Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article HORTULANUS

IIORTULANUS. Ki Etiq, x7)7CouEdg. Jardinier. Le mot latin n'apparaît pas avant le 31e siècle de notre ère' ; à l'origine il ne devait pas y avoir de terme spécial pour désigner le jardinier, parce que le jardin d'agrémen était inconnu; le soin du verger et du potager rentrait dans les attributions du villtcus'-; même sous l'Empire on appelait encore quelquefois villicus hortorum ou supra hostos l'esclave chargé de l'entretien du jardin 3. Cepen 11011 276 HOR dant lorsque la grande propriété eut pris plus d'extension en Italie, on divisa entre plusieurs serviteurs différents le travail qui, jusque-là, avait été fait par un seul; l'otitor cultiva le potager', l'arborator le verger', le vinitor les vignes 3, et l'entretien du jardin d'agrément devint la fonction propre du topiarius4. Ce qui lui appartenait surtout, c'était l'art de tailler les arbustes en forme de figures géométriques ou d'êtres animés 5 ; quand la mode s'en fut introduite, le mot topiarius fut employé de préférence à tout autre pour désigner le jardinier. On comptait les topiarii parmi les esclaves de l'ordre le plus relevé'. Quelquefois le service de l'arrosage devait être fait par un esclave particulier, l'AQUARIHS (vôpayaiT6ç) 7. On peut voir à l'article RORTUS comment était composé le personnel employé à l'entretien des parcs impériaux. Les horti Antoniani, à Rome, étaient placés sous la direction d'un villicus, secondé par un subvillicus, qui avait lui-même un adjoint, vicarius s. culture des jardins a été quelquefois traitée par les écrivains anciens comme une partie des Georgica' ; cependant il faut supposer que les Grecs, à l'époque alexandrine 2, composèrent sur ce sujet des études distinctes, intitulées K'r rouptxâ, car dès le temps d'Auguste nous voyons paraître à Rome des Cepurica; un de ces ouvrages était dei à Valerius Messalla Potitus, peut-être un frère de l'orateur, un antre à Sabinius Tiro, qui l'avait dédié à Mécène'. On sait comment Virgile, suivant l'exemple de Caton et de Varron, a écarté de ses Géorgiques les préceptes relatifs à la culture des jardins 4. Sous Néron, Columelle s'empara du sujet et le traita en vers dans le X° livre de son ouvrage sur l'agriculture. Pline l'Ancien cite parmi les sources de son livre XIX plusieurs auteurs latins qui s'étaient distingués dans le même genre; ils nous sont du reste absolument inconnus; il est peu vraisemblable qu'ils soient plus anciens que Virgile, ce sont Caesennius, Castricius, Firmus et Sergius Paullus'. souvent rattachée à l'agriculture dans les écrits des anciens, c'est qu'à l'origine le jardin d'agrément était inconnu; les riches eux-mêmes ne cultivaient autour de leur demeure qu'un verger et un potager. Homère, en décrivant le jardin d'Alcinoüs, a tracé une peinture qui peut être considérée comme le type idéalisé de ces plantations rustiques, chères aux Grecs des premiers temps'. Nous voyons là un vaste espace rempli de plantes ali gnées (ôozaroç) 7 et entouré d'une barrière (s°oxoç); il est divisé en trois parties : 1° un verger où l'on récolte des poires, des grenades, des pommes, des figues et des olives; 2° un vignoble (.) w ss) ; 3° enfin, à l'extrémité, des planches de légumes (apactat). Deux fontaines coulent à l'intérieur de l'enclos, l'une destinée à l'arrosage, l'autre répandant ses eaux en sens contraire, du côté de la maison. Le jardin de Laerte est moins grand et moins riche' ; mais on y retrouve la même disposition ; il est situé au-dessous de la ville d'Ithaque, dans la plaine; une clôture, composée de branches d'épines, enferme des plantations de rapport, auxquelles le maître luimême donne ses soins avec l'aide de ses esclaves. Au contraire, le bocage qui s'étend près de la grotte de Calypso° est uniquement un lieu de plaisance; nous y voyons des aunes, des peupliers et des cyprès, et plus loin une prairie où fleurissent l'ache et la violette ; quatre fontaines, rapprochées les unes des autres, versent leurs eaux dans différentes directions. Ce n'est plus 1à le verger du paysan ou du propriétaire cultivateur; c'est qu'IIomère, cette fois, a pris modèle, non plus sur les domaines des particuliers, mais sur les enclos sacrés qui avoisinaient les temples des dieux [Lucas]. Une conception semblable a inspiré la légende du jardin des Hespérides; les anciens se le représentaient comme une sorte de paradis, situé du côté de l'Ouest, aux extrémités du monde ; là les arbres portaient des pommes d'or confiées à la garde des Hespérides, filles de la Nuit10. Ces aimables chimères, où les Grecs ont probablement mêlé des souvenirs de lointains voyages, ne peuvent naturellement rien nous apprendre sur l'état de la propriété privée dans leur pays. Le vrai jardin du temps d'Homère, c'est le verger de Laerte, ou même, si l'on retranche de la description l'élément merveilleux, le verger d'Alcinoiis0t Peu à peu la civilisation développa chez les Grecs le goût du luxe et le désir de chercher dans le séjour de la campagne une trêve aux agitations de la ville; leurs jardins durent alors prendre un autre aspect. Il est probable aussi que l'exemple de l'Orient fut bien pour quelque chose dans ce changement. Les monuments de l'Égypte nous montrent que depuis longtemps déjà les grands personnages de ce pays possédaient de véritables parcs, où ils allaient chercher la fraîcheur à l'ombre des palmiers et des sycomores, sur le bord des pièces d'eau couvertes de fleurs aquatiques'?. Les jar ROR 277 IIOR dins suspendus de Babylone, dont on attribuait la création à Sémiramis ou à Cyrus, sont restés célèbres dans toute l'antiquité; ils avaient été plantés sur des terrasses en étages, supportées par des voûtes et des piliers 1. Les auteurs grecs ont beaucoup vanté aussi les paradis (aapIôElcot) des rois et des grands seigneurs de la Perse; lorsque Lysandre vint en ambassade à Sardes auprès de Cyrus le Jeune (407 av. J.-C.), ce souverain lui fit visiter son parc : « Lysandre s'extasia devant la beauté des arbres, la symétrie des plants, l'alignement des allées, la précision des rectangles, la variété et la suavité des parfums qui faisaient cortège aux promeneurs. » Mais son étonnement redoubla quand il apprit que c'était le roi lui-même qui avait tout dessiné, tout ordonné et que certains arbres avaient été plantés de sa main '; à cette époque la péninsule hellénique ne possédait rien d'aussi beau. Cependant c'est au ve siècle que l'on voit, la culture des fleurs s'y faire une place importante à côté de la culture des fruits et des légumes; en 479, il y avait déjà en Macédoine, au pied du mont Bermios, des jardins «où croissaient des roses à soixante pétales, dont l'odeur était plus suave que celle de toutes les autres espèces ». Une légende, qui cache un fond de vérité, en attribuait l'origine au roi Midas; il est fort probable en effet que ces champs de roses de Midas (Midaeroseta) devaient leur prospérité à des plants venus d'Asie 8. L'antiquité homérique semble avoir ignoré l'usage des couronnes [coxoNAE]; en se répandant par la suite il devint la source d'un commerce dont l'importance ne fit que grandir de jour en jour; il arriva un moment où la culture des fleurs devint, elle aussi, une culture de rapport; de là notamment les roseta (oBwvlat), où s'approvisionnaient les marchands de la ville. En même temps s'augmentait le nombre des propriétés d'agrément; c'était un des biens dont les riches Athéniens tiraient le plus de vanité. Cimon transforma l'Académie, emplacement sec et aride, en un bois arrosé de fontaines, avec de grands espaces pour la course et des allées ombragées de peupliers, d'ormeaux et de platanes, qui atteignirent plus tard d'énormes dimensions; ce fut le premier parc public des Athéniens'. Platon possédait dans ce quartier un jardin qui devint le siège de son école; on y voyait un sanctuaire élevé par lui en l'honneur des Muses°, L'orateur Lycurgue entoura de plantations le gymnase du Lycée7 ; après la mort d'Aristote, Théophraste, aidé par Démétrius de Phalères, acheta près de là un jardin, où on construisit par son ordre une maison, un Musée, un portique et diverses dépendances, le tout décoré d'eeuvres d'art; c'était là qu'il enseignait, en parcourant avec ses disciples la prome nade (7rEp(Tx-.oç), d'où leur est venu le nom de péripaté ticiens°. S'il fallait en croire la tradition, le premier jardin privé que l'on vit dans l'enceinte d'Athènes ailrait été celui d'Épicure 8; il se trouvait sur la route de l'Académie, mais en deçà du Dipylon; Épicure aurait ainsi donné l'exemple funeste d'un relâchement dans les moeurs; la vérité, c'est qu'on avait été conduit à cette innovation par ce penchant naturel qui a toujours porté les peuples à embellir leurs cités, lorsque le souci de l'hygiène et du bien-être augmente avec la fortune publique; c'est sans doute dans les premières années du Ive siècle que les particuliers se mirent à dégager les alentours de leurs demeures pour y faire des plantations 10. Plus tard, outre les jardins d'Épicure devenus fameux 11, il yen eut un grand nombre dans la ville 12 ou dans ses faubourgs 13 ; mais aucun ne pouvait le disputer à ceux des philosophes aux yeux des étrangers14. On cite encore d'autres parties de la Grèce où l'horticulture prit un grand développement : Thèbes en Béotie, Phères en Thessalie, Cléones et Sicyone dans l'Argolide 13 Quelques villes comme Antioche, Alexandrie, Cnide, Syracuse avaient des jardins publics ou privés qui contribuaient beaucoup à leur beauté11 L'horticulture chez les Romains passa exactement par les mêmes phases, quoique à des époques différentes. A l'origine ils n'avaient même pas de mot dans leur langue pour désigner le jardin d'agrément : hortus n'est qu'une forme latinisée du grec zdpzoç, et il désigna d'abord un enclos, une propriété rustique de faible étendue, affectée à peu près exclusivement à une culture de rapport; c'était, dit Pline l'Ancien, le champ du pauvre; dans la loi des Douze Tables le mot n'avait point encore d'autre sens 17. Dans les premiers temps les horti fournissaient au menu peuple le plus clair de sa subsistance et ils étaient si modestes que le soin de les entretenir était confié à la mère de famille i8. Tarquin le Superbe se promenait dans un de ces rustiques enclos lorsque, en présence du messager de son fils, il abattit avec une canne les plus hautes têtes de ses pavots 1°. L'usage primitif apparaît encore très nettement chez Caton : le jardin, surtout le jardin de banlieue, n'est rien de plus qu'un verger et un potager, où l'on admet quelques plantes à fleurs pour les besoins du culte et pour la préparation des médicaments du ménage 20; il ajoute aux ressources que fournit la provision de viande salée : c'est « un second garde-manger, succidia altera'l ». Le point de vue change avec Varron : il ne considère toujours dans les jardins que le profit que l'on en peut retirer; mais il conseille d'y développer la culture des fleurs, surtout aux environs des villes, parce qu'elles se vendent bien 22. Du reste, de son temps déjà la propriété d'agrément avait pris beaucoup d'extension ; le goût des parcs et de la villégiature commence à se manifester à l'époque de Sylla, après les guerres contre Mithridate, lorsque de riches personnages, revenus d'Asie, en rapportent les habitudes fastueuses des seigneurs orientaux. I1OR 278 HOR De là un mouvement économique qui ne s'arrêtera plus ; il s'accuse avec une telle rapidité que. bientôt l'Italie ne peut plus nourrir ses habitants; elle est menacée de devenir un vaste jardin; l'autorité s'en émeut; Virgile écrit les Géorgiques et il en écarte à dessein l'horticulture ; Ilorace à son tour proteste' ; c'est un concert de plaintes qui ira toujours grandissant et qui restera toujours sans effet. Dès les premiers temps de l'Empire il y avait des jardins privés à l'intérieur de Rome; les rhéteurs ont volontiers exercé sur ce thème leur verve déclamatoire2; mais il faut se défier de leur témoignage; Pline l'Ancien, à leur exemple, exagère manifestement quand il dit : « Aujourd'hui on possède dans Rome même (in ipsa urbe), sous le nom de jardins, des lieux de plaisance, des champs, des villas; on habite la campagne à la ville 3 ». Il y avait assurément des jardins intérieurs dans beaucoup de maisons; mais il importe de remarquer que la plupart des grands parcs de la ville de Rome n'étaient point compris dans son enceinte à l'époque où ils furent créés; c'étaient des suburbana, que les accroissements successifs des faubourgs finirent par rejoindre et par embrasser complètement; ce n'est donc pas la campagne qui a envahi la ville, mais la ville qui a envahi la campagne, épargnant les grandes propriétés, dont un certain nombre entrèrent alors dans le domaine de l'État. En général, pour désigner un jardin de quelque étendue, on employait le pluriel horti; on le considérait comme formé d'une réunion de plusieurs parterres. Les temples anciens avaient souvent dans leur dépendance un bois [Lucus] ou un jardin consacré à la divinité du lieu. Une de celles qu'il était le plus habituel d'entourer ainsi de verdure, c'était Aphrodite, l'Aphrodite süx«o7-.oç ou Lesta'. A Athènes elle avait, en dehors des murs, sur les bords de l'llissus, un temple orné d'une statue fameuse, due au ciseau d'Alcamène; tout le terrain environnant était couvert par des jardins; c'était l'Aphrodite iv x-i7rotç 5. Paphos adorait une Aphrodite icpoxria(ç, Samos une Aphrodite iv x«),p.olç6. Pindare a célébré le jardin qui, à Cyrène, s'étendait auprès du sanctuaire de la déesse'. C'était une coutume d'orner par des plantations les abords des grottes et des sources consacrées aux divinités fluviales, particulièrement aux Nymphes°. Dionysos, dieu de la vignes, Artémis, déesse des bois, étaient adorés aussi dans des temples auxquels les ombrages et les fleurs formaient une riante ceinture. Xénophon, en élevant à Scillonte, près d'Olympie, un temple de Diane, lui fit donation d'un domaine qui rappelle les vastes possessions des abbayes du moyen âge; il y avait là des montagnes boisées où l'on pouvait chasser, élever des bestiaux et, plus près de l'édifice, un verger qui donnait d'excellents fruits suivant les saisons10. Il faut ajouter à ces divinités celles qui avaient pour fonction propre de veiller sur les fleurs et sur les fruits, les Charites [GRnTIAE], les Saisons [IIORAE], Flore, Pomone et Vertumne 1i Sous l'Empire on voyait dans la ville de Rome un grand nombre de bosquets sacrés; chacun d'eux, naturellement, ne pouvait occuper qu'un espace assez restreint; ils se composaient surtout de vieux arbres, auxquels se rattachaient de grands souvenirs nationaux, perpétués sous forme de légendes; il en sera question à l'article Lucos (voy. aussi ARBORES SACRAE)12. Jardins du domaine impérial. Comme les anciens souverains de l'Orient, comme les rois grecs successeurs d Alexandref3, les empereurs romains eurent autour de leur capitale de magnifiques jardins, désignés généralement par le nom d'un des grands personnages à qui ils avaient appartenu avant que le fisc en prît possession. Voici la liste de ceux que nous connaissons" : Le parc de Lucullus (horti Luculliani) fut planté, en 66 av. J.-C., par L. Licinius Lucullus, le vainqueur de Mithridate; il s'étendait sur le Pincio, la colline des Jardins (collis llortorum), à l'est de la Trinité des Monts (Vile région). Lucullus y avait rassemblé un grand nombre d'objets d'art, rapportés de ses carnpagnes15 En 47 ap. J.-C., le parc était la propriété de P. Valerius Asiaticus, un des consuls de l'année précédente; accusé de crimes imaginaires par Messaline, qui voulait s'emparer de ses biens, il fut obligé de se donner la mort; ce ne fut cependant qu'après avoir fixé lui-même la place de son bûcher, pour que « ses arbres ne fussent pas endommagés par la flamme 16 ». Messaline, devenue propriétaire de cette belle résidence, alla y habiter avec Silius, son amant, qu'elle avait épousé; ce fut là qu'elle reçut le coup fatal par ordre de Claude 17. Le parc fut alors attribué à ses enfants, puis, sous Néron, au fisc impérial, qui ne s'en dessaisit plus3B. Les jardins de Salluste l'historien (horti Sallustiani) s'étendaient, en dehors du mur de Servius, sur la partie orientale du Pincio (villa Ludovisi) et dans la vallée qui sépare cette colline du Quirinal (VI° région). Salluste les aurait achetés et embellis, s'il faut en croire une tradition malveillante, avec le produit des exactions qu'il avait commises pendant son gouvernement d'Afrique (4G av. J.-C.)'9. Sous Tibère ce magnifique domaine ap partenait déjà au fisc20. L'immense espace qu'il couvrait fut, de siècle en siècle, orné de nouvelles plantations et de nouveaux monuments 21; on y voyait, outre la maison d'habitation, des thermes, un forum, un portique et un temple de Vénus22. C'était une des résidences d'été des empereurs; Vespasien et Aurélien, entre autres, IIOR 279 IIOR sont cités pour y avoir séjourné ; Nerva y mourut 1. Les jardins de Mécène (horti Maecenatiani) furent plantés sur l'Esquilin dans un terrain jusque-là inculte et sinistre, qui avait servi autrefois de lieu de sépulture; il était traversé par le mur de Servius; il faut en fixer l'emplacement entre Sainte-Marie Majeure et la place Victor-Emmanuel (IV' et Ve régions). Horace (3G av. J.-C.) vante la salubrité de l'air qu'on respirait sur cette hauteur; on y jouissait aussi d'une très belle vue sur la ville et sur la campagne. Le palais et les jardins furent légués par Mécène à Auguste (8 av. J.-C.). Tibère y habita depuis son retour d'exil jusqu'à son avènement (2 à 14 ap. J.-C.). Il y avait là un belvédère, d'où Néron contempla l'incendie de Rome 2. Les borti Asiniani3, créés et remplis d'oeuvres d'art par Asinius Pollion, l'ami d'Auguste', furent confisqués sans doute sous Tibère en l'an 33, après la mort de C. Asinius Gallus, fils de Pollion 5. On les place dans la XIle région, au sud du Caelius et de l'Aventin ; ils durent être détruits, au moins en partie, par Caracalla ; sur le même terrain il édifia ses Thermes, en faisant servir à la décoration du nouvel édifice les oeuvres d'art réunies par Pollion. Les horti Lamiani avaient appartenu à L. Aelius Lamia, le contemporain d'Horace, ou à sa famille ; ils étaient propriété impériale sous Caligula ; les restes de ce prince y furent enterrés. Esquilin, villa Palombara, à l'est de la place Victor-Emmanuel et de la place du Dante (Vo région) Les horti Maiani, voisins des précédents, faisaient partie du domaine impérial sous Néron ; on y voyait son portrait peint sur toile dans des proportions colossales; à peine était-il achevé que la foudre le consuma avec la plus grande partie des jardins. Nous ne savons pas quel est le Maius à qui ils devaient leur nom (V' région)'. Les horti Lolliani étaient encore sous Caligula au nombre des biens immenses de Lollia Paulina, que cet empereur prit pour femme. Plus tard elle chercha à se faire épouser par Claude; Agrippine, l'ayant emporté, n'eut point de repos qu'elle n'eût consommé la perte de sa rivale; elle réussit à obtenir contre elle une condamnation à mort, et le fisc s'empara alors de ses jardins (48 ap. J.-C.). Quirinal, angle sud-ouest de la gare centrale, IV'-Ve régions, villa Massimi9. Ilorti Tauriani. En l'an 53 Agrippine, par des persécutions intéressées, contraignit au suicide T. Statilius Taurus et fit main basse sur ses biens 10. L'origine des jardins de Statilius11 remontait peut-être à son grandpère, qui avait bâti le premier amphithéâtre de Rome (29 av. J.-C.). L'emplacement des horti Tauriani a été retrouvé sur l'Esquilin entre Saint-Eusèbe et la rue du Prince Humbert, Ve région i2. Peut-être faut-il les identifier aux horti Pompeii superiores, c'est-à-dire à ceux que Pompée avait possédés autrefois sur une des collines de Rome t3. Ils étaient contigus à des horti Calyclani 1'. Horti Pallantiani. Pallas, affranchi et ministre de Claude, possédait une des plus grosses fortunes de son temps; il fut condamné à mort par Néron en l'an 62'°. Sur l'Esquilin, près de la porte Tiburtine (Ve région) 16 Ilorti Torquatiani. Près de la porte Labicane (Vo région). On suppose avec vraisemblance qu'ils provenaient de D. Junius Silanus Torquatus, une des victimes de Néron (an 64)17 Horti Serviliani. Le parc des Servilii a pu être planté par Q. Servilius Caepio, oncle maternel et père adoptif de Brutus; celui-ci en aura hérité et, après la mort de César, on l'aura attribué à Octave avec les autres biens du meurtrier. Néron y résidait en 65, lorsqu'on lui dévoila la conjuration dont Pison était le chef 18. Ce fut là aussi qu'il alla chercher un asile momentané avant de fuir loin de Rome en révolte (an 68)19. Vitellius y séjourna quelque temps20. Les horti Serviliani étaient un des plus beaux parcs du domaine impérial. Pline l'Ancien mentionne plusieurs chefs-d'oeuvre de la statuaire grecque qui en faisaient l'ornement sous Vespasien21. Les antiquités qu'on y a découvertes sont pour la plupart d'un grand prix (XIIe région, au sud de Rome, entre la voie d'Ostie et la voie Appienne, près du bastion de Sangallo, vignes del Drago, Santarelli et Altieri 22). Horti Agrippinae, au Transtévère, XIVe région, palais du Vatican. Ils appartinrent d'abord à Agrippine, mère de Caligula23 ; ils passèrent ensuite à cet empereur qui y construisit son Cirque23; l'obélisque de la place du Vatican décorait le monument; Agrippine la Jeune, puis Néron, son fils, héritèrent de tout le domaine25. Horti Domitiae, contigus aux précédents. Ils tiraient probablement leur nom de Domitia, tante de Néron; celui-ci hâta sa fin et supprima même son testament pour hériter de tous ses biens 26 (an 60). Hadrien fit construire dans ce parc un cirque et un mausolée, où on déposa ses restes (château Saint-Ange). Aurélien avait un goût particulier pour les horti Domitiae; il y résida souvent27. Horti Epaphroditiani. Épaphrodite, affranchi de Néron, chef du bureau des pétitions (a libellis), resta en possession de ses biens pendant assez longtemps après la chute de son maître. Domitien les confisqua, quand il l'eut fait périr, en l'an 96. Sur l'Esquilin, au N.-E. de la place Victor-Emmanuel (Ve région) 28. Les horti Anniani 29 entouraient peut-être la demeure I1011 -280 -I10R de M. Annius Verus, où Marc-Aurèle, son petit-fils, fut élevé; dans ce cas ils s'étendaient sur le Caelius, près de Saint-Jean de Latran t (II° région). Les horti Titiani ne nous sont connus que par les inscriptions; ils ont dû être situés sur la rive droite du Tibre, le long de la voie Campanienne, aux deux Tours 2. Horti Getae, XIV° région3. I1 est possible que l'empereur Géta les tînt de son père4. Nibby les a placés entre le Janicule et la Longara (villas Lante et Corsini), auprès de la porte de Septime-Sévère Les horti Variani furent la résidence d'été d'Héliogabale, qui portait le nom de Varius avant de devenir empereur; ils étaient situés sur l'Esquilin dans le quartier appelé Spei Veteris. M. Lanciani les place un peu au nord de l'amphitheatrum Castrense et de l'église de Sainte-Croix-de-Jérusalem, Ve région'. Les horti Gallieni appartinrent à l'empereur Gallien, P. Licinius Gallienus ; les Mirabilia Ilomae mentionnent sur l'Esquilin un palais de Licinius; on croit qu'il était compris dans les horti Liciniani, c'est-à-dire dans les jardins de Gallien, et l'on admet que la ruine appelée temple de Minerva medica en est un débris ; la villa Magnani en occuperait l'emplacement (V° région'). Mais, somme toute, cette identité reste douteuse. Cette nomenclature est forcément incomplète; elle suffit cependant à montrer chez les empereurs un dessein très arrêté, dont ils poursuivirent l'exécution avec persévérance. Les parcs énumérés ci-dessus forment une zone autour de la vieille Rome, enfermée dans le mur de Servius, et c'est cette zone qui, à son tour, a été entourée d'un nouveau mur par Aurélien. Ainsi au début de l'Empire elle enserrait étroitement les faubourgs de la ville; la politique des empereurs consista à les rattacher peu à peu au domaine du fisc; elle était tombée aux mains de personnages riches et puissants, qui pouvaient devenir dangereux en temps de troubles 8 ; il fallait à tout prix leur enlever ces domaines; les empereurs y arrivèrent par des confiscations et des héritages, peut-être aussi par des achats. A la fin du 1°r siècle, cette oeuvre était déjà très avancée; Rome était enfermée dans une ceinture ae suburbana princiers, où une révolte ne pouvait plus prendre position, et où un empereur menacé pouvait trouver un asile. Tous ces parcs suburbains appelés horti comprenaient une maison d'habitation, qui était généralement une résidence d'été. Mais il faut encore tenir compte ici des jardins qui entouraient les palais impériaux à l'intérieur même de Rome. Comme les Ptolémées à Alexandrie9, les Césars voulurent que les abords de leur résidence ordinaire au milieu de la capitale fussent ornés d'arbres et de parterres; il y avait assurément des jardins au Palatin; tel est celui qui est mentionné sous le nom de Jardin d'Adonis [ADONISJf0; on l'identifie généralement avec les ADONAEA indiqués sur un fragment du Plan Ca pitolin (fig. 3897)11, et on le place à l'est de la colline, près de saint Bonaventure, mais sans raisons bien déci sives12. Près de la fameuse Maison dorée (Domus aurea) construite par Néron sur l'Esquilin, on voyait « un étang, des champs, des vignes, des pâturages et des bosquetsi3». Pour exécuter cette coûteuse folie il avait fallu démolir un grand nombre de maisons. Lorsque Titus éleva ses Thermes sur l'emplacement de la Maison dorée, c'està-dire sur les dernières pentes de l'Esquilin, au nord-est du Colisée, il est probable qu'il restreignit beaucoup l'étendue de ce parc". C'est encore au fisc que revenait l'entretien des jardins possédés par les empereurs en divers endroits de l'Italie et qui restèrent après eux la propriété de la couronne, par exemple ceux de Livie ad Gallinas, de Tibère à Capri et au Cap Misène, de Néron à Antium et à Subiaco, de Domitien à Albe, de Trajan à Centumcellae, d'Hadrien à Tibur, d'Antonin à Lanuvium et à Lorium, de Gordien sur la voie Prénestine15, etc. Enfin il y avait des jardins impériaux dans les provinces; le fisc pouvait en retirer un bénéfice considérable, lorsque c'étaient des jardins de rapport; ainsi il possédait ceux d'Engaddi, en Palestine, qui avaient fait partie des domaines des rois de Judée; c'était de là qu'on tirait le baume (balsamunl), parfum précieux, dont le fisc avait le monopole 16 Chacun des jardins impériaux était placé sous la direc tion d'un intendant (procurator, ist(r107:oÿ xs srwv) ; ce per sonnage devait être généralement un affranchi de la maison impériale 37. Sous ses ordres étaient placés un ou plusieurs économes (villicus, dispensator, exactor, supra hortos)13, puis un grand nombre de jardiniers (topiarius) f9 HOR 281 HOR et d'ouvriers de tout genre'. Chacun des corps de logis ou pavillons [DIAETA], compris dans l'enceinte du parc, était confié aux soins d'un DIAETARCHA 2. Il arrivait quelquefois que le fisc louait une partie du domaine ; en pareil cas il la plaçait sous la surveillance d'un de ses employés qui était chargé de toucher les loyers; c'était l'insularius3. Un médecin spécial était toujours présent pour donner ses soins à ce nombreux personnel 4. Quand l'empereur résidait dans un de ses jardins, les officiers de sa maison y logeaient près de lui et il y était gardé par un détachement de soldats (statio militum) pris dans les troupes prétoriennes; il y rendait la justice comme au Palatin ; les chrétiens ont été souvent cités au tribunal de l'empereur dans les jardins de Salluste°. 3° Jardins publics. L'exemple qu'Athènes avait donné en ouvrant au public l'Académie et le Lycée, fut suivi par les grandes villes de l'Orient grec; Antioche avait une belle promenade au bord de l'Oronte, l'Épidaphné 7; au milieu d'Alexandrie s'élevait la colline boisée du Paneion 8. Sous la République il y avait aux portes de Rome un certain nombre de bois et de prés qui pouvaient servir de promenade au peuple; mais ils durent disparaître de bonne heure. Le bois de chênes qui valut au Caelius son nom primitif de Querquetulanus, n'était qu'un loin tain souvenir pour les auteurs classiques, quoique le quartier en eût gardé le nom°. Le Lauretum, bois de laurier situé sur l'Aventin, n'existait plus au temps de Varron 19 ; il faut en dire autant de la chênaie (aesculetum) du Champ de Mars"; les prata Flaminia, dans cette même région, furent couverts par le cirque de Flaminius (220 av. J.-C.) t2. Au Palatin on avait pu jouir pendant longtemps des Vacci prata sur l'emplacement de la maison de Vitruvius Vaccus, confisquée et rasée après l'exécution de ce personnage, qui avait soutenu les ennemis de Rome (330 av. J.-C.) ; mais le .terrain dut être utilisé de nouveau pour les constructions des empereursl3. Au Transtévère les prata Quinctial4 et les prata 31ucia, qui rappelaient le souvenir de Mucius Scaevola, furent sans doute transformés en jardins privés 15. Il ne restait au peuple qu'une promenade au Transtévère, qu'on appelait le Campus Codetanus à cause d'une certaine plante, la prèle (codeta), qui y poussait en abondance1°. C'était trop peu pour les besoins d'une aussi grande ville ; mais les empereurs compensèrent largement la perte que les derniers agrandissements avaient fait subir au public. Déjà Pompée, en construisant pour les plaisirs des Romains un théâtre et un llécatostylon au Champ de Mars (Saint-André de la Vallée), leur avait fait don du terrain environnant (52 av. J.-C.) ; on voyait là des allées de platanes et de cyprès, le nemus V. Pompeii, reste des anciens horti Pompeii dont la plus grande partie avait été affectée aux nouveaux bâtiments17. Jules César ne voulut pas être en reste sur son rival; il laissa par testament au peuple romain un parc qu'il possédait au Transtévère; on doit par conséquent supposer que ces horti Caesaris, propriété de la Ville, furent dès lors administrés par le sénat, entretenus aux frais de l'aerarium Saturni et ouverts au public. On en a retrouvé l'emplacement sur le bord de la Via Portuensis, dans la vigne de la Mission et dans la vigne Bonelli; on en a exhumé un grand nombre d'hermès d'écrivains et d'empereurs qui ont dû servir à l'ornement des allées 18 Au nord du Mausolée qu'Auguste s'était fait construire au Champ de Mars (28 av. J.-C.) s'étendaient des bosquets et des promenades (silvae et ambulationes), où il admit le public de son vivant même ; ils couvraient le terrain que coupe aujourd'hui la rue des Pontifes 1°. Les jardins d'Agrippa, voisins de ses Thermes, au Champ de Mars (Sainte-Claire), furent légués par lui à la ville (12 av. J.-C.) 2°. Quelques années plus tard (fi av. J.-C.), Auguste, en souvenir de son gendre, rendit aussi public le Campus Agrippae, qui s'étendait à l'est du portique dit Porticus Vipsania (palais Spada, au Corso); il y avait là des allées ombragées de lauriers, dont le coup d'œil était fort agréable pour les maisons voisines2l. En l'an 4 ap. J.-C., Auguste fit planter au Transtévère, près de sa Naumachie (Saint-Cosme et Saint-François de la Rive) un nemus Caesarum, qu'il consacra à la mémoire de ses deux petits-fils, C. et L. Césars, morts récemment 22. Ainsi à la fin du principat d'Auguste, le peuple avait déjà au Transtévère et au Champ de Mars plusieurs jardins d'agrément; les empereurs qui suivirent en accrurent encore le nombre. Martial fait mention des allées bordées de buis (buxeta), où les oisifs se promenaient près du portique d'Europe 23. Néron bâtit au Champ de Mars les Thermae Neronianae (Saint-Louis-des-Français); lorsque Alexandre Sévère les restaura en leur donnant son nom, il acheta des maisons particulières qui en étaient voisines, les fit abattre et couvrit leur emplacement de plantations nouvelles ; M. Lanciani place ce nernus thermarum un peu au sud du monument24. Enfin les régionnaires signalent une promenade ornée de platanes (platanonis) sur l'Aventin, près des horrea Galbae; nous ne savons à quelle époque elle remontait". En Italie et dans les provinces, les bosquets et les jardins comptaient, comme à Rome, parmi les principaux. ornements des cités; elles les devaient quelquefois à la libéralité d'un de leurs habitants, désireux de reconnaître par une donation l'honneur qu'on lui avait fait en l'élevant à des fonctions publiques 26. Comme à Rome, ces 36 HOR 282 HOR plantations entouraient d'ordinaire les monuments tels queles portiques, les thermes, les cryptes', les gymnases 2 ; Vitruve les trouvait très bien placées près des théâtres 3. 40 Jardins privés. Nous allons énumérer les jardins privés de Rome dont on connaît les noms; mais il importe de remarquer qu'un bon nombre ont dû en changer en changeant de propriétaires dans le cours des siècles, et même il n'est pas sûr que quelques-uns, que nous donnons comme des jardins privés, faute de renseignements suffisants, n'aient point passé dans le domaine impérial. Les jardins des Scipions, au Champ de Mars, appartenaient en 163 à Scipion Nasica Corculum; c'était un des endroits où on pouvait prendre les auspices en dehors du pomoerium'; ils sont peut-être identiques à ceux de Scipion Émilien, où Cicéron a placé la scène du De Repu blica (129 av. J.-C.)5. Dans la même région étaient situés ceux que possédait en 54 Appius Claudius, l'augure 6. Les jardins de Furius Crassipes, gendre de Cicéron, se trouvaient sur la voie Appienne, en dehors de la porte Capène, près du temple de Mars 7. En 45 Cicéron lui-même songea à acquérir un jardin au Transtévère ; il a écrit à Atticus plusieurs lettres, où il le prie d'engager des pourparlers avec des propriétaires qui en avaient à vendre; il cite, entre autres, la fameuse Clodia, Cassius, Drusus, Scapula, Silius et Lamia. II faut lire ces lettres si l'on veut avoir une idée de la valeur des suburbana de Rome et des avantages qu'ils présentaient pour les grands personnages du temps 8. Les horti Caesaris ad portam Collinam n'étaient peutêtre qu'une partie du domaine de Salluste Antoine le Triumvir possédait en 41, au Transtévère, des jardins contigus à ceux de Jules César10. Il est fort probable qu'ils furent réunis à la couronne en l'an 30; mais nous ne savons pas s'ils conservèrent leur nom". Les Valerii Messallae ont dû avoir des jardins sur le Pincio". Les horti Aciliorum nous sont fort bien connus; ils s'étendaient sur le Pincio, à l'ouest de la villa Ludovisi; la villa Médicis en occupe l'emplacement. Créés par l'illustre famille des Acilii Glabriones, ils passèrent ensuite par héritage à celle des Anicii, qui avait avec la première des liens de parenté ; les Anicii en étaient encore propriétaires au ve siècle; on en a exhumé un grand nombre d'oeuvres d'art 13 Nous ne savons pas de quel côté il faut chercher les jardins du poète tragique Pomponius Secundus (31 ap. J.-C.)", de Sénèque (an 62)15 et de Paetus Thrasea (an 66)1G. Ceux de Cn. Dolabella étaient situés sur le Pincio, dans le voisinage du Campus Agrippae et de la caserne de la garde Germaine (an 69) i7. Ceux de l'empereur Galba faisaient partie de ses biens personnels et ils restèrent la propriété des Sulpicii après sa mort ; c'est là que son corps mutilé et profané par la populace fut enseveli grâce aux soins pieux d'un de ses intendants. Ils étaient situés sur le Janicule, le long de la voie Aurélienne, à peu près à l'endroit qu'occupe aujourd'hui la villa Corsini18. C'est dans le même quartier, à proximité de l'Acqus. Paola, que doit être cherché l'emplacement des jardins de Julius Martialis, dont le poète Martial, son ami, a laissé une description si charmante; on y jouissait d'une vue admirable sur la ville et sur ses environs t9. Les horti Petiliani, devenus la propriété de Sparsus, ami de Martial, occupaient le sommet d'une des collines de Rome 20. Nous ignorons où étaient situés ceux de Violentilla, femme d'Arruntius Stella, l'ami de Stace°t. Ceux d'Aquilins Regulus, le fameux délateur, ennemi de Pline le Jeune, couvraient un vaste terrain au Transtévère, le long du fleuve. Il s'y était retiré après la mort de Domitien et y recevait encore beaucoup de visites; on venait y admirer les immenses portiques et les statues dont il avait bordé le rivage 22. Les jardins d'Aponius au Transtévère ont porté ce nom au temps d'Antonin le Pieux 23 Ilorti Domitiae (Lucillae) sur le Caelius. C'est là que naquit Marc Aurèle, fils de Domitia°3; ces jardins ont pu être compris dans la part d'héritage que Marc Aurèle accepta2" et passer ainsi dans le domaine inaliénable des Césars; mais c'est fort douteux ; ils ne sont plus jamais mentionnés dans la suite. Il faut en dire autant de ceux de Commode; on y voyait sous un portique une mosaïque, représentant l'empereur et ses amis dans le costume des adorateurs d'Isis 23 Les horti Frontonis lllaecenatiani ont appartenu au rhéteur Fronton ; il faut supposer qu'ils avaient été formés avec une portion du parc impérial dit de Mécène, ou bien qu'ils en étaient voisins 27. Les jardins de Fabia Celonia ou Cilonia ont dû prendre ce nom à la fin du ne siècle, lorsqu'ils appartinrent à la fille de L. Fabius Cilo, consul en 9.93 et 204; ils occupaient à peu près l'emplacement de Sainte-Balbine sur l'Aventin. On voit, sur un fragment du Plan Capitolin, une partie du mur d'enceinte et la porte d'entrée, précédée de plusieurs marches 28. Les horti Variani (commencement du ive siècle) probablement sur le Pincio, ne peuvent être confondus avec les jardins impériaux du même nom, situés sur l'Esquilin 2s Les horti Vettiani sont les jardins de Vettius Agorius Praetextatus, qui fut préfet de Rome au Ive siècle; on les place sur l'Esquilin dans le voisinage de la porte Tiburtine et de la rue du Prince Amédée 3e ; il faut les distinguer des Scatoniani, situés aussi sur l'Esquilin, qui ont appartenu aux Vettii Scatones et sont passés ensuite aux Statilii3'. I1OR 283 -IIOR Enfin nous voyons cités plusieurs propriétaires de jardins, dont nous ne pouvons identifier les noms et dont l'époque est inconnue; ce sont Allius Eiletins', Atticus2, Aurelius3, Cocceius sur la rive droite du Tibre hors de la porte Portèse4, Daduchus et Epagathus sur la voie Labicane', Largiuss, Peduceus' et Volusius8. Comme on le voit par cette liste, les jardins impériaux, si nombreux et si vastes qu'ils fussent, laissaient encore de la place, même à l'intérieur du mur d'Aurélien, pour des jardins privés. Ainsi nous savons que Gordien III avait eu le projet de créer un nouveau parc impérial au Champ de Mars, au pied du Pincio ; mais son projet ne fut jamais exécuté, et au Ive siècle il y avait encore, en cet endroit même, des jardins privés auxquels on n'avait point touchés. IV. LE JARDIN A LA VILLE. Les jardins énumérés ci dessus, si l'on excepte ceux qui entouraient les monuments publics, étaient des résidences seigneuriales ; on en trouverait d'aussi magnifiques en parcourant les environs des petites villes d'Italie, où le grand monde de la capitale venait, pendant la saison chaude, chercher la fraîcheur elle repos; en dehors de Rome, les plus beaux parcs se voyaient autour des villas de Tibur, de Tusculum, d'Antium, de Gaëte, de Boïes ou de Sorrente [vILLA] ; là le plan du domaine pouvait varier à l'infini suivant la nature des lieux. Il n'en était pas de même dans les villes, où l'espace était plus limité et où le terrain coûtait plus cher. Nous pouvons nous rendre un compte très exact de la place que le jardin occupait à la ville dans les demeures bourgeoises, en jetant les yeux sur le plan de Pompéi. I° Suburbanuln. Comme on l'a vu plus haut, les premiers jardins d'Athènes et de Rome furent des jardins de faubourg, et même encore sous l'Empire les grands parcs de la capitale n'étaient pas autre chose ; nous en avons le type dans la villa suburbana de Pompéi (fig. 3898); c'est une construction de l'époque républicaine qui a son entrée sur la voie des tombeaux. Derrière la maison d'habitation s'étend un portique, formant un carré de 33 mètres de côté; il est précédé d'un salon (pecus) et de deux terrasses qui ont vu sur le jardin planté au milieu du portique; on a trouvé les troncs des arbres calcinés encore en place. Le centre du jardin est occupé par un bassin qu'alimentait un jet d'eau; par derrière, sur un plan plus élevé auquel deux marches donnent accès, se dresse une petite construction ornée de six colonnes ; c'était un pavillon, un cabinet, où l'on se retirait pour faire la sieste ou pour causer. Au bout du jardin est une porte précédée de quelques marches qui donne sur la campagne10. 2° Dans l'enceinte des villes il devait être plus rare de voir des jardins attenant à des maisons particulières; il y a à Pompéi quelques-uns de ces jardins formant dépendances, mais, somme toute, ils y sont l'exception. Là où ils se rencontrent, ils sont situés le plus souvent derrière l'habitation; il en était déjà ainsi, du reste, chez les Grecs [DOMUS, fig. 2499, K] ". On en a un exemple dans la maison de Pansa mus, fig. 2523]; au delà de la terrasse à colonnes qui termine le logis s'étend un espace rectangulaire de 28 mètres sur 30, destiné sans aucun doute à cultiver des légumes, comme le montrent les planches, dont le tracé était encore intact sur le sol au moment de la découverte ; la petite chambre qui s'ouvre sur la terrasse, à droite de l'oecus, devait être celle du jardinier12. Un potager 13 tout semblable se voit encore HOR 284 HOR dans la maison d'Épidius Rufus. Celle de Salluste présente une disposition différente; le jardin en occupe l'angle extrême; il était sablé en grande partie; une étroite plate-bande, faite pour recevoir des fleurs, longe chacun des murs (fig. 3899)1. 3° Ce qui était plus commun, on peut même dire habituel, dans les maisons bourgeoises, c'était le jardin intérieur qui remplissait le peristylium; il suffit de se reporter à l'article nouus (fig. 2515 ; 2522, T; 2523, 8) pour en comprendre la disposition. Même quand on avait un jardin plus vaste dans ses dépendances, on aimait encore à orner de fleurs et d'ombrages l'espace à ciel ouvert qu'entourait la colonnade du péristyle. Généralement le xystus ou viridariunl comprenait un bassin (piscina), qui en occupait le centre et que l'on décorait d'oeuvres d'art. Outre les exemples cités dans l'article DoMUS, nous mentionnerons encore, parmi les maisons de Pompéi, celle du Centenaire' et celle des Dioscures3, qui ont chacune deux jardins intérieurs ; l'un des deux (tant petit ou irrégulier, on s'est dédommagé un peu plus loin. Dans la maison du Centenaire, le xystus le plus grand mesure 17 mètres sur 15. Quelquefois l'atrium lui-même était garni de verdure; on faisait pousser de la mousse tout autour de l'impluvium 4. 4° En général la maison bourgeoise était basse; souvent elle se composait uniquement d'un rez-de-chaussée et, comme on le voit encore dans les pays du Midi, une partie du toit était plate; cette surface découverte, formant une terrasse exposée aux rayons du soleil, s'appelait SOLARIUM. On se plaisait à la couvrir de fleurs et d'arbustes, qui en faisaient un véritable jardin suspendu (hortus pensilis)6. Sénèque s'indigne de cette invention dans laquelle il voit une preuve de la décadence des mceurs 6 ; en réalité l'usage des terrasses remonte à une antiquité très reculée et on peut constater à Pompéi qu'il n'était pas nécessaire de jouir d'une fortune exceptionnelle pour se donner l'agrément d'un jardin suspendu. Ainsi il y a dans la maison de Salluste un petit escalier qui devait conduire sur le toit du péristyle' ; quelques plantes, rangées dans des caisses et disposées en forme de tonnelle [PERGULA], suffisaient à ombrager le solarium pendant l'été, quand le soleil devenait trop ardent; c'était un genre d'ornement assez commun même chez les gens de condition modeste. Seulement il est probable que dans la capitale les riches décoraient cette partie de leur habitation, comme les autres, avec beaucoup de luxe; on y mettait jusqu'à des bassins pouvant porter bateau 6. 5° Enfin les plus pauvres gens, locataires de quelques pièces à un étage supérieur, pouvaient encore égayer leur logis en plaçant sur les fenêtres des pots ou des caisses remplis de fleurs. Cette décoration, usuelle dans la ville de Rome, fut abandonnée un moment après la guerre civile de l'an 69; les habitants, exposés à voir leur domicile envahi par des malfaiteurs ou des ennemis, furent contraints de mettre des grillages à leurs fenêtres9; mais quand l'ordre fut rétabli, les fleurs reparurentlo Ainsi les jardins ne manquaient pas, même à la ville, chez les particuliers. Les écrivains de l'Empire ont beaucoup vanté cette parure si goûtée de leurs contemporains; elle faisait un des principaux charmes de Rometi Certains personnages riches allaient jusqu'à sacrifier au jardin les parties les plus essentielles de leur demeure; Martial se moque d'un propriétaire chez qui on ne voyait que bosquets, promenades et eaux courantes; il n'y avait plus ni salle à manger ni chambre à coucher 12, 6° Jardins funéraires. De tout temps on pratiqua l'usage d'orner de fleurs et de verdure les monuments funèbres [FUNUS, SEPULCRUM] 13; il semble même s'être dé veloppé de plus en plus dans l'antiquité; on en vint à planter autour des tombeaux, sur le bord des grandes routes, des jardins privés, dont l'entretien regardait la famille du défunt; on appelait cepotaphia (z,srspta) les sépultures entourées de ces jardins, qui leur servaient d'ornement et de protection (tutela) ; toutefois le mot n'apparaît qu'assez tard. On voit des particuliers, sous l'Empire, laisser des terrains et des fonds spéciaux pour cette destination. On plantait autour des tombeaux des plantes à fleurs, des bosquets de cyprès, de peupliers, de saules et d'ormeaux, et même des vignes et des arbres fruitiers de toutes sortes; quelquefois l'enclos, ceint de murs, contenait un puits ou une citerne d'où on tirait l'eau d'arrosage. Les cepotaphia, comme les jardins des vivants, comportaient tous les genres de décoration, statues, pavillons, salles de repas, logis pour les gens de service,etc. Mais ils devaient être plus communs et plus vastes près des petites villes, où le terrain coûtait moins cher 11. V, L'ART DES JARDINS. Les descriptions de jardins, que nous ont laissées les anciens, sont aussi variées que le comportaient la nature et la destination des lieux; le jardin du Vieillard de Tarente 15 ne ressemblait pas à celui de Lucullus; tous cependant présentaient un caractère commun qui apparaît nettement dans, la littérature du temps de l'Empire ; on peut s'en rendre compte surtout en comparant aux monuments figurés les lettres où Pline le Jeune a décrit ses deux villas de Laurente et de Toscane 16. A l'époque gréco-romaine, le jardin d'agrément est un prolongement du salon; les plantations, rangées en bon ordre, offrent à l'oeil de longues perspectives et forment des figures régulières, savamment composées, où domine la ligne droite; de là un art particulier qui se rapproche de l'architecture. En d'autres tonnes, ce qu'on est convenu d'appeler le jardin français HOR 285 -HOR n'est pas autre chose que le jardin gréco-romain, dont la tradition a été ranimée, à l'époque de la Renaissance, par la lecture des auteurs classiques. Rien ne peut en donner une idée plus juste que le parc de Versailles ou que les villas princières qui, aujourd'hui encore, entourent la ville de Rome. Il n'est pas douteux du reste que le type en a été emprunté aux Grecs par les Romains ; car les termes techniques de l'art des jardins sont en grande partie d'origine grecque. On peut supposer qu'il s'est développé surtout après Alexandre, à l'époque où ont commencé à paraître les ouvrages qui traitaient spécialement de cette matière. Un parterre, composé d'un ensemble de plates-bandes zo;a, ôEdu.oç6 7ar187ou.i; ambulatio), s'appelait xystes (uazd;); les Romains, en empruntant ce mot à la langue grecque, en avaient altéré le sens; chez les Grecs il désignait une galerie couverte; Vitruve a noté expressément la différence". Quelquefois les plates-bandes, au lieu d'être au même niveau que les allées, s'élevaient un peu plus haut, comme nos « corbeilles » ; en ce cas elles prenaient le nom de pulvinus ou de tonus°. Tracées sur un plan très régulier, elles affectaient souvent des formes géométriques, dont on s'ingéniait à varier les combinaisons10; les briques qui bordaient les plates-bandes des jardins de Pompéi en ont quelquefois conservé le dessin11; une plate-bande ornait le centre de l'Atrium Vestae, surie Forum Romain12. Souvent la bordure était formée par des plants de buis ou de romarin i3. Mais ce qui caractérise tout particulièrement le jardin classique, ce sont les arbustes qu'on taillait de façon à imiter des figures géométriques ou des êtres animés ; cette sculpture ou, comme disaient les anciens, cette « peinture » (pic(ura)11 s'appelait l'opus topiarium15 (étym. Te'no;); l'ouvrier qui s'en occupait était le topiarius 16; sa besogne avait tant d'importance que le nom dont on le désignait a fini par prendre le sens général de jardinier [nonTULAxUS]. Les espèces d'arbres employées pour l'opus topiariulrt étaient celles qui gardent leur feuillage en hiver, notamment le buis et le cyprès; on leur faisait représenter, par exemple, des lettres dont l'ensemble formait le nom de l'« artiste », ou celui du propriétaire"; ou bien on les taillait en pyramides, ou en cônes (metulae) 88 ; ou bien encore les ciseaux du topiarius en faisaient des animaux sauvages à l'aspect redoutable19; on alla jusqu'à composer ainsi des chasses et des flottes entières 20. On attribuait cette invention des viridia tonsa ou nemora tonsilia°l à C. Matius, chevalier romain, ami d'Auguste 2'. Les Romains ont aussi connu les arbres nains, qu'on parvenait, à force de soins, à contenir, malgré les progrès de leur croissance, dans des proportions chétives; un platane soumis à cette culture s'appelait chamaeplatanus (7auat7r)elTavo;)23; les Japonais ont encore aujourd'hui beaucoup de gotit pour ce genre de monstres5k. Tout autour du parterre se dressaient des colonnes ou des arbres alignés, que l'on reliait par des plantes grimpantes, formant guirlande dans les intervalles; on se servait surtout pour cet usage du lierre et de la vigne ; les plates-bandes étaient ainsi enfermées dans un véritable portique de verdure (viridis porticus)25; on pouvait même unir deux portiques parallèles par des barres transversales, de façon à avoir une tonnelle, un cabinet de ver dure (trichila, iricla, triclia, calyba, xaÀiô7~, voy. aussi PERGULA) 26. Au pied des arbres courait un cordon d'acan thes ou de pervenches 27. Là où il y avait un mur, dans les parties extrêmes du jardin, on le cachait derrière des charmilles étagées et taillées au cordeau (parietes)2". Outre les petites allées (ambulationes), qui séparaient les différentes plates-bandes les unes des autres, il y avait souvent, lorsque l'étendue du terrain le permettait, une allée plus large qui faisait tout le tour du parterre ; c'était la gestatio ; les premières ne pouvaient livrer passage qu'à une ou deux personnes marchant de front ; dans la gestatio, au contraire, une chaise à porteurs ou une litière pouvaient passer à l'aise. Cette allée, suivant la nature des lieux, était toute droite ou circulaire29. Dans une propriété de la banlieue de Rome, nous voyons un jardin où l'on a tracé deux cercles concentriques (circini) ; le plus grand mesure 124 mètres de diamètre, le plus petit 94 mètres ; chacun d'eux est limité par une grande allée, le premier par une gestatio exterior, le second par une gestatio interior; en un point de la zone qui les sépare s'élève un pavillon consacré à Apollon". Nous avons probablement l'image d'une gestatio dans une peinture trouvée près de Rome, au lieu dit ad Gallinas (fig. 3900); on y voit une allée bordée d'un côté par une balustrade [CANCELLI] et de l'autre par une légère barrière en treillage; au delà s'élève un bosquet où l'on distingue des arbres fruitiers et, au fond, des arbres plus élevés". Les propriétés d'une vaste étendue comprenaient quel que chose de mieux encore, l'hippodromus. Par ce nom il faut entendre, non pas un édifice semblable à celui oit avaient lieu les courses, mais simplement une allée tracée sur le même plan; elle formait un rectangle très allongé, terminé en hémicycle à l'une de ses extrémités; on pouvait s'y promener à cheval et même en voiture; l'espace qu'elle enfermait était coupé par des allées plus petites et couvert de gazon 32. Lorsque le sol était accidenté, par exemple sur le flanc d'une colline, on contenait les terres par des murs et on formait des terrasses en étages, en les posant même -na H0R 286 HOR sur des voûtes, quand cela. était nécessaire. Sostrate, architecte du Phare d'Alexandrie, fut le premier, chez les Grecs, qui imagina de construire une pensilis ambulatio, à l'imitation des jardins suspendus de Babylone ; ce travail fut exécuté à Cnide, au temps de Ptolémée Soter 1, Toutes ces dispositions savantes avaient pour but de façonner la nature au goût d'une société polie; suivant un mot caractéristique de Pline le'Jeune, c'était là un « opus urbanissinuvt » e. Cependant on ne; s'interdisait pas de conserver à certaines parties, ne fût-ce que pour le contraste, un aspect plus rustique; parfois, au sortir d'allées très régulières, on se trouvait brusquement en présence de bosquets touffus, où des arbres d'essences diverses, quelques-uns chargés de fruits, poussaient en toute liberté, sans avoir à craindre les ciseaux du topiarius (subita illati ruris imitatio) 3; mais, ces coins de vraie campagne n'etaient jamais qu'un accessoire relégué au second plan. Les Grecs aussi bien que les Romains ont pratiqué la culture en pots; on peut voir à l'article ADONIS (fig. 113) qu'il était d'usage de parer chaque année les temples de ce dieu avec des plantes éphémères, semées dans des ■ases en terre cuite (rr'rpŒXOV, ây?Eiov •rei,zuEtov, 7r(00s, testa, vas, vas eulum fictile, dolium). Il n'est pas douteux que ce procédé était commun dans les jardins, soit pour élever de jeunes plants, que l'on repiquait ensuite en pleine terre, soit pour décorer certaines parties de l'habitation'. De grands vases en poterie ou en plomb garnissaient les terrasses et les intervalles des colonnes dans le péristyle ; quand ils étaient enfoncés dans le sol ou engagés dans la maçonnerie, ils appartenaient de droit au propriétaire de l'immeuble On a trouvé à Pompéi, chez un jardinier, douze amphores privées de leur partie supérieure et plantées en terre à côté les unes des autres; on suppose qu'elles ont dû faire l'office de vases à fleurs pour des semis6. A Timgad, en Afrique, les fouilles ont mis au jour de grandes cuves de pierre, présentant des sinuosités sur un de leurs côtés, qui ont probablement contenu des arbustes destinés à la décoration d'un atrium (fig. 3901)T. La figure 3902 reproduit un vase à fleurs, sculpté sur un monument provenant aussi de Timgad'. On avait encore HIOR 287 IFOR pour le même usage des caisses, munies de roues, qu'on traînait où l'on voulait'. VI. LES EAUX. La fraîcheur étant un des principaux avantages que l'on cherchait dans un jardin d'agrément, il était indispensable d'y amener l'eau en abondance. Un bassin, placé au centre, en était, on l'a vu, l'ornement ordinaire, même à la ville. On s'ingéniait à lui donner la forme la plus gracieuse; beaucoup d'oeuvres d'art conservées dans nos musées sont dues à cet usage [FONS, LABRUni, PIscINA]. Lorsque le parterre était très vaste, le bassin devenait une quefois on en avait plusieurs qu'on reliait par un canal, auquel on donnait volontiers le nom de Nilus 2, ou encore celui d'Euripus pour rappeler le détroit célèbre qui sépare l'Eubée de l'Attique' ; le plus grand et le plus beau de ces Euripes était celui qu'Agrippa avait fait creuser à Rome dans ses jardins du Champ de Mars et qui était compris dans ses Thermes Beaucoup de gens allaient, dans leur orgueil de propriétaires, jusqu'à décorer de minces ruisseaux de ces noms pompeux'. Tout le monde ne pouvait pas avoir un château d'eau [CASTELLUM NYnIPHAEUni]6, comme Hadrien à Tivoli ; mais on faisait sousent de grands travaux pour tirer le meilleur parti possible de l'eau dont on disposait. Pline le Jeune, dans sa villa de Laurente, située au bord de la mer, n'avait que des puits' ; au contraire dans sa villa de Toscane il avait multiplié les bassins et les fontaines; son parterre était sillonné en tous sens par des conduites (fistulae), qui alimentaient une quantité de jets d'eau (siphunculi, fontes surgentes) 8. On y voyait aussi un lit de marbre, d'où l'eau jaillissait par plusieurs canons, comme si le poids de ceux qui s'y couchaient l'en eût fait sortir; de là elle passait dans un bassin entouré de tables, qui pouvaient recevoir une collation; on posait les mets les plus légers sur des vases de bois, en forme de navires ou d'oiseaux aquatiques, que l'on faisait flotter sur le bassin'. Les peintures qui représentent des jardins f0 (f g. 3904) montrent partout multipliés les bassins, les fontaines et les eaux jaillissantes. On arrosait les jardins surtout au moyen de rigoles, lorsqu'on avait une eau courante à proximité ". Dans les propriétés moins favorisées, où on n'avait que des citernes [CISTERNA] ou des puits [PUTEUS], on tirait l'eau NUnI PNEUMATICTJM] ou une bascule [TOLLENO] et on la versait à bras12. Les anciens devaient connaître l'usage de l'arrosoir; la « pluie13 » que le jardinier répandait sur les plantes ne peut pas avoir été produite autrement; cependant il n'y a point de terme technique qui désigne particulièrement cet ustensile ; il est probable qu'on l'appelait alveus, alveolus, urceus14. Le fameux orateur Hortensius, qui fut un moment le rival de Cicéron, arrosait ses platanes avec du vin ; du reste, il n'avait pas inventé ce procédé ; on le considérait comme très efficace". Une partie de l'eau amenée à Rome par les aqueducs était affectée à l'arrosage des jardins". VII. LA DÉCORATION. Il n'était guère de jardin d'agré ment un peu spacieux où l'on ne fît une place à la sculpture ; ce goût chez les anciens était poussé beaucoup plus loin que chez nous; les balustrades, les bancs, les tables de marbre, les vases décoratifs, les statues et les bas-reliefs comptaient parmi les principaux attraits d'un lieu où tout était disposé pour la vie de société17. C'était en grande partie pour orner leurs jardins que les membres de l'aristocratie romaine transportèrent en Italie, à la fin de la République, tant de chefs-d'oeuvre de l'art grec; un riche personnage du temps de Trajan put remplir son parc, le jour même où il l'avait acheté, d'une quantité de statues anciennes qu'il tenait en réserve73; Juvénal appelle les jardins de Lucain « des jardins de marbre, horti marmorei" ». Énumérer les pièces remarquables de nos musées qui avaient été affectées à cet usage serait un travail de longue haleine 20; mais sans aller chercher des exemples dans les palais, on peut voir à Pompéi combien de charmants ouvrages en pierre ou en bronze décoraient le xystus des maisons bourgeoises. Parmi les statues, celles de Vénus " et des Grâces, celles des Saisons, de Pan, de Silvain, de Flore, de Pomone, de Vertumne et des autres divinités champêtres étaient particulièrement à leur place dans les jardins92. mais le dieu qu'on y représentait le plus souvent, c'était Priape [PmArus]; jusque chez les paysans les plus humbles, son image se dressait au milieu du domaine pour le protéger contre les voleurs et les sorciers; qu'elle fût taillée dans un tronc d'arbre à peine équarri, ou sculptée IIOR 288 II0R dans le marbre par une main habile, elle passait également pour la meilleure des sauvegardes, et l'on s'était si bien habitué à la vue de ce dieu ithyphallique, que la pudeur publique ne fut jamais alarmée par l'attribut qui le distinguait. Il faut signaler aussi les hermès [nERMAE], qui bordaient les allées et les cabinets de verdure (fig. 3905); ils représentaient soit des divinités, soit des personnages historiques; le propriétaire les choisissait de telle sorte que leurs actions eussent été en rapport avec ses propres goûts. De là viennent en partie les hermès d'écrivains célèbres conservés dans nos collections; dans la seule villa d'Hadrien, on en a retrouvé vingt-sept, représentant des grands hommes de la Grèce'. Enfin la peinture elle-même était mise à contribution, notamment pour décorer les murs de fresques en trompe-l'oeil; ce procédé, resté cher aux Italiens, était employé surtout dans les petits jardins de la ville, là où, l'espace faisant défaut, le regard se trouvait arrêté brusquement par une haute muraille; on prolongeait la perspective en faisant peindre à sa surface des fleurs, des arbres, un paysage. On voit même dans les maisons les plus modestes, qui n'avaient pas de jardin, des fresques destinées à en donner l'illusion Ce genre de peinture avait été inventé au temps d'Auguste par un décorateur nommé S. Tadius 3. Nous en avons d'élégants exemples dans les figures de cet article (fig. 3904, 3905); on y peut voir rassemblés tous les motifs de décoration qui viennent d'être énumérés; on remarquera notamment la distribution symétrique des différentes parties du xystus, encadrées par un treillage continu et ornées d'une quantité d'accessoires en pierre. Dans la figure 3903, le centre est I quel on aperçoit la statue d'un personnage en toge. Au occupé par une sorte d'édicule ou de pavillon, sous lecontraire, dans une peinture qui provient de l'Esquilin (fig. 3906)0, on a placé au milieu de la composition un bassin, où l'eau tombe d'une vasque posée au sommet d'une haute colonne [FOPis, fig. 3154]; le parterre est entouré d'une série de piliers qui n'ont pas d'autre destination que de supporter des plantes grimpantes courant de l'un à l'autre de façon à former un portique de verdure au bord de l'allée 6. En examinant ces peintures et celles de la villa ad Gallinas (fig. 3900 et 3903), on est frappé de la multitude d'oiseaux qui s'y trouve représentée; il y en a dans toutes. Des canards nagent sur un bassin; un paon se promène dans une allée, des pigeons volent autour des fontaines'. En effet les anciens savaient fort bien quel charme ajoute à un paysage la présence de ces êtres gracieux; non seulement ils avaient près de leurs villas des parcs spéciaux, où ils engraissaient des animaux pour les besoins HOR 289 HOR ils entretenaient, même dans leurs jardins, des animaux familiers pour le seul plaisir de les voir ou de les entendre [BESTIAE]. Ils attiraient les oiseaux chanteurs autour de leurs maisons de plaisance en y multipliant les fontaines', ou même ils plaçaient des oiseaux en cage au milieu de la verdure, comme le montre la figure 3900 2. Dans les bassins nageaient des poissons habitués à accourir au son de' la voix, à venir prendre le pain qu'on leur tendait; quelquefois on leur mettait aux ouïes des anneaux précieux3. VIII. LES CONSTRUCTIONS. Nous ne saurions énumérer ici tous les bâtiments que la fantaisie des anciens réunissait dans l'enceinte d'un parc ou d'un. jardin ; la villa d'Hadrien nous montre par un étonnant exemple ce qu'elle était capable d'enfanter; mais tout le monde ne pouvait pas avoir dans sa propriété un stade, des thermes et une réduction des lieux célèbres tels que le Lycée, l'Académie, le Prytanée, le Canope, le Pécile, la vallée de Tempé, sans parler des Enfers'. Nous laisserons de côté les constructions qui ont un caractère tout à fait exceptionnel, ou qui rentrent plutôt dans les dépendances de la maison d'habitation ou de la ferme [VILLA]. On a beaucoup discuté sur la question de savoir si les anciens avaient connu les serres'. Mais les doutes que l'on a exprirnés sur ce sujet ne sont nullement justifiés ; il est vrai que les témoignages qui s'y rapportent ne remontent pas au delà du temps de l'Empire et que nous ignorons encore le mot technique par lequel on désignait le local destiné à servir d'abri aux plantes pendant l'hiver. Ces réserves faites, il est incontestable qu'au ter siècle l'usage des serres était répandu en Italie; quelques-uns des textes que l'on a cités peuvent s'appliquer à de simples cloches; mais il y en a d'autres plus explicites G. On ne comprendrait pas du reste comment certaines espèces de végétaux apportées d'Orient auraient pu s'acclimater, même en Italie, si l'on n'avait eu la précaution de les mettre à couvert pendant les froids. Ce qui paraît probable, c'est qu'on n'a senti le besoin d'avoir des serres qu'à partir du moment où s'est éveillé le goût des plantes exotiques. Elles étaient fermées par des châssis garnis de vitres ou de carreaux de pierre spéculaire. On y conservait en hiver les plantes d'Orient qui poussaient mal en pleine terre, par exemple le safranier 7, ou des plantes communes dont on voulait obtenir des fleurs et des fruits dans la saison la moins favorable, ainsi le rosier, le lis, la vigne, le figuier, le melon, le concombre'. Un point cependant reste douteux; c'est que les serres des anciens aient été pourvues d'appareils de chauffage; quoique rien ne leur manquât s'ils avaient voulu en installer, il n'en est question nulle part. Mais en Italie la nécessité ne s'en fait guère sentir et aujourd'hui encore on se contente généralement V. d'orienter la serre du côté du midi, de telle sorte que les vitrages reçoivent et concentrent à l'intérieur la plus grande somme de chaleur possible; bien souvent dans les maisons mêmes les chambres à coucher n'étaient pas chauffées autrement. Il faut donc se représenter la serre des anciens comme une espèce de SOLARIUM réservée aux plantes. On a découvert sur l'Esquilin, dans un terrain qui a fait partie des jardins de Mécène, un petit édifice où l'on a voulu reconnaître d'abord une salle destinée à des lectures publiques ; suivant M. Mau, ce serait plutôt une serre; cette opinion ne peut être acceptée qu'avec réserve'. Dans l'ancienne Grèce, les grottes d'où s'écoulaient les sources passaient pour être la demeure des Nymphes et des Muses 10; aussi donna-t-on le nom de « musaea » aux rocailles artificielles (pumices, tofi), que l'on élevait dans les jardins des anciens, comme dans les nôtres, à l'endroit d'où partaient les eaux courantes 1l. Ces fraîches retraites, placées sous la protection des divinités qui présidaient aux arts, furent souvent l'asile favori des philosophes et des gens de lettres pendant les heures chaudes de la journée; les musaea de l'Académie et du Lycée servirent probablement de modèle à ceux que l'on construisit plus tard dans les jardins de Rome [MuSAEUM] 72. Au même goût répondaient les exèdres où l'on allait s'asseoir pour causer [EXEDRA]. Il faut y joindre les constructions légères que nous appellerions aujourd'hui des kiosques ou des pavillons (cubicula); c'étaient de petites pièces isolées, où l'on pouvait travailler, faire la sieste et trouver un refuge en cas de pluie ; elles étaient environnées de verdure et ressemblaient beaucoup aux exèdres, à cette différence près qu'au lieu d'un banc elles renfermaient un lit de repos placé dans une sorte de niche ou d'alcôve [zoTUEcA] 13. Quelquefois on élevait au milieu d'un îlot une rotonde surmontée d'une coupole et entourée de colonnes [TnoLUS] ; on y pouvait prendre son repas tout en jouissant de la vue de la campagne 16. Les anciens ont même eu avant nous l'idée des cabanes que l'on construit sur les branches des arbres; il y en avait une à Vélitres sur un énorme platane; on y avait mis un plancher (tabulatum) et des bancs (scamna), de façon à former une sorte de salle à manger (triclinium); Caligula y dîna avec quatorze personnes, sans compter les gens de service; c'était, comme disait l'empereur, un véritable nid15. En Lycie on voyait un autre platane, dont le tronc creusé par la vieillesse présentait une cavité prodigieuse; on en avait fait une grotte (spelunca) garnie de mousse et de rocailles; on y pouvait servir à dîner à dix-huit convives16. Les jardins d'agrément contenaient parfois des tombeaux17; mais c'était là un privilège de la fortune et à l'époque classique il ne s'accordait jamais, sauf de très rares exceptions, dans l'intérieur des villes; même à la campagne il fallait que le monu 37 HOR 290 I10R ment fût séparé des propriétés voisines par une distance d'au moins soixante pieds (15m,75, voy. FUNUS). Un des ornements les plus ordinaires, dans les parcs des personnes riches, c'étaient les portiques; nous ne voulons point parler de ceux qui faisaient partie de l'habitation elle-même. et qui composaient le péristyle, mais des portiques plus ou moins indépendants qui bor daient les parterres de grande étendue [PORTICUS, CRYPTOPoRTICUS]. Nous nous bornerons à mentionner ici une curieuse coutume, que les inscriptions ont récemment fait connaître. On sait avec quelle fidélité on imitait dans tout l'Empire, en leur conservant même leurs noms, les monuments de la ville de Rome. Il y avait au Champ de Mars, près des Saepta Julia, un Portique du triomphe, Porticus triumphi, ainsi nommé parce que c'était de là que partaient les processions triomphales', or nous voyons des propriétaires élever dans leur jardin un porticus triumphi; il est évident qu'on s'appliquait à lui donner la forme du monument dont il portait le nom. Mais l'original avait des proportions considérables; il mesurait en longueur mille passus (1478m,50); il était difficile à un particulier d'égaler un pareil modèle; alors il évaluait le rapport qui unissait son propre portique à celui de Rome; il calculait combien de fois il fallait le parcourir dans les deux sens pour arriver au total de mille passus, ou à un total approchant, et il indiquait ce rapport par une inscription gravée sur le mur. Ainsi un propriétaire de Baies nous donne les renseignements suivants: 1° son porticus triumphi mesurait en longueur 556 pieds (164m,40) : long(itudine) effic(it) pe(des DLVI); 2° si on le parcourait dans les deux sens, aller et retour, cela faisait 1112 pieds, soit 222 passus et demi (328m,80), itum et red(itum) pe(des o CXII), passus) CCXXII (semis) ; 3° si on parcourait cinq fois la longueur, aller et retour, cela faisait 1112 passus (1644 mètres), quinquies it(um et reditunt) efficit pa(ssus) m C'X112. Nous voyons par là qu'Hadrien, en réunissant dans sa villa de Tivoli des réductions de monuments célèbres, se conformait probablement à un usage assez commun; après avoir fréquenté pendant l'hiver les promenades de Rome, le beau monde aimait à en retrouver l'image dans ses jardins pendant l'été; on avait pris l'habitude de parcourir chaque jour une certaine distance; on voulait conserver ses habitudes à la campagne'. Quand on n'avait point de portique, on avait au moins une grande allée ombragée (gestatio), qui pouvait remplir le même office ; on en notait aussi avec soin la longueur, et d'après le même principe'. D'autres inscriptions gravées sur des cippes indiquaient les limites de la propriétés. nous occuperons ici ni du verger (pomarium), ni du potager (hortus olitorius)6, les fruits et les légumes ayant fait ailleurs l'objet d'un article étendu [CIRARIA] 7. La nomenclature des arbres dont l'homme ne tire rien pour sa nourriture (arbores in fructuosae)8 se trouve toute faite dans Théophraste et dans Pline l'Ancien 9 ; ce sont leurs ouvrages qu'il faut consulter directement, si l'on veut avoir un tableau complet des espèces connues des peuples classiques 10. Beaucoup d'arbres qui poussent en Occident à l'état sauvage (arbores silvestres, S,vSpa âypta), tels que le chêne ou le hêtre, pouvaient aussi faire l'ornement d'un jardin. Nous nous bornerons à énumérer les arbres que l'on multipliait pour cet usage avec une faveur particulière, et que Pline appelle arbores mites ou urbaniores (Sivipx rl,.epa)11; presque tous ont été empruntés à l'Asie. Au premier rang il faut mettre le platane (platanes, 7r),erzvoç, 'iraa âv;rroç); on montrait en divers endroits de la Grèce des platanes dont l'origine remontait, disait-on, à l'époque héroïque12. Pourtant il est douteux que, même au temps d'Homère, cet arbre fût commun dans la Grèce propre13 ; du vivant de Théophraste, il était encore rare en Italie". On peut admettre comme certain qu'il était venu de l'Asie, où il a de tout temps fait l'admiration des étrangers par la vigueur extraordinaire avec laquelle il se développe 15. Une fois introduit en Grèce et en Italie, il y devint par excellence l'arbre des promenades publiques et des jardins". Les Romains le considéraient comme le symbole même de la propriété d'agrément; les esprits chagrins déploraient de voir les plantations de platanes (platanones)17 remplacer de plus en plus les arbres productifs 18. Le cyprès (cupressus, zu77 tptaaoç) a dû être apporté d'Asie par les Phéniciens dans l'île de Chypre, puis dans l'île de Crète et de là sur les rivages de la Grèce. Il en est déjà question dans Homère f9. Les Romains savaient très bien que ce n'était pas en Italie un arbre indigène ; il est probable qu'il y vint par la Sicile et par Tarente 2e à une époque peu reculée 2f. Pour les anciens, le cyprès n'était pas seulement, comme pour nous, un arbre funèbre qu'on plantait autour des tombeaux; c'était aussi un arbre d'ornement 22 ; tous ceux qui ont visité les villas des environs de Rome et de Florence savent quel admirable effet il peut produire sous un ciel pur, quand il atteint une hauteur_ considérable. On le plantait surtout à la limite des propriétés n, comme on le fait encore aujourd'hui même dans le midi de la France; outre l'avantage de servir de borne2', il a encore celui de rompre la violence du vent. C'était un de ceux dont on se servait le plus volontiers pour les charmilles HOR 291 HOR et les figures géométriques de l'opus topiarium 1. Dans les premiers temps, lorsque dominait encore le point de vue pratique, les Romains disaient qu'un cyprès était la dot d'une fille; le bois se vendait très bien, on l'employait pour l'ébénisterie et la sculpture; un cyprès, planté dans un jardin à la naissance d'une fille, pouvait plus tard lui rapporter un bon prix2. Le pin (pinus, 7r(7;uç), quoique mentionné déjà dans les poèmes homériques', était probablement à l'origine un arbre exotique comme les précédents, si l'on entend par ce mot, non pas le pin commun (pinus silvestris L.), mais le pin parasol (pinus pinea L.), qui donne un caractère si particulier aux paysages de l'Italie méridionale. Cet arbre pour Virgile était une des plus belles choses qu'on pût voir dans un jardiné. Une plantation de pins (pinetum, 7reruwv), balançant leurs tètes touffues au milieu des airs, faisait l'orgueil d'un riche propriétaire °. Le laurier (laurus, i .cv-), l'arbre d'Apollon, semble être venu de la Lycie et de la Cilicie; il se propagea en Grèce, probablement par le Nord, antérieurement aux temps historiques'. Il formait la principale parure de la vallée de Tempé' ; au temps d'Hésiode il était commun en Béotie 8. Importé en Italie, sans doute par la voie de Rhegium et de Cumes', il gagna peu à peu les parties basses du pays, et au iv0 siècle av. J.-C. il y avait déjà prospéré ". Pourtant les auteurs de l'époque républicaine se rappelaient le temps oti il était inconnu en Corseli. Sous l'Empire, rien n'était plus ordinaire que d'avoir près d'une villa un bosquet de lauriers (lauretum, Sacpvo v) 12. Pline a noté comme particulièrement propre à l'opus topiarium le laurus taxa 13, le fragon (ruscus hypoglossum L.). l'arbre de Vénus, est souvent associé au laurier par les anciens et il a eu en effet une destinée analogue. Il se propagea sans doute de très bonne heure en même temps que le culte de l'Aphrodite orientale. Comme Pline l'a observé, il garda son nom grec dans la langue latine 14 ; la tradition prétendait que le premier myrte que l'on vit en Italie avait poussé à Circéi sur le tombeau d'Elpénorl5, et elle reportait au delà du règne de Romulus le moment où on l'avait acclimaté; quoiqu'il faille en rabattre, on ne peut douter qu'il fût cultivé communément en Italie avant le temps d'Alexandre 16. Caton recommande de planter des myrtes dans les jardins, parce qu'avec leurs feuilles on faisait des couronnes qui se vendaient bien 17. Mais plus tard ce qu'on appréciait surtout dans les inyrteta otiosa", c'était la fraîcheur de leur ombrage; ou bien on les laissait pousser en hauteur, ou bien on les taillait de façon à en former des charmilles19. Le buis (buxus, 7ré;oç) poussait abondamment en Paphlagonie, sur le mont Cytore 2°, dt en Phrygie, sur le mont Bérécynthe21. Il est possible que ces contrées en aient été le premier habitat ,2 ; le nom seul qu'il porte en latin suffirait à prouver qu'il n'était pas indigène en Italie. Sous l'Empire, c'était de tous les arbustes celui qu'on préférait pour les bordures des plates-bandes, pour les haies et pour les buissons taillés de l'opus topiarium 23 Un buxetum tonsile24 était une des parties les plus essentielles du jardin romain. Il est remarquable que l'if (taxas, ati.0 a;), qui joue un si grand rôle dans le vieux jardin français, n'ait pas été mis sur le même rang que les précédents par les topiarii de l'antiquité, d'autant plus qu'il est indigène en Europe. Les Romains lui faisaient bien une place dans leurs jardins 25, mais ils croyaient que la feuille en était vénéneuse et ils le considéraient comme un arbre dangereux, qu'il ne fallait pas trop multiplier26. Au contraire on employait volontiers le romarin (ros marinus, )aema,rriç) pour remplacer le buis, là où celui-ci venait mal27. Parmi les plantes qui rentraient dans la catégorie des urbanae et topiariae, il faut encore mentionner le genévrier (juniperus, ip7reuOoç), notamment l'espèce appelée sabinier (sabina, (3pelu)28 ; l'acanthe (acanthus, xavOoç), dont les belles feuilles, chères aux sculpteurs, étaient d'un heureux effet dans les bordures°°; la cynoglosse (xuvdy),uleeov)30; l'an thyllis (lavis barba)" . La fougère (.3à,-ce;, xaXXl,r(tyoç, 7ro).6-rpcyoç) 32 garnissait les grottes et les lieux humides33; la pervenche (pervinca, zoy.atôz?vrl) décorait les parties basses et ombragées 34 ; le lierre (hedera, xtredç) tapissait les murailles, ou bien on le forçait à courir sur des cordes suspendues entre les arbres et les colonnes, de façon à former des guirlandes35. Enfin on aimait aussi à cultiver dans les jardins les plantes à feuilles odorantes, telles que le basilic (wx; tov) 36, la marjolaine ( s paxoç) 37, l'origan (ôp(yxvoç) 38, la sarriette (satureia) 39 et le thym (0ÛtA,ov)40. Les espèces, que les Grecs et les Romains ont acclimatées chez eux dans les temps historiques, sont en petit ignoré de Théophraste et probablement originaire du Pont", a dû se propager en Europe vers le n° siècle avant notre ère 42 ; à partir de cette époque il a pris rang parmi les plantes d'ornement, mais alors comme aujourd'hui il inspirait une grande défiance au populaire, qui le croyait dangereux pour les animaux'. Les fruits du citronnier, ou « pommes de la Perse » (t1.=q),ov 7rspetrdv ou N.-ri ;z6v, xo 1 ,.rl),ov, citrium), ont été apportés en Grèce comme une rareté vers le temps d'Alexandre [cIBARIA] L4 ; mais l'arbre lui-même ne fut acclimaté qu'au début de 11011 -292HOR notre ère et encore les premiers essais paraissent avoir été assez malheureuxt. C'est seulement au siècle qu'on voit le citronnier jouir d'une véritable faveur auprès des riches propriétaires 2 ; dès lors on le cultiva avec succès, notamment en Sardaigne et sur le territoire de Naples, à la condition de l'abriter sous des portiques bien exposés au soleil et de le couvrir sous des nattes pendant l'hivers. Quant à l'oranger, il n'a fait son apparition en Occident qu'au moyen âge, lorsque les Arabes sont devenus maîtres de la Sicile 4. Sous l'Empire on essaya aussi d'acclimater dans les jardins de Rome certaines espèces de la Judée et de l'Arabie, telles que le cannellier (laurus cassia L.), l'arbre à myrrhe et l'arbre à encens5; mais on ne put en généraliser la culture. D'autres espèces exotiques, montrées comme des curiosités, ne prospérèrent pas davantage en Italie, par exemple l'ébénier (ebenus) et le baume (balsamodendrum L.)7. Ces tentatives doivent être attribuées en grande partie à l'influence des jardiniers orientaux, esclaves des maisons aristocratiques de Rome : les Syriens et les Ciliciens notamment passaient pour très experts dans l'art du jardinages. Mais les espèces dont nous disposons aujourd'hui pour décorer nos parcs et nos habitations sont infiniment supérieures en nombre à celles que l'antiquité classique a réussi à acclimater. Quelques-unes ont été répandues en Europe par l'intermédiaire des Turcs, notamment le marronnier et le laurier-cerises ; d'autres nous sont venues d'Amérique, ainsi le peuplier pyramidal, l'acacia commun (robinia L.), le catalpa, le magnolia, même l'aloès et le figuier d'Inde, qui se sont si bien propagés dans l'Italie méridionale et la Sicile '°. Les peintures de la villa ad Gallinas nous offrent l'image d'un bosquet d'agrément, où sont mêlés sans ordre quelques arbres fruitiers. Sur celle que reproduit la figure 3900, on voit au centre un chêne, à droite un grenadier, à gauche un cognassier; des cyprès et des lauriers complètent le paysage. Sur une autre peinture le centre est occupé par un pin; on y observe aussi un cornouiller, deux dattiers et un arbuste qui peut être un buis ou un myrte. X. LES FLEURS. Les auteurs anciens qui avaient écrit sur les fleurs les avaient classées sous le nom général de ais zvd i.IXTa, coronamenta, parce qu'on les cultivait surtout pour en composer des couronnes [CORONAL] ; d'autres en avaient traité à propos des abeilles, indiquant surtout celles qu'il convenait de multiplier auprès des ruches. Nous n'avons plus les ouvrages spéciaux de Mnésithée, de Callimaque t', d'Andreas 12, de Philonide, d'Apollodore, d'Aelius Asclepiades, de Claudius Saturninus13 ; mais Théophraste" et Pline l'Ancien 15 nous fournissent encore une nomenclature copieuse; Pline surtout, qui a condensé un grand nombre de travaux antérieurs16, doit être ici pris pour guide, si l'on veut avoir une connaissance approfondie du sujet 17. Pendant longtemps, dit cet auteur, les Romains ne cultivèrent presque point d'autres fleurs de parterres que les roses et les violettes". Les fleurs que l'on aimait le plus de son temps sont énumérées par lui dans l'ordre suivant, qui est, d'après son propre témoignage, l'ordre de préférence : la rose, le lis et la violette. La rose (rosa, diov)'s, probablement originaire de la Perse, fut importée en Grèce avant Homère 20 ou un peu après". On ne saurait déterminer avec précision le nombre des espèces que connurent les anciens; les descriptions que nous lisons dans les auteurs sont trop vagues pour nous permettre d'arriver à des identifications certaines. Nous voyons mentionnée la rose dite « à cent pétales » (rentifolia, _az-msT4o)J,x) 22 et la rose blanche23; sur toutes les autres on est en désaccord. On peut assurer cependant que les anciens n'en ont connu qu'un très petit nombre, certains savants disent quatre ou cinq. Théophraste vante pour leur beauté les roses de Philippes en Macédoine2', pour leur odeur celles de Cyrène23. Nicandre donne aussi le premier rang aux roses de Macédoine; il met à la suite celles de Nisée (Mégaride), de Phasélis (Lycie) et de Magnésie (Carie)". Au temps de Pline l'Ancien cette culture s'était développée encore à Alabanda (Carie), à Trachine (Thessalie), à Milet, dans la Campanie et à Préneste (Latium)27. On pourrait aisément grossir cette liste en ajoutant au témoignage des naturalistes celui des autres écrivains, notamment des poètes26 ; on verrait que sous l'Empire il n'y avait point de provinces si lointaines, où la rose ne se ftlt propagée et où elle ne fût considérée comme la reine des fleurs2s. A Samos30. à Paestumsl on était arrivé à faire fleurir les rosiers deux fois par an. Par la culture en serre on obtenait des roses en plein hiver32; ces rosse festinatae33 ou praecoces étaient pour Carthagène (Espagne) une importante source de revenus3". L'Égypte, qui ne connaissait les roses que depuis les Ptolémées, les cultivait avec le plus grand succès, à tel point qu'elle en envoyait à Rome pendant l'hiver; mais sous Domitien les fleuristes du Latium avaient fait eux-mêmes assez de progrès pour se passer de ces envois; Martial assure qu'à leur tour ils auraient pu fournir à l'Égypte des rosae hibernae 3S. Parmi les amateurs les plus passionnés, on cite Verrès, Aelius Verus, Héliogabale, Gallien et Carin 36. Il est à remarquer que dans la description de ses deux villas Pline n'a mentionné aucune autre fleur que les roses 37. On ne s'en servait pas seulement pour en composer des couronnes [CORONAL] ou des guirlandes [SERTA] ; lorsqu'on donnait un festin, on les effeuillait sur les tables ou sur le sol38; les voluptueux en jonchaient leur lit et leur litière 39; on enjetait sur le passage des IHOR 293 HOR cortèges'. Chaque année, de mai à juin, on célébrait, en l'honneur des morts, la fête des roses [ROSALIA, i,prjtrp,o;] ainsi nommée, parce que chaque famille allait répandre des roses sur le tombeau de ceux qu'elle avait perdus; on voit même des particuliers stipuler, en léguant leurs jardins, que les héritiers devront chaque année payer ce tribut à leurs cendres La rose était encore d'un usage courant dans la parfumerie [UNGUENTU;1r] et dans la pharmacie [MEDICAMENTUM]. On en faisait des boissons, des confitures, des bonbons' et jusqu'à des vols-au-vent, où on les mêlait à des cervelles de volaille'. Pour toutes ces raisons un roselu7n (Foôwvcâ, oiouraccv) bien entretenu était d'un excellent rapport. La rose, fleur de Vénus, est souvent représentée sur les monuments de l'art, au milieu des couronnes et des guirlandes'. Les Rhodiens, persuadés que le nom de leur île venait de rdôcv, ont frappé sur leurs monnaies l'image d'une rose 6. Le lis et la violette ont eu la même histoire que la rose. Le lis (lilium, ))Eiptov)7 était consacré à Junon, parce qu'il était né, disait-on, du lait de cette déesse 6; entre autres usages, il servait à faire une huile parfumée, qu'on appelait oleum 1i/iman ou lirinon (i),xwv ),Eipcvcv) ; tantôt on cultivait les lis à part dans des planches spéciales (lilieta), tantôt on les mêlait aux plants de rosiers 9. Sur un statère de Leucade on voit une fleur de lis très nettement figurée derrière la tête d'Athéna 10. La violette (viola, 'lov) chez les Romains jouait un rôle important dans le culte domestique : il y avait un jour dans l'année (dies violae), où l'on allait jeter des violettes sur les tombeaux". Aussi on cultivait cette fleur par grandes masses, peut-être avec plus de faveur encore qu'aujourd'hui : un carré de violettes s'appelait violarium (iwvcâ). Il faut dire aussi que sous le nom de viola les anciens comprenaient non seulement la violette (viola purpurea), mais encore la giroflée (viola alba), la ravenelle, le souci (viola lutea) 12 et la pensée. La rose, le lis et la violette étaient les trois fleurs nobles de l'antiquité. II faut citer ensuite parmi celles qu'on cultivait le plus volontiers dans les jardins le narcisse ï;;p(ov), l'iris (lptç), le pavot (papaver, t.xwv), l'amarante veine (verbena, 14poeotiv-q), l'hyacinthe (ùzxcvOoç) qui n'est pas notre jacinthe, mais une variété de l'iris, etc. 13. La seule fleur que les Grecs et les Romains aient acclimatée dans les temps historiques est le crocus oriental (crocus sativus L.); le plus souvent lorsque les textes classiques mentionnent le crocus (xpdxoç), il s'agit du crocus printanier (crocus vernus L.), ou bien, si l'auteur pense au crocus oriental, il en parle comme d'une plante exotique propre à l'Asie, où on l'exploitait pour la teinture des étoffes 'w. Théophraste distingue nettement les deux plantes l'une de l'autre sous le nom de crocus des montagnes (osElvô;) et de crocus cultivé (rp.Epo;), la première sans odeur, la seconde très odorantei5. De son temps les Grecs avaient déjà acclimaté le crocus oriental à Cyrène, où il venait bien 16; le même essai donna de bons résultats en Sicile 17, mais de médiocres en Italie, quoique les Romains fussent très fiers de l'y avoir introduit". L'Asie Mineure, et notamment le mont Corycus, en Cilicie, resta toujours le centre le plus important de cette culture 19. En somme la flore des anciens paraît assez pauvre si nous la comparons à la nôtre. Le jasmin a été importé par les Arabes; le lilas, la tulipe, la jacinthe, le fritillaire, la renoncule, la balsamine, le mimosa par les Turcs 20; le fuchsia a fait son apparition en Europe au xvile siècle, le camélia et le dahlia au xvnle, l'azalée, l'orchidée, le chrysanthème de l'Inde et de la Chine, le pelargonium plus récemment encore. L'chillet même semble être resté à l'état sauvage pendant toute l'antiquité; il ne faut pas le confondre avec la fleur de Jupiter (flos Jovis dianthus, Atb; xvOo;) 21 qui est l'agrostemma L. 22. Ce n'est qu'à l'époque de la Renaissance que l'ceillet(dianthus caryophyllus L.) est devenu une plante de jardin23. Sur les peintures de la villa ad Gallinas (fig. 3900) nous voyons, au delà de la balustrade, en partant de la gauche, des pavots violets, puis des fleurs rouges qui semblent bien être des roses, des chrysanthèmes blancs, et des cinéraires ou des camomilles jaunes. Devant la balustrade une touffe d'acanthe garnit le pied de l'arbre qui se dresse au centre de la composition; de chaque côté, des iris alternent avec des scolopendres et des plants de viola silvatica 2', Quoique le nombre des espèces cultivées frit très limité, le commerce des fleurs n'en était pas moins rémunérateur, à cause de la grande consommation que l'on en faisait,L5. Les fleuristes ne pouvaient même pas toujours suffire aux demandes ; sous l'Empire, Alexandrie en envoyait beaucoup à Rome 26. Pline prétend que l'amarante d'Égypte, longtemps après avoir été cueillie, pouvait reprendre sa fraîcheur en hiver dès qu'on la trempait dans l'eau 27. On faisait même venir des plantes de l'Inde pour en former des couronnes''-8. Comme suprême ressource, on avait encore en hiver les fleurs artificielles, qu'on fabriquait avec des lamelles de corne 29. G. LAFAYE. HOS 294 HOS