Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article INAUGURATIO

INAUGURATIO. Consultation des dieux par les augures, et, au sens le plus ordinaire du mot, toute cérémonie dont cette consultation forme la partie initiale et le caractère le plus saillant. Le sujet a été abordé dans un précédent article [AUGURES, t. I, p. 558] : mais l'esquisse sommaire qui en a été donnée a besoin d'être rectifiée, complétée, mise au courant des théories proposées dans des travaux récents. On sait combien les historiens et grammairiens qui nous renseignent sur le droit augural ont peu de souci de la précision dans les termes, et il est bon d'avertir que l'on ne peut édifier sur les textes une doctrine cohérente qu'à la condition d'en récuser un certain nombre comme entachés d'impropriété. C'est le cas tout d'abord pour la distinction entre augurium et auspicium [AusPIcIA]. Les grammairiens ne connaissaient plus le sens exact de ces termes, car tantôt ils les prennent comme synonymes, tantôt ils les opposent dans des définitions variables et contradictoires'. C'est par voie d'induction logique, et non d'exégèse verbale, qu'on arrive à définir l'augurium (d'où auguratio, inauguratio, inaugurare) un signe divinatoire observé et interprété par un augure, auspicium, un signe de même nature demandé et accepté par un magistrat. La distinction une fois posée, on peut invo quer à l'appui des textes où auspicia et auguria se trouvent accolés2 et soutenir qu'ils n'y figurent pas comme synonymes, mais comme termes complémentaires. Tenant donc cette distinction pour légitime, et pour catachrèse tout usage contraire, nous sommes en possession d'une idée claire, qui servira de critérium pour faire le triage des « inaugurations », où les augures ont le rôle actif, et des autres cas où ils peuvent avoir celui de témoins ou d'arbitres en matière d'« auspices » pris par des magistrats. La consultation des dieux par l'augure n'est qu'un moyen : le but est de savoir si les dieux, ou, pour parler le langage de la théologie augurale, si Jupiter3 a pour agréable l'acte en vue duquel on le consulte. Néanmoins, la consultation et l'acte ou séries d'actes qu'elle doit autoriser sont souvent considérés comme un tout inséparable et portent ensemble le nom d'inauguratio. Entendue en ce sens synthétique, l'inauguration a pour but et pour effet de conférer à certains actes publics une garantie absolue d'utilité et d'opportunité; à certains lieux publics et à certaines personnes revêtues d'une l'onction publique un caractère spécial de sainteté et d'inviolabilité. Nous allons passer en revue ces applications de l'inauguratio, dans un ordre un peu différent. Le lieu inauguré ou « temple » étant l'instrument nécessaire et le centre de toute opération augurale, il sera question tout d'abord de l'inauguration des temples; puis viendra, suivant la méthode classique du droit, qui va des res aux personae, l'inauguration des personnes; enfin, dans une troisième catégorie, qui contient logiquement les deux autres (car les inaugurations de lieux et de personnes sont aussi des actes), nous recueillerons le peu que nous savons sur la participation des augures à certaines manifestations de la vie religieuse et politique de la cité. 1. Inauguration des temples. Tous détails sur les divers modes d'installation et usages des diverses catégories de temples (céleste, aérien, etc.) étant réservés à un article spécial [TEMPLUM], nous n'avons à nous occuper ici que des temples « terrestres » ou portions du sol romain et public « inaugurées»). Sauf exceptions légitimées pour raisons d'utilité par la casuistique augurale', les hommes ne peuvent entrer en communication avec les dieux que dans un lieu libéré de toute servitude, de tout droit de possession ou de propriété détenu par des êtres invisibles et motivant leur présence indiscrète; dans un lieu découpé, pour ainsi dire (cf. templum et TÉN.vnm-is(I,Eoo;), par des limites dont les augures ont énoncé à haute voix (effari) la Ion INA X36 INA gueur et la direction. De là, une première espèce de temples terrestres : ceux qui sont destinés à marquer sur terre l'assiette ((iule centre ou le sommet angulaire') de la perspective aérienne dans laquelle s'offrent au regard les signes envoyés d'en haut. D'autre part, les dieux ne peuvent être installés à demeure que dans des lieux également libres de toute servitude : c'est seulement quand cette condition préalable était remplie que les Pontifes pouvaient leur en adjuger la propriété par la consécration coNSECRATIO, FANU111]. En règle générale (il y a des exceptions, parmi lesquelles figure, pour le tourment des théoriciens, l'aedes Vestae 2), les lieux ou édifices sacrés étaient assis sur sol inauguré C'est ce qui explique les confusions de langage commises par les auteurs' et perpétuées dans nos langues modernes, où « temple » est synonyme de lieu et surtout d'édifice consacré. En fait, et quelles que soient les raisons qui ont fait non seulement séparer, mais attribuer à des collèges différents l'inauduratio et laconsecratio, nous devons distinguer les temples à auspices, qui sont inaugurés sans être consacrés, et les temples demeures des dieux, qui sont, sauf exception, inaugurés et consacrés. L'inauguration ayant toujours lieu avantlla consécration et étant absolument indépendante de celle-ci, il n'y a pas lieu de penser que le rite en fût différent suivant la destination du temple. Sur ce rite, les textes nous apprennent peu de chose. Ils répètent à l'envi qu'un temple, quand ils ne disent pas un fanum, est un locus liberatus et efJ'atus' pour en extraire d'autres renseignements, il faut recourir à une maïeutique laborieuse. Valeton° parvient ainsi à distinguer jusqu'à cinq opérations successives dont l'ensemble constitue l'inauguration des lieux : f°. Consultation préalable des auguria (ex avibus), faite par les augures en leur auguracle du Capitole (in Arec7), dans le but de s'assurer que Jupiter et peutêtre aussi les Pénates publics' consentaient à l'inauguration du lieu indiqué'. Valeton tient la doctrine courante, suivant laquelle les augures inauguraient les temples en consultant les auspices (c'est-à-dire les auguria) sur place, pour un cercle vicieux, s'il est vrai qu'on ne pouvait prendre les auspices qu'en un lieu déjà inauguré, et pour une opération souvent impossible dans des lieux fermés, sans perspective. C'est de l'arx que partaient les augures pour aller inaugurer les templesf0. 22. Libération du sol. Le sol du temple futur devait être non seulement nettoyé, aplani, matériellement purifié, mais encore et surtout, comme il a été dit, dégagé de toute attache surnaturelle. Si des dieux en avaient déjà pris possession, il fallait les décider à quitter la place au moyen de l'exauguratio, dite aussi en ce sens evocalio", cérémonie qui annulait toute inauguration et même toute consécration antérieure '=. Cette libération nécessitait l'emploi de formules appropriées et de consultations divinatoires. L'exemple classique de la libération de l'aire du temple de Jupiter Capitolin13, d'où l'on ne put évincer ni Terminus, ni Juventas, laissait aux augures toute liberté pour les exceptions nécessaires. Quand les augures transformaient en temples des édifices déjà bâtis 1', la libération devenait tout à fait fictive. A plus forte raison, le tracé du temple. 3°-!i°. Limitation et clôture du temple. Les augures, qu'on nous représente souvent comme disciples des Toscans, s'étaient laissé imposer, pour les temples terrestres tout au moins, la « limitation » à la mode étrusque, avec axes perpendiculaires (cardo-decumanus) et orientation15. Le litons avec lequel ils figuraient les lignes idéales du temple aérien leur devenait ici assez inutile. A l'acte symbolique exigé par le rituel succédait un bornage effectif, à l'équerre et au cordeau. Tout en acceptant la tyrannie de l'angle droit, les augures avaient dû assouplir les règles, et notamment s'affranchir de celles qui concernaient l'orientation 1f Il paraît superflu de décomposer l'opération, comme le fait Valeton, en deux actes successifs, une limitation géodésique, indiquée par des jalons, et une clôture provisoire du temple, à l'aide de palissades, de toiles ou de cordes. On ne saurait accepter, en l'absence de raisons probantes, le sens donné par Valeton à l'expression lemplum minus 17, qui semble bien indiquer un temple moindre en surface, compris dans un temple INA 4,37 INA plus vaste, et désigner le fabernaculum de l'auspiciant'. En tout cas, idéale ou matérielle, la clôture doit laisser ouverte une porte, et une seule2. C'est en cet endroit que les augures faisaient poser une plaque de métal indiquant par deux lignes en croix (stella3-crux4) la direction de l'axe du temple et le côté de la façade. 5°. Déclaration inaugurale. Les textes où se rencontre le terme technique effari montrent qu'il s'agit d'une formule ou prière récitée à haute voix par les augures et indiquant les limites du temple 5. Comme on ne peut guère indiquer des limites autrement qu'en spécifiant la longueur et la direction des clôtures, et que l'énoncé de la direction suppose l'énumération de points de repère extérieurs, visés au moment du bornage 6, on doit croire que la formule contenait toutes les indications nécessaires et que, conservée dans les archives du collège, elle constituait une sorte de charte ou matrice cadastrale permettant de maintenir, retrouver au besoin et restituer les limites du temple. Ces règles s'appliquent mal ou ne s'appliquent pas toutes à une espèce d'inauguration qui a une importance capitale, car elle est postulée et présupposée par toutes les autres ; celle qui a constitué, assis, limité, la cité ellemême et attaché à son sol l'exercice du droit d'auspices. Les Romains croyaient savoir que Rome avait été fondée sous la garantie des auspices par un roi qui était en même temps un augure (auspicato inauguratoque7), suivant le rite étrusque, avec une charrue attelée d'un taureau et d'une vache pour tracer le périmètre de la ville, le lieu où devaient s'élever les «murs» [POMEf1IusI] 8. Abstraction faite des variantes hétérodoxes, d'après lesquelles Romulus aurait pris les auspices sur l'Aventin ° ou tracé un sillon circulaire '0, la tradition voulait que Romulus eût pris d'abord les auspices sur le Palatin, au lieu dit bina Quadrata 11, l'auguracle de la ville primitive, et conduit la charrue au pied du Palatin, en longeant les quatre côtés. La légende ainsi rectifiée tend visiblement à représenter le sol de la ville comme un grand temple, et l'érudition moderne a abondé dans ce sens, en dépit des multiples exceptions qu'il faut admettre, D'abord, eût-elle été carrée, la Rome palatine avait trois portes, à la mode étrusque, contrairement à la règle précise, formulée plus haut''. Ensuite, le pomerium de la ville agrandie, celui de Servius Tullius, n'obéissait certainement plus à la règle du carré ou du rectangle, et l'arx du Capitole, auguracle de la Rome des Tarquins, qu'on s'est habitué à considérer comme le centre du « temple urbain », était bien loin de la place (decussis) que lui aurait assignée la théorie du cardo et du decumanus, décidément inapplicable à ce cas particulier13. Enfin, le sol urbain, destiné à tous usages profanes, ne devenant « temple », nous l'avons vu, que dans les parties spécialement inaugurées, et, pris en bloc, il ne pouvait guère l'être que par métaphore. Ce qui induit à ces abus de langage" c'est que le pomerium était la limite des auspices urbains 15 [AusrucIA] et que, d'après une doctrine généralement acceptée 16, les auspices autres que les auspicia bellica devaient être utilisés dans le temple même où ils avaient été obtenus. Il semblait donc qu'on pût appeler temple urbain le lieu des auspices urbains. Sans trancher toutes les difficultés soulevées à ce propos, disons que le pomerium est un lieu inauguré qui ne répond pas à la définition ordinaire du temple, n'étant ni rectangulaire, ni percé d'une seule porte, et que l'espace compris dans cette limite irrégulière, n'étant pas inauguré, ne mérite à aucun degré le nom de temple. La fondation d'une cité augurato se réduit à l'inauguration du pomerium, les portes exceptées. Les rites indiqués plus haut pouvaient s'adapter à cette inauguration, sauf que le sulcus primigenius tenait lieu de bornage, et les mottes soulevées, de clôture provisoire f7. Les Romains inauguraient de la même façon le pomerium de leurs colonies13, dans les premiers temps, avec l'assistance d'augures romains, ou même avec le lituus et la charrue de Romulus1°, plus tard, autant que nous pouvons en juger, sans l'assistance des augures 20. Quel était, en droit religieux, le caractère conféré par l'inauguratio ? Des trois rubriques sous lesquelles les Pontifes classaient les choses non profanes (sacra-sanctareligiosa), il y en a une dont les juristes avaient oublié le sens. Ils n'arrivent pas à définir d'une façon intelligible le mot sanctum, et, en fait d'exemples, ils ne citent jamais que les « murs » de la cité, autrement dit, le pomerium 21. C'est que la « sainteté », c'est-à-dire l'inviolabilité, des murs était connue des plus ignorants par la légende du meurtre de Rémus, et que, d'autre part, INA 4'38 INA l'opinion de ceux qui attribuaient le caractère « saint » non seulement au pomerium, mais à tous les temples, avait été rejetée par Varron. Varron ne pouvait pas croire, par exemple, que la caria Hostilia, qui était un temple, fût un lieu saint'. Valeton° propose de revenir à la doctrine condamnée par Varron, et il faut convenir que cette vue générale, outre qu'elle comble un vide dans les cadres du droit divin, s'accorde parfaitement avec l'idée que les anciens se faisaient d'un temple' et même d'une personne inaugurée'. II. Inauguration des personnes. Comme les lieux, les personnes aussi pouvaient être inaugurées et consacrées. La consécration ayant pour effet de les retrancher de la société, de les faire passer à l'état de victimes [CONSECRATIO, DEVOTIO , l'inauguration, qui les rendait inviolables, était seule applicable aux rois et aux prêtres, et nous savons qu'elle leur fut en effet appliquée. L'inauguration typique, la seule sur laquelle les textes nous renseignent, est celle du roi Numa5. Une fois élu, Numa est conduit par l'augure sur l'ara et s'y assied sur une pierre, tourné au Midi. Cependant l'augure, la tête voilée, et tourné vers l'Orient trace sa perspective aérienne avec le lituus ; puis, posant sa main droite sur la tète du roi, il prie Jupiter, si le dieu agrée le nouveau roi, d'envoyer les signes qu'il va spécifier. Ces signes une fois apparus, « Numa déclaré roi descend du temple ». Tout, dans le détail, est matière à thèses. Mommsen'i refusant toute initiative et toute action indépendante à l'augure, lequel ne serait que l'assistant et n'interpréterait que les auspices du roi, on risque d'exagérer en sens inverse en ne laissant à celui-ci que le rôle passif. C'est bien l'augure qui consulte Jupiter, mais il ne le fait pas sans être requis par le roi; et si le peuple assistait à la cérémonie, formé en comices, comme aux inaugurations sacerdotales8, il est clair qu'il avait dt1 être convoque par le roi et sous les auspices du roi, lequel etait roi avant d'être inauguré. Il y avait donc une auspication, due à l'initiative du roi, avant l'inauguration. C'est le système suivi pour l'inauguration des prêtres, avec cette unique différence que, ceux-ci n'ayant pas d'auspices, l'initiative, la réquisition de l'augure et l'auspication préalable appartenaient au Ponti fex Maximus, agissant au nom du collège des Pontifes. Quant aux magistrats, ils s'étaient affranchis sous la République de la formalité de l'inauguration : ils s'installaient euxmêmes par simple auspication. Denys assure que « tous les prêtres et ministres des dieux » devaient être élus par les curies et inaugurés'. Ce qu'il dit de l'élection étant faux, on est en droit de récuser aussi son témoignage pour le reste. En fait, l'inauguration n'est attestée formellement que pour le rex sacrorum 1D, les grands flamines, Die'', Martial", Quirinal ", [flamine D. Julii''], et les augures 18. On ne parle pas des /laminicae, et c'est une raison de plus de douter que les Vestales aient jamais été inaugurées 16. Évidemment, les femmes n'étaient pas susceptibles d'inauguration. En somme, on voit que l'inviolabilité conférée par l'inauguratio était réservée aux desservants des cultes. Le cas des augures ne fait exception qu'en apparence : il rentre dans la règle qui voulait que les membres des corporations sacerdotales fussent cooptés et installés par leurs collègues. Une réception par les augures s'appelait naturellement une « inauguration 17 ». On a prétendu faire une autre exception pour les pontifes, sans preuves suffisantes18, et sans songer que les pontifes auraient difficilement accepté de se mettre ainsi, ne fiit-ce que d'une manière fictive, sous la dépendance des augures. On peut donc tenir pour certain que ni les grands collèges, ni les confréries ou sodalités, ne faisaient inaugurer leurs membres. Les inaugurations et exaugurations dont parle, à propos dos Saliens, un auteur de basse époque 19, ne sont que des réceptions faites et des congés délivrés par la confrérie elle-même. Le Pontifex Maximus, qui « prenait » à son gré le rex sacrorum et les 'lamines, avait le droit de requérir un augure pour les inaugurer 20, et, en ce sens, on peut dire 1NA 439 1NA que les récipiendaires étaient « inaugurés par les pontifes t », expression que suffirait du reste à justifier l'assistance obligatoire des comices « calates » curiates convoqués par le Grand-Pontife et sous ses auspices. La présence de ces comices pose un problème qui n'a pas reçu jusqu'ici de solution satisfaisante. Suivant Mommsen, les comitia calata étaient toujours des assemblées convoquées par le Grand-Pontife et qui tantôt votaient, comme sur les questions de droit gentilice, tantôt et notamment lors des inaugurations, ne votaient pas, c'est-à-dire n'étaient plus des comices 2. Ce n'est pas tout. Comme le texte invoqué parle aussi de comitia centuriata calata3, Mommsen a été obligé de chercher au moins un cas où le Grand-Pontife eût occasion de convoquer les centuries, ce qui suppose les auspices quasi-militaires, et il a cru le trouver dans l'inauguration du flamine de Mars, laquelle aurait eu lieu au Champ-de-Mars, en dehors du pomerium 4. Valeton, par une généralisation hardie et fortement motivée supprime toute cette casuistique. Il appelle calata les comices tombés à l'état de fiction légale, qui sont « convoqués », mais non pas réellement tenus, le peuple y étant représenté par des figurants, et qui votent des lois de pure l'orme, y compris la lex ettriata de imperio et la lex cen.turiata de censoria potestate. Il peut ainsi rétablir la continuité de la tradition et maintenir, pour l'inauguration des prêtres, la formalité de la «loi curiate », dont il a fait l'épilogue de l'inauguration des rois. Les auteurs, il est vrai, ne parlent de loi curiate que pour les magistrats; mais c'est que celle des sacerdoces, ombre d'une ombre, se confondait avec l'inauguratio, tandis que, les magistrats n'étant pas inaugurés, le vote de la loi curiate était devenu pour eux un acte indépendant et avait en outre une importance majeure, comme conférant l'aptitude à exercer l'imperium militaire. En dépit des objections à prévoir, cette thèse à longue portée mérite considération. 1II. Inauguration des actes publics. La compétence des augures à l'époque historique n'était plus qu'un débris de celle que la coutume leur accordait autrefois, et cela, au dire de Cicéron, par la négligence des augures eux-mêmes'. Cicéron affirme que jadis les augures, institués par Romulus pour l'assister « dans toutes les affaires publiques»), étaient consultés quelquefois sur des questions de gouvernement intérieur et d'opportunité, très souvent sur des entreprises projetées"; que, par exemple, Hostilius (il veut dire Tarquin) avait fait « de très grandes guerres après consultation augurale d'Attus Navius0 ». En d'autres termes, là où les magistrats se contentaient de leurs auspicia, leurs prédécesseurs réclamaient la garantie des auguria : ils faisaient « inaugurer » leurs actes avant de les accomplir sous leurs auspices. L'assertion de Cicéron se trouve confirmée par d'autres textes. On dit que Romulus avait « inauguré » les centuries équestres, et que Tarquin n'avait pu en augmenter le nombre parce que Artus Navius se refusait à inaugurer les centuries nouvelles 10 ; ou encore que, en 437 av. .1.-C., le dictateur Mamercus Aemilius avait attendu, pour livrer bataille, le signal donné du haut de l'arx par les augures consultants 1t Quelque opinion que l'on ait de la compétence primordiale des augures en matière politique, il est probable qu'elle fut restreinte dès que fut établi le régime républicain. Maîtresse du pouvoir, l'aristocratie pouvait desserrer les freins qu'elle lui avait imposés. Il en resta le droit individuel de nuatiatio augurale [NUNTIATIO, ORNUNTIATIO], et, pour le collège, le droit de juger, sur invitation du sénat, de la validité des auspices [AUSPICIA]. Comme de raison, la compétence des augures en fait d'actes religieux fut mieux respectée, ou elle ne fut amoindrie qu'au profit des pontifes. Nous avons vu que, sauf l'initiative, les augures ont seuls le rôle actif dans l'inauguration des temples, et le rôle principal dans l'inauguration des prêtres. En fait d'autres cérémonies religieuses nécessitant une consultation augurale, nous ne connaissons que l'augurium canarium et l'augurium Salutis [AUGL"RIUM SALUTIS]. Encore ne savons-nous pas très bien en quoi consistait 1' « auguration caniculaire 12 », fête indictive dont la date devait être fixée par les pontifes 13. On l'appelait ainsi soit de la canicule, contre laquelle elle devait protéger les moissons, soit, ce qui revient au même, du sacrifice des chiennes rousses que l'on immolait près de la porte Catulaire, pour apaiser le Chien céleste. Il est à supposer que les augures « inauguraient » la cérémonie en consultant les dieux et offraient le sacrifice propitiatoire". La participation des augures à l'augurium Salulis (rk['i 61J..u "tis `Y'ysu(r,) est attestée par Cicéron 15 et par Festust'; du reste, les conditions exigées pour que la cérémonie pût être célébrée étaient telles 17 qu'une consultation augurale était le seul moyen d'en certifier l'opportunité. Le fait que Cicéron parle de la fête célébrée sous son consulat sans s'y attribuer un rôle quelconque donne même àpenser que les magistrats n'avaient point de part aux actes du cérémonial, accomplis par les augures seuls ou sous la direction du Grand-Pontife 18. Hors ces deux cas, déjà si mal élucidés, il n'y a plus qu'hypothèses gratuites. Nous ignorons ce que pouvait être l'inauguration des vineta virgetaque dont parle Cicéron". On y a vu l'inauguration des Ambarvalia 20, ou de temples à auspices en dehors du pomerium 21 ; l'ouverture des vendanges par le flamine Rial aux Vinalia Rustica, après consultation augurale2°; enfin, l'augurium canarium sous un autre nom, l'expression vineta virgetaque étant une définition ou la fin d'une définition archaïque des récoltes à protéger 2'. Il faudrait être bien sûr de la propriété du terme significatif dans un texte INA -~r0 INA d'Ateius Capito', et sûr également qu'il y est question du culte public, pour affirmer que les feriae praecidaneae étaient, sur l'ordre du Grand-Pontife, e inaugurées n par les augures'. Qu'était-ce au juste que les vernisera auguria3, dont un texte de trois mots seulement et altéré nous donne le nom? Je renoncerais volontiers à l'explication que m'a paru fournir un texte de Plutarque, où il est dit que le Grand-Pontife Métellus lit défense d'inaugurer (oiwvfec6xt) passé le mois d'août', si la conjecture de Wissowa 5 (qui suppose un augurium printanier, analogue à l'augurium canarium, et y incorpore arbitrairement une autre inconnue, le sacri/icium arcanum 6) me paraissait plus solide. Il est probable que les sacrifices et formules de prières mentionnés çà et là à propos des augures se rapportaient à des inaugurations ou exaugurations, à des vérifications, inspections et lustrations de lieux inaugurés : mais ces débris de la tradition sont inutilisables autrement qu'au hasard des conjectures. A. BOUCHÉ-LECLEIICQ. Ces mots désignent les boucles d'oreilles et font allusion, soit à la place de la boucle fixée dans le lobe de l'oreille', soit à la forme enroulée du bijou2. On a contesté autrefois que le mot iatxt psç s'appliquât à des pendants d'oreilles et on a pensé qu'il désignait spécialement les spirales destinées à serrer les boucles de cheveux [coMA, p. 4356 3 ; mais de nouvelles recherches permettent d'affirmer que ces mêmes objets ont pu être employés aussi comme boucles d'oreilles'. 1. Orient. Comme beaucoup d'autres usages helléniques, la mode de percer les oreilles et d'y insérer un anneau de métal vient de l'Orient. Bien avant les Grecs, les Égyptiens et les Asiatiques avaient inventé cette parure et déterminé les deux grands genres entre lesquels se répartissent toutes les boucles d'oreilles qu'on a portées, depuis la haute antiquité jusqu'à nos jours : 4° la boucle rigide, d'une seule pièce, généralement courte et dépassant peu le lobe de l'oreille avec lequel elle semble faire corps; `?° la boucle longue à pendeloques, divisée en plusieurs éléments distincts qui donnent de la souplesse et du jeu au bijou tout entier. L'une n'est qu'une façon de parer l'oreille sans en changer la forme et de la faire valoir. L'autre est un prolongement artificiel et, commeles colliers, un bijou qui, fait pour être admiré en lui-même, cherche dans l'oreille un simple point d'appui. Suivant que l'on emploie l'un ou l'autre genre, on obéit à une esthétique différente. Nous verrons que les Grecs, avec leur goût très fin, s'en sont tenus longtemps à la première manière, tandis que les Orientaux ont de tout temps prodigué les formes lourdes et compliquées. En Égypte, les pendeloques à chaînettes existent dès l'époque des Ramsès (fig. 3993) 5. On y trouve aussi les gros anneaux ou plaques formant des cercles concentriques G, ou bien enfilés les uns au-dessous des autres'. En Mésopotamie, la mode paraît plus simple ; un anneau court souligne le lobe inférieurs. Les Assyriens donnent un plus grand développement au bijou et invenient des pendants de forme assez lourde et compliquée (fig. 3991.) 9; il est remarquable cependant qu'ils s'en tiennent à la structure rigide et ne recherchent pas, comme en Égypte, les variétés à chaînettes et à pendeloques mobiles. Un trait commun à ces deux civilisations et qui les différencie nettement du monde hellénique, c'est le port de la boucle d'oreille par les hommes 10. A l'époque classique, c'était une façon de INA reconnaître sûrement un Oriental, aussi bien en Grèce qu'à Rome'. Cette mode masculine existait chez toutes les populations soumises directement à la domination orientale 2. Il est curieux de voir qu'à Chypre, après avoir régné quelque temps, elle disparaît, probablement sous l'influence des idées grecques 3. En Phénicie, où les anneaux simples ont été en usage comme partout', on remarque une mode particulière dont Chypre sur tout, terre en grande partie phénicienne, offre des exemples intéressants. C'est l'usage des couvreoreilles qui, sous forme de garniture métallique richement décorée ou ciselée, s'emboîtaient sur le cartilage et épousaient exactement les contours des oreilles (fig. 3995) 5. Il est probable que l'on n'hésitait pas, pour assurer la solidité de ce bijou très lourd, à percer l'our let de l'oreille de plusieurs trous par lesquels passaient des fils d'or. C'est du moins ce qui apparaît sur le précieux masque de terre cuite carthaginois, conservé au Louvre, qui a perdu son applique de métal, mais qui montre encore les petites ouvertures réparties tout autour de l'oreille 6. On peut supposer encore des anneaux isolés qui passeraient par chacun de ces trous, comme on le voit dans de très anciennes figurines de terre cuite (fig. 3996) 7 et plus tard encore sur des statues en calcaire de Chypre °. Ailleurs, le couvreoreilles est garni d'une série de pendeloques qui se mêlent à la chevelure et retombent jusqu'au cou 9. Les boucles en forme d'anneaux ou de simples spirales sont très fréquentes dans les îles orientales et sur la côte V. de Syrie 16 ; souvent elles se terminent à un bout en tête de lion ou d'autre animal ". On songea bientôt à compliquer le décor en suspendant sous l'anneau des pendeloques imitant différents objets naturels, un panier rempli de blé ou de fruits (fig. 39977)12, une petite amphore, des oiseaux perchés 13, etc. C'est en Sardaigne principalement qu'on a recueilli les plus beaux spécimens de cette bijouterie ancienne (fig. 3995)17. La ressemblance de ces bijoux avec ceux que l'on trouve à Chypre et sur les côtes de S3 rie donne beaucoup de vraisemblance à l'idée que ces parures sont l'oeuvre d'ouvriers phéniciens15. La forme du croissant semé d'un fin gré netis (fig. 3999)1F est également fort répandue dans ces régions et annonce déjà par la finesse du granulé les merveilles qui s'amasseront plus tard dans les nécropoles étrusques. Cette technique est poussée au plus haut degré de perfection par les orfèvres qui composèrent et exécutèrent les admirables pendants et couvre-oreilles trouvés dans la nécropole de Camiros à Rhodes et dont on peut admirer au Louvre les originaux : on trouve là, à une époque encore ancienne qui remonte au moins au vl° siècle avant J.-C., toute la virtuosité et en même temps la complication ambitieuse des bijoux de l'époque hellénistique Doit-on en faire honneur aux Asiatiques ou aux Grecs des îles? J'aurais peine, pour ma part, à croire que nous 56 INA !4,12 INA ayons là les produits d'un art naissant, fût-il même soutenu par de beaux modèles orientaux. Il me semble qu'on y saisit, avec la sûreté d'exécution qui atteste une très longue pratique et des traditions d'atelier séculaires, un désir de se jouer des difficultés, un souci du nouveau et, de l'inédit, qui conviennent surtout à un art finissant: tel a été chez nous le gothique flamboyant après le gothique pur. Pour ces raisons, j'y verrais de préférence des objets exécutés dans les ateliers de la côte d'Asie, sans pouvoir préciser si c'est de l'art lydien, phrygien, syrien ou phénicien. En tout cas, nous verrons plus loin que l'art grec ft ses débuts a une tout autre tendance. Des pendants d'oreilles semblables à ceux de Rhodes ont été découverts à Milo (fig. 4000) 1 ; ils offrent l'aspect original et inattendu de chaînes rigides qui se relèvent aux extrémités et sup portent des rondelles, comme les branches à bobèches d'un lustre moderne. La meilleure preuve de la haute antiquité qu'on peut attribuer à la science technique des orfèvres asiatiques, c'est l'étonnante perfection des bijoux trouvés à Troie, qui l'ait contraste avec la barbarie et la grossièreté des autres trouvailles. S'il est vrai que l'on doit reporter jusqu'au second millénaire avant notre ère le contenu de la seconde ville brûlée 2, on est amené à admettre dès cette époque l'existence d'ateliers d'orfèvres possédant un outillage excellent et capables d'exécuter de véritables chefs-d'œuvre fig. 4001)3. Les spirales, les souples volutes, les rosaces, le grénetis sont déjà en usage comme aux plus beaux temps classiques. On peut d'ailleurs, sans quitter la terre d'Orient, suivre l'évolution complète de la bijouterie, et en particulier des maures, depuis les lointaines productions que nous venons de rappeler jusqu'à l'époque romaine. Lorsque le fastueux développement de la parure orientale a donné tout ce qu'il a pu, nous voyons vers le vesiècle, sous l'influence de l'art hellénique prédominant et en vertu de l' « action en retour u de la Grèce sur l'Orient les boucles d'oreilles se restreindre, se réduire aux proportions modestes d'une simple rondelle ou d'une petite pendeloque'. Puis, à l'époque hellénistique et gréco-romaine, on voit refleurir les formes plastiques et compliquées, les assemblages de rosaces et de chaînettes, les créations de motifs pittoresques, les petites figures de tout genre, animaux, oiseaux, pros, Nikès, etc. 7 Bientôt les perles, les pierres précieuses font leur apparition et s'enchâssent dans des ensembles $, ou bien elles pendent au bout de fils d'or comme des gouttes transparentes9, mode qui prédomine à l'époque romaine. Enfin, dans les bas temps de l'empire romain et sous les empereurs de Constantinople, la richesse des bijoux, la longueur des lourdes pendeloques 10 nous ramènent en quelque sorte au point de départ et rap pellent par leur fastueuse exagération la barbarie des premiers âges. Pour terminer avec l'Orient, nous devons rappeler qu'on a parfois donné improprement le nom d'inaures " à l'ornement de nez que l'on portait dans certaines régions orientales et qui est encore aujourd'hui en usage, pour les femmes, à Damas 12. Tout récemment, dans ses fouilles de Cartilage, le P. Delattre a découvert un masque d'homme archaïque de terre cuite qui offre cette curieuse particularité (fig. 400'2)11. II. Grèce. Les trouvailles de Mycènes et de Tirynthe, si riches en beaux objets d'orfèvrerie, ont produit fort peu de boucles d'oreilles. Il semble que les populations de l'Europe continentale aient eu besoin d'un assez long contact avec l'Orient pour lui emprunter cette mode. Elle reste à peu près étrangère aux races du centre et de l'ouest, et l'on peut remarquer qu'au Musée de SaintGermain on voit à peine quelques anneaux d'oreilles parmi les milliers d'objets qui y sont exposés 14. C'est une des raisons qui me font considérer comme orientale, ou traitée d'après un modèle oriental, la tète d'homme casquée qui sst un des ivoires mycéniens les plus remarquables [GALLA, fig. 3441]; le lobe inférieur de l'oreille porte un petit bouton saillant qui indique la parure en usage chez les Orientaux. Dans les fouilles mêmes on a recueilli quelques fils d'or plusieurs fois enroulés en spires", un ou deux larges anneaux d'or INA --443 INA ornés de volutes ou de rosaces (fig. 4003) ', et c'est tout A Tirynthe, Schliemann a signalé une petite boucle d'oreille en bronze, du type à trois bossettes que nous décrivons cidessous 3. C'est peu de chose pour nous faire une idée des pendants que portaient les femmes au temps d'Homère et que le poète désigne par les mots I.r.opsvr.✓' qui ont beaucoup occupé les commentateurs 5. Le sens adopté par M. llelhig est celui de pendeloques à trois bossettes et parsemées de petites baies, ce qui répond assez exactement à la structure de certaines boucles d'oreilles que l'on recueille dans des tombeaux d'Italie datant du vie siècle a; mais on ne peut pas dire que l'assimilation soit certaine. Une des plus anciennes boucles provenant de la Grèce propre est celle de Mégare qui a déjà été plusieurs fois reproduite (fig. 934 et fig. 1798) ; mais le type de la tête et le granulé donnent à penser que c'est une importation venue de Rhodes ou de Syrie. La vraie boucle d'oreilles archaïque chez les Grecs, d'après les monuments, est une simple rondelle, appliquée contre le bas de l'oreille qu'elle cache en partie et ornée d'une rosace. Cette parure apparaît fréquemment dans la sculpture grecque duvre siècle'. Elle est ordinairement sculptée avec t'oreille même et peinte de vives couleurs, rouge et bleue (fig. 41001) 3. Parfois elle était rapportée en métal et insérée dans un trou assez profond qui subsiste encore sur plusieurs statues C'est, pendant le vie et la première moitié du ve siècle, l'ornement le plus usité. Cette simplicité voulue atteste que, malgré l'influence de l'Orient très puissante à cette époque, malgré le luxe des costumes ioniens que l'on portait alors, le bon goût des Attiques avait réussi à faire prévaloir une parure qui ne surchargeait pas l'oreille et n'en cachait pas les délicats contours. Tout au plus admettait-on une courte et simple pendeloque, comme on en voit sur le Vase François et quelques autres vases à figures noires 10, ou un anneau muni de petites pointes écartées''. L'immense majorité des vases rouges de style sévère, entre 510 et 450 av. J.-G., montre très clairement que la rondelle plate était l'ornement préféré des femmes (fig. 2354, 2629) 12. Avec l'abstention absolue des hommes qui considéraient le port des boucles comme indigne d'un Grec et d'un homme libre 13, cette discrétion des femmes dans la parure de l'oreille est un trait national qui distingue nettement le monde hellénique du rnonde oriental. Ce purisme parait, il est vrai, se relâcher avec les moeurs plus molles et le luxe grandissant de la fin du ve et du ive siècle. Les pendeloques deviennent beaucoup plus fréquentes ; l'anneau en rondelle disparaît presque entièrement. Pourtant, si l'on examine avec soin l'énorme quantité de documents que présentent les vases peints, les terres cuites, les miroirs, les sculptures du Ive siècle, on est frappé de voir que le goût reste assez délicat pour ne pas tomber dans l'exagération des modes orientales ou romaines. Surtout on remarquera que l'on ne voit aucun de ces décors plastiques, de ces groupements d'objets ou de personnages, dont les bijoux dits étrusques offrent de si nombreux et mémorables' spécimens. Par exemple, si l'on prend la belle série des monnaies grecques de cette période, on trouve là des types de boucles plus riches que ceux de l'époque précédente, mais d'un galbe très harmonieux et encore assez simple : ce sont la plupart du temps trois ou quatre, au plus cinq ou six petites pendeloques, en forme d'amphorisques, qui sont accrochées à une bar rette horizontale ou à un demi-cercle suspendu lui-même à un croche t qui entre dans l'oreille (fig. 1005)". Un beau fragment de nous prouve aussi que les joailliers attiques s'inspiraient surtout du décor linéaire et végétal pour composer leurs bijoux et n'y accrochaient pas tout le petit monde eu raccourci que nous verrons pulluler dans la suite. Même sur les vases de l'Italie méridionale qui représentent les modes grecques dans les centres luxueux de 'Parente, de Capoue, de Naples, on ne trouve jamais que l'indication de pendeloques composées de plusieurs boules ou anneaux superposés (fig. 2281), sans détail qui révèle la présence d'un ornement plastique particulier Il est vrai que sur la gemme d'Aspasios la Minerve Parthénos de Phidias a des boucles d'oreilles en grappes de raisin; mais il faut remarquer que cette intaille célèbre (fig. 3323) 2 a été exécutée à l'époque romaine et que, par conséquent, le copiste a dtt modifier avec la liberté de tous les industriels antiques quelques petits détails de l'original'. Les indications qui précèdent ont de l'importance pour nous permettre d'aborder un problème délicat qui INA est celui de l'origine des boucles d'oreilles dites étrusques. On s'accorde maintenant à dire que ce sont des bijoux grecs mais on voudrait aussi en faire des bijoux attiques et les placer comme dates entre le vie et le me siècle av. J.-C. Ce n'est pas ici le lieu d'entrer dans une démonstration minutieuse qui exigerait de longs développements. Il nous suffira de faire remarquer combien la comparaison avec les monuments précédemment cités rend douteuse cette hypothèse. D'autre part, nous avons un excellent terme de comparaison et une précieuse indication de dates dans les bijoux du Bosphore Cimmérien qui présentent, comme l'a fort justement remarqué M. J. Martha6, les mêmes caractères de style, de composition, de technique, que les bijoux d'Étrurie. Nous savons par l'histoire et par les objets trouvés dans les Lombes de Crimée que des relations suivies s'établirent entre les artisans grecs etleshabi tants de Panticapée vers la fin du ve et surtout pendant le Ive siècle '. Les vases peints qu'on a recueillis dans cette région sont en grande majorité du ive siècle ; les monnaies d'Alexandre et de ses successeurs y sont fréquentes. Nous ne devons donc pas faire remonter plus haut que le Ive et le ni' siècle l'ensemble des bijoux qu'on y trouve 8. Sont-ils attiques ? Il est vrai que le pays est colonie attique, que le commerce attique y est favorisé, que les vases sont surtout attiques. Mais il serait étrange de croire qu'aucune autre ville grecque n'ait eu le droit d'y introduire ses produits. Nous n'avons aucune raison de penser que la bijouterie ait été un article spécial du commerce athénien. Les beaux bijoux d'or trouvés dans la Grèce même sont rares et a ((il INA 445 INA Athènes plus que partout ailleurs'. D'autre part, il est certain que ce ne sont pas les Étrusques ni les ateliers grecs établis en Étrurie qui eurent l'idée d'apporter leurs produits dans ces régions lointaines 2. Il faut donc chercher plus près et c'est, à mon avis, une ville du littoral de l'Asie Mineure, un centre ionien comme Milet ou toute autre cité grecque asiatique qui a pu être le centre de cette fabrication et de cette immense exportation dont les effets se firent sentir dans tout le monde grec. Ce fut une renaissance de l'art du vie siècle dont nous avons vu les magnifiques produits à Rhodes (fig. 936); ce fut une reprise de la tradition orientale et phénicienne au compte des Grecs, avec la même conception du bijou fastueux, compliqué, souvent lourd, mais toujours ingénieux dans ses inventions et irré prochable dans l'exécution. J'attribuerais donc surtout à une fabrique gréco-ionienne et à la période hellénistique, entre le ive et le ier siècle av. J.-C., toute cette série magnifique de boucles d'oreilles qu'on admire dans les vitrines du Louvre ou dans celles de l'Ermitage et qui, sorties les unes des tombes d'Étrurie, les autres des lumuli de Crimée, quelquesunes de la Grèce et des îles, sur les points les plus opposés du monde ancien, ont pu cependant être exécutées parfois dans le même atelier grec. Ce sont les mêmes sujets, grappes de raisin, petites amphores suspendues, rosaces et croissants à longues chaînettes (fig. 4007, 4011, 4013)2, têtes d'animaux, oiseaux, cygnes (fig. 4008), colombes (fig. 4009) têtes d'hommes et de femmes (fig. 4010) 5, Sirènes 6, Éros.' (fig. 4012) et Nikès tenant une couronne (fig. 4013) 8, ou mêmes groupes compliqués 9, chars attelés de chevaux (fig. 4014, 407.6) 10, grands couvre-oreilles à plaques ajourées et ciselées (fig. 4016 et 4017), etc.11 On recon naît là tout cet arsenal de motifs pittoresques qui avaient reçu des noms particuliers dont Pollux nous a conservé la curieuse énumération : iyr.),xo (i;x xx: in-peau, x21 hellénistique, du type attribué aux fabriques de Ca nosa 13, nous montre précisément une de ces énormes pendeloques en place, suspendue à l'oreille d'une Minerve casquée (fig. 4018) 1". La démonstration que nous venons d'esquisser peut se faire encore d'une autre façon. Si les Étrusques avaient fabriqué eux-mêmes ces bijoux, il est clair qu'on les retrouverait sur leurs propres images, leurs statues funéraires, leurs bas-reliefs, leurs fresques, leurs miroirs. Il n'en est rien. a Plus de filigranes ténus, plus de granulés microscopiques, dit M. Martha en parlant des parures des statues étrusques couchées sur les couvercles des sarcophages ou des urnes, plus rien qui rappelle même de loin les fantaisies de l'âge précédent 15.» L'1trurie, en effet, a eu ses usages à elle et mérite qu'on s'y arrête un instant. Ill. Eirurie. Comme à'T'roie et à Mycènes, les simples spirales (i)fxtrl7sç) ont été en usage de bonne heure en Étrurie. Nous les voyons accrochées aux oreilles des têtes qui surmontent les vases appelés canopes (fig. 4019) et la mode en remonte vraisemblablement à une épo que plus reculée encore que ces représentations plastiques". On compte aussi parmi les formes les plus anciennes, remontant au vie et même au vie siècle, un genre de boucles dites a boule, c'est-à-dire ressemblant à un petit coffre bombé 17. Elles sont souvent ornées de INA 446 INA baies saillantes ; quelques-unes portent des figures orientales, des sphinx (fig. 4020)', qui font croire à l'origine phénicienne ou tout au moins asiatique de ces produits qui auraient été importés par le commerce en Étrurie. Un peu plus tard, ce sont des croissants garnis en dessous de petites grappes saillantes 2. Quand l'hégémonie grecque commence, les Étrusques suivent docilement la mode prédominante des rondelles fixées au lobe de l'oreille ; Ies exemples en sont fréquents sur les fresques fig. 3105), les antéfixes de terre cuite et les bronzes du v' siècle encore archaïque 3. Comme en Grèce, la parure reste assez simple à la fin du même siècle et pendant le quatrième. Les cistes et les miroirs gravés donnent l'idée de pendeloques courtes, de style analogue à celles qui figurent sur les vases apuliens (fig. 4021) :. Quand on arrive aux urnes et aux sarcophages de l'époque gréco-romaine du Ille au 1ed siècle, on est étonné de voir que les sculpteurs continuent à orner les personnages des mêmes pendeloques de structure simple (fig. 3052) et non point avec les bijoux compliqués qu'ont fait connaître les fouilles des tombeaux étrusques euxmêmes. Il y a là une anomalie dont la raison nous échappe. On remarquera même combien est rare, en somme, sur les urnes étrusques, l'indication des boucles d'oreilles, en dépit des ornements qui parfois surchargent les personnages. Bien souvent elles sont absentes, soit que par une conven lion d'art industriel on passât sous silence un détail aussi petit, soit qu'on ait voulu les rapporter et les faire figurer au naturel, comme nous le verrons plus loin pour les bustes des dames romaines. IV. Rome. Les auteurs latins sont unanimes à signaler le goôtque lesfemmeseurent de tout tempspourlesbi,joux. Valère Maxime6 prétend qu'après la paix assurée à home parla mère de Coriolan, le sénat permit aux femmes, outre les anneaux qu'elles portaient déjà aux oreilles, d'avoir des vêtements de pourpre et des broderies d'or. Pendant la deuxième guerre Punique la loi Oppia restreignit le luxe, mais vingt ans après, malgré la résistance de Caton, les femmes réussirent à faire abroger ces dispositions'. 11 est vraisemblable que pendant la période républicaine, surtout à partir du me siècle, les Romaines connurent par les Étrusques et par les Grecs et portèrent les beaux bijoux des fabriques hellénistiques, mais nous n'avons pas de renseignements précis là-dessus. Ce qui caractérise la boucle d'oreille romaine, ce qui la distingue des précédentes, c'est qu'elle donne aux perles et aux pierres précieuses une importance toute particulière. Sans doute l'orfèvrerie grecque avait connu les sertissures et les enchâssements de pierres ou de pâtes de verre dans les parures mais dans ce cas elle avait cherché surtout à faire valoir par le contraste des couleurs et des matières la beauté de l'or et des ciselures. Au contraire, chez les Romains, la perle ou la pierre devient l'essentiel; le reste n'est fait que pour l'accompagner et l'encadrer. Déjà le mot employé par Plaute, stalagmium°, fait comprendre le rôle qu'on attribuait aux perles : c'est une goutte transparente suspendue à un fil. Sous l'Empire cette passion des perles fut poussée à la folie : la gloire d'une coquette était d'avoir des perles ou des gemmes plus rares et plus précieuses que celles de ses rivales. Pline consacre un chapitre spécial au trafic des perles et il s'indigne de voir une Lollia Plautina porter sur elle les dépouilles de provinces entières, zmaragdis margaritisque opertam10. Cléopâtre possédait les deux plus belles boucles qui fussent au monde. On sait comment, en présence d'Antoine, elle en absorba une en la faisant dissoudre; l'autre fut sauvée et consacrée plus tard à Vénus dans le Panthéon ". Les assemblages de perles réunies sur une môme monture s'appelaient uniones'2. Les elenchi sont des pendants en forme de petites poires ou d'alabastres13. On en suspendait deux ou trois ensemble à chaque oreille, et le bruit que faisaient les perles en s'entrechoquant avait fait donner à cette parure le nom de crotalia' Les gens du peuple disaient par plaisanterie que c'était le licteur des femmes riches, puisqu'il annonçait leur approche". Le poids en était parfois si pesant qu'il faisait allonger le lobe de l'oreille 'B. Sénèque dit qu'on y voyait accroché le prix de deuxou trois terresf', et les Pères de l'Église tonnent encore contre les folies que déchaînait l'amour des bijoux et des boucles d'oreilles". Nous serions très curieux de retrouver sur les monuments les traces de cc luxe inouï qui avait d11 produire quelques chefs-d'oeuvre de bijouterie. Mais on est assez déçu de trouver sur les peintures de Pompéi, sur les camées et les monnaies de l'époque, des spécimens plutôt mesquins de cette joaillerie. On y reconnaît simplement que la perle suspendue à un fil joue, en effet, un rôle prépondérant 13, que deux ou trois perles superposées peuvent donner une idée des uniones V0 ; on y voit égalemen t le genre piriforme des elenchi21, et celui des crotalia qui se choquaient pendant la marchez'. Les originaux retrouvés a Pompéi et ailleurs reproduisent tous ces types (fig. 4022, 4023, 40244, 4025, 4026)", mais sans qu'on y remarque le mensions énormes et constituent de vraies chaînettes, comme on le voit sur INA 4 117 INC faste et la grandeur dont parlent les auteurs. On constate même avec surprise que dans la série très nombreuse des bustes de femmes romaines, presque aucune ne porte de boucles d'oreilles. Peut-être doit-on chercher les causes de cette omission dans une convention artistique ou dans le fait que les boucles d'oreilles devaient être rapportées et ajustées à part'. Au Bas-Empire, les pendeloques ont atteint des di la mosaïque de Ravenne et sur certains ivoires2. Pourtant la tendance chez les particuliers est plutôt de raccourcir la longueur de la boucle, de revenir à l'ancien anneau d'or qui se termine en bossette ornée quelquefois ajourée et incrustée de verroteries (fig. 4029, 4030) 4. La transition se fait ainsi avec les bijoux mérovingiens qui présentent une structure et une technique 'analogues'. E. POTTIER. Rares et incomplets sont nos documents sur le crime d'incendie en droit attique. On discerne pourtant un principe général, celui qui domine la législation criminelle d'Athènes, à. savoir que la criminalité, la juridiction et la pénalité sont déterminées par l'intention de l'agent. L'incendie est donc considéré comme un attentat contre les personnes ou contre la propriété. La ;tuwrxx est justiciable de l'Aréopage, d'après la loi qui fixe la compétence de ce tribunal'. Nos érudits ont souvent vu dans ce droit de juridiction la sanction naturelle d'une police des bâtiments attribuée à l'Aréopage 2. Ils n'ont pas remarqué que l'incendie d'une maison habitée est assimilé à l'assassinat et a sa place dans une catégorie des cpovtxoi vd(A.ot'. Comme toutes les espèces de meurtre prémédité, la ,tupxaïâ tombe sous le coup d'une ypay Par analogie, on peut présumer que l'instruction et l'hégémonie appartiennent au roi En tout cas, la condamnation entraîne la peine de mort 6 ou l'exil perpétuel avec la confiscation des biens. Comment l'Aréopage, qui statue seulement sur les cas les plus graves d'homicide, connaîtrait-il toujours de l'incendie'? On peut constater qu'il n'est pas saisi lorsqu'il n'y a pas présomption que l'auteur ait eu l'intention de donner la mort. Si le crime d'incendie n'est pas dirigé contre la vie d'une personne, mais contre des biens, il n'est plus désigné par le mot archaïque, draconien, de 7tupxaïc( ; c'est alors un i(1.7rorisu.6ç (ou iA7tusts(J.d;) 8. Le droit attique paraît encore distinguer deux sortes d'iurrpr)sµdç, selon que la partie lésée est l'État ou un particulier. Dans le premier cas, le crime d'incendie devient facilement un crime politique. Nous avons conservé quelques indications sur une espèce intéressante. Un traître avait tenté de mettre le feu aux arsenaux maritimes du Pirée. L'affaire fut déférée au peuple par voie d'eisangélie ° [EISAGGELIA]. On s'autorisa du cas d'eisangélie nTpz'rt .v 10, et plus particulièrement de la rubrique i.iv Tcç âôcxè 73Epi T iv Toïç vE°Jpiotç 11. Pour le second cas, nous ne connaissons également qu'un texte grec : dans les Lois de Platon, il est question de l'incendie par imprudence 12. Le cultivateur qui, en brl°Ilant des herbes ou des broussailles, communique le feu à son voisin, doit réparation du préjudice causé selon l'estimation des magistrats. Platon ne fait ici que transcrire la législation de son pays; dans toute la partie de son oeuvre où il 1NC -8 1NC traite du droit rural, il rappelle à maintes reprises « les nombreux législateurs dont il faut appliquer les lois»', « ces vieilles et belles lois » Par une rencontre assez inattendue, le passage de Platon est confirmé par les Controverses de Sénèque le rhéteur. Un de ces exercices, qui sont empruntés aux maîtres grecs, a pour titre : Domus cum arbore exusla3. Le défendeur avait mis le feu à un arbre, qui l'avait communiqué à une maison. Il offre de payer le prix de l'arbre au quadruple, pour dommage causé volontairement, et le prix de la maison au simple, pour dommage involontaire G. GLOTZ. HOME. L'action de mettre le feu ne fut pas rattachée d'abord, dans le droit criminel romain, à la théorie du meurtre ou de l'homicide; elle fut de bonne heure traitée comme une infraction sui generis, en raison sans doute de l'effroi que l'incendie inspire généralement. 1. Elle paraît avoir été punie de mort par le feu, dans la loi des XII tables 3,comme le fait supposer une loi au Digeste tirée d'un commentaire de Gaius sur la loi des XII tables. Ce texte porte que celui qui aura incendié un édifice ou une meule de froment amassée près d'une maison , sera, s'il l'a fait sciemment et en état de raison, lié, flagellé et mis à mort par le feu; si c'est par négligence, il sera condamné à réparer le dommage ; ou s'il est trop pauvre pour payer, il subira une correction corporelle modérée 9. Cependant, ce texte de Gaius pourrait bien ne s'appliquer qu'il la pénalité en usage de son temps contre les incendiaires'. Quoi qu'il en soit, on remarquera la distinction admise entre l'incendie volontaire, dolo, et celui qui n'a lieu que par négligence ou imprudence, culpa. Le premier seul donnait lieu à une action publique; le second obligeait seulement à réparation pécuniaire envers la partie lésée. II. A l'époque de Sylla, la manière d'envisager le crime d'incendie changea complètement; on le rattacha aux autres faits que prévoyait la loi Cornelia de sicariis, meurtres, violences, etc. Cette loi, dont on fait remonter la date à 6'72 ou 6'73 de Rome, punissait l'incendie allumé dolo malt) à Rome ou dans le rayon d'un mille. La peine était l'aquae et ignis interdictio9. Elle était appliquée à l'incendie considéré comme moyen de commettre le meurtre, qui faisait spécialement l'objet de cette loi 9. L'incendie de la curie, qui avait eu lieu à l'occasion de l'enterrement de Clodius, fit mentionner expressément ce crime dans la loi Pontpeia de vi, ce qui fut reproduit dans la loi Julia Caesarea sur le même objet. Dès lors, on considéra comme violence [vis] tout incendie causé par un attroupement, bien qu'il eût un autre but, et on y appliqua l'aquae et ignis interdictio'0, Cependant, si l'on en croyait Paul, la loi Julia de vi aurait considéré ce fait comme un cas de violence privée, sans doute quand l'attroupement n'était que l'occasion de l'incendie ". III. Sous l'Empire, le crime d'incendie fut l'objet de modifications généralement introduites par la pratique: 1° La pénalité varia suivant le péril qui résultait de l'embrasement; ainsi l'incendie commis dans la ville était puni de mort " ; il en était de même pour celui qui avait mis le feu à une INSOLA"; l'incendie allumé, à dessein dans une maison de campagne, un grenier, une étable''', était puni des mines ou des travaux publics pour les coupables humiliores et de la relégation dans une île pour les honestiores". Quant aux objets placés près d'une maison d'habitation, leur embrasement était frappé comme celui de la maison 19; pour les incendiaires de moissons, vignes, oliviers, on leur appliquait la même peine qu'en cas d'incendie de maisons hors de la ville". 2° On distingue soigneusement l'incendie allumé méchamment de l'incendie par imprudence. Dans le premier cas, s'il s'agissait d'édifices, ou d'objets de nature à y communiquer le feu, on a vu que la mort était la peine en usage. Le crime était poursuivi extra ordinenl, ce qui laissait beaucoup à l'arbitraire du juge 18, Quelquefois, on faisait brûler vifs les coupables 79; d'autres fois, on les livrait aux bêtes 29 ; mais ce qui précède ne s'appliquait qu'aux gens de basse condition; les honestiores étaient frappés du glaive et ceux d'un rang plus élevé, déportés21. On a dit plus haut quelles étaient les peines en usage dans les autres cas d'incendie volontaire. L'incendie par imprudence, que les interprètes allemands nomment culpose par opposition à l'incendie dolose fut l'objet de dispositions spéciales au temps de l'Empire. En effet, on avait à cette époque nettement distingué le cas fortuit de la faute ou négligence ; le premier fut considéré comme un accident qui n'obligeait à aucune réparation civile ; au contraire, l'incendie imputable à son auteur l'obligeait à réparer le dommage conformément à la loi Aquilia. S'il était hors d'état de payer, nous savons par Paul qu'on le soumettait, depuis l'établissement des cognitiones extraordinariae, à un châtiment corporel (levius castigatus) d3. Mais on ne punissait ainsi que la négligence voisine du dol. Cependant, le même jurisconsulte, dans ses sentences u, soumet l'incendie à une peine du double du dommage. 3° Enfin, il y eut des changements dans l'instruction de l'affaire. Depuis l'extension des cognitiones exlraordinariae, l'enquête relativement aux incendies volontaires appartenait au PHAEFRCTUS URBI ; au contraire, l'enquête en ce qui concerne ceux qui avaient commis des contraventions aux règlements de police sur l'extinction des feux était du ressort du PRAEFECTUS VIGILUM 2'. Ulpien 2s nous apprend que les habitants d'une insola, et tous ceux qui n'ont pas surveillé le feu allumé chez eux, ont fait l'objet d'un rescrit des empereurs Sévère et Antonin, adressé à Junius Rufinus, préfet des vigiles, aux termes duquel ces délinquants peuvent être frappés de bâton ou de verges; tandis que les incendiaires dolo doivent être 1NC -t149INC renvoyés au préfet de la ville Fabius Cilon. Paul répète la même décision dans une loi' qui est tirée de son traité spécial sur les fonctions du praefectus vigilum. Ces mots quia plerumque incendia fiunt culpa inhabitantium, semblent indiquer 2 que l'incendie causé par la faute des habitants était de la compétence du préfet des vigiles, du moins lorsque le préjudice était insignifiant ou ne portait que sur les biens propres du délinquant. L'époque postérieure aux grands jurisconsultes nous fournit peu de documents sur le crime d'incendie. L'empereur Philippe, en 245, appliqua dans un rescrit la loi Cornelia de sicariis à l'incendie volontaire 3. Sous Justinien, l'incendie est compris parmi les délits de vi publica. G. HUMBERT. INCERNICULUM, tamis [CRIBRUM] 1.