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INCOLA. -. Cette expression désigne, en droit public romain, le membre d'une cité ou commune, qui, sans lui appartenir par l'origine ou la filiation, fait partie de la communauté par fixation de domicile; incolas domicilium facit,ditunrescrit d'Hadrien 1. En effet] es bourgeois d'une cité se divisaient, même au temps de la Itépublique 2, en cives et incolae, c'est-à-dire natifs et habitants. Les uns et les autres se séparaient profondément des hôtes étrangers ou voyageurs qui avaient dans la ville une résidence plus ou moins longue, ou même des propriétés ou possessions, hospices, advenae, adventores, peregrini 3. Ceux-ci n'étaient point considérés comme membres de la cité, ou participant en aucune façon à la bourgeoisie. Au contraire les incolae, sans posséder des droits aussi éten
V.
dus que les originaires (originariï, originales) qui faisaient partie de la cité par filiation (origo naturalis4), ou par filiation fictive, résultant de concession, d'allection, adoption ou affranchissement', devenaient véritablement membres de la cité où ils avaient établi leur domicile, domicilium, laris collocatio 6On peut les comparer aux métèques des cités grecques 7 [METOECI], en observant toutefois que sous l'Empire romain, la condition des incolae est devenue presque égale à celle des cives. Avant de faire connaître le droit d'incolat, jus incolatus ou jus incolarum °, il convient de dire comment il s'acquérait.
Tout sujet de l'Empire, à l'exception de ceux qui, comme les membres de certaines corporations, corporatio, collegiati, n'avaient pas le droit de changer librement de domiciles, pouvait transporter où il l'entendait son principal établissementS°; distinguer celui-ci de la simple résidence était une question de fait, sur laquelle les lois romaines donnent d'excellents préceptes, encore suivis en droit français pour la notion de domicile. On était considéré comme domicilié au lieu où de fait et intentionnellement on avait fixé le siège de ses affaires 11 : ainsi au lieu où l'on a posé ses lares, où l'on se tient habituellement, où l'on a la majeure partie de ses biens, d'où on ne s'éloignera pas sans une cause accidentelle, que l'on ne quitte que pour voyager, et où le retour est la fin d'un voyage ; il ne suffit pas de séjourner dans une ville, par exemple pour ses études 12, ou même d'y posséder un immeuble", pour y avoir un domicile ; il faut un véritable et principal établissement, laris collocatio 14. On adme t cependan t qu'un particulier peut avoir plusieurs domiciles ou établissements sur la même ligne ". La femme est réputée avoir le domicile de son mari 16
Indépendamment de ses conséquences au point de vue judiciaire (forum domicilii), le domicile engendre le droit d'incolat. Celui qui a fixé son domicile dans une autre cité que celle à laquelle il appartient par l'origine (patrie), sans cesser d'être citoyen de celle-ci 17, devient incola ou habitant de la nouvelle cité, il est tenu d'y supporter les charges municipales, ntunerals, tant réelles que personnelles, sans cesser d'être citoyen de sa patrie d'origine, d'y être également soumis à la juridiction municipale, et sans pouvoir s'y soustraire à ses premières obligations. Aussi les simples incolae sont-ils rangés souvent parmi les bourgeois ou membres du municipe (municipes) comme les citoyens d'origine" [MUNIcIelus].
Les femmes (cives ou incolae) n'étaient point en général astreintes aux charges corporelles 2D, personalia mimera, quae personis cohaerent; cependant cette règle souffrait certaines exceptions°t, notamment pour les fonctions de prêtresses en certaines villes. Mais elles supportaient en
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général les charges du patrimoine, mimera
patl'imonül.
Au point de vue du droit public municipal, la position des incolae était inférieure à celle des cives ou municipes; mais le progrès fut constant; il y eut là quelque chose d'analogue à la condition relative des Romains et des Latins [LATINI] à Rome pendant la République On ne voulut pas que les habitants demeurassent étrangers absolument aux comices où on élisait les magistrats, et où on statuait sur les règlements locaux; mais on entendait laisser aux citoyens proprement dits une part prépondérante. Ainsi les incolae, si on en juge par la loi municipale de Malaca, étaient admis, quel que fût leur nombre, dans une seule curie déterminée par le sort'.
Le droit d'être appelé aux honneurs municipaux paraît n'avoir été concédé qu'exceptionnellement aux incolae par la loi municipale de certaines cités, ou par les empereurs Mais plus tard, quand les fonctions municipales furent regardées principalement comme une charge onéreuse, on l'imposa en règle aux incolae 5, chacun à son tour.
Au Bas Empire, la constitution municipale subit de graves changements que Roth, dans son traité de re municipali, n'a pas assez nettement signalés, faute d'avoir distingué entre les époques et les sources du Digeste et celles du Code Théodosien 0. Dans ce dernier système, tous les possesseurs d'une certaine fortune doivent être appelés au sénat municipal (senatus municipalis, ordo, curia , quelle que soit leur qualité de citoyen originaire, ou d'habitant'. Ces charges sont imposées à la qualité de décurion, et le titre de municipes se restreint peu à peu aux seuls décurions ou curiales (membres du conseil municipal) 8. Dès lors le mot incolae change peu à peu de signification; on l'oppose dans les constitutions impériales aux membres du sénat (ordines) °, et l'on donne le nom d'habitatores à tous les habitants d'une cité10, puisque la vocation aux charges, muni ficentia, est devenue le privilège des seuls décurions. G. HUMBERT.