Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

JANUA

JANCA. Oupat, 7:ûaat, ostium, fores, postes, Ces mots désignent la porte à battants qui donne accès dans l'intérieur d'un édifice ou d'une maison particulière'. Nous laissons de côté la grande baie ouverte qui sert d'entrée à une ville ou qui forme un arc de triomphe Git cE. I. Portes d'habitations. Dans les fouilles de Troie et de Mycènes, on a reconnu la présence de portes nombreuses, qui paraissent avoir été constituées par un vantail double de bois entre deux montants de même matière ou de pierre 2 ; mais les restes en étaient trop incomplets pour permettre d'en étudier le mécanisme. On se rend compte seulement qu'à Tirynthe le mode de clôture était analogue à celui que nous verrons décrit par Homère : à l'intérieur, contre les deux battants, s'appuyait une poutrelle dont l'extrémité entrait dans une cavité profondément creusée dans les jambages de pierre; en repoussant ce bout de bois dans le trou du mur, on pouvait ouvrir ; en le tirant à soi et en insérant l'autre extrémité dans un trou correspondant, on barrait l'entrée. Les battants s'ouvraient en dedans 3. On observe aussi dès cette époque une disposition qui continue à prédominer dans toute l'architecture classique : les portes, plus étroites en haut qu'en bas, affectent la forme d'un trapèze, ce qui dérive probablement de l'usage plus ancien des matériaux de bois et de la construction primitive dans laghelle deux poutres inclinées l'une vers l'autre ont naturellement formé la baie ouverte des portes et des fenètres 4. Notons encore dans les Lombes à coupoles que les portes sont flanquées de deux demicolonnes, avec tin auvent de faible saillie 6, ce qui conduira plus tard à la porte in antis. Les seuils sont presque tous en pierre. Dans les habitations, quelques-uns étaient faits d'une pièce de bois revêtue de bronze, ce qui rappelle les épithètes homé riques : oûôdç ),ïvoç, ôptiïvoç, !.téatvoç, xxareoç6. Les battants étaient doubles ou simples. Sur quarante portes dont on a constaté la présence dans le palais de Tirynthe, sept seulement étaient à vantail double et toutes les autres à un seul battant : encore peut-on supposer que parmi celles-là un certain nombre n'ont jamais été, fermées que par des tentures 7. Le battant évoluait sur un pivot dont le bas était engagé dans un gond de bronze [CARDO] dont un a été retrouvé en place'. Si intéressantes que soient ces données des fouilles archéologiques, elles ne nous renseignent que mal sur la structure des portes à l'intérieur et à l'extérieur. C'est aux textes homériques qu'il faut recourir. Quand Hector vient briser d'un coup de pierre la porte du camp des Grecs. « il enfonce les planches qui fortement assujetties forment les vantaux des portes élevées, à deux battants; à l'intérieur deux traverses solides sont réunies par une cheville.... La pierre atteint les deux pivots et tombe en dedans de tout son poids ; la porte retentit sous le choc, les traverses ne peuvent pas résister et les planches volent en éclats sous le coup du quartier de roc °. » On a pu, d'après ce passage, reconstituer d'une façon plausible la porte homérique; elle constitue, avec ses deux traverses intérieures que réunit et que fixe une cheville, un progrès sensible sur la fermeture de Tirynthe à grosse barre de bois unique 10. Le passage de l'Odyssée oit Pénélope va chercher l'arc d'Ulysse nous fait voir un mécanisme plus compliqué encore, qui permet d'ouvrir du dehors avec une clef. « Elle s'arrête sur le seuil de chêne qu'un ouvrier habile avait poli avec soin et sur lequel il plaça jadis, en les alignant au cordeau, deux montants qui soutenaient les portes magnifiques ; aussitôt elle débarrasse l'anneau de ses courroies, introduit la clef, la tourne et soulève les leviers des portes qui mugissent comme un taureau paissant dans la prairie". » Il s'agit de la porte intérieure d'un appartement, tout entière en bois et à deux battants, soigneusement close par un système de courroies et de serrures [SERA] 12. Cette précieuse description nous apprend que dès cette époque on avait réalisé le procédé de clôture qui resta le même pendantiapériode classique. Quand Euryclée ferme la porte de l'appartement de Télémaque, elle ne s'y prend pas autrement que ne le fera une Athénienne contemporaine de Périclès. « En s'en allant, elle ferme la porte au mayen de l'anneau d'argent, puis elle abaisse le levier de la serrure en tirant à elle la courroie'. » Les peintures de vases du ve siècle nous feront comprendre toute cette opération. Mais auparavant, nous signalerons encore, parmi les plus anciens documents sur les portes grecques, quelques vers du philosophe Parménide (vie siècle) qui dépeint le char de l'Aurore conduit par les Iléliades et se présentant devant les portes du Jour. « Ces portes ont un entourage et un seuil de pierre; la baie est remplie par de grands battants et la clef qui s'y ajuste est aux mains de la Justice, divinité vengeresse. Les jeunes déesses lui parlent dans un langage amical et lui persuadent doucement de retirer des portes la traverse fixée par une cheville ; puis légères elles ouvrent tout grands les deux battants, en tirant et en faisant tourner de chaque côté les montants garnis de bronze dans leurs alvéoles munis d'une pointe 2. » Tous les termes de cette description ont été commentés et expliqués par M. Diels 3 : les xarh6e, â!.toaKof sont une clef laconienne dont les dents entrent dans les trous correspondants de la traverse intérieure sERAj ; les ;i ovEç sont les montants de bois qui en haut et en bas s'engagent dans les gonds et qu'en bas on garnit de métal (7r0).ûzxaxot); cette garniture consiste en une douille de bronze (yd;v.yo;) terminée à sa partie inférieure par une tige pointue (rsnpdvr,) qui s'insère dans une cavité profonde du seuil et qui assure la rigidité du toute. Il est probable qu'en haut les dovE;, de bois, ne supportant pas le poids des portes et fatiguant moins, n'étaient pas protégés par une armature métallique et qu'ils tournaient à même dans les cavités du linteau 5. Le procédé du gond à aiguille semble avoir été en usage à Athènes au temps de Solon e. M. Diels se demande si l'on doit faire honneur aux Athéniens de cette invention 7. Le système des portes et de leur clôture a donc été perfectionné en Grèce dès une époque reculée. On peut en dire autant de la décoration architecturale. Sans parler des portes du palais d'Alcinotis, aux battants d'or, aux montants d'argent établis sur un seuil d'airain, au linteau d'argent et à l'anneau d'or, gardées par deux chiens merveilleux d'or et d'argent, oeuvres d'Iléphaistos 8, ce qui rentre dans le domaine de l'invention poétique plus que de la réalité, les portes des habitations homériques se présentaient sous un aspect monumental : elles étaient faites de planches (aavmacç), bien polies (EUse Tac), bien liées et bien ajustées (xo),),-rTxf, «pxpuixt) v; elles étaient solides (EÔEpxésç) et à deux battants (Stxa:ar;) 10, généralement précédées d'un perron ou portique (7red0upov)11. Certains vases peints à figures noires, comme le Vase François, bien qu'ils soient postérieurs de plusieurs siècles, doivent en donner une idée assez exacte ; on y voit les ais de bois entre-croisés, bardés de clous et de ferrures (fig. 112/t) 12. C'est la Odpx xuas'o;, celle qui don nait accès dans la grande cour, aûa'r„ disposée en avant de l'habitation ; noimus, p. 339]. Une autre partie, du Vasee François met sous nos yeux la porte de l'habitation ellemême, flanquée de colonnes qui indiquent un péristyle (t. I, fig. 327). Cette est encore plus visible sur un autre vase à figures noires qui représente peutêtre un monument fu néraire plutôt qu'une maison particulière, si l'on en juge d'après les deux serpents peints sur la porte [nxaco, p. 408] et le geste du personnage apportant une couronne ; mais on sait combien dans l'antiquité le temple et le tombeau sont souvent construits sur le type de la demeure des vivants. Nous trouvons ici le portique qui précède la porte d'entrée (aiOoucx ld rci), oit l'on dressait parfois les lits pour les hôtes 13, puis la porte à deux battants qui donne accès au N.éyxpov, pièce principale du palais ; les deux vantaux de bois sont ornés de peintures et d'ornements (fig. 4125)1'; l'b cépOup ov en forme de fronton porte comme acrotères des animaux sculptés : tout l'ensemble montre sous un aspect très avantageux le style décoratif qui était en usage atm vie siècle pour les entrées de grands édifices. L'habitude de placer en avant de la porte un petit péristyle persista au ve siècle ; les vases à figures rouges en offrent plusieurs exemples (fig. 1126)15. Peut-être cette disposition doit-elle servir à éclairer la question si controversée des portes s'ouvrant au dehors sur la voie publique. Plutarque dit qu'à Rome les portes des habitations se rabattaient en dedans, tandis qu'en Grèce elles s'ouvraient sur le dehors, de sorte qu'au moment de sortir on devait frapper et faire du bruit à l'intérieur, pour avertir les passants de ne pas stationner devant l'huis sous peine d'être heurtés 16. Mais, d'autre part, nous savons qu'Ilippias, fils de Pisistrate, avait frappé JAN 605 JAN d'un impôt à Athènes les portes s'ouvrant sur le dehors 1; par conséquent, ce n'était pas une disposition commune à toutes les maisons. De plus, les peintures de vases du v° siècle nous montrent souvent les portes rabattues en dedans du vestibule 2. On a donc eu raison de considérer cette remarque de Plutarque coimne trop absolue 3. Ce qui est vraisemblable, c'est que dans les habitations riches, précédées d'un petit pé n'y avait pas inconvénient à faire ouvrir les battants au dehors et que cet aménagement fut considéré comme un signe de luxe, par conséquent imposable`. Quand il n'y a pas de péristyle, il arrive souvent que l'on place un auvent en bois audessus de l'entrée; les exemples en sont fréquents sur les peintures de vases, surtout à partir du Ive siècle (fig. 4127; cf. fig. 2501) 3. La structure des vantaux de bois, consolidés avec de lourdes traverses de bois bordées de clous, dont les têtes saillantes forment une décoration naturelle [BULLA] 6, resta la même durant le vo Ptle ive siècle'. On remarque aussi sur les peintures de vases tout ce qui constitue le matériel nécessaire à l'ouverture et à la fermeture des portes. Une hydrie de Berlin, en particulier, fournit les renseignements les plus précis sur cette question (fig. 4128 '. Une femme introduit dans l'ouverture du haut une grande clef (ivoûvai) 9 dont l'extrémité agit à l'intérieur sur le pène de la serrure; en haut et à gauche est le marteau, formé par une pièce métallique, taillé en forme de palmette ; en bas et à gauche, sort du battant la lanière de cuir que l'on tirait à soi (ic?EXxuGarOa: ou i7;te7.1eacOat) pour refermer la porte en agissant de nouveau sur la clavette intérieure. Le mécanisme de la serrure et de ses différents organes constitue un problème délicat10 qui sera l'objet d'un article spécial [SERA]. Les mêmes détails de trous, de serrure, de lanières, de marteaux, se répètent sur un grand nombre de vases". Quelques variantes s'y introduisent : on remarque parl'ois deux lanières i2, ou bien elles sont placées en haut des vantaux 13, ou, plus rarement, le trou de lanière est pratiqué en dehors des montants de la porte, dans le mur même (fig. 4129)1t. Vers le Ive siècle, on voit s'introduire l'usage des lucarnes ou judas, pla cés dans les vantaux, qui offraient aux personnes de l'intérieur la facilité de reconnaître le visiteur avant de lui ouvrir ". Ailleurs, ce sont de véritables impostes avec croisillons qui sont ménagées au-dessus du linteau de la porte (fig. 4130)16. La forme la plus fréquente du marteau de porte est celle que l'on vient de voir (fig. 4126, 4128, 4129), en palmette ou plaque de 11 est plus rare, bien qu'elle soit mentionnée très anciennement par les auteurs (xopdvri, xpixoc) u, de ren contrer sur les monuments grecs la forme de l'anneau (fig.4131)19. Quand on se présentait devant la porte, on frap Cations. On a souvent cité, comme type d'architecture de pierre imitant le bois, les tombeaux lyciens (fig. 2494)", En Grèce, les exemples, plus rares, ne sont pas moins instructifs. Le Louvre possède les vantaux de pierre d'une tombe de Palatitza, datant du Ive siècle (fig. 432) ", dont tous les détails sont copiés sur une porte de bois. Cette chambre funéraire était pourvue d'une double fermeture formée de deux portes à battants, séparées par un court vestibule 12.On a découvert sur la route de Delphes les débris de portes funéraires analogues13. La Syrie en a fourni également des spécimens'`. Un curieux tombeau de Xanthos, sculpté dans le roc, offre l'image d'une porte complète, avec ses deux battants fermés, le trou de clef dentelée, et deux mar JAN 606 JAN pait avec ce marteau, ou plus simplement avec son bâton, pour appeler les gens'. Il semble d'ailleurs que durant le jour, on avait l'habitude de laisser la porte ouverte oit entr'o uverte 2, et, en effet, suries peintures de vases (fig. 431), un des battants ouvert laisse assez souvent apercevoir l'intérieur de la chambre. Mais il eût été de mauvais goût (l'entrer sans frapper ou sans avertir rno3 s, p. 344 . Les portes intérieures de la maison étaient plus ou moins nombreuses, suivant l'importance du local. On cite entre autres la trsaau),oç ou t,iITauÀo; qui séparait l'ap partement des hommes de celui des femmes' ; Xénophon recommande qu'elle soit fermée soigneusement la nuit, pour empêcher toute communication illicite entre les esclaves 5. Même on prenait la peine de sceller ces portes intérieures, quand on voulait se garder de toute intrusion6. On cite aussi la porte de derrière, la porte sur le jardin, x-g710la O pal, qui faisait donner à la maison le nom de t,.cp(Oupo;, entre deux portes $. Enfin le mot de Obpat avait pris peu à peu une telle extension que dans certains auteurs, comme Xénophon', et avec un sens vraiment oriental, il désigne le palais même d'un gouverneur et est le signe de son autorité politique, de même qu'aujourd'hui la Porte, la Sublime Porte, est synonyme de gouvernement ottoman. II. Portes de tombeaux. L'étude des portes d'habitations nous aide à comprendre la structure des portes de tombeaux. Comme la maison du mort est assimilée à celle du vivant [sEPULCnu3l], on s'efforce de les rendre semblables de tous points, au moins par l'aspect extérieur. Comme, d'autre part, il est nécessaire d'assurer l'inviolabilité du tombeau, dans un endroit isolé et souvent désert, on se préoccupe de rendre les portes plus solides encore. C'est pourquoi on rencontre assez souvent, dans les chambres funéraires luxueuses, des portes de pierre et de marbre, roulant sur des gonds de métal. Mais la structure apparente et la décoration sont identiques à celles des portes de bois usitées dans les habi ll _uao u t É9 teaux en tête de lion munis d'un te anneau". M. Heuzey a rapporté grec. au Louvre le marteau de porte (er7rtar:aaTrp) en tête de lion qui était encastré dans le panneau supérieur d'une des portes de Kourino 16. Les peintures de vases apuliens confirment ces renseignements en nous montrant les édicules funéraires pourvues, comme les maisons, de portes à deux battants". III. Portes de temples. En nous élevant encore d'un degré, nous pouvons reconstituer avec une certitude assez grande, d'après les documents précédents, l'aspect des portes de temples grecs dont aucun reste original n'est venu jusqu'à nous. Mais les peintures de vases et les textes nous permettent d'affirmer qu'avec plus de magnificence dans les dimensions et dans le décor, les portes des grands sanctuaires offraient le même aspect que celles des habitations. Par exemple, un cratère de l'Italie méridionale, au Louvre, nous montre Oreste et Pylade réunis avec Iph i génie devant le temple d'Artémis Taurique; le prêtresse sort d'une partie de l'édifice, tandis que de l'autre côté la porte ouverte laisse voir la déesse ellemême ou sa statue debout dans le sanctuaire (ffg.4133)18; les portes à deux battants sont très richement ornées de rinceaux et de palmettes qui rappellent, d'une façon plus conventionnelle, l'admirable encadrement de la porte de l'Erechtheion sur l'Acropole d'Athènes". Plusieurs inscriptions attiques nous renseignent, sinon sur la structure complète, du moins sur la décoration des portes du Parthénon. On y voyait en relief une tète de lion, un protome de bélier, un masque de Gorgone; il est question des notxtat,..rta qui ornent les montants; les battants se composent de traverses (~u~z ornées de têtes de clous dorés (il'%ot, bullae), qui se JAN 607 JAN terminent eux-mêmes en tète de pavots (x(ohl )1. Par conséquent, l'aspect d'ensemble correspond absolument aux formes précédemment étudiées. Au temple d'Athéné Polias (qui est contigu à l'Erechtheion) les panneaux des portes étaient faits de grosses plaques en pierre noire d'Eleusis 2. AÉpidaure, le temple d'Asclépios (début du ive siècle) a des portes de bois, oeuvre de Thrasymédès, qui sont une merveille d'ébénisterie : les bois de diverses essences s'y mélangent;l'ivoire, les clous d'or, les appendices de bronze doré y jouent un rôle important; pour l'achat de l'ivoire seul, on avait dépensé 3070 drachmes et la main-d'oeuvre en coûta 9800 3. Cicéron raconte comment Verrès dépouilla de leurs ornements d'or et d'ivoire les portes du temple de Syracuse'. A Éleusis, les portes du temple ', à Délos les portes des Propylées sont en bois 6. A Didymes, une prêtresse offre au temple d'Artémis une porte en bronze à deux battants, avec le seuil, les montants et le linteau de marbre 7. Les fouilles du temple d'Apollon Didyméen ont fourni de curieuses inscriptions qui permettent de suivre la taille, le transport et la mise en place des montants, des pieds-droits, du linteau, de la frise en marbre destinés à l'entrée du sanctuaire $. Rappelons enfin que, d'après les auteurs, les portes du temple de Diane, à Éphèse, étaient en bois de cyprès'. Tout cet ensemble de documents, s'il ne remplace pas pour nous la possession de quelque bel original, nous instruit à peu près sur la structure générale et l'ornementation des portes de temples. ÉTRUIRIE. Les urnes cinéraires très anciennes, trouvées dans les cimetières du Latium et de l'Étrurie, avec leur forme de cabanes rustiques, permettent de reconstituer l'aspect des habitations italiotes à une époque préhistorique : la porte d'entrée y est figurée par une baie énorme, généralement de forme rectangulaire ou légèrement cintrée, et la clôture se compose d'un vantail unique assujetti en dehors par une grosse barre droite, que l'on plaçait en partant pour les travaux des champs et qu'on déplaçait au retour ; il est vraisemblable que pour la nuit le même procédé de clôture était reporté à l'intérieur (t. II, fig. 2508 à 2:111)10 On a déjà remarqué [FORNIX, p. 1258] que si l'emploi du cintre et de la voûte existe en Grèce dès une époque ancienne, il n'en est pas moins vrai que ces formes ont pris surtout en Étrurie et en Italie leur plus complet développement. En effet, les portes en cintres, dont nous n'avons relevé aucun exemple sur les monu ments grecs, ap paraissent fré quemment sur les bas-reliefs et les urnes étrus ques. Ces portes à deux battants sont garnies de traverses hori zontales, de re vêtements mé talliques et de clous; quelques unesontdesmar teaux en forme de gros anneaux ou de têtes (fig. 41134)11 Sur les entrées de tombeaux sculptées dans le roc ou sur les fresques peintes, on voit plus souvent la porte construite à la manière grecque, encadrée entre deux pieds-droits légèrement inclinés, surmontée d'un linteau qui déborde de chaque côté, munie de deux battants rectangulaires qui répètent le décor en traverses et en bullae 15 ou qui sont divisés en panneaux à caissons 1J. Rouf. L'entrée en général s'appelle ostiuin, le seuil limen, les montants antae et pedes, le linteau jugumentum et supercilium, la corniche corona, les battants de porte fores, valvae, le chambranle postes". Cicéron dit (lue les fores des édifices non réservés au culte s'appelaient janua". Pourtant, le mot janua a plus que tout autre un sens religieux, puisque par l'étymologie il est lié au nom du dieu JANus qui présidait aux seuils et aux entrées des maisons". On a vu plus haut que l'affirmation de Plutarque sur la façon dontlesportes s'ouvraient l'Athènes et à Rome ne mérite pas une absolue créance. S'il est naturel que la plupart des maisons aient eu des portes dont les valvae se rabattaient à l'intérieur, on ne peut pas dire que la maison de Valerius Publicola ait été à Rome la seule qui s'ouvrît sur le dehors17. On consulte Survola, juriste contemporain de Cicéron, sur le cas d'un Romain qui a ouvert une porte sur le dehors, sans dépasser la ligne de Fig. 4135. Porte romaine. sous cet abri, accessible de jour et de nuit, stationnaient les clients et les fournisseurs". En certains cas, un petit escalier de plusieurs marches conduit à la porte (fig. 4135)12. Ailleurs, JAN -608 JAN protection de sa gouttière et des poutres de son toit 1. A Pompéi même, on a trouvé dans une maison de belle apparence une porte qui, en s'ouvrant, empi était sur la rue ; mais les autres s'ouvrent surl'intérieur2. Par conséquent, àRome comme à Athènes, les habitudes furent les mêmes; les portes s'ouvraient le plus habituellement sur l'intérieur, et le contraire fut motivé par des raisons exceptionnelles de récompense publique ou de luxe (fig. 366). On peut penser que, pendantlapériode de la République, les formes des portes se rapprochèrent d'abord de celles des Étrusques, puis, à partir du m° siècle, de la structure grecque, suivant l'évolution qui s'accomplit alors dans l'art et dans les moeurs. Mais nous n'avons pas de documents très précis sur cette époque. Outre l'anecdote de Plutarque sur la maison de Publicola, nous ne trouvons à mentionner qu'un passage de Pline sur le questeur Carvilius qui reprochait vivement à Camille d'avoir mis des portes de bronze à sa maison, alors que ce luxe était réservé jusqu'alors aux grands édifices publics ou religieux 3. On cite souvent quelques mots de Plaute sur des portes richement décorées 4, mais il faut faire attention que ses comédies, généralement traduites du grec, font souvent allusion à des usages qui n'appartiennent pas à la vie romaine de son temps. A l'époque impériale, l'aspect extérieur de la janua romaine rappelle celui de la porte grecque, mais en diffère par des détails importants. La baie est plus haute et plus étroite (fig. 2517) ° ; les proportions trapues et bien équilibrées de Far chitecture grecque ne se retrouvent e eLe pas. Les ais qui remplissent le cadre -~~ des battants (antepagmenta, paginae) ont rarement la forme de traverses bardées de clous: ce sont plutôt des panneaux en forme de caissons (fig. 366, 589, 2277) 6. Des portes, dont l'empreinte sur la cendre a été moulée à Pompéi, en donnent l'image exacte 7. Les encadrements sont parfois d'une riche élégance, en marbre sculpté, couvert de rinceaux Les poètes décrivent la beauté de certaines portes tout incrustées d'ivoire et d'écailles Comme en Grèce, l'entrée est parfois précédée d'un petit portique soutenu par des colonnettes (fig. 2317) 1 ° ; l'ostiunt est précédé d'une barrière de bois ajouré qui monte à mi-hauteur des pieds-droits et forme une clôture légère qu'on poussait pour entrer i3. Il y a peu de portes à un seul battant; elles sont le plus souvent bi fores. Vitruve mentionne des quadri fores 14 et l'on a pu, en étudiant les seuils visibles à Pompéi, constater qu'il en existait dans certaines habitations spacieuses 15. Quelquefois, l'ornementation* elle-même divise la porte en trois ou quatre panneaux". Au-dessus de la porte on lisait parfois une inscription contenant un souhait de bienvenue 17 ou une deprecatio in cendiorum 18. On y suspendait la cage de l'oiseau familier de la maison1° On frappait à la porte, comme en Grèce, en la heurtant du poing ou avec un ballon, ou en se servant de la poignée de métal suspendue au battant, ansa 20. On conserve encore dans quelques musées de beaux exemplaires de ces marteaux de porte, souvent ornés de mufles de lions, de masques de Méduse, etc. (fig. 1136) 21. La fermeture se composait de barres de bois croisées et appuyant à l'intérieur des battants (repagula), ou de crochets de métal que mettait en mouvement le mécanisme d'une serrure [SERA] 22. Dans le tepi darium des thermes de Pompéi, les portes sont aménagées de façon àse refermer d'elles-mêmes parleur propre poids23. Il faut signaler la clôture des boutiques de Pompéi qui rappelle beaucoup les contrevents en usage chez les peuples modernes: ce sont des volets de bois qui se recouvraient les uns les autres et qui, formant devanture sur toute la façade, aboutissaient à la janua d'entrée, close elle-même par les procédés ordinaires 24. Les portes intérieures, à un ou plusieurs battants, ne manquaient pas dans les appartements, par exemple les fores cubiculi 25. Les battants pouvaient être remplacés par des portières, des tentures 26, parfois retroussées et drapées pour former encadrement autour de la baie, comme on le voit sur certains sarcophages de basse époque (fig. 25). Enfin la maison possédait généralement une sortie par derrière qu'on appelait posticum, postica27, et que Cicéron nomme pseudothyrum par opposition à la janua28. Les portes de tombeaux reproduisent, comme en Grèce, JAN 609 JAN la structure des portes d'habitations privées. On a recueilli à Pompéi une grosse porte en pierre imitant le double vantail de bois avec son trou de serrure et son anneau 1 ; à Chiusi, une porte avec deux battants de pierre pleins qui ouvrent sur le dehors ; le marteau de métal est encore en place sur le battant de gauche'. Certains bas-reliefs et sarcophages montrent que ces portes d'édicules funéraires recevaient parfois une très riche décoration et que les panneaux en étaient tout couverts de sculptures et d'ornements (fig. 4137) 3. Les portes des grands édifices publics et des au Capitole. temples ne différaient pas non plus des précédentes, autrement que par la gran V deur des dimensions et la richesse des matériaux employés6. Elles étaient généralement de bronzes. Celles du temple d'Isis à Pompéi étaient en bois et l'on a pu les reconstituer d'après l'empreinte qu'elles avaient laissée dans la cendre 6; elles sont à triple panneau. Celles du temple de Vénus étaient quadrifores7, comme dans la curie de Dioclétien (fig. 3'257). Les portes du Capitole, qui sont figurées dans un bas-relief du Louvre, sont à deux battants, avec des caissons ornés de losanges et de rosaces, et munies de deux gros anneaux en guise de marteaux (fig. 4138) 8. Comme les fameuses portes du temple de Janus qui annonçaient l'état de guerre (fig. 4140) 9, les fores des temples s'ouvraient sur le dehors (fig. 2944)1° Le plus souvent, elles sont précédées d'un perron auquel donnent accès plusieurs degrés, et ces degrés sont en nombre impair (fig. 4138 et 2944), afin que l'on pût mettre le pied droit sur la première marche et arriver du même pied sur le limen du sanctuaire, qu'il eût été fâcheux de franchir du pied gauche 11. E. P0MMMM.