Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article IRENARCHA

ILIENARCLIA. Personnage chargé, comme le nom l'indique, de la police et de la sécurité d'une ville ou d'une région. Nous laisserons de côté, dans cet article, les différents magistrats municipaux que les auteurs ou les inscriptions désignent par des périphrases (sioif' ; pyo v, Eiprivd~u),a;, i l tirlç Eip'ilvriç, etc.), et dont la nature est souvent incertaine, pour nous occuper de ceux qui portent le titre précis d'Eiorvap/oç ou Eiprlvâpzriç. Ces derniers ne se sont encore rencontrés que dans deux parties de l'empire romain, ].'Égypte et l'Asie Mineure. Les irénarques d'Égypte ne sont connus que par des papyrus' ; on les y trouve cités à côté de magistrats ana logues, Eipr)vc ti),axsg, É7ti ti-nç siç'es ç, pZavuxtiopéÀaxEç, sans qu'on puisse savoir en quoi lettes fonctions propres différaient de celles de leurs collègues et dans quelles limites elles étaient restreintes 2. Ces rares documents nous apprennent aussi qu'ils avaient à leur disposition des agents de police (Cpé),a'Eç aû7.(7v)9. Pour l'Asie Mineure, au contraire, nous possédons des renseignements relativement précis et nombreux. Depuis Trajan, au moins', peut-être antérieurement, il existait dans la province, sous le nom d'irenarchae, des officiers de IRE police chargés de la surveillance, non point seulement d'une ville, mais du territoire environnant'; leurs fonctions consistaient dans la recherche et l'arrestation des oleurs et des perturbateurs 2. Antonin le Pieux, pendant son gouvernement d'Asie, régularisa l'institution et délimita nettement les attributions de ces fonctionnaires'. Quand ils avaient opéré une arrestation, ils devaient interroger le coupable et rechercher ses complices ; les résultats de l'enquête étaient consignés dans un rapport qu'ils transmettaient au gouverneur, en même temps qu'ils lui faisaient conduire ou lui conduisaient eux-mêmes le délinquant. Le gouverneur recommençait à son tour l'interrogatoire, souvent en présence de l'irénarque, et lui demandait de prouver lesaccusations contenues dans son rapport.Étaient-elles reconnues inexactes, il annulait le rapport, il blâmait l'irénarque et parfois le punissait. On essayait d'assurer ainsi la sécurité des provinces, tout en prévenant les abus et les dénis de justice. L'irénarchie était une charge municipale', qui supposait une certaine fortune et un certain rang dans la cités. Chaque année, les différentes villes où cette institution était en vigueur soumettaient au proconsul une liste de dix noms pris parmi les plus illustres, généralement ceux des decem priori' ; le gouverneur choisissait dans le nombre celui qu'il croyait le plus apte à la fonction 7. Les municipalités avaient donc seulement le droit de proposition, la nomination étant réservée à l'État. L'irénarque sortant était rééligible, soit immédiatement, soit quelques années plus tard. On a des exemples de personnages ayant obtenu jusqu'à trois fois cette dignité'. Nous rencontrons des irénarques dans un grand nombre de cités asiatiques : Ancyre' et Pessinonte10 (Galatie) ; Pergame ", Hadrianioi 12, Miletopolis f3 (Mysie) ; Lrythrae'4, Thyatire'5, Smyrne l6 (Lydie) ; Attaleia'7, Aphrodisias I8, Milet'', Nysa20, Pogla2t, Sebastopolis22, Tralles 23 (Carie); Col onae 24, Aezani 23, Eumeneia'', Apamée 27 (Phrygie) ; Attaleia 28, Perge2' (Pamphylie) ; Tarse 3° (Cilicie) ; Elusa (Palestine) 31. L'irénarchie ne disparut pas avec le haut-Empire ; on la retrouve à l'époque postérieure à Dioclétien et à Constantin. Plusieurs passages du Code Théodosien " et du Code Justinien 33 en font mention. Nous y voyons que l'usage de choisir les irénarques parmi les hommes Ies plus riches des cités était. tombé en désuétude au ive siècle ; en 409, par une ordonnance adressée au préfet du prétoire d'Orient, Théodose le jeune fixa à nouveau les règles à suivre pour nommer ces officiers conformément aux anciennes coutumes 34, ce qu'il confirma ensuite dans deux autres ordonnances de 4203' et de 426 36. Mais certains autres passages permettent de croire que les irénarques du v'' siècle n'avaient plus l'importance ni la considération de leurs prédécesseurs 37. Ces fonctionnaires avaient naturellement à leur disposition des agents de police '8; on les nommait diogmites (Suey(J,rr«t): leur nom même indique la nature de leurs fonctions. C'étaient, les uns des fantassins", les autres des cavaliers". Leur armement était assez primitif 41-Ammien Marcellin les qualifie de semiermes 42, Libanius de xopov7lp6 ot (porteurs de bâtons) 1' si bien que, quand Marc Aurèle voulut utiliser ce genre de soldats pour son expédition contre les Germains, il fut obligé de compléter leur équipement". Irénarques et diogmites sont cités plus d'une fois dans les actes des martyrs asiatiquesS. : ils avaient à intervenir contre les chrétiens comme perturbateurs de la paix publique. R. COGNAT.