Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article HYPOKRITES

IIYPORRITES [InsTnio]. It1PO d1EIOSTS (`1 iop.siovsç). Lorsque, au commencement du Ive siècle (398-397 av. J.-C.), Kinadôn essaya, sans succès, d'introduire de grandes nouveautés dans la constitution intérieure de Sparte, il pouvait compter, dit Xénophon', sur la complicité des Ililotes, des Néodamodes, des i rov.a(oveç et des Périèques. C'est la seule mention que nous connaissions des 5 top.e(ovsç, et elle vise certainement une classe de personnes distincte des trois autres dont parle l'historien. Quelles sont ces personnes? Max Rieger2 enseigne que les ûrzousiovoç pourraient bien être les enfants issus de l'union de Spartiates et de femmes hilotes, ces enfants que leurs pères faisaient quelquefois élever avec les jeunes citoyens, en vue de HYP 351 H YP Ietlr conférer une sorte de légitimation et de leur faciliter l'accès du droit de cité. Mais les vdOot T(UV rzs7=11' portaient un nom bien connu ; c'étaient les p.d©zxeç ou p.dOwvsç 2. Pourquoi Xénophon les aurait-il désignés par un autre nom? D'autres historiens croient reconnaître dans les ûp.op.E(ovE; les TPdyrtlaot, c'est-à-dire ces fils d'étrangers, que, dans un temps oit l'éducation de la jeunesse était fort négligée, leurs parents avaient envoyés à Sparte pour y être élevés avec les jeunes Spartiates, et qui, leur éducation terminée, se fixaient à Sparte et finissaient par obtenir la jouissance de certains droits. Nous reconnaissons volontiers que les TNd?tp.ot, comme les p.dOzxt;, après leur adoption par la cité, n'étaient pas entièrement assimilés aux citoyens d'origine ; que, à ce point de vue, on pouvait dire d'eux qu'ils étaient inférieurs aux ôuotot 3. Mais quelle bonne raison eussent-ils pu alléguer pour justifier leur participation à une révolte contre ceux qui les avaient adoptés? Les complices de Kinadôn devaient être des hommes ayant quelque grief à formuler, et non les bénéficiaires d'une faveur. L'opinion qui rallie aujourd'hui le plus grand nombre de partisans est celle qui a été présentée, vers la fin du xvi' siècle, par le Danois Nicolas Craig'. Les Ircop.EiovE; étaient des Spartiates, mais des Spartiates déclassés, inférieurs, quant à la jouissance et à l'exercice des droits publics, aux nomme', soit parce que leurs parents avaient négligé de les soumettre pendant leur enfance à la discipline sévère de l'éducation commune, soit parce que, arrivés à l'âge mûr, par insuffisance de ressources, par négligence ou par mollesse, ils ne vivaient pas de la vie normale des citoyens, de cette vie réglée et souvent pénible, sans laquelle on n'était pas l'égal de ses concitoyens . Il ne faut donc pas dire, avec M. Fustel de Coulanges, que les ûrrop.E(ovE; étaient « probablement les cadets déshérités des familles'. » Les Spartiates, qui avaient plusieurs enfants, donnaient à tous, et non pas seulement à l'aîné, l'éducation civique, et, plus tard, les puînés, aussi bien que les aînés, trouvaient aisément, lorsqu'ils en avaient le ferme désir, la redevance nécessaire pour prendre part aux syssities. 11 ne faut pas non plus, avec Hermann et Kopstadt, identifier les ûnop.E(ovo; avec les membres du ôr,p.oç spartiate, de ce ârip.o; que l'on oppose quelquefois à l'aristocratie des x«nol xx,(zOo( Aristocrates et simples membres du ô-ilp.o; étaient juridiquement sur un pied d'égalité ; les premiers étaient les pairs, les nonoIOI des seconds, et réciproquement, tandis que les ûno.tuàîn; formaient, leur nom lui-même l'indique, une classe inférieure, la classe des personnes d'origine citoyenne, qui, soit par la faute de leurs parents, soit par leur misère, soit par leur mauvaise volonté, étaient déchues de leur dignité native et ne pouvaient pas exercer les droits politiques inhérents à la plénitude du droit de cité 3. 4 La même objection peut être faite à Wachsmuth, Hellen. Alterthumskunde, I, p. 688, qui voit dans les beo o,ioveç des périèques admis au droit de cité. 5 De -v Si les expressions 8;µo; et u.o;aciove; eussent été synonymes, comme les Éphores Nous ne parlons que de l'exclusion des droits politiques; il est vraisemblable, en effet, que les u;tep.E(ovss, qui, malgré leur déchéance, restaient Spartiates, conservaient leurs droits civils, leurs droits privés10. Leur déchéance n'était même pas toujours irrévocable. Ceux d'entre eux que la pauvreté ou l'insouciance avaient éliminés de la classe des p.otot, pouvaient, s'ils revenaientà meilleure fortune ou s'ils se sentaient animés d'un plus grand zèle, recouvrer leur ancienne qualité en se remettant à accomplir leurs devoirs, à payer leurs cotisations, à se mêler aux exercices publics. L'indignité était d'ailleurs personnelle; elle ne se transmettait pas nécessairement aux enfants, puisque ceux-ci, à la condition d'être élevés suivant la règle et de se conformer aux obligations légales, pouvaient rentrer dans la classe desôp.otot". Mais ceux qui se sentaient condamnés à rester toujours u2rop.E(ovs;, sans qu'une faute personnelle leur fût imputable, ceux, par exemple, à qui leurs parents n'avaient pas donné l'éducation régulière, ceux aussi dont la misère était irrémédiable et qui ne comptaient sur aucun retour de la fortune, ceux-là devaient, on le comprend sans peine, mal supporter leur infériorité. Irrités de se voir ainsi au-dessous de leurs concitoyens, ils étaient enclins à s'associer aux révolutionnaires, tels que KinaUn, qui cherchaient à mettre un terme à la domination des 6p.otot12. Les ûrrop.E(ovsq étaient donc des Spartiates, mais des Spartiates privés de l'exercice des droits publics, faute de s'être conformés aux prescriptions sur l'éducation et la vie communes. M. Schumann, tout en acceptant l'opinion que nous venons de présenter, se demandait si ces Spartiates déchus de la dignité d'ôu.otot étaient assez nombreux au temps de Xénophon pour former un parti considérable. A son avis, il faudrait aussi ranger parmi les ûrcopE(ovaç les citoyens que Sparte envoyait au dehors pour coloniser les pays conquis ou pour y tenir garnison. Les citoyens éloignés de la cité ne pouvaient plus, en effet, se soumettre à une discipline, à une âyiay-, qui n'était vraiment applicable qu'à Sparte. Sans doute, il eût été souverainement injuste de confondre ces citoyens d'origine avec les populations au milieu desquelles ils vivaient. Mais, en leur enlevant la qualité d'potot, on pouvait leur faire une situation à part, intermédiaire entre celle des ip.otot et celle des périèques, et identique à celle des ûrrop.E(oveç 13 Schumann avouait luimême que cette conjecture, si vraisemblable qu'elle lui parût, ne pouvait être appuyée sur aucun témoignage. Elle n'a pas rencontré beaucoup d'adhésions. 11 semble, en effet, bien rigoureux de déclarer déchu du titre de pair le citoyen qui se conforme à l'ordre qui lui est donné d'aller tenir garnison dans un pays trop éloigné pour qu'il puisse revenir s'asseoir aux tables communes. N'y a-t-il pas même contradiction de la part de Schu sortaient toujours des rangs du 83µo; (Aristot. Politica, II, 3, § 10), il faudrait dire que les Éphores étaient des àeoµ:.invc;: 10Schbmann,Anliq. grecques,trad. Galuski, Staatsalterthimer, 2e éd. § 89, p. 99. Personne n'attache aujourd'hui la moindre valeur au renseignement suivant de Télés, que Stobée, Floril. tit. 40, p. 233, nous a conservé : „Celui qui n'observe pas quand même Userait fils du roi, est relégué parmi les Hilotes et ne participe plus à la .oin:eiu ». 11 Scbbmann, Antiq. gr. I, p. 255. 12 Le Srµo; spartiate était, au contraire, parfaitement calme; Aristote le dit expressément (Polit. Il, 6, ; 15), et cette tranquillité tenait à ce qu'il avait à lui l'importante magistrature de l'éphorat. Preuve nouvelle que S;µoç n'est pas identique HYP 352 HYP mann, après avoir parlé de déchéance, à accorder au déchu le droit d'assister aux assemblées générales de Sparte? Siéger dans l'assemblée, c'est faire acte de pair. Ce qui est plus probable, c'est que la décadence des meeursfut pour la classe des u7rou.EiovEq une cause notable d'accroissement au préjudice de la classe des w.Otnt. Beaucoup de citoyens, désireux de se soustraire au joug de l'ancienne discipline, acceptèrent avec résignation une dégradation civique sans laquelle ils ne pouvaient arriver à une pleine liberté d'action. Les faibles de corps et d'esprit, les avides de plaisirs et de jouissances se firent volontiers ûaoll.siovo pour s'exempter ainsi du service militaire. Les mères, sans se laisser effrayer par la perspective de reléguer leurs enfants dans une classe inférieure, les gardèrent auprès d'elles'. Ainsi s'expliquent des faits à première vue surprenants. Sparte, qui, au temps de la guerre des Perses, pouvait opposer à Xerxès plus de huit mille soldats 2, n'en avait pas beaucoup plus de deux mille à la fin du v° siècle, et le nombre alla toujours décroissant, si bien que, du temps d'Agis, il se réduisait à quelques centaines. Pour relever ce nombre, il fallut sacrifier, en fait sinon en droit, l'an cienne discipline'. L. CAILLEMER. ILYPORCI1EMA (`rzdp'-tnt.ce). Plusieurs érudits an ciens et modernes désignent sous le nom d'hyporchème tout chant chorique accompagné de danse'. D'après cela il faudrait ranger dans la classe des hyporchèmes ceux des hymnes et des péans qui étaient « dansés » 2, les dithyrambes, les rondes populaires, la plupart des parthénées, quelques prosodia et epinikia3, les choeurs militaires, gymnopédiques et autres des Lacédémoniens', un grand nombre de chants choriques de la tragédie et de la comédie, dont la cadence ou les paroles indiquent une exécution orchestique. Il faudrait aussi assimiler à l'hyporchème grec les chants des Saliens romains', les cantiques dansés des hébreux, etc.'. Mais la notion de l'hyporchème ainsi conçue perd en consistance ce qu'elle gagne en étendue et ferait double emploi avec d'autres termes génériques [cm:mus, SALTATIO]. Nous prendrons donc ce mot dans un sens plus restreint et plus conforme à l'étymologie : celui d'un hymne orchestique où le choeur se divise en deux fractions dont l'une chante, on se tenant immobile ou en dansant une simple ronde, tandis que l'autre exécute en silence une danse expressive, figurée, qui sert en quelque sorte d'illustration au texte Le choeur de chant peut lui-même être subdivisé en un groupe de chanteurs immobiles et un groupe de ronde. Dans certaines formes primitives de l'hyporchème, comme le linos homérique', les chanteurs peuvent se réduire à un seul; dans d'autres, comme la pantomime gréco-romaine, c'est au contraire le danseur qui est unique. Mais le véritable hyporchème grec, l'hyporchème classique du vne au v° siècle, est celui qui correspond à la définition donnée plus haut, à la division en deux choeurs tous deux « orchestiques », mais l'un chargé plus spécialement du chant, l'autre de l'action mimée. L'hyporchème rudimentaire, monodie combinée avec une danse d'ensemble non mimétique, se rencontre déjà dans les poèmes homériques. Nous avons cité plus haut le chant du linos; on peut encore rappeler l'épisode de Démodocos dans le Ylllt livre de l'Odyssée : pendant que l'aède chante, en s'accompagnant sur la phorminx, les amours d'Arès et d'Aphrodite, les jeunes hommes phéaciens frappent le sol en cadence, c'est-à-dire exécutent une danse d'ensemble 8. Un hyporchème véritable est celui que décrit l'hymne à Apollon Pythiens et dont la scène se place dans l'Olympe : le choeur de danse est formé par les Charites, les Heures, Harmonie, Hébé, Aphrodite, Artémis, qui tournent « en se tenant les poignets »; le choeur de chant est composé des Muses; Arès et Hermès exécutent, sans doute au milieu de la ronde, une danse de caractère (7.a:ourt) ; Apollon donne la cadence en pinçant la cithare. On a aussi, dès l'antiquité, donné comme un exemple de l'hyporchème le « choeur de Dédale », figuré sur le bouclier d'Achille dans la Forge des armes 10. Le texte, tel qu'il se lit actuellement, présente tous les éléments d'un hyporchème véritable : ronde d'éphèbes et de jeunes filles, ballet exécuté, au milieu de la ronde, par deux « jon gleurs » (xu)tc7rlti"ripa), chant monodique récité par un aède qui s'accompagne sur la phorminx; mais précisément ce dernier détail est suspect et paraît, comme l'a déjà vu Aristarque, résulter d'une interpolation maladroite" ; en le supprimant, il ne reste plus qu'une ronde et un ballet sans hymne. L'hyporchème des temps historiques a pris naissance dans le culte d'Apollon12; il est étroitement apparenté au péan avec lequel on l'a souvent confondu 13, mais qui s'en distingue par l'absence de l'élément mimétique dans la danse et par une allure plus grave, moins passionnée"; le refrain i71 7:1t.V, qui figurait probablement dans l'hyporchème apollinique primitif, en a disparu plus tard. Quant au pays d'origine de l'hyporchème, on peut hésiter entre les Ioniens de Délos et les Doriens de Crète. « A Délos, dit Lucien 15, les sacrifices se célébraient avec danse et musique. Des choeurs d'enfants se réunissaient au son de la flûte et de la cithare. Les uns dansaient la ronde en chantant (SydpEUOV); les autres, choisis parmi les meilleurs de la troupe, exécutaient une danse liée au chant (è topyoûo'ro)'6. Les poèmes écrits pour ce genre de choeurs s'appelaient hyporchèmes; la poésie lyrique en est remplie. » Lucien ne parle que d'enfants en général; mais un texte, d'ailleurs peu clair, de Callimaque, nous apprend que les exécutants se répartissaient entre les deux sexes : la danse de caractère était confiée à des jeunes filles, les fameuses Déliades; la ronde et le chant choral à des garçons, qui chantaient (i,7ta.E(ôoust) un nomos attribué à Olen ". L'hymne homérique à Apollon Délien fait allusion aux mêmes choeurs 18, mais ne met en scène que des HYP 353 -HYP jeunes filles : ce sont elles qui chantent des hymnes en l'honneur d'Apollon, de Latone, d'Artémis, des « hommes et des femmes d'autrefois », elles aussi qui savent imiter « les voix de tous les hommes et la danse avec casta gnettes (xpsl.tGI),t«rcôv) ». Ce texte énigmatique paraît supposer une division du choeur des vierges déliaques en deux groupes, l'un de chant pur, l'autre de chant et de danse imitatifs ; on y a rattaché toute sorte d'hypothèses sur le sujet présumé de ces chants (voyages de Latone, etc.), dont la discussion sortirait de notre sujet. A côté de l'hyporchème délien, auquel ces textes paraissent assigner une assez haute antiquité, nous trouvons l'hyporchème organisé de bonne heure en Crète, et la plupart des critiques anciens considéraient même ce pays comme le berceau du genre Pourtant lorsqu'on nous raconte que l'hyporchème crétois a été inventé par les Curètes, par Pyrrhus fils d'Achille, ou par le Crétois Pyrrichos2, lorsqu'on ajoute que Thalétas, le premier, composa des hyporchèmes pour les danses armées (~.vo7 ),ot) des Crétois il semble qu'il y ait là une confusion entre deux genres voisins, mais distincts : l'hyporchème et la pyrrhique, qui, en Crète, s'appelait prylis. Cette dernière était certainement accompagnée également de chants, qui, à Lacédémone, étaient particulièrement consacrés aux Dioscures 4, mais il n'est pas prouvé que les rôles des chanteurs et des danseurs y fussent divisés, et les rythmes « orthiens » de la pyrrhiques, c'est-à-dire le pyrrhique et le procéleusmatique °, diffèrent essentiellement des rythmes hémioles préférés dans l'hyporchème. D'ailleurs Athénée, dans un passage qui paraît puisé à bonne source, distingue nettement entre la danse pyrrhique, comparable à la sikinnis du drame satyrique, et la danse hyporchématique qu'il rapproche du cordai de la comédie'. L'hyporchème crétois, à la différence de la prylis, paraît être une danse essentiellement joyeuse et pacifique, malgré les coutelas que portent, attachés aux baudriers, les éphèbes de l'hyporchème « cnossien » décrit par Homère ; les danseurs y appartiennent, en règle générale, aux deux sexes', et si l'on tient absolument à ce qu'il en ait été autrement à l'origine, je chercherais bien plutôt le premier germe de l'hyporchème crétois dans les danses exécutées par des jeunes filles de Crète autour des autels et déjà vantées par Sappho', que dans les danses bruyantes ou orgiastiques où des hommes armés pirouettaient en choquant les glaives contre les boucliers. De ces deux foyers insulaires, l'hyporchème se propagea dans les pays de la Grèce continentale où le culte apollinique avait pris un développement brillant. Nous en trouvons la trace à Delphes 10, à Thèbes'', surtout à Lacédémone, où il semble que l'hyporchème était exécuté tantôt par des Y. jeunes filles 12, tantôt, à la fête des IIYACINTHIA, par un chœur de jeunes hommes, qui chantaient l'ode au son de la flûte, et par un groupe de danseurs exercés '3 Le créateur de l'hyporchème, en tant que genre littéraire, est le Crétois Thalétas de Gortyne, vers le milieu du vile siècle. On lui attribuait, sans trop de critique, la plupart des vieux chants nationaux de la Crète dorienne 1., particulièrement des péans''; mais sous Ce nom général étaient certainement compris des hyporchèmes 16, comme suffirait à le prouver l'emploi, dûment attesté, du rythme « crétique », caractéristique de ce genre d'odes 17. On sait que Thalétas fut le principal fondateur de la « deuxième école musicale » de Lacédémone; ce fut lui sans doute qui y introduisit l'hyporchème. Peu après, un autre poète, dont l'activité s'exerça également à Sparte, Xénodamos de Cythère, est mentionné comme un des maîtres du genre hyporchématique". Alcman, le poète national des Lacédémoniens, en qui se combinent les influences crétoises et lesbiennes, n'est pas nommé expressément comme auteur d'hyporchèmes; cependant, parmi ses parthénées, il doit y avoir eu des compositions hyporchématiques : deux de ses fragments (nee 19 et 38) sont en crétiques. Parmi les grands lyriques de la fin du vie et du commencement du ve siècle, l'hyporchème a surtout été cultivé par Pindare1', qui laissa deux livres (sur 17) d'odes de ce genre°J, Pratinas21 et Bacchylide°z; c'est à tort qu'on a attribué des hyporchèmes à Simonide23. Les grandes odes hyporchématiques des« lyriques de cour» furent imitées, en des proportions réduites, par la tragédie et la comédie24. A la fin du ve siècle, l'hyporchème, comme tous les autres genres du lyrisme choral, excepté le dithyrambe, tombe en décadence; cependant les hymnes péoniques de Delphes, qui appartiennent au 11e siècle av. J.-C., nous ont appris qu'il était encore pratiqué dans les fêtes d'apparat des grands sanctuaires à l'époque alexandrines. Ces odes académiques, chantées et dansées par des artistes dionysiaques, forment la transition entre l'hyporchème vraiment lyrique et national de l'époque classique, exécuté par des choristes libres, et la pantomime théâtrale del'époque gréco-romaine, qui exige absolument un artiste de profession. Dans cette variété nouvelle, née de la tragédie alexandrine par la séparation des fonctions du chanteur et du danseur°°, on retrouve tous les éléments de l'hyporchème classique, danse mimétique, chant choral, accompagnement instrumental, mais dans une hiérarchie et un esprit tout différents : le danseur est unique, le chant du choeur est si bien considéré comme un accessoire que dans certains cas on le supprime sans inconvénient. Aussi, quoique ces ballets chantés aient été qualifiés par les auteurs grecs d'hyporchèmes 27, vaut-il 45 HYP 35111• HYP mieux en renvoyer l'étude à un autre article [PANTOMIIIIus]. Les débris de la poésie hyporchématique sont si peu nombreux qu'ils ne permettent pas de se faire une idée complète des caractères propres à ce genre. Né dans le culte apollinique, l'hyporchème s'adresse de préférence à Apollon et aux déesses qui lui sont associées (Artémis, Latone). Cependantun hyporchème de Pindare, composé à l'occasion d'une éclipse, s'adresse au Soleil, et le fragment célèbre de Pratinas, formellement qualifié d'hyporchème ', invoque Dionysos. Le style de l'hyporchème rivalise avec celui du dithyrambe par le luxe et la hardiesse des images 2; ce langage figuré était presque une nécessité du genre; il fournissait comme un substratum à la danse expressive qui accompagnait le chant. Le fragment anonyme (faussement attribué àSimonide) est, à cet égard, tout àfait caractéristique ; Plutarque observe avec raison que ces vives peintures, ces rythmes entraînants font mouvoir naturellement bras et jambes des auditeurs dans une imitation cadencée. Les fragments de Pindare et de Pralinas dépassent en longueur les plus longues strophes des odes triomphales, sans qu'on y voie reparaître des membres rythmiques identiques ; il y a donc lieu de croire que la composition antistrophique était exclue de l'hyporchème ou tout au moins n'y était pas de règle; les « hyporchèmes » delphiques n'en offrent d'ailleurs aucune trace. Il ne faudrait pas arguer en sens contraire des choeurs plus ou moins hyporchématiques de la tragédie et de la comédie. Le rythme « crétique » ou péonique, c'est-à-dire la mesure à 5/8, presque inconnu de la musique moderne, est le rythme favori de l'hyporchème3. Ce rythme inégal a quelque chose de vif, de mouvementé d'enthousiaste. Il est employé pur dans les fragments 23 et 31 de Bacchylide, dans deux fragments anonymes cités par Aristote 5, dans les hymnes delphiques. Pindare, Pralinas, l'anonyme (Pseudo Sirnonide) 6 préfèrent des combinaisons très variées? de dactyles, de trochées, d'ïambes et d'anapestes, et multiplient beaucoup les brèves, moins cependant que dans la pyrrhique Parmi ces combinaisons, quelques-unes étaient spécialement en faveur et en ont reçu le nom de vers hyporchématiques. Tels sont le pentamètre hyporchématique° et le prosodiaque hyporchématique10 C'est à tort qu'on a cru que les mètres ioniques, très usités dans la danse, servaient aux hyporchèrnes proprement dits". Le style de la danse hyporchématique, 5opy7,..a'rtxi,ç Tp67r0;, est essentiellement expressif; c'est une « imitation des choses dépeintes dans le texte chanté '»), imi talion, qui, comme notre ballet-pantomime, fait usage des gestes, des poses et des « démonstrations » (ial;et;). Plutarque insiste également sur le caractère mimétique de l'hyporchème, où la poésie et la danse se prêtent un mutuel secours pour décrire les mêmes objets, l'un par les mots, l'autre par les mouvements et les figures: c'est bien là que la danse est une « poésie muette13 ». Quant au reste, nous savons seulement que la danse hyporchématique était d'une allure rapide, légère (D,awpbv ont valu d'être comparée au cordai de la comédie, dont elle n'a d'ailleurs ni la furie endiablée, ni la licencef5. Une danse irritative exigeait un apprentissage spécial; aussi voyons-nous qu'à Délos le ballet était confié aux meilleurs sujets du choeurl6; il en était de même à Lacédémone, à la fête des 11yacinthies17. Pourtant ces meilleurs sujets étaient encore des hommes libres, ordinairement des fils et filles de bonne naissance; aussi leur mimique restait-elle dans les bornes de la décence et d'une certaine gravité16 et ne pouvait-elle se passer du concours du texte chanté ; il ne faut pas se la figurer sur le modèle de la danse très perfectionnée des Pylade et des Bathylle du temps d'Auguste. Aux contemporains des Césars, la danse du temps de Socrate paraissait l'enfance de l'art; c'est qu'elle était aussi, le plus souvent, l'art de l'enfance. Le mélos employé dans l'hyporchème, comme en général dans la lyrique apollonique, est le mode dorien f9, dont le mode éolien n'est guère qu'une variété20. L'accompagnement instrumental, primitivement confié à la phorminx, est plus tard attribué à la flûte21, et plus souvent encore à la flûte et à la cithare associées. Tel était l'« orchestre » des hyporchèmes déliens 22, tel aussi celui des hymnes delphiques. Pollux parle de certaines flûtes, dites aû),ol ô«r.-ru) ixot, spécialement appropriées aux hyporchèmes 23, mais il avoue ne rien savoir de précis à leur sujet et ajoute que quelques auteurs y voyaient une variété de la mélodie, non de la flûte! Cependant Athénée cite également les aiÀoi ôax'relaxot comme en usage, encore de son temps, à Alexandrie n ; je suis porté à croire qu'ils tiraient leur nom d'une espèce de danse appelée ôx'ruaot que le même auteur classe parmi les genres « simples » et « carrés » 2`'. La même incertitude existe au sujet de l'« instrument molosse », pyavov !ao),orirdv, mentionné dans un fragment anonyme d'hyporchème26. J'y verrais volontiers une cithare. Tu. REINAen.