Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article HYPOTHECA

IIYPOTIIECA. A Rome, comme en droit moderne, l'hypothèque est l'un des modes de constitution d'une sûreté réelle, l'un des moyens imaginés par la pratique et consacrés par le droit, pour procurer à un débiteur le crédit qui lui fait défaut. Le créancier qui n'a pas confiance en la solvabilité de son débiteur exige de lui, au moment où il traite, parfois même auparavant, soit une HYP 355 HYP caution, soit une sûreté réelle. Le cautionnement confère au créancier un droit contre une personne qui s'oblige à, payer la dette à côté ou à défaut du débiteur principal. La sûreté réelle confère au créancier un droit sur une chose qui est affectée au payement de la dette ; ce droit varie d'ailleurs suivant la nature de la sûreté. Dans tous les cas, qu'il ait un droit contre une personne ou sur une chose, le créancier est garanti contre l'insolvabilité éventuelle de son débiteur. En Grèce, et particulièrement dans le droit attique, la sûreté réelle présente un tout autre caractère : c'est une satisfaction donnée ou promise à forfait pour le cas où le débiteur ne tiendrait pas son engagement. A partir d'une certaine époque, on voit dans quelques cas apparaître l'idée de garantie. Des clauses spéciales viennent modifier le caractère de l'hypothèque ; mais ce sont de simples dérogations au droit commun, et l'on peut dire qu'en règle générale le droit grec est resté fidèle à la conception primitive. Si donc l'on rencontre l'hypothèque à Athènes aussi bien qu'à Rome, ce sont, sous une dénomination commune et malgré certains traits de ressemblance, deux institutions différentes qui ont été consacrées par le droit grec et par le droit romain. DROIT GREC. I. Distinction de l'hypothèque et des autres modes de constitution de sûretés réelles. Le droit attique reconnaît trois sortes de sûretés réelles : rpxalç al )Aéra, Evîzupov, u7ro07,r1. La première est une sorte de vente à réméré. Le débiteur vend au créancier la chose affectée au payement de la dette ; le prix d'achat se compense avec la somme due, mais le débiteur a la faculté de reprendre sa chose en acquittant son obligation 1. L'ivyupov ne confère au créancier que la possession; le débiteur a la faculté de dégager la chose en payant le créancier2. Ces deux modes de sûreté réelle étaient d'ordinaire usités, le premier pour les immeubles', le second pour les meubles'. Pour ces derniers, la vente à réméré n'eut pas été sans inconvénients : il eût été trop facile au créancier de rendre illusoire le droit du débiteur de recouvrer sa chose, ce droit ne pouvant s'exercer contre les tiers acquéreurs. La vente à réméré, la remise de la possession de l'objet donné en gage n'étaient pas toujours possibles : on avait alors recours à l'hypothèque. Ici le débiteur conserve la propriété et même la possession de la chose affectée au payement de la dette : le créancier acquiert seulement le droit de se mettre en possession de la chose faute de payement à l'échéance. L'hypothèque était usitée dans les diverses cités de la Grèce : Athènes, Amorgos, Delphes, Éphèse, Cos, Halicarnasse, Délos, Kymè, Théra6. L'hypothèque comporte trois applications principales : en cas de dot', de bail à loyer ou à ferme des biens d'un mineur, d'une cité ou d'un temple7, en cas de prêt à la grosse 8. Les deux premiers cas sont désignés par le mot Pour assurer la restitution de sa dot, la femme ne peut songer à se faire livrer un immeuble appartenant à son mari, ce qui empêcherait celui-ci de s'en servir pour faire face aux charges du mariage. Elle n'a d'ailleurs nul besoin d'une sûreté aussi énergique que la vente à réméré. Elle ne court pas le même risque qu'un prêteur, car elle reste propriétaire des biens dotaux'. De même, le propriétaire qui loue sa maison ou sa terre ne peut demander au preneur la possession de meubles qui pour la plupart sont indispensables pour l'habitation ou pour la culture. Encore moins peut-il songer à acheter à réméré un immeuble qu'un locataire ou fermier n'a généralement pas en sa propriété. Enfin pour le prêt à la grosse, oit la cargaison, parfois le corps du navire, étaient affectés au payement de la dette, le créancier ne pouvait demander la mise en possession de marchandises sur lesquelles le débiteur devait spéculer. La satisfaction promise était aléatoire comme la créance acquise contre l'emprunteur. Assurément il n'y a pas là une règle absolue, et l'on trouve quelques exemples de vente à réméré en cas de restitution de dot 10 ou de louage 11, de même qu'il y a quelques exemples d'hypothèques constituées pour assurer le remboursement d'un prêts' ou le payement d'une dot 13. Mais la plupart des applications de l'hypothèque rentrent dans l'un des trois cas précités. Sur soixante-six inscriptions hypothécaires citées dans le Recueil des inscriptions juridiques grecques, ily a vingt-quatre cas d'â7oalt'miia'ra pour vingt-cinq cas de s nç i rl X rot 1'. Il con vient d'ailleurs de remarquer que la terminologie juridique grecque manque parfois de précision. Si certaines inscriptions mentionnent des hJpot oix(aç 7z E7rpa s.€v'lç Erl même sur une tablette on trouve opposées l'une à l'autre les deux expressions 17, le mot Éviet.upov désigne tantôt l'hypothèque f8, tantôt aussi la vente à réméré". Enfin la pratique de l'hypothèque a exercé une réaction sur la 7 pxatç i7cl )i6rs1 : parfois l'acheteur à réméré laissait au débiteur la chose à titre de location 20 Si les trois modes de constitution d'une sûreté réelle répondent en principe à des besoins différents, on s'explique qu'ils aient coexisté et que l'hypothèque n'ait supplanté ni le gage ni la vente à réméré 21. Il n'en a pas été en Grèce comme à Rome où l'hypothèque a reçu de la jurisprudence une organisation particulière qui lui a donné une supériorité telle sur la fiducie qu'elle l'a peu à peu remplacée dans la pratique. Vainement certains auteurs ont-ils prétendu que l'hypothèque est un dérivé de la vente à réméré 22 : ils n'ont pu alléguer à l'appui de cette opinion que des raisonnements fondés sur des idées modernes telles que l'idée de la supériorité de l'hypothèque sur la vente à réméré ; ils n'ont pu établir que la vente à réméré ait été usitée avant l'hypothèque. D'autres ont vu l'origine de l'hypothèque dans le droit que les législations primitives reconnaissent au créancier HYP 356 HYP sur le corps de son débiteur 1. Dans l'hypothèque, le droit porterait sur les biens au lieu de porter sur la personne ; il conférerait au créancier la faculté de se mettre en possession des biens après l'échéance, comme autrefois il permettait d'emmener comme esclave le débiteur qui n'avait pas payé. Cette conjecture confond l'hypothèque avec le droit de gage général qu'on a reconnu à tout créancier sur les biens de son débiteur. Si elle était exacte, l'hypothèque devrait être attribuée à tout créancier et porter sur l'entier patrimoine du débiteur. Ce resultat est en opposition avec tout ce que nous savons sur l'hypothèque. On discute également sur l'époque où l'hypothèque s'introduisit dans l'usage 2. Les inscriptions hypothécaires qui nous sont parvenues ne sont pas antérieures au Ive siècle avant notre ère. L'hypothèque existait alors vraisemblablement depuis un certain temps, car les statuts de la deuxième fédération maritime athénienne défendent aux Athéniens de prendre hypothèque sur, le territoire des alliés 3. II. Comment s'établit l'hypothèque. Elle s'établit de deux manières : par convention ou par testament. La convention d'hypothèque n'est assujettie à aucune condition de forme, sauf dans certaines cités où l'on avait organisé des mesures de publicité pour avertir les tiers de l'existence des droits réels grevant les immeubles. Ces formalités étaient de deux sortes : 1° à Cyzique, la constitution d'une hypothèque devait être publiée par un héraut pendant cinq jours consécutifs 4; si à l'expiration de ce délai aucune opposition ne s'était produite, l'hypothèque était valablement constituée ; 2° dans d'autres cités, il existait des registres contenant la désignation de tous les fonds de terre; on y mentionnait les actes juridiques auxquels ces fonds donnaient lieu' ; tel était le registre des ventes immobilières de Ténos 6; tel aussi le registre des constitutions de dot de Myconos 7. Le premier de ces registres mentionnait les hypothèques grevant l'immeuble vendu; le second, les hypothèques constituées pour assurer le payement de la dot. Peut-être même existait-il dans certaines localités, notamment à Ténos, un registre spécial pour les hypothèques 8. IL ne faut pas confondre avec ce mode de publicité le dépôt dans les archives publiques d'une copie des titres de créance (y9ca puMrtov) 9. Ce dépôt, qui était usité même pour les créances chirographaires, avait pour but d'éviter les chances de perte ou d'altération du titre de la créance. Il n'est pas dit que les tiers intéressés pussent obtenir communication de la copie. En Attique, il n'existait pas de registres semblables à ceux de Ténos. La publicité de l'hypothèque résultait de l'usage des 4ot, stèles de pierre plantées dans le champ grevé d'hypothèque ou tablettes de bois fixées sur la maison [nonoll. Mais c'était là une formalité sans valeur juridique ; ce n'était pas une condition de validité de la convention d'hypothèque. La convention doit être conclue entre personnes capables. Le constituant doit être propriétaire de la chose et capable de l'aliéner; l'hypothèque tend en effet à l'aliénation de la chose faute de payement à l'échéance. Par suite le fermier 10, le preneur à bail emphytéotique 11 sont incapables d'hypothéquer. Toutefois on n'exigeait pas que le constituant eut la propriété actuelle, du moins dans les cités, comme celle de Ténos où l'on autorisait l'hypothèque des biens à venir. L'hypothèque de la chose d'autrui est nulle, à moins que le constituant n'ait le consentement dupropriétaire '2 Le propriétaire, qui n'a pas consenti à l'hypothèque, peut s'opposer à la prise de possession de la chose par le créancier ou la revendiquer contre lui 13. Le créancier aura son recours contre le constituant 14. Pour garantir ce recours éventuel en cas d'éviction, le créancier pouvait exiger Sont incapables d'hypothéquer, d'après le droit attique, les mineurs ; mais il ne paraît pas avoir existé de règle interdisant au tuteur d'hypothéquer les biens du mineur, bien entendu en cas de nécessité". Quant à la femme, elle peut hypothéquer avec l'assistance de son r.roç 17. Les personnes juridiques, temples ou cités, sont capables d'hypothéquer leurs biens et leurs revenus f 8. Parfois le créancier qui traitait avec une cité exigeait en outre une hypothèque sur les propriétés privées des membres de la cité 19 La capacité d'hypothéquer peut être restreinte par la loi ou par testament : la loi d'Oxylos défend d'hypothéquer un fonds de terre au delà d'une certaine quotité 20. Le testament d'Épictète de Théra défend pareillement d'hypothéquer certains biens compris dans sa succession 21. Le créancier qui exige une hypothèque doit être capable d'acquérir la propriété de la chose, donc être citoyen. Métèques et affranchis sont dès lors incapables d'avoir une hypothèque. Cependant les métèques d'Attique pouvaient obtenir, à titre de privilège, le droit de posséder des immeubles dans la cité 22 ; leur incapacité pouvait être temporairement suspendue 23, ou même levée par un traité conclu avec la cité à laquelle ils appartenaient". Le second mode de constitution de l'hypothèque est le testament. On en connaît deux exemples : l'un d'Athè nes2', l'autre de Théra 26 [TESTAMENTUII]. Il ne semble pas qu'il y ait eu d'hypothèque légale en droit grec. On a cependant prétendu qu'à Éphèse le mineur avait une hypothèque sur les biens de son tuteur27, la femme sur les biens de son mari 23, mais l'existence n'en est rien moins que certaine ; ce peut être tout aussi HYP 3~7 HYP bien une hypothèque conventionnelle Vitruve 2 cite une ancienne loi d'Éphèse d'après laquelle sont obligés (obligantur) les biens de l'architecte qui, ayant entrepris une construction publique et fait un devis, engage des dépenses dépassant d'un quart ses prévisions. Cela ne signifie pas que ses biens sont grevés d'une hypothèque légale, mais qu'il est tenu de payer l'excédent sur son patrimoine 3. III. Objet de l'hypothèque. L'hypothèque peut avoir pour objet toute espèce de choses, meubles ou immeubles ; mais on a déjà fait remarquer que, sauf pour le prêt à la grosse, ce sont le plus souvent des immeubles qui sont l'objet d'une hypothèque : fonds de terre ' avec leurs servitudes5, maisons 6, fabriques', jardins 8. On peut hypothéquer les choses sacrées', et même les créances. Une inscription de Cnide, du nit siècle av. J.-C., fait mention d'une hypothèque sur le prix à provenir de la vente des colonnes, des bois, des tuiles et des briques". Il en était de même à Clazomènes" et dans quelques autres cités12. On ignore l'effet produit par cette hypothèque. Parfois les cités hypothéquaient leurs revenus 13 Ici encore, on ne sait comment cette hypothèque était D'ordinaire l'hypothèque est spéciale : elle porte sur tel ou tel bien déterminé. On trouve cependant un exemple d'hypothèque générale : à Ténos, un mari consent une hypothèque sur tous ses biens pour assurer la restitution de la dot ". IV. Droits du créancier hypothécaire. A défaut de payement à l'échéance, le débiteur est é hall,, i.Epoÿ 15. Le créancier acquiert le droit de se mettre en possession de la chose sans autorisation de justice 1G. C'est ce qu'on appelle 4teotTEue;; 17 [EMBATEIA]. Ce droit existe en Atti quef8, à Éphèse 19, à Gortyne20. En cas de résistance, le créancier a recours à 1'i oûar,; l(x'e [MOULES DIKÈ]. L'ÉU.U.TEuctç procure au créancier la propriété'-" (iyc;v xal xpcrcv) 22. L'inscription d'Amorgos met sur la même ligne l'acquisition en vertu d'une hypothèque et l'acquisition en vertu d'une vente 23. Un décret du peuple de Delphes attribue expressément la propriété au créancier hypothécaire". En qualité de propriétaire, le créancier a le droit de vendre la chose hypothéquée25; il n'a pas besoin d'y être autorisé spécialement. On rencontre cependant dans quelques textes une clause attribuant au créancier le droit de vendre 26 : elle avait son utilité en cas derprêt à la grosse. Elle permettait de réclamer un supplément (Tt) ))c«rov) au débiteur dans le cas où la valeur de la chose hypothéquée n'était pas, à l'échéance, égale au montant de la dette. C'était un moyen de prémunir le créancier contre le risque que lui faisait courir le forfait qu'il acceptait. Ce risque n'était guère à redouter lorsque l'hypothèque portait sur un immeuble ; il devait se présenter fréquemment en cas de prêt à la grosse. Pour savoir si le débiteur avait une différence à payer au créancier, pour en déterminer éventuellement le montant, le créancier était tenu de procéder à la vente. Ainsi s'explique la clause que l'on rencontre dans certains contrats 27. II suit de là qu'en règle générale, le créancier qui n'était pas entièrement désintéressé par le prix de vente de la chose hypothéquée, ne pouvait rien réclamer au débiteur. Réciproquement il n'avait rien à lui rembourser, si le prix de vente était supérieur au montant de la dette. La constitution d'une hypothèque était considérée comme une satisfaction promise et acceptée à forfait. C'est ce qui explique pourquoi l'on ne pouvait concéder une seconde hypothèque sans l'assentiment du créancier hypothécaire antérieur. A partir d'une époque qu'on ne saurait préciser, le droit du créancier hypothécaire a pu être restreint, par la volonté des parties, au montant de la créance. C'était la clause inverse de celle qui permettait au créancier, lorsqu'il était en perte, de réclamer au débiteur un payement supplémentaire. Le seul document relatif à la question est la loi d'Éphèse de l'an 84 avant notre ère. Cette loi accorde au débiteur de bonne foi, comme bénéfice de guerre, la faculté de faire estimer l'immeuble hypothéqué d'après son état et sa valeur avant la guerre et de se libérer en abandonnant une partie de l'immeuble équivalente au montant de la dette. A cette époque, les créanciers prudents exigeaient, comme surcroît de garantie, des cautions (y yl'ot) ]ECGYÈ]. La loi d'Ephèse dit : « Si la valeur de l'immeuble hypothéqué est équivalente au montant de la dette, la caution est libérée de son engagement; si la dette dépasse la valeur de l'immeuble, la caution reste tenue pour l'excédent 28. V. Effets de l'hypothèque quant au constituant. Le constituant conserve la propriété et la possession de la chose hypothéquée, mais il ne peut rien faire qui diminue la valeur de la sûreté qu'il a promise. Il ne peut non plus, si la chose est mobilière, chercher à la soustraire aux poursuites du créancier 23. Celui-ci aurait le droit soit de la saisir à titre conservatoire, soit d'intenter la ôtxr Etç ip.cpavtuv X«TâcT«cuv30, qui correspond à l'actio ad exhi le constituant ne peut aliéner la chose ni à titre onéreux ni à titre gratuit : c'est la restriction la plus importante de son droit de propriété. Seul le créancier hypothécaire peut, en donnant son consentement, rendre valable l'aliénation 31. Ce consentement n'implique pas, comme on l'a prétendu 32, renonciation à l'hypothèque. Dans les cités où il existait un registre des ventes immobilières, comme à Ténos, on avait soin, lorsque la vente portait sur un immeuble HYP 358 HYP hypothéqué, de mentionner la charge qui grevait cet immeuble 1 : cela prouve que l'acheteur devait la subir. Si, à Rome, le consentement donné par le créancier à la vente vaut renonciation à l'hypothèque, c'est que le constituant conserve le droit d'aliéner. En Grèce, l'intervention du créancier s'explique par le désir d'éviter des contestations ou des rrésistances; s'il y a lieu de procéder ultérieurement à. 1'FES.exTauctç, le tiers acquéreur ne pourra alléguer aucun prétexte pour s'y opposer. Dans le cas où la vente est régulièrement faite du consentement du créancier, qui doit payer? Le débiteur ou le tiers acquéreur? La question est discutée mais, dans cette discussion, on semble avoir perdu de vue le caractère de l'hypothèque. Si la chose hypothéquée est traitée comme une satisfaction promise au créancier, à vrai dire il n'y a plus de débiteur. Le détenteur de la chose au jour de l'échéance doit la livrer, s'il ne préfère éviter l'expropriation en payant une somme déterminée. En prévision de cette alternative, l'acheteur devra retenir sur le prix d'achat une somme égale au montant de la dette. VI. Pluralité d'hypothèques. Peut-on hypothéquer la même chose au profit de plusieurs créanciers? La question est double, et la solution doit varier suivant que les diverses hypothèques ont été constituées simultanément ou successivement. Dans le premier cas, si l'on suppose par exemple des cocréanciers solidaires, on peut concevoir que le débiteur commun leur promette à chacun une hypothèque sur le même objet. A défaut de payement à l'échéance, ils se partageront entre eux la valeur de l'objet qu'ils auront saisi. On en trouve un exemple en cas de prêt à la grosse 3. Mais la question est surtout importante dans le second cas, à cause des conséquences qu'elle peut avoir pour le crédit du débiteur. Tant que l'hypothèque a conservé son caractère primitif, tant qu'elle a été traitée comme une satisfaction promise à forfait au créancier, la faculté de constituer une seconde hypothèque a été subordonnée au consentement du premier créancier'. Il fallait obtenir de lui qu'il voulût bien renoncer à l'excédent de valeur de la chose sur le montant de sa créance. A défaut de son consentement, la seconde hypothèque était nulle Lorsque le caractère de l'hypothèque se fut modifié et que l'usage limita le droit du créancier au montant de sa créance, le débiteur eut le droit de consentir librement une deuxième et même une troisième hypothèque. Au Ier siècle avant notre ère, la loi d'Éphèse ne fait plus allusion à la nécessité du consentement du premier créancier. A cette époque, la constitution d'une seconde hypothèque était consacrée par la pratique. C'est ce qu'on appelait l.atSxveïext G. A Éphèse, le droit du second créancier portait non pas sur la chose même, mais sur la différence entre la valeur de la chose et le montant de la première créance (hyperocha)7. On procédait à cet effet à une estimation du fonds hypothéqué 8, peut-être aussi à la vente, comme on le fit plus tard en droit romain. De ce que le droit du second créancier porte uniquement sur l'hyperocha, il faut en conclure : d'abord qu'il n'a pas 1"EN.UTEuctç; puis que si le débiteur paye le premier créancier, la situation du second n'est pas modifiée. Le débiteur pourrait donc consentir à un tiers une nouvelle hypothèque pour sûreté d'une créance égale à celle qui est éteinte. C'est ce qu'il faisait sans doute au profit d'un prêteur de deniers, qui lui avançait la somme nécessaire pour payer le premier créancier. C'est ce qu'il pouvait faire également au profit du second créancier lui-même, lorsque celui-ci offrait de désintéresser le premier créancier (E,xaaTTEty) 3. Il y avait là quelque chose d'analogue au jus off'erendi du droit romain. Bien qu'il n'y ait pas de texte formel, on peut conjecturer que ce droit fut admis, tout au moins à titre exceptionnel et en temps de guerre à Éphèse 10. Il semble aussi avoir été usité en Attique 11 VII. Extinction de l'hypothèque, L'hypothèque s'éteint lorsque le créancier a reçu son payement intégral, capital et intérêts. Elle s'éteint aussi lorsqu'une loi, comme celle d'Éphèse, porte abolition des dettest2. Si la dette n'était éteinte que partiellement, l'hypothèque n'en subsisterait pas moins et pour le tout. L'hypothèque s'éteint également lorsque le créancier renonce à la sûreté qui lui a été promise, tout en conservant sa créance; le testament d'Épictèta en fournit un exemple. DROIT ROMAIN. I. Origine de l'hypothèque. Comme le droit grec, le droit romain reconnaît trois sortes de sûretés réelles : l'aliénation fiduciaire (/iducia cum creditore)13, le gage (pignus)", l'hypothèque (pignus conventum IS, hypotheca 16). L'aliénation fiduciaire, comme la aFâcts i l XSrut, implique le transfert au créancier de la propriété de l'objet qui doit lui servir de gage. Dans le pignus, comme dans l'vl upov, le créancier acquiert seulement la possession. Enfin dans l'hypothèque, le constituant garde la propriété et la possessioni7; le créancier n'a que le droit de se faire mettre en possession faute de payement à l'échéance. L'analogie qui existe à ce point de vue entre les deux législations est plus apparente que réelle. L'aliénation fiduciaire n'est pas, comme la 7:p'àct; ) rst, une vente à réméré : le constituant ne vend pas sa chose au créancier pour un prix égal au montant de la dette ; la vente est fictive (imaginaria) ; elle est conclue au prix d'un sesterce 16. Le droit du créancier subsiste au lieu de s'éteindre par voie de compensation avec le paix de vente. L'aliénation fiduciaire n'est pas une dation en payement : c'est la garantie d'une créance. D'autre part l'aliénation fiduciaire, le gage et l'hypothèque n'ont pas été simultanément consacrés par le droit : si, dans l'usage, le pignus remonte à une haute antiquité, il est resté pendant longtemps étranger à la sphère du droit"; de même l'hypothèque n'a été sanctionnée par le préteur qu'au let siècle de l'empire. L'aliénation fiduciaire fut, dans le principe, le seul moyen légal de conférer une sûreté réelle. On ne saurait donc admettre que les Romains aient emprunté aux Grecs leur système de IIYP 359 HYP sûretés réelles'. L'aliénation fiduciaire, le gage etl'hypothèque ont à Rome une physionomie et une organisation particulières. Ces trois modes apparaissent dans la législation romaine comme les trois phases du développement historique du droit en matière de sûretés réelles : chacune de ces phases marque un perfectionnement, un progrès par rapport à la phase qui l'a précédée. L'aliénation fiduciaire conférait au créancier une sûreté très énergique : il n'avait pas à redouter le concours des autres créanciers, et, s'il venait à perdre la chose 2, il avait pour la reprendre soit l'action de vol, soit l'action en revendication. La situation du débiteur était moins bonne : il n'eut d'abord pour recouvrer sa chose que l'usureceptio [USURECEPTIO], plus tard l'arbitrium fiducia, enfin l'action personnelle de fiducie 3. Si le créancier l'avait aliénée, il était sans droit contre les tiers acquéreurs. Le pignus n'offrait pas les mêmes inconvénients : le débiteur restait propriétaire et pouvait revendiquer sa chose, quel qu'en fût le détenteur. Mais le créancier était sans défense contre le débiteur qui, au mépris de la foi promise, revendiquait sa chose avant d'avoir payé ; puis il n'avait aucun moyen de recouvrer la possession s'il venait à la perdre. Aussi le gage ne devint-il vraiment un instrument de crédit, un mode de constitution d'une sûreté réelle, que le jour où le préteur concéda au créancier l'exercice des interdits possessoires'. C'était là un mode de protection moins efficace que la revendication, mais qui cependant, en bien des cas, pouvait suffire. Le préteur ne s'en tint pas là : il permit de repousser par une exception une réclamation prématurée et dolosive'', et fit du pignus un pacte prétorien sanctionné par l'action pigneraticia in factums, en attendant que la jurisprudence l'eût élevé au rang de contrat réel sanctionné par une action in jus directa au profit du constituant', par une action in jus contraria au profit du créanciers [plexus]. L'aliénation fiduciaire et le pignus, impliquant le transfert de la propriété ou de la possession, présentaient, si on les apprécie au point de vue moderne, un double inconvénient. D'abord, quelle que fût la valeur de la chose, même si elle était très supérieure au montant de la dette, on ne pouvait la donner en gage qu'à un seul créancier; puis le débiteur était privé de l'usage et de la jouissance de la chose. De ces deux inconvénients, le premier ne paraît pas avoir frappé les Romains, du moins sous la République ; quant au second, il pouvait être écarté par une convention de précaire 9. Le créancier prenait possession de la chose, puis la rétrocédait au débiteur à titre de précaire. De la sorte, tous les intérêts étaient sauvegardés : le créancier pouvait, à volonté, révoquer sa concession et reprendre la chose par l'interdit de precario 10, faculté qui lui était très précieuse si d'autres créanciers menaçaient de saisir son gage; le débiteur, de son côté, pouvait faire fructifier sa chose ou en tirer parti, et se procurer ainsi les ressources nécessaires pour se libérer plus tôt. Il y avait certains cas où le transfert de la propriété, la remise de la possession auraient été difficiles à réaliser, et où cependant il y avait utilité à procurer au créancier une sûreté réelle. Un propriétaire vend la récolte pendante d'un champ d'olives ou d'une vigne" ; l'acheteur n'a souvent d'autres biens que le matériel qui lui sert à faire la récolte. On ne peut songer à l'en déposséder : ce serait le mettre hors d'état de remplir ses engagements. On renonça à la livraison du gage; l'apport du matériel sur le fonds du vendeur fut considéré comme équivalent à une tradition. Cette innovation n'était pas sans péril ; on avait à craindre que le droit du créancier ne devînt illusoire faute de payement à l'échéance. On obvia au danger par une clause mentionnée dans les formulaires de Caton 32 : il était interdit à l'acheteur d'emporter les objets qu'il avait introduits sur le fonds, sinon la propriété en était attribuée au vendeur. Grâce à cette clause, le créancier avait le droit de les revendiquer et même, le cas échéant, de poursuivre le débiteur comme voleur. Telle est l'origine lointaine de l'hypothèque romaine : pour la première fois une sûreté réelle est constituée sans aliénation fiduciaire ni tradition proprement dite. Celiendant on ne peut pas dire encore que l'hypothèque existe; on est en présence, non d'une institution consacrée par la loi, mais d'un expédient qui tire son efficacité de la seule convention des parties. C'est au début de l'Empire que le préteur crut devoir intervenir dans des circonstances analogues à celles que Caton nous fait connaître. Le préteur a visé le cas spécial d'un colon qui affecte à la garantie de la redevance qu'il a promise son matériel d'exploitation. Cette convention est valable sans être assujettie à aucune formalité, sans être accompagnée d'aucune tradition. Elle confère au bailleur du fonds rural le droit à un interdit qui lui permettra de se mettre en possession des objets engagés s'il n'est payé à l'échéance. C'est l'interdit Sais vien13, ainsi appelé d'après le nom du magistrat qui l'a proposé, le préteur Salvius. L'innovation, il faut bien le remarquer, n'a pas consisté à imaginer un moyen pratique de procurer une sûreté réelle au bailleur. Ce moyen existait-à l'époque où le gage exigeait une tradition : il suffisait que le bailleur rétrocédât au colon la possession à titre de précaire. L'innovation a consisté : 1° à supprimer la double transmission de possession du colon au bailleur et de celui-ci au colon, par suite à substituer à l'interdit de precario qui est récupératoire un interdit tendant à faire acquérir la possession [INTERDICTUnl] ; 2° à considérer un simple pacte comme équivalent à une tradition", ce qui était en dehors des usages des Romains au temps de la République. Mais c'était un avantage très appréciable à une époque où les capitalistes de Rome avaient des terres dans les provinces et où il aurait été peu pratique, toutes les fois qu'ils changeaient de colons, de les obliger à une double transmission de possession. En se contentant d'un simple pacte, on leur permit de traiter HYP 360 HYP par correspondance et de se ménager une sûreté réelle sans les forcer à se transporter sur les lieux. L'innovation introduite par Salvius fut complétée peu de temps après par un de ses successeurs, Servius. L'interdit Salvien ne procurait au bailleur qu'une garantie imparfaite. Il y a lieu de croire qu'il n'était opposable qu'au colon et non aux tiers détenteurs'. Servius voulut assurer au bailleur une voie de recours efficace, analogue à celle que procurait la clause d'attribution de propriété usitée au temps de Caton : il lui promit une action réelle pour réclamer la possession des invecta et illata faute de paiement à l'échéance, et cette action put être intentée avec succès, même contre les tiers détenteurs'. A dater de la création de l'interdit Salvien, on peut dire qu'un droit nouveau a été implicitement reconnu par la législation romaine. Cet interdit diffère des autres interdits possessoires en ce qu'il soulève non pas une question de possession, mais de droit sur la chose d'autrui. Le créancier réclame la possession en prétendant avoir un droit sur la chose. La possession est ici le but; ce n'est pas le fondement de l'interdit. Pour donner à ce droit nouveau le caractère exclusif qui distingue les droits réels, il fallait permettre au créancier de s'en prévaloir envers et contre tous : ce fut l'oeuvre de Servius. Désormais à côté de la propriété et des servitudes, il existe une troisième espèce de droit réel : l'hypothèque. Tel fut le point de départ de cette institution que les besoins de la pratique avaient fait naître dans un cas particulier. Il restait à en étendre l'application, à en faire un instrument général de crédit, un mode de garantir toute sorte de créances. Il restait aussi à construire la théorie de l'hypothèque, à résoudre les difficiles problèmes qu'elle soulève : ce fut l'eeuvre des jurisconsultes classiques secondés par les préteurs. La date de l'apparition de l'hypothèque n'a pu jusqu'ici être fixée avec certitude; mais des travaux récents ont établi que l'interdit Salvien et l'action Servienne ne sauraient remonter à une époque antérieure à l'empire'. Dans les écrits de Cicéron, qui contiennent tant d'allusions aux usages romains, il n'est jamais question d'une sûreté réelle qui s'établirait par un simple pacte. Cicéron ne connaît que l'hypothèque grecque 4. Puis le sénatusconsulte Velléien, qui est de l'an 46 de notre ère, ne vise pas l'intercession qui se produirait sous forme d'hypo thèque' [INTERCESSIO]; et cependant la constitution d'une hypothèque était tout aussi dangereuse que la fidéjussion pour autrui. Si le Sénat ne l'a pas prohibée, c'est qu'elle était peu répandue dans la pratique. Enfin Gaius ne parle pas de l'hypothèque dans ses Commentaires; il cite une seule fois l'interdit Salvien 6. Et cependant, dans cet ouvrage, il présente l'exposé du droit en vigueur de son temps. Cette lacune est d'autant plus remarquable que Gaius est l'auteur d'un traité De formula hypothecaria'. Sans doute la théorie de l'hypothèque était alors en voie de formation et pas assez arrêtée dans ses lignes principales pour figurer dans un livre élémentaire. L'hypothèque s'est dégagée lentement du pignes, Les Romains eurent si bien conscience du lien de fili;r_ Lion qui unit l'hypothèque au pignus que la terminologie juridique s'en est ressentie. Pendant longtemps, ils ont désigné l'hypothèque sous le nom de pignons conventioe, C'est seulement dans les écrits des jurisconsultes qui ont cherché à vulgariser les doctrines reçues en écrivant des traités De formula hypothecaria 9 que le mot hypotheca est employé d'une façon à peu près exclusive. D'ailleurs les deux institutions une fois séparées ont exercé l'une sur l'autre une influence réciproque : tandis que l'hypothèque a emprunté au pignus les actions contractuelles qui le sanctionnent, le pignus à son tour lui a pris son action réelle 10. C'est à ce point de vue seulement qu'il est vrai de dire, avec Marcien : Inter pignus et hypothecam nominis tantum sonus di/fert. A tous autres égards, les deux institutions diffèrent : le rédacteur des Institutes de Justinien en a justement fait la remarque ". II. Extension de l'hypothèque. La nouvelle institution s'est développée lentement. Au temps de Nerva et de Proculus, on admet l'hypothèque du bailleur d'un fonds urbain sur les meubles de son locataire t2 ; au 11e siècle l'hypothèque du bailleur d'un fonds rural sur les fruits ". Pais deux extensions d'une portée considérable : la première relative à l'hypothèque des choses futures '4, la seconde à l'hypothèque des servitudes ou des créances. Dans ces divers cas la jurisprudence s'affranchit nettement d'une condition qui avait jusqu'alors entravé le développement de l'hypothèque : elle n'est plus restreinte aux invecta et illata : elle s'applique soit à des choses qui ne se trouvent pas sur un fonds appartenant au créancier, soit même à des choses qui ne sont pas susceptibles de possession, à des choses incorporelles. Dans l'hypothèque d'une servitude, le créancier peut, en vertu d'une convention spéciale, user de la servitude s'il a un fonds contigu, puis, faute de payement, la vendre à un voisin". C'est une extension du droit reconnu au titulaire d'une servitude de prise d'eau d'accorder à des voisins la faculté de,prendre de l'eau chez lui, pourvu qu'il y ait un pacte autorisant cette concessioni°. Dans l'hypothèque d'une créance, le créancier acquiert le droit de faire valoir la créance qui lui sert de garantie; il peut en exiger le payement à l'échéance, et compenser la somme touchée avec celle qui lui est due 17; le surplus, s'il y en a, revient au débiteur. Pour justifier ces diverses extensions la jurisprudence tira parti d'une clause que l'on joignait parfois à la convention d'hypothèque, comme on la joignait depuis longtemps déjà au contrat de gage : c'est la clause autorisant le créancier à vendre faute de payement à l'échéance. Toute chose susceptible d'être vendue fut susceptible d'hypothèque Dès lors la protection du préteur s'étendit à tous les cas où un débiteur affectait un de ses biens à la sûreté de sa dette, sans transférer au créancier ni la propriété ni la possession. L'action promise ici par l'édit n'est plus l'action Servienne proprement dite, mais une ac 46 HYP 361 HYP fion qualifiée utile, quasi Servienne ou hypothécaire III. Caractères de l'hypothèque. La jurisprudence ne paraît pas s'être occupée de la construction doctrinale de l'hypothèque avant le règne de Trajan. L'oeuvre commencée par Ariston, continuée par les jurisconsultes du siècle des Antonins, a été achevée par ceux du temps des Sévères. Ils ont fait de l'hypothèque un droit réel sur la chose d'autrui, et un droit accessoire. Comme tous les droits réels, le droit d'hypothèque s'exerce sur la chose directement et sans intermédiaire. Il est opposable non seulement au débiteur, mais aussi aux tiers qui ont acquis, à une date postérieure, soit la propriété, soit un droit réel quelconque. Il n'est pas nécessaire qu'ils aient traité avec le débiteur; il en serait de même s'ils avaient acquis par voie d'usucapion'. Si quelques textes présentent l'hypothèque comme une rei obligatio cette expression sert à marquer la différence qui existe à certains égards entre l'hypothèque et la servitude, l'analogie qui existe entre l'hypothèque et l'obligation. Tandis que la servitude désigne un rapport de droit permanent, l'obligatio rei comme l'obligatio personae désigne un rapport temporaire. Tandis que la servitude confère le droit de retirer d'une chose une partie de l'utilité qu'elle est susceptible de fournir, l'obligatio rei et l'obligatio personae tendent à nous procurer une valeur par l'intermédiaire d'une personne ou d'une chose. A tous autres points de vue, l'hypothèque se rapproche des servitudes, particulièrement de l'usufruit; elle est soumise à des règles à peu près semblables'. L'hypothèque est ensuite un droit accessoire. Elle suppose l'existence d'une créance qu'elle vient garantir. Que ce soit une créance civile ou naturelle, pure et simple ou à terme, conditionnelle ou future, qu'elle résulte d'un contrat ou d'un délit, il n'importe 6. Mais l'hypothèque constituée pour sûreté d'une obligation nulle 6 ou susceptible d'être paralysée par une exception péremptoire', est inefficace. L'hypothèque garantit non seulement le capital de la créance, mais aussi les intérêts, et, d'une manière générale, tous les accroissements que la créance a reçus depuis l'établissement de l'hypothèque 8. Ainsi organisée, l'hypothèque romaine se distingue nettement de l'hypothèque du droit grec. Ce n'est plus une dation en payement : c'est une garantie. La différence entre les deux législations se manifeste dans la solution donnée à la question des risques en cas de perte fortuite de la chose hypothéquée. En Grèce les risques sont pour le créancier qui ne peut plus réclamer le payement de la dette. A Rome, ils sont pour le débiteur qui demeure soumis à l'action personnelle. Cette différence explique un rescrit d'Alexandre Sévère 9, motivé sans doute par une requête adressée par un habitant d'une province grecque et qui ne se comprendrait pas de la part d'un Romain. IV. Objet de l'hypothèque. Dans le principe, l'hypo V. thèque conférant simplement le droit de se mettre en possession ne pouvait avoir pour objet que des choses corporelles, meubles ou immeubles. Lorsque plus tard elle conféra au créancier le droit de vente, elle put avoir pour objet toute chose susceptible d'être vendue : une servitude rurale de passage ou de prise d'eau, mais non une servitude urbaine" [sERVITUS]; un droit de superficie [SUPERFICIES] ou le droit qui porte sur un ager vectigalis 11 [AGER VECTIGALIS]; un usufruit établi ou à établir'' [USUSFRUCTUS]. Enfin l'on put hypothéquer soit une créance" (pignus nominis) [NoSIEN], soit l'hypothèque qui garantit une créancee' (pignus pignoris) [PIGNUS]. L'hypothèque peut avoir pour objet soit une chose isolée, soit un ensemble de choses (universitas rerum), par exemple un magasin", soit même tous les biens présents et à venir d'une personne. Les Romains ne se sont pas attachés au principe de la spécialité de l'hypothèque. Au temps de Gains, il était d'usage courant de joindre à la convention affectant certains biens à la sûreté d'un créancier, une clause d'hypothèque générale' 6. V. Modes de constitution de l'hypothèque. L'hypothèque s'établit de trois manières : par simple pacte, par testament, par la loi. Les Romains ont aussi connu quelque chose d'analogue à notre hypothèque judiciaire : c'est le pignus praetoriun4'7 et le pignus ex causa judicati captura ". Mais, comme dans ces deux cas il faut une prise de possession effective, ce sont des gages et non des hypothèques. Il en sera parlé au mot PIGNUS. t° hypothèque conventionnelle. A la différence de la propriété et des servitudes, l'hypothèque s'établit par un simple pacte 13. 11 est d'usage de constater par écrit la constitution de l'hypothèque pour en faciliter la preuve et surtout pour en fixer la date 20 L'hypothèque ne peut être constituée qu'au profit du créancier capable de contracter 21. Avant Justinien 22 elle ne peut être acquise par un procurator général ou par un tuteur 23 Pour être pleinement efficace, le pacte doit être consenti par le propriétaire de la chose pourvu qu'il soit capable d'aliéner'+. On n'exige pas d'ailleurs qu'il ait la propriété quiritaire, il suffit qu'il ait la chose in bonis au moment de la convention 25. On a même, dans certains cas, permis l'hypothèque de la chose d'autrui : lorsque le constituant agit à titre de mandataire ou de gérant d'affaires 26, ou sous la condition que la chose deviendra plus tard sa propriété 27. Mais-c'est une question discutée que de savoir si, dans tout autre cas, la nullité de l'hypothèque ne serait pas couverte à ces deux conditions : que le constituant acquière ultérieurement la propriété; que le créancier l'ait cru autorisé à constituer l'hypothèque 28. Les jurisconsultes classiques furent eux-mêmes en désaccord : tandis que Paul maintient la nullité 29, Modestin accorde au créancier une action utile IlYP -362HYP Le possesseur de bonne foi peut valablement consentir une hypothèque, mais elle n'est pas opposable au propriétaire 1. Il en est autrement de l'hypothèque constituée par le superficiaire ou l'emphytéote", si le solarium est régulièrement payé 3. 2° hypothèque testamentaire. Il n'existait pas dans le principe de mode direct de constituer une hypothèque par testament. Le legs per vindicationem ne pouvait servir que pour un droit réel civil'; les legs per damnationem 5 et sinendi modo 6 ne conféraient qu'un droit de créance; il en était de même du fidéicommis". Au commencement du ut° siècle, on permit à celui qui aurait obtenu du testateur une hypothèque de demander au préteur à être envoyé en possession d'un bien de la successions. L'efficacité de cette demande fut limitée à l'héritier et aux tiers qui auraient acquis ce bien en connaissance de cause 9. Au Bas-Empire, lorsque le legs per vindicationem eut perdu son caractère antique, on put léguer une hypothèque comme on léguait un usufruit. Le légataire eut dès lors l'action hypothécaire et cette conséquence fut consacrée par Justinien 10 3° Hypothèques légales. Les hypothèques légales ont été introduites les unes par la coutume, les autres par l'autorité de la loi. Les premières reposent sur une convention tacite ; elles sont presque aussi anciennes que la convention d'hypothèque ; les secondes apparaissent assez tard : la plupart datent du Bas-Empire. Le principe du droit romain, c'est que chacun doit pourvoir à ses intérêts ". Dans les cas exceptionnels où l'on a dérogé à ce principe, le préteur a eu recours au cautionnement ". La préférence, accordée au système des sûretés personnelles, ne s'explique pas seulement par l'imperfection du système des sûretes réelles sous la République 13 et au début de l'Empire ; même au n° siècle à l'époque où Pomponius écrivait" : Plus cautionis est in re quamin persona, le préteur n'admit pas l'équivalence de l'hypothèque et du cautionnement'. L'intervention de répondants avait, à ses yeux, une valeur particulière; aucune sûreté réelle, si solide qu'elle fût, ne pouvait en tenir lieu : c'était une attestation de l'honorabilité du débiteur. Les hypothèques légales sont spéciales ou générales. A. Hypothèques spéciales.-1° Hypothèque du locateur d'un fonds urbain (praedium urbanum) sur les meubles (invecta et illata) du locataire°. C'est, à notre connaissance, la plus ancienne hypothèque légale. Admise d'abord à Rome et dans le territoire environnant, elle fut au Bas-Empire appliquée à Constantinople (ut raque Borna), enfin étendue par Justinien aux provinces". Dans le principe, il fallait une convention spéciale pour la faire naître ; ce fut bientôt une clause de style ; on finit par la sous-entendre. II en était ainsi dès le règne de Trajan 18. Cette hypothèque appartient au locateur d'un praedium urbanum, ce qui comprend les maisons, chambres, gre niers, étables f0, etc. Elle porte sur les objets qui garnissent les lieux loués 20, même ceux qui sont occupés par un sous-locataire21, mais non sur les objets qui s'y trouvent accidentellement et temporairement22. Elle date du jour de l'apport effectif des meubles et non du jour du contrat". Elle garantit non seulement le payement du loyer, mais aussi toutes les obligations dérivant du contrat de louage". Le bailleur avait, pour faire valoir son hypothèque, un moyen plus prompt que l'action quasi Servienne : pour éviter un déménagement furtif, il avait le droit de faire fermer les portes de la maison (percludere)25. A dater de ce moment, il était considéré comme possesseur des meubles; si le locataire s'avisait de les faire passer par la fenêtre, il était poursuivi comme voleur 26. Pour prévenir tout abus de la part du bailleur, le préteur protégeait le locataire par un interdit de migrando 27. Il l'autorisait à faire sortir ses meubles dans deux cas : lorsqu'ils n'étaient pas compris dans l'hypothèque; lorsque le locataire avait payé les loyers échus et offert les loyers à échoir ". 2° Ilypothèque du bailleur d'un fonds rural sur les fruits". Cette hypothèque date du jour où les fruits sont perçus par le fermier. Si les fruits sont enlevés furtivement, si le colon vend sur pied la récolte et que l'acheteur l'enlève au mépris de droits du propriétaire, les fruits sont considérés comme volés 30. L'hypothèque légale du bailleur d'un fonds rural ne s'étend, pas aux invecta et illata : sur les res coloni il ne peut y avoir qu'une hypothèque conventionnelle 3' 3° Hypothèque du capitaliste qui a prêté de l'argent pour reconstruire une maison. Le pignus insulæ a été institué par un sénatus-consulte du temps de MarcAurèle 9'. C'est la première hypothèque établie parl'autorité de la loi. Elle se rattache à une série de mesures prises par les empereurs ne ruinis urbs deforrnetur33. Elle s'applique donc au cas de reconstruction d'un édifice détruit : elle ne garantit pas l'argent prêté pour de simples réparations. Il faut de plus que le prêt ait été consenti directement au propriétaire ; on peut cependant convenir que l'argent sera compté à l'entrepreneur (redemptor). 4° Hypothèque du pupille sur les biens achetés de ses deniers par son tuteur ou par un tiers. Elle a été établie par une constitution de Sévère et Caracalla" [TUTELA]. 5° Hypothèque du légataire sur les biens de la succession. Elle a été créée par Justinien 36. Auparavant, les légataires avaient, comme sûreté, la caulio legatorum36 [LEGATUM] et la séparation des patrimoines 37 [sEPARATIo B. Hypothèques générales. -1° hypothèque du fisc. Aux premiers siècles de l'Empire, sauf un cas particulier prévu lege vacuaria (vicesinlaria?) 33, le fisc n'avait d'hypothèque sur les biens de ses débiteurs ex contracta HYP -363I3YP qu'en vertu d'une convention. Cette convention, qui était d'usage, finit par être sous-entendue. Caracalla constate, dans un de ses rescrits, que le fisc a de plein droit une hypothèque sur les biens de tous ceux qui contractent avec luit. Il a pareillement hypothèque sur les biens de ses agents : le fait est attesté pour les caesariani2 et les prinlipili3. On a prétendu que cette hypothèque garantissait toutes les créances du fisc, quelle qu'en fût l'origine, mais le fragment d'Hermogénien ", que l'on a invoqué, ne saurait être pris à la lettre. Des documents postérieurs au rescrit de Caracalla en fournissent la preuve 5. Le fisc avait également une hypothèque générale sur les biens des contribuables pour assurer le recouvrement des impôts directs. Cette hypothèque existait au temps de Caracalla 6. Elle garantissait le payement du tributum soli et du tributum capitis. Les cités n'ont pas, comme le fisc, une hypothèque pour la garantie de leurs créances'; elles jouissent seulement, depuis Trajan, d'un privilège L'opinion contraire, soutenue par Godefroy ', repose sur l'interprétation inexacte d'une constitution de Constantin 10 20 Hypothèque des églises sur les biens des emphytéotes, en raison des dégradations par eux commises 1t. 3° Hypothèque des impubères, mineurs, fous, sur les biens de leurs tuteurs ou curateurs. L'hypothèque légale des impubères et des mineurs remonte, suivant certains auteurs u, au temps de Sévère et Caracalla 13 ; suivant d'autres'', elle aurait été établie par Constantin 1'. Justinien en a étendu le bénéfice aux fous16. Cette hypothèque garantit toutes les créances des intéressés contre leurs tuteurs ou curateurs; elle date du jour où commence la tutelle, c'est-à-dire du jour où le tuteur apprend qu'elle lui est déférée t'. 4° Hypothèque des enfants sur les biens de leur père en raison des biens adventices de la ligne maternelle 16 ; sur les biens du père ou de la mère remarié, pour recouvrer les gains nuptiaux provenant du premier mariage". 5° Hypothèque de la femme. La pensée de garantir à la femme la restitution de sa dot, en dehors de toute stipulation, remonte à Auguste. Elle se rattache à un système législatif tendant à faciliter le mariage et à fournir aux femmes divorcées les moyens de se remarier. nui publie x interest mulieres dotes calvas habere propter quas nubere possunt20. Telle est la pensée qui a inspiré le chapitre de la loi Julia De adulteriis qui défend au mari d'aliéner le fonds dotal italique sans le consentement de la femme 21. Cette disposition fut complétée par la concession à la femme d'un privilège qui lui conféra le droit de se faire payer avant les créanciers chirographaires du mari 22. Cette double protection parut suffisante et le fut en effet, tant que l'hypothèque resta àpeuprès étrangère à la pratique. Lorsque l'usage de cette sûreté réelle se fut répandu, la jurisprudence étendit à l'hypothèque la prohibition édictée par la loi Julia 23, et, par applica Lion du sénatus-consulte Velléien, le mari ne put hypothéquer le fonds dotal même du consentement de la femme 24 [INTERCESSIO]. Restait à assurer la protection des meubles dotaux : la loi laissa à la femme le soin de pourvoir à son intérêt en exigeant des cautions, des hypothèques sur les biens du mari 25. Mais c'étaient là des mesures de défiance bien délicates à prendre à la veille du mariage. La loi elle-même défendit de cautionner les dots 26. Au Bas-Empire, les raisons qui avaient décidé le législateur à garantir la restitution de la dot perdirent leur valeur. Sous l'influence du christianisme, les seconds mariages étaient vus avec défaveur". Et cependant Justinien a non seulement conservé, mais renforcé les garanties accordées à la femme pour la restitution de sa dot. C'est qu'une raison nouvelle s'est substituée à l'ancienne et a produit des effets analogues. A la place de l'intérêt de l'État, la religion chrétienne a mis une idée de justice : la femme étant l'égale de l'homme, il est juste d'assurer son existence en empêchant le mari de dissiper la dot. Les réformes de Justinien sont au nombre de trois" en 529, il remplace le privilège accordé à la femme par une hypothèque sur les biens dotaux existants26 ; en 530, il défend au mari d'aliéner le fonds dotal, en quelque lieu qu'il soit situé, même avec le consentement de la femme"; en même temps il donne à la femme une hypothèque sur les biens du mari 3t Enfin, en 531, par la célèbre constitution Assiduis 32, il perd toute mesure et décide que l'hypothèque de la femme sera privilégiée et sera préférée même aux hypothèques consenties par le mari avant son mariage. Ce n'est pas seulement la dot que Justinien a voulu garantir par une hypothèque légale : il a étendu sa protection aux paraphernaux 33, mais seulement à ceux qui ont été mentionnés dans le contrat de mariage (instrumentum dotale); il l'a étendue également à la donation propter nuptias, mais ici l'hypothèque de la femme reste soumise au droit commun et ne jouit pas de la faveur exorbitante accordée à la dota'. 6° Hypothèque du mari pour assurer le payement de la dot 3a. Cette hypothèque porte sur les biens de celui qui a promis la dot et date du jour où la promesse a été faite. 7° hypothèque sur les biens du conjoint survivant qui a reçu un legs sous la condition de ne pas se remarier. Au lieu de fournir la caution Mucienne [CAUTIO] pour garantir qu'il ne contreviendra pas à la condition, le conjoint survivant est autorisé par une Novelle de Justinien à prêter serment de restituer et à constituer une hypothèque générale sur ses biens 36. Si cette constitution d'hypothèque a été omise, Justinien la déclare sous-entendue. VI. Effets de l'hypothéqua. 1° A l'égard du constituant. Le constituant conserve les attributs du droit de propriété, et peut en user dans la mesure où ils ne sont --364 HYI' pas incompatibles avec l'existence de l'hypothèque 1. Il peut disposer de la chose, l'aliéner sauf convention contraire la grever de servitudes ou de nouvelles hypothèques sous la réserve du droit qu'il a déjà concédé. A tous ces points de vue apparaît la supériorité de l'hypothèque par rapport au gage et à l'aliénation fiduciaire : elle donne au créancier une sûreté suffisante tout en laissant au débiteur la liberté d'user et de disposer de la chose. Ce n'est pas à dire que l'hypothèque ait entièrement supplanté les deux modes précédemment usités : l'aliénation fiduciaire, qui offrait au créancier une sûreté plus énergique, est encore mentionnée à la fin du iv° siècle'; quant au gage, il a de tout temps conservé son utilité pour les objets faciles à détourner. On a cependant cherché à protéger par des mesures particulières, le créancier qui avait une hypothèque spéciale sur des objets mobiliers : le débiteur ne pouvait les vendre sans commettre un vol de possession 5. 2° A l'égard du créancier. Pendant longtemps l'hypothèque n'a conféré au créancier d'autre droit que celui de posséder la chose faute de payement à l'échéance C'est ce qu'on appelle aujourd'hui le droit de suite. A partir du IJI° siècle, la jurisprudence lui a reconnu un droit nouveau : le droit de vente. Le droit de posséder a pour sanction l'action hypothécaire. Cette action, qui ne peut être exercée qu'après l'échéance, sauf le cas où le droit du créancier courrait le risque d'être compromis, est une action réelle comme la revendication : on l'appelle parfois pignoris vindicatio 7. Elle a pour but la reconnaissance du droit d'hypothèque appartenant au demandeur et comme conséquence la remise de la possession. Elle se donne soit contre le constituant, soit contre les tiers détenteurs, et même contre ceux qui par dol ont cessé de posséder. L'action hypothécaire est rédigée in factum'. Le préteur invite le juge à vérifier trois faits : s'il existe un pacte d'hypothèque', si le constituant avait la chose in bonis lors de l'établissement de l'hypothèque 1°, si le créancier n'a pas reçu son payement ou une satisfaction équivalente 11. Puis, par une clausula arbitraria12, il lui confère le pouvoir d'ordonner au débiteur de restituer la chose, et, à défaut, de le condamner à payer la valeur intégrale de la chose (quanti ea res erit) 13. On remarquera que l'action hypothécaire ne tend pas au payement de la dette. Sans doute le payement est toujours possible et arrête l'action en justice; mais c'est une faculté pour le détenteur qui peut en user, si bon lui semble, sans qu'on puisse l'y contraindre 1'. Si le détenteur se laisse condamner et que la valeur de la chose dépasse le montant de la dette, le créancier doit remettre l'excédent soit au débiteur, soit aux créanciers hypothécaires postérieurs. Parexception, lorsque l'action est intentée contre le débiteur, le chiffre de la condamnation sera limité au montant de la dette : on a jugé inutile de forcer le débiteur à payer le surplus, dont il pourrait immédiatement demander le remboursement 15. IlYP Le défendeur à l'action hypothécaire peut, suivant les cas, opposer diverses exceptions. Les principales sont l'exception rei sibi (ante) pigneratae 1G lorsque le défendeur est lui-même un créancier qui s'est fait mettre en possession en vertu d'une hypothèque antérieure, et qui ne saurait être dépossédé par un créancier postérieur ; puis l'exception ou bénéfice de discussion que peuvent invoquer les tiers détenteurs. D'après un rescrit de Sévère et Caracallalt, le créancier, qui a reçu une hypothèque spéciale et une hypothèque générale pour garantie d'une même dette, ne peut agir contre le détenteur d'un objet grevé de l'hypothèque générale qu'après avoir poursuivi le détenteur de l'objet grevé de l'hypothèque spéciale et en cas d'insuffisance (bene ficium excussionis realis). D'après une Novelle de Justinien 1B le créancier doit s'adresser d'abord à ceux qui sont tenus personnellement de la dette (débiteur et cautions) ; il ne peut agir contre les tiers détenteurs que s'il n'a pas obtenu pleine satisfaction en exerçant son action personnelle (benefcium excussionis personalis). Le tiers détenteur peut enfin écarter l'action hypothécaire par une exception de dol. Cette exception lui sert soit à se faire rembourser les dépenses nécessaires ou même les dépenses utiles qu'il a faites de bonne foi ; soit à obtenir le bénéfice de cession d'actions 19. Il peut, en payant le créancier, exiger de lui la cession de ses actions. Le créancier ne peut sans dol s'y refuser, lors du moins qu'il a encore ses actions et qu'il n'en a plus besoin. Le tiers détenteur s'en servira soit pour se faire rembourser par les cautions, soit pour écarter les créanciers postérieurs. Le jus possidendi confère au créancier le droit de retenir la chose jusqu'à ce qu'il soit intégralement payé". Son droit n'est en rien modifié ni par un payement partiel ni par la division de la chose hypothéquée. Chaque fraction de la créance est garantie par la chose tout entière; chaque parcelle de la chose garantit le payement de toute la dette 21. C'est en ce sens que l'hypothèque est indivisible. D'après un rescrit de Gordien 22, de l'an 240, le créancier peut, après le payement de la dette hypothécaire, retenir la 'chose pour assurer le payement des dettes chirographaires dont le constituant est tenu envers lui. Il y a là une anomalie. On a tenté de l'expliquer par l'idée d'une convention tacite : celui qui pour consentir un premier prêt exige une hypothèque est présumé n'avoir consenti un second ou un troisième prêt que sous la même garantie. Mais le rescrit de Gordien s'applique même aux dettes antérieures à la constitution d'hypothèque. Il y a donc ici une faveur toute spéciale, un droit exceptionnel : aussi n'est-il pas opposable aux créanciers hypothécaires postérieurs. Le créancier qui s'est fait mettre en possession de la chose hypothéquée, peut en user et en jouir23, à moins qu'il ne s'agisse d'une chose à l'usage personnel du constituant 2'. Il a par suite le droit de percevoir les fruits 2S ou les intérêts, mais à la charge d'en imputer la valeur IIYP -365 HYP d'abord sur les intérêts qui lui sont dus, puis sur le capital. On peut même convenir que la jouissance de la chose lui tiendra lieu d'intérêts : c'est un forfait en vertu duquel les intérêts et les fruits sont réputés se compenser Cette convention, qui porte le nom d'antichrèse, peut avoir lieu même en dehors d'une dette hypothécaire. Elle est sous-entendue dans le cas où un créancier reçoit en gage une chose productive de fruits pour sûreté d'un prêt gratuit 2 [ANTICHRESIS]. La prise de possession de la chose hypothéquée fait naître entre le constituant et le créancier des rapports analogues à ceux qui résultent de la remise d'un gage; ils sont sanctionnés de la même manière par les actions pigneraticia directa et pigneraticia contraria 3. La pre mière permet au débiteur de se faire rendre la chose après payement à l'échéance', ou s'il y a eu vente, de se faire rembourser le reliquat duprix 5. Par la seconde, le créancier demandera compte au débiteur des fautes qu'il a commises 6 ou de son dol 7. Il lui demandera aussi de l'indemniser des dépenses nécessaires qu'il a dû faire pour la conservation de la chose 8. On ne s'en est pas tenu là : on a admis que ces actions sanctionneraient le pacte d'hypothèque et pourraient être intentées, le cas échéant, avant la prise de possession du créancier 9. Ce ne sont pas les seules actions concédées au créancier hypothécaire : il a aussi plusieurs des actions qui compétent au propriétaire; il a comme lui intérêt à la conservation de la chose. Par suite on lui donne le cas échéant, la condictio furtiva et l'action furti10, l'action de la loi Aquilia 11, les actions confessoire et négatoire 12, la dénonciation de nouvel oeuvre 13, l'action en bornage'. Be jus possidendi ne procure souvent au créancier qu'une satisfaction très imparfaite. Si le débiteur persiste à ne pas payer, la situation pourrait se prolonger indéfiniment. Pour prévenir cette éventualité, la pratique avait imaginé deux solutions : joindre au pacte d'hypothèque soit une lex commissoria, soit un pactum de distrahendo. La première clause attribue au créancier, faute de payement à l'échéance, la propriété de l'objet hypothéqué. Il l'acquiert soit pour un prix qui sera fixé par une estimation faite à l'échéance 15, soit pour un prix égal à ce qui lui est dû 16. Dans ce dernier cas, la clause était très dangereuse pour le débiteur lorsque la chose hypothéquée avait une valeur supérieure au montant de la dette17; elle fut prohibée par Constantin 18. Bien préférable était la seconde clause qui conférait au créancier le droit de vendre la chose19. Le créancier impute sur le prix de vente le montant de sa créance et restitue l'excédent s'il y en a 20. C'est la meilleure solution du problème : elle donne satisfaction au créancier tout en ménageant l'intérêt du débiteur. Cette clause est devenue promptement une clause de style : on a fini par la sous-entendre. Au temps d'Ulpien, le droit de vente appartient, sauf convention contraire 21, à tout créancier hypothécaire 22 En faisant du droit de vente un attribut de l'hypothèque, on modifia sensiblement le caractère de cette institution. Tant que l'hypothèque ne conféra que le droit de posséder, elle ne procura au créancier qu'un moyen de pression sur le débiteur ; elle n'assurait pas directement le payement de la dette, ce qui devrait être la fonction normale de l'hypothèque. Le pactum de distrahendo était un palliatif, mais aussi une complication, puisqu'il fallait un accord spécial pour le conclure. La jurisprudence a donc réalisé un progrès notable, en faisant du droit de vente un attribut de l'hypothèque. Cette innovation a eu d'autres conséquences : lorsque le droit de vente n'existait qu'en vertu d'une clause spéciale, le créancier agissait comme mandataire du constituant 23. Son droit était soumis aux chances d'extinction du mandat (mort ou opposition du constituant). Désormais, le créancier exerce un droit qui lui est propre 24 : il peut vendre contre la volonté ou après la mort du constituant 25, et même après que son débiteur a aliéné la chose hypothéquée. Il n'a besoin d'aucune autorisation de justice ; il peut vendre aux enchères ou à l'amiable et quand bon lui semble, mais il doit au préalable annoncer publiquement la vente par voie d'affiches (proscribere) et la notifier au débiteur 25 Sous Justinien, le droit de vendre est un attribut essentiel de l'hypothèque. Une convention contraire ne serait pas licite : elle n'aurait d'autre effet que de forcer le créancier à faire trois sommations au constituant27. Dans tous les cas, la vente ne peut avoir lieu que deux ans après la sommation28. La vente faite par le créancier hypothécaire, en cette qualité, ne l'oblige pas à garantir l'acheteur contre l'éviction; la bonne foi l'oblige du moins à garantir que son rang d'hypothèque lui donnait le droit de vendre29 ; il doit aussi s'abstenir de tout dol30. Si donc il a su que la chose n'était pas au constituant, et qu'il ne l'ait pas déclaré à l'acheteur, il sera responsable. S'il l'a ignoré et qu'il y ait éviction, les jurisconsultes ont été d'accord pour donner un recours à l'acheteur contre le constituant; ils ont été divisés sur le moyen à employer 31 Ne peuvent se porter acquéreurs de la chose hypothéquée ni le constituant qui en est encore propriétaire a2 ni le créancier qui ne peut s'acheter à lui-même directement ou par personne interposée a3 Lorsque la vente ne donne pas de résultat ou que le prix offert ne paraît pas raisonnable, le créancier peut s'adresser à l'empereur et demander que la chose lui soit attribuée en pleine propriété (dominii inlpetratio) 34 S'il est fait droit à cette requête, le débiteur a un délai, qui sous Justinien est de deux ans, pour désintéresser le créancier et reprendre sa chose; sinon le créancier deviendra définitivement propriétaire. Mais, pour sauvegarder les droits des parties, on procède à une estimation : si elle est inférieure au montant de la dette, le IIYP 366 IIYP créancier conserve son action personnelle pour l'excédent; si elle est supérieure, le débiteur conserve une quote-part proportionnelle de la propriété. VII. Extinction de l'hypothèque. L'hypothèque étant l'accessoire d'une créance s'éteint par voie de conséquence dans tous les cas où le créancier a reçu son payement ou une satisfaction équivalente i, On a déjà dit qu'un payement partiel laisse subsister pour le tout l'hypothèque. L'hypothèque peut aussi s'éteindre par voie principale, par des modes qui n'entraînent pas l'extinction de la créance : la vente de la chose hypothéquée à moins que le créancier n'ait réservé ses droits 3; la renonciation à l'hypothèque 4. La renonciation résulte d'une convention expresse ou tacite. La renonciation est tacite lorsque le créancier restitue au constituant la chose hypothéquées, ou lorsqu'il donne son assentiment à la vente faite par le débiteur '. A Rome, à la différence de ce qui avait lieu en Grèce, le débiteur, propriétaire de la chose hypothéquée, n'a besoin du consentement de personne pour la vendre; on ne peut expliquer l'intervention du créancier que par l'idée d'une renonciation à l'hypothèque. Il y a également renonciation tacite dans le cas où, avant la vente, les créanciers hypothécaires ont été invités publiquement à se faire connaître et que l'un d'eux, bien que présent, a négligé de faire valoir son droit'. L'hypothèque s'éteint aussi par la prescription, soit par la prescription trentenaire établie par Théodose le Jeune soit par la prescription de long temps. La première peut être invoquée par le constituant qui possède la chose hypothéquée. Lorsque le délai de la prescription est écoulé, il n'est plus passible de l'action hypothécaire. Ce délai a d'ailleurs été prolongé par l'empereur Justin et porté dans ce cas spécial à quarante ans°, de sorte que, par une anomalie singulière, l'hypothèque survit pendant dix ans à la créance qu'elle garantit. Quant à la prescription de long temps, elle peut être invoquée par le tiers détenteur qui a acquis la chose hypothéquée de bonne foi, sans se douter de l'existence de l'hypothèque, et qui a possédé pendant dix ou vingt VIII. Pluralité d'hypothèques. L'un des avantages de l'hypothèque consiste à pouvoir affecter une même chose à la sûreté de plusieurs créances. Le débiteur n'épuise pas d'un seul coup son crédit, comme dans l'aliénation fiduciaire et dans le gage. Il peut, sur une même chose, constituer plusieurs hypothèques simultanément ou successivement. Constituées en même temps et avec clause de solidarité, elles confèrent à chacun des créanciers un droit égal sur toute la chose". A défaut de solidarité, quelle est l'étendue du droit de chaque créancier? Certains jurisconsultes pensent qu'il est proportionnel au nombre des créanciers12; d'autres, au montant de leur créance ". Plus délicate est la question, lorsque les hypothèques ont été constituées à des dates différentes : si le total des créances dépasse la valeur de la chose au jour de l'échéance, il est impossible de satisfaire tous les créanciers. Dès lors sur qui va retomber la perte ? La solution admise est la conséquence logique de la définition de l'hypothèque : l'hypothèque étant un droit réel, celui qui l'a constituée ne peut, par un acte ultérieur, porter atteinte au droit qu'il a concédé. Donc entre plusieurs créanciers hypothécaires la préférence est assurée à celui qui est le plus ancien, et l'ancienneté se détermine par la date de la convention : Prier tempore, potion jure". La priorité s'établit par témoins ou par écrit'. Mais la preuve écrite pouvait donner lieu à des abus : il y avait à craindre qu'un acte fût antidaté. Une constitution de l'empereur Léon au préfet d'Orient Erythrius 1E décida qu'une hypothèque constatée par un acte public, c'està-dire consignée sur les registres du magistrat, ou par devant trois témoins, serait préférée à l'hypothèque constatée par un acte sous seing privé, alors même qu'il porterait une date antérieure 17. Si le créancier dont l'hypothèque est la plus ancienne a, en règle générale, un droit supérieur à celui de tout autre, quels sont les droits des créanciers postérieurs? La jurisprudence paraît avoir hésité entre plusieurs partis avant d'adopter la solution qui a prévalu à la fin de l'époque classique. La plus simple en apparence était celle du droit grec : restreindre le droit d'u second créancier à l'hyperocha, à l'excédent du prix de vente sur le montant de la première dette. En réalité cette solution aboutit à la transformation du droit du second créancier : son hypothèque portait non pas sur la chose, mais sur l'action (pigneraticia) par laquelle le constituant pouvait, après la vente, réclamer au premier créancier le reliquat du prix. Le second créancier n'était plus que le cessionnaire des droits du débiteur contre le premier créancier. La notion de l'hypothèque changeait suivant qu'on l'appliquait au premier ou au second créancier. C'était une complication; elle n'a pas échappé à l'esprit pratique des grands jurisconsultes 19. Une solution plus satisfaisante consista à considérer la seconde hypothèque comme établie sous la condition que la première serait éteinte. C'est la solution de Gains 19 et très probablement aussi celle de Julien20. Le droit du second créancier restait en suspens tant que la condition n'était pas réalisée, c'est-à-dire tant que le premier créancier n'était pas désintéressé. Mais on a trouvé mieux encore : on a reconnu aux créanciers hypothécaires postérieurs un droit actuel, susceptible de s'exercer contre toute personne autre que le premier créancier'.. Ils peuvent donc intenter l'action hypothécaire, mais si la chose est en la possession du premier créancier, ils ne pourront la lui enlever22. Ils ont aussi, du moins en théorie, le droit de vendre 23 ; mais en pratique ils trouveront difficilement un acheteur, car celui qui traiterait avec eux ne pourrait se faire délivrer la chose contre le gré du premier créancier 'h HYP 367 HYP Si le premier créancier prend l'initiative de la vente, le second créancier a le droit de lui demander le reliquat du prix (hyperocha) jusqu'à concurrence de ce qui lui est dû 1. Le surplus, s'il y en a, pourra être réclamé par les créanciers subséquents dans l'ordre de leurs créances. Mais le droit de ces créanciers au reliquat n'est sanctionné que par une action personnelle : par suite, si le premier créancier devient insolvable, le tiers acquéreur ne saurait être inquiété ; les créanciers postérieurs subiront la perte. Il en serait de même si le premier créancier, ignorant l'existence de créanciers postérieurs, avait payé le reliquat au débiteur. Les créanciers postérieurs non payés conservent toutefois leur action hypothécaire, mais ils ne peuvent l'exercer contre l'acheteur ni contre des ayants-cause2 ; elle leur servira à évincer un tiers qui aurait acquis la propriété par usucapion. Il est donc très important pour le créancier qui demande une hypothèque de savoir s'il sera le premier en date ou s'il sera primé par un autre. Pourtant le droit romain n'a organisé aucun mode de publicité de l'hypothèque. De là des dangers, des abus possibles. La pratique et la jurisprudence avaient, dans une certaine mesure, obvié au défaut de publicité de l'hypothèque, en imposant au débiteur le devoir de déclarer à qui il avait déjà hypothéqué ses biens 3. A défaut de déclaration préalable, ,il était passible des peines du stellionat'' [sTCLLIONATUS]. Les créanciers postérieurs n'auraient qu'une garantie précaire, ils seraient à la merci du premier créancier si la jurisprudence ne leur accordait le droit de se faire subroger au premier créancier en lui offrant, avant la vente G, le payement de ce qui lui est dû (jus offerendi et succedendi)G. Ce droit ne se réduit pas à la faculté pour les créanciers hypothécaires de payer un créancier antérieur ou postérieur? au lieu et place de leur débiteur : c'est une faculté qui appartient à tout le monde G. L'innovation a consisté à reconnaître aux créanciers hypothécaires un droit indépendant de l'agrément des autres créanciers ou du débiteur. On y est arrivé très simplement par interprétation de la formule de l'action hypothécaire. Cette formule prescrit au juge d'examiner, entre autres choses, s'il n'a pas dépendu du créancier de recevoir son payement Si donc ce créancier refuse le payement qui lui est offert par un autre créancier, il ne pourra plus intenter avec succès l'action hypothécaire. Cette interprétation était déjà admise au temps de Gains, mais les conditions d'exercice du jus offerendi n'ont été réglées que par un rescrit de Sévère et Caracalla de l'an 197: celui qui use de ce droit doit consigner la somme que le créancier antérieur refuse de recevoir 1D. Cela lui suffit pour lui assurer le bénéfice du jus offerendi, c'est-à-dire la successio in locum creditoris : il prend le rang du créancier qu'il a désintéressé. La successio in locum n'est pas spéciale à cette hypothèse : elle apparaît pour la première fois dans une consultation donnée par Titius Aristo, l'ami de Trajan, à Neratius Priscus1l. Elle fut admise au profit de celui qui prête de l'argent au débiteur pour payer un créancier hypothécaire et obtient du débiteur une hypothèque sur la même chose. Cette hypothèque prend le rang de celle du créancier qui vient d'être payé. Les créanciers postérieurs n'ont pas à se plaindre : leur situation n'est pas modifiée. Lasuccessio in locum fut étendue au cas où un créancier hypothécaire consent à une novation par changement de débiteur, mais en convenant que la chose sur laquelle il avait hypothèque restera affectée à la sûreté de la nouvelle dette 12. Régulièrement l'extinction de l'obligation ancienne entraîne l'extinction de l'hypothèque qui la garantit : grâce à la successio in locum, le créancier conservera pour sa nouvelle hypothèque le rang qu'il avait pour l'ancienne. La successio in locum n'est pas une succession à l'hypothèquef3 : elle n'est pas accordée aux créanciers chirographaires. Elle appartient exclusivement à ceux qui ont déjà une hypothèque ou un droit réel sur la chose, comme l'acquéreur d'un immeuble hypothéqué qui emploie le prix de son acquisition au payement d'un ou de plusieurs créanciers f4. Elle entraîne simplement une succession au rang d'un créancier antérieur. IX. Hypothèques privilégiées. Le principe du classement des hypothèques d'après leur date souffre exception lorsque le créancier hypothécaire peut invoquer un privilège. Ces privilèges sont au nombre de trois : 1° Privilège pour cause d'in rem versio. Est privilégiée l'hypothèque constituée pour garantir une créance contractée en vue de conserver 15, de réparer ou d'acquérir'G une chose hypothéquée à d'autres créanciers. Telle est par exemple la créance de celui qui a prêté de l'argent pour l'armement ou la réparation d'un navire. Pour que le privilège existe, il faut que l'hypothèque ait été constituée au moment même où naît la créance. Ce privilège a été établi non par la loi, mais par la jurisprudence : c'est une application du principe qu'on ne peut s'enrichir aux dépens d'autrui. On en trouve des exemples dès le commencement du me siècle. 2° Privilège du fisc. Ce privilège est attaché à l'hypothèque qui garantit le payement de l'impôt par les contribuables, et aussi, bien qu'on l'ait contesté f7, à l'hypothèque qui garantit les créances contractuelles du fisc. L'existence de ce privilège est confirmée pour le premier cas par un rescrit de Caracalla 's, et pour le second par une réponse de Papinien sanctionnée par une constitution impériale 73. 30 Privilège de la femme en raison de sa dot". Justinien a établi ce privilège pour un motif d'humanité. La situation de la femme lui a paru digne d'intérêt : en se mariant la femme est obligée de confier tout ou partie de son patrimoine à son mari. Si on ne lui assure pas les moyens de le recouvrer en cas d'insolvabilité du mari, elle sera réduite à la misère. Il faut donc que, de toute façon, sa dot se retrouve dans le patrimoine du mari. S'il reste quelque chose, la femme passera avant tout autre créancier. Ce privilège est personnel à la femme. Il ne peut être invoqué par HYP 368 HYS ses héritiers, sauf par ses enfants et descendants 1. En cas de concours entre créanciers hypothécaires privilégiés, on applique la règle : Privilegia non ex tempore aestimantur sed ex causa 2 [PRIVILEGIUM]. Mais la loi ne s'est pas toujours expliquée clairement sur la faveur qu'elle attache à telle créance par rapport à telle autre. On peut cependant classer ainsi qu'il suit les hypothèques privilégiées : 1° Hypothèque du fisc pour le recouvrement de l'impôt. Potior est causa tributorum, dit Caracalla 2. 9.O Hypothèque de la femme pour la restitution de sa dot. Toutefois cette hypothèque est primée par celle du fisc sur les biens des primipiles [rrIoIIPILts]. De même celui qui vend à crédit au mari une militia et qui s'est réservé une hypothèque pour sûreté du prix jouit d'un privilège supérieur à celui de la femme 6; 3° Hypothèque pour cause d'in rein versio; 4° Hypothèque du fisc pour ses créances contractuelles. Le fisc passe avant les créanciers à hypothèque générale, et seulement pour les biens acquis depuis que le débiteur a contracté avec le fisc 5. ÉDOUARD CU I. IIYRCI1È ("1 pn). Vase à mettre le vin ou à conserver les salaisons', probablement de grande taille, ana logue àl'AMPnoRA et au BIKOS auxquels les auteurs le comparent'. E. POTTIER. la forme ; bol ou plat, plutôt que vase à boire, car on y mangeait de la bouillie 1. E. POTTIER. I