras 20. D'ailleurs les greniers publics et municipaux vendaient aux particuliers du blé à un juste prix et les aidaient en temps de disette''. De ces greniers locaux, les denrées étaient transportées à d'autres greniers, situés sur le bord des routes aux mansiones et mutationes20, et dirigés par des praeposili horreorum Z9. On était tenu d'y avoir les poids et les mesures nécessaires pour contrôler les quantités appor-, tées et protéger contre les fraudes les contribuables non moins que le fisc 30. Le contenu des horrea des mansiones était ensuite expédié soit aux greniers du chef-lieu, s'il était réservé au gouverneur et à sa cohorte, soit aux ports d'embarquement si, destiné à l'alimentation de Rome, il devait être recueilli dans les greniers de Pouzzole et d'Ostie. Ces prestations en nature ne comprenaient pas seulement le blé, mais encore, dans certaines pro vinces, l'huile 31 et le vin 32 [ARCA OLEARIA, ARCA VINAIIA]. La Sicile, l'Afrique et l'Égypte, qui, outre l'entretien du gouverneur, devaient spécialement contribuer à l'alimentation de Rome, sont aussi les pays où il devait exister le plus grand nombre de greniers. On en connaît en Sicile 33; en Afrique étaient les horrea Aninicensia 34, mais c'est surtout sur la côte, dans les grands ports, qu'on concentrait, pour les expédier à Rome, toutes les ressources de l'Annone. Dans les greniers d'Ergla, horrea Coelia, on entassait les produits de la Tunisie centrale et méridionale 3J; à Carthage les récoltes de la province d'Afrique 36, à Rusicade(Philippeville), dans des greniers immensés construits ad securitatem populi Romani" , les riches récoltes de la Numidie ; à Mulusbium (Nulusbion horrea) les produits de la Mauritanie 36, à Alexandrie ceux de l'Égypte 39. 11011 -275 HOI1 On connaît aussi l'existence de greniers en Bretagne 1, en Narbonnaise 2, en Pannonie 3, en Lycie 4. Dans cette dernière province, on a retrouvé deux de ces greniers. Nous donnons (fig. 3896) le plan de l'un de ces der niers5; au-dessus de la porte, surmontée des bustes d'Hadrien et de Sabine, on lit une inscription commençantparlesmots horrea Imp. Caesaris Traiani Hadriani. Ces exemples suffisent pour établir l'existence de greniers analogues dans les autres provinces. On voit, d'après le plan, que le grenier de Lycie était composé de huit cellae, ayant chacune une porte et communiquant entre elles par une petite porte placée près de l'entrée ; c'est la mème disposition que celle des cellae des greniers de Rome (fig. 3893). A droite et à gauche sont deux pièces probablement réservées au gardien. Les gouverneurs des provinces venaient au secours de l'Annone en envoyant à Rome le surplus de leurs greniers,'. Ilorrea militaires. -Sous la République, les troupes tiraient le blé du pays ennemi, par réquisition. A partir d'Auguste, le blé et, plus tard, d'une façon qui alla toujours en se développant, les autres denrées nécessaires à l'entretien du soldat, comme le pain, le vin, l'huile, le vinaigre, le sel, la viande, le lard, le fourrage, le bois et aussi l'équipement, lui furent délivrés gratuitement recueillies dans des horrea établis pour la subsistance des armées'. Ces horrea se remplissaient, comme ceux de l'Annone, par des réquisitions faites sous l'autorité du gouverneur et que les contribuables devaient porter aux horrea les plus proches 8, et aussi par des achats quand l'Annone était insuffisante ou quand la prudence commandait des approvisionnements plus considérables'. Les auteurs font plus d'une fois mention de ces horrea 1° et le Code Théodosien nous renseigne sur leur législation". Tous n'étaient pas construits à proximité du camp ; quelquefois ils étaient établis aux mansiones 12. Le soin de pourvoir les greniers appartenant proprement à l'armée fut sans doute confié d'abord aux frumentarii, corps spécial, dont le dépôt central était à Rome, et qui formait le service de l'intendance f3. Au temps du Code Théodosien ce service et le soin de transférer les denrées des greniers éloignés aux greniers situés à proximité des camps et des frontières était dévolu aux primipilares 14, agents civils, dépendants du gouverneur. On connaît l'emplacement d'un très petit nombre de greniers militaires. M. Cagnat attribue cette qualité à des greniers situés près de Sétif, et connus par des inscriptionsi5, et aux greniers de Tapusuctu en Mauritanie 16, Les horrea des camps devaient être sous l'administration du praefectus legionis 17 et des tribuns qui avaient pour charge de veiller aux frumentationes des soldats, d'approuver le blé, de réprimer les fraudes des mensores 16. Un librarius, soldat dispensé des corvées et des exercices, était attaché à l'horreum du camp '9. Les vivres ne sortaient pas de l'horreum militaire sans certaines formalités : l'actuarius, comptable du corps, remettait des bons, pittacia2°, approuvés et visés par le subscribendarius 21, aux officiers. Ceux-ci déléguaient un optio, à qui le susceptor, sur la vue du pitiacium, délivrait les denrées commandées22.Tous ces renseignements, fournis par le Code Théodosien, appartiennent à une basse époque ; mais il est probable que, dans les grandes lignes, ces usages remontent à des temps beaucoup plus anciens. V. IIORREA DE CONSTANTINOPLE. On établit à Constan tinople, comme à Rome, une administration des subsistances chargée de faire vivre les habitants de la nouvelle capitale aux dépens des provinces et particulièrement de l'Égypte 23, l'Afrique restant chargée de l'alimentation de Rome. Aussi Constantinople avait à Alexandrie son praefectus annonae t4,tandis que Rome avait le sien à Carthage. Il ne paraît pas qu'il y ait eu, à Constantinople, de praefectus annonae; l'administration de l'annone et des greniers semble avoir appartenu au préfet de la ville ou du prétoire25. Une constitution de 1457-4465 fait mention d'un cornes horreorum 26 qui subsiste encore plusieurs siècles après27. On connaît à Constantinople des horrea Alexandrina 23, Constanliaca29, Valentiniana 30, 7'heodo siana31. Le blé déposé dans ces greniers était consigné aux mancipes ou agents des boulangeries publiques pour être transformé en pain qu'on distribuait au peuple 32.