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JUDICIUM DOMESTICUM. La juridiction familiale (domeslicum judicium) est une institution commune à tous les peuples de race indo-germanique et tpt'on trouve par conséquent aux débuts de l'histoire de Rome.
1. [Dans l'organisation primitive de la gens, la juridiction familiale est une des expressions de la puissance qu'exerce le chef de la famille, le pater familias, sur tous ses membres, y compris les enfants adrogés ou adoptés, les femmes introduites dans la famille par le mariage et aussi les affranchis et peut-être les clients'. Cette puissance s'appelait, à ce point de vue particulier, vitae necisque potestas, expression qu'il y a dans l'ancienne formule de l'adrogation 2. Elle comprenait implicitement le droit de correction, jus castigationis. Le père, magistrat domestique, exerce, dans toute sa plénitude, le droit de répression qui, comme l'indique également une prétendue loi royale', peut aller de la simple correction jusqu'à la peine de mort ; mais il doit se conduire en magistrat et
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non en despote' et son pouvoir est contrôlé par l'opinion publique et aussi de bonne heure par l'intervention du censeur.11 a seul qualité pour punir les actes délictueux; même s'ils constituent des infractions aux lois de la cité, il peut les soustraire aux tribunaux publics], même après qu'ils ont commencé l'instruction 2 ; [la maison romaine est un asile inviolable, oit on ne peut venir chercher le coupable3. Pour les fautes légères, le père décide seul; pour les fautes graves, sauf pour le flagrant délit d'adultère et si le coupable est un esclave 4, le père doit convoquer un conseil de famille] ; autrement, d'après plusieurs textes d'historiens et de jurisconsultes, la punition dégénérerait en abus de pouvoir et exposerait le juge à une poursuite criminelle
La composition du conseil de famille est réglée par la coutume et non par la loi '] ; il comprend des parents par le sang, au sens large, propinqui, necessarii, cognati, ou même des amis ; sans doute à défaut d'un nombre suffisant de parents, le chef de famille peut convoquer des amis, surtout parmi les personnages distingués et en nombre indéterminé 7 ; pour le jugement de la femme mariée, il faut convoquer ses plus proches cognats 8, probablement jusqu'au degré de fils de cousins [Les membres du conseil font l'enquête, entendent l'accusé, émettent chacun leur avisf0. Cicéron indique quelles différences il y avait entre la procédure du tribunal domestique et celle des tribunaux ordinaires" : les parents invoquent les circonstances atténuantes, cherchent à excuser le coupable. Le père prononce la peine 12 et la fait exécuter. Parmi les peines infligées, nous trouvons la mort 13, la vente à titre d'esclave, mais à l'étranger, trans 7âberim, puisque, d'après Cicéron, le fils ne peut invoquer le PoSTuniu IUM '4, la flagellation, l'emprisonnement ou les travaux forcés dans l'ergastulum, la répudiation contre la femme mariée, l'abdicatio contre le fils de famille'' ; les prétendues lois royales permettent en outre de faire prononcer par le grand pontife l'exsecratio contre le fils qui a frappé son père ou sa mère; le coupable est déclaré sacer et voué aux Mânes des ancêtres 16.] Quant aux femmes, les filles de famille sont traitées comme les fils ; la femme non mariée et sui juris est soumise à la juridiction du tribunal domestique 17 ; il en est de même pour la femme mariée qui n'est pas in manu mariti, sauf l'adjonction au conseil de famille du mari, et de son père, s'il est filins familias ; si la femme mariée est in manu marin, le conseil est naturellement présidé par le mari 78 ; celui-ci ne peut répudier sa femme sans l'avis du conseil, sous peine de nota censoriale 19. Dans un cas spécial, les parents empêchent, à cause de son indignité, un citoyen qui était sui juris de siéger comme préteur20; [mais rien ne prouve qu'il y ait eu là un jugement. Nous voyons punir par le tribunal domestique des crimes ou délits de toutes
sortes : conspiration, stuprum, mauvaises moeurs, impiété, empoisonnement21. Naturellement, la juridiction domestique a été limitée de tous les côtés par l'intervention de l'Etat; ainsi, de bonne heure, le fils de famille ne put être soustrait à la justice populaire pour violence ou injure à l'égard d'un tribun, en vertu de la lex strelitzia de
494 [TRIBUxus PLFBIS] ; en cas de vol manifeste, le père
n'eut plus le droit d'indemniser la personne lésée ou de faire l'abandon noxal du fils ; il dut le livrer aux magistrats qui le fouettent et le livrent ensuite au demandeur 22 ; les peines édictées parla loi des Douze Tables contre certains crimes, tels que l'incendie, la destruction nocturne des récoltes, remplacèrent sans doute aussi les punitions domestiques23; mais nous ne savons pas exactement comment sous la République on concilia dans la pratique les droits de l'État et la juridiction domestique toujours maintenue théoriquement. Souvent, après une condamnation par les magistrats, les parents n'eurent plus qu'à faire exécuter eux-mêmes la sentence ; c'est ce qui arriva par exemple pour les femmes condamnées dans le procès des Bacchanales 24. Ce fut avec le consentement du sénat et des plaignants que T. Manlius Torquatus jugea seul son fils accusé de concussion par les habitants de la Macédoine et prononça contre lui la peine de l'abdicatio21. Jusqu'au temps de César, des patrons prononcent des peines capitales contre des affranchis 28.]
II. Le domesticum judicium se maintint sous l'Empire more majorum, mais avec une tendance sans cesse plus marquée à s'effacer devant les juridictions impériales. [La lex Julia de adulteriis 27 retira au mari le pouvoir de vie et de mort sur sa femme in manu, pour le donner en certains cas au père de cette dernière ; mais ce pouvoir n'était plus pour le père qu'une concession de la loi.] Tibère ne permit aux parents de juger les femmes qu'à
défaut d'un accusateur devant les JLDICiA P BLICA 28.
Cependant, Auguste avait été appelé par un père à siéger au tribunal de famille pour juger son fils29. Sous Néron, Pomponia Graecina fut jugée également par son père et le conseil de famille pour avoir embrassé des superstitions étrangères, peut-être la foi chrétienne, et acquittée 30 [Les droits du père sur l'enfant continuaient à servir de thème de déclamation dans les écoles 31.] Mais les constitutions impériales limitèrent formellement le jus castigationis du père aux simples voies de correction32; dans les cas plus graves, il devait recourir au gouverneur qui prononcerait la peine en prenant son avis. [Ulpien refuse formellement au père le droit de condamner son fils à mort33.] Constantin soumit à la peine du parricide le père meurtrier de son enfant 34. D'après une loi de Valentinien et de Valens en 365, au défaut du père, les parents plus âgés conservent sur les mineurs de vingtcinq ans un droit de correction (domestica emendatio), qui
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parait titre la dernière trace du judicium domesticum'.
JUGERUMI. Mesure de superficie en usage chez les Romains ; c'était leur principale mesure agraire. Ils appe laient accus quadratus ACTUS] un carré ayant 120 pieds sur chacun de ses côtés; cette surface représentait l'étendue de terre que deux boeufs sous le joug (jugum) pouvaient labourer en une demi-journée; en doublant la longueur de l'actes quadratus, on obtenait le jugerum, c'est-à-dire un rectangle de 240 pieds de long sur 120 de large, représentant le travail du jugum pendant la journée entière, soit 28 800 pieds carrés. Le jugerum vaudrait dans notre système métrique 25 ares 182'.
Pour trouver le rapport du jugerum (foûyspov) avec les mesures grecques, il faut partir du scripulum, qui avait une valeur de 100 pieds carrés, comme le PLETUItolv2.
JUGII 1 (End,: et ;uydv). Le joug consiste essen
tiellement en une pièce de bois qui passe sur les cornes, le cou ou les épaules de deux bêtes de trait pour les
réunir 1.
1. Joug des boeufs. La traction de la charrue ou des chariots se faisait exclusivement par le timon, et l'on ne voit jamais sur les monuments figurés aucune trace de traits. Homère, dans l'Iliade 2, décrit avec beaucoup de précision la manière dont le joug était joint au timon. Sa description, il est vrai, s'applique au joug des chevaux et des mulets, et nous devrons y revenir quand il sera question du joug des chevaux, mais il est certain qu'on peut l'étendre, au moins en ses traits généraux, au joug des boeufs. « Et du clou ils détachèrent le joug àlnulets fait de buis, avec une pommette (ôµpa),dev), bien garni d'anneaux (oir,xaaaty) ; puis avec le joug ils apportèrent le lien du joug (uydeat,.ov), long de neuf coudées; et ils assujettirent le joug au timon (Pu().w) bien travaillé, à l'extré
mité antérieure (17€iÉ7z's irpo'tir,), et par-dessus la cheville (s"d.oct) ils firent passer un anneau (xétxov). Trois fois
de chaque côté ils lièrent la courroie sur l'dlpa)dç, et ensuite ils l'attachèrent et firent passer l'extrémité du lien (y)ietyiva) par en dessous. » Tous ces détails ne peuvent se percevoir sur les monuments figurés : on ne voit ni l'ô~pa),dç ni l'anneau (xptxdç). La charrue antique reproduite à la figure 435 [ARA 1111[M] laisse voir à gauche et à droite du timon, sous le joug, deux anneaux (oidxac), mais on ne sait trop quelle confiance mérite cette figure donnée par Ginzrot' d'après un bas-relief de Magnésie, dont on ne possède pas l'original. En effet, on ne voit rien de tel dans les monuments bien authentiques. Il est possible que ces anneaux soient souvent remplacés par de simples trous pratiqués dans l'épaisseur du ,joug: On peut voir de semblables trous, servant sans nul doute à passer les lanières qui fixaient le joug sur les cornes
de l'animal et celles qui embrassaient son poitrail pour former une sorte de collier, sur le bronze d'Arezzo (fig. 436) connu sous le nom de Laboureur étrusque. Nous donnons
ici (fig. 4148) 4 le détail du joug vu de face. La dépression au milieu du joug
correspond au trou par lequel on introduisait la cheville qui traversait le joug et le timon. Faut-il voir une sorte d'ôu.pa),dçdans le très léger renflement qui limite cette dépression? Cela est possible, sans que l'on puisse l'affirmer.
D'ailleurs Pollux ne mentionne pas l'anneau dans sa description du joug, semblable pour le reste, si l'on ne tient pas compte des changements dans le vocabulaire, à celle d'llomère. « On appelle, dit-il, lyieootov, Lsadeeotov, ou isrd6otov la large courroie qui s'attache au joug. On fixe le joug en l'entourant de la courroie après avoir inséré dans son trou la cheville appelée Ë,tKpuov ou ivôsuov°. »
Le joug des boeufs était naturellement plus simple et plus rustique que le joug des chevaux. Il affecte toutefois plusieurs formes différentes. Du reste, il paraît avoir peu varié avec le temps. On trouve le joug droit, formé d'une simple barre de bois, aussi bien sur des monuments égyptiens 6 que
sur des bas-reliefs romains (fig. 1199, 19'i2)'. D'autres fois, le joug est légèrement recourbé aux extrémités, de manière à être assuré sur le cou de l'animal 8, Tel il est, un peu aminci aux extrémités, sur le bronze d'Arezzo (fig. 4148). Beaucoup plus souvent il a la forme d'un
parties viennent s'emboîter
entièrement sur l'encolure des deux bêtes de trait (séyai,) 9 (fig. 1114910, 1.133, 4131). C'est le jugum curvum't
Enfin le joug est quelquefois double. C'est la forme la plus perfectionnée ; il se compose alors d'un joug droit, sous lequel viennent s'adapter deux jougs recourbés qui emboîtent le cou (subjugum, aGy -c), et sont fixés audessous du poitrail, comme d'ailleurs les autres jougs, par des lanières (aÉnaava'2, quelquefois euyTiipsçf3, lord subjugia L4). L'ensemble du joug de dessous et des courroies forme un collier complet. Le modèle le plus parfait de ce type permettait, en avançant ou en reculant vers la gauche ou la droite le joug de dessous au moyen de chevilles, d'augmenter ou de diminuer l'effort de l'un des deux animaux, plus ou moins vigoureux que son coin
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pagnon, en vertu d'une loi mécanique exposée par Vitruve' et qui se rapporte à la théorie du levier. Le même résultat pouvait être obtenu d'une manière plus primitive par le simple déplacement des courroies
(,É7vaôvŒ) le long du joug droit ou infléchi à ses extré
mités. Un manuscrit d'Hésiode, à Florence, montre un joug double tel que nous venons de le décrire2. Quelquefois un épais bourrelet protège le cou contre les blessures du joug (fig. 1195)
Le joug était tantôt fixé sur les cornes (fig. 433)3, tantôt posé sur les épaules. Cicéron 4 observe que le cou du boeuf est fait pour le joug, et Columelle ° recommande la seconde manière de préférence à la première, en usage dans certaines provinces. « Car, dit-il, la force de ces animaux réside dans le cou et non dans les cornes. Dans la première position, ils poussent (le tout le poids de leur corps; dans la seconde, ils sont tourmentés et souffrent beaucoup, ayant leur tête constamment ramenée en arrière. » Pline fait la même remarque
Les monuments permettent de s'assurer qu'en dépit des agronomes les deux usages se maintinrent La colonne Trajane 7 montre des boeufs attachés au joug par les cornes, et l'on en voit encore aujourd'hui.
Le joug devait être d'un bois résistant. Homère parle de joug en buis 8 et Virgile recommande l'usage du tilleul, bois moins solide mais plus souple, plus léger et susceptible de recevoir un beau poli'. Il y en avait aussi en frêne, en érable et en charme 1''. En Italie, tes jougs les plus renommés étaient fabriqués à Rome''
Lorsque le travail était terminé, le laboureur relevait la charrue sur le joug, comme Virgile le remarqueL2 et comme on peut le voir sur une monnaie de la gens Cassia "
Columelle14 et Varron" recommandent d'habituer de bonne heure les bœufs à porter le joug, parce que plus tard il y seraient rebelles. On fabriquait même pour ce dressage des jougs triples et l'on encadrait ainsi le bouvilion entre deux animaux expérimentés i6
II. Joug des chevaux. Le joug des chevaux ne diffère
pas dans ses éléments et dans ses variétés de celui des bœufs. Mais en raison de la délicatesse du cheval, de l'élégance qu'on a toujours apportée au harnachement de cet animal, enfin de la précision plus grande et de la rapidité des mouvements que l'on exige de lui, le joug équestre est souvent plus compliqué d'accessoires variés.
Il présente les diverses formes que nous avons déjà signalées. Le joug droit, ou simple barre de bois, se rencontre à toutes les époques. On peut voir dans la salle Assyrienne du Musée du Louvre plusieurs bas-reliefs où figurent des jougs droits. Sur un de ces bas-reliefs, qui porte le numéro 25, un char dételé, porté à bras par plusieurs hommes, possède un timon qui se termine par les deux bras d'un joug droit amorti en têtes d'animaux; un autre est disposé de la même manière, mais aux extrémités du joug sont fixées deux petites barres transver
sales ; sur un autre bas-relief 17, deux chars dételés sont munis, l'un d'un joug faisant la croix avec le timon, l'autre d'un joug qui termine le timon, mais pourvu de tiges de bois disposées en V à gauche et à droite (fig. 213, connus). bous retrouvons en Grèce et à Rome le joug droit, notamment sur des vases où le char n'est pas attelé de chevaux, comme le char de Triptolème traîné par
des serpents(fig.h150)'sou celui de Vénus par des Amours1°. Le premier joug est surmonté de deux pièces de bois carrées, percées de trous par lesquels passent les rênes, et placées à égale distance du timon (fig. 4.150). Mais il n'est pas moins
enlplo-'é dans la réalité, comme le montrent des bas-reliefs grecs ou romains 20 (fig.1195), peintures de Pompéi (fig.4151)
un grand nombre de monnaies impériales 22 et d'autres monuments(fig.1536). J
Il a donc été employé de tout
temps dans l'antiquité. Les différences que l'on y relève sont de peu d'importance. C'est probablement cette forme de joug que les Romains appelaient statera, à cause de sa ressemblance avec le levier de cette sorte de peson".
La forme du joug droit, relevé à ses extrémités, se montre rarement24. Le joug courbe est de beaucoup le plus souvent employé. On le retrouve partout et dans tous les temps. C'est le joug ordinaire des chars égyptiens et assyriens, sans doute aussi des chars grecs, bien qu'il soit difficile de s'en rendre compte, le joug étant
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presque toujours dissimulé, et c'est encore lui que portent les bêtes de trait de l'armée romaine. Si l'on compare le joug du char égyptien du Musée de Florence (fig. 2198) avec le joug du bas-relief de Magnésie (fig. 1.35), avec une peinture de Pompéi qui représente un chariot chargé d'une grande outre, dont les mulets sont dételés (fig. 4112) ', enfin avec la figure souvent reproduite d'un manuscrit de Térence au Vatican 2, on peut se rendre compte que les siècles n'ont guère apporté de modification à cette sorte de joug. Il offre du reste plusieurs types : le plus simple est une barre de bois courbe qui épouse la forme du col de chacun des deux
animaux, comme le montre une peinture des bains (le Titus, à Rome (fig. 4153) ; au delà de l'arc, la barre du joug redevient horizontale. Souvent le joug se relève plus ou moins à ses extrémités, ou même se contourne en forme de cornes ou de cou de cygne, comme on le voit dans les chars égyptiens et assyriens, ce que les Grecs appellent x oysjv(exot 4. Cette forme existe aussi pour les chars grecs et romains, comme le prouvent le texte même de Pollux et les monuments. Celui que
reproduit la figure 4134, trouvé, en 1868, à Chianciano, est en bronze (voir aussi fig. 2212) : c'est un joug de ce type, lié à un timon terminé en tète de griffon 6. Dans la plupart des peintures de vases, où des chars sont vus de
profil, il est difficile de discerner si le simple joug courbe, ou au contraire celui que nous venons de décrire, était le plus souvent employé. En revanche, la quatrième forme de joug, composée d'un joug droit et d'un joug recourbé
fixé au-dessous, se discerne aisément sur un certain nombre de vases où l'attelage est vu de face. La figure 4155 permet de se bien rendre compte de la disposition de ce joug, dont des courroies, attachées à l'extrémité du subjugium, complètent le collier 6.
Les deux chevaux timoniers étaient seuls sous le joug, comme nous l'avons dit. C'est pourquoi on les
appelait uyt^;x(, uy(ot 7, jugales 8, par opposition aux
chevaux de volée reliés au char par un trait et appelés
Toute la traction des chevaux timoniers se faisait ordinairement par le joug et le timon, à l'aide de la courroie passant sous le poitrail Il n'y avait pas alors de trait, et c'est le cas le plus habituel. Aussi, lorsque le joug ou le timon se brisaient, le char restait immobile, tandis que les chevaux continuaient leur course ensemble ou séparément 1". Quelquefois, cependant, il y a en outre un trait qui rattache, sur le côté extérieur, le joug au char (fig. 2219) ". C'est ce que l'on peut remarquer souvent sur les chars assyriens.
On a vu que le joug était d'abord posé sur le timon, puis fixé au timon au moyen d'une cheville, d'un anneau passé par-dessus la cheville, enfin d'une courroie. Très peu de monuments présentent avec quelque certitude le détail complet de cet arrangement. La courroie est assez souvent visible (fig. 41h5, 2209). Dans la figure 2216, tirée d'un bas-relief romain, on ne voit ni l'anneau, ni la cheville, soit que le joug soit attaché directement au limon (la description d'llomère serait surtout applicable aux chars de guerre figurés sur les vases peints), soit que la tête de la cheville qui empêche le joug de glisser le long du timon, ainsi que l'anneau, soit cachée. D'après Ilomère, la courroie s'enroule autour de 1 ti.?x),(h. Or, nous ignorons ce qu'il faut entendre au juste par i,gpa).d,. Il est probable, étant données les nombreuses différences de détail que l'on relève dans la forme et la disposition des jougs, que ce terme peut être pris dans un sens assez large. Il faut écarter l'hypothèse d'après laquelle la haute
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tige que l'on voit souvent se dresser au milieu du harnachement et qui est reliée à l'antyx du char par une courroie, serait soit l'ôl.t.p Lig, soit la tète de la cheville 1. On a montré [cunnus, p. 16381 que cette tige n'est que l'extrémité relevée du timon, ainsi qu'il ressort de la vue des chars de guerre sur les vases du Dipylon (fig. 2203 ; cf. 2201, 2207 . Nous reconnaîtrons donc l'ôfl.paM; dans le renflement que présente souvent le joug à l'endroit oit pénètre la cheville, qu'il y ait ou non un bouton à cette place, mais nous ajouterons que n'importe quel arrêt peut tenir lieu d'li.pa),ds proprement dit. Il peut être remplacé par un piquet ou même par la tête de la cheville. La netteté de dessin du char de Zeus sur le vase François 2 permet à la fois d'éviter la confusion que l'on a quelquefois établie entre l'extrémité du timon et celle de la cheville, et d'assez bien distinguer la manière dont l'anneau est passé sur la cheville. Il semble qu'ici l'anneau fasse partie du joug et qu'une fois la cheville
introduite, on le rabatte par-dessus cette cheville (fig. 4156)2. On peut comparer au char de Zeus sur le vase Francois, ceux que l'on voit dans d'autres peintures oit l'anneau apparaît assez dégagé pour ne pas se confondre avec d'autres parties du joug ou du harnais, par exemple le char figuré sur une eenoehoé à peinture noire du Musée de Berlin 4. La disposition est exactement la même. Le lien passait autour de la cheville, mais laissait l'anneau libre La description d'IIomère se trouve donc réalisée dans ces deux exemples.
Quant aux rênes, réunies en faisceau par un anneau ou un lien à mi-chemin entre le joug et la main du conducteur, elles ne passaient pas nécessairement par l'anneau du joug, mais elles étaient maintenues dans la bonne direction, soit par les extrémités relevées du joug, comme cela est marqué surtout pour les chars assyriens, soit par des piquets plantés dans le bois du joug (fig. 2213) 5, soit passées dans des anneaux ('t' xc;, ôxr.-ratot)6, également fixés au joug, à l'extrémité des tiges dont nous allons parler, qui le soutiennent près de la tète du timon, ou sur le joug même à quelque distance (fig. 4156). Outre la cheville et la courroie, le joug était souvent assuré sur le timon par deux fourchons qui, partant de celui-ci en s'écartant, venaient à gauche et à droite s'appuyer sous le joug (fig. 4155) 7. Cette disposition
(ô(xpuv, (izTFov, GTrFtyyoç) 8, qui existe déjà quelquefois
dans le joug assyrien a, se rencontre aussi en Égypte, où
nous trouvons un type de fourchons beaucoup plus allongés 10, puis en Étrurie" et dans l'Italie méridionale 12, aussi bien qu'en Grèce.
Le joug était tantôt placé très haut, franchement sur le cou du cheval, et dans ce cas la crinière s'échappait le long du joug 12, tantôt beaucoup plus bas, comme nous l'avons vu sur le vase François (fig. 4156), ce qui paraît plus naturel, le cheval tirant par le poitrail et les épaules et non par le cou. Ce sont là deux modes d'attelage qui ne dépendent pas de la chronologie : comme les chevaux assyriens, les chevaux du cirque dans les mosaïques de Lyon el: de Barcelone (fig. 1520, 1523) portent le joug haut placé ; la mosaïque de Barcelone présente même des exemples des deux manières. Il en est de même pour les vases à peintures noires et à peintures rouges.
Des précautions devaient être prises pour que le joug ne blessât pas les chevaux. Dans une foule de monuments, surtout de bas-reliefs, on ne voit cependant ni coussinet, ni sellette qui amortisse la dureté et le frottement du joug. Il est probable qu'il faut altribuer cette absence dans le plus grand nombre des cas au procédé de l'artiste qui simplifie ; en effet, il. est à remarquer que plus les monuments sont anciens et plus les détails sont rendus avec naïveté el; exactitude. 11 est à peine besoin d'indiquer des exemples de ces sellettes et de ces coussinets, car il n'est guère de char représenté sur les vases peints qui n'en offre quelqu'un (fig. 2219 et 2220). Chez les Assyriens, le joug est habituellement posé sur une sorte de caparaçon qui recouvre une grande partie du chevali4. Un bas-relief du trésor de Cnide, à Delphes, récemment découvert et représentant le combat des dieux et des géants, montre de profil un joug droit posé sur une sellette 15. Ailleurs, ce sont des coussinets qui empêchent le joug, en ballottant, de heurter le cou du cheval (fig. 2219, 2220)76; ailleurs encore (fig. 1195), une sorte de matelas est fixé à la partie inférieure du joug, à peu près comme de nos jours on entasse des chiffons entre la tête du boeuf et le joug.
Le joug était généralement fait en bois. Cependant, puisque Homère dit que le joug du char d'lléra et de celui d'Ilélios étaient d'or, on peut admettre qu'il y avait des jougs en métal '7. Ce n'est donc pas nécessairement par métaphore que Clau dieu parle de .juga ferrea 1R
Le joug, comme l'extrémité du timon, recevait parfois des ornements. Ainsi Quinte-Curce 19, décrivant le char de Darius, dit que le joug en était rehaussé de pierreries et que deux figures d'or hautes d'une coudée, représentant Bel et Ninus, le surmontaient, tandis qu'entre les deux planait un aigle aux ailes étendues. Nous avons fait mention d'un joug assyrien à têtes d'animaux.
III. Jugum, âac)3,a 20, vâpopov 21. On désignait sous ces
noms une barre de bois que l'on posait sur l'épaule et qui servait à porter des fardeaux en équilibre22. Cette barre était tantôt droite, tantôt légèrement arquée et
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infléchie à ses extrémités. Lorsqu'elle était droite, elle pouvait être portée par deux hommes' (fig. 4157); le
fardeau était alors suspendu non plus aux extrémités, mais au centrez (fig. 725, 192-11).
IV. Le juqum ignominiosunl sous lequel passait une
armée vaincue était composé de deux javelots fichés en terre et rejoints transversalement par un troisième 3.
Les soldats défilaient sans armes, parfois même à demi nus °. Pour passer, ils étaient obligés de ployer le corps. En tète marchaient les officiers, suivant leur grade, dans le même appareil humiliant que les soldats ; puis venait le gros de la troupe G. Les ennemis faisaient la haie sur le passage des vaincus et leur prodiguaient les railleries'. Cette cérémonie dégradante n'allait même pas sans (langer pour ceux qui la subissaient. C'est ainsi qu'après le désastre de Caudium (433 de Rome), quand les Samnites firent passer sous le joug l'armée romaine, un grand nombre de soldats romains, dont la fière attitude déplaisait aux vainqueurs, furent frappés à coups d'épée et quelques-uns même périrent 8.
On voit par l'histoire d'llorace qu'aux temps primitifs de Rome le joug pouvait être infligé comme peine à un particulier'.
V. Partie de la chaussure appelée xoi),a û7oôlh.mrz, qui couvrait les ongles du pied".
VI. Traverse qui réunissait les deux bras de la lyre et à laquelle étaient attachées les chevilles il [LIRA[.
VII. Mesure de grandeur considérée comme unité im
posable [CAPUT, p. 913].
VIII. Soutien de la vigne [VISLA].
IX. Fléau de la balance [LIBRA].
X. Barre transversale du métier de tisserand [TELA]. Xl. Banc de rameurs dans un bateau"
XII. Poutres liant les deux côtés d'un navire sous les planchers des ponts"
XIII. Jugum est le nom quelquefois donné à la prestation des chevaux pour l'armée ou collatio quorum". On ne sait à peu près rien de cette prestation avant l'époque à laquelle appartiennent les lois contenues dans le Code Théodosien.
D'après ce code, la prestation des chevaux se faisait tantôt en nature, tantôt en espèces. Quand elle avait lieu en nature, les conditions requises pour Page, la taille, la qualité des chevaux, étaient fixées par un édit et un officier spécial, le STIIATOR, était chargé d'examiner les animaux et d'en prendre livraison''. Au-dessus du strator étaient le tribunus stabuli 16 et le cornes stabuli 17. Pour chaque cheval ainsi réquisitionné, l'usage était établi d'ajouter deux sols pour le tomes stabuli. Ce prélèvement fut supprimé par Honorius 18. Quand la prestation se faisait en espèce, la taxe de rachat était fixée par un édit et varia suivant les temps et les lieux. Ainsi, nous voyons la taxe fixée pour l'Orient à vingt-trois sols par Valentinien et Valens1°, à vingt sols pour l'Afrique par Arcadius et Honorius 20, àdix-huit pour la Numidie, à quinze pour laByzacène21. Sur cette somme, chaque cavalier percevait sept sols pour se procurer un cheval22. On préférait parfois cette seconde forme de prestation, parce qu'ainsi on évitait la fraude sur la qualité des animaux livrés et parce qu'elle était moins nuisible à l'agriculture, lorsque les circonstances obligeaient à la renouveler fréquemment 23.
Cette contribution énorme pesait lourdement sur les populations et surtout sur les colons. Aussi est-elle souvent l'objet de demandes en exemption et une occasion de largesse de la part du prince 24.
Il ne faut pas confondre la collatio equorum avec l'oblaIio equorum, impôt particulier aux dignitaires honoraires. Par exemple, le titre de ex comite entraînait le don de trois chevaux en état de servir à l'armée et ce don se répétait tous les cinq ans ; le titre de ex praeside entraînait le don de deux chevaux dans les Inêmes conditions, également tous les cinq ans".
Y avait-il des dispenses pour l'oblatio equorum? Le Code Théodosien est muet sur ce point, et c'est peu probable, puisque c'était en somme une atténuation à la collatio. En revanche, les dispenses pour le juqum ou collatio equorum y sont mentionnées. Les grands dignitaires de la maison impériale et un assez grand nombre de hauts fonctionnaires ou de privilégiés, officiers supérieurs, professeurs, etc., étaient dispensés de la collalio quorum" en même temps que de la collatio tironum ou prestation d'un soldate'. Cette dispense était accordée non seulement pour le temps que le fonctionnaire était en charge, mais à vie28.
On a retrouvé un certain nombre de plaques oblongues, aux extrémités latérales découpées en queue d'aronde et percées de trous, comme si ces plaques devaient être suspendues. Elles portent un nom propre tantôt au datif, tantôt au génitif. La plupart de ces noms propres appartiennent à de grands personnages, empereurs, impératrices, hauts fonctionnaires. Quatre d'entre elles fournissent l'explication des autres. En effet, après le nom propre, on lit le mot immunis, ce qui fournit déjà une indication assez claire, bien qu'incomplète; mais l'une d'elles porte en outre les mots in jugo que l'on doit donc supposer sousentendus dans les autres inscriptions de cette nature. On en conclut que ces plaques devaient être suspendues au
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cou des chevaux dont lesmaitres échappaient à la collant) equorum et qu'elles indiquaient la dispense au strator chargé du recensement et de la levée des chevaux. L'une de ces inscriptions est ainsi conçue : Fl(avii) Xysti ex p. p. le ge) et recede. Ces derniers mots sont à l'adresse du strator. Une de ces plaques, qui porte le monogramme du Christ, indique qu'au Ive siècle la basilique de Saint-Paul, comme d'autres biens de l'Église, jouissait des immunités accordées à la maison impériale et aux plus hauts dignitaires de l'Empire.'Le Felicissimus pasteur, qui est mentionné, était sans doute le chef des bergeries appartenant