Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article INSTITOR

INSTITOR. Personne préposée à un commerce pour le compte d'une autre, soit dans un lieu fixe où les mar chandises sont conservées [INST1TOnIA ACTIO], soit en les colportant'. E. S. INSTITORIA ACTIO. Action ((zctin llonoraria), donnée par le droit prétorien [ACTIO, rRAETORI contre le père ou le maître qui avait préposé à un commerce son fils en puissance ou son esclave, à raison des obligations contractées par ce dernier dans ce négoce'. Le nom de cette action vient du préposé institor, placé à la tête d'une entreprise commerciale quelquefois une boutique ou une taverne (taberna officina) annexée au palais ou à la maison d'un grand. Les marchands en gros eux-mêmes (inercatores magnarii ") devaient recourir à l'emploi de facteurs ou agents, et les prendre de préférence parmi leurs fils de famille ou leurs esclaves, auxquels ils donnaient le mandat d'accomplir tous les actes relatifs à ce commerce'. [On pouvait prendre des filles ou des femmes. Nous savons que les boutiques étaient confiées le plus souvent à des jeunes gens, garçons ou filles 6. L'institor était donc juridiquement le mandataire chargé d'une suite d'opérations commerciales et qui devait réaliser des bénéfices pour le compte du mandant. C'est en cela qu'il différait du simple pvorurator]. Le mandat spécial confié à un mandataire donnait lieu à l'action prétorienne quod jussu contre le mandant Le même principe fit concéder contre le préposant l'action instiloria, au tiers qui, en traitant avec l'institor, avait suivi la foi du maître, comme si le traité avait eu lieu avec lui, eadem ratione 8. Quant à un acte de commerce isolé, le préteur donna plus tard une action analogue établie par extension, ad exemplum institoriae °, qui finit par s'appliquer à toute négociation, même non commerciale, faite avec le préposé '°. C'était l'intérêtmême dupère de famille qui avait invité le préteur à introduire les actions QIJOD V. romain primitif, qui n'admettait pas le principe de la représentation], si le père de famille profitait des créances acquises par les personnes placées sous sa puissance ", il n'était pas tenu en général des obligations civilement contractées par le fils de famille in potestale, ni de celles que l'esclave ne pouvait former d'après le droit civil [OBLIGATIO, sERVUS]. Mais pour que le préposé, fils en puissance ou esclave, eût du crédit, il fallut que le préteur permît d'agir contre le père de famille à raison des dettes du fils", ou de celles de l'esclave, quand elles avaient pour cause le commerce qu'il leur avait donné mandat de faire. [Cette innovation du préteur remonte certainement à la République, puisque l'action institoria se rencontre chez les jurisconsultes Servius et Labeo'3. Elle était d'autant plus utile que le mépris traditionnel des Romains pour le commerce obligeait les gens de qualité à employer des mandataires de ce genre.] Sous ce rapport, le préteur a donc regardé l'esclave comme capable de s'engager'', de manière à donner action contre le maître; c'est par ce motif que le préposant fut considéré par l'édit prétorien comme pouvant être poursuivi par l'action du contrat passé avec l'institor. Il fallut naturellement modifier la formule de l'action par une addition (edjectio), ou une correction, qui a fait donner à ces actions par les interprètes le nom d'actions adjectitiae qualitatis. L'intentio est relative à la personne du contractant en supposant la liberté chez l'esclave, mais la condemnatio de la formule est dirigée contre le préposant '°. [Nous n'avons pas le texte exact de la formule ainsi modifiée 'a. Une des reconstitutions plus probables est celle de Lendl': « Quod A" A"" de Lucio Titio, cutn is a IV° A'° tabernae instructae praepositus esset, decera pondo olei omit, cui rei Lu' 7''L" a N° IY° praepositus erat, quudquid obeam rem LnnT'""A°A° dace facere oportet ex fide bona, ejus judex N"'n 11''um A° A° condemna; si non paret, absolve. » On voit que l'action donnée au moyen de cette formule rentre dans la catégorie des actions indirectes, puisqu'elle n'atteint le chef de famille que pour des actes qui ne viennent pas de lui directement. L'exercice de l'action institoria suppose une investiture régulière du préposé par le préposant ; les pouvoirs généraux conférés au préposé constituent ce que certains textes appellent la lex ou la conditio praepositionis, qui doit être affichée en permanence à la porte de la boutique et rédigée dans la langue de l'endroit en termes suffisamment clairs pour renseigner exactement les tierces personnes '8.] Le préposant n'est tenu régulièrement que des obligations relatives au négoce dont l'institor a été chargé 79; s'il y a plusieurs préposants, ils peuvent être attaqués pour le tout, in solidum. [Mais celui qui acquitte l'obligation entière a recours contre les autres par une des actions pro socio ou communi dividundo 20.] L'action 69 INS 646 IiN S institoria n'est pas donnée quand le préposé a évidemment excédé les limites de son mandat', ni quand le préposant est un esclave 2 [ou un fils de famille], à la différence de ce qui se passe dans l'action exercitoria. En outre, le préposant n'est pas lié à raison des contrats passés par celui que l'institor se serait substitué dans l'exercice de son commerce 3; il en est autrement toutefois quand le tiers a traité avec les apprentis de l'insti[or, discipuli t. [Le préposant est-il tenu aussi des délits et quasi délits commis par l'inslitor? Il y a des controverses sur ce point ; cependant les jurisconsultes paraissent avoir admis la responsabilité du préposant, à la condition que les faits délictueux fussent en rapport étroit avec les fonctions de l'institor5. L'action institoria jouit de la perpétuité, tant active que passive ; elle se donne pour et contre les héritiers.] Le droit prétorien concéda plus tard l'action institoire, alors même que le préposé était un homme libre, non en puissance du préposant C'était une grave dérogation au principe du droit civil romain en vertu duquel le mandataire en général devait bien compte au mandant, mais ne le représentait pas juridiquement à l'égard du tiers [SIANDATUDI]. Le principe de la non-représentation fut même en grande partie éludé au moyen d'une action ulilis institoria concédée par le préteur contre le mandant à celui qui avait traité avec un mandataire ordinaire. [Papinien paraît être entré le premier dans cette voie et son opinion fut acceptée par Ulpien et Paul.] On accorda donc une condictio utilis, en cas de mandat ou de stipulation, une action utile empli ou ex empto ou venditi, s'il y avait eu vente, etc. 7 ; en un mot l'action mérite du contrat étendue utililalis causa contre le mandant. Bien plus, Julien et Paul admirent une condictio direcla contre celui qui, en traitantavec un instilor, avait suivi la foi du préposant' et ce système fut consacré par les Institutes de Justinien', attendu qu'il y avait ici res credita 1 °. [La condictio dit cela a-t-elle remplacé absolument les actions originaires? Cette question est controversée. En tout cas la vieille règle de la non-représentation n'a jamais complètement disparu ; et la personne du représentant n'a jamais été mise hors de cause ". Quels ont été d'autre part les recours accordés au préposant contre les tiers? L'action institoire n'avait été créée à l'origine qu'en faveur des tiers créanciers ; il fallait cependant sauvegarder les intérêts du préposant. Si le préposé était sous sa puissance, il acquérait naturellement les actions mêmes du contrat ; mais dans les autres cas le préposant ne pouvait atteindre directement les tiers débiteurs; ce fut pour cette raison que les jurisconsultes finirent par lui accorder une action utile ; ce fut au moins la doctrine d'Ulpien et de Marcellus f2; mais Paul ne voulait accorder l'action utile que cognita causa13, et cette restriction paraît encore exister dans le