Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article INTERDICTUM

INTERDICTUM. Ordonnance rendue, en termes solennels, par laquelle un magistrat, comme le préteur ou son autorité supérieure [IDIPERIUII], commandait à un ou à plusieurs particuliers, dans l'intérêt de la paix publique, INT -55'7INT de faire ou de ne pas faire quelque chose L'étymologie du mot interdictum était déjà controversée chez les anciens; suivant les uns, ce terme dérive de edictum inter duos, parce qu'il serait une application, pour la cause de certaines personnes seulement, du droit d'émettre des ordonnances ( jus edicendi) 2 ; suivant Isidore 3, il indiquerait une sorte de règlement provisoire (de interim), mais cela n'est pas toujours vrai; à notre avis, interdictum dérive de interdicere, parce que les interdits prohibitoires sont les plus anciens', comme on le verra bientôt. [On a fait de nombreuses hypothèses sur la naissance des interdits. La théorie d'après laquelle ils auraient été créés pour constituer une voie plus sommaire et plus rapide que les actions, est évidemment fausse, car on va voir qu'ils donnent souvent naissance à une procédure compliquée, Savigny a vu l'origine des interdits dans la nécessité de protéger les concessionnaires de rager publicus. Cette théorie suppose que les interdits possessoires seraient nés les premiers, ce qui est inadmissible, et d'autre part il est peu vraisemblable que les patriciens, détenteurs de ces terres, aient jamais eu besoin de cette protection du magistrat. On a cru aussi que les interdits avaient eu pour but primitif de combler les lacunes du droit. Cette opinion est peu soutenable. Comment croire qu'à aucune époque la loi ait jamais autorisé implicitement, en ne les soumettant à aucune répression, par exemple les attentats à la liberté de l'individu, la dégradation des voies publiques? Le magistrat a dû pouvoir de tout temps réprimer certains abus dans l'intérêt de la paix publique, en usant de son imperium d'après des principes généraux établis par les lois', puis autoriser par son intervention une procédure que la loi seule n'aurait pas permise. C'est ainsi, par exemple, qu'un citoyen a pu réclamer la mise en liberté d'un homme libre, alors que la loi ne l'autorisait pas à employer l'action ad exhibendum, puisqu'il n'avait pas d'intérêt pécuniaire dans celte affaire. Cette intervention du magistrat est certainement très ancienne, car il y a déjà dans la loi des Douze Tables les dispositions sur lesquelles se fonderont les interdits de glande legendo et de arboribus caedendis 6. Les interdits ont donc sans doute été primitivement une adaptation de l'imperium du magistrat à la procédure civile pour suppléer en certains cas au défaut d'action.] Le préteur a dê intervenir d'abord dans les cas où l'exercice d'un droit importait à la sécurité publique, afin de prévenir les rixes, notamment en matière de jouissance de choses publiques (comme les places, les fleuves, etc.) ou en matière de simple possession 7, en prohibant toute voie de fait; plus tard, enhardi par le développement naturel du jus edicendi, il en vint à rendre des ordonnances pour prescrire une restitution ou une exhibition, et cos interdits impératifs conservèrent le nom générique, bien qu'on les appelle aussi plus spécialement décrets, decreta8. [Cicéron et Gaius ne tiennent pas toujours compte de la différence entre les défenses et les décrets°.] A l'origine, il est vraisemblable que le préteur intervenait seulement suivant les circonstances, en rendant oralement un interdit sur la demande des intéressés dans chaque cas particulier, sauf' ensuite, s'ils ne s'entendaient pas sur l'application à lespèce de cette ordonnance, à les renvoyer devant un juge ou un arbitre, ou des récupérateurs [IICCCPEHATORES] pour statuer sur l'action qu'il concédait en vertu de la violation prétendue de l'interdit10. Plus tard, le préteur annonça d'avance dans son édit les principaux cas où il concéderait un interdit sous certaines conditions 11 ; ce qui lie dispensait pas les parties de venir demander, pour la forme, la délivrance d'un interdit, s'il y avait lieu. Enfin ce préliminaire dut tomber en désuétude, peut-être même avant l'usage des formules, et on donna sur-le-champ l'action comme si l'interdit avait été donné. Sous Justinien et depuis l'abolition de la procédure formulaire (,judicia ordinaria) 12, probablement sous Arcadius et Honorius, les interdits sont remplacés par des actions utiles13 [ACTIO]. Sous le système formulaire, au contraire, les interdits différaient notablement des actions [JuflcIA]. D'abord ils étaient une source d'action puisqu'on pouvait réclamer une formule à l'occasion d'un interdit méconnu ou violé. Ensuite les interdits dérivaient uniquement de l'imperium du préteur, tandis que la base du droit de demander une action pouvait se trouver dans une loi, dans une disposition du jus civile proprement dit ou dans une constitution impériale, comme dans l'édit du préteur. En outre, le préteur interpose ici son autorité principalement, principaliter 1i, pour mettre un terme au différend, tandis qu'en matière d'actions, le magistrat n'intervient qu'au début, d'une manière accessoire, pour organiser le litige et nommer un juge qui prononcera. Mais, d'un autre côté, les interdits offrent avec les actions certaines analogies qui ont permis parfois de les comprendre sous cette dénomination prise dans un sens général" dans la sphère de la procédure ordinaire, jus ordinarium 16 [Dans le droit classique, tel que nous le rapporte Gaius17, si les interdits, en tant qu'ordres et défenses, appartiennen t à la cognitio extra ordinem, ils n'aboutissent cependant le plus souvent qu'en fournissant une base à la procédure ordinaire 18.] Bien que la formule de l'interdit, conceptio verborum, s'adresse aux parties et non au juge19, elle offre des analogies avec une formule d'action, car l'interdit renferme les bases de l'ordre conditionnel ou non, se rattachant à une question de droit ou de fait, par exemple : Si Lucius Titius in potes' ale, L. Tilii est ou quorum bonorunt ex edicto meo illi possessio data est, quod de his bonis pro herede aut pro possessore possides, possideresve si nihil usucaptum esset, etc. Il offre aussi des exceptiones, c'est-à-dire l'indication de cas ois l'ordre est réputé ne pas avoir été donné, par exemple quod neque vi neque clam neque precario a te possideret 20, ou quod tu prior vi hominibus armatis non veneris 21 ou qua de re operis novi nunciationem duumvir, quatuorvir praefectusve ejus municipii non remisera 22, ou nisi ripae tuendae causa factum sit, et plus tard sous la forme d'une simple négation de la condition de l'interdit, uti eas aedes nec vi nec clam nec precario alter ab altero possidetis, etc. 23 INT Mais il reste toujours cette différence capitale qu'en matière d'actions, le débat contradictoire devant le juge précède toujours la décision de celui-ci et l'ordre donné par le magistrat d'exécuter la sentence (ducere, etc.), tandis qu'en matière d'interdit, le débat suit la délivrance de l'interdit. Aussi, dans l'édit prétorien, les interdits sont proposés séparément des actions, et au lieu des dénominations générales d'Aulus Aegerius et de Numerius Negidius, insérées dans les modèles de formule pour désigner le demandeur et le défendeur, on emploie ici Lucius Titius ou ille, et, pour indiquer le fait de se pourvoir contre quelqu'un par la voie de l'interdit, au lieu de agere et de judicium dure, on se sert du mot in.terdicere'. Il naît évidemment une obligation de l'ordre impératif ou prohibitif rendu par le préteur en vertu de son imperium, à la différence de l'action qui résulte de la juridiction; mais cet ordre présuppose souvent l'existence d'un principe antérieur d'ordre public dont le magistrat ne fait que rappeler la nécessité d'observer la règle, en sorte qu'après la délivrance de l'interdit, il y aura lieu fréquemment d'appliquer rétroactivement à des faits antérieurs, dans un judicium, l'obligation née pour une des parties de la violation de ce principe d'ordre public, tandis que d'autres interdits ne posent un ordre que pour l'avenir seulement'. Nous n'admettons pas cependant, avec Iluschke3, que les interdits se rapprochent plus de l'action in rem que de l'action in personam. Bien que rédigés d'une manière générale, les interdits sont cependant personnels par la force des choses. [Le pré Leur n'ayant pas encore le jus edicendi ne pouvait que faire une loi spéciale pour la cause.] Les interdits se réfèrent pour les parties seulement et pour la cause à une obligation antérieure de respecter la paix publique, ou née de l'interdit lui-même', et dont l'inobservation donnera lieu au besoin à l'exécution d'un arbitraum ou à une sentence pécuniaire. Cependant cette dette n'est pas considérée comme née d'un délit (delictum). Tout au plus pourrait-on dire qu'elle est née quasi ex delicto, mais quand on procédait per sponsionem, la dette résultait évidemment du contrat verbal de stipulation. La division principale des interdits les classait en interdits prohibitifs ou prohibitoires et en interdits impératifs', les premiers étaient appelés plus spécialement interdicta, et les autres decrela; mais comme ils ordonnaient une restitution ou une exhibition, on les nommait restitutoria et exhibitoria suivant les cas. Les interdits prohibitifs nous paraissent avoir été les plus anciens 6 ; car le préteur a del plus facilement intervenir pour réprouver ce qui portait atteinte à la paix publique que pour donner un ordre positif, prescrivant une action à un citoyen; d'ailleurs, la procédure des decrela semble annoncer une époque postérieure à la création du système formulaire, puisqu'elle admet le choix entre l'antique forme de la sponsio et celle d'une formule arbitraire'. Les interdicta prohibitoria se rapportent pour la plupart à un intérêt d'ordre public, ou à l'intérêt non moins 1NT sacré de la protection due à la possession. Tels sont, en matière privée, les interdits uti possides pour les immeubles, et utrubi pour les meubles, sur lesquels nous reviendrons à propos d'une autre classification des interdits. Mais la plupart concernent l'usage des choses communes ou publiques, ressemblant ainsi à des règlements de police', ou la protection due aux personnes et à la liberté individuelle. Ainsi nous trouvons dans les textes un interdit ne quid in loco sacro, qui défend de rien faire de nuisible dans un lieu sacré', l'interdit de mortuo in ferendo, qui protège le droit d'inhumation, et un autre pour le droit d'élever un sépulcre, desepulcro aedi facando 10. Pour les choses publiques, on rencontre un grand nombre d'interdits, la plupart également prohibitifs : ainsi l'interdit ne quid in loco publico vel itinere fiai, qui prohibait tout acte nuisible aux places, voies ou chemins, etc. 11; il ne faut pas le confondre avec l'interdit de loco publico fi'uendo, qui protège la jouissance des concessionnaires de l'usage d'un droit de l'litat, par exemple d'un domaine ou d'un vectigal12 affermé par les publicains. Relativement aux voies publiques, il y a encore d'autres interdits spéciaux, qui prohibent tout dépôt ou entreprise sur le chemin 13, en dehors des villes; car le soin de la voirie urbaine appartient aux magistrats locaux 14 ; dans le premier cas, mentionnons aussi un interdit restitutoire''. Celui que l'on empêche d'user d'une voie publique peut exercer ou l'action d'injure,actioinjuriarum [INJGRIA],ou un interdit prohibitif16, quominus illi via publica itinereve publico ire agere liceat, vim f eri veto ; un autre interdit menace celui qui s'oppose à la réparation de la voie, de via publica et itinere publico reficiendo 17; il y avait des interdits semblables pour l'usage des fleuves publics. L'interdit de fluminibus défendait de faire dans le fleuve ou sur la rive rien qui pût nuire à la navigation, ne quid in fluorine publico ripave ejus flat, quo pejus navigelur 38, indépendamment d'un interdit restitutoire pour le rétablissement de l'état antérieur13; de même un interdit prohibitoire défendait de changer le cours de l'eau, ne quid in flamine publico fiai, quo aliter aqua fluai, atque ubi priore aestate fluxit 20, outre un interdit restitutoire pour faire rétablir les lieux91. Un interdit protégeait le droit de naviguer sur les cours d'eau ou les lacs publics, de charger ou de décharger les navires sur les rives 22; un autre venait au secours de celui qui faisait des travaux défensifs sur sa rive, de ripa munienda [à la condition que la navigation ne dût pas en souffrir et qu'il offrît de donner pour dix ans la cautio datnni in fecti 23]. Celui qui avait obtenu la concession d'une prise d'eau sur un réservoir public avait un interdit de aqua ex castello pour assurer l'exercice de son droit 2''. On accordait à quiconque un interdit prohibitoire contre celui qui, par des dépôts de matières, entravait l'usage des cloaques ou égouts publics, interdictutn de cloacis publicis, outre un interdit restitutoire contre l'auteur'''. Il y avait aussi un interdit prohibitoire, mais celui-là d'intérêt privé, rendu à l'occasion d'une dénonciation de nouvel oeuvre [oPERIS NOVI NUNTIA INT 559 INT Tloj' et un interdictum demolitorium. Étaient également prohibitoires les interdits de arboribus caedendis et de glande legenda', [le premier qui permettait au voisin d'élaguer les branches qui empiétaient sur son terrain et du les garder; le second qui permettait au propriétaire d'entrer tous les trois jours sur le fond voisin pour ramasser ses propres fruits]. A côté de quelques interdits impératifs d'ordre public énoncés ci-dessus incidemment, il y en avait d'autres encore, notamment quelques-uns d'exhibitoires, signalés par les Institutes de Justinien : ainsi l'interdit de libero /mutine exhibendo' accordé perpétuellement à tout citoyen au cas où un homme libre est tenu en séquestre dans une maison; c'est un acte protecteur de la liberté individuelle, une sorte de droit d'habeas corpus, qui avait pour but de faire produire sur-le-champ en public l'homme tenu en chartre privée'', ainsi conçu : Quem liberum dolo male raines, exhibeas. [Cet interdit ne compète ni contre le père qui use de son droit de puissance, ni contre le créancier qui détient un débiteur judicatus, ni contre l'individu qui, ayant racheté un captif, le retient jusqu'au remboursement de la rançon; car dans tous ces cas, la fraude fait défauts. L'auteur de la séquestration peut en outre être frappé d'une peine pécuniaire, en vertu de la lex Fabia de plagiariis'1. Quand la liberté d'un homme était juridiquement mise en question, il y avait lieu à un autre interdit, qui ordonnait de le représenter à celui qui voulait le revendiquer en liberté, in libertatem vindicare'. Paul accordait même, en ce cas, l'action ad exhibendum8. Un interdit de liberis exhibendis était concédé au père de famille, qui voulait faire représenter l'enfant soumis à sa puissance, mais détenu ou caché par quelqu'un', et un autre interdit de liberis ducendis pour lui assurer le droit de l'emmener10. Signalons encore l'interdit de liberto exhibendo, donné au patron pour faire exhiber l'affranchi, afin de lui réclamer les services par lui dus, cui operas indicere velit"; l'interdit de tabulis exhibendis tendant à la représentation d'un testament à la partie intéressée 12 [sans impliquer la validité de la pièce]. Les interdits restitutoires avaient pour objet le fait de restituere, qui embrassait non seulement le fait de rétablir les choses dans leur premier état 13, ou de rendre la possession à celui qui l'avait perdue, mais même de la: procurer à celui qui ne l'avait pas encore eue. Ainsi l'interdit accordé au successeur prétorien [BONORUM PossEsslo], pour obtenir la possession des objets corpo rels héréditaires [QUORUM BONORUM], formait aussi un interdit restitutoire ". L'interdit Salvien était accordé au bailleur d'un fonds rural sur les objets du fermier ou du colon affectés spécialement par convention à la sûreté de la dette des fermages, pour lui en faire attribuer la possession i5 [PSGNUS]. L'interdit possessorium accordé au bonorum emtor [BONORUM EMTlo] était également restitu toire16, ainsi que l'interdictum sectorium concédé à l'acheteur des biens vendus par le Trésor". Quand une personne avait défendu à un tiers d'accomplir une entreprise nouvelle sur un immeuble à son détriment, l'auteur de la prohibition pouvait contraindre par l'interdit quod vi aut clam son adversaire au rétablissement des choses dans leur premier état 18, sauf à celui-ci à invoquer contre ce trouble l'interdit uti possidetis, pour le faire cesser ". Au cas de dénonciation de nouvel oeuvre, si celui auquel elle a été faite a continué son entreprise, avant le jugement du fond, le dénonciant (nuntians) obtenait aussi du préteur un interdit restitutoire distinct de l'interdit restitutoire dont il a été fait mention ci-dessus 20 [oemus NOVI NUNTIATIO] pour rétablir les choses dans la situation existante lors de la nuntiatio. Enfin quand la possession d'un fonds avait été enlevée par violence [vis], il y avait un double interdit unde ni", l'un relatif à la violence ordinaire (vis quotidiana) et l'autre à la violence armée (vis armata), à l'effet de faire restituer la possession. Nous en parlerons plus en détail à l'occasion des interdits recuperandae possessionis. L'interdit de precario22 était aussi restitutoire [PRECARIUM]. Cela posé, nous pouvons résumer les règles relatives à la procédure des interdits, en négligeant les points que les lacunes de Gaius ont laissés très incertains23. L'intérêt de la classification des interdits en interdits prohibitoires et en interdits impératifs touche principalement à la procédure, puisque les interdits prohibitoires admettent seuls la faculté de recourir à une formule arbitraire, et que c'est parmi eux exclusivement que se trouvent les interdits doubles (duplicia), tandis que les interdits impératifs n'admettent que la procédure per sponsionem et sont simples (simplicia) 2'•. Quelle était la forme originaire des interdicta à l'époque des actions de la loi [ACTIO] ? On l'ignore. lluschke25 a conjecturé que l'ordre des magistrats était alors garanti au moyen de la menace d'une amende [MULGTA], en cas d'inobservation, en se fondant par analogie sur certaines dispositions de la loi de Bantia 26. [II est plus probable que le magistrat renvoyait les deux parties devant le juge, après les solennités de la legis actio. Plus tard, il dut n'y avoir pour tous les interdits qu'une sorte de procédure per sponsionem; puis, dans l'intérêt des plaideurs qui désiraient plutôt une restitution ou une exhibition en nature qu'une condamnation pécuniaire, le magistrat appliqua à certains interdits une formule arbitraire, comme il l'avait fait pour les actions réelles. En tout cas], ce qu'on sait par Gaius [pour l'époque classique] c'est qu'en matière d'interdits prohibitoires, on procédait encore uniquement au moyen d'une gageure solennelle, per sponsionem; dans les autres on pouvait facultativement opter pour une formula arbitraria. [La faculté de demander un arbitre est déjà dans Cicéron27]. Quoi qu'il en soit, le demandeur réclamait in jure, en présence de l'adversaire, la délivrance d'un interdit. L'émission de l'interdit par le magistrat, interdictum redditum, oblige celui contre qui il a été demandé (postulare) à observer la paix pour l'avenir, ou dans le cas d'un deeretum à restituer ou à exhiber après une liquidation préalable (per arbitrum)48. [Le mot restituas de l'interdit est pris au sens large; il comprend tous les accessoires de la chose et les fruits.] INT 1360 1NT Si l'ordre est obéi, le but de l'interdit est atteint, et il est mis fin à la lutte des parties sans un procès ordinaire ultérieur; il n'y a pas désobéissance dans le seul fait de réclamer un arbitre', mais d'après l'opinion qui a prévalu, cela n'entraînait pas non plus un aveu qu'on était tenu de restituer ou d'exhiber, car l'aveu in jure (confessio) aurait eu pour effet de rendre inutile la délivrance de l'interdit et d'une action et d'autoriser le magistrat à prescrire les voies d'exécution 2. Si au contraire il y a désobéissance réelle ou prétendue, le demandeur interroge l'autre partie au moyen d'une gageure solennelle 3 (qui a remplacé sans doute l'ancienne a1GLCrA) et se fait promettre telle somme, s'il y a eu violation de l'interdit. Le défendeur, après avoir promis, interrogeait ensuite le demandeur qui s'engage par une sponsio réciproque, nommée restipulatio. Le pari ainsi engagé, le préteur délivrait au demandeur une action personnelle en confiant à un juge ou à des recuperatores le point de savoir qui avait vaincu dans la sponsio, en sorte que le perdant devait payer la somme promise. La sponsio était ainsi préjudicielle puisqu'elle servait à engager le litige au fond, et pénale puisqu'elle entraînait une perte sérieuse (poena) contre celui qui succombait (periculum) ; elle était donc prejudicialis et poenalis4. L'affaire était confiée à des recuperatores, quand elle paraissait urgente, sinon àl'unus judex pris sur l'album des juges ordinaires. S'il s'agissait d'un interdit impératif du préteur, il est probable que la procédure était originairement toujours la même. Seulement la sponsio et la restipulatio portaient ici sur le fait de la restitutio et de l'exhibitio. L'action délivrée ensuite par le magistrat avait pour objet une peine subordonnée à la défaite énoncée sur la question posée par la gageure 6 ; en outre une action en dommagesintérêts était accordée à factor pour le cas où la restitution ou l'exhibition n'aurait pas eu lieu. Plus tard, quand le système formulaire s'introduisit en matière d'actions même réelles, et qu'on admit une formule arbitraire, soit en matière de revendication, soit en matière d'actions ad exltibendum, finium regundorum, etc., le préteur donna le choix au défendeur, [mais seulement et exclusivement] en matière d'intérêt restitutoire ou exhibitoire, de se conformer à l'ancienne procédure per sponsionem ou de demander sur-le-champ in jure, devant le magistrat, la délivrance d'une formula arbitraria7. Le premier procédé avait l'avantage de déterminer souvent l'adversaire à céder par la crainte de la poena à encourir; le second eut le mérite de permettre au juge qui avait statué sur le fond de l'affaire d'absoudre le défendeur, s'il exécutait l'arbitrium, ou dans le cas contraire il autorisa le gagnant à recourir au magistrat pour faire exécuter le jussus de l'arbiter, par la force publique (manu militari)', ou de se contenter d'une condamnation en dommages-intérêts quanti ea res erit. Pour le cas de formule arbitraire, on agissait sine poena, sine periculo ', en l'absence d'une gageure; le demandeur de mauvaise foi pouvait-il du moins être sujet à l'action de calomnie (judicium calumniae)? Gains indique, à cet égard, une controverse entre l'école des Sabiniens et celle des Proculiens; l'opinion affirmative des premiers avait prévalu, et la condamnation était du dixième de la valeur du litige comme en matière ordinaire10, Certains interdits étaient doubles, comme les interdits uti possidetis et utrubi, de sorte que chacune des parties semblait yjouer à la fois le rôle de demandeur et celui de défendeur, puisque chacune d'elle pouvait y être l'objet d'un jugement de condamnation 11. En effet, le préteur s'adressait à l'une et l'autre d'entre elles dans la formule de l'interdit, par exemple, uti nunc possidetis, quominus ita possideatis viril, fieri veto 12, l'une des parties engageait un pari en stipulant par sponsio une somme en cas de perte du procès et subissait une restipulatio en sens inverse ; puis l'autre partie qui prétendait posséder, faisait à son tour une autre sponsio, suivie d'une seconde restipulatio en sens inverse ; ainsi celle qui succombait perdait le montant d'un double pari 13 L'avantage de la possession provisoire dans le cas de l'interdit uti possidetis donnait lieu souvent à de vives contestations [comme autrefois les vindiciae sous le régime des actions de la loi] et avait rendu nécessaire, pour l'attribuer à une des parties qui prétendait posséder au moment de l'émission de l'interdit, une procédure spéciale dont les règles sont malheureusement fort imparfaitement connues, à raison des lacunes et des mutilations qu'il y a dans le manuscrit de Gains '1. On se bornera donc à résumer ici brièvement les données qui paraissent résulter des parties intactes de cet auteur. Une fois l'interdit alti possidetis rendu, le préteur s'occupait de régler le sort de la possession intérimaire ; à cet effet il mettait aux enchères les avantages de la détention de l'immeuble (in possessione constitui), licitatione fructus, pour une somme [que l'adjudicataire s'engageait par une fructuaria stipulatio à payer à l'adversaire s'il était battu définitivement sur la question de la possession]. Ensuite chacune des parties provoquait l'autre à une gageure, sponsio, si adversus edictum praetoris possidenii mihi a te vis farta est, à payer une certaine somme au cas où celui-ci aurait troublé sa possession par violence et au cas où le stipulant n'aurait pas troublé le promettant (restipulatio). Il y avait donc,vu l'égalité de position des parties, deux sponsiones et restipulationes, ou pour plus de commodité, emploi d'un-e double formule qui les contenait en abrégé. [Les sponsiones et les restipulationes comportaientune certaine somme d'argon t.] Les parties étaient ensuite renvoyées par le préteur devant un juge [JUDEX], chargéde rechercher laquelle d'entre elles possédait non vicieusement à l'égard de l'autre au moment de la délivrance de l'interdit, et dont la sponsio par conséquent était justa ; il absolvait ce plaideur de la promesse qu'il avait faite, et condamnait l'autre partie envers le vainqueur; si le perdant avait été précisément l'adjudicataire de la possession intérimaire, il était poursuivi en restitution de cette détention par une action appelée judicium cascellianum (sans doute du nom de son inventeur f5), ou secutorium judicium, parce qu'elle est la conséquence de la stipulatio fructuaria mentionnée plus haut; il était aussi forcé de payer à titre de peine la somme de la fructus licitatio et [la somme de la sponsio et de la INT restipulatio], outre la restitution de l'objet et des fruits intermédiaires ; si celui qui avait perdu son procès n'était pas l'adjudicataire intérimaire, il ne devait à titre de peine que la somme de la gageure (sponsionis et restipulationis summa) 2. Du reste, la partie qui n'avait point acquis aux enchères la détention provisoire pouvait négliger la fructuaria stipulatio, et réclamer les fruits au moyen d'une action spéciale appelée judicium fructuarium 3, dans laquelle le défendeur donnait au demandeur la cautio judicatum solvi. Cette action se nommait aussi judiciutn secutorium, parce qu'elle suivait la victoire sur le bien fondé de la sponsio. Il ne faut pas la confondre avec le judicium cascellianum énoncé plus haut. Lorsque le préteur rencontrait quelque résistance pour l'exécution d'un des actes de la procédure qui vient d'être décrite, actes que Gaius appelle cetera ex interdicto, soit pour la fructus licitatio ou pour la fructuaria stipulatio, ou pour les sponsiones 4, la partie intéressée pouvait demander pour vaincre la contumace desinterdits spéciaux [que Gaius appelle secondaires (secundaria) ; mais la lacune du manuscrit de Gaius ne nous permet pas de savoir en quoi ils consistaient. On voit seulement que celle des deux parties qui refusait de faire cetera ex interdicto était vaincue, en vertu de l'interdit secondaire, même si elle eût dû triompher, ayant satisfait à toutes les formalités légales. Parmi les actes de cette procédure, il y en a un appelé vim facere dont le sens est difficile à fixer. Est-ce, comme on le croit généralement, une vis ex conventu symbolique, destinée à permettre la suite de la procédure? Il est plus probable que dans celle cérémonie, applicable surtout à l'interdit uti possidetis, les deux parties se transportaient sur les lieux, avec des témoins de confiance pour y exercer l'un contre l'autre une vis imaginaire, chacun prétendant que l'autre avait violé la défense du préteur G]. A. côté de la grande classification des interdits en prohibitifs et impératifs, il y en a plusieurs autres à divers points de vue. Ainsi on les divise en interdits divini juris, ayant pour objet la protection des loca sacra et religiosa, dont il a été parlé plus haut, et interdits hominues causa. Ceux-ci comprennent les interdicta relatifs aux choses publiques, loca publica, ou à la garantie de la puissance paternelle, jus patriae potestatis (interdicta juris sui tuendi causa), ou de l'accomplissement d'un devoir (o fficii tuendi causa), ou du patrimoine d'un particulier (rei farniliaris causa)'. Parmi ceux-ci on distingue les interdits destinés à protéger le droit de propriété (interdicta quae proprielatis causam continent) 8 ou des droits analogues, comme l'interdictum de mortuo inferendo9, ou un droit d'inhumation, un droit de réparation 10, interdicta quae velut proprielatis causam continent" . Ces derniers ont cela de remarquable que la décision qui intervient sur l'action forme au pétitoire chose jugée (l'es judicata), à la différence des interdits relatifs à la possession, interdicta quae possessionis causam continent ou interdicta possessoria' 2. Les interdits possessoires font l'objet de la seconde V. ~3G 1 INT division exposée par Gaius et par les Institutes de Justinien. Ils ont pour objet l'acquisition de la possession (interdicta quae adipiscendae possessionis comparata surit), ou sa conservation (interdicla retinendae possessionis causa), ou la reprise de la possession (interdicla recuperandae possessionis causa) 13; ils supposent connus les principes sur l'acquisition, la conservation et la perte de la possession [rossEsslo]. Il y a une quatrième espèce d'interdits (duplicia tom adipiscendae quam recuperandae possessionis causaf°).Tous ceux qui ont pour but d'obtenir ou de recouvrer lapossession sont d'ailleurs restitutoires, tandis que les interdits retinendae possessionis sont prohibitifs et doubles au point de vue de la procédure '5. On énumère parmi les interdits adipiscendae possessionis, l'interdit quorum bonorum (Voy. cet article), l'interdiction possessorium du bonorum emtor, l'interdictuna sectorium de l'acheteur des biens vendus par le Trésor, l'interdictum salvianum, déjà mentionnés le; ajoutons l'interdit quod legatorum accordé à l'héritier ou au bonorumpossessor pour se faire remettre les corps héréditaires dont un prétendu légataire se serait mis en possession sans sa volonté", legatorum nomine. [L'héritier pouvait ainsi, en cas de besoin, faire la retenue que lui accordait la loi Falcidia, sans recourir à la revendication.] Celui qui est envoyé en possession par un magistrat, par exemple legatorum vel fidei commissorum servandorum causa, obtient pour se faire admettre un interdit spécial", et s'il est troublé, il demande un interdit prohibitif pour se protéger ", ne vis flat ei qui in possessionem missus est. Les interdits retinendae possessionis sont les interdits uti possidetis et utrubi 20, dont la procédure a déjà été indiquée ci-dessus ; ils sont prohibitifs et doubles 21, et reposent sur la possession ad interdicta, qui doit ne pas être vicieuse à l'égard de l'adversaire seulement, nec vi nec clava nec precario ab adversario ; peu importe en effet ici que la possession soit injusta ou vitiosa à l'égard d'un tiers22. Mais il y a une double différence essentielle entre l'interdit uti possidetis et l'interdit utrubi ; le premier n'avait trait qu'à la possession du sol ou d'un bâtiment 23 ; en outre, d'après la formule, celui-là devait triompher qui, au moment de l'émission de l'interdit, possédait l'immeuble sine vitio à l'égard de son adversaire ; au contraire, l'interdit utrubi2i n'avait trait qu'à la possession des meubles; [il avait la formule suivante : Utrubi hic homo, de quo agitur, apud quem majore parte hujus anni fuit, quominus is eum ducat, vim feri veto 2a] et protégeait celui qui avait possédé sine vitio ab adversario, pendant plus longtemps dans l'année qui avait précédé la délivrance de l'interdit 26. Il y avait donc ici grand intérêt à pouvoir joindre à sa possession celle de son auteur (accessia temporis vel possessionum). [Gaius cite comme auteur la personne qui avait laissé la chose litigieuse au plaideur par héritage ou qui la lui avait vendue ou donnée, ou livrée à titre de dot.] On avait ainsi une durée plus grande de possession que l'adversaire27. [Mais il fallait naturellement que le possesseur antérieur eû t INT 562 INT aussi une possession non vicieuse ; grâce à cette accessio possessionum, celui qui avait fait la tradition d'un meuble ne pouvait pas déposséder celui qui l'avait reçue, sauf quand la tradition avait été faite par une donation contraire à la lex Cincia; car alors le donateur pouvait recouvrer sa chose par l'interdit utrubi, tant que le donataire n'avait pas possédé plus longtemps que lui dans l'année]. Justinien effaça la différence essentielle des deux interdits, et de son temps celui-là triompha même dans l'interdit utrubi qui possédait nec vi, nec clam, nec precario ab adversario au moment de la formation du litige, lilis contestatae tempore [LITis CONTESTATIO] 1. Indé pendamment de l'avantage de protéger la possession, ces interdits présentaient l'utilité spéciale d'assurer le rôle de défendeur à celui qui en usait efficacement, pour le procès pétitoire à engager ultérieurement entre les deux parties'. Remarquons du reste que celui qui était expulsé par violence d'un fonds pouvait contre l'auteur de la violence, au lieu d'employer l'interdit unde vi, se faire restituer la possession par l'interdit uti possidetis, puisque la possession vicieuse à son égard du défendeur ne pouvait lui être opposée par ce dernier3; ce procédé avait d'ailleurs l'avantage que l'expulsé (dejectus) qui était en position d'usucaper [usucnplo], est considéré s'il l'emporte, dans l'interdit uti possidetis, comme ayant retenti sa possession, qui n'est pas réputée interrompue". L'interdit utrubi pouvait aussi être employé avec cette fonction récupératoire à l'égard des meubles, puisque la violence commise à l'égard du détenteur pouvait aller jusqu'à la dépossession. Dans ces deux interdits, si un des vices de la possession (par exemple vis) était antérieur à l'émission de l'édit, le judex avait-il le droit d'apprécier le dommage? C'est là une question très controversée; cependant la réponse négative est la plus probable, puisque ces interdits étant essentiellement prohibitifs, avaient en vue les troubles de l'avenir.] Pour protéger l'exercice, c'est-à-dire la quasi-possession de certaines servitudes prediales [sERVITUS], le droit prétorien avait admis aussi des interdits spéciaux 5, ainsi pour le droit de passage et de conduite de itinere actuque privato 6, pour l'étendue du droit de conduite d'eau de aquaquotidiana et aestiva pour le droit de prise d'eau, jus aquae hauriendae de fonte 3, pour le droit de canal, de vivis', pour le droit de faire usage d'un égout, deux interdits l'un prohibitoire, l'autre restitutoire, de cloacis l'. En ce qui concerne les servitudes personnelles, servitutes personarum, il n'existait point d'interdits spéciaux, sauf l'interdit de use fructu, mais le préteur accordait par extension les interdits possessoires, modifiés dans leur formule, comme interdicta utilia, pour conserver ou recouvrer la quasi-possession de ces droits L'usage du droit réel prétorien de superficie [SUPERFICIES] était également protégé par un interdit de superficiebus, introduit exemplo uti possidetis" et même des interdicta recuperandae possessionis '3; on accorda de bonne heure les interdits possessoires aux concessionnaires de l'ager publicus, même moyennant redevance [ACES vECTIGAL1S], puisqu'ils avaient le titre spécial de possessores14, Savigny a même soutenu [mais à tort selon nous] que l'usage des interdits avait été introduit pour la protection de la possessio du domaine de l'État [AGER PUBLIcus] t 5. Ce qu'il y a de certain, c'est que ces concessionnaires étaient garantis en outre par un interdit spécial de loto publico fruendo [qui protégeait tous les vectigalia publica1G]. Les communes (ciritales) soit qu'elles eussent reçu à bail des terres de l'État" ou donné à bail à long terme leurs immeubles (bona publica vel civitatis) 18, virent leurs fonds traités comme des agni vectigales ; le preneur à long terme de ces fonds fut également garanti par les interdits possessoires, avant même qu'il elît obtenu une action réelle utile f'. On accorda donc ces interdits au titulaire du droit d'emphytéose [ESIPIYTEUSIS], qui ne fut qu'une extension du droit à l'ager vectigalis2o Un interdit spécial de migrando était promis au locataire, qui voulait déménager ses meubles, non engagés ou même engagés, lorsqu'il ne devait rien au bailleur, s'il mettait obstacle à leur sortie '. Les interdits recuperandae possessionis avaient pour but de recouvrer la possession qu'on avait perdue". On en comptait trois, correspondants aux vices de violence, de clandestinité et de précaire, qui rendaient la possession injusta ab adversario dans le cas d'interdit retinen.dae possessionis ; c'étaient les interdits de vi, de clandestina possessione et de precario ; parlons d'abord des deux derniers qui sont peut-être les plus anciens, et qui ont disparu ou sont devenus moins fréquents à raison du développement d'autres voies de droit. L'interdit de clandestina possessione compétait en effet au possesseur, dont l'immeuble avait été occupé en son absence clandestinement, clam, par un tiers, pour le forcer à en restituer la possession 23. Cet interdit existait encore au moins au temps d'Hadrien '1. Mais le développement de la théorie sur la conservation de la possession par la seule volonté, animo solo, d'abord appliquée aux pâturages d'hiver et d'été, salies ltiberni aestivive 25, et au cas où l'ancien possesseur éloigné momentanément de son immeuble n'a pas encore été informé de cette intrusion clandestine 2G, puis même au cas où il en était averti, tant qu'il n'a pas renoncé à ressaisir la détention'', contre l'opinion de Labéon26, abandonnée dès le second siècle pour l'opinion contraire des jurisconsultes de l'école sabinienne", le développement de cette théorie permit à l'ex-possesseur d'user de l'interdit uti possidetis, comme s'il eût encore possédé lors de la délivrance de cet interdit. Dès lors, l'interdit de clandestina possessione a dû tomber en désuétude, car si l'ancien possesseur est obligé par violence de renoncer à reprendre la possession, l'occupant devient violentus possessor et peut être attaqué par l'interditdevi. Toutefois la nouvelle doctrine ne s'appliquait qu'à l'hypothèse de l'occupation clandestine pendant une absence momentanée, jusqu'à ce que Justinien l'étendit même au cas d'absence prolongée 30, et concéda pendant trente INT 563 INT ans l'interdit onde vi à l'absent qu'on empêchait de rentrer en possession. L'interdit restitutoire de precario compétait à celui qui avait accordé la possession, sur sa prière, à un concessionnaire, à titre gratuit, en vertu d'une convention appelée precarium, pour reprendre la possession au concessionnaire qui l'avait sollicitée'. Ce pacte, très ancien à Rome, fut probablement usité entre les patriciens et leurs clients, auxquels ils abandonnaient gratuitement la jouissance, à titre révocable, pour un temps indéfini, mais non transmissible à leurs héritiers, d'une portion derager publicus, dont ils avaient originairement la possession exclusive 2 [soit dans une autre théorie des terres gentilices] ; il fut usité ensuite au cas de fiducie 3 [FIDUCEA, r1CNus], puis de gage', et de vente au cas de vendeur non payé qui livrait la chose à l'acheteur 5 pour permettre au débiteur de garder l'usage de la chose affectée à la sûreté du créancier. Quoi qu'il en soit, le précariste (rogans) avait la possession ad interdicta 5, à moins qu'il ne lui eût été permis que de rester sur le fonds, morari in fundo 7. Le concessionnaire n'aurait pu intenter utilement les interdits contre le concédant, à l'égard duquel il possédait vicieusement, precario ; mais, contre tout autre, il pouvait agir interdicto, bien qu'il n'eût pas la possession civile ou ad usucapionem. Du reste on admit ensuite que le rogatus ou concédant avait le droit de réclamer la chose par l'action civile in personanc appelée praescriptis verbis 8. Le précaire fut donc alors assimilé à un contrat innomé. Le precarium cessait d'ailleurs de droit par la mort du précariste0, dont les héritiers n'avaient qu'une possession vicieuse, et l'interdit pouvait ainsi être exercé contre eux, s'ils possédaient encore l'objet ou s'étaient enrichis à son occasion 10 Enfin l'interdit onde viu, ainsi nommé à raison des premiers mots de l'ordonnance prétorienne, était accordé à celui qui, ayant la possession ad interdicta d'un immeuble, en avait été privé par violence, lorsque lui-même possédait non vicieusement nec vi, nec clam, nec precario, à l'égard de l'auteur de la violence, auquel il réclamait lapossession. Cet interdit est fort ancien, car on le trouve mentionné déjà dans la loi agraire de 111 av. J.-C.12; il suppose [à l'exclusion du dol et des manoeuvres frauduleuses] une violence purement matérielle, appelée par les interprètes vis absoluta, à la différence de la vis impulsiva, qui a pour effet de déterminer à faire un acte juridique, et laquelle donne lieu à l'action quod metus causa". Cet interdit ne s'appliquait pas aux meubles (res mobiles), à l'égard (lesquels on pouvait agir dans l'année par l'interdit utrubi, ou par l'action de vol, actio fca ti [FURTUM] ou de rapine (rapina), bonorum vi rapto môme en ce qui concerne les immeubles, la personne expulsée, dejectus, aurait pu recourir contre l'auteur de la violence, à l'interdit uti possidetis, puisque le préteur y ordonnait au juge de ne pas tenir compte de la possession vicieuse ab adversario, et que cet interdit présente d'ailleurs un certain intérêt spécial 15. Mais l'interdit und vi, qui fut peut-être imaginé postérieurement à l'interdit prohibitif uti possidetis, offre d'autres avantages; ainsi il peut être exercé accessoirement au sujet des meubles qui se trouvaient sur le fonds occupé 18; le juge, outre la restitution de l'immeuble, doit ordonner de rendre les fruits à partir de l'expulsion et non pas seulement à partir de la délivrance de l'interdit; enfin il peut être intenté contre l'au teurde la violence alors même qu'il ne possède plus". [Mais il n'est accordé qu'au possesseur et non au simple détenteur ; on le refuse, par exemple, au fermier, mais on l'accorde au précariste, à l'emphytéote, au superficiaire i8.] La restitution peut être ordonnée et exécutée, manu ministrorum, comme dans tous les interdits restitutoires 19; si elle n'a pas lieu ou si elle a été incomplète, le juge condamnera le défendeur aux dommages-intérêts, quanti ea res cri]. [Le défendeur est tenu de tous les cas fortuits; ce qu'il ne peut restituer en nature fait l'objet d'une condamnation évaluée par le juge20.] Cet interdit peut être intenté dans l'année à partir de la dépossession violente, et même au delà lorsque l'auteur de la violence se trouve encore enrichi locvpletior factus lors de l'interdit21. Toutes ces règles supposent une violence grave (vis atrox), mais non armée (vis quotidiana). Quand au contraire l'expulsion avait eu lieu à l'aide d'armes22 (vis armata), le préteur promettait un interdit distinct ayant une formule spéciale, l'interdit de vi armata 23. De là des différences notables entre les deux interdits. Ainsi, en premier lieu, l'in terdit de vi armata était accordé même après l'année de la dejectio, in perpetuum 2i. La formule était probablement ainsi conçue : Unde lu, Numeri Negidi, aut familia aut procurator tous Aulum Age 12000 aut familiam aut proeuratorenl ejus vi honiinibus coactis armatisve dejecisti, qua de re agitur, eo restituas 25. De là résulte cette seconde différence que, dans cet interdit, on ne voit pas figurer l'exception viliosae pos sessionis, quod nec vi nec clam nec precario a te possideret, qui, dans l'interdit uti possidetis, écartait le dejectus, lorsqu'il avait lui-môme possédé vicieusement à l'égard du lejiciens 26. Ainsi, à part le cas d'une reprise immédiate par violence de la possession enlevée, ce qui ne constitue en réalité qu'une sorte d'application de la légitime défense27, dans le cas de violence armée, celui qui en avait été victime l'emportait même sur celui qu'il avait antérieurement expulsé par violence ou dont il avait obtenu la possession clandestinement, clam, ou par convention de précaire, precario28: [une troisième différence consiste en ce que l'interdit de de vi armata était donné même contre l'ascendant ou le patron du dejectus 29] ; une quatrième 1NT différence est plus controversée, et niée par Savigny 1, c'est que la possession ad interdicta n'était point requise chez la victime de la violence armée. Savigny prétend que la formule de l'interdit de vi armata ne contenait pas plus que celle de l'interdit de vi quotidiana les mots cum A .A. possideret, relatifs à la possession ad interd'icta exigée chez le dejectus au moment de l'expulsion; Cicéron, par une habileté d'avocat, aurait seulement, à propos de la formule de l'interdit de vi quotidiana ainsi conçue: cum A. A. n. v. n. c. n. p. a te possideret, détaché de l'ensemble et mis en saillie les deux mots cum possideret, afin de faire croire que cette possession n'était pas exigée dans l'interdit de vi armata, qui se taisait absolument sur l'exception vitiosae possessionis. Mais, suivant Keller', dont l'opinion est renouvelée de Cujas et de Ferratius, c'est prêter à Cicéron un artifice grossier et trop facile à dévoiler. La formule de l'interdit de vi quotidiana renfermait la double mention cum A.A. possideret, puis quod n. v. n. c. n. p. à te possideret; or elle disparaissait complètement dans la formule de l'interdit de vi armata, afin de bien indiquer d'une part, suivant Keller, l'absence de la condition rigoureuse de la possession prétorienne (la simple détention suffisant) lors de la dejectio, et l'absence de l'exception vitiosae possessionis entre les parties. Ainsi Cicéron aurait soutenu, en plaidant pour Cécina qui intentait l'interdit de vi armata contre Aebutius (celui-ci l'avait expulsé par violence du fonds dont Cécina avait hérité de Cesennia 3 et que son adversaire prétendait avoir acheté), une cause non seulement équitable mais fondée en droit, d'après l'avis de la plupart des interprètes'. Nous pensons toutefois, avec de Vangerow que si la lettre de l'interdit de vi armata était favorable à l'interprétation de Cicéron, néanmoins l'intention du préteur avait été d'exiger la possession chez le dcjectus. D'ailleurs la jurisprudence classique interpréta ultérieurement en ce sens l'interdit de vi armata 6 et, sous ce rapport, il n'y eut aucune différence entre les deux interdits. Mais Justinien innova en cette matière et les confondit en un seul'. En effet, il effaça l'exception vitiosae possessionis, même au cas de violence non armée, et accorda l'interdit seulement in anno si le dcjectus n'est pas enrichi. Du reste, il rappelle qu'une constitution de Valentinien a frappé d'une peine pécuniaire l'auteur d'une expulsion violente, en le privant de la propriété de l'objet s'il lui appartient, et en le condamnant à la valeur, dans le cas contraire, indépendamment de l'obligation de restituer 8. En outre, les peines criminelles de la loi Julia de vi privata eut publica s'appliquent à quiconque a expulsé par violence une personne de sa possession [vis]. Une quatrième classe d'interdits possessoires sont ceux qui ont pour objet tant d'acquérir que de recouvrer la possession. Nous les connaissons par un seul texte du Digeste et par le fragment d'Ulpien trouvé en 183616. Il s'agit des interdits quem fundum, quam hereditatent, qualifiés en ce sens de duplicia. En effet, le défendeur à l'action réelle qui refusait si lis non defendatur, de donner la caution pro praede lilis et vindiciarum ou, plus tard, la caution judicatum solvi, recevait par l'interdit querra fundam l'ordre de transférer la possession au demandeur, soit qu'il en eût été déjà investi ou non antérieurement. La même procédure s'appliquait à la pétition d'hérédité, au moyen de l'interdit quam hereditatem 11 et à l'action confessoire d'un usufruit, au moyen de l'interdit quem usum fructum f2 et probablement aussi de toute servitude 13. [Hais, dans tous ces cas, le demandeur devait donner à son tour la caution judicatum solvi" . Ajoutons que par des raisons d'analogie, le préteur étendait l'application des interdits en délivrant des interdits utiles I6, i Il y avait d'autrès classifications des interdits; ainsi Ulpien place à côté des interdicta exhibiloria, prohibitoria et restitutoria, des interdicta mixta, qui seraient prohibitoria et exhibitoria 1 °. Ce seraient, suivant ltudorff, deux interdits qui auraient la même base17, mais dont l'un comme exhibitoire tendrait seulement à préparer l'interdit prohibitoire. Cette dénomination ne convient pas au cas où un interdit prohibitoire est offert à une partie à côté d'un interdit restitutoire 18. En outre, il y a des interdits relatifs à un ensemble d'objets, interdicta ad universitatem, comme l'interdit quorum bonorum, et d'autres à certains objets particuliers, ad singulas res pertinentia1 comme l'interdit uti possidetis. Au point de vue du temps pendant lequel on pouvait les réclamer du préteur, on distinguait des interdicta perpetua et d'autres annalia 2° ; enfin, suivant la date des faits auxquels ils se référaient, des interdicta in praeteritum, comme les interdits utrubi, de itinere, de aqua aestiva, et des interdits in praesens, comme l'interdit uti possidetis 21. On a prétendu souvent que les interdits présentaient une procédure rapide et sommaire 2=, que par exemple les délais étaient plus courts23; mais rien ne prouve le caractère sommaire des formes des interdits, ni une facilité plus grande en matière de preuve ; car le procès sur le judicium n'était souvent ouvert qu'un certain temps fixé après la délivrance de l'interdit; et le judiciua lui-même offrait les complications des sponsiones ou le système ordinaire de la formule arbitraire; enfin le juge y statuait d'après les mêmes règles qu'en matière d'action par une sentence ayant autorité de la chose jugée. Ce qu'il y a de vrai, c'est que la menace de l'interdit, puis de ses conséquences en certains cas (poena, periculum) amenait souvent le défendeur à obtempérer devant le préteur ou à s'exécuter avant la sentence du juge2l. [D'ailleurs la demande d'un interdit se faisait comme celle d'une action ; si l'appelant était absent, volontairement ou involontairement, on pouvait envoyer l'adversaire en possession de ses biens 2â. On peut se demander pourquoi les interdits ont subsisté si longtemps, même après avoir été admis dans l'édit du préteur. Il faut tenir compte sans doute de l'esprit conservateur des jurisconsultes romains qui gardent cette forme de procédure, souvent même en INT 565 INT concurrence avec des actions ordinaires ou des cognitiones extra ordinem 1 ]. Quoi qu'il en soit, on a vu que sous Justinien, et peut-être depuis Dioclétien2, la délivrance des interdits avait été remplacée par la concession d'une action utile, sans émission préalable d'un ordre du préteur '. C'est sous Arcadius et Ilonorius que la procédure extraordinaire (extraordinaria cognitio) paraît avoir été formellement substituée en cette matière à celle des interdits'. G. HUMBERT. [Cn. LÉCRIVAIN.] INTERREGNUM. On appelait ainsi une sorte de gouvernement provisoire qui s'établissait à Rome, au défaut d'un magistrat supérieur et pourvu des auspices, en attendant qu'un ou plusieurs nouveaux magistrats fussent investis de l'I31PEntu I, conformérnent aux règles de la religion et du droit public. A cet égard, il faut distinguer l'époque de la royauté du temps de la République. 1. Dans la première période, il semble que la souveraineté appartienne déjà en principe à l'ensemble des gentes patriciennes, familles privilégiées qui peuvent seules, au moyen des auspices, entrer en communication avec les dieux protecteurs et fondateurs de l'état romain et interroger leur volonté, sur la direction de la chose publique. Ce qui le prouve, c'est qu'à la mort du roi l'imperium avec le jus auspiciorum revient aux patres c'est-à-dire à l'ordre des patriciens que ce mot désigne ici, bien qu'ailleurs on l'emploie souvent pour indiquer le sénat Mais la souveraineté dans l'état primitif du droit patriarcal, aristocratique et religieux de Rome, ne pouvait appartenir qu'à l'ensemble des gentes [GENS]''. C'est en quoi consistait la majestas gentium patriciorum oumajestaspatrum; cela résulte du langage que Tite-Live, dans un passage bien remarquable, prête à Appius Claudius, défendant les anciennes traditions du droit public' : penes quos igitur suai auspicia more majorom?... ipsi sine suffi-agio populi auspicato, interregem prodamus, etc. Mais, à la mort du roi, il fallait que cette prérogative sacrée, de retour aux patriciens, fût de nouveau confiée provisoirement à un représentant unique Pour cela, on devait convoquer les curies, et ce soin incombait nécessairement au TRIBDNUS CELERUM ; car les comices ne pouvaient se réunir spontanément d'une manière régulière 7. Or ce magistrat remplaçait à cet égard le roi, en cas de nécessité absolue'. Sur la proposition du tribun, les comices-curiates confiaient au sénat par une loi ou par un décret spécial le pouvoir de procéder à la désignation des interreges 9. En effet, le sénat pouvait être considéré comme l'élite des patri tiens et le comité des patres. C'est ce qui explique l'erreur de quelques historiens anciens qui négligent ce premier vote des curies, et le premier sens du mot patres t0. Une fois investi de ses pouvoirs extraordinaires, le sénat choisissait, dans son sein", dix interreges. Certains textes f2, il est vrai, ne parlent qu'au pluriel, sans répéter ce chiffre, mais il peut être tacitement sous-entendu. Cependant Gerlach" n'admet la désignation que d'un seul interrex par le sénat; Beckert', Schwegleri6 et Mommssen le font élire par les comices-curiates, c'està-dire par tous les patriciens, après quoi l'élu désignait lui-même son successeur. Mais ces auteurs ont étendu ici arbitrairement la procédure usitée en matière d'interrex pendant la République. Mommsen lui-même plus tard a changé d'avis t6 ; suivant lui, par un nouveau sens donné au mot patres, le sénat, composé des seules gentes patriciennes, aurait nommé l'interrex, sans intervention préalable des curies, ni des sénateurs plébéiens, ou des patriciens non sénateurs. Nous préférons l'avis de Walter 17, exposé plus haut, et qui se borne à suivre les textes. Le pouvoir appartenait donc aux dix interreges choisis par le sénat, divisé en dix décuries'8 ; mais chaque interrex exerçait seul le gouvernement pendant cinq jours à tour de rôle. Plutarque 19, copié par Zonaras 20, commet une confusion évidente en répartissant les cinq jours entre les dix interreges de manière à donner à chacun six heures de jour et six heures de nuit". Quoi qu'il en soit, chaque interrex, après l'expiration de son temps, transmettait ses pouvoirs àun des dix autres (ce qui se nommait interregem prodere) 22, avec les insignes de l'imperium et les licteurs. Suivant Tite-Live, le trône serait ainsi resté vacant pendant une année après la mort de Romulus 23 ; et cet interregnum n'aurait cessé que devant le mécontentement du peuple. Voici le procédé qui s'établit désormais pour le choix du roi. Les dix interreges s'entendaient pour désigner préparatoirement un candidat 2' ; ensuite, après avoir obtenu l'agrément du sénat tout entier, ils chargeaient l'interrex du jour de présenter ce candidat aux comicescuries, et d'appeler leur examen à ce sujet. Cet acte se nomrnait rogare populum. Les dieux étaient consultés, et quand ils avaient manifesté leur volonté par des auspices favorables (inauguratio regis) les curies étaient convoquées de nouveau ; alors, en vertu d'un décret formel du Sénat [PATRUM AUCToIUTAS]28, les co mices-curiates, c'est-à-dire l'assemblée des gentes, reconnaissait au candidat la qualité de roi, d'après le résultat des auspices (regem creare, jussus populi)" ; cette INT 566 INT proclamation ou reconnaissance solennelle est nommée aussi parfois patrum auctoritas, dans un sens plus Iarge, en désignant ici par patres les comices des patriciens. Telle est du moins l'opinion' qui paraît la plus conforme aux textes, et intermédiaire entre l'avis de Niebuhr qui entend toujours par ces mots les comices-curies, et l'ancien système qui les appliquait toujours au sénat. Tout n'était pas fini, et l'on ne doit pas trop s'en étonner, à raison du génie formaliste et rigoureux des Romains ; il fallait encore que le roi créé par les comices fût investi de l'imperiurn ; pour cela une loi spéciale était nécessaire, et elle était requise, rogale, par le roi luimême, qui comme nous l'apprend Cicéron 2, legem ferebat de imperio suo. Cette loi curiate lui donnait le droit de glaive, imperium militare, la juridiction, etc. [IniPEniuM3], et le droit de se faire accompagner d'un cortège de licteurs. Elle suivait donc immédiatement le vote des curies d'où résultait l'auctoritas patrum (ce qui a porté certains auteurs modernes à confondre la loi curiate de imperio avec cette auctoritas'). Le roi avait déjà la capacité de consulter à cet effet les curies, puisque sa qualité de roi était reconnue et qu'il avait reçu les grands auspices; mais il avait à obtenir la loi nécessaire pour rendre son autorité exécutoire. C'est ce qui se faisait au moyen d'une interrogation solennelle, ou formule suivie d'une réponse affirmative, dans une forme semblable peut-être à celle qu'on observait dans les calata comilia pour les adrogationes C'est ainsi qu'on devait procéder au vote de la loi curiate de imperio 6. Ces formes ne furent pas toujours observées ; ainsi, d'après les historiens des irrégularités auraient eu lieu dans l'élection de Servius Tullius; mais ici les témoignages sont confus et contradictoires quant aux détails. D'après Cicéron, Servius se serait mis d'abord de sa propre autorité (in jussu populi) en possession de la dignité royale. Il résulte du texte de Denys d'Halicarnasse, que Servius, sans s'appuyer sur un sénatusconsulte, auctoritas patrum (sensu stricto), se serait fait autoriser immédiatement par les comices-curies, puis revêtir de l'imperium par une loi curiate. Tite-Live au contraire admet que le roi s'empara du pouvoir in jussu populi, mais volunlate patrum : mais on peut entendre ces derniers mots de la loi curiate de imperio 8. Quoi qu'il en soit, le défaut de jussus populi servit de prétexte à l'ambition et plus tard aux attentats de Lucius Tarquin', bien que Servius eût essayé de réparer cette irrégularité par une rogatio postérieure. Quant à Tarquin le Superbe, il régna par la force, ayant occupé le trône neque populi jussu, neque aucloribus patribus10. Cela peut expliquer comment, lors de la révolution, put être abrogé" ou plutôt déclaré nul un imperium qui n'avait pas été justum, conféré régulièrement selon les rites religieux et solennels décrits plus haut. Tarquin d'ailleurs fut exilé avec toute sa famille, et, après son départ, le décret d'interdiction de l'eau et du feu, qui confirmait son exil, dut lui être signifié f2; ce qui entraînait déchéance du droit de cité et de tous les droits politiques et civils [CAPOT, ExsILIuM]. La lex tribunicia de imperio proposée par le tribun des celeres S. Brutus avait sans doute pour principal but de déclarer qu'il n'y aurait plus d'imperium perpétuel confié à une seule personne, et qu'à l'avenir il appartiendrait à deux magistrats annuels 13 annua imperia binis imperatoribus, et naturellement à deux magistrats faisant partie de l'ordre des patriciens ; ce qui était nécessaire pour autoriser à prendre les grands auspices ". Cette loi fut suivie de la nomination des consuls sur la proposition d'un interrex, parles comices centuriates, confirmée par les curies, et suivie d'une loi curiate de imperio. II. Pendant la République, un interregnum peut encore se produire, mais seulement d'une manière accidentelle " par la disparition de tout magistrat patricien revêtu de l'imperium et des auspicia magna, cum sine curali magistratu respublica esset". Cela pouvait arriver soit par la maladief7 ou la mort des deux consuls, ou des tribuns consulari potesiate, etc., soit parce que l'élection de ces magistrats avait été cassée pour vice de forme (vitio creati) par le collège des augures chargé de veiller à l'exacte observation des rites sacrés". Les magistrats étaient obligés d'abdiquer, honore abire, abdicare magistratu, toutes les fois qu'on avait un doute sérieux sur la validité de leurs auspices"; on considérait comme indispensable de retremper les pouvoirs à leur source divine, auspicia de inlegro repeterc20; après l'abdication des autorités ayant imperium, res redit ad patres ou ad interregnum". En principe, la souveraineté des gentes patriciennes en commerce avec les dieux reprend ipso jure22 ses prérogatives, mais c'est pour les confier à un représentant provisoire, à un interroi, comme sous la royauté. Le magistrat (lui avait abdiqué ne pouvait en effet pourvoir à la nomination de ses successeurs ; il fallait donc procéder à peu près comrne au cas de mort du roi, pour prévenir l'interruption des auspices : auspicia pa trum mute" , olli que ex se produnto qui comitiatu creare consoles rite possunt, dit Cicéron dans son système idéal de législation, souven t emprunté aux anciennes traditions du droit public romain, mos majorum. Le sénat n'étant plus alors composé uniquement de familles patriciennes, n'était plus compétent, en qualité de leur représentant, pour choisir seul l'interrex ; au contraire, le sénat convoquait les patriciens" et leur proposait un candidat qu'ils étaient appelés à confirmer ou à élire définitivement pour interroi; ce dernier acte se nommait interregem prodere. Mais qu'entendait-on ici par patres ou patricii? Suivant Niebuhr 26, ce mot aurait désigné, pendant cette période, seulement les membres patriciens du sénat, et cette opinion est encore suivie par Gerlach 26 et aujourd'hui par Mommsen27. Mais cette interprétation a été réfutée avec une grande force par Becker28, Schwegler, INT 567 IO Lange, dont l'avis est également suivi par Walter'. C'est la désignation d'un candidat par le sénat qui a fait dire à Denys d'Halicarnasse que le choix de l'interrex appartenait au sénat 2; tandis qu'en réalité les patres seuls, c'est-à-dire les curies patriciennes, avaient le droit de confirmer le candidat offert à leurs suffrages, prodere interregem Ce dernier une fois élu ne pouvait demeurer en fonctions qu'un nombre de jours déterminé; puis, à son tour, il nommait lui-même un second interrex et celui-ci un troisième quand la nécessité l'exigeait, et ainsi de suite'. En effet, on rencontre des exemples de 8, 11 inler'reges successifs, indépendamment du long interrègne de l'année 7015. Comme d'ordinaire le premier interrex ne pouvait procéder à temps à la réunion des comices, le précédent s'établit de laisser au second interrex le soin de tenir les comices électoraux, comitia habere 6, pour la désignation des magistrats supérieurs, ou ayant les grands auspices. Du reste, il faut remarquer que l'interrex lui-même devait être un patricien', règle qui subsista jusqu'à la fin de la République ; elle tendait à donner à cet ordre une influence marquée sur les élections. Aussi les tribuns empêchèrent-ils parfois les patriciens de s'assembler pour la nomination d'un interroi', ou même, l'interroi nommé, de faire le sénatus-consulte pour les comices consulaires. Mais l'importance politique du choix d'un interrex disparut depuis la loi Mania. Auparavant déjà, en 455, comme l'interrex qui présidait les comices prétendait s'attribuer le droit de ne pas admettre les suffrages qui seraient donnés à des candidats plébéiens, les curies furent contraintes9 de confirmer à l'avance les choix futurs des comices centuries. La loi Mania consacra ce précédent en l'élevant à la hauteur d'une loi générale 10. Aussi les patriciens se dispensèrent-ils de se rendre aux comices-curies; ils furent alors représentés pour la loi curiate de imperio par trente licteurs. Quant au sénat, il approuvait à l'avance le résultat des élections" Cependant on continua de recourir à l'interrègne, au défaut de magistrats supérieurs, et l'on en voit encore des exemplesf2 après une longue interruption, dans les derniers temps de la République. C'est ainsi qu'en 692 de Rome, 82 avant J.-C., Sylla envoya, après la mort de Carbon et du jeune Marius, l'ordre au sénat d'élire un interrex. Valerius Flaccus proposa en cette qualité la loi Valeria, qui conféra à Sylla une dictature perpétuelle13. Plus tard Pompée fut nommé seul consul par Sulpicius qui était interrex (702 de Rome, 52 av. J.-C.). Déjà l'année précédente, il y avait eu un interrègne de six mois, parce que les élections consulaires n'avaient pu avoir lieu. Sous l'Empire, on ne trouve plus de trace formelle de l'interrex ; cependant M. Ortolan" pense que la lex imperii ou de imperio était présentée après le décret du sénat aux comices-curies formés de la réunion de trente licteurs, par la rogatio d'un interrex. Quant aux comices électoraux, abolis par Tibère, rétablis par Caligula, ils devinrent une pure formalité et s'effacèrent complètement [COMITIA]. G. HUMBERT. ou simplement intestinum, intestina, la menuiserie intérieure d'une maison; il ne faut pas, dans l'intestinum opus, comprendre le gros oeuvre, comme les poutres de la toiture, qui en est distinct', mais seulement la menuiserie plus délicate, les panneaux 2, les corniches, quantelles sont en bois 3, les balustrades', en un mot les boiseries appartenant à l'immeuble et ne devant pas en être enlevées quand on le vendait, car les boiseries mobiles rentraient dans la classe des ornamenta 5. Pline dit que, pour ce genre de travaux, le sapin est le meilleur bois 5 et Vitruve recommande de l'employer bien sec après l'avoir soigneusement séparé de l'aubour (torulus) qui conserverait l'humidité Les ouvriers attachés à l'intestinum opus s'appelaient intestinarii ou fabri intestinarii 9. Un de ces artisans, enterré à Capoue, est représenté sur sa dalle funéraire debout, devant son établi, avec la hache comme outil 1°, On a trouvé en Italie ", en Afrique ", en Espagne 13, eu Gaule'', des inscriptions mentionnant des artisans appelés subaediani. La question est controversée s'il faut, à cause du sens étymologique de leur nom (sub aedibus), les identifier avec les intestinarii f5 : je crois qu'il y a lieu de la résoudre parla négative. Outre qu'on ne comprend pas bien pourquoi des ouvriers du même métier auraient des noms différents, il faut remarquer qu'on connaît un marmorarius subaedianus 16, tandis qu'il est établi par les textes cités que les intestinarii travaillaient exclusivement le bois; les travaux en stuc même ne faisaient pas partie de l'opus intestinum et un texte établit nettement cette distinction ". HENRY TIIDENAT.