Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article INQUILINUS

INQUILINUS. I. Dans le droit privé des Romains, on entendait par habitator ou inquilinus le locataire d'un appartement ou d'une maison ou d'une invita' [L0CA:n0 CONDUCTIO] à la différence du fermier d'un bien rural qu'on nommait co tonus. Le locataire d'un magasin s'appelait horrearius 2. Quelquefois, cependant, celui qui habitait gratuitement la maison d'autrui était aussi appelé inquilinus ; il en était de même de celui qu'un usager (usuarius), qui n'avait pas en principe le droit de louer, recevait dans la maison qu'il habitait'. Le locataire ou l'habitant qui avait payé son loyer (pensio, inertes) obtenait au besoin du préteur un interdit (interdictum de migrando) qui s'opposait au déménagement de son mobilier à fin de bail". A certaines époques, des lois, comme la loi Caelia, la loi Cornelia de novis tabulis, s'occupèrent de soulager les pauvres locataires INS -528 IINS II. En droit public on appelait inquilinus civis urbis Ilomae l'Italien déjà citoyen romain qui abandonnait son municipe natal pour venir s'établir à Rome i. J. HUMBERT. IXSCRIPTION'ES. L'usage que nous faisons de nos jours des inscriptions sur pierre, marbre ou métal, ne peut donner qu'une idée très imparfaite de l'emploi, on peut dire de la profusion de l'écriture épigraphique dans l'antiquité gréco-romaine. L'invention du papier de chiffe, qui met entre les mains de tous une matière à bon marché, et surtout celle de l'imprimerie et la possibilité de répandre ainsi à vil prix des milliers d'exemplaires de la même pièce, ont complètement modifié, à cet égard, les conditions d'existence et les habitudes des peuples. On a donc réservé la gravure sur pierre ou sur métal pour des cas assez rares relativement, pour ceux où l'on tient particulièrement à assurer la perpétuité d'un fait, d'un souvenir, d'un document en le confiant à une matière durable. Il n'en était pas ainsi jadis : toutes les manifestations de la vie publique ou intime des peuples et des particuliers se traduisaient par une ins cription (Ztiypap.(a.a, s7ct'pâpr), litulus). I1 suffit, pour le montrer avec évidence, d'énumérer les différentes sortes d'inscriptions que nous avons conservées. Mais une telle classification étant déjà faite dans tous les articles d'ensemble et dans tous les manuels qui traitent de l'épigraphie grecque ou latine, il est inutile d'y insister longuement'. Nous adopterons les grandes divisions suivantes ; on trouvera dans les notes des exemples caractéristiques pour chacune d'entre elles. émanant de l'L'tat, de magistrats ou d'assemblées niunici pales. Ils sont extrêmement nombreux et d'une grande variété. On peut en faire une classification assez exacte si l'on ne considère que l'autorité dont ils procèdent et la forme extérieure de leur rédaction. On les divisera ainsi : Grèce : décrets du sénat et du peuple ; lois et règlements rendus par les magistrats et les conseils compétents, lettres de rois grecs ou asiatiques et d'empereurs romains à différentes républiques; conventions entre peuples et cités. Rome plébiscites et sénatus-consultes, lois, décrets, édits, lettres ou discours d'empereurs, édits et règlements rendus par les magistrats et les fonctionnaires, délibérations de conseils municipaux. Mais si l'on cherche à les grouper suivant les sujets dont ils traitent et les détails qu'ils nous font connaître, on est obligé de les répartir en une infinité de catégories dont les suivantes, qu'on pourrait aisément augmenter, ne feront que donner une idée : documents relatifs à la constitution et à l'organisation de l'État', traités d'alliance', de commerce arrêts pour régler des contestations privées ou publiques', lois agraires G, lois municipales', lois destinées à conférer le droit de cité à des étrangers a, comptes relatifs à des travaux publics' ou à l'armée 7e ; lois financièresl1 ; listes de magistrats 12 de sénateurs 1', de soldats d'éphèbes15, décrets honorifiquesiG, collation du titre de proxène'7 ou de patron'e à des étrangers ou à des personnages influents, cadastres 19, emprunts 20, baux 21, etc. 2° Actes de corporations religieuses ou civiles. Règle ments d'associations et listes de membres22, comptes rendus des réunions". 3° Actes privés. Contrats de fermage 2' ou de vente 2G, emprunts 2G, testaments 27, donations 23, actes d'affranchissement 29. 4° Inscriptions relatives au culte et à la religion. Ri I.uel 30, calendriers 31, hymnes religieux32, catalogues des richesses sacrées33, documents intéressant la gestion des biens appartenant aux temples'', procès-verbaux de guérisons miraculeuses '`°, réponses d'oracles31, ex-voto déposés par la piété des fidèles et offrandes de toute I-NS -529 -us INS sorte faites à la divinité' [DONARIUM], plaques à formules magiques destinées à obtenir le secours des dieux infernaux ou de divinités chères aux rédacteurs de sortilèges 2 [DEVOTIO] ; catalogues des prêtres 3 ; souvenirs laissés par les fidèles dans les sanctuaires célèbres'. 5° Inscriptions gravées sur les édifices publics pour en rappeler la construction et les circonstances qui l'ont accompagnée 5. 6° Inscriptions honorifiques. Dédicaces de statues et de monuments destinés à perpétuer le souvenir de princes 6, d'empereurs ', de magistrats de personnages illustres 9; listes de vainqueurs aux jeux publics de la Grèce ou de Rome". Inscriptions funéraires. Épitaphes en prose" ou assez souvent en vers 12; éloges funèbres de grands personnages", listes de guerriers morts à l'ennemi". 8° Inscriptions diverses. Inscriptions sur matières premières (marques d'extraction des marbresf6, de lingots de métalf', marques d'appareillage sur des pierres de taille17); inscriptions gravées sur les sièges des théâtres et des amphithéâtres " ; bornes et limites de territoire 10; signatures d'artistes2', signatures de céramistes et potiers2t,de verriers ",de bronziers ",rnarques sur briques", vases", conduites d'eau", armes 27, bijoux ", timbres e',cachets23; inscriptions sur poids et mesures 30, sur pierres gravées 31 ; tessères judiciaires 32, frumentaires ", théàtraies ", d'hospitalité 35, tessères pour les jeux 36 ; inscriptions sur tables iliaques" ou documents analogues"; tables de jeux39. 9° Inscriptions pariétaires, tracées en écriture cursive, généralement à la pointe ou au charbon ; affiches de v. toute sorte, surtout électorales à Pompéi, inscriptions amoureuses, plaisanteries souvent grivoises, vers de poètes connus; allusion à. des événements de la localité; apostrophes à des amis ou à des ennemis, etc. 40. ou PRIVÉES. La matière la plus employée pour les inscriptions était le calcaire, pierre ou marbre. On recourait naturellement moins fréquemment à celui-ci qu'à celle-là, plus commune, plus facile à travailler et beaucoup moins coûteuse. D'une façon générale, on peut dire qu'on gravait sur marbre les inscriptions particulièrement soignées, et sur pierre les inscriptions ordinaires mais il ne pouvait pas y avoir à ce sujet de règle fixe. Dans les pays où le marbre abonde, comme en Grèce 4f, on pouvait sans grand frais en user 42, même pour des épitaphes très simples ; ailleurs, c'eût été faire une dépense disproportionnée au résultat obtenu que de s'en servir pour des usages courants. En pareil cas, on empruntait la pierre ordinaire, fût-ce pour des documents très importants : c'est ce qui a été fait pour la plus grande partie des inscriptions latines, sinon à Rome, au moins dans les provinces. Par contre, dans le voisinage des carrières de marbre précieux, on n'hésitait pas à utiliser des blocs qui représentent une certaine valeur pour leur confier ce qu'on eût écrit ailleurs sur tablettes ou griffonné sur quelque mur. Tel est le cas de ce morceau d'onyx provenant des carrières d'Aïn-Tekbalet43, aujourd'hui au musée africain du Louvre, dont on a poli imparfaitement la surface et où l'on a tracé au martelé une inscription, d'ailleurs inexpliquée, qui paraît contenir des chiffres mêlés à des lettres ". 67 0 E OP -rY XA INS -530 -°b INS On gravait aussi des inscriptions sur les métaux; mais, par leur valeur même, ceux-ci ne se prêtaient point à un usage courant et on les réservait pour certaines sortes d'inscriptions. Les exemples que nous en avons gardés sont d'autant moins nombreux que les métaux étaient plus précieux, particularité qui s'explique autant par le nombre relativement restreint des documents de cette nature que par l'appât qu'ils présentaient à la cupidité de ceux qui les ont découverts. L'or et l'argent ne sont guère représentés dans le matériel epigraphique que par des objets de luxe courants, bagues', bijoux2, patères et vases'; on possède pourtant quelques lamelles d'or ou d'argent votives et quelques amulettes. Telles sontune plaque rappelant la consécration d'un téménos à Osiris par Ptolémée Évergète Ie`• et la reine Bérénice une dédicace à Mars venant d'Angleterre 6, une autre à la même divinité trouvée à Apt la lame d'Adalia7, etc.a. Une place à part doit être faite dans cette catégorie à l'inscription qui entoure la tiare de Saitapharnès 9. ' Les spécimens de bronze que nous possédons sont, par contre, assez nombreux et d'une grande importance. Tandis qu'à Athènes et dans le monde grec, les documents officiels étaient gravés sur marbre, la plupart du temps bien qu'on ait conservé des exemples de bronzes épigraphiques de cette espèce 10les Romains, ayant à leur disposition d'abondantes mines de cuivre, avaient pris l'habitude de confier au métal leurs lois et leurs actes publics11. On sait que lorsque l'empereur Vespasien rebâtit le Capitole incendié pendant les troubles cisils, il fit refaire trois mille tables de bronze qui avaient été detruites par le feu et qui contenaient toutes les archi'es du peuple romain à cette époque". C'est par des exemplaires sur bronze que nous connaissons le texte de presque toutes les grandes lois romaines, les sénatus-consultes des Bacchanales, Ilostidien et Volusien 73, la loi de Bantia ", la lex Acilia repetundarum 16, la loi agraire de 64316, la tex de imperio Vespasiani17, les lois municipales Julia municipalis'8 de Salpensa, de Malaga et de la colonia Genetiva 19, la loi relative au flamine du concilium de la Narbonaise 20, tous les diplômes militaires21, etc., le discours de Claude au sénat22, les fondations alimentaires de Trajan23, les contrats de patronat" et tant d'autres n. Mais le bronze était aussi employé pour des documents écrits d'ordre privé : tessères 26, ex-voto 27, sortes28, objets 'usuels (cachets23, mesures30), même pour des inscriptions honorifiques 31 ou fixées sur des tombeaux. Nul n'ignore que le texte appelé testament d'Auguste était gravé sur deux colonnes de bronze'''-, dressées de chaque côté de l'entrée du mausolée oit reposaient les cendres de l'empereur ". Les monuments épigraphiques sur bronze, en lais saut de côté les ustensiles de toute nature, se présentent d'habitude sous la forme de tablettes plus ou INS 531 --INS moins grandes. Quand elles étaient destinées à être accrochées quelque part, elles possédaient des trous de suspension destinés à donner passage à un anneau : telle cette offrande de gladiateur représentée plus haut (fig. 25147)', Si l'on voulait les fixer à une paroi par des clous, on y perçait des trous, soit aux coins, si elles étaient de forme rectangulaire 2, soit dans les queues d'aronde ou dans les oreilles ornementales qui les terminaient souvent 3. Très rarement, ces inscriptions affectaient la forme de stèles ; en pareil cas, on les disposait comme les stèles ordinaires, dans des bases de pierre. On en a trouvé un exemple remarquable à Olyrnpie «fig. 4060). Les inscriptions sur fer sont très rares parce qu'on ne fabriquait en fer que des objets communs, couteaux, glaives, outils, où les légendes écrites n'avaient guère leur place et surtout parce que l'oxydation qui ronge si aisément ce métal a fait disparaître la presque totalité de celles qui ont puy exister. Le plomb, au contraire, qui résiste mieux aux agents corrosifs et qui se laisse facilement entamer au ciseau ou au poinçon, se prêtait à la gravure : on y traça des formules votives 5 et funéraires des oracles 7, des incantations magiques $. Qu'on l'employât pour des,jetons9, des conduites d'eau 10, des balles de fronde" ou pour tout autre usage, on trouvait moyen aisément d'y faire figurer des inscriptions souvent en relief ou en écriture cursive. Il est à peine besoin de parler des inscriptions sur étain, extrêmement rares 12. La terre cuite était aussi dans l'antiquité gréco-romaine une matière épigraphique ; mais ici, comme dans les catégories dont il sera question ensuite, la matière n'a pas été employée en vue de l'inscription, mais bien plutôt l'inscription tracée pour ajouter un ornement ou une légende à l'objet où elle se lit. On ne saurait guère mentionner dans cette classe que des marques de fabrique 73, des devises 1', ou des renseignements relatifs au contenu des vaisseaux de poterie destinés à conserver des aliments ou des liquides 16. C'est à peine si l'on pourrait citer en outre quelques épitaphes sur briques ou sur vases communs utilisés comme urnes cinéraires1° et quelques ex-voto 17. Des tuiles10 ou des tessères de poterie 13 ont parfois été utilisées comme tablettes; mais ce ne sont là que des faits exceptionnels [OSTRACA]. L'os et l'ivoire ne doivent être rappelés ici que parce qu'ils servaient à fabriquer des tessères circulaires 29 ou quadrangulaires 21, souvent munies d'inscriptions; certaines pierres dures" que parce qu'on en faisait des cachets épigraphiques; le verre que parce qu'on y voit des marques industrielles23, des légendes2L, des devises, bachiques la plupart du temps25. Une mention spéciale doit être faite du bois. On s'en servit de fort bonne heure pour les actes publics et privés. C'est sur bois que furent publiées les lois de Solon [AXONES], et les lois romaines les plus anciennes26. Dans la suite, on employa le bois pour tous les documents qu'on devait porter à la connaissance du publie, chaque fois qu'on voulait éviter de recourir à la gravure sur marbre ou sur métal, plus dispendieuse 27 : on enduisait des planchettes d'une couche de peinture blanche et on y écrivait ensuite, en noir ou en rouge, à la couleur, à l'encre, au charbon : ces tableaux se nommaient ALBUM. 11 est aisé de comprendre pourquoi nous n'en avons pas gardé de spécimen; mais les auteurs nous ont souvent parlé de cette mode et certains monuments figurés nous la représentent28. L'album de bois servait à afficher les actes publics' s, les édits30, les listes de proscrits31, les ventes32, les programmes de spectacle, les réclames et les annonces de tout genre 33. Dans la vie journalière et pour les usages courants, on usait de tablettes plus pe tites [DIPTFCDON, TRIPTTCIION], généralement recouvertes de cire [TABULAE CERATAE] OÙ l'on écrivait avec un poinçon 3". Le hasard nous en a conservé une collection de vingtsix, provenant de mines antiques en Transylvanie31, et les ruines de Pompéi nous en ont déjà rendu plus de cent". La cire qui couvrait le bois en a disparu, mais les traits qui y avaient été tracés à la pointe restent lisibles sur le bois noirci. mettre au graveur chargé de le reporter sur pierre ou sur métal, il fallait rédiger le texte des inscriptions. Le rédacteur différait suivant les cas. Pour les actes publics, il n'est pas besoin d'insister longuement; toutes les délibérations, tous les règlements émanant de corps officiels, comme le sénat, les assemblées populaires, les rois et empereurs, les magistrats, les fonctionnaires, étaient transcrits, suivant la forme usitée, sur des registres destinés à rester dans les archives, et de ces procès-verbaux une copie était prise que l'on donnait au graveur [ACTA]. Dans le monde grec, il existait à ce sujet des 1NS '532 INS règles fixes. A Athènes, les secrétaires du sénat et du peuple (yrapp.zrcTç) d'abord, les transcripteurs de lois; ensuite (ctvayrzpsïs) étaient tenus de faire graver les décrets ' ; les modèles écrits sur cire ou parchemin qu'ils livraient au lapicide s'appelaient iavrlyçzpa2. En dehors d'Athènes, d'autres magistrats étaient chargés du même soin; dans les dèmes attiques, les démarques', les épimélètes ou les tamiai 5, à Délos et en Lydie les tamiai 6, à Corcyre les archontes 7, à Amphipolis les prostates 6, etc. Quelquefois, c'était un citoyen quelconque à qui l'on confiait cette mission 9. En était-il de même à Rome, c'est ce que nous ignorons ; il est pourtant vraisemblable que lorsque la publication des pièces était officielle, le soin de s'entendre avec le graveur était commis, suivant les cas, à quelqu'un des fonctionnaires attachés à la rédaction des procès-verbaux des séances du sénat, des acta populi romani, ou des résolutions émanant des magistrats, qui tous appartenaient à la catégorie des scribes le [semait]. Si le document était gravé par les soins des intéressés, dans les provinces, par exemple, il n'y avait pas évidemment intervention d'un fonctionnaire public, mais la copie n'en émanait pas moins de source officielle, puisqu'on n'avait qu'à en faire prendre un double dans les archives ". Il résulte de tout ce qui vient d'être dit que, en pareil cas, le modèle fourni au graveur était généralement correctement rédigé. Dans les municipalités et dans les collèges, les méthodes employées pour la rédaction des délibérations et des décisions étaient à peu près les mêmes n ; mais ici la correction de la pièce et de la copie qui en était prise était d'autant moins assurée que la ville était moins romanisée ou le collège composé de membres plus ignorants et que le scribe lui-même était moins lettré. On peut se représenter assez aisément, bien que les documents ne soient pas très explicites, comment on procédait pour les inscriptions d'ordre privé. Dans les grandes villes ou parmi les gens d'un certain monde, il n'y avait pas de difficulté ; ils n'étaient pas plus embarrassés de rédiger une inscription honorifique qu'un ex-voto ou une épitaphe; s'ils ne pouvaient pas le faire sans aide, ils s'adressaient à des hommes instruits, dont ils achetaient la science ou le talent ; ainsi peut-on expliquer, par exemple, la présence, dans des épitaphes, de pièces de vers élégantes. Ce n'est pas, sans doute, le colon de Cillium, auteur du tombeau, qui a cornposé luimême le poème en cent dix vers, gravé sur le mausolée dit des Flavius 13 : il a di le demander à quelque grammairien du voisinage, élève des rhéteurs de Carthage ou de Cirta. Mais comment s'y prenaient les pauvres, les ignorants ? Il n'est pas douteux qu'ils aient eu recours bien souvent au conseil des graveurs eux-mêmes, lesquels avaient une certaine expérience des habitudes épigraphiques et possédaient au moins un semblant d'instruction. Eussent-ils été peu capables de tirer la consultation de leur fonds qu'il leur suffisait de consulter les formulaires répandus dans le commerce. Je n'ai pas à répéter ici les arguments que j'ai apportés ailleurs 14 pour en prouver l'existence. Avec ces manuels et les traditions qu'ils avaient reçues pendant leur apprentissage, ils arrivaient toujours à composer l'inscription qui leur était demandée, quand ils ne la trouvaient pas déjà toute faite ou à peu près parmi les pierres qu'ils tenaient en magasin à la disposition du public15. Il suffit, pour comprendre ce qui vient d'être dit, de voir comment les choses se passent de nos jours, et de jeter un coup d'oeil dans le magasin d'un de nos marbriers ou de quelqu'un de ces marchands d'ex-voto qui entourent les grands sanctuaires, Fourvières par exemple. lapicides avaient en main, pour base de leur travail, un modèle, qui était naturellement écrit en lettres courantes, en caractères cursifs. Leur rôle véritable était de le rapporter sur pierre ou sur métal. Primitivement, on se contentait de peindre les inscriptions : c'était un usage oriental qu'on retrouve aussi en Etrurie et chez les Samnites 1G. Les Grecs 'T et surtout les Romains 78 le conservèrent quelque temps. On en connaît de nombreux exemples, aussi bien en Attique qu'à Rome et dans les provinces. Dans le Inonde romain, la coutume dura même, en certains cas, jusqu'à une basse époque 19. Mais d'habitude on gravait le texte en creux dans la pierre 20 et c'est particulièrement de ce genre de monuments épigraphiques qu'il convient de nous occuper. La surface une fois polie il s'agissait de disposer l'inscription en plusieurs lignes : on ]a traçait d'abord au pinceau ou légèrement i la pointe, avec les blancs néces saires : Tituli hic ordinantur et sculpuntur aidibus sacris cum operum publicorum, dit l'enseigne d'un lapicide trouvée en Sicile 22. Ailleurs, on rencontre le mot scribere, opposé à sculpere, ce qui paraît indiquer le tracé préparatoire à la gravure 23. Nous avons gardé quelques preuves curieuses de l'emploi d'un tel procédé. A Pompéi, dans le forum, on a rencontré les fragments d'une grande architrave ; quelques-uns contiennent d'un côté des lettres gravées, de l'autre des lettres peintes, de même style et de même dimension, dont on n'avait pas poursuivi la gravure, la disposition de la pièce ayant été modifiée 2S. ATicinum, une inscription honorifique du me siècle 2' présente cinq lignes 'dont les trois premières sont gravées et les deux autres peintes. INS 333 IONS Certaines erreurs d'écriture conduisent au même résultat. C'est ainsi qu'on lit sur une base honorifique de Cherchel le mot CAESAR ENSIVM, avec un vide d'une lettre au milieu du mot ; il y aura eu omission de gravure de 1'I, tracé à la couleur 1. Une tombe de Torre di Gerace porte 2 : D • M Il est certain que là encore le lapicide, après avoir tracé au pinceau toute l'inscription, n'ena gravé en entier que les quatre premières lignes et s'est arrêté dans son travail avant d'avoir terminé les lignes suivantes, pour une raison qui nous échappe. Pour dessiner ainsi les inscriptions, les lapicides se servaient d'instruments qui sont signalés par les auteurs'' et représentés sur les monuments «fig. 4067). Ils com mençaient par régler leur pierre, faisant usage pour cette opération de cordelettes trempées dans du minium qui laissaient leur empreinte sur la surface qu'elles touchaient 6 [RVBRIcAE]. Plus tard, on traça même ces traits à la règle et à la pointe, sauf à les effacer ensuite quand on y pensait. Leur présence est rare sur des tables de bronze 7, mais assez commune sur la pierre, surtout aux basses époques 8, ou sur des monuments peu soignés'. La figure 4068 représente une tombe préparée pour la gravure et dont la face n'a pas été complètement remplie 1° Les Grecs, avant d'arriver à la régularité épigraphique qui caractérise leurs inscriptions de la belle époque, avaient adopté des dispositions spéciales. Conformément aux habitudes orientales, ils les traçaient d'abord de droite à gauche 11, puis ils arrivèrent à les écrire alternativement, une ligne de droite à gauche et l'autre de gauche à droite : c'est ce qu'on nomme l'écriture boustrophède. Dans le boustrophède ancien, la ligne initiale procédait de droite à gauche 12, plus tard elle est dirigée de gauche à droite 13. On note d'ailleurs à cette époque des bizarreries de toutes sortes. Tantôt l'inscription est disposée de telle sorte que la première ligne se présente la dernière et la dernière la première 14; tantôt la première ligne est écrite de droite à gauche, la seconde de gauche à droite, la troisième continuant la seconde et enveloppant la première 15; tantôt les lignes sont tracées en cercle ou forment des sinuosités 15. Peu à peu toutes ces irrégularités disparurent. Les Romains les connurent à peine. L'inscription une fois gravée au ciseau, il arrivait souvent que, pour en rendre la lecture plus facile, on passait les lettres en rouge ou en bleu, même en noir. C'était en Grèce un usage assez fréquent pour qu'on comprît la peinture des lettres dans le prix payé pour la gravure 17 ; on en a gardé de nombreux exemples 18. Pour n'en citer qu'un seul, M. Foucart a signalé le fait pour un certain nombre des actes d'affranchissement qu'il a relevés à Delphes; il a même observé que quelques-uns n'étaient pas entièrement peints. « A l'un d'eux les cinq premières lignes sont peintes en rouge, dit-il; les suivantes ne le sont que de deux en deux 19 » On agissait de même dans toute l'étendue du monde romain. « Minium, écrivait Pline, clariores litteras vel in auro (cor. mura ou aere), vel in marmore, etiam in sepulcris fat-il". » Ce texte semblerait prouver, si l'on admettait la lecture aere, que le même procédé était employé sur les tables de bronze; pourtant M. Viola a observé, à propos de la découverte très récente de la loi municipale de Tarente, que, pour les documents de cette sorte, on remplissait le creux des lettres d'une composition blanchâtre à base de plomb, si bien que celles-ci se détachaient en blanc sur le brun du métal 21. Très rarement, par un artifice du sculpteur, les lettres étaient laissées en relief au lieu d'être gravées en creux 23. Mais voici qui se produisait plus fréquemment : pour augmenter l'éclat des monuments, on eut l'idée, au lieu de graver la dédicace dans la pierre ou le marbre, d'y incruster de grandes lettres, soit en marbre, ce qui était rare, soit en métal, bronze ou autre. Cette particularité nous a été signalée par les auteurs. Suétone raconte en effet que la foudre frappa un jour une statue de l'empereur Auguste et fit couler la première lettre de son IN'S nom (Caesar) 1. Nous avons mieux que des récits d'historiens : des inscriptions préparées ainsi pour recevoir des caractères incrustés ; ceux-ci ont disparu, mais on voit très nettement sur la pierre, soit la trace des tenons qui servaient à les fixer, soit le sillon tracé grossièrement en creux où ils étaient enfoncés. Ce sont tantôt des dédicaces de statues 2, tantôt des épitaphes 3, tantôt et surtout des inscriptions publiques ornant la façade de grands édifices. La Gaule en offre trois exemples célèbres à Nimes (Maison carrée 4 et Nympheeum 5) et à Orange 6 arc de triomphe) ; il serait aisé d'en citer d'autres dans la partie grecque de l'Empire 7. D'autre part, on a retrouvé plus d'une fois des lettres de métal séparées qui proviennent d'inscriptions de cette sorte. A Attaleia, par exemple, on a recueilli dans les fouilles, au pied de la porte d'Hadrien, une dizaine de caractères grecs en bronze doré, provenant de la face supérieure de l'enta blement. On y voit encore, à la partie postérieure, les tenons par où ces caractères étaient fixés à la pierre «fig. 4069). En 1739, on découvrit dans le théâtre d'Hercula nuln 0, les lettres de bronze suivantes : B, B, F, L, M, O, O, P, S, S, puis une nouvelle série de lettres plus grandes: 1, E, M, N, p, X ; enfin vingt autres de même dimension que les premières : A, A, D, D, C, I, 1, I, I, I, I, I, 1, M, M, P, P, S, T, y, et deux points séparatifs de forme triangulaire qui auraient été arrachés du mur au même endroit par le surveillant des fouilles et envoyées au roi dans une caisse '°. M. Hübner cite comme ayant existé à Lydney Park, cinq lettres de bronze percées de trous par où l'on faisait passer des clous de suspension 1i. Le musée de Nancy possède un R de bronze trouvé à Naix (Meuse , qui pèse 10 kilogrammes 1Z, et un 1 en bronze doré de même provenance 13. C'est en étudiant avec soin les trous laissés dans le mur de l'édifice par les tenons de ces lettres que l'on peut arriver à restituer les inscriptions que leur ensemble composait. La figure 4070 reproduit ce qui reste aujourd'hui de l'inscription de l'arc d'Orange et montre ce qu'on peut en lire avec certitude. Par un artifice analogue, l'ouvrier incrustait dans le métal des lettres faites d'un métal plus précieux. On se servait pour désigner cette opération du verbe su7c«(Ety, d'oit les mots Éti.7alazriç, impaestator, et p.-atatix-il. Ainsi, à Agrigente, il y avait une statue d'Apollon cujus ex /emore litteris mimais argenteis nomen ilyronis erat inscriptum f4. Dion raconte de son côté que les sénatus-consultes rendus en 710 en l'honneur de César étaient écrits en lettres d'or sur plaques d'argent"J. Et l'on a trouvé plus d'une pièce, vases ", tablettes 17 poids '°, ainsi décorés de caractères de métal 19 J'ai dit plus haut que les inscriptions sur métal comme les inscriptions sur marbre étaient gravées en creux au moyen du ciseau (fig. 4073)20. On employait cependant parfois d'autres procédés. Tantôt on les traçait au poin tillé fig. 4071) n, tantôt au repoussé (fig. 4072) 22, tantôt par l'un et l'autre procédé23 Quant aux inscriptions sur des matières molles comme la terre à poterie ou le plomb, elles s'obtenaient au moyen de moules. Mais ici une question se pose sur laquelle on est encore divisé. Les anciens usaient-ils en cela des lettres mobiles 24? Les uns se sont prononcés très nettement pour l'affirmative : A. Dumont, à propos T 1T HM-II '. EAEY=INIf2N B. OAIrON 0. KATATA=AI =o EKIlETf2KOTfN 11• FIAIAAI 12 TTOAITf2N 13 AEL1'' ArAOnN13• pour IN S o,3 MS des inscriptions céramiques de la Grèce 1, M. Lanciani à propos des tuyaux de plomb employés à la conduite des eaux 2; les autres pour la négative : le P. Descemet à l'occasion des inscriptions qu'il appelle doliaires et M. Dressel dans la préface du :YVe volume du Corpus, consacré aux briques romaines Il ne peut être question ici de discuter ces opinions dans le détail3; je me contenterai de résumer les arguments de M. Dressel. « Il est impossible, dit-il, que les marques en relief aient été obtenues avec des lettres mobiles. Laissons de côté tous les arguments de M. Descernet ; comment admettre cet usage alors que les caractères empiètent les uns sur les autres (Ex. : AT 1_V ), et qu'on a souvent fait des corrections, ou des superpositions ; ainsi sur une brique on a écrit BRTTIO à la place de BALBIN dont les restes se voient encore; sur d'autres on lit : T. RAVI = T. Ilausi; AIODRAM = Marciano. Jamais on n'eût eu recours à des corrections aussi grossières si l'on avait eu à sa disposition des lettres mobiles. Pour les marques en creux, M. Dressel est moins affirmatif ; mais il demande avant de conclure dans l'un ou l'autre sens que les exemplaires particulièrement intéressants soient examinés de nouveau avec soin par des spécialistes. Erreurs dans la gravure des inscriptions. Les textes épigraphiques, même les plus importants, contiennent des erreurs de gravure. Tous ceux qui ont publié des inscriptions ont eu l'occasion d'en signaler. Les auteurs de manuels d'épigraphie en ont même dressé des inventaires e. Somme toute, elles peuvent se diviser en -trois classes. Dans la première on réunira toutes les fautes d'inattention, suppression ou addition de lettres, dues à l'influence de lettres ou de mots voisins, altération de caractères par inadvertance ou maladresse. Exemple : THï THAHï EAEYIIf2N OAION KATATATA-AI EKKIlET1Tfl.KOTf1N ïTAIIAAI TTOATTf2N AEI ATAO.fN VIRTVTSQVE pour VIRTVTISQVE 16 AQVIFER AQVILIFER1i. AEVS AELIVS 18. MAGISSTER MAGISTER". EORO FO1tO 2°. EXERCITV EXERCITV 21, etc. Ce sont les plus faciles à corriger. Bans la seconde il faut ranger toutes les fautes provenant d'une mauvaise lecture du modèle (libellus) qu'on avait remis au lapicide. L'écriture cursive avait relativement à l'écriture capitale une grande infériorité : plusieurs caractères s'y ressemblaient, si bien qu'il suffisait de prolonger ou de raccourcir un trait pour modifier une lettre. De plus, l'auteur du modèle écrivait souvent mal et, de plus, il pouvait être pressé. Il s'ensuit que le libellus offrait de grosses obscurités. Un lapicide instruit n'eût pas été arrêté par si peu; mais la plupart des ouvriers s'y trompaient; ils copiaient sans le comprendre un mot mal lu et le transcrivaient en lettres capitales très nettes. Cette source d'erreurs a été fort bien mise en lumière par M. Edon, qui s'est très ingénieusement appuyé sur ce fait pour essayer de restituer le Chant des Arvales 22. Elle existait aussi bien chez les Grecs 23 que chez les Romains. Ainsi s'explique, par exemple, une faute comme AOIfEIg pour AOITTOIl'µ, le graveur a cru voir un 6 lunaire sur son modèle, ou flOl pour MOI'', le M se rapprochant souvent du j sur les papyrus. J'ai réuni dans le tableau de la page suivante quelques erreurs de lapicides romains : la transcription en cursives de la forme correcte et celle de l'erreur permettra de saisir la cause de celle-ci (fig. 4074). Enfin un troisième genre d'erreur, qui se rencontre surtout dans l'épigraphie latine, provient du fait qu'on remettait au lapicide un modèle contenant des abréviations et qu'il les développait à faux 26. Ainsi il lisait 11M • S S E • lI N S (Hoc monutnentum cive sepulcrunl INS 38 INS copie ainsi obtenue fut exposée soit au forum soit dans un temple z ; l'album des décurions de Timgad a été trouvé au milieu des ruines de la curie'. Il en était ainsi, en particulier, pour les décrets de patronat. Nous savons par leur libellé même qu'on en transcrivait deux copies sur bronze, l'une devant être gardée par la cité contractante, l'autre devant être affichée par le bénéficiaire dans son atrium ce que certaines fouilles heureuses auraient suffi à nous apprendre 6. Actes des corporations civiles ou religieuses. Les do cuments relatifs aux corporations étaient naturellement affichés dans le lieu de réunion de ces corporations : celui du collège de Diane et d'Antinous était gravé sué tetraslylo Antinoi, parie interiore', ce qui n'avait pas empêché de le graver une seconde fois dans le bain public où les quinquennales devaient fournir de l'huile à leurs confrères les jours de fête'; les fastes des collèges funéraires figuraient sur le monument qui leur appartenait et en vue duquel ils étaient constitués 9 ; les règlements des collèges militaires ont été retrouvés sur des bases demi-circulaires, qui garnissaient l'abside de la Scola 10, ou sur des stèles déposées dans un temple t' De même, en Grèce, les décrets des assemblées collégiales se gravaient sur stèle et s'exposaient dans l'enceinte sacrée, lieu de réunion des associations 12. Parmi les collèges religieux, il n'est pas besoin de chercher longtemps pour trouver des exemples. Tout le monde sait que le collège des Arvales [ARVALES], dont les réunions avaient lieu dans le bois sacré et autour du temple de la Dea Dia, à cinq milles de Rome, au sud-ouest, a laissé sur le stylobate même du temple et sur les autres constructions du bois sacré, tous les procès-verbaux de ses réunions depuis Auguste jusqu'à Gordien ". Actes privés. Les documents originaux de cette nature étaient écrits sur tablettes ou papyrus; mais comme il n'y avait pas lieu de les faire connaître au public, on n'en gravait des copies sur pierre ou sur bronze que dans des cas particuliers, lorsque les intéressés y trouvaient quelque avantage. Les Grecs, à cet égard, étaient moins économes que les Romains ; ils aimaient à placer leurs conventions privées sous la protection de la divinité et en déposaient des exemplaires autour des temples : il suffit de rappeler cette nombreuse suite d'actes d'affranchissements qu'on a relevés dans l'enceinte sacrée de Delphes' '. Nous ne possédons rien de tel dans l'épigraphie romaine. Par contre, à Rome même ou en Italie, nous avons conservé le texte de plusieurs testaments' ou donations16, à la suite d'épitaphes provenant de tombeaux riches et soignés. Ir Ir' INS 39 ---INS Documents religieux. rC'est dans Ies temples et dans leurs dépendances que l'on gravait les inscriptions religieuses : elles abondaient dans les sanctuaires, dans les enceintes sacrées, autour des autels isolés, écrites sur les murs ou sur de petits monuments, surtout sur des stèles. A l'entrée, on affichait le rituel du culte', les relations des miracles opérés par le dieu2, les avis destinés à éclairer les fidèles sur les conditions imposées aux adorateurs la liste des jours de fêtes où certaines cérémonies devaient être accomplies''. Dans le péribole, et le long de la voie sacrée qui y donnait accès, étaientrangées les stèles votives, les piédestaux de statues divines ou iconiques, les autels, les offrandes de toute sorte. On en plaçait d'autres dans le pronaos ou dans l'opisthodome, d'autres dans la cella; c'est là surtout qu'on disposait les ex-voto, les accrochant au mur ou aux colonnes. Les exemples sont innombrables, et il suffit de lire la description des sanctuaires célèbres de la Grèce, comme Delphes ou Olympie 6, pour se rendre compte du nombre et de la variété des documents religieux épigraphiques qu'ils contenaient. Le monde romain nous offrirait aussi aisément des analogies L'area du Capitole à Rome et sa cella étaient remplies d'autels, de statues de divinités ou de personnages historiques, de trophées, de boucliers, de tablettes rappelant les grandes victoires de la République, etc. '.,Veuton un exemple beaucoup moins ambitieux? On a fouillé en 1887, à Ostie, la caserne des vigiles, et l'on y a découvert une petite chapelle consacrée au culte des empereurs. Le fond en était garni d'un banc où l'on a trouvé encore en place six piédestaux qui supportaient autrefois des statues impériales; d'autres étaient placées de chaque côté de l'entrée° (fig. 4076). On trouvera à l'article DoNARIUM de nombreuses représentations d'offrandes religieuses, dont un grand nombre portent des inscriptions ; il est même question, dans un paragraphe spécial, de-ces inscriptions10. Un détail curieux à noter, à propos des textes épigraphiques accumulés ainsi dans les enceintes sacrées, c'est qu'ils ne sont pas toujours gravés sur des monuments spécialement destinés à cet usage. Pour éviter l'achat de stèles ou de morceaux de marbre, il arrivait que le particulier ou la communauté qui désiraient placer leurs conventions soufi la protection du dieu et cela se rencontre surtout pour les actes d'affranchissement ou les décrets de proxénie se servaient soit d'un pan de mur, soit des parties restées libres sur un autel après la gravure d'une première inscription. Ainsi le mur pélasgique de Delphes (voir la fig. 4077) a été poli plus ou moins parfaitement par ceux qui voulaient y graver des actes d'affranchissement". A Oropos, on a trouvé des bases de.statues où avaient été gravés postérieurement des décrets de proxénie; à l'époque romaine on alla plus loin; on effaça la dédicace de la statue primitive pour y substituer une autre dédicace appropriée à la nouvelle statue qu'on plaça alors sur la base ; mais on ne toucha pas à la signature d'artiste qui se rapportait à l'ancienne 12. A Orchomène, un autel circulaire dédié à une divinité a reçu dans la suite quatre actes de consécrations d'esclaves à Serapis et à Isis13. De même, à Rome, les frères Arvales avaient commencé par inscrire leurs procès-verbaux sur les murs du temple de la Dea Dia ou sur le stylobate; à partir du commencement du me siècle, on profita des espaces vides laissés entre les anciennes inscriptions pour en ajouter de nouvelles ; quand la place fit de nouveau défaut, on utilisa les autres constructions du bois sacré , des sièges, des bancs, des tables". C'est la même considération qui a con duit les fidèles et les pèlerins à tracer à la pointe ou au charbon leurs for mules d'adoration ou de prières sur la muraille des sanctuaires qu'ils visitaient. Inscriptions gravées sur les édifices publics. La cou turne d'indiquer par une inscription tracée en grands caractères le nom de celui qui a fourni l'argent pour la construction d'un édifice et la nature de l'édifice, ne semble pas avoir été très répandue dans l'antiquité grecque. Deux exemples assez anciens en sont fournis l'un par le portique des Athéniens à Delphes 1"' (fig. 6077), le second par un temple de Diane à Syracuse 16. Il est remarquable que dans l'un et l'autre cas l'inscription se développe sur la marche supérieure des degrés qui permettent d'accéder à l'édifice, mais on ne semble pas à la même époque avoir pratiqué l'usage d'inscrire ces sortes de renseignements sur l'architrave du monument. Il faut ver les premiers exemples Pergame. Deux portiques,lasioaduroiAttale II à Athènes (fig. 4078 , et le portique du péribole du temple d'Athénê Polias à Pergame, présentent une inscription gravée sur l'architrave au-dessous des triglyphes'. A partir de cette date, les exemples s'en multiplient' et les Romains ne connaissent pas d'autre façon de procéder. C'est sur l'architrave que se lit la dédicace du temple de Vespasien et du temple de Saturne, à Rome', celle de l'arc d'Orange' (plus haut, fig. 4070), celle du portique d'Octavie'. Rarement, on frise (Panthéon d'Agrippa temple du N~, ü'1t~i~Y ~ 1111 u ,,„111'l'\'\\ descendre à une date relativement récente pour en troucertains, à l'âge des rois de remonte jusqu'à la Capitole, à Dougga1), sauf sur les arcs de triomphe oit l'on utilise pour l'inscription soit la frise (porte de Nîmes, arc de Ilaïdra, arc d'Hadrien à Athènes, arc double de Saintes, arc de Trajan à Mactar), soit l'attique (arc de Titus [fig. 4079], arc de Septime Sévère, arc de Constantin à home, arc d'Auguste à Rimini, arc de Trajan à Ancone, arc de Trajan à Timgad, en Afrique"). Souvent, surtout quand l'inscription rappelle la construction d'une partie seulement de l'édifice, celle-ci est placée audessus d'une porte sur le linteau. Je citerai comme exemple choisi entre mille, une porte du théâtre de Dionysos à Pergame" (fig. 4080), la porte d'entrée de la cella du Capitole de Dougga, en Afrique 10, celle du portique d'Eumachie à Pompéi 11, qui répétait l'inscription gravée sur l'architrave du portique l'. L'inscription de la porte de la citadelle de Madaure (époque byzantine) 1' est placée, non plus sur le linteau, mais au-dessus de l'arc de décharge qui le surmonte (fig. 4081). Inscriptions honorifiques. Les inscriptions honori fiques et de cette catégorie nous excluons ici les documents, comme décrets du sénat, ou décisions publiques destinées à honorer un citoyen ou un prince, dont il a été parlé ailleurs c'est-à-dire, somme toute, les dédicaces de statues, se plaçaient, comme il est naturel, sur la base même de ces statues, soit sur la partie horizontale de iiiii _7_1 .1 7-7 iII {I s1 i .dfti illi l'I i _ _ Il Î lil,l~, s API TI1).NOEO4't%iiiEOEn13AYPlO Tu oAYKAE I Toi E no1HE r-s Fig. 4080. Linteau de porte du théâtre de Pergame. 1NS -5!1INS cette base', devant les pieds (fig. Ii082), soit sur la face; là elles pouvaient -être gravées directement, ou tracées sur une tablette de bronze qu'on fixait à la pierre'. Quand elles étaient très longues, elles envahissaient la corniche, la plinthe et parfois les côtés du piédestal'. Si l'on avait affaire à un buste, reposant sur une console, peu propre à recevoir une inscription, à un hermès, ou à une statue placée dans une niche, l'inscription se traçait sur l'hermès', sur le socle du buste ', ou sur le mur au-dessous de la niche : tel fut le cas par exemple pour certaines statues du forum d'Auguste 6. 1l a été question ailleurs de ces inscriptions honorifiques ILLOCIUn1]. Disons, à cette place, que les statuaires gravaient leurs signatures à différents endroits', sur la face antérieure de la base de la statue, généralement; mais aussi sur le côté sur la surface horizontale 0, dans les cannelures des colonnes servant de base t0, sur une partie de la statue" et, à une époque postérieure, sur la plinthe 12. Inscriptions funéraires. La place des inscriptions funéraires dépendait essentiellement de la forme des tombes ou des monuments funèbres. Nous ne pouvons entrer ici dans de longs développements à ce sujet; on les trouvera à l'article SEPULCRU3I ; nous nous bornerons aux renseignements tout à fait essentiels. 'Voir par exemple, Olympia, V, n°' 1-46 â 118; 154 à 160, 163 à 165.2 C. roser. gr. 387, 390, 1897. 3 Le marbre de Thorigny, Desjardins, Géogr. de la Gaule, III, p. 201, contient une inscription sur la face du monument, une sur le côté droit et une sur le côté gauche. 4 Voy. ai.ommr, fig. 2615. 5 Cf. Ibid. fig. 2644. 6 Laueiani, Bull. coin. 1889, p. 73; Bormann, Ibid. p. 481 ; Wilson, C. i. lat. 1, 2, p. 187. -7llirschfeld, Tituli stat+variorum seulptorumque,graeeorum; Loewy, Inschriften yriechiseher Bildhauer. 8 Loewy, Op. cit. na' 11, 12, 16. O Ibid. 0" 33, 37, 65, 91, etc. 10 Ibid. n" 5, 6, 18, 25. 11 Ibid. n. 3, 128, 329, 33'1. 12 Ibid. n°' 292, 293, 331. 13 Stackelberg, Die G,hber der Ilellenen, pl. 1, Sur les stèles (colonnettes ou blocs rectangulaires}dont la forme a varié avec les temps, l'épitaphe, prend place aisément, soit au milieu du monument s'il n'y avait pas de représentations figurées, dans le cas contraire soit au dessus 13, soit plus souvent au-dessous du bas-relief ou des ornements 14, soit même à la fois audessus et au-dessous''. Sur les autels, elle occupait la face antérieure, comme les dédicaces aux dieux, soit qu'elles fussent gravées sur l'autel même 1e, soit qu'elles fussent encastrées dans la maçonnerie 11. Si le corps était incinéré et que les cendres fussent déposées dans des urnes, il y avait deux façons de tracer l'épitaphe, ou bien sur l'urne même (à l'outil ou au pinceau) 1S, ou bien sur la paroi du mur où l'urne était déposée, ou encore sur une plaque fixée à ce mur. C'est ce qui se passait, en particulier, dans les columbaria où chaque loculus était accompagné d'une épitaphe qu'il surmontait ou dont il était surmonté" [coLuoIBAluunl]. Le corps était-il inhumé sans incinération, il était souvent placé dans un sarcophage ou enfermé dans un caveau que l'on murait; en ce cas on écrivait l'épitaphe sur la face du sarcophage2', parfois dans un cartouche à queues d'aronde 21, dans un cartouche circulaire 22, dans une couronne 23, ou sur une des dalles qui servaient à fermer le caveau, on sait combien ce procédé fut employé aux basses époques dans les cryptes des catacombes 24 L'usage de placer l'épitaphe sur une dalle tombale horizontale, recouvrant la sépulture, remonte aussi à la période chrétienne 211. C'est également l'époque où l'on voit employer la mosaïque pour les inscriptions funé pl. 1v; Catalogue sommaire des marbres du Louvre, n" 41, 100. 1 % Ib. no' 29, 158, 161, 165, 207, 210, 220, 221, etc.; Petersen et von Luschau, Reisen in Lykien, fig. 40. 15 C. irise. Sic. et Ital., 1942. 16 C. i. gr. 2545, 2550, 2310. -17 C. i. 1. VIII, p. 1302. 13 C. i. gr. 552, 915, 934, 974, 1008, 1009. 19 Cf, dans ce Dictionnaire, 1, fig. 1740 et s. 20 C. i. gr. 926, 1024, 1816, 3029; Calai. sommaire des marbres du Louvre, n°° 279, 282, 2010. 21 lb. 307, 308. 2216. 350. 23 Clame, I1, pI. 129, n° 224. 21 De Bossi, hase. christ. urbis Remue, n•' 55, 58, 75, 77, 81, 86, 90, 116, 165, 291, 581, etc. 23 Le Pilant, Manuel d'épie. chrél. p. 200 et suiv.; Corp. biser. lat. VIII, 11616 et suiv. INS 542 INS mires', ou bien encore où l'on a l'idée de cacher l'épitaphe en l'écrivant sur la face intérieure du couvercle du sarcophage, sur la dalle qui en forme le fond, sur une plaque que l'on y disposait'. Mais la tombe pouvait recevoir des proportions monumentales. Elle pouvait, par exemple, affecter la forme d'un grand autel reposant sur une large plate-forme à laquelle on accédait par des degrés ; les beaux tombeaux de Pompéi ou de la voie Appienne peuvent nous servir de type: l'inscription se développe généralement sur la face de l'autel'. Elle pouvait prendre les proportions d'un mausolée à deux étages, le premier servant de soubassement, le second formé d'une niche avec statue ou affectant la forme d'un temple '; l'épitaphe dans l'un et l'autre cas était tracée de préférence sur le soubasse ment' fig. 4083). Elle pouvait présenter l'aspect soit d'une tour ronde, tel le sépulcre de Caecilia Me Lena, de Munatius Plancus ou le mausolée d'Hadrien, soit d'une pyramide, tel le tombeau de Cestius :l'inscription funéraire occupait alors un espace plus ou moins étendu sur la face antérieure Enfin si l'épitaphe ou les documents dont on la faisait suivre demandaient un grand développement, il fallait trouver quelque procédé pour leur donner place. On les gravait alors sur quelque monument annexe. C'est ce quel'on fit pour le mausolée d'Auguste : de chaque côté de l'entrée se dressaient deux piliers de bronze portant l'index remua gestarum 8. Un autre procédé consistait à couvrir le monument d'écriture jusqu'à ce qu'on eût épuisé la série des pièces à graver. Ainsi avait-on fait pour l'héroon d'un citoyen de Rhodiapolis, nommé Opramoas, lequel avait tenu à voir figurer sur son tombeau soixante-quatre documents qui le concernaient: douze lettres d'empereur, dix-neuf lettres de gouverneur, et trente-trois décrets honorifiques 9 (fig. 4084). VI. DESTINÉE DES INSCRIPTIONS. Le nombre des in scriptions grecques etromaines que nous avons conservées est considérable: en le fixant à 200 000 nous serons en dessous de la vérité. Cependant, et c'est une banalité de le dire, celui des inscriptions que nous avons perdues est encore bien plus important. Leur destruction a commencé dès l'antiquité. Elle a été l'oeuvre des événements bien plus que de la malveillance humaine. Les catastrophes naturelles, les guerres, les incendies sont les grands coupables. Thucydide raconte qu'après la seconde guerre médique on utilisa pour la reconstruction des murs d'Athènes toutes sortes de monuments et en particulier des stèles funéraires". Ce n'est évidemment pas la seule ville où les choses se soient alors passées de la sorte. Plus tard, dans la lutte entre la Macédoine et Rome, Philippe fit brûler les temples en Attique et brisa même les pierres afin d'empêcher qu'on s'en servît". Nous avons dit plus haut que, lors de l'incendie du Capitole, à l'époque de, Vespasien, le feu détruisit trois mille tables de bronze épigraphiques qui y étaient rassemblées "Al y eut en Afrique, en 267, un grand tremblement de terre qui semble avoir bouleversé plus d'une ville 73. Le camp légionnaire de Lambèse en souffrit tout particulièrement ; il fallut en relever les édifices et spécialement le praetorium. On employa pour cette réédification toutes les pierres que l'on avait sous la main, bases votives ou honorifiques, listes militaires, etc.''. Au ni° et au ive siècle, quand les villes de Gaule se sentirent menacées par les invasions des Barbares, les habitants, qui avaient vécu jusque-là en toute sécurité, songèrent à s'entourer de remparts ; ils étaient pressés par le temps, ils prirent ce qu'ils avaient sous la main, les inscriptions aussi bien que les sculptures, et les enfermèrent, comme autant de matériaux de construction tout taillés, dans leurs fortifications hâtives, où nous les retrouvons peu à peu. Ainsi se sont bâtis les remparts d'Arlon et de Tongres", ceux de Saintes "G, ceux de Bordeaux17, ceux de Sens, de Bourges, de Dijon, de Périgueux, etc. ". Le même fait se produisit deux siècles plus tard en Afrique lorsque les Byzantins couvrirent le pays de forteresses, après en avoir chassé les Vandales : les murs qu'ils élevèrent alors et qui subsistent encore en partie de nos jours sont entièrement faits de morceaux empruntés et surtout d'autels ou de bases portant des inscriptions". L'histoire monumentale de la ville de Rome pourrait fournir bien des détails analogues 20 . Mais la ladrerie, la sottise ou la malveillance des M 543 INS hommes ont aussi leur part dans la destruction des textes épigraphiques. Il arrivait fréquemment en Grèce à l'époqueromaine que, par économie, on martelait des dédicaces antiques pour les remplacer par do nouvelles inscriptions comme on transformait les statues pour leur faire représenter les héros du jour que l'on voulait ho norer 1. Parfois on ne prenait même pas la peine d'effacer le texte auquel on n'attachait plus d'importance. On en écrivait un autre par-dessus l'ancien', ou l'on retournait la pierre la tête en bas de façon à se servir de la partie restée libre au-dessous de la première gravure 3 ; ou bien encore on utilisait les faces latérales de la pierre', souvent aussi la face postérieure Nous avons déjà parlé plus haut de tous ces détails. Cette pratique a été suivie également dans le monde romain pour les inscriptions latines G. Rien n'était plus aisé, lorsqu'on se trouvait en présence d'une plaque de marbre encastrée dans quelque monument ; on gravait au revers quelque ex-voto ou quelque épitaphe, et l'on cachait dans la maçonnerie le côté qui auparavant était exposé aux yeux. Les exemples sont très nombreux dans l'épigraphie chrétienne 7. A de semblables procédés, il ne faut chercher d'autre cause que le désir de se procurer au moindre prix possible la matière nécessaire à la gravure d'une inscription. Voici où apparaît la malveillance et la cupidité. Il arrivait, semble-t-il, assez souvent que l'on brisât les tombes pour les violer et y chercher des trésors que l'on n'y trouvait guère B ou que l'on effaçât l'inscription d'un monument funéraire pour faire disparaître par là toute trace de propriété du défunt et pour s'emparer du terrain'. De là ces menaces que contiennent les épitaphes contre ceux qui viendraient troubler le repos du mort et le chasser de sa sépulture le : « Qui floc titulum sustu lerit, habeat iratas umbras qui hic positi sunt 11 t » D'autres fois, on brisait ou on effaçait les monuments épigraphiques par haine politique. Démosthène se plaint dans un de ses discours qu'on ait détruit volontairement un décret que les fait graver en son honneur 12. Tite Live rapporte un fait analogue : les Athéniens, après la défaite du roi Philippe, décrétèrent que ses statues et les bases avec inscriptions qu'elles surmontaient seraient anéanties 13. La chute de Séjan, le favori de Tibère, fut suivie d'une mesure semblable; le peuple renversa toutes ses statues et n'épargna son nom sur aucun des monuments où il était inscrit 1:. Chaque fois qu'un empereur tombait, victime de la révolution, pareilles scènes se reproduisaient à Rome et même dans le reste de l'Empire. En pareil cas, pourtant, on ne faisait pas toujours disparaître le monument sur lequel son nom figurait; on se contentait d'effacer ce nom au ciseau"; ou bien on laissait l'espace en blanc comme une marque d'éternelle réprobation, ou bien on gravait à la place une phrase quelconque destinée à masquer imparfaitement le vide. Ainsi, sur une inscription de Pompéi" où on lisait primitivement : Ti. Cnsare, Aelio Sejano (consulibus), on a gravé Ti Caesare Aug. V. (consule). Sur l'arc de Septime Sévère, au forum, les Romains avaient écrit, tout d'abord, en lettres de bronze scellées dans la pierre, à la quatrième ligne, à la suite des noms de Septime Sévère et de Caracalla, ces mots, qui se déchiffrent encore grâce aux trous de scellement subsistant dans le monument : et P. Septinlio Getae nobi M£DiOM.CIV 1 , M . P INS -5II Ii1 S lissi,no Caesari. On les martela ensuite et l'on écrivit p. p. optiniis forlissimisque principibus '. Réciproquement, lorsqu'un décret de déchéance avait été rendu contre un personnage, s'il y avait lieu de le rapporter, on en effaçait le souvenir en détruisant les inscriptions qui en faisaient foi ou en regravant les noms martelés sur les monuments. C'est ainsi que disparut le décret qui avait été rendu contre Alcibiade, condamné à l'exil 2; c'est ainsi, également, qu'on récrivit les noms de l'empereur Commode, après que Septime Sévère eut réhabilité sa mémoire Le fanatisme religieux ne fut pas moins fatal aux inscriptions que le fanatisme politique. On sait que les chrétiens n'épargnaient pas les monuments de la religion païenne et que leurs inscriptions furent, à leur tour, brisées en mille pièces par l'hérésie ou la barbarie triomphante 3. La destruction des monuments épigraphiques se continua, du reste, pendant tout le moyen âge. Les inscriptions sur métal disparurent les premières, à cause de leur valeur, lors des invasions qui mirent fin au monde antique; depuis lors, les restes des édifices ont été traités comme des carrières, of' l'on n'a cessé de puiser pour trouver des pierres de taille, du calcaire facile à convertir en chaux et même de la caillasse. Ceux qui ont employé les bases de statues et les stèles funéraires dans la construction de murs et de maisons sont encore ceux qui ont le plus respecté ces témoignages de la vie antique. ignorants causaient un préjudice considérable à la science en détruisant les inscriptions existantes, les savants ou ceux qui se croyaient tels n'hésitaient pas à lui en causer un autre en fabriquant des inscriptions fausses. Cette fraude remonte jusqu'à l'antiquité. On at ait'.u des \illes ou les particuliers recourir à des textes épigraphiques apocryphes pour soutenir leurs prétentions ou leur vanité 6. Pausanias raconte sans trop y croire que les Phénéates lui montrèrent une pierre épigraphique contenant des instructions adressées par Ulysse 'roiq -otl z(vouat Tâç 'i77 7rcuç 7; il est évident qu'elle n'était pas plus authentique que celle du lit d'Alcmène, mentionnée par le même auteur 8. Les Messéniens, pour gagner un procès qu'il avaient engagé devant le sénat romain contre les Lacédémoniens à l'époque de Tibère, produisirent un acte, gravé sur de vénérables monuments de pierre et d'airain et relatant un ancien partage du Péloponnèse entre les descendants d'Hercule 9. Les critiques n'y ont pas ajouté autant de foi que les sénateurs; ils se contentent d'excuser le procédé en l'appelant une « pieuse fraude » f0, La même épithète ne convient pas aux inventeurs d'inscriptions de la renaissance ou des temps mo dernes. Ce n'est pas la piété qui les faisait agir ". Les uns voulaient se donner la gloire d'enrichir la science par des découvertes importantes; tels ceux qui nous ont révélé le texte du sauf-conduit accordé par César à Cicéron pour lui permettre de rentrer en Italie ", l'épitaphe du tombeau qu'Hannibal fit élever à Paul Emile après la défaite de Cannes 13, ou celle de Tullia, femme de Cicéron u. D'autres, à bout d'arguments pour soutenir une thèse historique, trouvaient, dans une falsification, un moyen aisé de convaincre leurs adversaires'". Quelques-uns pensaient apporter par là des preuves indéniables de l'antiquité de leur ville natale 16 ou de leur famille. Cette manie fut celle de Lupoli, évêque de Venouse 17. Certains, enfin, ne voyaient dans ces inventions qu'un jeu d'esprit, un passe-temps d'érudit, ou même une plaisanterie qui ne tirait point à conséquence. Le plus célèbre de ces faussaires est Pirro Ligorio f8. Il ne se contenta pas de transcrire sur le papier des inscriptions fausses, il en grava un grand nombre sur la pierre 19, Il eut pour émule, en Italie, Pratilli de Capoue 20, Corsignani 21, Antonini 22, Pollidori 23, Lupoli" et Il omanelli ". Chaque pays a possédé, du reste, plus ou moins son Ligorio. L'Espagne produisit Higuera26 et Trigueros2i, le Portugal Resende 28, la France Boissard de Besançon", Grata de Bar-le-Duc 30, Graverol de Nîmes 31, Fauris de Saint-Vincent d'Aix 32, Baumesmil de Limoges 33, pour ne parler que de ceux qui sont morts depuis longtemps 34, l'Allemagne Gutenstein 36. Toutes les inscriptions fausses ou suspectes sont aujourd'hui signalées et publiées avec pagination spéciale en tête des différents tomes du Corpus. Les progrès de la science épigraphique ont fourni des moyens à peu près infaillibles de les reconnaître. La tâche est surtout aisée quand la falsification a été reproduite sur pierre T .C©ELIO T 1.F.CELER '1 ACV . A M IC. L 1G.1 .3p ou sur bronze, comme il est arrivé, par exemple, pour Ligorio ou pour Boissard. La figure 4085 reproduit une plaque qui faisait jadis partie, à Metz, de la collection de Jean Aubry, beau-frère de Boissard, et qui est conservée aujourd'hui au musée de cette ville S6. L'aspect seul du monu ment avec le croissant qui le surmonte, la forme des lettres, la façon don' elles sont creusées, comme à la gouge, au lieu d'être gravées au ciseau,"et taillées en INS 54,5 INS angle, la place des points sur la ligne, sans parler de la rédaction du texte même, suffisent àle condamner. On pourrait citer bien d'autres inscriptions plus grossièrement gravées encore que celle-là'; mais cet exemple suffit pour indiquer par où les mystifications de cette sorte se trahissent_ Quant aux règles à suivre pour la critique des inscriptions suspectes, ce n'est pas le lieu de les exposer ici 2. II faut se garder de confondre ces inscriptions faites de toutes pièces, avec certains textes antiques qui, étant à moitié effacés, ont été regravés plus profondément à une époque moderne. M. Ilübner en a cité quelques exemples °, parmiles pierres de Cordoue ',Vérone°, Duna-Pentele 6, etc. Cette pratique est aussi condamnable que celle qui consiste à passer les lettres à la couleur rouge, pour en rendre la lecture plus aisée au public des musées. R. CAGNAT.