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INCIJS. 1 L'identification de incus et de âame, est faite par Servius, ad Aen. V1ll, 425 (t. 11, p. 263. 19). On trouve le diminutif sµwv:oe ou s,eGv,, dans une mauvaise fable ésopique (7,alsEJ; sal svvp(ov, n° 284, Coray). Voir le Dictionnaire de Eorcellini et le Thesaurus de H. Estienne. 2 Non. Marc. s. v. stricturae (11,178, 30, éd. Müller) ; Isid. Orig. XIX, 7, 1. L'assertion d'Isidore, que les anciens disaient intudem (de tundo), est une invention de grammairien ; Zonaras, 1, 100; et surtout Etym. mage. s. v. ilx Au,v (= Cramer. Anecd. Oxon. 1, 74, 31). 3 Brugmann, Grundriss, 1, 298 et 1l, 345 (et dans le Handbuch d'I. Millier, p. 39). b Henry, Gramat. comp. 115. 5 Etym. magn.; Hesyeh. s. v. 'Axp.ovônç (= Bekk. Anecd. 367,12) ; Eustath. ad Il. 1154, 23 ; Alcman, fr. 111; Callim. fr. 147 ; Antim. fr. 35; Antb. Palat. XV, 24, 1 (avec la scholie, citée dans le Thesaurus et dans Jacobs, qui rapporte un fragment d'Hésiode) : dans ce dernier texte c'est bien 032av6ç qui est appelé 'A,.o,iezç et non 'Ep°.;, comme on le lit dans l'article Akmdn de PaulyNissowa, et aussi dans celui de Roselier. 6 Elym. magn. ; Eustath. ad 1l. 1150, 58. 7 Etym. magn. 8 Eust. ad Il. 1154, 24. 9 Ibid. 1150, 53 (comparé avec l'Etym. magn.) et Ilesych. s. v. ô tau.. 10 llesych. Ibid.; au mot 'Axp.ov'Snç, dans 'Axp.°vi8n; é Xp,°v, lire Kpcvo;, 11 0, 18. 18 Ad ll.
1003, 11 ; cf. Schol. Town. éd. Maass, VI, 103, 28.
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apprend qu'attacher ainsi des masses métalliques aux pieds d'un patient pendu par les mains était un supplice usité en fait'.
Le mot xiumv est encore appliqué à une masse de bronze dans la Théogonie d'Hésiode 2, et il paraît avoir gardé ce sens dans un passage 3 où Plutarque cite un problème d'Aristote sur les iixp.cvec plongés dans l'eau : mais justement ce passage est fort obscur, et tout le contexte, où souvent les mots âxiz; et p.o),talftç se substituent au mot xxuovo„ semble indiquer quelque confusion.
II. Pline rapporte au roi légendaire de Cypre, Cinyras fils d'Agriope, l'invention de l'enclume comme celle du marteau, de la pince à feu [FORCErs], etc. Il n'y a là rien d'historique, et l'on ne peut même en conclure que les Cypriotes aient été les premiers à se servir d'enclumes. Il est probable que, dans l'âge de bronze, les aérolithes, plus durs que d'autres pierres, servirent aux premiers forgerons. C'est ainsi que, sur un monument reproduit plus haut (fig. 2258), l'enclume est simplement un rocher. En tout cas, l'enclume apparaît dès Ilomère, et naturellement elle est d'abord en bronze'; il est vraisemblable que l'époque homérique ne connut pas d'enclumes en fer. Mais plus tard l'enclume est toujours en fer, et les lexicographes la définissent : le fer sur lequel frappe le forgeron avec le marteau'. Dans la suite, on perfectionna le métal de l'enclume en s'efforçant de le rendre plus dur. Pline nous parle de masses de fer recuit qui servaient probablement par percussion, à la façon des marteaux-pilons, à rendre les enclumes plus compactes '; dans des enclumes ainsi martelées, les molécules prenaient plus de cohésion, et le tout offrait plus de résistance. Nous voyons d'ailleurs qu'il y en avait de meilleures les unes que les autres; par exemple, d'après une légende aussi rapportée par Pline', le diamant posé sur l'enclume et frappé avec le marteau ferait éclater à la fois le marteau et l'enclume, et seules des enclumes de qualité tout à fait supérieure pourraient y résister. Aucun texte ne nous permet d'affirmer que l'on ait fabriqué des enclumes en acier trempé, mais cela est vraisemblable 10.
Depuis Homère, l'enclume est régulièrement énumérée parmi les outils de tous les ouvriers en métaux 11. Nous voyons de ces ouvriers consacrer leur enclume à quelque divinité en même temps que leurs autres instruments12
Il n'est pas inutile de rappeler ici la légende de l'oracle de Thésée à propos des ossements d'Oreste, retrouvés dans le sol de la boutique d'un forgeron : on sait que cette boutique était désignée par les mots xut Ttl':oS
vT(TU;TOÇ xzt :Tr,v ' isti 7tr(t,aTt xoCTzt, et que ces mots trou
vèrent leur application dans le marteau et l'enclume 13
La taille de l'enclume varie naturellement selon l'usage auquel elle est destinée. Dans Homère nous voyons un orfèvre apporter la sienne avec soi en même temps que ses autres instruments; il fallait donc qu'elle ne fût pas fort lourde 1'•. Nous citerons tout à l'heure des exem
plaires d'enclumes portatives. Les représentations figurées nous en montrent de toutes les tailles, depuis le petit tas jusqu'à l'énorme enclume qui semble immuablement fixée au sol.
Nous avons à étudier maintenant la forme de l'enclume antique. Aujourd'hui une enclume est une masse de fer parallélépipédique, munie de deux prolongements horizontaux appelés bigornes, l'un pyramidal et l'autre conique ; la partie supérieure de l'enclume ou table est en acier fin dressé avec soin ; elle est percée d'une cavité destinée à y placer un tranchet ou quelque autre instrument. Le tout est posé sur un cylindre de bois cerclé de fer appelé billot ou chabotte. Dans l'antiquité, nous trouvons d'abord un certain nombre d'enclumes sans billot, posées directement sur le sol. La forge représentée sur la figure 2964 nous montre par terre, à gauche du fourneau, une petite enclume élargie à sa partie supérieure comme une sorte de champignon. Dans une autre peinture de vase (fig. 2969), l'enclume a une forme analogue, mais elle est beaucoup plus grosse : posée à terre, elle s'élève jusqu'au genou du forgeron; de plus, le renflement de la partie supérieure est moins prononcé. Comme dans laprécédente, la partie inférieure est élargie, pour donner à l'objet plus de stabilité. Sur une belle urne funéraire romaine, l'enclume est très différente (fig. 4033) : elle est parfaitement régulière et a la forme d'un piédestal quadrangulaire, avec moulures en haut et en bas ; elle semble être en pierre plutôt qu'en métal. L'ouvrier quincaillier ou coutelier travaille assis en forgeron. C'est la seule enclume de cette forme extraordi
naire que nous présentent les monuments figurés 10. Celle du chaudronnier qu'on a pu voir sur une peinture de Pompéi (fig. 951) est une pyramide tronquée posée sur sa petite base. Mais la plupart des enclumes que nous rencontrons sont posées-sur leur billot, dont nous parlerons dans un instant. Dans un bas-relief assez fruste de Naples, représentant la boutique d'un chaudronnier, l'enclume est absolument informe 16. Elle a la forme d'un petit cube sur le cippe funéraire d'un coutelier, de travail
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romain (fig. 2112)'. On comparera aussi l'enclume prismatique, qui paraît assez irrégulière, d'un batteur d'or (fig. 659). Mais la forme la plus fréquente est celle de la pyramide tronquée, déjà signalée tout à l'heure. On a pu la remarquer sur les figures 954 et 2956. Il en existe une semblable, en fer, au musée de Naples 2. On la peut voir aussi sur une stèle funéraire grecque du musée de Berlin 3, où est représenté un forgeron, et elle figure avec d'autres outils accompagnant une épitaphe au musée des Offices a Florence 4. C'est la forme habituelle de l'enclume d'Iléphaistos, par exemple sur le sarcophage Borghèse Mais la surface supérieure y paraît courbe et non plane, caractère que l'on remarque aussi dans l'enclume de l'armurier représenté par la figure 4034'.
Dans cette dernière, on constate de plus que les arêtes ne sont pas droites, mais courbes, la convexité en dedans. Même forme de l'enclume que frappe llépliaistos dans une peinture déjà reproduite (fig. 2968). Même forme encore sur le cippe d'un forgeron à Sens (fig. 4035) 7. Mais ici apparaît une nouvelle particularité. La base inférieure de la pyramide n'est pas plane, mais concave : elle ne pose donc sur le billot que par ses quatre angles; ceux-ci forment autant de pointes qui s'enfoncent dans le bois à chaque coup de marteau, et assurent la stabilité de l'enclume. Cette disposition parut évidemment avantageuse, car nous trouvons des représentations d'enclumes où les pointes sont tellement développées que l'ensemble a la forme d'une dent molaire avec quatre racines : c'est le cas dans les bas-reliefs représentant des Éros forgerons,dont on a vu un spécimen fig. 954 . Dans cette figure, l'enclume de droite présente parallèlement à sa base supérieure une ligne horizontale qui semble indiquer une table distincte de l'enclume ; c'est la première qui offre cette particularité. Enfin sur un sarcophage du musée du Capitole (fig. 4036)
l'enclume présente également quatre pointes; seulement, ici, c'est la base supérieure qui est la plus petite. Celles des enclumes qui
n'avaient pas quatre pointes devaient souvent en avoir au moins une, qui s'enfonçait dans le billot, et que par suite les monuments figurés ne montrent pas. Une enclume en fer ainsi faite existe au musée de Naples (fig. 4037) '.
Jusqu'ici, nous n'avons encore vu aucune enclume munie de bigornes. On en voit une
sur une pierre gravée malheureusement douteuse du Cabinet de France10; la partie supérieure s'allonge d'un seul côté en forme de corne. La forme actuelle, ou une forme très voisine, ne paraît se présenter qu'une seule fois, sur un bas-relief d'Éros forgerons (fi g. 4038)'l ; bien que l'objet
forgé cache en partie le dessus de l'enclume, on se rend assez bien compte que celle-ci s'élargit en deux pointes qui ressemblent fort aux bigornes. Quant à la table de l'enclume, aucun texte et aucun monument ne nous permettent de dire si elle était percée d'une cavité comme aujourd'hui, ou si elle présentait quelquefois des cannelures. Toutefois, sur la figure 4036, la table, très visible, paraît parfaitement plane.
Certaines professions faisaient usage d'enclumes portatives de formes très spéciales, dont on a déjà cité deux exemples [CAELATURA] ; l'une (fig. 4040)' 2 est un tasseau de chaudron
nier; l'autre (fig. 4039)13 est une petite enclume d'orfèvre en bronze avec une tête plate, deux bigornes dont l'un très pointu et une pointe à la partie inférieure pour
la ficher dans le bois. On en peut rapprocher l'objet assez informe (le premier éditeur y a vu un soc) représenté gros
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sièrement, avec d'autres instruments parmi lesquels est une tenaille, sur le dessus d'une porte, sur le chemin de Lamas en Cilicie 1. Pour ê tre placée aune hauteur suffisante sans pour cela atteindre un poids trop considérable, l'enclume doit ordinairement être placée sur une base ou chabotte queles Grecs nomment x Ofrt);, xs.Ostov, oumême âxy.aEtoç; nous ne connaissons pas le nom latin de cet instrument2. Le mot apparaît dès IIomère : pour forger,
l'ouvrier place son enclume iv âxî,.oOrc (ou i 'è.xi.o0€ticp,
car il y a des variantes ; toutefois v paraît mieux autorisé) 3. Pour comprendre cette expression, il faut se rappeler ce que nous avons dit des pointes inférieures de l'enclume : elles finissaient par former dans le billot autant de cavités dans lesquelles elles se replaçaient tout naturellement. Les enclumes même non munies de pointes devaient faire un creux sur le billot. Si en effet Eustathe ne donne du mot âr i.d0s'rov qu'une définition assez vague ", nous trouvons ailleurs cette explication remarquable : a L'7xu,dOcTov est la cavité dans laquelle on place l'enclume 3. » Il faut donc entendre que la surface supérieure de ce support est non pas plane, mais creusée d'une ou plusieurs cavités. L'expression latine incudes ilnponere 6 ou même ponere 7 veut dire mettre l'enclume sur la chabotte ; les expressions homériques sont analogues ; il est donc probable qu'elle n'y restait pas à demeure. Sur les représentations figurées, tantôt le billot manque, ainsi que nous l'avons dit, et l'enclume est posée à terre, très petite si l'ouvrier est à genoux (fig. 951) ou assis sur un siège bas (fig. 2964), très grande s'il est debout (fig. 2969) ; tantôt il est remplacé par un quartier de rocher, ce qui arrive surtout s'il s'agit de la forge d'lléphaistos (fig. 2968). D'autres fois on voit bien que c'est un bloc de bois, soit prismatique et irrégulier comme celui de l'aurifex (fig. 659), soit de forme oblongue ; ou bien il est quadrangulaire et moins haut que large (fig. 4034), ou à peu près cubique (fig. 954, à droite), ou bien c'est un tronc de cône (fig. 4036), ou un tronc de pyramide (fig. 4038). Rarement nous trouvons la forme cylindrique, par exemple dans un monument déjà cité (fig. 954, à gauche) et dans la peinture de Pompéi (fig. 4034) ; ni l'un ni l'autre de ces billots n'est cerclé de fer comme ils le sont aujourd'hui. Sur le tombeau du forgeron de Sens (fig. 4035), l'zxu.dOe'rov a une forme très particulière ; il ressemble à une console avec une large tablette et un pied qui descend en s'amincissant. Sur d'autres monuments enfin, ou bien le billot n'est pas visible (fig. 942), ou il est informe 8.
Les usages de l'enclume sont très variés °; mais d'une manière générale elle sert au travail des métaux, soit à chaud, soit à froid. A l'époque homérique, elle servait
surtout aux orfèvres t0, et plus tard elle continua à être l'instrument indispensable des batteurs d'or (aurifices brattiarii, fig. 659). L'électrum, alliage d'argent et d'or, ne peut, d'après Pline, être travaillé sur l'enclume, si la proportion d'argent dépasse un cinquième 11. Mais le cuivre ou le bronze sont martelés sur l'enclume ; même lorsque le fer a remplacé le bronze pour les usages journaliers, l'enclume reste nécessaire aux chaudronniers ; elle sert aussi à la fabrication des grandes statues de bronze, dont les différentes parties sont travaillées à part; il en est souvent question dans les écrivains latins". A l'époque classique, c'est principalement au travail du fer que sert l'enclume ; on distingue facilement sur les représentations si l'ouvrier travaille à chaud ou à froid, selon qu'il tient ou non avec une pince l'objet à forger. Maréchaux ferrants, quincailliers, couteliers, etc., font usage de l'enclume. Juvénal parle de chaînes forgées sur l'enclume 13; Oppien énumère tous les engins de pêche que l'on fabrique de la même manière i4; mais les écrivains 15 mentionnent surtout l'enclume comme servant à forger les armes, les épées".
L'enclume est un des outils nécessaires pour la frappe de la monnaie [MONETAJ. Pourtant il n'en est fait mention que dans un seul texte, de date assez récente : saint Jérôme parle de faux monnayeurs, dans les retraites desquels on découvrait les enclumes et les marteaux qui servaient à leur industrie 17. Mais sur les deniers de T. Carisius, l'enclume est parfaitement visible, sous la forme déjà connue d'une pyramide tronquée reposant sur sa petite base (fig. 4041) i8. Deux monnaies de Paastum 1J représentent (fig. 4042, 4043), l'acte même de la frappe : sur l'une d'elles on voit nettement l'enclume,
fort petite, placée sur un billot élevé et quadrangulaire ; sur l'autre (fig. 4049), ce piédestal seul est visible. Ces monuments sont malheureusement insuffisants pour nous permettre de déterminer la forme de cette enclume spéciale et surtout de sa table, qui nous intéresserait ici.
L'enclume est naturellement un des attributs de Vulcain [VULCANUS] 20. Dans Homère, il se sert à plusieurs reprises de cet instrument 21. De là, les épithètes de
En qualité d'objet usuel, l'enclume a donné lieu à
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des métaphores et à des proverbes'. L'expression la plus digne d'être notée ici est l'appellation de Ttpuvltoç ilx)t.wv, donnée à IIéraclès par Callimaque' ; si l'on admet l'étymologie donnée par les modernes, il faut traduire «xp.wv par enclume et non par infatigable. Il en sera de même dans l'expression célèbre d'Eschyle 3, ad çtr,ç âxlt.ove;, et il faudra se conformer aux explications des scholiastes 4; les éditeurs modernes préfèrent ici traduire par infatigables : je crois qu'ils ont tort. C'est également par suite d'une comparaison que le mot "Axp.wv est devenu nom propre. Dès une très haute antiquité, l'un des Dactyles [DACTYLI] de l'Ida portait ce nom : l'auteur de la Phoronide6 nomme KÉait.t;, A2N.va(I.6v66; et ûn€petoç "Ax1twv, avec une épithète se rattachant assez bien à la signification du nom propre 6. Il y a sans doute lieu d'identifier à cet être légendaire un Corybante du même nom".
III. La tête de la machine de guerre appelée bélier [ARLES] semble avoir porté quelquefois le nom d'«r.u.wv. A vrai dire, on serait plutôt tenté de la comparer à un marteau qu'à une enclume. Mais il faut se rappeler que ixL.wv désignait primitivement toute masse métallique. D'ailleurs, ce sens ne se trouve que dans un seul texte, un passage de la Poliorcétique d'Apollodore 6, où il est dit que « l'extrémité du bélier recevra un xx(awv qui s'enfoncera jusqu'à la moitié de sa longueur ».
IV. Enfin, d'après Hésychius 9, les Cypriotes appelaient ixN.wv l'â),ETpleavoç. Cet instrument est une sorte de mortier (de alw et Tpt6(a) ; entre le pilon et le mortier d'une part, le marteau et l'enclume d'autre part, l'ana
logie est visible 10. P. COUVREUR.
INCUSi SIGNA. Nous rangeons sous la rubrique
adoptée, faute de mieux, par Eckhel, ce que nous avons à dire du fait numismatique désigné par les savants de tous les pays de l'Europe sous le nom français de contremarques. On appelle contremarque une empreinte appliquée sur le flan d'une monnaie, à une époque postérieure à son émission, et à l'aide d'un poinçon produisant une image en relief et plus rarement en creux. L'emploi des contremarques monétaires remonte à une antiquité très reculée, et il s'est, pour ainsi dire, perpétué jusqu'à nos jours.
Dans le monde hellénique on voit fréquemment des villes autonomes s'approprier les monnaies d'autres villes, en y appliquant, avec un poinçon peu coûteux à graver, un type local reconnaissable
comme exemple la figure
d'une monnaie d'argent d'Alexandre le Grand, contremarquée au type et aux initiales de la ville de
Byzance (fig. 4041) '. « C'était, comme on l'a dit', s'affranchir des frais d'affinage de métal et des dépenses de fabrication de toute nature, qu'on laissait supporter à ses voisins, tout en satisfaisant sa vanité. » Cependant il n'y avait pas là seulement affaire de simple vanité locale. Le monde grec, dans son morcellement, ressentait vivement certains besoins d'unité, particulièrement en matière commerciale. Chaque cité y avait sa monnaie propre, et entre ces monnaies indéfiniment variées il y avait de grandes différences de poids et de taille [DRACHMA]. Avec les relations incessantes de négoce et d'affaires qui existaient d'une ville à, l'autre, la masse du numéraire circulant dans chacune des cités helléniques était loin d'être formée exclusivement des espèces locales; elle se composait surtout de monnaies des provenances les plus variées, soumises à des variations de change extrêmement compliquées, ou bien acceptées uniquement au poids comme marchandise métallique, de même qu'on eût fait pour des lingots. Une des grandes préoccupations des Grecs fut donc toujours de faciliter les opérations du commerce extérieur en permettant la circulation du numéraire d'une place sur une autre, avec un cours légal et sur le même pied que la monnaie indigène. De là, les alliances monétaires entre diverses cités, quelquefois assez éloignées, pour la fabrication d'une monnaie commune, alliances dont on connaît quelques exemples certains [PHOCAIDES] ; de là aussi l'imitation de certaines monnaies royales qui avaient un grand cours de faveur et dont les émissions avaient été très abondantes, comme celles de Philippe de Macédoine et d'Alexandre, par un grand nombre de villes qui n'avaient jamais appartenu aux États de ces princes et qui se bornaient à indiquer le lieu d'émission par un petit symbole placé dans le champ, sans modifier
ni les types ni la légende [ALEXANDHEI, PDILIPPEI]. Dans
ces conditions spéciales du commerce et de la circulation monétaire chez les Grecs, il y avait souvent un véritable intérêt économique et financier à donner immédiatement et à peu de frais cours légal à des monnaies étrangères au moyen de l'application d'une contremarque, sans se charger des dépenses continuellement renouvelées de la démonétisation et de la refonte de ces monnaies. C'était souvent une mesure bien entendue pour faciliter le commerce avec l'extérieur.
Une circonstance très particulière à noter, et qui donne une idée de ce qu'était le droit d'autonomie monétaire local concédé par les rois de Perse de la dynastie des Achéménides à quelques-unes des provinces de leur empire, c'est que les pièces d'argent royales au type du sagittaire, les sicles médiques comme on les appelait [sICLEs], sont très fréquemment contremarquées du symbole de la confédération des villes lyciennes, soumise pourtant au Grand Roi 3 ; d'autres sont contre
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marquées de la tête de veau de Lesbos, mais il est probable que ce dernier poinçon y a été appliqué après l'établissement de la complète indépendance des îles.
Dans les monarchies issues de l'empire d'Alexandre, on a souvent eu recours aux contremarques pour poinçonner les pièces émises par des prétendants ou des révoltés et dont le gouvernement légitime n'eût point permis la circulation sans l'apposition de cette marque de son autorité. C'est ainsi que F. de Saulcy croit être parvenu à déterminerlesmonnaies d'AntiochusIliéraxd'après cette circonstance que toutes ont été contremarquées, par son frère et compétiteur heureux Séleucus Callinicus, d'un poinçon au type de l'ancre, le symbole officiel de la race des Séleucides. Les rois de Syrie ont aussi marqué de la même manière, soit au poinçon de l'ancre, soit à celui de la tête de Bucéphale, qui était également un de leurs symboles, la plupart des monnaies frappées par Melon et Timarque, les deux rebelles qui avaient pris le titre de roi en Babylonie
Sur les monnaies des différents peuples de la Gaule on voit quelquefois des contremarques qui offrent les symboles caractéristiques d'autres peuples gaulois. Elles suivent les mêmes règles et ont été frappées dans les mêmes conditions que celles des monnaies grecques.
Les contremarques sont encore plus multipliées sur les monnaies romaines, et il faut en distinguer de différentes espèces, qui correspondent à autant d'origines.
Il y a d'abord celles qui ont été imprimées au commencement de l'Empire sur des pièces d'argent de la République dont les types étaient usés et devenus presque invisibles, afin de les maintenir dans la circulation'. Le poinçon en porte presque toujours les lettres IMP, qu'on trouve aussi marquées sur quelques exemplaires des anciennes pièces d'argent campaniennes au revers du qua
drige [DENARIUS, t]UAOIUGATr], lesquelles se trouvaient
encore assez habituellement parmi les espèces en cours et passaient pour un denier, malgré leur excédent de poids
Gb l'on trouve le plus constamment des contremarques, dans les séries romaines, c'est sur les monnaies de bronze de certaines colonies', comme Nemausus°, et sur les pièces provinciales, également en cuivre, qui se fabriquèrent dans l'atelier de Lugdunum, au type du fameux autel de Rome et d'Auguste', et qui paraissent avoir été destinées à circuler dans la majeure partie des trois Gaules, mais sans revêtir jamais le caractère complet de monnaie impériale. Les poinçons y sont de deux sortes et paraissent y avoir été tous imprimés sous les premiers règnes du Haut-Empire, avant qu'on n'eû t encore bien organisé l'apport dans les provinces des pièces frappées dans l'atelier sénatorial de Rome, lesquelles constituaient la seule monnaie de cuivre ayant cours légal dans toutes les parties de l'Empire [MONETA]. Sur ces pièces, il y a des contremarques de deux natures. Les unes ont un caractère manifestement municipal. Telle est celle qui présente les lettres DD (decurionum decreto), la plus multipliée de toutes sur les bronzes de Nemausus 8. Les poinçons de ce genre ont été imprimés pour donner à la monnaie coloniale libre circulation
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dans un autre municipe, où elle n'eût point passé sans l'estampille, car les monnaies de cette nature avaient une valeur exclusivement locale et la concession de monnayage aux colonies limitait toujours le cours de leurs pièces à la ville même et à son territoire. On ne trouve donc jamais de contremarque municipale de ce genre sur la monnaie impériale d'or et d'argent, ni sur la monnaie sénatoriale de cuivre, sortie de l'atelier de Rome, car celles-ci avaient cours légal dans tout l'Empire. Il est même à remarquer que sur les bronzes de Nemausus, aux deux tètes d'Auguste et d'Agrippa, la contremarque
est toujours frappée sur l'effigie d'Agrippa et respecte celle d'Auguste (fig.40t4b°). D'autres sont impériales, comme
celles qui portent, en lettres isolées ou liées, des légendes abrégées telles que IMP, AVG, D1P, AVG, I111P CA, CAE. Celles-ci, à Nemausus, s'impriment sur la tête d'Auguste aussi bien que sur celle d'Agrippa. Elles ont eu pour objet de transformer la monnaie coloniale et locale en monnaie impériale circulant dans toutes les villes, en l'absence d'une quantité suffisante de numéraire de cuivre sortant de l'atelier du sénat à Rome.
On trouve aussi des contremarques sur la monnaie de cuivre officielle et commune à tout l'Empire, fabriquée à Rome et marquée des lettres SC en même temps que de l'effigie impériale. Le simple bon sens suffit à avertir que le poinçonnement de cette monnaie n'a pu avoir ni la même origine ni la même intention que celui des espèces coloniales. La plupart du temps on ne peut l'expliquer que comme s'étant opéré dans les camps, pour le service d'armées en expédition, et en vue de donner au numéraire que le général avait à sa disposition une valeur exceptionnelle et temporaire, de le transformer, en un mot, en une monnaie obsidionale ou de
Pendant la période du Haut-Empire, les armées romaines partout en mouvement, guerroyant au loin et sans communications promptes ou faciles avec la métropole, durent plus d'une fois se trouver exposées à la disette des espèces monétaires ; de là dut fréquemment sortir la nécessité de créer rapidement, et à moins de frais possible, un numéraire de convention, permettant de faire face aux besoins les plus pressants. Le moyen le plus simple et le moins coûteux était d'estampiller toutes les pièces qu'on pouvait ramasser, avec un poinçon que les fabri légionnaires exécutaient promptement et qui devenait l'indice de la valeur nouvelle. Le plus souvent, en ce cas, le poinçon portait les seules lettres IMP, pour marquer qu'en agissant ainsi le général usait d'une délégation du pouvoir impérial. Pourtant F. de Saulcy 1l, a établi que Tibère, dans ses nombreux et actifs commandements militaires du vivant d'Auguste, s'était arrogé
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fréquemment comme un reste de l'ancien droit des généraux en campagne sous la République [CASTRENSES Nvuuij, en faisant poinçonner son nom sur des monnaies de guerre. Mais il paraît certain que cette usurpation d'autorité, ou du moins le grand usage qu'en avait fait Tibère, mécontenta fortement Auguste, car il fit à.son tour contremarquer de nouveau, à son nom, la plupart des monnaies que Tibère avait osé, pour ainsi dire, faire siennes. Les contremarques de Tibère général portent les lettres TIB ou 'IB CAES. Devenu empereur, et voulant sans doute éviter que d'autres ne fissent ce qu'il s'était permis quand il n'était que César, il imposa dans la plupart des cas à ses généraux d'employer la contremarque TIB AVG, au lieu du simple 131P. On voit, du reste, reparaître quelquefois le poinçon TIB sur des pièces postérieures à Tibère ; d'où il faut conclure qu'on s'en servit aussi sous Claude, sans doute au cours de son expédition en Bretagne 1.
Les contremarques auxquelles on peut ainsi attribuer une origine militaire se trouvent indifféremment et également sur des pièces coloniales ou provinciales, comme celles de Nemausus et de Lugdunum, sur d'anciennes monnaies de la République et sur les espèces de bronze impériales frappées par l'autorité du sénat. On ne prenait pas la peine de distinguer l'origine des différentes pièces auxquelles on donnait une valeur conventionnelle et que l'on transformait en monnaies de nécessité; on poinçonnait toutes les espèces qu'on trouvait à portée.
Parmi les contremarques du genre que nous venons d'étudier, il en est de légionnaires, comme celle de la dixième légion, Frelensis, LXF, que F. de Saulcy a publiée2. On ne les trouve pas, du reste, sur la monnaie officielle de l'Empire, mais sur des monnaies locales, sur celles au nom des villes grecques. De plus, elles y sont apposées au revers et ne s'appliquent pas sur la té te de l'empereur représentée au droit.
Il y a enfin sur les monnaies impériales de la série proprement romaine et sur celles des provinces une dernière espèce de contremarques dont l'origine est certaine et qui se distinguent facilement de toutes les autres. Ce sont celles qui ont été imprimées sur les monnaies en circulation dans telle ou telle partie de l'Empire au moment de la proclamation d'un empereur par des légions éloignées de Rome. Ainsi nous avons toute une série de moyens bronzes de Néron qui ont été contremarqués en 11eesie d'un monogramme composé des lettres VESPASIAN, au moment où l'armée de ce pays se déclara pour Vespasien3. Un nombre assez considérable de pièces d'origines diverses, la plupart à l'effigie de Néron et quelques-unes à celle de Claude, ont été à la même époque successivement poinçonnées des lettres IMP GAL, IMP OTIIO et I31P VES, à Tripolis de Syrie, à mesure que les légions reconnaissaient Galba, Othon et Vespasien'. A Rome même, au moment de la chute de Néron, il y eut une tentative très sérieuse de retour au gouvernement républicain, de la part du sénat. Cette entreprise a marque sa trace dans un monnayage particuliers. 11 semble même que pendant quelques mois le sénat démonétisa les espèces de cuivre de Néron et n'en permit
la circulation qu'après qu'elles auraient été poinçonnées de la devise républicaine SPQR. Les moyens bronzes les plus multipliés et les plus communs de Néron portent
presque tous cette contremarque empreinte en signeronze
de réprobation sur l'effigie même de l'empereur dont le sénat flétrissait la mémoire 6. Sur un grand b du même souverain de l'ancienne collection de Saulcy, ce sont les lettres RP, I1es publica, qui s'impriment sur la face de Néron'.
11 y a, du reste, beaucoup de progrès à faire encore dans l'étude des contremarques romaines. Leurs légendes, extrêmement abrégées et où les mots ne sont le plus souvent représentés que par la simple initiale, offrent de très grandes difficultés pour une interprétation satisfaisante et vraiment scientifique. Il en est encore beaucoup, et dans le nombre quelques-unes des plus répétées, qui résistent encore à toutes les tentatives d'explication.
Les contremarques ne se rencontrent guère sur les monnaies romaines que jusqu'au règne de Trajan e, et elles sont surtout multipliées sur celles des premiers empereurs. Au Bas-Empire, on commence à en revoir, sur les pièces de cuivre, depuis Anastase jusqu'à Héraclius et à sa famille Il y a toujours alors un double poinçon, au droit une effigie impériale, au revers les lettres Sas, abréviation du nom de la Sicile. On ne connaît pas d'exemple d'autres contremarques sur des monnaies du temps. Celles-ci ont été imprimées en Sicile sur des pièces sorties des ateliers de Constantinople, de Carthage ou d'autres villes, afin de leur donner les valeurs spéciales aux produits du monnayage insulaire, lequel avait lieu d'après un autre système que celui du reste de
l'Empire. F. LENOxMANT.
Les plus anciennes contremarques, sur les monnaies grecques, se voient sur les pièces primitives en électrum frappées avant l'époque de Crésus, dans différentes villes de la côte occidentale de l'Asie Mineure. Un tiers de statère d'électrum, frappé probablement à Milet à cette époque reculée, au type de la tête de lion, la gueule béante, se rencontre le plus souvent couvert au droit et au revers de petites contremarques poinçonnées, de manière à éviter l'altération du type monétaire luimême. Il est des exemplaires de cette petite pièce très commune, sur lesquels on relève sept, huit et jusqu'à douze contremarques variées qui représentent, par exemple, une tête de taureau, deux croissants adossés, une tête de sanglier, un oiseau, la triquètre, des globules et différents symboles qui ne se laissent guère définir littéralement 10. Des contremarques du même genre et parfois aussi nombreuses couvrent le champ de la drachme perse d'argent désignée ordinairement sous le nom de sicle médique ". Ces contremarques ont été apposées sur la monnaie officielle par les banquiers, les marchands, les orfèvres et, en général, tous les manieurs d'or et d'argent entre les mains desquels circulaient les pièces: ils ajoutaient, par là, à l'usage de leur clientèle, leur garantie particulière à celle de l'État. C'est ainsi qu'aujourd'hui encore, en Chine, les banquiers apposent leurs contremarques sur les monnaies étrangères que la circulation commerciale apporte à leur comptoir ;
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on constate aussi dans l'Inde Ies mêmes usages
Quand l'invention de la monnaie officielle eut bien pénétré dans les moeurs, il n'y eut plus lieu, pour les particuliers, d'apposer leur contremarque privée sur les espèces circulantes; la garantie de l'État, affirmée par les types monétaires mêmes, suffit à tous. Mais d'autres circonstances amenèrent souvent les États eux-mêmes ou d'autres autorités officielles à avoir recours aux contremarques, pour donner, sous l'empire de nécessités momentanées, un nouveau cours à des pièces démonétisées ou accréditer dans une contrée des pièces étrangères. Sous les Achéménides, on trouve de nombreuses monnaies de Tarse, de Mallus, de Celenderis, de Nagidus, de Sidé, contremarquées de divers symboles ou de lettres araméennes Au cours de leurs longues guerres, différents rois de Syrie firent souvent contremarquer d'une ancre ou de l'éléphant, leurs deux emblèmes, des tétradrachmes d'Alexandre ou de leurs prédécesseurs'. Une des villes dont les monnaies d'argent portent le plus de contremarques est Sidé, de Pamphylie.
Un des plus curieux et des plus intéressants usages des contremarques monétaires a été ingénieusement signalé par M. J. Svoronos 4 pour la Crète, au ive siècle avant notre ère. Sur des fragments d'une loi crétoise découverts il y a peu d'années, on constate que le paiement des amendes est évalué en ?,É6tieç (chaudrons): le condamné ou le délinquant paie 5, 10, 20, 50 nÔrires. Il ne saurait évidemment être question de véritables chaudrons, car il est inadmissible que chaque citoyen eût en magasin une telle quantité de ces ustensiles culinaires. M. Svoronos a remarqué que les monnaies de neuf villes différentes de Crète, aux v°-1v° siècles, portent un chaudron (),€6rç) en contremarque, et il en a conclu avec raison que ces contremarques au chaudron avaient pour but de créer en quelque sorte une monnaie internationale, la seule qui fût admise pour le paiement des amendes prononcées par le
rotvoôiratov ou
conseil fédéral crétois. Toute pièce portant cette con
(fig.40465) était
acceptée par la caisse du tribunal, quel qu'en fût le lieu d'émission originaire. Quant au choix du chaudron comme contremarque fédérale, on peut croire, avec M. Svoronos, qu'il fut dicté par l'idée de rappeler les anciens Corybantes qui frappaient sur des chaudrons pour étouffer les vagissements de Zeus à sa naissance, ou plutôt, suivant nous, que ces empreintes rappellent les temps primitifs, notamment ceux des poèmes homé
riques, où la marmite de cuisine était un des moyens d'échange les plus usuels'. E. BABELON.