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HY'BRÉOS GItAPHÈ ("Y ei:awç ria,'-,). Les Athéniens
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désignaient sous ce nom une action publique tendant à la répression de l'outrage (Ueptç).
S'il fallait ajouter foi au témoignage du rhéteur qui a composé l'argument du discours de Démosthène contre Midias, le droit attique aurait distingué trois espèces d'injures : 10 l'iiôptç FA. 7r)cr;ytûv, l'outrage par voies de fait, c'est-à-dire les coups portés, non pas pour donner la mort à son adversaire ni même pour le blesser, mais bien pour l'insulter seulement, un soufflet par exemple;
l'outrage par attentat à la pudeur, Upt; ôt' aiazpoupytaç; 3° enfin l'outrage par paroles, l'üôptç ôtx îôywv 1. Cette triple distinction aurait eu, d'après quelques auteurs, une grande importance pratique. Suivant les uns, l'u6pewç ypatp i n'aurait été donnée primitivement que contre 1'éPptç ôt' airZpoupy(aç; la répression des autres injures aurait été poursuivie par d'autres actions2. D'autres admettent l'üôpEwç ypay-.f aussi bien dans le cas d'ii ç ôtx7r)ariywv que dans le cas d'iJeptç ôt' aiaypoucyia; ; mais ils écartent son application dans le cas d'ilgptç ôtâ ),dywv. L'injure verbale n'aurait donné lieu qu'à une action privée, la r.arnyoptaç ôtxe, et encore l'opinion publique se montrait-elle peu favorable aux personnes injuriées qui avaient recours à cette action 3.
Nous sommes enclin à croire que la loi avait prévu l'iJ ptç en termes généraux et autorisé, action publique pour la répression de l'injure dans tous les cas où l'accusateur croyait pouvoir, à raison de la gravité de l'outrage, intenter cette action avec chances de succès. Nous croyons donc que l'u~pewç ypcupi était autorisée, non seulement pour réprimer des faits d'immoralité tels que le viol et la pédérastie, mais encore pour faire punir les voies de fait ayant un caractère outrageant et même d'autres faits qu'il serait difficile de faire entrer dans la classification du rhéteur, si élastique qu'on la suppose.
Ainsi, pour prendre un exemple, on discute chez nous la question de savoir si le fait de cracher à la figure de quelqu'un, de jeter sur une personne de la boue, des immondices ou même de simples confetti, constitue une violence, une voie de fait, ou s'il n'y a pas là uniquement un outrage par gestes. Nous sommes convaincu qu'il y a là une violence, très légère si l'on veut, mais enfin une violence parfaitement caractérisée, et que l'on aurait pu, dans certains cas, lui appliquer sans hésitation les peines de l'iAptç. Mais, en supposant même que l'opinion contraire, qui est celle de notre Cour de cassation eût été celle des Athéniens et qu'ils eussent vu dans ces faits des outrages par gestes, ces faits auraient pu motiver l'Mpsi yp«yti. L'auteur d'un des lexiques de Séguier nous dit qu'il peut y avoir ;Gptç sans coups, ixvtu 7rar,yt;~v 5.
De même, si, en règle générale, l'injure par paroles donnait seulement lieu à la xexr,yoptaç nul, notamment lorsque la victime était un simple particulier, en était-il de même lorsque l'outrage verbal était adressé à un magistrat dans l'exercice de ses fonctions ? II semble bien qu'il y avait alors place pour une action publique
exposant le coupable à la peine de l'atimie. Démosthène met sur la même ligne les coups portés à un archonte revêtu de ses insignes et le fait de lui dire des injures'.
Or quelle aurait été l'action publique applicable à ce délit, si on eât refusé l'ti swç ypaorj 8?
Pourquoi n'aurait-on pas également traité comme le,?iq la séquestration injuste d'une personne? L'auteur de cette séquestration est-il plus digne de faveur que celui qui frappe légèrement un individu qu'il veut offenser?
L'injure, l'outrage résultaient donc, suivant les cas, de circonstances qu'il eût été impossible de préciser à l'avance et il est probable que le législateur s'était borné
à dire : 'E«v Ttç ûGptrr] et; Ttv, comme on peut le lire dans la loi insérée dans le discours contre Midias 9.
D'un autre côté, pour qu'un acte, si répréhensible qu'il fût, rentrât dans l'ti t;, il fallait que l'auteur de l'acte délictueux eût agi avec l'intention d'outrager la victime, de porter atteinte à sa considération. Des tentatives de meurtre, des blessures faites avec préméditation, des violences graves donnent lieu à des actions particulières autres que l'i;ôpsw; ypa?-ti, lorsqu'on ne rencontre pas dans ces faits une idée d'outrage. Un propriétaire, qui s'efforce de recouvrer les choses qui lui ont été volées, est frappé par le voleur ; celui-ci encourra les peines du vol; mais on rie peut pas dire qu'il se soit rendu coupable d'tJ Elç.
11 est vrai que les plaideurs se disaient volontiers outragés et intentaient notre action dans des circonstances où l'idée d'ti 1 n'apparaît pas immédiatement à l'esprit. La veuve du banquier Pasion avait épousé en secondes noces un affranchi de son premier mari. Si grande que pût être la mésalliance, pouvait-on réellement dire qu'elle outrageait la famille ? Et cependant un fils de Pasion, Apollodore, ne craignit pas de s'attaquer à Phormion, le nouvel époux, en formant contre lui une e,pewç ypatpr, f0. Accusait-il Phormion, non pas seulement d'avoir abusé de son ascendant sur Archippé pour la décider à ce mariage, de l'avoir séduite, mais encore de l'avoir violentée? Quelques passages des plaidoyers d'Apollodore permettraient de le croire II. Mais l'accusa tion, ainsi formulée, n'était guère vraisemblable.
L'tJ paw; ypayr, n'était pas d'ailleurs la seule action accordée par le droit attique pour la répression, soit du délit de violences sans provocation, soit de l'attentat à la pudeur. En cas de violences, indépendamment de l'action publique donnée au premier venu pour faire punir le coupable, il y avait deux actions privées mises
à la disposition de la victime, la Pa«ôriç ô(xr, tendant à la réparation pécuniaire du dommage causé par les voies de fait, et l'aixta; ôtxr1 ayant pour but l'application d'une peine. L'admission d'une (3),«er,ç ô(x-rl n'a rien qui puisse nous surprendre. Mais comment expliquer la concession à la victime de deux actions pénales, une action publique et une action privée ? Il est certain que la procédure de l'airtaç ôtx-rl n'était pas la même que la procédure de 1'iitpewç ypanr, ; les deux actions n'étaient pas jugées par les mêmes juges ; les peines prononcées
à la suite de l'aix(; ôtxrl n'étaient pas, en fait, aussi graves que celles auxquelles l'accusé était exposé dans le cas d'ti Eew; ?papi. Mais y avait-il entre les deux actions une différence plus profonde? S'appliquaient-elles bien au même délit? L'opinion qui semble prévaloir aujour
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d'hui est que, si l'üGeg impliquait nécessairement ranimus injuriandi, cet animus n'était pas requis pour qu'il y eût aixfa. En d'autres termes, lorsque le citoyen qui avait reçu des coups se plaignait surtout de l'atteinte portée à son honneur et à sa considération par la violence, il intentait la ypapli i pet,en Lors, au contraire, qu'il se plaignait simplement des coups qui lui avaient été donnés, abstraction faite de toute idée d'outrage à sa dignité, il agissait par l'aïxiaç ôfx7q 1. Nous avons indiqué ailleurs [AIIt1As DIKÈ] les objections que l'on peut faire à cette prétendue distinction 2.
Même en ce qui concerne les attentats à la pudeur, il semble bien que, dans certains cas au moins, la victime avait également le choix entre l'action publique d'injures,
employant cette dernière procédure, la personne outragée évitait en partie le scandale et les dangers inhérents à la mise en mouvement de l'action publique.
Les divergences de vues que nous venons d'exposer sur les caractères constitutifs de l'tMptç, et la difficulté qu'il peut y avoir à concilier des textes en apparence contradictoires, expliquent les nombreuses controverses auxquelles a donné lieu entre les interprètes du droit attique l'SepEteç ypap71. On a d'abord beaucoup discuté le point de savoir s'il y avait sur l'üept; deux lois distinctes, ou s'il n'y en avait qu'une seule, comprenant deux chapitres. Les partisans de la première opinion se sont appuyés sur un passage de Démosthène dans lequel
que, dans d'autres passages, Démosthène parle au singulier de la loi sur l'injure s, qu'Eschine ne semble, lui aussi, connaître qu'une seule loi', et ils ont rectifié
aEri Ti-9V a07ro8uTwv 3. Les uns et les autres s'accordent
d'ailleurs sur ce point que les deux textes offrent des garanties suffisantes d'authenticité, qu'il y a lieu de les maintenir tels qu'ils nous ont été conservés, sans en sacrifier aucun. Ceux qui croient à une seule loi, composée de deux parties distinctes, estiment que le législateur avait prévu, dans chacune de ces parties, un délit différent 9. Le chapitre reproduit dans le discours de Démosthène contre Midias prévoyait l'injure par voies de fait, l'îJ tç Stâ nX-fiy ' ; le chapitre reproduit dans le discours d'Eschine contre Timarque prévoyait l'ü6ptç St' aieypoupy(uç. Chacun des deux orateurs ne s'est occupé que du chapitre de la loi qui était applicable au délit qu'il avait en vue : Démosthène, de l'injure par voies de fait ; Eschine, de l'outrage à la pudeur. Il faut rapprocher les deux fragments pour se faire une idée exacte de la loi.
Les historiens qui admettent l'existence de deux lois successives sur l'tlGptç, expliquent ainsi cette dualité. A l'origine, il n'y eut qu'une seule loi, celle qui est conservée dans le discours contre Midias, loi générale, s'appliquant à tous les outrages, quels qu'ils fussent, sans distinguer
entre le cas où la victime était un enfant et celui où elle était adulte, et autorisant toute personne à intenter contre le délinquant l'üôpEroç ypa:K. Plus tard, sous l'influence du développement de la pédérastie, le législateur jugea nécessaire de promulguer une loi supplémentaire. L'outrage à la pudeur d'un enfant tombait bien sous le coup de la loi générale; mais on laissait facultative la mise en mouvement de l'action publique. La loi nouvelle enjoignit au xtSpto; de tout enfant victime de l'iï ptç St' aïsypoupyfaç d'intenter l'action. C'est cette loi nouvelle, complétant une loi plus ancienne, qui est rapportée dans le discours d'Eschine contre Timarque10. Si imposantes que soient les adhésions données à cette distinction, on ne peut s'empêcher de faire remarquer que dans un
texte on lit : ypatpEa0te b [3ouMp.Evo;, et que dans l'autre il y a ypapir0ce r.dctoç. Les deux formules sont donc
absolument identiques, et cependant l'on attribue à la seconde un caractère impératif que n'aurait pas la première.
D'autres historiens non seulement croient à l'unité de la loi sur l'éoptç, mais encore pensent que cette loi unique n'avait qu'un seul chef. Meier, entre autres, était convaincu que les deux textes cités dans les discours de Démosthène et d'Eschine devaient être rapprochés, réunis, fondus de telle façon qu'ils prévoyaient et répri
maient l'üôp;; St' aisypoupy(nç et ne s'occupaient pas de l'ii t; St , 7r),'riyûv. Utilisant les données fournies par
chacun de ces textes, complétant l'un par l'autre, Meier a reconstitué une loi, qui, à son avis, est bien la loi admise dans le Code pénal d'Athènes 11. Des critiques très sérieuses ont été dirigées contre cette prétendue restauration. Suivant Westermann, les textes de lois intercalés dans le discours de Démosthène contre Midias sont indignes de foi 12. D'après Hermann, la prétendue loi insérée dans le discours d'Eschine contre Timarque offre de si manifestes incorrections qu'on ne peut lui accorder aucune créance 13. Quelle est la valeur d'un texte formé par la combinaison de deux textes suspects? Aujourd'hui, sans méconnaître les singularités que présente le texte inséré dans le discours contre Midias, on est enclin à se prononcer pour son authenticité-Il est en harmonie avec les pensées de Démosthène au milieu desquelles il est inséré ; il pourrait même être intercalé dans le discours d'Eschine ". On ne saurait' en dire autant de la prétendue loi conservée dans le discours contre Timarque. Aussi fait-on le sacrifice de cette dernière, et la rejette-t-on comme une pure imagination de rhéteur".
L'tieFeq se traduisant par des coups, par des violences ou par des voies de fait plus ou moins graves, donnait certainement ouverture à l'action publique, à l'( psaç ypxcp~, lorsque la victime était une personne de condition libre. Mais en était-il de même lorsque l'outragé était un esclave? Sur ce point, il y a eu de vives controverses. La loi, que les grammairiens ont intercalée dans le discours de Démosthène contre Midias, répond
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affirmativement : « Si une personne en outrage une autre, que cette dernière soit un enfant, une femme, un homme, qu'elle soit de condition libre ou de condition servile, tout Athénien, qui a le droit d'accuser en justice, pourra, au moyen d'une ypap'i, accuser le délinquant devant les Thesmothètes' ». Mais on a, nous l'avons vu, opposé une fin de non-recevoir à l'invocation de cette loi, en prétendant qu'elle n'est pas authentique et qu'elle a été fabriquée par les scholiastes. La preuve d'une telle affirmation a-t-elle été fournie? Il est permis d'en douter. Mais, en admettant même que la loi doive être écartée, il y a les déclarations très précises de Démosthène : « Quand même l'outragé est un esclave, l'lli4ewç ypacprl est donnée pour la répression de l'outrage. Elle est donnée parce que la loi a pris en considération non pas la condition de la victime, mais l'acte en lui-même, et, comme cet acte a paru très dangereux pour la république, la loi ne l'a permis en aucun cas, pas même à l'égard d'un esclave'. » L'orateur fait lire le texte de la loi qu'il a en vue et il ajoute: « Vous entendez, citoyens, cette loi philanthropique ('tris yt),avOpn (aç vdi.oç) qui ne permet pas l'u°optç même à l'égard d'un esclave a ». Le témoignage de Démosthène était, s'il faut en croire Athénée, confirmé par Hypéride, dans son discours contre Mantithéos, et par Lycurgue, dans son premier discours contre Lykophron. L'un et l'autre disaient que l'ul7pswç ypaytl était donnée, non seulement contre ceux qui outrageaient des personnes libres, mais encore contre ceux qui outrageaient un esclave 4.
Comment a-t-on pu écarter des témoignages si précis? On a d'abord soutenu que théoriquement il ne peut pas y avoir lAptç lorsque la victime est un esclave. L' eptç implique la volonté de porter atteinte à la considération d'une personne ; or l'esclave ne jouit d'aucune considération juridique; on ne peut donc pas l'outrager légalement. Aristote, lorsqu'il s'efforce de caractériser l'éPptç, suppose que l'injure a été faite à une personne libre. « Frapper un homme libre, dit-il, n'est pas nécessairement une Ueptç ; il faut que les coups aient été portés sans provocation et contrairement au droit» n. Mais il ne paraît pas même supposer que la question puisse être soulevée pour un esclave. Enfin l'on trouve dans le plaidoyer de Démosthène contre Nicostrate un argument sérieux. Nicostrate et son frère Apaturios, pour jouer un très mauvais tour à leur voisin Apollodore, engagèrent un enfant libre qui lui était inconnu à pénétrer dans son jardin et à y arracher des rosiers couverts de fleurs. Ils espéraient qu'Apollodore prendrait cet enfant pour un esclave, mettrait la main sur lui et lui infligerait une violente correction; ce qui leur permettrait d'intenter contre lui l'llepsw; ypxtpr~ 6. N'en résulte-t-il pas que, si l'enfant maltraité avait été réellement esclave, Apollodore n'aurait pas été exposé à cette dangereuse action 7? Le maître de l'enfant aurait eu, tout au plus, contre lui l'action civile en dommages et intérêts. Il n'y a donc pas, dit-on, d'outrages par voies de fait en ce qui concerne les esclaves. Les passages des orateurs qui
admettent en cas de violences sur un esclave l'ugpcw; ypatp-ri ne sont que des tentatives insidieuses pour généraliser l'action publique accordée en cas d'attentat à sa pudeur, d'ûbptç ôi aiczpoupy(aç 6. Les coups portés à un esclave ne seront pas impunis; le maître pourra obtenir la réparation du dommage qui lui aura été causé; mais il aura seulement une action privée, l'aix(aç abc-n ou la part ijç ô(xrl 9. Si spécieuse que soit cette argumentation, elle ne peut pas prévaloir contre la déclaration très précise de Démosthène : « Vous venez d'enténdre cette loi de philanthropie, qui ne permet pas l'll t; même à l'égard d'un esclave ». L'orateur met ensuite en relief la haute valeur de cette loi, admirée des Grecs et des Barbares, qui protège contre les violences des personnes acquises à prix d'argent et qui assure aux Athéniens l'estime et la bienveillance des nations chez lesquelles les esclaves sont habituellement recrutés. Au témoignage de Démosthène se joint cette affirmation de Xénophon que les Athéniens ne permettent pas de frapper les esclaves, et cela par une raison d'ordre social. Si l'usage autorisait un homme libre à frapper un esclave, comme le vêtement des esclaves ne diffère pas de celui des citoyens, il pourrait arriver que des citoyens fussent, par erreur, victimes de violences 10. Il y avait une autre raison, d'ordre également utilitaire, qui a été bien des fois indiquée : dans un État où le nombre des esclaves est de beaucoup supérieur à celui des hommes libres, il faut traiter les esclaves avec bienveillance, ou sinon l'on s'expose à de redoutables insurrections de la classe servile.
Les arguments que l'on essaye de tirer de la Rhétorique
d'Aristote et du plaidoyer de Démosthène contre Nicostrate sont de simples arguments a contrario, qui ne doivent pas prévaloir contre des témoignages très affirmatifs. Aristote dit qu'on se rend coupable d'ûôptç en frappant un homme libre. Est-il légitime d'en conclure qu'on peut impunément maltraiter un esclave? Lors même qu'Apollodore aurait infligé une correction manuelle à l'enfant de condition libre qui dévastait son jardin, aurait-il été beaucoup plus exposé à des poursuites que si l'enfant eût été un jeune esclave? Il pouvait dans ce dernier cas espérer que personne ne demanderait la punition des coups donnés à l'enfant ! Mais les parents de l'enfant libre pouvaient-ils croire qu'une ypa q i ccoç réussirait contre celui qui s'était borné à défendre ses fleurs contre une destruction illicite ? Dans un pays où la vie et l'honneur d'un esclave étaient protégés de la même manière que la vie et l'honneur d'un citoyen ", il n'était certainement pas permis de se livrer à des violences contre un esclave innocent. La loi athénienne, qui avait édicté des prescriptions de nature à empêcher les abus de pouvoir du maître sur son esclave, n'avait pas laissé impunis de mauvais traitements appliqués à l'esclave d'autrui i2.
L'action tendant à la répression de l'66pt; était une action publique. Démosthène le dit à plusieurs reprises : tout Athénien qui n'est pas dans un cas d'incapacité légale peut valablement l'intenter : ypxpécOw
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la raison ; l'outrage tombe aussi bien sur la République que sur la personne qui a été outragée. Voilà pourquoi la loi ne s'inquiète pas de la condition de la victime; peu importe qu'elle soit esclave ou de condition libre. C'est l'acte lui-même que le législateur considère, et, comme il n'y a rien de plus difficile à endurer qu'un outrage, il n'y a rien que l'on doive réprimer plus soigneusement.
L'uôpEw; ypa?-oj rentrait dans l'hégémonie des Thes
mothètes'. Si l'on admet l'authenticité de la loi intercalée dans le discours de Démosthène contre Midias, les £ uoç ypxcpxf auraient été assimilées aux Ëvurivot fxxt, c'est-à-dire que l'instruction devait être rapidement conduite et le jugement prononcé dans un laps de temps n'excédant pas un mois'. Le même texte autorise à penser que la détermination de la peine à appliquer à l'accusé avait lieu immédiatement après le jugement qui l'avait déclaré coupable (7rapayp-~ua), c'est-à-dire sans qu'un second débat contradictoire pût s'engager entre l'accusateur et l'accusé'.
La peine de l'u~ptç avait été laissée à l'arbitraire des juges. Ce pouvait être une peine afflictive allant jusqu'à la mort Mais ce pouvait aussi n'être qu'une peine infamante comme l'atimie 6. Les juges tenaient compte des circonstances de l'outrage, de la dignité de la personne outragée, du lieu où le délit avait été commis, du but que le délinquant avait poursuivi'.
Aucun texte ne nous dit qu'il y eût un délai spécial imparti pour la mise en mouvement de l'uopEwç ypa ~l. Ce qui est certain, c'est que, même après la mort de la victime, la poursuite était encore possible. Euctémon, sous l'influence du trouble que lui avait causé un outrage, s'était donné la mort. L'orateur Sophocle, plaidant contre l'auteur de l'tJ t;, déclare qu'il ne requerra pas une peine moindre que celle qu'Euctémon, s'il vivait encore, aurait demandée 8.
Les anciens rhéteurs connaissaient un assez grand nombre de discours composés par les plus illustres des
orateurs athéniens à l'occasion d'ugiFEwç ypa?ccf 2. Ils
citent notamment un discours d'Antiphon relatif à un outrage dont un enfant de condition libre avait été victimetd ; un discours de Lysias contre Kalliast' ; un discours contre Sostratos, attribué, avec hésitation, au même orateur f2 ; un discours contre Dioklès, qu'un grammairien attribue à Lysias 13, et qui doit être d'Isée" ; un discours contre Dorothéos, rangé par les uns dans les plaidoyers d'Hypéride, par d'autres dans les oeuvres de Philinos"; un discours de Dinarque contre Proxénos1e, etc. Mais aucun de ces discours n'est arrivé jusqu'à nous. Le discours de Lycurgue contre Lykophron,
que les anciens semblaient rapporter à une UapEO,ypatFti 17, a été en réalité composé pour une EISAIVGE.IA. La défense de l'accusé fut présentée par Hypéride et a été retrouvée, en partie, dans des papyrus égyptiens; elle ne laisse aucun doute sur ce point qu'une Eirsxyyu),fa avait eu lieu contre Lykophron 18. E. CAILLEMER.
HYBRISTIIiA (`YTFtt7Ttxx). Fête qui se célébrait à Argos à la néoménie du mois Hermaios et où les deux sexes échangeaient leurs vêtements'; on l'appelait aussi (1vSuu.17ta) par suite de cet échange de costumes'. La légende racontait qu'elle avait été instituée en mémoire de la vaillance montrée par les femmes d'Argos, quand, sous la conduite de la poétesse Télésilla, elles avaient repoussé les Lacédémoniens conduits par Cléomène3; on ajoutait qu'à la suite de cet événement une statue avait été élevée, représentant Télésilla munie des attributs de la poétesse et de la guerrière', et que depuis lors Arès était devenu le patron spécial des femmes d'Argos 5. L'exploit de Télésilla est historiquement fort douteux 6; il est remarquable, en effet, qu'Hérodote, voisin des événements, ne parle pas de ce fait en racontant la guerre de Cléomène contre les Argiens, et cite seulement un oracle obscur où il est est question de victoire des femmes sur les hommes, oracle dont le souvenir a bien pu contribuer à la naissance de la légende.
Quoi qu'il en soit, quand même l'intervention de Télésilla dans les faits de la guerre aurait été réelle, il est certain, comme l'a démontré 0. Miller', que, d'après la description même de Pausanias, la figure qui lui fut montrée comme celle de Télésilla retraçait le type bien connu de Vénus prête à s'armer et regardant son casque, et que la fête des Hybristica avait un caractère religieux, une origine étrangère à un fait historique, et sans doute bien antérieure à la poétesse dont la légende y mêlait le nom. Elle se rattachait, en effet, aux mêmes idées symboliques que le bizarre usage qui obligeait les mariées d'Argos à mettre une barbe postiche dans la nuit de leurs noces 8. De plus, on célébrait des fêtes pareilles, où les femmes prenaient les habits des hommes et les hommes ceux des femmes, à Tégée 2, à Byzance 10, à Gynécopolis de Phénicie ", et dans toutes ces localités, pour en expliquer l'origine, on avait forgé des légendes pareilles à celle d'Argos.
On ne peut douter que des fêtes de ce genre n'aient eu pour objet d'honorer des divinités considérées comme
androgynes [IERMAPHRODITUS], divinités dont les adora
teurs imitaient la nature par leurs bizarres échanges de costumes 72. C'est la raison que donnait formellement Philochore, d'après Macrobe ", pour expliquer le sens des cérémonies analogues qui avaient lieu à Athènes en
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l'honneur de la Lune, quod eadem et mas aestimatur et
foemina'. F. LENORMANT.
IIYDRARGYIIUM ("Apyurogyurd;;1, ekcietupo; 2, argentum
vivant 3) mercure ou vif-argent. La connaissance de ce métal doit être à peu près aussi ancienne que celle du cinabre [cINNABABIS] et de l'argent, dans les mines desquels on le trouvait quelquefois à l'état natif'. Mais comme il ne se rencontrait qu'en petite quantité 5 il fut presque toujours préparé artificiellement. C'est le mercure natif qui est spécialement désigné, chez Pline l'Ancien, par les mots argentum vivum6. Parmi ses propriétés, la facilité avec laquelle il se divise en gouttelettes' et s'amalgame avec l'or 8 avait frappé l'attention; on avait remarqué que c'était un liquide qui ne mouillait point (lubrico humore compluere) et que tous les corps surnageaient à l'exception de l'or 9; son action toxique et délétère était connue 10, mais on ne parait pas avoir observé sa solidification par le froid 11
Les anciens n'ont vraisemblablement connu que deux minerais de mercure ; le cinabre, que les Latins appellent couramment minium i2, et une sorte de mercure argentai ou amalgame naturel d'argent, de la masse duquel suintait du mercure 13. Mais c'est du cinabre qu'on le tirait, car, dans les trois procédés de préparation qui nous sont parvenus, il n'est question que de ce corps.
Le premier de ces procédés, signalé par Théophraste et par Pline d'après cet auteur, doit avoir été inexactement rapporté ; en tout cas, il ne pouvait donner de bons résultats : il aurait consisté à broyer le cinabre en présence du vinaigre avec un pilon de cuivre dans un mortier de même métal 14. Dans un autre procédé, indiqué par Vitruve, les blocs de minerai (glebae) étaient soumis au grillage dans un fourneau, dont la disposition n'est pas décrite, et la vapeur (fumus) qui s'en dégageait sous l'influence de la chaleur était du mercure ; celui-ci se déposait, en un état de division extrême, sur le sol du fourneau ; les gouttelettes, à cause de leur ténuité, ne pouvant être recueillies facilement, étaient balayées dans un récipient plein d'eau où elles se rassemblaient en une seule masse liquide. Il semble, d'après les expressions de Vitruve, que le minerai n'était pas porté à une haute température f5. Au contraire, dans la troisième méthode, dont nous devons la description à Dioscoride et à Pline, le cinabre était réduit en vase clos par une assez forte chaleur, au moins d'après Pline. On
le mettait dans une coquille (xiyo6, concha) de fer que l'on plaçait dans un bassin en terre (itt Io7`xaoXE Lai„ patinis flctilibus), auquel s'adaptait une sorte de chapiteau U ip.et„ ealix), qu'on lutait avec de l'argile. Le feu allumé sous cet appareil était activé continuellement avec un soufflet 16. Les vapeurs de mercure se condensaient dans le chapiteau où on les recueillait. Comme ce métal attaquait la plupart des matières, on le conservait principalement dans des vases de verre 17.
Naturellement le mercure avait la même provenance que le cinabre : on le tirait, comme celui-ci, en majeure partie d'Espagne; il en venait peut-être aussi des envi
rons d'Éphèse, de Colchide, de Carmanie et d'Éthiopie"Usages. La propriété qu'a le mercure de s'amalga
mer facilement avec l'or et de s'en séparer fut utilisée pour l'affinage de ce métal, pour recueillir l'or tissu dans les étoffes et pour la dorure du cuivre et de l'argent.
Afin d'isoler l'or contenu dans un minerai, on enfermait celui-ci (vraisemblablement après l'avoir broyé ou concassé très fin) dans un vase de terre avec du mercure et on les secouait ensemble. L'or et le mercure s'unissaient, toutes les matières étrangères restant en dehors de l'amalgame. On mettait ensuite ce dernier dans des nouets de peau souple, à travers laquelle on faisait transsuder le mercure; l'or demeurait dans la peau 19. Les étoffes tissues d'or étaient-elles usées et hors de service, on les brûlait dans des vases de terre ; la cendre était versée dans de l'eau, puis on ajoutait du mercure qui s'emparait des parcelles d'or. L'eau une fois jetée, l'amalgame était pressé dans un nouet de tissu (pannus) 2e. A cela se bornent les renseignements des anciens ; il est à peine besoin de faire observer que ce qui restait dans la peau ou dans le tissu n'était pas de l'or pur, mais un amalgame plus ou moins mou qu'il était nécessaire de chauffer pour volatiliser le mercure 21.
La dorure du cuivre et de l'argent au mercure était assurément pratiquée dans l'antiquité 22. Nous ne pouvons dire exactement comment on l'exécutait, car la description du procédé que nous devons à Pline est très obscure et incomplète. On y démêle seulement que le cuivre à dorer était soumis à une série d'opérations qui annoncent le recuit, le dérochage et le décapage de l'industrie postérieure, puis que sa surface bien nettoyée était amalgamée avec du mercure et que l'on y appliquait des feuilles d'or [BRACTEA] peut-être amalgamées elles-mêmes (argento vivo inductas) 23
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Le procédé de dorure de l'argent ne devait pas différer sensiblement de celui-ci. Mais Pline omet de dire qu'il est nécessaire de chauffer la pièce de métal ainsi traitée pour la débarrasser du mercure et ne laisser à sa surface qu'une couche d'or alliée au métal sous-jacent.
D'après un passage d'Aristote, Dédale aurait utilisé la fluidité et la mobilité du mercure pour faire mouvoir une statue d'Aphrodite, dans l'intérieur de laquelle il en avait
organum hydraulicum ».Orgue hydraulique, instrument de musique dont l'invention est attribuée à Ctésibius d'Alexandrie, qui vivait sous Ptolémée Evergète Ior (247
2'2 av. J.-C.)3. Vitruve raconte 6 comment le célèbre mé
canicien découvrit le principe de l'orgue hydraulique. « Voulant, dit-il, suspendre un miroir dans la boutique de son père, qui était barbier, de telle façon que, quand ce miroir monterait ou descendrait, une corde invisible fit mouvoir un poids, il disposa l'appareil de la manière suivante. Il fixa un tube de bois au-dessous d'une poutre et y installa des poulies; il fit descendre par ce tube une corde fine sur un coin (de la pièce) et là il établit des tuyaux, dans lesquels il fit descendre au moyen de la corde une balle de plomb. Alors, comme le poids, en descendant dans le passage étroit des tuyaux, pressait l'air et le condensait, et grâce à sa chute violente à travers ces gorges, en chassait l'air condensé par la compression vers l'air libre, par ce choc et ce contact, il produisait un son clair. Ayant donc observé que le contact de l'air et sa compression faisaient naître des sons, c'est de ce principe qu'il partit pour construire, le premier, des appareils hydrauliques. » Tertullien attribue l'invention de l'orgue au célèbre mécanicien Archimède; mais c'est là un témoignage isolé. Rappelons toutefois qu'un tex Le de Zosime' mentionne Tâ 7[vEU
s.xttX 'Ap ft1s.3Bouç. Pline l'Ancien, énumérant les hommes
qui se sont le plus illustrés dans les sciences et les arts, cite comme tel Ctésibius « pneumatica ratione et hiydrauliris organis repertis 8 » ; mais dans ce passage les mots hydraulicis organis désignent sans doute la généralité des appareils dans lesquels intervient l'action de l'eau. On a cherché l'origine de l'orgue dans la syrinx polycalame 3,
dans les flûtes utriculaires (cxaunct) 15 [UTRICULARIUS];
mais il est probable que ces divers instruments ont une origine tout à fait distincte. Lampride 11, saint Augustin 12, Cassiodore 13 et Boèce sont les plus anciens auteurs qui emploient le mot organum dans le sens absolu d'orgue. « ... Ut sont citharoedi, écrit Boèce fa, quique organo caeterisque musicae instrumentis artificium probant. » Polluxf5 distingue le petit et le grand orgue, le premier, mû au moyen d'un simple soufflet que manoeuvre un jeune garçon : c'est l'orgue pneumatique, dit aussi orgue portatif; le second, l'orgue hydraulique, dans lequel l'eau comprimée joue à peu près le même rôle
que la charge des réservoirs dans l'orgue moderne 16, Comme ces deux sortes d'instruments reposent sur le même principe quant à la production du son, nous ferons entrer dans le présent article tout ce qui concerne l'orgue pneumatique aussi bien que l'orgue hydraulique 17.
ORGUE I1YDIIAULIQUE. Un traducteur de Vitruve a
écrit 18 : « Quelle figure pourra jamais faire connaître la véritable forme des orgues anciennes? » On doit avouer que les deux principales descriptions qu'en ont laissées Héron d'Alexandrie et Vitruve sont insuffisantes pour nous donner une idée parfaitement claire de leur mécanisme 19. Nous allons du moins demander à ces descriptions tout ce qu'elles peuvent donner. Elles ont évidemment pour origine celle que Ctésibius rédigea dans son Traité de l'hydraule, cité par Athénée 20, mais dans une certaine mesure elles se complètent l'une l'autre. Nous recueillerons ensuite quelques indications supplémentaires chez divers auteurs qui ont Louché la question en passant. L'histoire des sciences mécaniques est encore si peu définitive qu'on en est encore à se demander si Héron est antérieur ou' postérieur à Vitruve, c'està-dire au siècle d'Auguste. M. Paul Tannery croit, avec M. Carra de Vaux, qu'il vécut après Pline l'Ancien, mort en l'an 79 de notre ère. On l'a dit longtemps disciple de Ctésibius. Voici le chapitre de ses Pneumatiques consacré à notre sujet 21
Pneumatiques d'Iléron d'Alexandrie, chap. LXVI (vulgo
1. I, ch. XxuI) : Construction de l'orgue hydraulique
(fig. 3910, 3911). « Soit AA un coffre22 d'airain contenant
IIYD -343 ---
de l'eau ; soit encore un hémisphère creux renversé qu'on appelle étouffoir (7:Vtysuc) ZIIO, laissant un passage pour l'eau tout autour de son fond, et du sommet duquel deux tubes, mis en communication avec lui, s'élèvent au-dessus du coffre. L'un de ces tubes, IIKAM, se recourbe vers l'extérieur du coffre et communique avec un corps de pompe NEOII, dont l'ouverture est en bas et dont la surface intérieure est alésée (polie), de manière à recevoir un piston PE, qui doit joindre très exactement, pour ne point laisser passer l'air. A ce
piston doit être fixée une très forte tige TY' (fig. 3910), à laquelle est adaptée une autre tige Y' h mobile autour d'une goupille en T. Cette tige basculera sur une tige verticale ffX solidement fixée. Sur le fond' du corps de pompe
(pyxide) NEOII on place une autre petite pyxide t qui communique avec lui et qui est fermée à sa partie supérieure par un couvercle percé d'un trou, de manière à permettre à l'air de pénétrer dans le corps de pompe. Sous le trou de ce couvercle et pour le fermer, on dispose une plaque mince soutenue au moyen de quatre chevilles qui passent à travers des trous et qui ont des têtes, pour empêcher la plaque de" tomber. On nomme cette plaque platysmation (soupape). Sur l'hémisphère ZH s'élèvera l'autre tube ZZ' 2 communiquant avec un tube transversal A'B' (fig. 3912) «sommier) sur lequel s'appuient des tuyaux communiquant avec lui et ayant à leur partie inférieure comme des embouchures de flûte qui communiquent elles-mêmes avec ces tuyaux et dont les orifices sont ouverts. En travers (de la rangée) de ces orifices, on fera glisser des couvercles percés d'un trou (registres) de telle manière que, lorsqu'on voudra faire avancer les couvercles, leurs trous correspondent aux orifices des tuyaux, et que, quand on les fera reculer, la correspondance n'existant plus, les tuyaux soient fermés. Si maintenant on fait basculer de haut en bas, en 't', la tige transversale 1 i), le piston Pl en s'élevant comprimera l'air contenu dans le corps de pompe NEOH, et cet air fera fermer l'ouverture de la petite pyxide SZ, au moyen du platysmation décrit plus haut. II traversera alors le tube MAKII et passera dans l'étouffoir, puis, de l'étouffoir, dans le tube transversal A'B' par le tube et enfin, du tube transversal, il passera dans les tuyaux quand leurs orifices correspondront aux trous des couvercles, ce qui aura lieu lorsque tous les couvercles ou seulement quelques uns d'entre eux auront été poussés en avant. Pour que, lorsque nous voudrons faire résonner certains tuyaux déterminés, leurs orifices soient. ouverts, et pour qu'ils soient fermés quand on voudra faire cesser le son, nous établirons la disposition
V.
suivante: Considérons isolément une des embouchures, yô (fig. 3912) et ô son orifice, s le tuyau de communication, pc le registre qui s'y ajuste et qui a un trou, lequel, pour le moment, ne coïncide pas avec le tuyau s. Soit
maintenant un système articulé composé de trois tiges -0-1j.a-µg, dont l'une, 0, sera fixée par un bout au couvercle pe, et par l'autre à la tige IL' mobile autour d'une goupille centrale p.r. On voit que si nous abaissons avec la main l'extrémité lig du système vers l'orifice if de
l'embouchure donnée, nous ferons avancer le couvercle vers l'intérieur, et lorsqu'il y sera engagé, son orifice coïncidera avec l'orifice du tuyau. Maintenant, pour que, lorsque nous ôterons la main, le couvercle soit automatiquement ramené vers l'extérieur et fasse cesser toute communication avec le tuyau, on emploiera le moyen que voici. Au-dessous des embouchures on établit une tringle µs-p.' égale en longueur et parallèle au tube AB', à laquelle on fixe des lames de corne solides, recourbées, telles que la lame p. qui se trouve en face de l'embouchure ya. Une cordelette est fixée au bout de cette lame en corne et va s'enrouler autour de l'extrémité 0, de telle sorte que la cordelette soit tendue quand le couvercle est ramené vers l'extérieur. Si alors nous abaissons l'extrémité p.e du système articulé et que nous fassions ainsi avancer le couvercle vers l'intérieur, la cordelette tirera sur la lame de corne, de sorte que la courbure de celle-ci se redressera; mais dès que nous lâcherons [.e, là lame courbe, 'en reprenant sa position primitive, tirera le couvercle en arrière, d'où suit que son orifice fera cesser la communication. Cette disposition étant établie pour chacune des embouchures, on voit que, lorsque nous voulons faire chanter l'un des tuyaux, nous abaissons avec les doigts les petits systèmes articulés qui leur correspondent chacun à chacun, et que, quand nous voulons faire cesser la résonance, nous n'avons qu'à lever les doigts et qu'alors ce résultat sera obtenu par le recul du couvercle. On verse de l'eau dans le coffre, afin que l'air qui est chassé du corps de pompe NEOII puisse, quand il est surabondant, faire monter l'eau contenue dans l'étouffoir et que les tuyaux puissent ainsi chanter sans interruption, Le piston PE, quand il est élevé, chasse l'air du corps de pompe dans l'étouffoir, comme on l'a dit; puis, quand il est abaissé, ouvre le platysmation de la petite pyxide. Par ce moyen le corps de pompe est rempli par l'air venu du dehors, que le piston relevé de nouveau chasse encore dans l'étouffoir. Il y a avantage à rendre la tige 'l'Y mobile en T autour d'une goupille et à fixer au fond du piston une bride à travers laquelle on devra faire passer cette goupille, afin que le piston ne puisse pas dévier, mais qu'il monte et descende d'aplomb. » Héron décrit ensuite un appareil dans lequel le piston est mû, non plus par l'action d'un homme, mais au moyen d'un moulin à vent dont les ailes font tourner un axe qui porte un disque armé de dents espacées. Chacune de ces dents, en rencontrant le piston, le fait
40
HYD 3i HYD
monter au moyen de deux tiges articulées, puis livré à lui-même, le piston redescend et le corps de pompe se remplit d'air. Aucun monument ne nous donne la représentation de cette sorte d'orgue. Nous renvoyons à la restitution de M. de Rochas'.
Passons maintenant à la description de Vitruve. Nous nous sommes aidé, pour la traduire, du livre de W. Chappell', qui a mieux que personne apprécié à leur valeur les explications lumineuses d'Isaac Vossius et avec lequel s'est souvent rencontré M. Clément Loret, organiste , profes
seur à l'École de musique religieuse, dans ses Recherches sur l'orgue hydraulique. Nos figures sont empruntées à ce dernier travail'. M. Maufras n'a pas joint de figure à sa traduction, mais on pourra lire avec profit, dans ses notes
un tableau comparé des parties de l'orgue hydraulique et de celles des orgues modernes.
Vitruve, sur l'architecture, livre X, Les orgues hydrauliques. « Je ne
manquerai pas d'exposer la théorie des hydraules aussi brièvement et avec autant de précision que possible. On installe sur une hase en matière dense (1) une caisse en airain (2) (fig. 3913). Sur cette base, à droite et à gauche s'élèvent deux règles agencées comme les montants d'une échelle, entre lesquelles sont renfermées des barillets (3) (corps de pompe) en airain G. Des pistons mobiles (4) finement travaillés au tour portent des bras en fer fixés à leur centre et reliés par des charnières avec des leviers... (Ces pistons) sont enveloppés dans des peaux encore pourvues de leur laine'. A la surface supérieure (des corps de pompe) sont percés des trous d'environ
trois (travers de) doigts
(de diamètre ). Tout
G9-, e= près de ces trous, des
:. -®: -~ dauphins en airain (5)
_® .~ .~ _ placés sur les leviers
~..,~..9-®...® ® soutiennent des cym
l~ hales 8 qui pendent
° u après des chaînettes disposées au-dessous des trous des corps de
pompe. Dans l'intérieur de la caisse, là où l'eau est tenue en suspension, il existe un étouffoir (tvtyu)) semblable à un entonnoir renversé (10), au-dessous duquel sont posés
des tasseaux hauts d'environ trois (travers de) doigts qui maintiennent l'espace inférieur compris entre les bords de l'étouffoir et le fond de la caisse. Une petite caisse (8) ajustée sur le col de la grande caisse supporte la tête de la machine. Cette petite caisse se nomme en grec xxvisv F.ournxd, 9. Dans le sens de sa longueur, il y a quatre canaux (cavales), si (l'instrument) est tétracorde, six, s'il est hexacorde, huit, s'il est octacorde (11) (fig. 3914). Chaque canal a un robinet avec une clef en fer (12). Lorsqu'on tourne cette clef, le robinet ouvre à l'air un passage qui va de la petite caisse dans les canaux.Pour chacun de ces canaux le canon musical a autant de trous percés transversalement, qui correspondent à des orifices pratiqués sur la table supérieure, nommée en grec
table et le canon sont introduites des réglettes (14) percées pareillement et huilées pour qu'on puisse aisément les faire avancer et reculer (fig. 3915). Ces réglettes servent à fermer les trous;
on les appelle plinthides (alias pleuritides), et leur va-etvient tantôt ferme, tantôt ouvre les orifices. Les réglettes ont des ressorts fixes (15) communiquant avec des marches (16) dont le toucher produit le mouvement de ces réglettes. A la partie supérieure de la table sont pratiqués des trous pour la sor
tie du vent hors des tuyaux (17). A ces trous sont soudés des anneaux dans lesquels les bouts de tous les tuyaux sont engagés. Des tubes(7) sortant des corps de pompe sont en communication immé diate avec le col de l'étouffoir et en parfait contact avec les conduits qui plongent dans la petite
caisse (8). Il y a dans
ces conduits des forets (9) travaillés au tour et disposés de façon à ce que, lorsque la petite caisse reçoit le vent, ils l'empêchent de ressortir en fermant les trous. Lorsque les
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leviers sont élevés, les bras font descendre les pistons jusqu'en bas des corps de pompe, et les dauphins fixés après les petits leviers, en laissant tomber les cymbales sur le trou, remplissent d'air l'espace laissé libre (par les pistons) dans les corps de pompe; puis les bras en faisant remonter les pistons contenus dans les corps de pompe, par des poussées fréquentes et violentes et en fermant les trous placés au-dessus des cymbales, forcent l'air emprisonné ainsi, par des pressions, à entrer dans les tubes, par lesquels il se précipite en masse dans l'étouffoir, et par la partie supérieure de celui-ci dans la grande caisse. Ensuite, par un mouvement plus violent des leviers, le vent comprimé va dans les orifices des embouchures et remplit d'air les canaux. Et alors, quand les marches, touchées par la main, poussent en avant et ramènent continuellement les réglettes en alternant la fermeture et l'ouverture des trous, elles produisent des émissions sonores suivant les règles de la musique par la variété multiple des sons. »
Une comparaison entre les textes d'Héron et de Vitruve nous entraînerait trop loin, et nous nous bornerons à signaler, sur ce point, les explications données par Græbner, W. Chappell, A. de Rochas et Cl. Loret.
La plus ancienne description partielle de l'hydraule est rapportée par Athénée'. Un des convives de son Banquet des savants, le musicien Alcide, s'exprime en ces termes : « Quant à l'instrument nommé hildraulis, qu'il soit, si vous le voulez à cordes tendues ou à vent, il a eu pour inventeur un de nos Alexandrins, barbier de son état, qui s'appelait Ctésibius. Aristoclès 2, dans son livre Sur les choeurs, parle ainsi de cet instrument. On se demande si l'hydraulis appartient à la classe des instruments à vent ou à cordes tendues. Aristoxène ne l'a pas connu; mais on dit que Platon a eu quelque idée de sa construction, ayant construit une horloge de nuit semblable à l'orgue hydraulique, c'est-à-dire une grande clepsydre. En effet, l'orgue hydraulique paraît être une sorte de clepsydre. Il ne serait donc pas à cordes tendues ni à percussion, mais devrait peut-être être qualifié instrument à vent, attendu qu'il est rempli d'air au moyen de l'eau 3. En effet des tuyaux sont remplis d'air au moyen de l'eau que pousse un jeune garçon ", et comme des conduits traversent l'appareil, les tuyaux ainsi pleins de vent rendent un son harmonieux. L'instrument ressemble à un autel circulaire. Il fut inventé, dit-on, par le barbier Ctésibius alors qu'il habitait Aspendia sous le roi l:vergète 6. On ajoute qu'il a joui d'une grande renommée et qu'il eut pour élève sa femme Thaïs. Typhon, au livre III de ses Dénominations, ouvrage relatif aux flûtes et autres instruments de musique, dit que Ctésibius le mécanicien a composé un Traité de l'hydraulis, mais je ne sais s'il ne s'est pas mépris sur le nom .»
L'auteur, quel qu'il soit, du poème de l'Etna 7 a comparé les éruptions volcaniques, d'abord au jeu d'une espèce de trompette nommée triton qui rendait des sons
sous la pression de l'eau, puis à celui de l'orgue hydraulique. Ses vers nous montrent l'eau du réservoir poussée par l'air qu'on y introduit, refoulant à son tour l'air compris entre cette eau et la partie supérieure du réservoir.
Vient ensuite Pollux o, qui mentionne rapidement l'hydrauhs, « instrument qui ressemble à une syrinx ou flûte de Pan en airain, renversée sens dessus dessous, remplie d'air par la partie inférieure, soit au moyen de soufflets, quand il est de petite dimension, soit au moyen de l'eau comprimée qui chasse de l'air ». Cette flûte, ajoute Pollux, émet plusieurs sons et l'airain dont elle est fabriquée augmente l'intensité de sa résonnance. Les mots «vaOXiGoti.év mal interprétés ont fait dire' que, dans l'opinion de cet auteur, « c'était l'eau réduite en vapeur par le feu qui faisait vibrer les tuyaux ». Cette erreur eut déjà cours au moyen âge sous la plume du chroniqueur Guillaume de Malmesbury 10
Tertullien a décrit succinctement, mais en termes expressifs le mécanisme compliqué de l'orgue hydraulique, tel qu'il existait au nie siècle de notre ère. Nous citerons le texte même : une traduction en ferait perdre toute la saveur. « Specta portentosam Archimedis munificentiam, organum hydraulicum dito, tot membra, tot partes, tot compagines, tot itinera vocum, tot compendia sonorum, tot commercia modorum, tot acies tibiarum, et una moles erunt omnia. Sic et spiritus qui illic de tormento aqule anhelat non ideo separatur in partes, quia per partes administratur, substantia quidem solidus, opera vero divisus. » Faut-il admettre, avec Graebner'2, que Tertullien parle d'un orgue perfectionné qui comportait plusieurs jeux? Ce témoignage, ainsi interprété, confirmerait la traduction du mot canales, chez Vitruve, que nous avons admise après d'autres, mais qui a été souvent controversée.
Un poète, ou plutôt un versificateur latin, Publius Optatien Porphyre, exilé par l'empereur Constantin, obtint sa grâce, vers 3'21, pour lui avoir adressé un panégyrique13 composé de vingt-six pièces de vers de l'ordre des « carmina figurata ». Les numéros '1 et `?3 de ce singulier recueil'" sont disposés sur deux colonnes, séparées l'une de l'autre par ce vers, écrit dans l'intervalle :
Chaque vers de la première colonne est composé de dix-huit lettres. Les vingt-six hexamètres de la seconde colonne se suivent en s'augmentant chacun d'une lettre, de sorte que le dernier a vingt-cinq Iettres de plus que le premier, qui lui-même en a vingt-cinq. En inclinant l'écriture vers la droite, on voit la représentation d'un orgue dont les tuyaux vont en s'augmentant, et les touches sont figurées par les petits vers égaux. Le vers transversal occupe la place du porte-vent. Les treize derniers vers décrivent l'orgue hydraulique : « Cette forme sera très apte à rendre des chants variés et s'élè
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vera, féconde, par des degrés sonores en airain creux, avec des chalumeaux d'une grandeur croissante et disposés avec art. La main du musicien, à l'aide des plectres (des touches) bien équarris, ferme et ouvre en cadence des passages à l'air et produit des accords suivant un rythme agréable. Par-dessous et cachée, une masse d'eau bouillonne sous l'action d'un vent rapide qu'agite à coups redoublés le travail régulier et alterné de jeunes garçons, et qui croit par la résistance. Cette eau procure un accord réglé sur la musique, approprié aux paroles, et qui pourrait, au moindre mouvement, correspondre avec les plectres ouverts, touchés coup sur coup, ou finir à propos sur des chants tranquilles, et dès lors effleurer tout le clavier suivant les lois du mètre et du rythme t ».
Quelques vers de Claudien t nous apprennent qu'à la fin du Ive siècle le toucher de l'orgue hydraulique n'exigeait aucun effort. Nous y trouvons aussi la preuve que les tuyaux, fort nombreux, étaient dès ce temps en cuivre ou en bronze.
Graebner conjecture, à tort, selon nous, que l'organiste, sur les monuments où l'on ne voit pas le souffleur, en remplit lui-même l'office à l'aide de ses pieds.
ORGUE PNEUMATIQUE. Les textes relatifs à cet orgue
sont rares. Voici, traduite littéralement, une épigramme' mise sous le nom de l'empereur Julien : « Je vois des chalumeaux d'une autre espèce, car ils sont d'une sonorité puissante, et Won n'en joue pas avec notre souffle, mais l'air qui s'échappe d'une cavité en peau de taureau parcourt, en dessous, un tube percé avec soin, puis un homme d'une grande habileté et aux doigts agiles se tient auprès, frappant les touches ajustées aux tuyaux, et ceux-ci font entendre à tour de rôle un chant mélodieux. » Cette épigramme contient un renseignement nouveau pour nous : c'est que l'organe pneumatique nuit quelquefois, sinon toujours, un récipient d'air en cuir, comme l'utriculaire.
L'orgue que décrit Cassiodore 6 est alimenté d'air par deux soufflets. Plusieurs de nos monuments répondent en grande partie à cette courte description : « Organum est quasi turris quaedam diversis fistulis fabricata, quibus flatu follium vox copiosissima destinatur; et ut eam modulatis decora componat, linguis quibusdain ligneis ab interiore 6 parte construitur , quas disciplinabiliter magistrorum digiti
reprimentes grandisonam efficiunt et suavissimam cantilenam. » 11 ressort de cette citation que les anches des
tuyaux (linguae) étaient en bois. Les tuyaux, dans leur progression du grave à l'aigu, étaient-ils disposés de gauche à droite ou de droite à gauche par rapport à l'exécutant? Aucun des textes connus ne nous renseigne sur cette question. Ce serait donc aux monuments de la trancher, mais leurs témoignages sont contradictoires. Sur les médailles contorniates [c0NTOBNIATI1 les tuyaux procèdent de gauche à droite. II en est de même du grand bronze d'Alexis l'Ange conservé au Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale (fig. 3916) et d'une pierre gravée du Bristish Museum' (fig. 3917). Sur la mosaïque de Nennig «fig. 3918) ceux de l'orgue hydraulique vont dans le sens
contraire.Tels aussi ceux de la figure 339'i [GLA
DIATOR], et ceux du Carmen figuralum d'Opta
tien Porphyre. C'était là sans doute la disposition la plus généralement adoptée9.
Le monument qui donne l'idée la plus exacte de ce qu'était l'orgue hydraulique a
été trouvé dans les • . ,
ruines de Carthage. 11
SESSORIS (fig. 3919).M. Cl.
Loret l'a décrit 1° avec une précision technique, qui nous engage à le citer textuellement :
« Une statuette en terre cuite... représente un organiste debout sur une sorte de petite estrade ; le buste y manque, mais sur le clavier qui se trouve devant lui, on voit un trou qui indique la place où sa main était posée. Au-dessus du clavier se trouvent les tuyaux, qui sont au nombre de dix-huit. 11 semble y avoir plusieurs
rangées de tuyaux. Dans le même instrument, vu de derrière, le nombre est de dix-neuf, ce qui prouverait
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que l'artiste qui a exécuté cette statuette n'a pas copié exactement le modèle. De chaque côté, en dessous du clavier, se trouve un barillet, touchant à la base de l'instrument, qui est le récipient d'eau avec lequel ils communiquent. Les deux barillets sont les corps de pompe. L'instrument, vu de derrière, représente bien le coffre du récipient d'eau; au-dessus, le corps de l'instrument qui se compose de la chambre d'air et des tuyaux, lesquels sont maintenus par une tringle horizontale. Au-dessous de ces tuyaux, de chaque côté du coffre, se trouvent des trous par lesquels devaient passer sans doute les leviers faisant mouvoir des barillets ou pistons. Cette partie manque. » Le monument est conservé au mu
Nous signalerons
aussi le monument existant encore aujourd'hui à Rome, dans la villa Albani, propriété du comte Torlonia, comme spécimen de l'orgue pneumatique. 11 représente en relief un groupe composé d'une femme jouant d'un orgue dont le soufflet est mis en mouvement par un jeune homme t (fig. 3920).
On n'a qu'une seule donnée, et encore bien incomplète sur la tablature de l'orgue soit hydraulique, soit pneumatique; d'autant plus que le nombre des tuyaux est très variable sur les monuments figurés. Le musicographe grec anonyme, publié par Bellermann 2, nous apprend que les hydraules employaient seulement six tropes sur quinze [musical : l'hyperlydien, l'hyperiastien, le lydien, le phrygien, l'hypolydien et l'hypophrygien. « Pour exécuter, écrit M. Gevaert', les cinq tropes dont il est fait mention, l'organiste antique devait avoir à sa disposition une touche pour chacun des sons suivants :
Un nouvel examen du tableau des tropes nous amène à compléter cette nomenclature par les notes
Nous ne sommes pas fondé à croire que l'hydraule, pas plus que l'orgue pneumatique, ait été en usage dans
les cérémonies religieuses, soit païennes, soit chrétiennes de l'antiquité grecque et latine. Un vers de Prudence' a fait dire que l'orgue prit place dans le culte catholique dès le Ive siècle, mais Fétis 6 réfute à bon droit cette interprétation. Il est certain que le jeu de l'hydraule accompagnait les combats du cirque {GLADIATOR]1. Pétrone', au cours du festin de Trimalchion, met en scène un écuyer tranchant qui gesticule avec feu pour remplir son office, et il le compare à l'essedarius luttant dans l'arène hlfdraule captante. Parmi les scènes figurées sur l'obélisque de Théodose à Constantinople, on remarque, à chaque bout de l'amphithéâtre (fig. 36) un orgue manoeuvré par deux souffleurs
Nous signalerons encore, d'après M. J. Roulez10, un médaillon en terre cuite trouvé à Orange et faisant partie de la collection Émilien Dumas, de Sommières. On y reconnaît un orgue hydraulique à sept tuyaux avec son coffre à air et à eau, son buffet et ses évents. La légende MICA PAR (then)o(pa)EE a suggéré à M. Roulez l'idée que ce médaillon a été frappé en l'honneur d'une pantomime dont le jeu était accompagné des sons de l'orgue.
M. Sathas" nous apprend que l'orgue, à l'époque byzantine, était exclusivement affecté aux spectacles de l'hippodrome, et qu'aujourd'hui encore toute musique instrumentale est exclue des temples de l'Église orthodoxe. Marcien Capellef2 introduit, lors du mariage de Mercure avec Philologia, une troupe de musiciens où figure hydraularum harmonica plenitudo. Un poète anonyme 13 contemporain de Claudien a décrit une fête nuptiale relevée par un brillant et bruyant concert : it y fait entendre tambourins, instruments à cordes, flûtes, cymbales, trompe, sistre et l'orgue pneumatique.
Voici une liste plus ou moins complète des divers autres monuments relatifs à notre étude et non mentionnés ou dessinés ci-dessus : 1° Femme jouant de l'orgue figurée sur le tombeau de Julia Tyrrhania, au musée d'Arles Si ; 2° Haut-relief décrit par Winckelmann 15; -3° Homme jouant de l'orgue, relief en terre cuite trouvé près de Rome, en dehors de la porte Salaria 1G; -11°-5° Monument sculpté de l'époque gallo-romaine, conservé au musée d'Arles, où sont représentées deux figures d'orgue. Un orgue avec deux souffleurs Autre orgue, avec un seul souffleur 18; 6° Orgue d'amphithéâtre, sur un diptyque de Vérone cité par Gori10, conservé à la bibliothèque du chapitre de cette ville; 7° Terre cuite de Tarse20; 8° Terre cuite alexandrine, trouvée en Égypte. Nain jouant de la trompette à côté d'un orgue, derrière lequel émarge la tête de l'organiste 21; 9° Dessin d'un orgue portatif gravé sur une pierre noire22; 10° Autre dessin
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dans Nattert; 11° Dessin d'un orgue trouvé dans les catacombes de Rome 2 ; 12° Zarlino parle d'un sommier d'orgue trouvé dans les ruines de Grado, ville détruite en 580, lequel par conséquent daterait au moins du vi° siècle. Zarlino en donne un dessin assez grossier; 13° Monument signalé par Bernard Arnold'. A la partie supérieure le sujet est reconnu par O. Jahn6 pour être un instrument de musique, probablement un orgue hydraulique, mais Arnold met en doute cette attribution ; 14° Joueurs d'orgue ou l'instrument seul sur les médailles contorniates.
Les Romains goûtaient beaucoup le chant de l'orgue, le seul instrument qui réunit la douceur et la force. Cicéron 6 le met en parallèle avec le style de Platon. Néron, l'empereur artiste, avait une véritable passion pour l'hydraule, même au point d'en toucher ou d'en étudier le mécanisme dans les circonstances les plus critiques 7. Le charme particulier qu'on trouvait dans cet instrument tenait à la multiplicité de ses sons. Pline l'Ancien 8 observe que le dauphin est attiré « symphoniae cantu et praecipue hydrauli sono ». D'ailleurs la phrase d'Héron citée plus haut met hors de doute que l'orgue antique se prêtait naturellement à la polyphonie, au moins dans l'étroite mesure où les anciens la pratiquaient. Héliogabale ne le cédait pas à Néron comme amateur de musique, de danse, de pantomime et de déclamation 10. Son successeur, Alexandre Sévère aimait à toucher de l'hydraule 11
Sous Constance et Gallus, la philosophie et l'éloquence sont délaissées pour les arts d'agrément et les jeux (artel ludicrae); les bibliothèques semblent fermées à tout jamais; mais, par contre, on fabrique force instruments de musique; on construit des hydraules gigantesques « ad musicae speciem carpentorum ingentes » u. L'orgue hydraulique est en effet très répandu dans l'empire romain à la fin du Ive siècle. Marcien Capelle 13 fait dire à la déesse Harmonia : « Psaltas... hytdraulas
per totum orbem ad commodum humanitatis inveni o
Une dernière mention de l'orgue hydraulique se rencontre dans le poème de Loo Magister t8 sur les bains de la cour byzantine; car l'orgue dont il est question dans le Cérémonial de Constantin Porphyrogénète 15, comme figurant dans les jeux du cirque, paraît être un orgue pneumatique.
Un instrument de musique hébreu, analogue plutôt que semblable à l'orgue gréco-latin, est mentionné, tantôt sous le nom de onagrépha, tantôt sous celui de hougab, par Zarlino 16, le Père Kircher 17, Pr. Blanchini 18, dans le Thesaurus antiquitatum hebraicarum d'Ugolini19, enfin dans quelques passages du Talmud" ; mais les données de ces textes sont trop vagues pour que nous nous arrêtions à les discuter. La même réserve s'impose en ce qui concerne la description de l'orgue contenue dans une « Lettre à Dardanus » De diversis generibus musicorunt instrumentorum, lettre attribuée à saint Jérôme21, Cet orgue portait un réservoir formé de deux peaux d'éléphant, où le vent était introduit par le travail de douze souffleurs. Quinze tuyaux d'airain produisaient le bruit du tonnerre. L'instrument est comparé, sinon assimilé à celui qui, de Jérusalem, était entendu jusqu'au mont des Oliviers. La lettre continue en montrant dans les diverses parties de cet orgue et des autres instruments énumérés à sa suite, autant de figures symboliques empruntées à l'Écriture Sainte.
Nous accorderons aussi, à titre de rapprochement, une simple mention au petit orgue chinois dont il est dit quelques mots dans l'article Orgue de l'Encyclopédie méthodique. Un autre orgue chinois, dont parle Blanchiai 22, aurait eu pour inventeur, s'il faut en croire, ditil, les annalistes de la Chine, un empereur appelé Fo-hio (2800 ans avant notre ère) ; mais, d'après le dessin qui accompagne ce récit, ce prétendu orgue devait être une sorte de cornemuse à douze tuyaux. Nous voilà bien loin de l'hydraule inventé par Ctésibius. C.-E. RUELLE.
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