INFANS. Le mot in fans, dans son acception étymologique, signifie qui ne parle pas'. Telle est aussi son
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acception technique : les textes emploient souvent comme synonymes du mot infans l'expression qui fari non potest'. Le mot fari est pris ici dans le sens le plus large : il s'applique, non pas à l'enfant qui commence à articuler des mots2, mais à celui qui comprend ce qu'il dit'. Il n'est pas nécessaire qu'il soit en état d'apprécier la portée de l'acte qu'il accomplit'.
La distinction de l'infans et de celui qui tari potest est importante au point de vue du droit : l'infans est un incapable. Son incapacité n'est d'ailleurs souvent qu'une incapacité de fait : il ne peut, s'il est sui juris, exercer les droits dont il a la jouissance. Celui au contraire qui fari potest est capable de prendre part à un acte juridique sous la direction de son tuteur; il y a même certains actes qu'il peut accomplir seul Le lien établi entre la capacité de prendre part à un acte juridique et la facùlté de parler d'une façon intelligente, se conçoit aisément à l'époque où les actes juridiques exigeaient la prononciation de paroles solennelles 6. La règle a été maintenue, sauf quelques exceptions', lorsque plus tard les Romains ont admis des actes juridiques non solennels.
1. Durée de l'INrANTIA. La question de savoir si un
enfant peut ou non furi est une question de fait dont la solution varie suivant les personnes'. Dès le commencement de l'Empire peut-être même avantf', sous l'influence des doctrines de Pythagore", il fut d'usage chez les rhéteurs et les grammairiens, de fixer à sept ans l'âge auquel les enfants sont en état de parler avec intelligence : à cet âge, et pas plus tôt, on devait, suivant de bons esprits, commencer l'instruction des enfants12.
Cet usage ne paraît pas avoir été immédiatement accueilli par la jurisprudence : on n'en trouve aucune trace chez les jurisconsultes du 11° siècle.
Les divergences qui existaient entre Sabiniens et Proculéiens sur un point bien plus délicat, la fixation de l'âge de la puberté 13, prouvent que certains jurisconsultes n'étaient pas partisans de règles uniformes en matière de capacité. Contrairement aux législateurs modernes, ils étaient plutôt frappés des inconvénients que des avantages d'une réglementation forcément arbitraire et reposant sur une présomption qui dans bien des cas peut se trouver inexacte.
C'est dans les écrits des jurisconsultes du me siècle qu'apparaît l'âge de sept ans comme le terme légal de l'infantia. Et encore des deux textes où cette règle est exprimée, il en est un, celui de lllodestin, qui a été interpolé 14 :il renferme une contradiction logique déjà signalée par un scholiaste des Basiliques 10. Quant au second texte i6, on ne saurait lui attribuer une portée générale, sans quoi il ne serait pas isolé dans l'oeuvre si considérable d'Ulpien. Il contient vraisemblablement une règle
spéciale au cas où l'infans en tutelle a un procès à sou tenir.
La même règle fut admise beaucoup plus tard en matière de bonorum possessio. Dans une constitution de l'an 407, adressée au préfet d'Orient Anthemius 17, et qui paraît trancher une controverse, Arcadius décide que le père d'un enfant mineur de sept ans a seul qualité pour demander la bonorum possessio, sans qu'on ait à rechercher
si l'enfant a commencé à parler plus tôt ou plus tard"Sous Justinien la règle qui fixe à sept ans le terme de
l'infantia fut généralisée '9. A cette époque, comme en droit moderne, on préférait les dates fixes pour l'acquisition de la capacité juridique 20.
II. Condition juridique de l'INFANS. L'in fans est inca
pable, et il n'y a pas à distinguer suivant qu'il est ou non sui juris : il s'agit ici d'une incapacité naturelle. Lorsqu'il est sui juris, l'incapacité présente un intérêt particulier, parce qu'il a un patrimoine. Il y a lieu de déterminer dans quelles limites cette incapacité a été admise.
1° Jusqu'au ne siècle de notre ère, la règle sur l'incapacité de l'infans a été étrangère à la matière des délits. La loi antique ne distingue pas en général l'injustice consciente de celle qui ne l'est point; elle ne recherche pas si la violation du droit est l'oeuvre d'une volonté coupable. L'impubère, infans ou non, doit toujours réparation du dommage qu'il a causé, quelle que soit la nature du tort qu'il a commis. Il y a même trois cas où les Douze Tables ont édicté une peine contre l'enfant : 10 en cas de vol manifeste ; 20 dans le cas où l'enfant a nuitamment fait paître un animal (pecus) sur le champ d'autrui au temps de la moisson; 3° lorsqu'il a coupé nuitamment la récolte d'autrui21. Dans ces trois cas les décemvirs décident que l'impubère sera battu de verges dans la mesure déterminée par le magistrat z2. En accordant au magistrat un pouvoir discrétionnaire, la loi a entendu atténuer la peine qui serait encourue par un citoyen pubère. Cet état du droit subsistait encore sans changement au temps d'Auguste.Marquardt'3aprétendu qu'au temps de Cicéron, c'est à partir de la toga puna, c'est-à-dire de la puberté, qu'un accusé était réputé responsable de ses actes. Mais le passage de Cicéron qu'il invoquez' ne justifie pas cette assertion. D'ailleurs le témoignage d'un jurisconsulte contemporain d'Auguste tranche la question : Labéon donne l'action de vol contre l'impubère, quel que soit son âge, comme au temps des Douze Tables; et il étend cette règle au délit prévu par la loi Aquilia"5.
Au milieu du Irr siècle, un mouvement de réaction contre la conception du droit antique commence à se dessiner. Le jurisconsulte Pegasus, qui fut préfet de la ville sous Vespasien et membre du conseil de l'empereur sous Domitien zs, soutient que pour être tenu à une répa
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ration, il ne suffit pas d'avoir causé un dommage à autrui, il faut avoir commis une faute. 11 en conclut que le fou n'encourt aucune responsabilité 1. Julien appliqua cette idée à l'infans et la précisa en disant qu'on ne pourrait imputer une faute à l'enfant que s'il était pubertati proximus. Dans ce cas seulement il était réputé capable de discernement (doli capax)2. La doctrine de Julien fut accueillie avec faveur par ses contemporains : au temps de Gains, c'était déjà la doctrine dominante'. Pornponius l'applique, sans faire allusion à aucune controverse Dès lors l'in fans cessa d'être passible des actions délictuelles.
2° En dehors des délits, l'incapacité de fait de l'in fans présentait des inconvénients pratiques que la jurisprudence s'efforça d'écarter. Ces inconvénients se faisaient particulièrement sentir dans trois cas : pour l'acquisition de la possession, pour l'acceptation ou pour la restitution d'une succession.
A. Acquisition de la possession. La possession procure des avantages de fait analogues à ceux que confère la propriété [POSSESSIO] ; parfois elle fait, au bout d'un certain délai, acquérir la propriété [usucAPlo,,. Mais la possession exige pour son acquisition l'appréhension de la chose ou un acte équivalent, et cet acte doit en principe être réalisé par une personne qui a la volonté de se comporter en maître de la chose 5. Tel n'est pas le cas de l'in fans qui est incapable de volonté °. Devait-on le priver des avantages que procure la possession? Les Romains ne l'ont pas pensé. A la fin de la République, alors que la théorie de la possession était encore en voie de formation', Aulus Ofilius admit que l'in fans pourrait acquérir la possession sans le concours de son tuteure. Cette manière de voir est encore celle du Proculien Nerva le fils 9, qui la justifie en disant que la possession est un état de fait et non de droit. D'où la conséquence que l'élément matériel exigé pour l'acquisition de la possession suffit sans qu'on ait à rechercher si l'infans a ou non l'affectio tenendi. Divers textes prouvent que d'autres jurisconsultes de la fin de la République, Labéon 1° et son maître Trebatius 11, admirent parfois, dans des cas analogues, que l'intervention du tuteur n'était pas indispensable.
Lorsque la théorie de la possession se précisa, il sembla plus correct de maintenir le principe qui exigeait un acte d'appréhension appuyé sur l'animus et de chercher un expédient pour tourner la difficulté. Dans son commentaire sur Sabinus, Paul indique la solution proposée sans doute par les Sabiniens : l'infans acquerra la possession lutore auclore 12. La volonté qui manque à l'infinis sera suppléée par celle du tuteur. Bien que Paul nous avertisse que cette solution a été reçue utilitalis causa, elle n'en est pas moins critiquable : l'auctorilas du tuteur peut bien compléter, mais non suppléer l'animus
de l'enfant [AUCTOIIITAS]. Aussi a-t-on fini par admettre purement et simplement la représentation de l'infans par son tuteur13. C'est la doctrine qui avait prévalu au lu° sièclei4.
Dans un cas cependant Papinien paraît être revenu à l'opinion d'Ofilius et de Nerva : lorsque la possession est acquise par voie de tradition. Dans ce cas, dit-il, possessio corpore quaeritur. La tradition effectuée par l'aliénateur suffit pour donner à l'acte sa signification et indiquer à quel titre t'infans a pris possession. Cette décision, qui n'a pas été admise sans contestation, fut consacrée en 250 par un rescrit de Decius1S.
B. Acceptation d'une succession. L'inconvénient pratique résultant de l'incapacité de l'infans n'était pas moins grave lorsque l'enfant était appelé à une succession autrement qu'à titre d'héritier sien 16. L'acceptation d'une hérédité exige un acte personnel, implique un animi judicium 77 qui fait défaut à l'infans et ne peut être suppléé par l'auctoritas du tuteur. Fallait-il donc attendre que l'enfant fût d'âge à comprendre les paroles qu'il avait à prononcer ? Ici encore on tourna la difficulté grâce au droit prétorien. Tandis qu'en droit civil l'adition d'hérédité devait être faite par l'héritier en personnefe, en souvenir de l'époque où elle exigeait la prononciation des paroles solennelles de la cretio f9, le préteur accordait plus facilement la bonorum possessio. La dernande d'une bonorum possessio, simple acte de procédure, pouvait être formée par un représentant". Si donc l'in fans est alieni jul'is, la demande sera faite par son père; s'il est sui juris, par son tuteur21. C'est, dit Paul, une décision de faveur. Au Bas-Empire, où la distinction de l'hérédité et de la bonorum possessio était moins tranchée qu'à l'époque classique, cette décision fut étendue à l'adition d'hérédité par une constitution de Théodose et de Valentinien, de l'an 426za.
Cette même constitution a introduit dans la législation romaine un principe nouveau, celui de la transmissibilité du droit héréditaire. Jusqu'alors il était de règle que le droit n'était pas transmissible tant que le successible n'avait pas fait adition 23. Cette règle était parfois écartée lorsque les héritiers du successible obte
naient une in integrum restitulio 24 [RESTITUTIO] ; c'était là
une mesure de faveur. Théodore et Valentinien en firent une règle de droit. Mais l'application fut restreinte au cas où un enfant mineur de sept ans venait à mourir avant d'avoir acquis l'hérédité à laquelle il avait été appelé. De plus, le père seul fut autorisé à l'invoquer, alors même qu'il n'avait pas l'enfant en sa puissance. C'est ce que les interprètes modernes appellent transmissio ex capite in fantiae 25. Ce principe nouveau, étendu en 450 par Théodose II et Valentinien III, dans une constitution adressée au préfet d'Orient Hormisdas 26 (transmissio 7'heodosiana 27, puis en ri29, par Justinien dans
tune constitution au préfet d'Orient FI. 'Theodorus Pe trus Demosthenes' (transmissio Justiniana)', a été recueilli et généralisé par le droit moderne 3.
C. Restitution d'une hérédité. La représentation de l'infans par son tuteur fut pareillement admise dans le cas où il avait à restituer une hérédité en vertu d'un fidéicommis '. Il y avait ici une difficulté particulière tenant à ce que le tuteur devait céder des actions qui ne lui appartenaient point On passa outre dans l'intérêt du tiers qui avait droit au fidéicommis,
IIL In fantiae proximus. L'infantiae proximus fut pendant longtemps assimilé à l'infans. L'un et l'autre, dit Gaius 6, ne diffèrent pas beaucoup du furiosus : les enfants de cet âge n'ont pas l'intelligence suffisamment développée (nullum intellectum habent). Pourtant une interprétation bienveillante, fondée sur des raisons d'utilitépratique,fit admettre quel'infaratiae proxi mus pourrait rendre sa condition meilleure sans l'auctoritas de son tuteur ou s'obliger avec cette auctoritas7. Cette interprétation paraît s'être introduite au milieu du n° siècle. Il n'y en a pas trace dans les écrits de Julien, mais elle est plusieurs fois signalée par Gains 8.
On remarquera que l'in fantiae proximus et le pubertati proximus ne doivent pas être opposés l'un à l'autre comme les deux termes d'une même classification des infantiae majores : la distinction des pubertati proximi appartient à la matière des délits, celle des infantiae proximi à la matière des contrats. Mais dès le temps de Justinien et surtout à l'époque ultérieure, la portée primitive de la distinction de l'in fantiae proximus et du pubertati proximus échappe aux commentateurs et l'on trouve en divers textes une division des impubères en trois classes : infans, proximus infantiae, proximus pubertati 9.
IV. In fanas conceptus. D'après la doctrine antique, la personnalité juridique commence au plus tôt au jour de la naissance. Cette doctrine entraînait dans un cas particulier un résultat choquant qui fut écarté de bonne heure par les interprètes de la loi des Douze Tables. On admit que l'enfant simplement conçu au décès de son père jouirait néanmoins, au cas où il naîtrait vivant, des avantages attachés à la qualité d'héritier sien 10
Cette exception fut généralisée et Julien formule en ces termes la doctrine reçue de son temps : Qui in
utero sunt, in loto paene jure civili intelleguntur in rerum nalura esse". Cette doctrine fut appliquée :
1° En matière de succession. Le posthume sien peut être institué héritier, substitué, gratifié d'un legs, appelé
à la bonorum possessio" [POSTUMUS].
2° Pour déterminer la condition de l'enfant au moment de sa naissance. Si sa mère, étant citoyenne romaine et mariée en justes noces,aété faite prisonnière par l'ennemi,
l'enfant jouira du jus postliminii et deviendra citoyen romaini3 [POSTLIn1INIUSI]. De même l'enfant d'un père exclu du sénat sera traité comme fils de sénateur s'il a été conçu avant l'exclusion de son père'''
3° Dans divers cas où la question de personnalité n'est plus en jeu, par exemple lorsqu'il s'agit de savoir si l'enfant d'une esclave volée peut être usucapé par le possesseur de bonne foi de la mère'.
V. Servus infans. L'incapacité de l'esclave infans s'apprécie à un autre point de vue que celle de l'infans de naissance libre : il ne peut rendre aucun service à son maître 6. Une interprétation rigoureuse aurait conduit à décider que l'on ne peut valablement léguer l'usage d'un servus infans, et que l'usufruit d'un servus infans court le risque de s'éteindre par non-usage, avant que le légataire en ait retiré aucun profit. Mais en matière de testament on doit toujours chercher à donner effet à la volonté du testateur 11. Aussi Pomponius est-il d'avis que, dans le premier cas, le legs deviendra efficace lorsque l'esclave cessera d'être infans18, et dans le second cas, que l'usufruit ne sera pas éteint par le non-usage,'
cc mot le meurtre d'un enfant en bas âge, quel que soit l'auteur de cet acte (aalôczTovix, axtiotpsv/.z, 78XVGXTOVia, Tsxvolpov(z), ou plus spécialement le meurtre d'un nouveau-né (jips?sxssv(v.), ou plus spécialement encore le meurtre d'un nouveau-né par l'un de ses parents ou par une personne ayant pouvoir sur lui.
La première espèce d'infanticide est considérée en Grèce comme un homicide. L'Hercule furieux d'Euripide présente successivement une tentative de meurtre commise par le roi Lycos sur les enfants plèraclèsl et le meurtre de ces mêmes enfants psr leur propre père'. Ni la puissance paternelle ni la circonstance atténuante que constitue la folie n'empêchent un pareil acte de rentrer dans la définition du uioç : la loi contraint l'auteur à s'exiler'`; la souillure de l'infanticide (TSxvourÔVov;1.éroç)
fait de lui un excommunié G, un 7tposrpéaz;oç 7, un â),âcTe1p 8, obligé de se purifier à l'étranger' et qui ne peut légalement assister aux funérailles de ses victimes10. C'est bien là le traitement que Platon réserve dans les Lois" au père ou à la mère coupable d'avoir tué un enfant par colère; mais, comme le cas est plus grave, il ajoute à l'exil et à la purification la dissolution obligatoire du mariage et la déchéance de tous droits sur les enfants encore en vie. La législation attique devait donc porter les peines les plus sévères contre le père ou la mère coupable d'avoir tué son enfant. Elle suivait sur ce point les principes admis dans les vieilles légendes de Tantale", de Médée 13 et de Procnè''.
V.
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Le meurtre d'un nouveau-né par une personne quelconque ne saurait échapper à la qualification juridique de ?dito; 1
Reste l'infanticide entendu dans le sens le plus étroit, le meurtre d'un nouveau-né exécuté ou commandé par le père ou par toute personne assimilée au père. C'est le cas le plus important. C'est aussi le plus ordinaire. Dans la mythologie grecque on trouve le souvenir d'une société qui partageait sur cette question les idées de toutes les sociétés primitives 2 : Ouranos plonge ses enfants dans les entrailles de la terre 3 ; Kronos dévore tous ceux qu'on vient déposer sur ses, genoux' ; Ilèphaistos est précipité de l'Olympe par Zeus' ou par llèra 6; Laios donne l'ordre de faire périr le fils né de Jocaste'; Persée est jeté à la mer par son grand-père Acrisios 8. Dans la littérature, le Chrémès de l'Ileautontimoroumenos, pièce copiée sur Ménandre, déclare net à sa femme enceinte que si elle met au monde une fille, il faudra la faire tuer'. Dans la réalité historique, Attale, roi de Pergame et mari de Stratonicée, veuve de son frère, fait mettre à mort tous ses enfants, à mesure qu'ils naissent, par amour fraternel, pour que son neveu n'ait pas à redouter de compétiteur 10.
En Grèce, l'homme libre a toujours eu le droit de se débarrasser de l'enfant né en légitime mariage : ce droit lui était reconnu par le silence même de la loi ". Si la puissance paternelle n'était pas aussi bien armée à Athènes qu'à Rome 12, elle avait pendant quelques jours sur le nouveau-né le jas vite necisgque. Avant de prendre sa place dans la cité, l'enfant appartenait d'une manière absolue au chef de famille. Dans l'existence de l'individu comme dans l'histoire des institutions, la période de la OÉl,.tç privée précède celle de la l(x'rl sociale : le père avait pu jadis condamner à mort ses enfants, quel que Mt leur âge 13 ; il put toujours rejeter dans le néant les enfants dont il ne voulait pas à leur entrée dans la vie. Sans doute les auteurs de la basse époque" ont commis une double erreur, lorsqu'ils ont fondé la prérogative du père sur une loi formelle, une prétendue loi de Solon as i TàV â.r.Férwv, et qu'ils ont soumis à cette prérogative toute la vie de l'enfant ; mais nous retrouvons dans leurs erreurs mêmes des principes déformés qui remontent à l'époque de la République athénienne. On peut dire avec Sextus Empiricus, à condition de corriger son texte : « Solon laissa subsister le droit qu'avait chacun de tuer son propre enfant nouveau-né » (cio'i il ;v sxd,rTU)t Tbv É«0
Jusqu'à quel moment le père conservait-il son droit de mort sur le nouveau-né? La question a son intérêt, puisque après le délai légal l'infanticide, jusque-là indifférent au regard de l'État, devenait punissable comme
homicide. C'est dans la cérémonie des AMPHIDRO\1IA que
le père faisait savoir s'il voulait ou non élever l'enfant15 selon les auteurs, en réalité selon les commodités des familles, cette cérémonie avait lieu le cinquième 16, le septième 17 ou le dixième 19 jour après la naissance. En déclarant, par un acte qui avait une valeur officielle, son intention d'élever son enfant, le père s'Ôtait à lui-mème le droit de le tuer 19. Voilà le moment précis à partir duquel le chef de famille devait se dire : TExvnxTovcFv
En dehors d'Athènes, l'infanticide était pratiqué avec la même liberté. On croit généralement, d'après Plutarque 2i, qu'à Sparte l'État, représenté par les anciens de la tribu, se réservait le droit de tuer le nouveau-né et en usait seulement contre les monstres. En réalité, l'État ne contraignait pas le père à élever un enfant bien conformé, mais lui défendait d'élever un enfant mal venu22. Nulle part le malthusianisme ne fut plus en honneur qu'à Sparte 23. On ne peut pas alléguer non plus l'interdiction portée par Philippe V de Macédoine 2:: elle ne saurait valoir pour la Grèce et n'est, d'ailleurs, qu'une mesure de circonstance dictée par la nécessité d'avoir des soldats. Il faut arriver au siècle des Antonins pour trouver à Thèbes l'assistance publique organisée de façon à débarrasser de leurs enfants les parents pauvres 26, et pour observer, en conséqu nce, une pénalité portée contre l'infanticide. A Éphèse, de même, la dispense d'élever un enfant eut pour condition un constat d'indigence 26
L'enfant né hors du mariage ne tombait pas sous l'autorité du père naturel. En droit strict, sa vie appartenait au xéoloç de la mère. En fait, il en avait été ainsi durant des siècles, tant que le père avait eu la faculté de condamner à mort sa tille, lorsqu'elle s'était laissé séduire 27
on voit continuellement dans la légende les héroïnes protéger leur bâtard contre la colère meurtrière de leur père 28. Mais quand le progrès des moeurs ne laissa plus au père que la faculté de chasser ou de vendre la fille coupable, faculté qu'il conservait encore après Solon 29, le droit de vie et de mort sur le nouveau-né dut passer à la mère abandonnée ou, si elle était réduite en esclavage, à son maître. De même, l'enfant né d'une femme divorcée et non reconnu par le ci-devant mari était, dans la loi de Gortyne 3J, livré au pouvoir discrétionnaire de
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sa mère. En règle générale, la mère avait tous droits sur l'enfant naturel. C'est en ce sens qu'on peut maintenir l'affirmation du rhéteur ancien, si souvent taxée d'absur
Les enfants des esclaves appartenaient au maître 2 : lui seul pouvait avoir sur le croît humain le droit de vie et de mort. Lorsque les femmes esclaves craignaient d'ajouter à leur travail journalier les soins de la maternité, elles tuaient leur enfant, quelquefois avec la complicité du père, mais toujours à l'insu du maître
L'affranchissement sans condition avait donc pour effet de restituer à la mère son autorité naturelle sur ses enfants à naître. Dans le cas de l'affranchissement à titre onéreux, assez fréquent d'après les documents recueillis à Delphes, le statut des enfants à naître était réglé Par une stipulation expresse' : tantôt le maître se réserve la propriété de ces enfants', et, par conséquent, lui seul aura le droit de les tuer au moment de leur naissance ; tantôt il est spécifié que 'cs enfants naîtront libres, et alors la mère se fait reconnaître la faculté de s'en débarrasser. Cette dernière clause est ainsi formulée dans un acte d'affranchissement? : u Au cas ois il naîtra un enfant de Diocléa pendant qu'elle demeurera au service de sa maîtresse, si Diocléa veut l'étouffer, elle en aura le droit; si elle veut le nourrir, le nourrisson sera libre.
L'exposition [EXPOSITTO] était le moyen le plus fréquemment employé pour se défaire des enfants. Les âmes sensibles n'aimaient pas à exécuter la triste besogne. Le serviteur de Laios expose l'enfant qu'il doit tuer; Chrémès s'emporte parce qu'on s'est contenté d'abandonner sa fille, mais il a donné l'exemple de la pitié, puisqu'il n'a pas osé se charger de la chose' ; les dix meurtriers envoyés par les Bacchiades pour mettre à mort le fils de Labda, s'en vont sans avoir rien fait, bouleversés par un sourire d'enfants. L'exposition était donc un infanticide sauf recours au hasard, un infanticide honteux, une ÇioûÀsuctç par la faim, le froid, la dent des chiens ou la serre des vautours". Quand on avait le courage de porter la main sur les pauvres petits, d'ordinaire on les étranglait " : le moyen est prévu dans un acte officiel 12. On leur brisait aussi le crâne sur le sol ou contre un mur13; on les jetait à la mer ou à la rivière avec une pierre au cou ", on leur donnait un coup de couteau ". A Sparte, de par la loi, on lançait les enfants mal conformés dans le gouffre des Apothètes16.
Parmi les peuples de l'antiquité, les Égyptiens" et les Juifs f 8 étaient les seuls à ne pas admettre la pratique de l'infanticide. La première protestation contre les parents
assassins que des Grecs aient entendue fut lancée par un Juif d'Alexandrie, Philoni9. Pour lui, les TExvox.ôvot sont rigoureusement des v8Nonvot ; car il ne manque rien au nouveau-né de ce qui constitue l'homme, et la loi considère dans la personne lésée, non pas l'âge, mais l'espèce. Si l'infanticide se distingue de l'homicide ordinaire, c'est par des circonstances aggravantes : nul n'a de grief contre l'innocent qui vient de naître, et les moyens employés pour le tuer sont abominablement cruels. Ces arguments furent infatigablement reproduits par les apologistes juifs 2D et chrétiens 2f. Mais ils ne semblent guère avoir convaincu les Grecs. Si l'école stoïcienne combat la meurtrière coutume, c'est en Italie avec illusonius Bufus22 et Épictète 23, ou en Égypte avec un déclamateur de leurs élèves 2'. Celte influence ne se fit sentir en Grèce que sur le tard : elle dut s'aider du droit romain pour décider en quelques endroits les pouvoirs
publics à intervenir. GUSTAVE GLOTZ.
ROME. Le mot in fanticidium est étranger à la langue du droit romain. Tertullien l'emploie ainsi que le mot infanticida2', mais cela ne suffit pas pour qu'on soit autorisé à lui attribuer une valeur technique. On a bien prétendu 26, sur la foi d'un passage d'Eusèbe 21, que le Père de l'Église, auteur du traité Ad nationes, est le même que son homonyme, le jurisconsulte contemporain de Septime Sévère, l'auteur de deux livres de Quaestiones et d'un livre De castrensi peculio 2R, mais cette assertion n'est rien moins que démontrée. On ne retrouve pas le mot in fanticidiunl dans les compilations de Justinien n.
De l'absence d'un terme technique pour désigner le meurtre des enfants nouveau-nés, il ne faut pas conclure que la législation romaine n'a pas songé à protéger la vie de ces enfants. Ce fut au contraire dès la fondation de Rome l'une des préoccupations des chefs de la cité : mais pendant longtemps l'infanticide n'a pas été traité comme un crime spécial. La loi romaine s'est placée, suivant les époques, à des points de vue différents pour apprécier le meurtre des enfants nouveau-nés. Il s'est produit une évolution analogue à celle que l'on remarque chez les peuples anciens et modernes en matière d'infanticide30.
Dans l'histoire du droit romain sur l'infanticide, il y a lieu de distinguer trois périodes correspondant, la première, à l'ancien droit ; la seconde, au droit de la fin de la République et de l'Empire jusqu'à Valentinien ; la troisième, au droit du Bas-Empire depuis Valentinien.
Première période. Dans les sociétés primitives l'infanticide est toléré : c'est un moyen de diminuer le
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nombre des bouches inutiles. On sacrifie de préférence les filles qui, à une époque où la force physique est particulièrement appréciée, rendent moins de services que les garçons au chef de la famille'. Les Romains n'ont pas connu cet état de barbarie, mais peut-être existait-il .autour d'eux 2, car dès la fondation de la cité, une loi attribuée à Romulus défendit de tuer les enfants en bas âge3. Cette disposition se rattache à un ensemble de mesures dont le rapprochement permet de saisir la portée. Suivant Denys d'Halicarnasse, Romulus prescrivit aux membres de la cité : 1° d'élever tous leurs enfants du sexe masculin ainsi que l'aînée de leurs filles ; 20 de ne tuer aucun enfant mineur de trois ans; 3° par exception, si l'enfant était difforme ou monstrueux, on devait le faire disparaître aussitôt après sa naissance 4. Les deux premières dispositions ont été inspirées par des raisons politiques bien plus que par des considérations d'humanité. Romulus a voulu fortifier la cité naissante : l'État était intéressé à avoir le plus possible de citoyens pour imposer aux peuples voisins son autorité par la force des armes 5.
La loi royale n'a-t-elle pas porté atteinte au pouvoir de vie et de mort du chef de famille? On l'a prétendu 6 ; on a dit que le droit à l'infanticide fut à Rome un attribut de la patria potestas 7. Mais cette opinion est le résultat d'une appréciation inexacte de la vitae necisque potestas. Ce pouvoir n'est pas, comme on l'a souvent affirmé, un pouvoir despotique, la faculté de disposer arbitrairement de la vie des membres de la famille. C'est une magistrature que la coutume des ancêtres a confiée aux chefs de famille et qui s'exerce avec Io concours du tribunal domestique, sous le contrôle de la gens, plus Lard du censeur 8. Dès lors le chef de famille ne peut faire acte de magistrat qu'à l'égard d'un enfant coupable, et non d'un enl'ant en bas âge. La loi royale a proscrit la coutume des sociétés primitives en tant qu'elle était contraire à l'intérêt de la cité. En cas de contravention, la peine encourue consistait dans la confiscation de la moitié des biens au profit du trésor', ce qui prouve qu'elle avait été édictée dans un intérêt public. Indépendamment de cette peine, il y en avait d'autres que Denys ne fait pas connaître, mais qui étaient sans doute des peines sacrées destinées à apaiser les dieux protecteurs de la vie humaine.
La loi des Douze Tables a-t-elle modifié les dispositions de la loi royale ? D'un passage de Cicéron il résulte que la question fut réglementée à nouveau. Cicéron attribue en effet aux Douze Tables, et non à une loi royale, l'autorisation accordée au père de faire disparaître sans retard l'enfant difforme. D'où l'on doit conclure que le meurtre de l'enfant en bas âge resta prohibé, sans quoi il eût été inutile de faire une exception pour un cas particulier. Mais les décemvirs n'ont pas maintenu l'obli
galion d'élever les garçons et l'aînée des filles jusquà trois ans : il fut permis de les exposer10 [uxposiTro].
S'il ne peut y avoir de doute sur le fond de la disposition des Douze Tables, une difficulté s'élève sur sa teneur exacte. La difficulté tient à ce que le texte du De legibus paraît avoir été altéré. On lit dans les manus
crits : Cito legatus tamquam ex XII tabulis insignis ad deforeuitatem puer. Le mot legatus n'offrant pas de sens satisfaisant, certains éditeurs proposent de lire necalus"; mais il y a une correction plus simple (ab) legatus 12 qui s'accorde mieux avec les renseignements fournis par les auteurs anciens sur le procédé suivi pour se défaire des enfants monstrueux. On les plongeait dans la mer ou dans l'eau courante d'un fleuve qui les portait à la mer 13. La naissance de ces enfants était considérée comme un malheur public, une souillure pour la cité (monstrum, ostentum, portentuln). Il fallait au plus tôt s'en débarrasser en les plongeant dans l'élément qui purifie tout. L'infanticide était ici autorisé par la loi pour des raisons d'ordre religieux, pour détourner de la cité les calamités dont elle était menacée 1z.
En tout autre cas l'infanticide demeura interdit, L'induction tirée de Cicéron est confirmée par le témoignage direct de Tertullien : Vos quoque infanticidae qui infantes edilos enecantes legibus prohibemini15. Les leges dont parle Tertullien sont les Douze Tables : les Romains disent « les lois » pour désigner l'oeuvre des décemvirs".
La loi visait-elle spécialement les nouveau-nés, ou étendait-elle sa protection aux enfants en bas âge, comme la loi royale?On l'ignore, de même qu'on ignore la sanction de la loi. Il est vraisemblable que la peine édictée était surtout une peine morale ou religieuse : ainsi s'expliquerait qu'elle fût tombée en désuétude au temps de Tertullien. Elle ne devait atteindre que le père de l'enfant : ainsi s'expliquerait comment une loi postérieure vint compléter les Douze Tables en punissant le meurtre commis par la mère. Aux premiers temps de la République, ce meurtre était de la compétence du tribunal domestique : la loi n'avait pas eu à s'en occuper
Deuxième période. Lorsque, vers la fin de la République, par suite du relâchement des moeurs, l'autorité du chef de famille comme magistrat domestique devint plus nominale que réelle,le législateur fit rentrer dans la catégorie des crimes publics le meurtre de l'enfant par sa mère ou par son aïeul. Telle fut la disposition de la loi Pompeia De parricidiis13 de l'an 699 ou 702. Elle dut avoir surtout en vue le meurtre de l'enfant illégitime par sa mère ou par son grand-père maternel. L'un et l'autre pouvaient être tentés de tuer l'enfant pour céler la honte de sa naissance. Mais la disposition était générale et protégeait le fils et le petit-fils quel que fût son âge.
L'infanticide était à cette époque traité comme un
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parricide [rAnRiciDlulli], c'est-à-dire comme un meurtre
avec la circonstance aggravante qu'il était commis par un proche parent. La peine encourue était, d'après le jurisconsulte Marcien', celle quo la loi Cornelia De sicariis et veneficis avait édictée contre les parricides, la peine du sac [CULEUS]. Mais la loi Pompeia ne conserva cette peine que pour ceux qui auraient tué leurs parents ou grands-parents 3. Pour tout autre cas de parricide, et en particulier pour l'infanticide, la peine était celle de l'interdiction de l'eau et du feu '`.
Tel était l'état de la législation au dernier siècle de la République. Il fut maintenu sous le haut-Empire sans changement quant à la qualification du crime. La peine seule fut modifiée : l'interdiction de l'eau et du feu fut remplacée par la déportation dans une île avec confiscation de tous les biens 5. Plus tard on fit une distinction suivant le rang social des coupables 6 : les honestïores ou altiores, c'est-à-dire ceux qui remplissaient une charge publique (in honore aliquo positi 7) étaient déportés ; les humiliores étaient condamnés à une peine capitale et d'ordinaire exposés aux bêtes [LIGNESTIORES, IIUMILIORES] . C'est une toute autre question
que de savoir si l'on a, à toute époque, tenu la main à l'exécution de la loi. Tertullien affirme que de son temps, c'est-à-dire à la fin du n° et au commencement du Iu° siècle de notre ère, il n'y avait pas de loi qui fût plus impunément éludées.
La protestation de Tertullien n'était pas sans doute isolée. Le commencement du m° siècle est en effet le point de départ d'un changement dans les idées des Romains quant aux devoirs des parents envers leurs enfants. Sévère et Caracalla se préoccupent de protéger l'enfant encore au sein de sa mère : un rescrit de ces empereurs punit de l'exil temporaire le crime d'avorte
ment' [ADIGERE PARTUM]. A plus forte raison durent-ils
donner des ordres pour assurer l'exécution des lois antérieures punissant le meurtre de l'enfant nouveau-né. C'est ce qui résulte de l'interprétation nouvelle qui en est faite par la jurisprudence. Un passage des Sentences de Paul prouve qu'au temps de Caracalla, on s'efforça d'assurer de la façon la plus complète la protection des nouveau-nés. D'une part la jurisprudence fit rentrer, par voie d'interprétation, dans l'infanticide, l'exposition de l'enfant dans un lieu public. D'autre part elle écarta toute distinction entre les divers genres de mort infligés à l'enfant: qu'on eût laissé le nouveau-né mourir de faim ou qu'il eI t été étouffé, la négligence aussi bien que l'acte fut considérée comme un meurtre '°.
Il y a là un changement si notable dans la jurisprudence qu'on a élevé des doutes sur l'authenticité de ce texte qui nous a été conservé au Digeste de Justinien ". En la forme il ne contient aucune trace d'interpolation, mais, a-t-on dit, la décision qu'il rapporte sur le partum necare date du Bas-Empire, de la fin du ive siècle; elle ne peut donc figurer dans un texte du nie. Cette observation serait confirmée par un passage de Lactance 1Z. Il
reproche aux païens d'étrangler leurs nouveau-nés, et ce qui est plus cruel encore, de les exposer pour les faire dévorer par les chiens. A ses yeux, il est aussi criminel d'exposer un enfant nouveau-né que de le tuer. La misère des parents n'est pas une excuse. Ne semble-t-il pas que la décision rapportée par le jurisconsulte Paul soit la consécration législative des idées de Lactance? et que par suite elle constitue un anachronisme dans un écrit du commencement du ni" siècle?
Cette conclusion est loin de s'imposer. De ce que l'on a continué à exposer des enfants en dépit de la jurisprudence du temps des Sévère, ce n'est pas une raison pour nier cette jurisprudence. Cela prouve tout au plus que les magistrats hésitaient à l'appliquer. Leurs scrupules dans bien des cas n'étaient pas sans fondement. Lactance nous fait connaître lui-même l'excuse invoquée par les parents : ils alléguaient leur misère qui les mettait hors d'état d'élever plusieurs enfants. Lactance refuse d'en tenir compte, et il donne aux parents un conseil qui rappelle la loi fameuse formulée au commencement de ce siècle par Malthus13 : Queue si quis liberos ob
pauperiem non polerit educare, salins est ut se ab uxoris congressione conlineat, quam sceleratis manibus Dei opera corrumpat 1:. On conçoit aisément que l'opinion de Lactance ait paru excessive, et que bien des magistrats aient reculé devant l'application de la peine de mort à des parents plus malheureux que coupables.
L'un des premiers soins de Constantin dès son avènement à l'empire, fut de porter remède à cette situation. Puisque la crainte d'une peine rigoureuse n'avait pas suffi à prévenir l'exposition des enfants, il eut la pensée d'un moyen tout différent et qui ne pouvait manquer d'être plus efficace. Dès l'an 315, il ordonne de fournir à tous les habitants des cités d'Italie, qui seront dans l'impossibilité d'élever leurs enfants, des aliments et des vêtements aux frais du fisc et de la res privata. Afin que nul n'en ignore, il prescrit de publier cette loi aereis labulis vel cerussatis aul linteis mappis'6. C'est la plus ancienne constitution qui nous ait été conservée de cet empereur. Sept ans après, Constantin étendit le bénéfice de cette disposition à l'Afrique16. Puis, pour alléger la charge qu'elle imposait au lise, il autorisa en 3t).9 la vente des enfants nouveau-nés (sanguinolenti) par leurs parents en cas d'extrême misère".
En présence des mesures prises pour ôter aux parents tout prétexte de laisser périr leurs enfants, le législateur put se montrer rigoureux à l'égard du crime d'infanticide. Constantin appliqua d'abord au père la peine du parricide que la loi Pompeia avait édictée seulement contre la mère et le grand-père. Pour la première fois, le père, coupable du meurtre de son enfant, fut soumis au droit commun. Constantin décida ensuite que la peine encourue serait la peine du sac, réservée autrefois pour l'enfant qui avait tué ses parents". Le père ou la mère, auteur du meurtre, ne devait périr ni par le glaive, ni par le feu, ni par toute autre peine de droit commun : on de
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vait l'enfermer dans un sac avec un chien, un coq, une vipère et un singe, et le jeter dans la mer ou dans un
fleuve ut omni elementorum usa virus carere incipiat, et ei coelum superstii , terra morille auferaturl.
Troisième période. La constitution de Constantin, de même que la loi Pompeia De parricidiis, punissait le meurtre de l'enfant par ses parents quel que fût son tige. L'infanticide n'était pas un crime spécial : il rentrait dans la classe des parricides. Dans la seconde moitié du Ive siècle, il parut au législateur que cette assimilation établie entre le meurtre de l'enfant nouveau-né et de l'adulte avait quelque chose d'excessif. Par une constitution de l'an 374, Valentinien édicta pour la première fois une disposition spéciale à l'infanticide2.l1 le fit rentrer dans la classe des meurtres en écartant la circonstance aggravante résultant de la parenté. L'infanticide fut traité comme un homicide ordinaire et puni d'une peine capitale. Cette constitution fut publiée à [tome (proposita Romae) le 7 février 3743 et visait sans doute d'une manière spéciale l'Italie, bien qu'elle eût été adressée au préfet du prétoire d'Illyrie, d'Italie et d'Afrique, Sex. Petronius Probus. La règle posée par Valentinien fut maintenue par Justinien, qui l'a repro
duite dans son code'. ÉDOUARD CUQ.