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INCUBATIO. 'Eyro:µr,ct6, iyratctç, EyxaTax) tctç. Nom
de l'acte religieux par lequel on provoquait l'apparition en songe d'une divinité, afin d'obtenir d'elle soit une révélation de l'avenir, soit une guérison.
L'origine de cet usage est dans les superstitions qui se sont attachées de tout temps au caractère mystérieux du rêve. Les images que l'esprit se forge à lui-même dans l'inconscience du sommeil paraissent s'offrir à lui du dehors, par l'effet d'une influence surnaturelle'. Aussi tous les peuples anciens, sans exception, ont-ils attribué aux songes une origine divine, et l'interprétation des songes a-t-elle été toujours une grosse partie de la
science des devins Mais, au lieu d'attendre le bon plaisir de la divinité et la venue fortuite du songe, on pouvait avoir le désir de provoquer soi-même la révélation. C'est de ce désir qu'est née la pratique de l'incubation.
En principe, toute divinité peut se manifester en songe à qui il lui plaît : ainsi Athéna apparaît à Périclès pendant son sommeil et lui indique le moyen de guérir un homme qui s'est laissé tomber la veille du haut des Propylées de l'Acropole 3 ; Pan libérateur (IUT pw;), à Trézène, a révélé de la même façon aux magistrats de la ville le moyen d'éviter la peste Cependant l'incubation ne fut jamais pratiquée dans les sanctuaires d'Athéna ni de Pan 5. Il ne faut donc pas croire que l'on pouvait provoquer toute divinité indistinctement à se manifester en songe. Les divinités avec qui il était légitime d'entrer en rapport par ce moyen, et pour qui c'était en quelque sorte un devoir de leur état de répondre exactement à l'appel qui leur était fait, formaient une catégorie assez restreinte, et c'est dans les temples de celles-là seulement que l'on venait dormir la nuit pour avoir une vision
(Éyxott,xrOat xai taEiv ~tv 5).
Ce genre de mantique (u.as'tx-il l;'i'yxo;N.-nsouu,) doit
remonter à une époque très ancienne7. Pourtant il n'en est pas fait de mention expresse dans les poèmes homériques. Mais on a supposé que les prêtres de Zeus à Dodone, les Ilelloi ou Selloi « qui ont pour couche la terre » (Mat.a;o sc;) 8 pratiquaient l'incubation. Lycophron le croyait ainsi', et plusieurs critiques modernes l'ont cru d'après lui 10, bien qu'il soit fort possible que l'interprétation du mot zau.a;o zt se réduise à un rapprochement tout arbitraire avec une coutume qui était banale du temps de Lycophron. Il reste toujours que le fait de coucher sur la terre nue ou sur des peaux étendues par terre a dû constituer la forme primitive de l'incubation ; car la Terre est la mère des Songes 11. Cette croyance se rattache aux idées des anciens sur le rôle de la terre par rapport au reste de la création 13 : c'est dans le sein de la terre que sont cachés les germes mystérieux de la vie et tes secrets de l'avenir; c'est là que la mort renvoie tous les êtres, et de là que reviennent les ombres des morts, instruites par leur séjour au monde souterrain de ce qui est et de ce qui sera. Aussi les oracles de Gæa étaient-ils originairement nombreux, et l'on peut affirmer que leur forme habituelle devait être celle de la consultation par songes. En effet, Thémis, fille de Gma et qui se rattache étroitement à elle f3, possédait à Delphes, avant qu'Apollon y eût obtenu décidément la suprématie, un oracle oniromantique, et cet oracle avait été fondé par Ga
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elle-même 1. D'autre part, c'est de Gaia que les morts héroïsés tenaient leur puissance divinatoire ; or les rites des oracles héroïques se résument toujours en une incubation sur les sépultures des héros2.
A première vue, il semble que les oracles fonctionnant par incubation auraient pu être employés pour n'importe quelle sorte de consultation ; en réalité, ils étaient à l'usage presque exclusif des malades en quête de leur guérison. On signale peu d'exceptions à cette règle. Il y avait près de Sparte un manteion de Pasiphaé, appelée aussi Inô ou Daphné 3, dans lequel le premier venu pouvait consulter la déesse sur ses affaires et qui servait spécialement aux éphores spartiates dans leurs embarras politiques'. De même, en Italie, l'oracle oniromantique de Faunus à Albunéa, tel que Virgile l'a décrits, avait des réponses pour toutes les perplexités, quelles qu'elles fussent (in dubiis responsa). Au contraire, Brizô, une obscure déesse honorée à Délos, se bornait à protéger les marins, à qui elle parlait par la voix des songes 6. Malgré ces exceptions, on doit dire que, d'une façon générale, surtout à l'époque classique, l'incubation n'est employée que dans les sanctuaires des dieux ou héros guérisseurs; et il faut ajouter que ces dieux ou héros ne rendent jamais leurs oracles par une autre voie que celle-là7. L'incubation est la méthode par excellence de la divination médicale. En conséquence, le culte dans lequel elle est le plus pratiquée est celui d'Asclépios : on connaît les détails de cette cérémonie pour quelquesuns des Asclépieia les plus célèbres, et nous y reviendrons plus loin. Le héros Amphiaraos, dont la religion est pareille sur beaucoup de points à celle d'Asclépios, impose également l'incubation à ceux qui viennent le consulter dans ses temples d'Oropos 8 et de Thèbes °. Même usage dans le sanctuaire de Dionysos, à Amphiciels en Phocide '° ; dans celui d'Ilémithéa, à Castabos en Carie 11 ; dans celui des héros Mopsos et Amphilochos, à Malles en Cilicie" ; dans celui des dieux Sôtères, à Lébédos en Lydie13; et peut-être encore dans celui d'Hercule, à Iiyettos en Béotie". A Acharaca, dans la vallée du Méandre, entre Tralles et Nysa, Pluton et Coré possédaient en commun un temple près d'une de ces grottes à exhalaisons qu'on appelait Plutonium ou Chas ronillm; cette grotte était pour les malades un but de pèlerinage et l'incubation y était pratiquée15. Enfin, Sérapis et Isis, peut-être à l'imitation de l'Asclépios grec", se communiquaient aussi en songe à leurs adorateursl7.
En certains endroits, les prêtres servaient d'intermédiaires entre le dieu et ses clients; ils recevaient de ceux-ci la demande à transmettre à la divinité; puis, après une nuit d'incubation, ils rapportaient la réponse et ordonnaient des traitements en conséquence. Cela se passait ainsi au Plutonium d'Acharaca, dont les exhalaisons rendaient le séjour dans la grotte particulière
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ment pénible et presque dangereux 1s. La même chose aurait eu lieu à Dodone, si toutefois les Selloi pratiquaient l'incubation, ainsi qu'on l'a supposé. Mais, en règle générale, les suppliants se mettent directement en rapport avec la divinité qu'ils viennent consulter. Un particulier peut aussi venir dormir et consulter à la place d'une autre personne empêchée : ainsi Mardonios envoya le Lydien Mys dormir à sa place dans l'Amphiara on de Thèbes 1'; pendant la dernière maladie d'Alexandre, plusieurs de ses amis allèrent dormir et consulter pour lui dans un temple de Sérapis 29 ; une des inscriptions de miracles, retrouvées à Épidaure, fournit un exemple du même genre 21. Le rôle des prêtres se réduit dès lors à veiller à l'exact accomplissement des cérémonies prescrites, par lesquelles le consultant doit se préparer à l'incubation. Ces cérémonies devaient varier passablement d'un sanctuaire à l'autre ; nous sommes loin d'en connaître toute la diversité. A Oropos, après trois jours d'abstinence de vin et un jour de jeàne, le consultant sacrifiait un bélier, et c'est sur la peau de la victime qu'il passait la nuit et que les songes venaient le visiter 22. L'usage de dormir sur la peau de l'animal qu'on avait sacrifié paraît avoir été assez répandu : sur la colline de Drim, en Daunie, ceux qui venaient consulter l'oracle de Calchas attendaient la réponse en dormant sur la peau d'un bélier noir"; au pied de cette même colline, dans l'hérôon de Podalirios, fils d'Asclépios, ce rite était pareillement en vigueur2''. C'est de cette façon encore que l'on consultait l'oracle de Faunus à Albunéa 2G. Il n'est pas certain que pareille prescription ait existé dans les sanctuaires d'Asclépios à l'époque classique; mais un passage de saint Jérôme 26 témoigne qu'elle avait fini par s'imposer à ceux-là aussi, du moins vers la fin du paganisme 21. Dans l'Asclépieion d'Athènes, et probablement aussi dans celui d'Épidaure, puisqu'Épidaure était la métropole d'Athènes pour la. religion d'Asclépios, les cérémonies préliminaires paraissent avoir été moins longues et plus simples que dans l'Amphiareeon d'Oropos : elles consistaient essentiellement en des ablutions avec l'eau de la source sacrée, puis en un sacrifice 28.
Après ces pieuses préparations, le consultant se disposait à dormir. Dans le temple d'Asclépios à Tithorée, il y avait pour cela un lit établi à demeure à droite de la statue du dieu 23. Dans la plupart des sanctuaires dont la clientèle était petite, le lieu de l'incubation devait être, en effet, le temple même. Mais dans ceux, plus renommés, qui attiraient un grand nombre de pèlerins, on trouvait un édifice spécial, d'ordinaire en forme de portique ouvert d'un côté, bâti à proximité du temple principal et des grands autels, et de manière que le côté ouvert regardât le temple. A Épidaure, cet édifice s'appelait Abaton. II se composait de deux portiques juxtaposés, dont l'un à double étage, et il avait un développement
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total de plus de 100 mètres de long sur 8 mètres de large'. L'Asclépieion d'Athènes offrait aux pèlerins un portique analogue, mais de bien moindres dimensions 2. A Oropos, le dortoir sacré s'appelait simplement xotl,.11.s,çtov, et une inscription3 nous apprend qu'hommes et femmes y étaient séparés, les hommes à l'est de l'autel et les femmes à l'ouest. Dans les sanctuaires où la règle n'était pas de dormir sur la peau de l'animal offert en sacrifice, chacun apportait de chez soi ses couvertures, à moins qu'on ne se contentât des jonchées de feuillage préparées dans le dortoir'. Une fois tout le monde couché, un des serviteurs du temple, probablement le zacoros, éteignait les lampes, recommandait le silence 6, et les suppliants tâchaient de s'endormir au plus vite, dans l'espoir d'un songe selon leurs voeux.
Ces songes, qui étaient la raison d'être de l'incubation, nous savons très bien aujourd'hui, par les fameuses inscriptions d'Épidaure 6, en quoi ils consistaient. Ils se ramènent presque toujours à une apparition (É7tt9«vEta) du dieu, lequel guérit instantanément le malade, soit par un effet direct de sa volonté, soit par les procédés de sa médecine et de sa chirurgie surnaturelles, ou bien indique les remèdes à prendre, le régime à suivre'. De longues listes de ces songes miraculeux, pareilles à celles qui ont été retrouvées à Épidaure, existaient dans tous les sanctuaires à incubation et y attestaient l'efficacité de la pieuse pratique : il y en avait dans les Asclépieia de Cos et de Tricca, que Strabon a signalées 8, en même temps que celles d'1 pidaure ; Strabon mentionne ailleurs celles du Sérapéum de Canobos 9 ; on en a découvert récemment, qui proviennent de l'Asclépieion de Lébéna en Crète 10 ; celles de l'Asclépieion de Rome, dans l'ïle du Tibre, sont connues depuis longtemps". A ces textes d'un caractère officiel, s'ajoutent les curieux témoignages qu'£lius Aristide, dans ses Discours sacrés,. nous a laissés des consultations si nombreuses qu'il avait obtenues d'Asclépios dans les sanctuaires de Pergame, de Smyrne, de Phocée, etc.12. Quant à Aristophane, dans la scène de la guérison de Plutus, il n'a fait que mettre en action, en y ajoutant quelques fantaisies de son crtl, un songe'de pèlerin 13.
L'usage de l'incubation devait avoir pour conséquence l'admission, dans plusieurs des sanctuaires où cette pratique avait lieu, des divinités personnifiant le songe ou le sommeil. 11 importait aux consultants de se rendre propices ces divinités, de qui dépendait la première des conditions pour que la nuit sacrée produisît le résultat
2 Cf. P. Girard, 0,n. 1. p. 8-9. 3 'Emin p;;. 1885,p. 95-96,1. 43 sqq. -4 Aristoph. 6 Cavvadiae, Fouilles d'Épid. p. 20 sqq. ; traduction française de ces inscriptions par S. Reinach (lien. arch. 1884, II, p. 77, et 1885, I, p. 265) et par II. Lechat (De
frasse-Lechat, Épidaure, p. 142-148). 7 Cf. par ex. l'inscription de M. Julius Apellas: Cavvadias, Op. 1. p. 33; traduction française de l'inscription par S. Reinach Chron. d'Orient, 1• sér. p.96-97) et Il. Lechat (Defrasse-Lechat, Épid. p. 152-153). 8 Strab. VII1,6, § 15.9 Id. XVII, 1, § 17. 16 Cf. J. Zingerlé, Heilinschrift
-12 Cf. le résumé des tribulations d'Aristide dans Welcker, Kl. Schriften, III, p. 114 sqq. ; Bouché-Leclercq, Op. 1. III, p. 299 sqq. 13 Le réellement des yeux de Plutus par les serpents sacrés rappelle de très près certains miracles d'Epidiure ; cf. dans la 1'• stèle Cavvadias, Op. 1. p.27) le miracle d'Alkétas d'Ilaliké et celui de Thysén
d'Hermione. 14 t'ausan. 11, 10, § 2. 15 Corp. inscr. allie. III, 132a : 'Aaslnx«.
attendu. C'est pourquoi l'on voyait dans l'Asclépieion de Sicyone une statue d'Hypnos et une d'Oneiros, et en outre un groupe représentant Ilypnos endormant un lion, et cet Hypnos-là portait le surnom d'L'pidôlès14. Pour la même raison, Hypnos se trouve associé, dans une inscription athénienne, à Asclépios et à Hygieia15
Entre toutes les pratiques des religions païennes, l'incubation fut une de celles qui se maintinrent avec le plus de ténacité. Les raisons principales de ce succès doivent être les suivantes : d'abord, cette pratique était fondée sur un phénomène qui, tout en étant très commun, garde toujours quelque chose de mystérieux et préoccupe souvent l'esprit de l'homme; en second lieu, elle donnait l'illusion d'un rapport direct, sans intermédiaire, avec la divinité. Aussi s'est-elle perpétuée jusqu'en plein christianisme 1G; seulement elle se faisait alors dans les églises de saint Michel ou des saints Côme et Damien, au lieu des temples d'Asclépios, d'Amphiaraos
llNCUS. "Axuwv. Enclume'. L'étymologie du mot latin n'est pas douteuse ; incus est à cudo comme index est à dito par exemple 2. L'origine de «xuwv est beaucoup plus obscure ; les Grecs faisaient venir le mot de rdl,.vw, avec un â privatif ou augmentatif' ; les modernes 4 y voient la racine xx et le suffixe l,.wv, rapprochent le sanscrit acolan (pierre et ciel), et donnent comme sens primitif ciel et carreau de foudre. Le sens de ciel s'est conservé dans les traditions théogoniques. Akmôn est le nom du père d'Ouranos, et celui-ci est souvent appelé 'Axuov(ôrç5. Par suite, Okéanos, considéré comme père d'Ouranos, porte le même nom 6 ; et aussi 1Ether, pour la même raison'. Il en résulte que 'Axuov(izt Oi zv(ôat e. Par confusion, le nom d'Akmôn est parfois appliqué à Ouranos lui-même 9, et même à son fils Kronos".
1. Les aérolithes passant pour être les produits de la foudre, le mot xx(.i.wv paraît avoir désigné d'abord ces masses métalliques d'origine météorique, puis une masse métallique en général. C'est le sens qu'il a dans le célèbre passage de l'Iliade 11 où Zeus rappelle à Ilérè la punition qu'il lui a infligée en la suspendant avec des «xu.ovEç aux pieds (Ex 3à 7roioüV i i o'iz xa Us)). La preuve en est dans les deux vers que d'après certaines traditions on insérait souvent ici, et où l'on lit 7ro(v y'c'rm Sri
était donc assimilé à g.GôNoç, et d'après les scholiastes on montrait à Troie ces deux masses métalliques, qui ne pouvaient être que des météorites 12. Eustathe nous